14 juin 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-15.224

Première chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2023:C100419

Titres et sommaires

SANTE PUBLIQUE - Etablissement de santé - Dossier médical - Conservation - Durée - Article R. 1112-7 du code de la santé publique, modifié par le décret n° 2006-6 du 4 janvier 2006 - Entrée en vigueur du décret - Situations juridiques en cours - Application immédiate

Les dispositions de l'article R. 1112-7 du code de la santé publique, modifié par le décret n° 2006-6 du 4 janvier 2006, qui imposent, lorsque la durée de conservation d'un dossier s'achève avant le vingt-huitième anniversaire de son titulaire, de proroger la conservation du dossier jusqu'à cette date, s'appliquent immédiatement aux situations juridiques en cours au jour de son entrée en vigueur. Dès lors, c'est à bon droit et sans trancher de contestation sérieuse qu'une cour d'appel a retenu qu'un hôpital était tenu de conserver le dossier médical d'un patient né le 3 novembre 1994 jusqu'au 3 novembre 2022

Texte de la décision

CIV. 1

MY1



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 14 juin 2023




Cassation partielle


Mme DUVAL-ARNOULD, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 419 F-B

Pourvoi n° C 22-15.224

Aide juridictionnelle totale en défense
au profit de M. [Z].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 21 juin 2022.




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 14 JUIN 2023

La société Hôpital privé [5] (HP[5]), société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 4], a formé le pourvoi n° C 22-15.224 contre l'arrêt rendu le 16 février 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 1, chambre 3), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [H] [Z], domicilié [Adresse 3],

2°/ à M. [U] [C], domicilié [Adresse 2],

3°/ à l'association Hôpital [6], dont le siège est [Adresse 1],

défendeurs à la cassation.

M. [C] a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le demandeur au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Bacache-Gibeili, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Hôpital privé [5], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [Z], de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de M. [C], de l'association Hôpital [6], après débats en l'audience publique du 10 mai 2023 où étaient présents Mme Duval-Arnould, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Bacache-Gibeili, conseiller rapporteur, M. Jessel, conseiller, et Mme Tinchon, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué rendu (Paris, 16 février 2022), rendu en référé, le 3 novembre 1994, M. [Z] est né par césarienne au sein de la société Hôpital privé [5], et a été transféré par M. [C], pédiatre, exerçant son activité à titre libéral, dans le service de néonatologie de l'hôpital [6], où a été diagnostiquée une hémorragie intra-cérébrale gauche étendue. Il a conservé une triplégie droite.

2. Le 3 septembre 2020, M. [Z] a assigné la société Hôpital privé [5], M. [C] et l'association hôpital [6] en communication sous astreinte de ses dossiers médicaux et paiement d'une provision.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche, du pourvoi principal

Enoncé du moyen

3. la société Hôpital privé [5] fait grief à l'arrêt de le condamner à communiquer le dossier médical de M. [Z], sous astreinte de 200 euros par jour passé le délai de huit jours à compter de la signification de l'ordonnance de référé du 3 mai 2021, alors « que le juge des référés peut ordonner l'exécution d'une obligation qu'à la condition qu'elle ne soit pas sérieusement contestable ; qu'en l'espèce, pour s'opposer à la demande de M. [Z], né le 3 novembre 1994 dans cet établissement puis transféré à l'hôpital [6], de communication de son dossier médical, formée par acte du 3 septembre 2020, la société Hôpital privé [5] a fait valoir qu'il n'était pas soumis à l'obligation de conserver le dossier médical de M. [Z] jusqu'au vingt-huitième anniversaire de ce dernier, cette obligation n'ayant été instaurée que par le décret n°2006-6 du 4 janvier 2006 codifié à l'article R. 1112-7 du code de la santé publique, le dossier de M. [Z] ayant été détruit par la société d'archivage le 30 janvier 2015, soit plus de vingt ans après le séjour de M. [Z] au sein de son établissement ; que pour confirmer l'ordonnance de référé ayant ordonné la communication du dossier médical de M. [Z], la cour d'appel a énoncé qu'« à la date invoquée de destruction des dossiers de 1994, l'article R. 1112-7 [du code de la santé publique], dans sa rédaction issue du décret du 4 janvier 2006, avait vocation à recevoir application » et que « la société Hôpital privé [5] était, aux termes de cet article tenu de conserver le dossier de M. [Z] jusqu'au vingt-huitième anniversaire de l'intéressé, ce que l'établissement s'est abstenu de faire » ; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel, qui a tranché une contestation sérieuse sur l'existence de l'obligation pour la société Hôpital privé [5] de conserver le dossier de M. [Z], eu égard à la date du séjour de ce dernier dans son établissement, a violé l'article 835 du Code de procédure civile ;

Réponse de la cour

4. C'est à bon droit et sans trancher de contestation sérieuse que la cour d'appel a retenu que, même si le dossier médical de M. [B] avait été ouvert en 1994, la société Hôpital privé [5] était tenue de conserver son dossier jusqu'au 3 novembre 2022 en application des dispositions de l'article R. 1112-7, modifié par le décret n° 2006-6 du 4 janvier 2006, ayant imposé, lorsque la durée de conservation d'un dossier s'achève avant le vingt-huitième anniversaire de son titulaire, de proroger la conservation du dossier jusqu'à cette date.

5. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le premier moyen, pris en sa troisième branche, du pourvoi principal

Enoncé du moyen

6. la société Hôpital privé [5] fait le même grief à l'arrêt alors que la contradiction de motifs équivaut à l'absence de motifs ; qu'en retenant que les éléments produits par la société Hôpital privé [5] « ne démontrent nullement qu'il ait été procédé à la destruction du dossier en cause » tout en énonçant « la société Hôpital privé [5] était, aux termes de [l'article R. 1112-7 du code de la santé publique] tenu de conserver le dossier de M. [Z] jusqu'au vingt-huitième anniversaire de l'intéressé, ce que l'établissement s'est abstenu de faire », la cour d'appel s'est contredite, en violation de l'article 455 du code de procédure civile »

Réponse de la cour

Vu l'article 455 du code de procédure civile :

7. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. La contradiction entre les motifs équivaut à un défaut de motifs.

8. Pour condamner la société Hôpital privé [5] à communiquer, sous astreinte, le dossier médical de M. [Z], l'arrêt retient à la fois que l'établissement s'est abstenu de le conserver jusqu'au 3 novembre 2022, comme il y était tenu, et que la destruction de ce dossier n'est pas établie.

9. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui s'est contredite, n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.

Et sur le second moyen du pourvoi principal et le moyen du pourvoi incident, pris en leur première branche, rédigés en termes identiques, réunis

Enoncé du moyen

10. La société Hôpital privé [5] et M. [C] font grief à l'arrêt de les condamner solidairement à verser à M. [Z] la somme de 5 000 euros à titre de provision, alors « que lorsque l'obligation du défendeur n'est pas sérieusement contestable, le juge des référés peut le condamner au versement d'une provision à valoir sur sa créance ; que la cour d'appel a retenu qu'il résultait des éléments du dossier que « subsistent des inconnues dans les circonstances de la naissance de M. [Z] et que la responsabilité de la société Hôpital privé [5] et de M. [U] [C] n'est pas à exclure avec toute l'évidence requise », et que « la demande de provision pour supporter les frais d'un procès destiné à rechercher la responsabilité éventuelle de la société Hôpital privé [5] et de M. [U] [C] » ; qu'en statuant de la sorte, par des motifs dont il résultait qu'il existait une contestation sérieuse sur la possibilité de mettre en jeu la responsabilité civile de la société Hôpital privé [5], la cour d'appel a violé l'article 835 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 835, alinéa 2, du code de procédure civile :

11. Il résulte de ce texte que le juge ne peut, en référé, accorder une provision au créancier que dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable.

12. Pour condamner la société Hôpital privé [5] et M. [C] à payer une provision à M. [Z], l'arrêt retient qu'il subsiste des inconnues dans les circonstances de la naissance du demandeur, que la responsabilité de cet établissement n'est pas à exclure avec toute l'évidence requise et que la demande de provision pour supporter les frais d'un procès destiné à rechercher sa responsabilité éventuelle et celle de M. [C] n'est dans ces conditions pas sérieusement contestable.

13. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations l'existence d'une contestation sérieuse sur la responsabilité de la société Hôpital privé [5] et celle de M. [C], la cour d'appel a méconnu l'étendue de ses pouvoirs et violé le texte susvisé.

Mise hors de cause

14. En application de l'article 625 du code de procédure civile, il y a lieu de mettre hors de cause l'hôpital [6] dont la présence n'est pas nécessaire devant la cour d'appel de renvoi.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en ce qu'il ordonne la communication sous astreinte du dossier médical et en ce qu'il condamne solidairement la société Hôpital privé [5] et M. [C] à verser à M. [Z] la somme de 5 000 euros à titre de provision, l'arrêt rendu le 16 février 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Met hors de cause l'hôpital [6] ;

Remet sur ce point l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne M. [Z] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze juin deux mille vingt-trois.

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