1 juin 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-25.366

Chambre commerciale financière et économique - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2023:CO00395

Texte de la décision

COMM.

CH.B



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 1er juin 2023




Cassation partielle


M. VIGNEAU, président



Arrêt n° 395 F-D

Pourvoi n° F 21-25.366




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 1ER JUIN 2023

La société Ingram micro, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° F 21-25.366 contre l'arrêt rendu le 16 septembre 2021 par la cour d'appel de Douai (chambre 8, section 3), dans le litige l'opposant à M. [K] [G], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Lion, conseiller référendaire, les observations de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de la société Ingram micro, de la SCP Krivine et Viaud, avocat de M. [G], à la suite duquel le président a demandé aux avocats s'ils souhaitaient présenter des observations complémentaires, après débats en l'audience publique du 4 avril 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Lion, conseiller référendaire rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, M. Crocq, avocat général, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 16 septembre 2021), M. [G], salarié de la société de droit français Ingram micro, détaché en Espagne au sein de la société de droit espagnol Ingram micro SLU, a démissionné le 24 mai 2012.

2. Un arrêt du 28 juin 2019 a dit que la rupture du contrat de travail s'analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et a condamné la société Ingram micro à payer à M. [G] diverses sommes à titre d'indemnités de rupture et rappels de salaire.

3. La société Ingram micro ne s'étant acquittée que partiellement du paiement de ces sommes, M. [G] a fait procéder à une saisie-attribution sur un compte bancaire de l'employeur, que celui-ci a contestée devant un juge de l'exécution, soutenant notamment qu'il avait déduit du montant global des indemnités dues à son ancien employé la somme qu'il avait dû verser aux autorités fiscales espagnoles au titre du prélèvement à la source applicable aux revenus des résidents espagnols.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

4. La société Ingram micro fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de mainlevée de la saisie-attribution pratiquée par M. [G] entre les mains de la banque BNP Paribas AG Nord France entreprises, suivant procès-verbal du 3 juillet 2020, et de rejeter ses demandes de dommages et intérêts, alors « qu'à supposer que l'arrêt se fonde sur les règles fiscales de droit interne français pour ne retenir que le seul critère de la résidence l'année de perception des revenus et prétendre ainsi exclure l'application du droit fiscal espagnol, ce critère de droit interne français n'est pas de nature à exclure une imposition en Espagne sur la base du droit interne espagnol et l'application, le cas échéant, de la convention fiscale franco-espagnole visant à éviter les doubles impositions ; que la société Ingram micro soutenait que les sommes versées à M. [G] étaient imposables en Espagne en application du droit espagnol et de la convention fiscale entre l'Espagne et la France dès lors qu'elles indemnisaient une activité professionnelle exercée en Espagne ; qu'en jugeant que les sommes n'étaient pas imposables en Espagne au seul vu d'un critère de résidence de droit interne français apprécié sur l'année du fait générateur d'imposition qui n'est pas de nature à exclure une imposition en Espagne sur le fondement du droit fiscal interne espagnol et donc l'application de la convention fiscale entre la France et l'Espagne, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants et a privé sa décision de base légale au regard de l'article 15 de la convention fiscale conclue le 10 octobre 1995 entre la France et l'Espagne en vue d'éviter les doubles impositions et du droit fiscal espagnol. »

Réponse de la Cour

Vu les articles R. 121-1 du code des procédures civiles d'exécution et 15, 1, de la convention fiscale conclue le 10 octobre 1995 entre la République française et le Royaume d'Espagne en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, signée à Madrid le 10 octobre 1995 :

5. Il résulte du premier de ces textes que le juge de l'exécution ne peut modifier le dispositif de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites. Ne remet toutefois pas en cause la décision servant de fondement aux poursuites le juge qui retient que les condamnations prononcées à l'encontre d'un employeur sont assujetties au prélèvement à la source d'impositions, de sorte qu'il convient d'en recalculer le montant après impositions.

6. Selon le second, les salaires, traitements et autres rémunérations similaires qu'un résident d'un État contractant reçoit au titre d'un emploi salarié ne sont imposables que dans cet État, à moins que l'emploi ne soit exercé dans l'autre État contractant.

7. La qualité de résident s'apprécie à la date à laquelle le droit à salaire, traitement ou rémunération similaire est né, peu important la date à laquelle les sommes dues à ce titre au salarié lui sont payées.

8. Pour rejeter la demande de main-levée de la saisie-attribution, l'arrêt relève que c'est en 2020, année au cours de laquelle il ne résidait plus en Espagne et n'y était plus détaché pour travailler au sein de la société Ingram micro SLU, que M. [G] a perçu de son ancien employeur les diverses indemnités et rappels de salaire qui lui étaient dus en vertu de l'arrêt du 28 juin 2019. Il en déduit que c'est au titre de l'année 2020 qu'un impôt était dû, de sorte que la convention entre la République française et le Royaume d'Espagne signée le 10 octobre 1995 était sans application en l'espèce, que le droit fiscal espagnol ne pouvait être invoqué et que la société Ingram micro n'avait pas à opérer sur les sommes dues à M. [G] une retenue de 173 400,75 euros au titre de la retenue à la source qu'elle a estimé, par erreur, devoir régler à l'administration fiscale espagnole.

9. En statuant ainsi, alors que les sommes dues à M. [G] par la société Ingram micro avaient, au moins pour partie, une nature salariale, de sorte qu'elles devaient être considérées comme des revenus versés au titre d'un emploi salarié exercé par un résident espagnol, imposables en Espagne, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, confirmant le jugement, il rejette la demande de main-levée de la saisie-attribution pratiquée par M. [G] entre les mains de la banque BNP Paribas AG Nord France entreprises, l'arrêt rendu le 16 septembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;

Condamne M. [G] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [G] et le condamne à payer à la société Ingram micro la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du premier juin deux mille vingt-trois.

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