28 juin 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-13.317

Chambre commerciale financière et économique - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2023:CO00483

Titres et sommaires

UNION EUROPEENNE - Règlement (UE) n° 517/2014 du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 relatif aux gaz à effet de serre fluorés et abrogeant le règlement (CE) n° 842/2006 - Applicabilité directe - Mesures d'application nécessaires (non)

Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne qu'en vertu de l'article 288, alinéa 2, du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) et en raison même de la nature des règlements et de leur fonction dans le système des sources du droit de l'Union européenne, les dispositions des règlements ont, en général, un effet immédiat dans les ordres juridiques nationaux, sans qu'il soit besoin, pour les autorités nationales, de prendre des mesures d'application, mais que certaines de ces dispositions peuvent néanmoins nécessiter, pour leur mise en oeuvre, l'adoption de mesures d'application par les États membres. C'est donc à bon droit qu'une cour d'appel, ayant retenu que l'obligation prévue à l'article 11, § 5, du règlement (UE) n° 517/2014 du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 relatif aux gaz à effet de serre fluorés, ne nécessitait pas, pour sa mise en oeuvre, l'adoption de mesures d'application, en déduit qu'elle était directement applicable en France à compter du 1er janvier 2015

Texte de la décision

COMM.

FB



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 28 juin 2023




Rejet


M. VIGNEAU, président



Arrêt n° 483 F-B

Pourvoi n° E 22-13.317








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 28 JUIN 2023

La société Richardson, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° E 22-13.317 contre l'arrêt n° RG 19/03942 rendu le 12 janvier 2022 par la cour d'appel de Nîmes (4e chambre commerciale), dans le litige l'opposant à la société Ets Bellucci, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Bellino, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société Richardson, de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la société Ets Bellucci, après débats en l'audience publique du 16 mai 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Bellino, conseiller référendaire rapporteur, Mme Darbois, conseiller doyen, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 12 janvier 2022), la société Ets Bellucci (la société Bellucci), qui a pour objet le commerce de détail, gros et demi-gros d'appareils sanitaires, plomberie, chauffage, électroménager et climatisation, a assigné la société Richardson, dont l'objet comprend le négoce de matériel de chauffage, sanitaire et produits sidérurgiques, afin de voir juger qu'en se dispensant de respecter la réglementation applicable à la vente de climatiseurs « prêts à poser » préchargés en gaz fluoré, à système « split » ou « bi-bloc », constitués d'une unité externe et d'une unité interne, à raccorder lors de leur installation, cette société s'est placée dans une situation anormalement favorable par rapport à elle, et que ces faits sont constitutifs d'une faute caractérisant des actes de concurrence déloyale, demandant sa condamnation à lui payer des dommages et intérêts en réparation du préjudice économique subi du fait de ces actes.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa seconde branche


2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.


Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. La société Richardson fait grief à l'arrêt de dire que les dispositions du règlement (UE) n° 517/2014 étaient applicables sur le territoire français dès le 1er janvier 2015, de dire qu'en se dispensant, à compter du 1er janvier 2015, de respecter la réglementation applicable à la vente des climatiseurs préchargés à système « split » ou « bi bloc », elle s'est placée dans une situation anormalement favorable par rapport à la société Bellucci, de dire que les faits reprochés sont constitutifs d'une faute caractérisant des actes de concurrence déloyale, de dire qu'il s'en infère nécessairement un trouble commercial, générateur de préjudice et d'ordonner en conséquence une mesure d'expertise, alors « que faute de définir précisément et concrètement les obligations qui découlent, pour le vendeur, de l'interdiction générale qu'il pose, l'article 11, 5°, du règlement n° 517/2014 du 16 avril 2014 du Parlement et du Conseil, aux termes duquel "les équipements non hermétiquement scellés chargés de gaz à effet de serre fluorés ne sont vendus à l'utilisateur final que lorsqu'il est établi que l'installation sera effectuée par une entreprise certifiée conformément à l'article 10", n'a pas d'effet direct et ne peut être invoqué à l'encontre des personnes de droit privé tant que les mesures d'application nécessaires n'ont pas été adoptées par les États membres, qu'en retenant le contraire, pour dire que la société Richardson était tenue de s'assurer dès le 1er janvier 2015 que les climatiseurs vendus à des particuliers seraient installés par une personne disposant de la certification requise et qu'en ne satisfaisant pas à cette obligation elle s'était placée dans une situation anormalement favorable par rapport à la société Bellucci, la cour d'appel a violé l'article 288 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, ensemble l'article 11, 5°, du règlement n° 517/2014 du 16 avril 2014 du Parlement et du Conseil. »

Réponse de la Cour

4. Selon l'article 288, deuxième alinéa, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, un règlement est obligatoire dans tous ses éléments et est directement applicable dans tout État membre.

5. Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne qu'en vertu de cette disposition et en raison même de la nature des règlements et de leur fonction dans le système des sources du droit de l'Union, les dispositions des règlements ont, en général, un effet immédiat dans les ordres juridiques nationaux, sans qu'il soit besoin, pour les autorités nationales, de prendre des mesures d'application. Néanmoins, certaines de ces dispositions peuvent nécessiter, pour leur mise en œuvre, l'adoption de mesures d'application par les États membres (notamment arrêts du 11 janvier 2001, C-403/98, Monte Arcosu ; du 24 juin 2004, C-278/02, Handlbauer ; du 28 octobre 2010, C-367/09, Belgisch Interventie- en Restitutiebureau et SGS Belgium ; du 14 avril 2011, C-42/10, C-45/10 et C-57/10, Vlaamse Dierenartsenvereniging et Janssens ; du 15 mars 2017, Al Chodor, C-528/15 ; du 15 juin 2021, C-645/19, Facebook).

6. Après avoir énoncé que l'article 11, paragraphe 5, du règlement (UE) n° 517/2014 du 16 avril 2014 relatif aux gaz à effet de serre fluorés, lequel modifie et complète le règlement (CE) n° 842/2006 du 17 mai 2006 qu'il abroge, dispose que « les équipements non hermétiquement scellés chargés de gaz à effet de serre fluorés ne sont vendus à l'utilisateur final que lorsqu'il est établi que l'installation sera effectuée par une entreprise certifiée conformément à l'article 10 », l'arrêt retient que l'applicabilité de ce règlement n'est pas conditionnée à la mise en place ou l'adaptation par la France de programmes de certification, de formation et de procédures d'évaluation concernant l'installation desdits équipements, dès lors que, d'une part, le paragraphe 7 de l'article 10 du règlement prévoit que « les certificats et les attestations de formation existants, délivrés conformément au règlement (CE) n° 842/2006, demeurent valides, conformément aux conditions dans lesquelles ils ont été initialement délivrés » et que, d'autre part, l'article 5 du règlement n° 842/2006 organisait déjà la mise en place de programmes de formation et de certification, destinés tant aux entreprises qu'au personnel concernés par l'installation, la maintenance ou l'entretien des équipements en cause.

7. Il ajoute que l'interdiction, énoncée par l'article 11, paragraphe 5, du règlement précité n° 517/2014, de vente des équipements non hermétiquement scellés chargés de gaz à effet de serre fluorés à l'utilisateur final sans qu'il soit établi que l'installation sera effectuée par une entreprise certifiée, est claire et inconditionnelle et qu'elle n'est assortie d'aucune réserve subordonnant sa mise en oeuvre à un acte de droit interne.

8. Ayant ensuite relevé que le décret n° 2015-1790 du 28 décembre 2015 s'était borné à ajouter à l'article R. 543-84 du code de l'environnement la précision selon laquelle la cession par les distributeurs des équipements préchargés contenant des fluides frigorigènes et nécessitant, pour leur assemblage ou mise en service, le recours à un opérateur disposant d'une attestation de capacité, n'était autorisée qu'auprès des autres distributeurs, des opérateurs disposant de l'attestation de capacité, et des personnes justifiant avoir conclu, pour l'assemblage et la mise en service des équipements, un contrat auprès d'un opérateur disposant de l'attestation de capacité, l'arrêt en déduit, d'une part, que ce décret n'est pas, comme le soutient la société Richardson, le texte national permettant l'application du règlement n° 517/2014 et imposant, pour la vente des équipements en cause, que l'installation soit effectuée par une entreprise certifiée, mais qu'il a seulement eu pour objet de définir avec précision les modalités requises pour la preuve de ce fait, d'autre part, que si l'exigence de la production d'un tel contrat pour la vente aux particuliers de ces équipements n'est entrée en vigueur qu'au 31 décembre 2015, l'obligation de ne pas vendre des équipements non hermétiquement scellés chargés de gaz à effet de serre fluorés à un utilisateur final sans qu'il soit établi que l'installation soit effectuée par une entreprise certifiée, telle qu'imposée par le règlement n° 517/2014, était déjà applicable en France, à partir du 1er janvier 2015, conformément à l'article 27 de ce règlement.

9. En l'état de ces énonciations, constatations et appréciations, dont il résulte que l'obligation prévue à l'article 11, paragraphe 5, du règlement précité n° 517/2014 ne nécessitait pas, pour sa mise en oeuvre, l'adoption de mesures d'application, la cour d'appel a exactement retenu que cette disposition était directement applicable en France à compter du 1er janvier 2015.

10. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Richardson aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Richardson et la condamne à payer à la société Ets Bellucci la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit juin deux mille vingt-trois.

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