1 juin 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-24.282

Chambre commerciale financière et économique - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2023:CO00394

Texte de la décision

COMM.

CH.B



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 1er juin 2023




Cassation


M. VIGNEAU, président



Arrêt n° 394 F-D

Pourvoi n° C 21-24.282


Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de Mme [S], épouse [G].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 19 juillet 2021.


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 1ER JUIN 2023

Mme [V] [S], veuve [G], domiciliée [Adresse 3], a formé le pourvoi n° C 21-24.282 contre l'arrêt rendu le 3 décembre 2020 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 3-3), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Caisse de crédit mutuel de Lagny Thorigny Pomponne, société coopérative de crédit, dont le siège est [Adresse 1],

2°/ à la société Caisse fédérale de crédit mutuel, société coopérative de crédit, dont le siège est [Adresse 2],

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Calloch, conseiller, les observations de la SCP Krivine et Viaud, avocat de Mme [S], de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société Caisse de crédit mutuel de Lagny Thorigny Pomponne et de la société Caisse fédérale de crédit mutuel, après débats en l'audience publique du 4 avril 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, M. Calloch, conseiller rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 3 décembre 2020), le 15 février 2011, un compte a été ouvert dans les livres de la société Caisse de crédit mutuel de Lagny Thorigny Pomponne (la banque) au nom de Mme [S] avec une procuration générale au profit de sa fille, Mme [Y].

2. Soutenant avoir découvert en août 2012, par son avis d'imposition, qu'elle avait perçu sur ce compte, ouvert à son insu, un arriéré d'arrérages de pension de réversion et que les démarches y afférentes avaient été effectuées par sa fille, qui, grâce à la procuration dont elle bénéficiait, avait récupéré les fonds, Mme [S] a déposé plainte, le 29 août 2012, pour escroquerie et abus de faiblesse contre Mme [Y].

3. Le 28 juin 2017, reprochant à la banque d'avoir été négligente en procédant à l'ouverture d'un compte à son nom sans vérifier son identité ni son adresse, elle l'a assignée, sur le fondement de sa responsabilité extracontractuelle, en remboursement du montant des sommes détournées par sa fille et en indemnisation de son préjudice moral.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. Mme [S] fait grief à l'arrêt de déclarer l'action irrecevable comme étant prescrite, alors « que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; que dès lors, la prescription d'une action en responsabilité civile court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance ; qu'en faisant courir le délai de prescription de l'action de Mme [V] [S] en responsabilité extracontractuelle contre la banque au jour de la signature de l'ouverture du compte bancaire n° 00020522001 et de la procuration sur ce compte en faveur de sa fille, Mme [X] [G], le 15 février 2011, sans établir que cette date correspondait soit à la réalisation du dommage invoqué par Mme [V] [S], soit au moment auquel ce dommage lui était apparu, la cour d'appel a violé l'article 2224 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 2224 du code civil :

5. Il résulte de ce texte que le délai de prescription d'une action en responsabilité extracontractuelle ne court qu'à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance.

6. Pour déclarer prescrite l'action engagée par Mme [S], l'arrêt retient que les éléments de preuve versés aux débats démontrent que l'intéressée a signé, le 15 février 2011, la convention d'ouverture du compte bancaire ainsi que la procuration pour sa fille et en déduit que le point de départ de la prescription quinquennale court à compter de cette date.

7. En statuant ainsi, alors que le préjudice dont Mme [S] demandait réparation ne résultait pas de l'ouverture de ce compte, mais du détournement des arrérages de sa pension ultérieurement versés sur ledit compte, de sorte que le délai de prescription de son action avait commencé à courir à compter du jour où les détournements avaient commencé ou, si Mme [S] établissait n'en avoir pas eu précédemment connaissance, du jour où ils lui avaient été révélés, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 3 décembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ;

Condamne la société Caisse de crédit mutuel de Lagny Thorigny Pomponne aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Caisse de crédit mutuel de Lagny Thorigny Pomponne à payer à la SCP Krivine & Viaud la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière
et économique, et prononcé par le président en son audience publique du premier juin deux mille vingt-trois.

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