13 juillet 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-23.747

Troisième chambre civile - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2023:C300553

Titres et sommaires

CONTRAT D'ENTREPRISE - Sous-traitant - Action en paiement - Action directe contre le maître de l'ouvrage - Conditions - Mise en demeure préalable de payer de l'entrepreneur principal - Liquidation judiciaire de l'entrepreneur principal - Production au passif de cet entrepreneur - Valeur de mise en demeure

A défaut de mise en demeure préalable à la liquidation judiciaire de l'entrepreneur principal, le sous-traitant est tenu de déclarer sa créance au passif de cette liquidation pour exercer l'action directe contre le maître de l'ouvrage, prévue à l'article 12 de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975, cette déclaration de créance valant mise en demeure

Texte de la décision

CIV. 3

SG



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 13 juillet 2023




Cassation sans renvoi


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 553 FS-B

Pourvoi n° W 21-23.747




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 13 JUILLET 2023

M. [L] [R], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° W 21-23.747 contre l'arrêt rendu le 9 août 2021 par la cour d'appel de Versailles (4e chambre), dans le litige l'opposant à la Société moderne des terrassements parisiens, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Brun, conseiller référendaire, les observations de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de M. [R], de la SCP Yves et Blaise Capron, avocat de la Société moderne des terrassements parisiens, et l'avis de M. Brun, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 juin 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Brun, conseiller référendaire rapporteur, M. Delbano, conseiller doyen, Mme Farrenq-Nési, M. Boyer, Mme Abgrall, conseillers, Mme Djikpa, M. Zedda, Mmes Vernimmen, Rat, conseillers référendaires, M. Brun, avocat général, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 9 août 2021), et les productions, M. [R] (le maître de l'ouvrage) a confié la réalisation de travaux à la société Mag (l'entrepreneur principal), qui en a sous-traité une partie à la Société moderne des terrassements parisiens (le sous-traitant).

2. Par jugement du 12 juin 2014, l'entrepreneur principal a été mis en liquidation judiciaire immédiate sans avoir réglé le solde du marché au sous-traitant.

3. Ayant adressé en vain, le 6 octobre 2014, une lettre mettant en demeure l'entrepreneur principal de lui payer le solde du marché, le sous-traitant a exercé l'action directe à l'encontre du maître de l'ouvrage.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen relevé d'office

5. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2 du même code.

Vu l'article 12, alinéas 1 et 3, de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 :

6. Selon ce texte, le sous-traitant a une action directe contre le maître de l'ouvrage si l'entrepreneur principal ne paie pas, un mois après en avoir été mis en demeure, les sommes qui sont dues en vertu du contrat de sous-traitance ; copie de cette mise en demeure est adressée au maître de l'ouvrage. Cette action directe subsiste même si l'entrepreneur principal est en état de liquidation des biens, de règlement judiciaire ou de suspension provisoire des poursuites.

7. Il est jugé que lorsque l'entrepreneur principal a été mis en liquidation judiciaire, le sous-traitant est tenu pour exercer l'action directe, prévue à l'article susvisé, contre le maître de l'ouvrage, d'adresser à celui-ci une copie de sa production au passif de l'entrepreneur principal, cette production tenant lieu de mise en demeure (Com., 12 mai 1992, n° 89-17.908, Bull, 1992 IV, n° 178 ; Com, 9 mai 1995, pourvoi n° 93-10.568, Bull 1995, IV, n° 131).

8. Pour condamner le maître de l'ouvrage à payer une certaine somme au sous-traitant ayant agi directement contre lui, l'arrêt retient que ce dernier démontre avoir adressé à l'entrepreneur principal, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 6 octobre 2014, une mise en demeure de payer le solde du marché, la mise en liquidation judiciaire antérieure de l'entrepreneur principal étant indifférente.

9. En statuant ainsi, alors que faute de mise en demeure préalable à la liquidation judiciaire, seule la déclaration de créance vaut mise en demeure de l'entrepreneur principal, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

10. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

11. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

12. La mise en demeure adressée, le 6 octobre 2014, par le sous-traitant à l'entrepreneur principal, dessaisi de la gestion de ses biens à compter du prononcé de la liquidation judiciaire, est inefficace. En l'absence de déclaration de créance au passif de l'entrepreneur principal valant mise en demeure, l'action directe exercée par le sous-traitant contre le maître de l'ouvrage est irrecevable.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 9 août 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

DECLARE irrecevable la Société moderne des terrassements parisiens en son action directe en paiement formée contre M. [R] ;

Condamne la Société moderne des terrassements parisiens aux dépens, en ce compris ceux exposés devant la cour d'appel ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize juillet deux mille vingt-trois.

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