17 mai 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-83.762

Chambre criminelle - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2023:CR00585

Texte de la décision

N° A 22-83.762 F-D

N° 00585


SL2
17 MAI 2023


CASSATION


M. BONNAL président,






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 17 MAI 2023



La société [3], partie civile, a formé un pourvoi contre l'arrêt n° 21/521 de la cour d'appel de Nancy, chambre correctionnelle, en date du 15 juillet 2021, qui, dans la procédure suivie contre M. [G] [J], M. [M] [K], M. [A] [I], M. [U] [V] et M. [T] [O], des chefs, notamment, d'abus de biens sociaux, recel, blanchiment aggravé, faux et usage, a prononcé sur les intérêts civils.

Un mémoire a été produit.

Sur le rapport de M. Ascensi, conseiller référendaire, les observations de la SAS Hannotin avocats, avocat de la société [3], et les conclusions de M. Valat, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 avril 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Ascensi, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. M. [A] [I], président du directoire de la société [4], M. [M] [K], membre du directoire, M. [T] [O], administrateur de la société [4] [Localité 2], et M. [U] [V], président directeur général de la société [1], appartenant au groupe [4], ont été poursuivis devant le tribunal correctionnel notamment pour abus de biens sociaux au préjudice des sociétés de ce groupe. M. [G] [J] a par ailleurs été poursuivi pour recel d'abus de biens sociaux.

3. MM. [I] et [K] ont aussi été poursuivis pour présentation de comptes annuels inexacts, pour avoir majoré les stocks de la société [4] Espagne.

4. Par jugement du 9 décembre 2019, le tribunal a déclaré MM. [I], [K] et [V] coupables d'abus de biens sociaux, M. [O] coupable de complicité d'abus de biens sociaux après avoir requalifié les faits qui lui étaient reprochés, et M. [J] coupable de recel d'abus de biens sociaux.

5. Le tribunal, dans le dispositif du jugement, a par ailleurs relaxé MM. [I] et [K] du chef de présentation de comptes annuels inexacts, mais les a déclarés coupables de celui-ci dans les motifs de la décision.

6. Enfin, le tribunal a déclaré irrecevable la constitution de partie civile de la société [3], actionnaire majoritaire de la société [4] après sa prise de contrôle du groupe, qui prétendait notamment qu'à l'occasion de cette prise de participations, elle avait été trompée par les comptes annuels de la société [4].

7. M. [J] a interjeté appel de la décision, à l'exclusion des autres prévenus.

8. Le ministère public a interjeté appel incident.

9. La société [3] a interjeté appel de la décision.

10. Elle a par ailleurs saisi le tribunal correctionnel d'une requête en rectification d'erreur matérielle en faisant valoir que le dispositif du jugement énonçait que MM. [I] et [K] avaient été relaxés du chef de présentation de comptes annuels inexacts, quand il ressortait au contraire des motifs qu'ils avaient été déclarés coupables de ce délit, outre la mention des motifs propres à justifier cette décision selon les juges.

11. Par jugement du 8 février 2021, le tribunal a rejeté la requête.

12. La société [3] a interjeté appel de la décision.

13. Ce rejet a été confirmé par arrêt n° 21/533 bis du 15 juillet 2021.

14. La société [3] s'est pourvue en cassation.

15. Par arrêt en date de ce jour (n° 22-83.763), la Cour de cassation a cassé l'arrêt attaqué et fait droit à la requête.

16. Par arrêt n° 21/533 du 15 juillet 2021, la cour d'appel a confirmé le jugement sur la culpabilité de M. [J].

17. M. [J] s'est pourvu en cassation.

18. Par arrêt en date de ce jour, la Cour de cassation a déclaré le pourvoi non-admis.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

19. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré irrecevable la constitution de partie civile de la société [3], alors :

« 1°/ que la cassation qui ne manquera pas d'intervenir contre l'arrêt du 15 juillet 2021, attaqué par le pourvoi n° B. 22-83.763 formé par l'exposante, emportera, par voie de conséquence, cassation de l'arrêt attaqué par le présent pourvoi qui, pour déclarer la constitution de partie civile de la société [3] irrecevable au regard des faits de présentation de comptes infidèles dont MM. [I] et [K] se sont rendus coupables, s'est fondé sur l'erreur matérielle de dispositif affectant le jugement entrepris du 9 décembre 2019, en excipant de ce que les deux prévenus auraient « bénéficié d'une relaxe, relaxe désormais définitive » ;

2°/ que si les comptes consolidés d'un groupe ne relèvent pas, en eux-mêmes, du domaine ratione criminis du délit de présentation de comptes infidèles, en revanche les comptes d'une société de ce groupe donnant une image infidèle du résultat des opérations et de la situation financière en vue de dissimuler la véritable situation de cette société emportent une nécessaire inexactitude des comptes consolidés du groupe ayant été établis, notamment, en considération de cette comptabilité infidèle ; qu'à cet égard, les investissements à perte préjudiciables faits, pour redresser la situation financière (en réalité déjà irrémédiablement compromise) d'un groupe, par un actionnaire qu'ont induit en erreur les comptes consolidés dudit groupe dont il ignorait qu'ils avaient été rendus inexacts par leur indexation partielle sur la présentation infidèle de la comptabilité d'une des sociétés dudit groupe, ont été par définition directement et nécessairement causés par ladite présentation de comptes infidèles de cette société du groupe ; qu'au cas présent, pour confirmer l'irrecevabilité de la constitution de partie civile de l'exposante, l'arrêt attaqué s'est borné à affirmer que « la chambre de l'instruction a précisé dans sa décision que « l'audit réalisé par la société [3] a été effectué sur présentation des bilans querellés et, au regard du prix d'achat d'un euro, la publication de bilans supposés inexacts n'a pas été déterminante de l'évaluation des actions » ; que l'ordonnance de renvoi du magistrat instructeur ne comporte aucune poursuite visant les comptes consolidés de la SA [4] ; qu'en page 9 de ses conclusions de partie civile, la société [3] fait valoir « qu'à partir du mois d'avril 2007, elle a commencé à procéder à des investissements conséquents au sein du groupe [4], sur la foi des informations qui lui avaient été données par M. [I] et des comptes certifiés qui lui avaient été remis par ce dernier » ; qu'en page 32 des mêmes écritures, la société [3] confirme « qu'elle a pris sa décision de se porter candidate à la reprise du groupe [4] sur l'analyse des comptes consolidés au 31 mars 2006 puisque c'est sur cette base qu'elle a évalué les capacités de redressement du groupe et les fonds nécessaires un tel redressement » ; or il est de jurisprudence constante que la présentation des comptes consolidés est exclue du champ d'application du délit de présentation ou publication de comptes infidèles prévus par l'article L. 242-6, 2°, du code de commerce » ; qu'en se déterminant ainsi, quand les dommages personnellement subis par l'exposante découlent directement du délit de présentation de comptes infidèles dans la mesure où ses investissements à perte (financement de besoin en fonds de roulement, apports en compte courant d'associé…), évalués à plusieurs millions d'euros et que l'on ne saurait raisonnablement réduire à l'euro d'achat des actions, ont été déterminés par sa confiance, abusée, dans les comptes consolidés du groupe [4] qu'avait rendus inexacts la présentation infidèle des comptes de la société [4] España, la cour d'appel de Nancy, qui a fait abstraction du lien de causalité direct entre l'infidélité des comptes de la société [4] España, constitutive du délit poursuivi, et la perte de la chance, pour l'exposante, de mieux investir les 50M€ qu'elle a inutilement mobilisés ou déboursés en vue de l'impossible redressement du groupe [4] en considération des comptes consolidés du groupe rendus nécessairement inexacts par le délit poursuivi, a privé sa décision de base légale au regard des articles 2 et 3 du code de procédure pénale, ensemble l'article L. 242-6, 2°, du code de commerce ;

3°/ que les décisions de la justice pénale ont au civil autorité absolue, à l'égard de tous en ce qui concerne ce qui a été nécessairement jugé quant à l'existence du fait incriminé et sa qualification ; qu'à cet égard, un motif décisif d'un jugement pénal par lequel un tribunal correctionnel reconnaît que des faits de présentation de comptes annuels inexacts ont été commis implique a minima que, en cas d'appel sur les seuls intérêts civils par la partie civile, la cour d'appel tienne pour établie la réalité d'une faute civile dans les limites des faits de présentation de comptes annuels inexacts objets de la poursuite ; qu'au cas présent, pour confirmer l'irrecevabilité de la constitution de partie civile de l'exposante, l'arrêt attaqué a cru pouvoir affirmer que la société [3] ne pouvait se prévaloir à l'encontre de MM. [I] et [K] d'une « faute civile dont elle n'établit pas la réalité dans les limites des faits objets de la poursuite » et notamment qu'elle « ne démontre pas que les prévenus ont été directement informés de la comptabilisation inexacte des stocks de la société [4] España et des fausses factures établies par cette société dont ils n'avaient pas directement la responsabilité matérielle » ; qu'en statuant ainsi, alors que le jugement du 9 octobre 2019 avait, même à supposer qu'il ne fallût pas rectifier l'erreur matérielle affectant son dispositif, définitivement établi, dans ses motifs décisifs (p. 143-144), qu'il « résulte du contexte des faits, en particulier des ventes sans facture réalisées à son profit, que [A] [I] ne pouvait ignorer les incidences de ces ventes sur les stocks ; qu'en outre, s'agissant des comptes annuels clos au 31 mars 2005 et au 31 mars 2006, il résulte du témoignage de [M] [K] que [A] [I] n'ignorait pas l'importance de la surévaluation des stocks de la société [4] Espana ; que, par ailleurs, du fait de sa qualité de membre du directoire de la société [4] et de son implication directe dans l'établissement des comptes consolidés du groupe, [M] [K] a agi comme coauteur du délit ; qu'en conséquence, [A] [I] et [M] [K] sont déclarés coupables pour les faits de présentation de comptes annuels inexacts, pour les exercices 2004, 2006 et 2006 », ce qui a minima établissait définitivement l'existence, de la part de MM. [I] et [K], d'une faute civile dans les limites des faits objets de la poursuite, la cour d'appel de Nancy, à laquelle s'imposait l'autorité du motif décisif du tribunal correctionnel de Nancy relatif aux faits de présentation de comptes annuels inexacts, a violé les articles 2, 3 et 497 du code de procédure pénale, ensemble le principe d'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil ;

4°/ subsidiairement, que les investissements à perte préjudiciables faits, pour redresser la situation financière (en réalité déjà irrémédiablement compromise) d'un groupe, par un actionnaire qu'ont induit en erreur les comptes consolidés dudit groupe dont il ignorait qu'ils avaient été rendus inexacts par leur indexation partielle sur la présentation infidèle de la comptabilité d'une des sociétés dudit groupe, ont été par définition directement et nécessairement causés par ladite présentation de comptes infidèles de cette société du groupe ; qu'au cas présent, pour confirmer l'irrecevabilité de la constitution de partie civile de l'exposante, l'arrêt attaqué s'est borné à avancer que l'exposante « ne peut se prévaloir à l'encontre des prévenus d'un lien de causalité entre une perte de chance qu'elle évalue à 50 millions d'euros et une faute civile », que « les erreurs de comptabilisation invoquées par la société [3] ne représentaient qu'une part infime du chiffre d'affaires consolidé de la SA [4] », que l'exposante ne démontrerait pas que le « rapport financier contenant correction des comptes n'a pas été communiqué au cabinet d'audit qu'elle a expressément mandaté avant de se porter candidate à la reprise du groupe [4] « sur la foi des comptes consolidés au 31 mars 2006 » », qu'elle n'apparaîtrait « pas fondée à soutenir […] que sa décision d'investissement dans le groupe [4] a été viciée ab initio alors que le protocole de reprise a été librement négocié entre M. [I] et M. [Y], son président-directeur général ; […] que l'accord aujourd'hui contesté a été précédé d'un audit du cabinet [Z] & [B] lequel a nécessairement eu communication de tous les comptes consolidés et bilans antérieurement réalisés des sociétés du groupe [4] avant de faire connaître à M. [Y] que la situation financière du groupe [4] était saine ; […] que M. [Y] admet qu'il était très intéressé par la reprise et prêt à n'importe quoi pour acheter [4] car il voulait que [3] devienne la plus grande société dans le domaine du jouet en Europe ; qu'il a reconnu qu'il était prêt à apporter l'argent qu'il fallait pour aider au redressement du groupe [4] moyennant le rachat de 55 % des actions des familles [I] et [N] pour un euro symbolique » ; qu'en se déterminant ainsi, quand les dommages personnellement subis par l'exposante découlent directement du délit de présentation de comptes infidèles dans la mesure où ses investissements à perte (financement de besoin en fonds de roulement, apports en compte courant d'associé…), évalués à plusieurs millions d'euros et que l'on ne saurait raisonnablement réduire à l'euro d'achat des actions, ont été déterminés par sa confiance, abusée, dans les comptes consolidés du groupe [4] qu'avait rendus inexacts la présentation infidèle des comptes de la société [4] España, et alors que, premièrement, la liberté de négociation entre M. [I] et M. [Y], dont a excipé l'arrêt, n'excluait pas qu'elle fût faussée par des comptes infidèles, que, deuxièmement, l'intérêt de [3] pour [4] ne se comprenait, aux termes des propres constatations de l'arrêt, que dans la perspective d'un redressement de sorte que l'impossibilité de celui-ci, si elle n'avait été cachée à [3] au moyen notamment de comptes infidèles, l'aurait conduite à ne pas investir les millions dépensés en pure perte, et que, troisièmement, le motif tiré de la communication probable des comptes aux auditeurs d'[Z] & [B] est inopérant, l'arrêt ayant évoqué un audit dont les conclusions affirmaient que la situation financière du groupe [4] était saine, quand en réalité il y avait déjà cessation des paiements, ce qui vient attester un peu plus que l'inexactitude des comptes a causé le préjudice financier de perte de chance de [3] puisqu'elle a influencé même le bilan de l'audit préalable, la cour d'appel de Nancy, qui a écarté l'existence d'un lien de causalité entre les préjudices subis par l'exposante, consistant en une perte de la chance de mieux investir les 50M€ inutilement mobilisés ou déboursés en vue de l'impossible redressement du groupe [4], et la faute a minima civile de MM. [I] et [K] tenant à la présentation de comptes infidèles de [4] España, par des motifs insuffisants ou inopérants, a privé sa décision de base légale au regard des articles 2, 3 et 470 du code de procédure pénale, ensemble l'article L. 242-6, 2° du code de commerce. »


Réponse de la Cour

20. La cassation est encourue, dès lors que, par arrêt en date de ce jour (n° 22-83.763), la Cour de cassation a cassé l'arrêt de la cour d'appel confirmant le rejet de la requête en rectification d'erreur matérielle présentée par la société [3] et fait droit à la requête, et que, pour confirmer la déclaration d'irrecevabilité de la constitution de partie civile de cette société du chef du délit de présentation de comptes annuels inexacts, l'arrêt attaqué par le présent pourvoi se réfère au caractère définitif de la relaxe.

Et sur le second moyen

Enoncé du moyen

21. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré irrecevable la constitution de partie civile de la société [3], alors « que l'actionnaire majoritaire d'une société victime d'un abus de biens sociaux est recevable à se constituer partie civile s'il démontre l'existence d'un préjudice propre, distinct du préjudice social, découlant directement de l'infraction ; qu'il en va notamment ainsi de l'actionnaire qui a beaucoup investi dans la société aux seules fins de favoriser son rétablissement financier mais en vain dans la mesure où des abus de biens sociaux ont été commis et ont rendu irrémédiable la cessation des paiements de la société, causant ainsi directement, à la fois, un préjudice social (l'effondrement financier de la société) et un préjudice distinct personnel à l'actionnaire (une perte de chance de mieux utiliser les sommes dépensées et détournées) ; qu'au cas présent, pour confirmer l'irrecevabilité de la constitution de partie civile de l'exposante, l'arrêt attaqué s'est borné à affirmer que « le délit d'abus de biens sociaux et autres infractions commises dans la gestion d'une société n'occasionnent un dommage personnel et direct qu'à la société spoliée elle-même et non à chaque associé de sorte que les associés ne peuvent être indemnisés individuellement pour le préjudice indirect subi du fait de l'appauvrissement de la société dans laquelle ils sont intéressés ; que la société [3] dispose, comme tous les autres créanciers de sociétés en liquidation, de la possibilité de récupérer ses investissements par le biais de l'action du liquidateur chargé de distribuer, le cas échéant, le boni de liquidation à se partager entre l'ensemble des créanciers dont les associés » ; qu'en statuant ainsi, quand l'exposante excipait non du préjudice social du groupe [4] mais d'un préjudice personnellement souffert et directement causé par les abus de biens sociaux et les infractions connexes commises par les condamnés qui, en rendant irrémédiable la déconfiture du groupe, avaient fait perdre à [3] une chance d'investir ses millions mieux donc ailleurs et avaient malgré elle associé son nom à la mise en lumière médiatique de pratiques illicites ayant conduit le fleuron français du jouet à la ruine, la cour d'appel de Nancy, qui a déclaré irrecevable l'action civile de l'exposante comme si elle avait voulu obtenir ut singuli réparation pour elle-même du préjudice social du groupe quand [3] excipait, à l'inverse, du dommage qu'elle avait personnellement souffert et que lui avaient directement causé les abus de biens sociaux pour lesquels M. [I] et ses complices avaient été condamnés, a violé par fausse application les articles 2 et 3 du code de procédure pénale, ensemble les articles L. 242-6, 3°, du code de commerce et 1843-5 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 2 et 593 du code de procédure pénale :

22. Les associés d'une société victime d'un abus de biens sociaux, exerçant non l'action sociale mais agissant à titre personnel, sont recevables à se constituer partie civile lorsqu'ils démontrent l'existence d'un préjudice propre, distinct du préjudice social, découlant directement de l'infraction.

23. Tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.

24. Pour confirmer la déclaration d'irrecevabilité de la constitution de partie civile de la société [3] du chef d'abus de biens sociaux, l'arrêt retient que ce délit et les autres infractions commises dans la gestion d'une société n'occasionnent un dommage personnel et direct qu'à la société spoliée elle-même et non à chaque associé, de sorte que les associés ne peuvent être indemnisés individuellement pour le préjudice indirect subi du fait de l'appauvrissement de la société dans laquelle ils sont intéressés.

25. Les juges ajoutent que la société [3] dispose, comme tous les autres créanciers de sociétés en liquidation, de la possibilité de récupérer ses investissements par le biais de l'action du liquidateur chargé de distribuer, le cas échéant, le boni de liquidation à se partager entre l'ensemble des créanciers, dont les associés.

26. En se déterminant ainsi, alors que la société [3] alléguait un préjudice présenté comme distinct du préjudice social, la cour d'appel a insuffisamment justifié sa décision.

27. La cassation est par conséquent de nouveau encourue.


PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Nancy, en date du 15 juillet 2021, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Nancy, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Nancy, et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept mai deux mille vingt-trois.

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