30 août 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-15.480

Chambre commerciale financière et économique - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2023:CO00537

Titres et sommaires

PROPRIETE INDUSTRIELLE - Brevets d'invention - Demande de brevet - Demande divisionnaire - Date limite pour déposer une seconde demande divisionnaire - Détermination - Date de paiement de la redevance de délivrance et d'impression du fascicule issu de la première demande divisionnaire

Les articles L. 612-4 et R. 612-34 du code de la propriété intellectuelle doivent être interprétés en ce sens que, dès lors que le déposant peut procéder au dépôt de demandes divisionnaires de sa demande de brevet d'origine, ainsi qu'au dépôt d'une ou plusieurs demandes divisionnaires sur la base d'une demande elle-même divisionnaire, la date limite pour déposer une seconde demande divisionnaire à partir d'une première demande divisionnaire correspond à la date de paiement de la redevance de délivrance et d'impression du fascicule du brevet issu de cette première demande divisionnaire. Viole ces textes la cour d'appel qui approuve le directeur général de l'INPl d'avoir déclaré irrecevable une seconde demande divisionnaire aux motifs qu'elle a été déposée après le paiement de la redevance de délivrance et d'impression du fascicule du brevet initial.

BREVET D'INVENTION ET CONNAISSANCES TECHNIQUES - Demande - Demande divisionnaire - Date limite pour déposer une seconde demande divisionnaire - Détermination

Texte de la décision

COMM.

SMSG



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 30 août 2023




Cassation


M. SOULARD, premier président



Arrêt n° 537 FS-B

Pourvoi n° Q 20-15.480




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 30 AOÛT 2023

La société Kubota Corporation, société de droit japonais, dont le siège est [Adresse 3] (Japon), a formé le pourvoi n° Q 20-15.480 contre l'arrêt rendu le 22 novembre 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 2), dans le litige l'opposant au directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle (INPI), domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.

En présence de :

- la Compagnie nationale des conseils en propriété industrielle dont le siège est [Adresse 1].

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Champalaune, conseiller, les observations de la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat de la société Kubota Corporation, de la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat de la Compagnie nationale des conseils en propriété industrielle, et l'avis de Mme Texier, avocat général, après débats en l'audience publique du 6 juin 2023 où étaient présents M. Soulard, premier président, M. Vigneau, président, Mme Champalaune, conseiller rapporteur, Mme Darbois, conseiller doyen, Mmes Poillot-Peruzzetto, Michel-Amsellem, conseillers, Mmes Comte, Bessaud, Bellino, M. Regis, conseillers référendaires, Mme Texier, avocat général, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application des articles R. 431-1 et R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des premier président, président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Intervention

1. Selon les articles 327 et 330 du code de procédure civile, les interventions volontaires ne sont admises devant la Cour de cassation que si elles sont formées à titre accessoire, à l'appui des prétentions d'une partie et ne sont recevables que si leur auteur a intérêt pour la conservation de ses droits à soutenir cette partie. La Compagnie nationale des conseils en propriété industrielle ne justifiant pas d'un tel intérêt dans ce litige, qui n'est pas susceptible d'affecter les droits de l'ensemble de ses membres, son intervention volontaire n'est pas recevable. En effet, la question posée est relative aux conditions de dépôt d'un brevet divisionnaire de nature à créer des droits dans le seul chef des déposants et non dans celui de leur conseil.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 22 novembre 2019), le 21 mars 2008, la société Kubota Corporation (la société Kubota) a déposé une demande de brevet initiale enregistrée sous le numéro 08 51869. Le 22 avril 2015, elle a déposé une première demande divisionnaire n° 15 53600. Enfin, le 1er mars 2018, elle a déposé une seconde demande divisionnaire n° 18 51806.

3. Par une décision du 27 août 2018, contre laquelle la société Kubota a formé un recours, le directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle (l'INPI) a déclaré irrecevable la seconde demande divisionnaire.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. La société Kubota fait grief à l'arrêt de rejeter son recours, alors « qu'aux termes de l'article R. 612-34 du code de la propriété intellectuelle, jusqu'au paiement de la redevance de délivrance et d'impression du fascicule du brevet, le déposant peut, de sa propre initiative, procéder au dépôt de demandes divisionnaires de sa demande de brevet initiale ; qu'en application de ce texte, le déposant a la possibilité non seulement de procéder au dépôt de demandes divisionnaires de sa demande de brevet d'origine (A), mais également de déposer ensuite une ou des demandes divisionnaires (C) sur la base d'une demande elle-même divisionnaire (B) ; que dans cette dernière hypothèse, la date limite pour déposer une seconde demande divisionnaire (C) à partir d'une première demande divisionnaire (B) correspond à la date de paiement de la redevance de délivrance et d'impression du fascicule du brevet issu de cette première demande divisionnaire (B), et non du brevet issu de la demande d'origine (A) ; qu'en considérant, au contraire, que "le terme de ‘brevet'qui renvoie, dans le texte de l'article R. 612-34 susvisé, à l'expression de ‘demande de brevet initiale' contenue dans la même phrase, désigne la première demande de brevet avant toute division, qui fixe ainsi une date de dépôt applicable à toutes les demandes divisionnaires postérieures", et en jugeant, en conséquence, que c'est à juste titre que le directeur général de l'INPI a retenu que la seconde demande divisionnaire présentée par la société exposante était irrecevable pour avoir été déposée après le paiement de la redevance de délivrance et d'impression du fascicule du brevet issu de la demande d'origine n° 08 51869, la cour d'appel a violé les articles L. 612-4 et R. 612-34 du code de la propriété intellectuelle. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 612-4 et R. 612-34 du code de la propriété intellectuelle :

5. Aux termes du premier de ces textes, la demande de brevet ne peut concerner qu'une invention ou une pluralité d'inventions liées entre elles de telle sorte qu'elles ne forment qu'un seul concept inventif général. Toute demande qui ne satisfait pas aux dispositions de l'alinéa précédent doit être divisée dans le délai prescrit ; les demandes divisionnaires bénéficient de la date de dépôt et, le cas échéant, de la date de priorité de la demande initiale.

6. Aux termes du second, jusqu'au paiement de la redevance de délivrance et d'impression du fascicule du brevet, le déposant peut, de sa propre initiative, procéder au dépôt de demandes divisionnaires de sa demande de brevet initiale.

7. Il résulte de la pratique relative à l'examen des demandes divisionnaires de l'Office européen des brevets, telle qu'elle figure dans les directives relatives à l'examen pratiqué par cet office, dans leur version entrée en vigueur le 1er novembre 2018 (Partie A, Chapitre IV, 1.1.1), que, pour l'application des articles 76 de la Convention de Munich sur la délivrance des brevets européens du 5 octobre 1973 et 36 du règlement d'exécution de cette convention, l'expression « demande antérieure » fait référence à la demande la plus proche sur laquelle la demande divisionnaire est fondée, cette expression s'étant substituée à celle de « demande initiale » figurant dans l'article 76 précité, avant sa révision par un acte du 29 novembre 2000.

8. Ainsi que l'arrêt le relève, jusqu'en 2011, l'INPI acceptait le dépôt d'une nouvelle demande divisionnaire jusqu'à la date de paiement de la redevance de délivrance et d'impression du fascicule du brevet issu d'une première demande divisionnaire.

9. L'intérêt tant d'une interprétation convergente de textes européens et nationaux, poursuivant la même finalité de protection des innovations, que du maintien, pour la sécurité des inventeurs, d'une pratique de l'INPI, fondée sur des textes qui n'ont pas été modifiés par le législateur, commande de retenir, dès lors que le déposant peut procéder au dépôt de demandes divisionnaires de sa demande de brevet d'origine, ainsi qu'au dépôt d'une ou plusieurs demandes divisionnaires sur la base d'une demande elle-même divisionnaire, que la date limite pour déposer une seconde demande divisionnaire à partir d'une première demande divisionnaire corresponde à la date de paiement de la redevance de délivrance et d'impression du fascicule du brevet issu de cette première demande divisionnaire.

10. Pour rejeter le recours de la société Kubota, l'arrêt retient que, dans l'article R. 612-34 du code de la propriété intellectuelle, le terme de brevet renvoie à l'expression « demande de brevet initiale » contenue dans la même phrase, désigne la première demande de brevet avant toute division et fixe ainsi une date de dépôt applicable à toutes les demandes divisionnaires postérieures, sans laisser place à aucune autre interprétation de ce texte. Il en déduit que, dès lors que la seconde demande divisionnaire formée par la société Kubota a été déposée le 1er mars 2018 après le paiement de la redevance de délivrance et d'impression du fascicule du brevet initial n° 08 51869, intervenu le 24 avril 2015, le directeur général de l'INPI a justement déclaré cette demande irrecevable.

11. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

Déclare irrecevable l'intervention volontaire de la Compagnie nationale des conseils en propriété industrielle ;

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 novembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Laisse les dépens à la charge du Trésor public ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le premier président en son audience publique du trente août deux mille vingt-trois.

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