19 avril 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-16.217

Chambre sociale - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2023:SO00483

Texte de la décision

SOC.

ZB1



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 19 avril 2023




Cassation partielle


Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 483 F-D

Pourvoi n° R 20-16.217



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 19 AVRIL 2023

La société Service distribution assistance, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° R 20-16.217 contre l'arrêt rendu le 27 février 2020 par la cour d'appel de Papeete (chambre sociale), dans le litige l'opposant à M. [V] [U], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Pietton, conseiller, les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de la société Service distribution assistance, de la SCP Marlange et de La Burgade, avocat de M. [U], après débats en l'audience publique du 21 mars 2023 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Pietton, conseiller rapporteur, M. Barincou, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Papeete, 27 février 2020), M. [U] a été engagé à compter du 1er juin 2007 en qualité de directeur par la société Service distribution assistance (la société SDA).

2. Par délibération du 17 avril 2013, le conseil d'administration de la société SDA l'a nommé directeur général à compter du 1er mai 2013.

3. Par lettre du 26 janvier 2017, M. [U] a démissionné de ses fonctions de directeur général des sociétés SDA et Polynésie Froid. Par lettre du 29 janvier 2017, son conseil remettait en cause sa démission et proposait une rupture conventionnelle.

4. Révoqué le 3 février 2017 de ses fonctions sociales de directeur général, le salarié a été licencié pour faute grave par lettre du 13 février 2017.

5. Contestant son licenciement, il a saisi la juridiction prud'homale.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

6. La société fait grief à l'arrêt de dire le licenciement pour faute grave prononcé à l'encontre du salarié sans cause réelle et sérieuse, alors « pendant la période de suspension de son contrat de travail, le salarié devenu mandataire social reste tenu envers son employeur d'une obligation de loyauté ; que, si la lettre de licenciement fixe les limites du litige quant aux faits et griefs que l'employeur invoque à l'appui de sa décision de rompre le contrat de travail, il revient au juge de qualifier ces faits et griefs ; que, dans ses conclusions d'appel, la société SDA a invoqué la violation par M. [U] des obligations découlant de son contrat de travail, notamment l'obligation de loyauté et les troubles caractérisés au sein de l'entreprise qui en résultaient, ce qu'ont relevé les juges du fond ; qu'en se bornant à considérer que l'employeur n'avait pas invoqué et démontré que les griefs reprochés à l'appelant, bien que commis pendant la période de suspension du contrat de travail, étaient susceptibles de créer, postérieurement à la révocation du mandat social, un trouble caractérisé au bon fonctionnement de l'entreprise justifiant le licenciement et qu'il n'était pas davantage justifié que, pendant la période de suspension de son contrat de travail, le salarié devenu mandataire social aurait manqué envers son employeur à son obligation de loyauté cependant qu'il lui appartenait de déterminer si les faits invoqués dans la lettre de licenciement étaient constitutifs d'un manquement à l'obligation de loyauté dont le salarié était tenu en vertu de son contrat de travail, et de rechercher s'ils constituaient une faute grave justifiant le licenciement, la cour d'appel, qui a méconnu son office, a violé les articles Lp. 1222-1, Lp. 1222-9, Lp. 1321-1, Lp. 1225-1, Lp. 1222-1 du code du travail de Polynésie française, ensemble l'article 1134, alinéa 3 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

Vu les articles Lp. 1222-1, Lp. 1222-9, Lp. 1225-1 du code du travail de Polynésie française et l'article 1134, alinéa 3 du code civil, dans la rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

7. D'abord, pendant la période de suspension de son contrat de travail, le salarié devenu mandataire social reste tenu envers son employeur d'une obligation de loyauté.

8. Ensuite, en matière de licenciement prononcé à titre disciplinaire, si la lettre de licenciement fixe les limites du litige en ce qui concerne les griefs articulés à l'encontre du salarié et les conséquences que l'employeur entend en tirer quant aux modalités de rupture, il appartient au juge de qualifier les faits invoqués.

9. Pour juger le licenciement du salarié dépourvu de cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que l'employeur n'a pas invoqué et démontré à l'appui de la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, que les griefs reprochés au salarié, bien que commis pendant la période de suspension du contrat de travail, étaient susceptibles de créer, postérieurement à la révocation du mandat social, un trouble caractérisé au bon fonctionnement de l'entreprise justifiant le licenciement et que pas davantage n'est justifié que pendant la période de suspension de son contrat de travail, le salarié devenu mandataire social aurait manqué envers son employeur à son obligation de loyauté.

10. En statuant ainsi, la cour d'appel, à qui il appartenait de déterminer si les faits invoqués dans la lettre de licenciement n'étaient pas constitutifs d'un manquement à l'obligation de loyauté dont le salarié était tenu en vertu du contrat de travail, comme le soutenait l'employeur dans ses conclusions, a violé les articles susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare l'appel recevable, l'arrêt rendu le 27 février 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Papeete ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Papeete, autrement composée ;

Condamne M. [U] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf avril deux mille vingt-trois.

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