14 avril 2023
Cour d'appel d'Amiens
RG n° 22/01671

2EME PROTECTION SOCIALE

Texte de la décision

ARRET

N° 426





[X]





C/



DÉPARTEMENT DU NORD













COUR D'APPEL D'AMIENS



2EME PROTECTION SOCIALE





ARRET DU 14 AVRIL 2023



************************************************************



N° RG 22/01671 - N° Portalis DBV4-V-B7G-IM5F



JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE (Pôle Social) EN DATE DU 07 mars 2022





PARTIES EN CAUSE :





APPELANT





Monsieur [J] [X]

[Adresse 3]

[Localité 9]







Assisté et plaidant par Me Virginie STIENNE-DUWEZ, avocat au barreau de LILLE, vestiaire : 0247





(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/007890 du 06/10/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de [Localité 4])





ET :





INTIMEE





Le [6], agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 2]





Convoqué à l'audience par lettre recommandée en date du 08 Juin 2022 dont l'accusé de réception a été tamponné le 13 Juin 2022





Non comparant, non représenté







DEBATS :



A l'audience publique du 05 Janvier 2023 devant Monsieur Renaud DELOFFRE, Conseiller, siégeant seul, sans opposition des avocats, en vertu des articles 786 et 945-1 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 14 Avril 2023.



GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme [K] [Z]





COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :



Monsieur [W] [Y] en a rendu compte à la Cour composée en outre de:



Mme Elisabeth WABLE, Président de chambre,

Mme Graziella HAUDUIN, Président,

et Monsieur Renaud DELOFFRE, Conseiller,



qui en ont délibéré conformément à la loi.





PRONONCE :



Le 14 Avril 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, Mme Elisabeth WABLE, Président a signé la minute avec Mme Marie-Estelle CHAPON, Greffier.



*

* *



DECISION





Monsieur [J] [X], né le 27 juillet 1993 à [Localité 9], est porteur d'une infirmité motrice cérébrale d'origine néonatale responsable d'une tétraplégie permanente.



Son état de santé justifie l'utilisation permanente d'un fauteuil roulant électrique adapté.



Le fauteuil électrique adapté de Monsieur [X] étant hors d'usage, il a adressé au Président du [5] une demande aux fins d'obtenir le bénéfice de la prestation de compensation du handicap d'urgence afin de financer son nouveau fauteuil électrique et ce par courrier adressé le 12 août 2021 au Département du Nord.



Il a saisi le Pôle Social du Tribunal Judiciaire de Lille le 18 octobre 2021 pour solliciter le bénéfice de la prestation de compensation du handicap pour l'acquisition d'un fauteuil roulant électrique et à défaut, d'enjoindre le Président du Conseil Départemental de lui accorder le bénéfice de la prestation de compensation du handicap à compter de la notification du jugement sous astreinte de 150,00 euros par jour de retard, condamner la [Adresse 7] à lui verser la somme de 5 000,00 euros de dommages et intérêt à et enfin de condamner le Département du Nord et la [Adresse 7] à lui verser la somme de 2 000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.



Le Département a demandé au Tribunal de dire n'y avoir lieu à statuer au motif que la [Adresse 7] avait donné une suite favorable à la demande de Monsieur [J] [X] en lui accordant en date du 1 er décembre 2021 une aide technique dans le cadre de la PCH qui est valable du 1er août 2021 au 31 juillet 2024 pour lui permettre d'acquérir un fauteuil roulant électrique et de rejeter les demandes supplémentaires.



Par jugement en date du 7 mars 2022, dont la date de notification aux parties ne figure pas au dossier de la Cour, le Tribunal a décidé ce qui suit':



'Le tribunal statuant publiquement, après débats en chambre du conseil, par jugement

contradictoire et en premier ressort,'

Se déclare matériellement incompétent au profit du tribunal administratif de LILLE

Transmet la requête de Monsieur [J] [X] au Tribunal Administratif de Lille avec copie du présent jugement. '



Le Tribunal a motivé pour l'essentiel sa décision par le fait que la requête considérée est de la compétence du tribunal administratif de Lille



Appel de ce jugement a été interjeté par Monsieur [X] par courrier électronique de son avocat du 8 avril 2022. Par conclusions reçues par le greffe en date du 23 décembre 2022 et soutenues par avocat, l'appelant demande à la Cour de':

- INFIRMER le jugement rendu par le pôle social du tribunal judiciaire de Lille le 7 mars 2022 en ce qu'il s'est déclaré incompétent, a transmis le dossier au tribunal administratif et jugé que le dossier serait transmis à l'expiration du délai d'appel.

- ANNULER la décision du président du conseil départemental du Nord rejetant implicitement la demande de prestation de compensation du handicap formulée par Monsieur [J] [X] pour l'acquisition d'un fauteuil roulant électrique ;

- CONDAMNER le Département du Nord à payer à Monsieur [J] [X] une somme de 30569.80 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices subis avec intérêts aux taux légal à compter du 10 février 2022, date de réception du recours préalable en indemnisation, ces intérêts portant eux-mêmes intérêts à chaque échéance annuelle et pour la première fois le 10 février 2023.

- CONDAMNER le Département du Nord à payer à Maître [H] [G] une somme de 3000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.



Il fait en substance valoir que le Président du Département du Nord n'a jamais statué sur la demande de [8] d'urgence et que sa décision implicite de rejet doit être annulée, que le Département a commis une faute de nature à engager la responsabilité du département alors que la demande de [8] d'urgence était manifestement justifiée, qu'il justifie de son préjudice moral et de son pretium doloris.



Le Département du Nord, régulièrement convoqué à l'audience du 5 janvier 2023 à 13h30 par courrier du greffe du 8 juin 2022 reçu par ses services le 13 juin 2022, n'a pas comparu.






L'arrêt sera donc réputé contradictoire.






MOTIFS DE L'ARRET.



SUR LA DEMANDE DE MONSIEUR [X] D'ANNULATION DE LA DECISION IMPLICITE DE REJET DE SA DEMANDE PAR LE DEPARTEMENT DU NORD.



Attendu qu'il y a lieu à non-lieu à statuer en cas de disparition de l'objet du litige ( Civ 1ère, 4 juillet 2006, pourvoi no 05-15831, Civ 1ère , 21 novembre 2006, Bull I no 497; Crim. 31 mai 2012, Bull Crim no 140).



Qu'il n'y a ainsi plus lieu de statuer sur le refus du président du conseil départemental d'accorder une PCH à titre provisoire puisque quelle que soit la décision que pourrait prendre une éventuelle cour de renvoi sur la légalité de la décision de refus contestée, elle ne pourrait pas modifier les droits de l'intéressé au titre de la PCH qui ont été irrévocablement fixés ( en ce sens 2e Civ., 28 janvier 2021, pourvoi n° 19-24.822)



Attendu qu'il est constant que Monsieur [X] a obtenu le bénéfice de la [8] sollicitée.



Qu'il y a donc non-lieu à statuer sur sa demande au titre du la PCH provisoire.



SUR LA DEMANDE INDEMNITAIRE DE MONSIEUR [X].



Attendu que depuis son arrêt Blanco du 8 février 1873, le Tribunal des conflits décide, de manière constante, que, sauf dispositions législatives contraires, la responsabilité qui peut incomber à l'Etat ou aux autres personnes morales de droit public en raison des dommages imputés à leurs services publics administratifs est soumise à un régime de droit public et relève, en conséquence, de la compétence de la juridiction administrative (voir, notamment, en ce sens : TC, 15 novembre 1999, pourvoi n° 99-03.153 ; TC, 2 mai 2011, pourvoi n° 11-03.766, T. conflits., Bull. 2011, n° 11 ; TC, 7 juillet 2014, pourvoi n° 14-03.959 ).



Qu'une telle compétence 'découle du principe de la séparation des autorités administratives et judiciaires, posé par l'article 13 de la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III', et ne reçoit exception que pour les 'matières dévolues à l'autorité judiciaire par des règles ou principes de valeur constitutionnelle' (TC, 9 décembre 2013, pourvoi n° 13-03.924, Bull. 2013, T. conflits, n° 24 également entre autres arrêts de la Cour de Cassation 3e Civ., 9 mars 2022, pourvoi n° 19-24.594 1re Civ., 6 février 2019, pourvoi n° 18-11.217)



Attendu qu'aux termes de l'article L245-2 dans sa rédaction applicable au litige':



La prestation de compensation est accordée par la commission mentionnée à l'article L. 146-9 et servie par le département où le demandeur a son domicile de secours ou, à défaut, où il réside, dans des conditions identiques sur l'ensemble du territoire national.

L'instruction de la demande de prestation de compensation comporte l'évaluation des besoins de compensation du demandeur et l'établissement d'un plan personnalisé de compensation réalisés par l'équipe pluridisciplinaire dans les conditions prévues à l'article L. 146-8.

Toutefois, en cas d'urgence attestée, le président du conseil départemental peut attribuer la prestation de compensation à titre provisoire et pour un montant fixé par décret. Il dispose d'un délai de deux mois pour régulariser cette décision, conformément aux dispositions des deux alinéas précédents.

Les décisions relatives à l'attribution de la prestation par la commission mentionnée à l'article L. 146-9 peuvent faire l'objet d'un recours devant la juridiction compétente pour connaître du contentieux mentionné à l'article L. 142-1 du code de la sécurité sociale.



Qu'aux termes de l'article R245-36 du Code précité':



En cas d'urgence attestée, l'intéressé peut, à tout moment de l'instruction de sa demande de prestation de compensation, joindre une demande particulière sur laquelle le président du conseil départemental statue en urgence dans un délai de quinze jours ouvrés en arrêtant le montant provisoire de la prestation de compensation. Le ministre chargé des personnes handicapées peut fixer par arrêté les conditions particulières dans lesquelles l'urgence est attestée.

Le président du conseil départemental informe l'organisme débiteur des prestations familiales de l'attribution provisoire de la prestation lorsque le bénéficiaire perçoit l'allocation prévue à l'article L. 541-1 du code de la sécurité sociale.



Attendu l'article L.'142-1 du Code de la sécurité sociale prévoit notamment que ':



Le contentieux de la sécurité sociale comprend les litiges relatifs': [']



- 8° Aux décisions de la commission des droits et de l'autonomie des personnes'handicapées mentionnées au'premier alinéa de l'article L.'241-9 du Code de l'action sociale et des familles';

- 9° Aux décisions du président du'conseil départemental'mentionnées à l'article L.'241-3 du même Code relatives aux mentions «'invalidité'» et «'priorité'».



Qu'il résulte, enfin, de l'article L. 134-3 du code de l'action sociale et des familles, que « Le juge judiciaire connaît des litiges : 4° Relatifs à la prestation de compensation accordée aux personnes handicapées mentionnée à l'article L. 245-2 et l'allocation compensatrice, prévue à l'article L. 245-1 dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.



Attendu que la compétence judiciaire prévue par l'article L.245-2 du Code de l'action sociale pour connaître d'un recours contre les décisions relatives à l'attribution de la prestation du handicap ne vaut que pour les décisions de la commission mentionnée à l'article L.146-9 du Code de l'action sociale et des familles et non pour les décisions du Président du Conseil Départemental.



Que par ailleurs, la demande en dommages et intérêts présentée par Monsieur [X] en réparation du préjudice qui lui aurait été causé par la décision implicite de rejet du Président du Conseil Départemental n'est pas un litige relatif à une décision du Conseil départemental mentionnée à l'article L.'241-3 du même Code relatives aux mentions «'invalidité'» et «'priorité'».



Attendu ensuite que s'il résulte de l'arrêt du Tribunal des Conflits du 14 mars 2022 ( pourvoi n° 22-04.237) que le législateur a attribué compétence à la juridiction judiciaire pour statuer sur «'les litiges relatifs à la prestation de compensation et à l'allocation compensatrice » le présent litige n'est pas relatif à la prestation de compensation elle-même, qui ne fait l'objet d'aucune contestation, mais est une action en responsabilité à raison de la carence prétendue du Président du Conseil Départemental à statuer sur la demande d'octroi provisoire de la prestation précitée.



Attendu que par ordonnance du 17 octobre 2022, la Présidente de la 3ème Chambre du Tribunal Administratif de Lille a renvoyé la requête de Monsieur [X] du 21 juillet 2022 au Tribunal Judiciaire de Lille.



Attendu que cette décision, intervenue en application de l'article 32 du décret du 27 février 2015, ne peut faire l'objet d'aucun recours.



Qu'elle est intervenue sur la même demande présentée dans des instances différentes.



Que la présente Cour estime que la demande qui lui est soumise ressortit de la compétence de la juridiction administrative.



Qu'il convient en application de l'article 32 du décret n° 2015-233 du 27 février 2015 de renvoyer au Tribunal des conflits le soin de décider sur la question de compétence ainsi soulevée et surseoir à toute procédure jusqu'à la décision de ce tribunal .



Que dans l'attente de la décision du Tribunal des Conflits, il convient de réserver les dépens.'



PAR CES MOTIFS.



La Cour, statuant par arrêt réputé contradictoire rendu en audience publique par sa mise à disposition au greffe,



Dit y avoir lieu à non-lieu à statuer sur la demande de Monsieur [X] en annulation de la décision de refus implicite de Monsieur le Président du [5] à la suite de la demande d'octroi de la prestation de compensation du handicap à titre provisoire résultant de son courrier du 12 août 2021.



Et en ce qui concerne la compétence juridictionnelle pour connaître de la demande en dommages et intérêts dirigée contre le Département du Nord à raison du préjudice que Monsieur [X] aurait subi du fait de cette décision implicite de rejet de sa demande.



Renvoie au Tribunal des conflits le soin de décider sur la question de compétence ainsi soulevée et surseoit à toute procédure jusqu'à la décision de ce tribunal .



Dit que le présent arrêt sera adressé par le greffe de la Cour au secrétariat du Tribunal des conflits avec l'ensemble des pièces de la procédure.



Ordonne la radiation de la présente procédure et dit que la cause sera réinscrite au rôle de la présente Cour à l'initiative de la partie la plus diligente ou d'office dès que la décision du Tribunal des conflits sera intervenue.



Réserve les dépens.





Le Greffier, Le Président,

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