22 juin 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-19.179

Deuxième chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2023:C200680

Titres et sommaires

SECURITE SOCIALE, CONTENTIEUX - Preuve - Procès-verbaux des contrôleurs de la sécurité sociale - Opérations de contrôle - Redressement - Mise en demeure adressée à l'employeur - Justificatifs de garantie recouvrant les montants évalués - Défaut - Conséquences

Selon les articles L. 133-1 et R. 133-1-1 du code de la sécurité sociale, lorsqu'un procès-verbal de travail dissimulé a été établi à l'encontre de la personne contrôlée, l'inspecteur du recouvrement lui remet un document qui comporte l'évaluation des cotisations et contributions éludées. A la suite de cette remise, la personne contrôlée doit produire les éléments justifiant de l'existence de garanties suffisant à couvrir les montants évalués. A défaut, le directeur de l'organisme de recouvrement peut procéder à une mesure conservatoire, sans solliciter l'autorisation du juge de l'exécution. L'organisme de recouvrement adresse à la personne contrôlée la mise en demeure prévue par les articles R. 244-1 du code de la sécurité sociale et R. 725-6 du code rural et de la pêche maritime dans les quatre mois qui suivent l'exécution de la mesure conservatoire. Il en résulte que, par dérogation aux dispositions des articles L. 511-1 et R. 511-7 du code des procédures civiles d'exécution, la saisie conservatoire pratiquée, sur le fondement de la procédure dite de "flagrance sociale", n'est pas subordonnée à la justification de circonstances susceptibles de menacer le recouvrement de sa créance par l'organisme de recouvrement, lequel n'est pas tenu non plus de solliciter un titre exécutoire dans les conditions fixées par le second texte

SECURITE SOCIALE, CONTENTIEUX - Caisse - Opérations de contrôle - Cotisations - Redressement - Directeur de l'organisme de recouvrement - Pouvoirs - Etendue - Procédure dite de flagrance sociale

PROCEDURES CIVILES D'EXECUTION - Mesures conservatoires - Mesure pratiquée sans titre exécutoire - Validité - Travail dissimulé - Procédure dite de flagrance sociale - Cas

Texte de la décision

CIV. 2

CM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 22 juin 2023




Cassation partielle


Mme TAILLANDIER-THOMAS, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 680 F-B

Pourvoi n° F 21-19.179




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 22 JUIN 2023

L'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales d'Aquitaine, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° F 21-19.179 contre l'arrêt rendu le 6 mai 2021 par la cour d'appel de Bordeaux (2e chambre civile), dans le litige l'opposant à l'entreprise [1], exploitation agricole à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Leblanc, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales d'Aquitaine, de la SCP Spinosi, avocat de l'entreprise [1], et l'avis de Mme Tuffreau, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 16 mai 2023 où étaient présents Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Leblanc, conseiller rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller, et Mme Catherine, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 6 mai 2021), à la suite d'un contrôle de la société [1] (la société), l'URSSAF Aquitaine (l'URSSAF) a dressé un procès-verbal de travail dissimulé, puis a émis à son encontre, le 22 octobre 2019, un avis de redressement de cotisations pour la période du 15 janvier 2015 au 31 décembre 2017. Le directeur de l'URSSAF a ensuite fait procéder, le 31 juillet 2020, à une saisie conservatoire sur les comptes bancaires de la société.

2. La société a saisi un juge de l'exécution d'une demande de nullité et mainlevée de la saisie conservatoire.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. L'URSSAF fait grief à l'arrêt d'ordonner la mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée le 31 juillet 2020, alors :

« 1°/ que les règles spéciales l'emportent sur les règles générales auxquelles elles dérogent ; que la procédure de mesure conservatoire spéciale en matière de travail dissimulé, régie par les articles L. 133-1 et R. 133-1-1 du code de la sécurité sociale, exclut l'application des dispositions communes aux mesures conservatoires posées aux articles L. 511-1 à L. 511-4 du code des procédures civiles d'exécution ; qu'en jugeant au contraire que même dans le cadre de cette procédure spéciale, restent applicables les dispositions de l'article L. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution, qui exigent que le créancier prouve la menace portant sur le recouvrement de la créance lorsque le débiteur saisi le juge d'une demande de mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée, la cour d'appel a violé les articles L. 133-1 et R. 133-1-1 du code de la sécurité sociale par refus d'application, ensemble l'article L. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution par fausse application ;

2°/ que l'organisme de recouvrement mettant en oeuvre la procédure de mesure conservatoire spéciale en matière de travail dissimulé n'est pas tenu de prouver une menace pesant sur le recouvrement de sa créance, la condition de mise en péril du recouvrement des cotisations étant présumée, à charge pour le cotisant contrôlé d'apporter des éléments prouvant qu'il dispose de garanties suffisantes pour le recouvrement des montants évalués; que ce schéma probatoire vaut y compris devant le juge saisi d'une demande de mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée ; qu'en reprochant à l'URSSAF de ne produire aucun justificatif de la situation financière de la société ni de la menace du recouvrement de la créance, quand il appartenait au contraire à cette société de prouver, par la production de garanties, que cette menace n'existait pas, la cour d'appel a violé les articles L. 133-1 et R. 133-1-1 du code de la sécurité sociale par refus d'application et l'article L. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution par fausse application, ensemble l'article 1353 du code civil ;

3°/ que l'organisme de recouvrement mettant en oeuvre la procédure de mesure conservatoire spéciale en matière de travail dissimulé n'est pas tenu de solliciter l'obtention d'un titre exécutoire dans le délai d'un mois, cette exigence n'étant posée que par les dispositions communes aux mesures conservatoires auxquelles il n'est pas renvoyé par l'article R. 133-1-1 du code de la sécurité sociale ; qu'en reprochant à l'URSSAF de ne pas justifier qu'elle avait, conformément à l'article R. 511-7 du code des procédures civiles d'exécution, sollicité l'obtention d'un tel titre dans le délai d'un mois, la cour d'appel a violé les articles L. 133-1 et R. 133-1-1 du code de la sécurité sociale par refus d'application, ensemble l'article R. 511-7 du code des procédures civiles d'exécution par fausse application ;

4°/ que subsidiairement, le créancier prenant une mesure conservatoire n'est pas tenu d'engager ou de poursuivre une procédure permettant d'obtenir un titre exécutoire s'il l'a déjà fait dès avant de prendre cette mesure ; que l'URSSAF agissait en vertu du jugement rendu par le tribunal correctionnel de Bordeaux le 13 janvier 2020 et ayant retenu l'infraction de travail dissimulé au titre de l'exercice 2017, appel incident de ce jugement ayant été interjeté par le Parquet, celui-ci contestant la relaxe prononcée au titre des exercices 2015 et 2016 ; que dès lors, l'URSSAF, qui avait elle-même interjeté appel incident de ce jugement au titre de l'action civile, n'était pas tenue d'introduire une nouvelle procédure ou d'accomplir des formalités nécessaires à l'obtention d'un titre exécutoire ; qu'en lui reprochant de ne l'avoir pas fait, la cour d'appel a violé les articles L. 511-4 et R. 511-7 du code des procédures civiles d'exécution. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 133-1 et R. 133-1-1 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable au litige, et L. 511-1 et R. 511-7 du code des procédures civiles d'exécution :

4. Selon les deux premiers de ces textes, lorsqu'un procès-verbal de travail dissimulé a été établi à l'encontre de la personne contrôlée, l'inspecteur du recouvrement lui remet un document qui comporte l'évaluation des cotisations et contributions éludées. A la suite de cette remise, la personne contrôlée doit produire les éléments justifiant de l'existence de garanties suffisant à couvrir les montants évalués. A défaut, le directeur de l'organisme de recouvrement peut procéder à une mesure conservatoire, sans solliciter l'autorisation du juge de l'exécution. L'organisme de recouvrement adresse à la personne contrôlée la mise en demeure prévue par les articles R. 244-1 du code de la sécurité sociale et R. 725-6 du code rural et de la pêche maritime dans les quatre mois qui suivent l'exécution de la mesure conservatoire.

5. Il en résulte que, par dérogation aux dispositions des deux derniers textes, la saisie conservatoire pratiquée, sur le fondement de la procédure dite de « flagrance sociale », n'est pas subordonnée à la justification de circonstances susceptibles de menacer le recouvrement de sa créance par l'organisme de recouvrement, lequel n'est pas tenu non plus de solliciter un titre exécutoire dans les conditions fixées par l'article R. 511-7 du code des procédures civiles d'exécution.

6. Pour ordonner la mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée par l'URSSAF, l'arrêt retient que les textes spécifiques au code de la sécurité sociale ne dérogent aux dispositions générales du code des procédures civiles d'exécution que dans les hypothèses expressément prévues et qu'en dehors de la dispense d'autorisation du juge de l'exécution en l'absence de titre exécutoire, les autres dispositions de ce code sont applicables. Il énonce aussi que la contestation de la saisie-conservatoire peut toujours être sollicitée selon les dispositions applicables à la saisine en urgence du juge de l'exécution prévues au code des procédures civiles d'exécution ainsi que le prévoit l'article L. 133-1 du code de la sécurité sociale, les dispositions des articles L. 511-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution étant alors applicables. L'arrêt relève ensuite que l'URSSAF ne produit aucun justificatif de la situation financière de la société ni de la menace du recouvrement de sa créance et que les conditions de mise en oeuvre de la mesure conservatoire n'ont pas été respectées.

7. L'arrêt retient également que l'URSSAF ne justifie pas qu'elle a sollicité l'obtention d'un titre exécutoire dans le délai d'un mois à compter de la saisie conservatoire ainsi que l'exige l'article R. 511-7 du code des procédures civiles d'exécution.

8. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés, les deux premiers par refus d'application et les deux derniers par fausse application.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE, sauf en ce qu'il rejette l'exception de nullité soulevée par la société, l'arrêt rendu le 6 mai 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse.

Condamne la société [1] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société [1] et la condamne à payer à la l'URSSAF d'Aquitaine la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux juin deux mille vingt-trois.

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