6 juillet 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-25.667

Deuxième chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2023:C200778

Titres et sommaires

INDEMNISATION DES VICTIMES D'INFRACTION - Préjudice - Réparation - Réparation intégrale - Pertes de droits à la retraite - Licenciement pour inaptitude - Effets

Une victime, licenciée en raison d'une inaptitude imputable à un fait dommageable ayant entraîné une perte de gains professionnels futurs totale, subit nécessairement, en l'absence d'éléments contraires, une diminution de ses droits à la retraite, lesquels ne dépendent pas uniquement du nombre des trimestres d'assurance vieillesse validés. Viole en conséquence le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime, la cour d'appel qui, pour rejeter la demande formée au titre de la perte de droits à la retraite, retient que les indemnités journalières et les périodes de chômage indemnisées donnent lieu à la validation de trimestres d'assurance vieillesse pour la retraite de base

SECURITE SOCIALE, ASSURANCES SOCIALES - Vieillesse - Pension - Pertes de droits à la retraite - Liencenciement pour inaptitude - Effet

Texte de la décision

CIV. 2

LM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 6 juillet 2023




Cassation partielle


Mme LEROY-GISSINGER, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 778 F-B

Pourvoi n° G 21-25.667



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 JUILLET 2023

M. [J] [H], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° G 21-25.667 contre l'arrêt rendu le 23 septembre 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 12), dans le litige l'opposant au Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions, dont le siège est [Adresse 1], défendeur à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Pedron, conseiller, les observations de la SCP Gouz-Fitoussi, avocat de M. [H], de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat du Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions, et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 31 mai 2023 où étaient présents Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Pedron, conseiller rapporteur, Mme Isola, conseiller, et M. Carrasco, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 23 septembre 2021), à la suite d'une agression subie sur son lieu de travail le 4 décembre 2013 alors qu'il était âgé de 52 ans, prise en charge au titre de la législation du travail, M. [H] a saisi une commission d'indemnisation des victimes d'infractions en réparation de ses préjudices.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches


2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.


Mais sur le moyen, pris en ses première et quatrième branches

Enoncé du moyen

3. M. [H] fait grief à l'arrêt de lui allouer la seule somme de 15 000 euros au titre de l'incidence professionnelle, alors :

« 1°/ qu'en jugeant, pour débouter M. [H] de sa demande au titre des pertes de droit à la retraite qu'il subissait à raison de ce que, du fait de l'accident, il a été licencié pour inaptitude, qu'il ne démontrait pas l'incidence sur des droits à la retraite, après avoir pourtant constaté que la perte de son emploi étant imputable à l'agression dont il a été victime et qu'il a subi une perte de gains professionnels future totale, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations a violé l'article L. 1142-1, II, du code de la santé publique et le principe d'une réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime ;

4°/ qu'en se bornant à affirmer que les indemnités journalières et les périodes de chômage indemnisées donnaient lieu à la validation de trimestres d'assurance vieillesse pour la retraite de base, sans rechercher, comme elle y était invitée, si en raison de l'accident le montant de la retraite de M. [H] serait inférieur à celui qu'il aurait eu en l'absence de cet accident, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, ensemble le principe de réparation intégrale du préjudice. »

Réponse de la Cour

Vu le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime :

4. Pour rejeter la demande formée par M. [H] au titre de la perte de droits à la retraite incluse dans le poste incidence professionnelle, l'arrêt énonce qu'aucune incidence sur les droits à la retraite de base n'est démontrée dès lors que, d'une part, M. [H] bénéficie d'une rente accident du travail qui continuera à être versée après qu'il aura fait valoir ses droits à la retraite, d'autre part, les indemnités journalières et les périodes de chômage indemnisées donnent lieu à la validation de trimestres d'assurance vieillesse pour la retraite de base.

5. En statuant ainsi, alors qu'elle relevait que M. [H], qui était âgé de 55 ans à la date de la consolidation, avait été licencié pour inaptitude le 23 mars 2016, que la perte de son emploi était imputable à l'agression dont il avait été victime et qu'il avait subi une perte de gains professionnels futurs totale, ce dont il résultait, en l'absence d'éléments contraires, qu'il avait nécessairement subi une diminution de ses droits à la retraite, qui ne dépendent pas uniquement du nombre des trimestres validés, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé le principe susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il alloue à M. [H], en réparation de son préjudice corporel la somme de 15 000 euros au titre de l'incidence professionnelle, l'arrêt rendu le 23 septembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Laisse les dépens à la charge du Trésor public ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions à payer à M. [H] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six juillet deux mille vingt-trois.

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