15 juin 2023
Cour d'appel de Dijon
RG n° 21/01021

2 e chambre civile

Texte de la décision

SD/IC















[H] [N]



[M] [B] épouse [N]



C/



S.A.R.L. VOLKSWAGEN BANK GMBH

































































































Expédition et copie exécutoire délivrées aux avocats le

COUR D'APPEL DE DIJON



2ème chambre civile



ARRÊT DU 15 JUIN 2023



N° RG 21/01021 - N° Portalis DBVF-V-B7F-FYFM



MINUTE N°



Décision déférée à la Cour : au fond du 07 janvier 2021,

rendue par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Mâcon

RG : 1120000172











APPELANTS :



Monsieur [H] [N]

né le [Date naissance 2] 1972 à [Localité 5]

domicilié :

[Adresse 6]

[Adresse 6]



Madame [M] [B] épouse [N]

née le [Date naissance 1] 1972 à [Localité 4]

domiciliée :

[Adresse 6]

[Adresse 6]



représentés par Me Florian LOUARD, avocat au barreau de MACON





INTIMÉE :



S.A.R.L. VOLKSWAGEN BANK GMBH agissant poursuites et diligences de son mandataire, CONCILIAN dûment habilité à cet effet en vertu d'un mandat de recouvrement en date du 21 décembre 2016, agissant par l'intermédiaire de sa succursale en France située :

[Adresse 3]

[Adresse 3]



représentée par Me Claire LANCELIN, membre de la SCP LANCELIN ET LAMBERT, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 62







COMPOSITION DE LA COUR :



En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 avril 2023 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Sophie DUMURGIER, Conseiller, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la cour étant alors composée de :



Viviane CAULLIREAU-FOREL, Président de chambre,

Sophie DUMURGIER, Conseiller,

Leslie CHARBONNIER, Conseiller,



qui en ont délibéré.



GREFFIER LORS DES DÉBATS : Maud DETANG, Greffier



DÉBATS : l'affaire a été mise en délibéré au 15 Juin 2023,



ARRÊT : rendu contradictoirement,



PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,



SIGNÉ : par Viviane CAULLIREAU-FOREL, Président de chambre, et par Maud DETANG, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.








FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES



Selon offre préalable acceptée le 25 octobre 2017, la SARL Volkswagen Bank GMBH a consenti à M. et Mme [H] [N] un prêt personnel d'un montant de 19 900 euros remboursable en 60 mensualités de 381,16 euros incluant les intérêts au TEG de 5,76 %, destiné à financer l'acquisition d'un véhicule Volkswagen Golf TDI.



Les emprunteurs ne respectant plus leur engagement de remboursement depuis le mois de mai 2018, la SARL Volkswagen Bank GMBH les a mis en demeure de payer la somme de 2 366,45 euros dans le délai de huit jours, par lettres recommandées du 13 septembre 2018, puis a prononcé la déchéance du terme et a mis en demeure M. et Mme [N] de lui régler la somme totale de 20 937,60 euros, par lettre recommandée du 1er octobre 2018.



Par acte d'huissier du 16 mars 2020, la SARL Volkswagen Bank GMBH a fait assigner M. et Mme [H] [N] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Mâcon afin d'obtenir leur condamnation solidaire à lui payer la somme de 20 781,40 euros avec intérêts au taux contractuel de 4,90 % à compter du 15 août 2019 et jusqu'à parfait paiement, avec capitalisation des intérêts, la somme de 350 euros au titre de ses frais irrépétibles, outre les dépens de l'instance.

Elle sollicitait également la restitution du véhicule Volkswagen Golf TDI sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir, ainsi que le bénéfice de l'exécution provisoire.



M. et Mme [N] ont conclu à la forclusion de l'action du prêteur, le premier incident de paiement non régularisé remontant au 2 janvier 2018, et au rejet de ses demandes, faute par ce dernier de communiquer la date de déblocage des fonds et l'attestation de livraison du véhicule.



Par jugement du 7 janvier 2021, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Mâcon a :

- déchu la société Volkswagen Bank GMBH de son droit aux intérêts en application de l'article L312-16 du code de la consommation,

- condamné solidairement M. et Mme [H] [N] à payer à la SARL Volkswagen Bank GMBH la somme de 16 551,25 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 1er octobre 2018 au titre du contrat de crédit affecté d'un montant de 19 900 euros souscrit le 25 octobre 2017,

- condamné solidairement M. et Mme [H] [N] aux entiers dépens,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- rappelé que l'exécution provisoire est de droit.



M. et Mme [H] [N] ont relevé appel de cette décision, par déclaration reçue au greffe le 29 juillet 2021, portant sur l'ensemble des chefs de jugement, expressément critiqués.



Par conclusions signifiées le 14 février 2022, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens au soutien de leurs prétentions, les appelants demandent à la cour de :

Vu le code civil pris en son article 1346-2,

Vu le code de la consommation pris en ses articles L 312-16, L751-1,

- les recevoir en leur appel partiel,

- confirmer partiellement le jugement dont appel,

- confirmer que la société Volkswagen Bank GMBH est déchue du droit aux intérêts en application de l'article L 312-16 du code de la consommation.

- dire et juger que la somme dont ils restent débiteurs est de 16 551,25 euros,

- confirmer la décision en ce qu'elle a indiqué que la restitution du véhicule n'était pas fondée,

Statuant à nouveau,

- infirmer la décision en ce qui concerne le point de départ des intérêts,

- dire et juger que les intérêts seront dus au taux légal sur la somme de 16 551,25 euros à compter du 7 janvier 2021 date de la décision soumise à la cour et non à compter du 1er octobre 2018 compte tenu de la déchéance desdits intérêts encourue par la société Volkswagen Bank GMBH,

En tout état de cause,

- condamner la société Volkswagen Bank GMBH aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de Me Florian Louard, avocat aux offres de droit,

- condamner la société Volkswagen Bank GMBH à leur payer la somme de 2 500 euros au visa des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.



Par conclusions notifiées le 27 janvier 2022, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens au soutien de ses prétentions, la société Volkswagen Bank GMBH demande à la cour de :

Vu les articles 1103, 1231-1, 1343-2 et 1346-2 du code civil,

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

Vu les articles L 311-1 et suivants du code de la consommation,

- réformer le jugement en ce qu'il l'a déchue de son droit aux intérêts et ce à compter du 25 octobre 2017,

- réformer le jugement en ce qu'il a condamné solidairement M. [H] [N] et Mme [M] [B] épouse [N] à lui payer la somme de 16 551,25 euros outre intérêts au taux légal à compter du 1er octobre 2018 au titre du contrat de crédit affecté d'un montant de 19 000 euros souscrit le 25 octobre 2017,

- réformer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de restitution du véhicule de marque Volkswagen modèle nouvelle Golf 2.0 TDI 184 CH B immatriculé DG025DC,

- réformer le jugement en ce qu'il l'a déboutée du surplus de ses demandes,

- débouter M. [H] [N] et Mme [M] [N] de l'ensemble de leurs demandes,

En conséquence,

A titre principal et statuant à nouveau,

- condamner solidairement M. [H] [N] et Mme [M] [N] à lui payer la somme de 20 781,40 euros outre intérêts au taux contractuel de 4,90 % à compter du 15 août 2019, date du dernier décompte actualisé, et jusqu'à parfait paiement,

A titre subsidiaire et en cas de prononcé de la déchéance de son droit aux intérêts,

- confirmer le jugement rendu par le juge des contentieux et de la protection en ce qu'il a condamné solidairement M. [H] [N] et Mme [M] [B] épouse [N] à lui payer la somme de 16 551,25 euros outre intérêts au taux légal à compter du 1er octobre 2018 au titre du contrat de crédit affecté d'un montant de 19 000 euros souscrit le 25 octobre 2017,

En tout état de cause, et statuant à nouveau,

- ordonner la capitalisation des intérêts dès lors qu'ils seront dus pour une année entière en application de l'article 1343-2 du code civil,

- ordonner la restitution du véhicule de marque Volkswagen modèle nouvelle Golf 2.0 TDI 184 CH B immatriculé DG025DC sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir,

- condamner solidairement M. [H] [N] et Mme [M] [N] à lui payer la somme de 1 500 euros pour les frais irrépétibles à hauteur d'appel outre la somme de 350 euros pour ceux de première instance en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner solidairement M. [H] [N] et Mme [M] [N] aux entiers dépens tant de première instance que d'appel.



La clôture de la procédure a été prononcée le 28 février 2023.


SUR CE



Le jugement entrepris n'est pas remis en cause en ce qu'il a écarté la forclusion de l'action en paiement opposée par les emprunteurs.



Pour déchoir le prêteur de son droit aux intérêts contractuels, le tribunal, se fondant sur les dispositions de l'article L 312-16 du code de la consommation, a retenu que la société Volkswagen Bank GMBH avait accordé un crédit aux époux [N] alors qu'elle n'était qu'imparfaitement informée de leur situation financière et de leur capacité de remboursement.

Il a considéré que la seule production des deux derniers bulletins de salaire de chacun des membres du couple apparaissait insuffisante pour se faire une juste idée de leur situation financière, la fiche de dialogue mentionnée n'étant basée que sur les seules déclarations du couple et aucune pièce justificative de leurs charges n'étant produite.

Le tribunal a également relevé que la société de crédit ne produisait le justificatif de la consultation du FICP que pour monsieur.



L'appelante conclut à l'infirmation du jugement qui l'a déchue de son droit aux intérêts du prêt personnel consenti à M. et Mme [N] en faisant valoir qu'elle produit la consultation du FICP, la fiche de dialogue remplie par les emprunteurs, leurs bulletins de salaire et les justificatifs d'identité et de domicile des appelants.

Elle ajoute que l'article L 312-16 du code de la consommation n'impose pas de solliciter l'avis d'imposition de l'emprunteur ni le justificatif de leur charge de loyer, en relevant qu'en l'espèce les époux [N] ont déclaré être propriétaires de leur logement.



L'article L 312-16 du code de la consommation impose au prêteur, avant de conclure le contrat de crédit, de vérifier la solvabilité de l'emprunteur à partir d'un nombre suffisant d'informations, y compris des informations fournies par ce dernier à la demande du prêteur, et de consulter le fichier prévu à l'article L 751-1 dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné à l'article L 751-6.

La preuve de la vérification de la solvabilité de l'emprunteur repose sur le prêteur et, en l'espèce, la société de crédit produit la fiche de dialogue renseignée le 25 octobre 2017 par M. et Mme [N] qui mentionne qu'ils sont propriétaires de leur résidence, que monsieur est instituteur et perçoit un salaire mensuel de 1 550 euros, que madame est employée à la chambre des métiers et de l'artisanat et perçoit un salaire mensuel de 1 508 euros, et qu'ils ont une charge de remboursement mensuel pour leur habitation de 800 euros et quatre enfants à charge.

Cette fiche est complétée par les bulletins de salaire de chacun des époux.

Toutefois, la société Volkswagen Bank GMBH reconnaît ne pas avoir consulté le fichier prévu à l'article L 751-1 du code de la consommation en ce qui concerne Mme [N].



En application de l'article L 341-2 du code de la consommation, le prêteur qui n'a pas respecté les obligations fixées aux articles L 312-14 et L 312-16 du code de la consommation est déchu du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge.

Au regard du manquement imputable à la société Volkswagen Bank GMBH, c'est à bon droit que le tribunal a prononcé la déchéance totale du droit du prêteur aux intérêts contractuels et le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné les époux [N] à payer à l'intimée la somme de 16 551,25 euros après déchéance, ce montant n'étant pas contesté par le prêteur.



Cette somme produira intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 1er octobre 2018, conformément aux dispositions de l'article 1231-6 du code civil, confirmant également sur ce point le jugement entrepris.

Pour que la sanction de la déchéance du droit aux intérêts contractuels, dont le taux était de 4,90 %, demeure effective, il convient d'exclure l'application de l'article L. 313-3 du code monétaire et financier qui prescrit la majoration de 5 points du taux d'intérêt légal à l'expiration d'un délai de deux mois à compter du jour où la décision de justice est devenue exécutoire.

En matière de crédit à la consommation, l'anatocisme est exclu y compris lorsque le prêteur n'est pas déchu du droit aux intérêts contractuels. La demande du créancier tendant à la capitalisation annuelle des intérêts moratoires doit donc être rejetée.

La société Volkswagen Bank GMBH, appelante incidente, conclut à l'infirmation du jugement qui l'a déboutée de sa demande de restitution du véhicule financé à l'aide du prêt litigieux en se prévalant de la demande de règlement et de subrogation dans la réserve de propriété à son profit émanant du vendeur, en date du 25 octobre 2017.

Aux termes de ce document, signé par M. [N], le vendeur et l'acheteur reconnaissent l'existence d'une clause de réserve de propriété au profit du vendeur, contenue dans le contrat de vente du véhicule, et l'acheteur et le vendeur déclarent subroger le prêteur, conformément à l'article 1346-2 du code civil, dans tous les droits et actions du vendeur, et notamment la clause de réserve de propriété. Cette subrogation deviendra effective au moment du paiement ci-dessus demandé.



Selon l'article 1346-2 du code civil, la subrogation a lieu également lorsque le débiteur, empruntant une somme à l'effet de payer sa dette, subroge le prêteur dans les droits du créancier avec le concours de celui-ci. En ce cas la subrogation doit être expresse et la quittance donnée par le créancier indiquer l'origine des fonds.

Contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, la subrogation dans la réserve de propriété du vendeur au profit du prêteur est conforme aux dispositions légales susvisées et il sera dès lors fait droit à la demande de restitution du véhicule formée par la société Volkswagen Bank GMBH.

Les appelants seront ainsi condamnés à lui restituer le véhicule Volkswagen modèle nouvelle Golf 2.0 TDI 184 CH B immatriculé DG025DC dans le délai d'un mois suivant la signification du présent arrêt, sous astreinte provisoire de 30 euros par jour de retard passé ce délai, ce pendant un mois seulement, au égard aux mesures que le créancier peut mettre en oeuvre aux fins d'appréhender le véhicule.



Les appelants qui succombent en leur appel seront condamnés aux dépens d'appel.

En revanche, il ne sera pas fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la société de crédit, en considération du déséquilibre économique existant entre les parties.





PAR CES MOTIFS



La cour,



Confirme le jugement rendu le 7 janvier 2021 par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Mâcon, sauf en ce qu'il a débouté la société Volkswagen Bank GMBH de sa demande de restitution du véhicule Volkswagen modèle nouvelle Golf 2.0 TDI 184 CH B immatriculé DG025DC,



L'infirmant sur ce point et statuant à nouveau,

Condamne M. et Mme [H] [N] à restituer à la société Volkswagen Bank GMBH le véhicule Volkswagen modèle nouvelle Golf 2.0 TDI 184 CH B immatriculé DG025DC, dans le délai d'un mois suivant la signification du présent arrêt, sous astreinte provisoire de 30 euros par jour de retard passé ce délai, ce pendant un mois,



Y ajoutant,



Exclut l'application des dispositions de l'article L. 313-3 du code monétaire et financier,



Condamne in solidum M. et Mme [N] aux dépens d'appel,



Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.



Le Greffier, Le Président,

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