24 mai 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-25.579

Chambre commerciale financière et économique - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2023:CO00372

Texte de la décision

COMM.

CH.B



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 24 mai 2023




Cassation partielle


M. VIGNEAU, président



Arrêt n° 372 F-D

Pourvoi n° N 21-25.579







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 24 MAI 2023

La société A2C Automobiles, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° N 21-25.579 contre l'arrêt rendu le 16 septembre 2021 par la cour d'appel de Grenoble (chambre commerciale), dans le litige l'opposant à la Société commerciale de télécommunication (SCT), société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Guillou, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société A2C Automobiles, de la SCP Yves et Blaise Capron, avocat de la Société commerciale de télécommunication (SCT), après débats en l'audience publique du 28 mars 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Guillou, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller doyen, et Mme Mamou, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 16 septembre 2021), la Société commerciale de télécommunication (la société SCT) a conclu le 24 février 2014 avec la société A2C Automobiles (la société A2C) trois contrats ayant pour objet l'installation de matériels téléphoniques et la fourniture de services internet, de téléphonie fixe, et de téléphonie mobile, pour une durée de soixante-trois mois. Estimant que l'installation téléphonique n'avait jamais été achevée, la société A2C a, après mise en demeure du 18 février 2015, résilié le 26 mai 2015 l'ensemble des contrats, à l'exception du service de téléphonie mobile. Prenant acte de cette résiliation, la société SCT l'a assignée en paiement de l'indemnité de résiliation du contrat de téléphonie fixe et de factures de téléphonie fixe des mois de juin et juillet 2015.

Examen des moyens

Sur le premier moyen


2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.


Mais sur le second moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. La société A2C fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la société SCT des indemnités de résiliation du service fixe, alors « que constitue une clause pénale la clause d'un contrat par laquelle les parties évaluent forfaitairement et d'avance l'indemnité à laquelle donnera lieu l'inexécution de l'obligation contractée ; qu'en l'espèce, "l'indemnité de résiliation anticipée" prévue au contrat de téléphonie fixe imposait à la société A2C, en cas de rupture anticipée du contrat, de régler une somme correspondant au montant moyen des trois dernières factures multiplié par le nombre de mois restant à échoir, en l'occurrence quarante-six mois, de telle manière que cette clause lui imposait de régler le prix intégral des prestations pour la durée totale du contrat sans recevoir aucune contrepartie, la société SCT étant pour sa part dispensée de fournir la prestation promise ; qu'en jugeant que "cette indemnité ne constitue pas une clause pénale" puisqu'elle ne visait pas à contraindre le débiteur à l'exécution de son obligation et s'analysait en une simple "évaluation conventionnelle des dommages et intérêts", quand elle constituait une évaluation forfaitaire des dommages et intérêts dus au créancier en cas de résiliation du contrat et présentait dès lors un caractère comminatoire, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1152 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

4. La société SCT conteste la recevabilité du moyen au motif qu'il serait nouveau et mélangé de fait et de droit, la société A2C n'ayant pas soutenu qu'elle n'exerçait pas une faculté de dédit et que la clause litigieuse avait un caractère comminatoire.

5. Cependant la société A2C, qui soutenait qu'elle avait été conduite à résilier le contrat en raison de son inexécution et que la clause litigieuse constituait une clause pénale, faisait par là même valoir qu'elle n'exerçait pas une faculté de dédit et que la clause avait un caractère comminatoire.

6. Le moyen est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu l'article 1152 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 :

7. Aux termes de ce texte, lorsque la convention porte que celui qui manquera de l'exécuter payera une certaine somme à titre de dommages-intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte, ni moindre. Néanmoins, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la peine qui avait été convenue, si elle est manifestement excessive ou dérisoire. Toute stipulation contraire sera réputée non écrite.

8. Pour condamner la société A2C à payer à la société SCT une certaine somme à titre d'indemnité de résiliation, l'arrêt, après avoir jugé qu'aucune résiliation du contrat aux torts de la société SCT ne pouvait intervenir faute d'inexécution fautive de sa part du contrat de téléphonie fixe, retient que cette indemnité ne visait pas à contraindre la société A2C à exécuter le contrat, mais constituait une évaluation conventionnelle des dommages et intérêts résultant pour la société SCT du manque à gagner résultant de la rupture anticipée d'un contrat ayant un terme précis déterminé à l'avance, dont la société A2C avait reconnu avoir pris connaissance en apposant sa signature et son cachet sur le contrat.

9. En statuant ainsi, alors que la clause litigieuse stipulait une indemnité en cas de résiliation anticipée de la part du client dont le montant était équivalent au prix dû en cas d'exécution du contrat jusqu'à son terme, soit en l'espèce pendant quarante-six mois, sans aucune contrepartie puisque la société SCT ne devait plus aucune prestation au titre du contrat, et présentait, dès lors, un caractère à la fois indemnitaire, puisqu'elle constituait une évaluation forfaitaire du dommage subi par la société SCT à la suite de la résiliation du contrat, et un caractère comminatoire, son montant élevé ayant pour but de contraindre la société A2C à exécuter le contrat jusqu'à son terme, de sorte qu'elle constituait une clause pénale et non une clause de dédit, la cour d'appel a violé, par refus d'application, le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société A2C Automobiles à payer à la société SCT la somme de 15 076,78 euros à titre d'indemnité de résiliation du contrat de téléphonie fixe, ainsi que la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, et en ce qu'il la condamne aux dépens, l'arrêt rendu le 16 septembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Chambéry ;

Condamne la Société commerciale de télécommunication (SCT) aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la Société commerciale de télécommunication (SCT) et la condamne à payer à la société A2C Automobiles la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;



Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre mai deux mille vingt-trois.

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