13 avril 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-84.426

Chambre criminelle - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2023:CR00379

Titres et sommaires

ETRANGER - Entrée et séjour - Entrée et séjour irréguliers - Directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier - Champ d'application - Exclusion - Transfert de l'étranger dans le cadre du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013

La directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 n'est pas applicable au transfert d'un étranger d'un Etat de l'Union vers un autre Etat membre, qui est mis en oeuvre conformément au règlement européen n° 604/2013. N'encoure cependant pas la censure l'arrêt qui, sur le fondement de la directive précitée, prononce la relaxe d'une personne poursuivie à l'occasion d'un tel transfert, du chef de refus de se soumettre aux obligations sanitaires nécessaires à l'exécution d'office d'une mesure d'éloignement, infraction prévue par l'article L. 824-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que ce sont les dispositions de l'article L. 824-10 du même code qui sont applicables en matière de transfert, lesquelles n'incriminent pas le refus de se soumettre au test de dépistage de la COVID 19

ETRANGER - Entrée et séjour - Entrée et séjour irréguliers - Transfert de l'étranger dans le cadre du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 - Refus de se soumettre au test de dépistage de la covid 19 - Incrimination (non)

Texte de la décision

N° X 22-84.426 FS-B

N° 00379


RB5
13 AVRIL 2023


REJET


M. BONNAL président,








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 13 AVRIL 2023



Le procureur général près la cour d'appel de Metz a formé un pourvoi contre l'arrêt n° 329 de ladite cour d'appel, chambre correctionnelle, en date du 16 juin 2022, qui a relaxé Mme [X] [M] du chef d'infraction à la législation sur les étrangers, en récidive.

Un mémoire a été produit.

Sur le rapport de M. Turbeaux, conseiller, et les conclusions de M. Courtial, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 22 février 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Turbeaux, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, Mmes Labrousse, Leprieur, Sudre, MM. Maziau, Seys, Dary, Mme Thomas, MM. Laurent, Gouton, Brugère, Mme Chaline-Bellamy, M. Hill, conseillers de la chambre, MM. Violeau, Mallard, Mme Guerrini, M. Michon, Mme Diop-Simon, conseillers référendaires, M. Courtial, avocat général référendaire, et Mme Boudalia, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Mme [X] [M], de nationalité angolaise, est entrée sur le territoire de l'Union européenne et a déposé une demande d'asile en Allemagne. Elle est ensuite entrée irrégulièrement sur le territoire français.

3. Elle a présenté une demande d'asile à la préfecture du Loiret, le 20 mars 2018, puis elle a fait l'objet d'une procédure de transfert et a été remise aux autorités allemandes le 21 décembre 2018, en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, dit règlement Dublin III.

4. Elle a regagné ensuite le territoire français.

5. Le 26 octobre 2021, à la demande des autorités françaises, les autorités allemandes ont accepté de prendre de nouveau en charge Mme [M]. Le 15 novembre suivant, elle a fait l'objet d'un arrêté préfectoral de transfert en Allemagne.

6. Elle a été placée en rétention administrative, le 3 janvier 2022. Le 19 février 2022, elle a refusé de se soumettre à un test de dépistage de la covid-19, exigé par les autorités allemandes. Elle a renouvelé ce refus, le 23 février 2022.

7. Elle a été placée en garde à vue, puis poursuivie sur le fondement de l'article L. 824-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, devant le tribunal correctionnel, pour refus, par un étranger, de se soumettre aux modalités de transport ou aux obligations sanitaires nécessaires à l'exécution d'office d'une décision d'éloignement.

8. Par jugement du 1er mars 2022, le tribunal correctionnel a prononcé sa relaxe après avoir fait droit à une exception de nullité.

9. Le procureur de la République a relevé appel de cette décision.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

10. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a fait droit aux exceptions de nullités et relaxé Mme [M], alors que l'article L. 824-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'exige pas que la personne ait fait l'objet d'une mesure régulière de placement en rétention ou d'une assignation à résidence ayant pris fin sans qu'il ait pu être procédé à son éloignement, élément légal qui figure exclusivement dans l'article L. 824-3 du même code qui réprime l'infraction de maintien irrégulier sur le territoire, qu'en retenant que l'impossibilité d'engager des poursuites pénales à l'encontre d'un étranger, faisant l'objet d'une mesure de rétention administrative avant l'expiration du délai maximal de rétention, doit s'interpréter comme un principe général s'appliquant non seulement au délit de maintien irrégulier sur le territoire national mais également à ceux d'obstruction et de soustraction à l'exécution d'une mesure administrative de reconduite à la frontière, la cour d'appel a violé les articles L. 824-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 591 du code de procédure pénale.

Réponse de la Cour

11. Pour accueillir l'exception de nullité soulevée par la prévenue et prononcer sa relaxe, l'arrêt attaqué retient que la poursuite a été exercée alors que le délai maximal de rétention de la personne poursuivie n'était pas atteint, en violation des règles posées par la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008, telle qu'interprétée par la Cour de justice de l'Union européenne.

12. C'est à tort que la cour d'appel s'est fondée sur le texte et la jurisprudence précités.

13. En effet, l'article 3 de cette directive, qui fixe les normes et procédures à appliquer dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, définit le retour comme le fait, pour ces ressortissants, volontairement ou en y étant forcé, de rentrer dans leur pays d'origine, ou un pays de transit conformément à des accords ou autres arrangements de réadmission communautaires ou bilatéraux, ou dans un autre pays tiers qui l'accepte.

14. Les pays de transit ainsi mentionnés sont des pays tiers à l'Union européenne.

15. La directive 2008/115 n'est donc pas applicable aux procédures de transfert d'un État de l'Union européenne vers un autre État membre, qui, comme en l'espèce, sont mises en oeuvre conformément au règlement n° 604/2013.

16. Cependant, l'arrêt n'encourt pas la censure, pour les motifs qui suivent.

17. Compte tenu de l'objet de la procédure appliquée à la prévenue, l'article L. 824-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui réprime la soustraction à l'exécution d'une interdiction administrative du territoire français, d'une obligation de quitter le territoire ou d'une décision d'expulsion, dont la violation a été poursuivie, n'est pas applicable à la situation de la prévenue, poursuivie pour s'être opposée à une décision de transfert.

18. En effet, d'une part, le refus de se soumettre aux modalités de transport désignées à la personne en cause pour l'exécution de la mesure d'éloignement dont elle fait l'objet, prévu par le même article, vise, selon les travaux parlementaires qui s'y rapportent, à réprimer les cas dans lesquels cette personne oppose un refus d'embarquement à l'occasion de l'exécution d'office de cette mesure.

19. D'autre part, c'est en application de l'article L. 824-10 du code précité qu'est puni de trois ans d'emprisonnement, le fait, pour un étranger, de se soustraire à l'exécution d'une décision de transfert prévue par l'article L. 572-1 du même code, selon lequel l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre État peut faire l'objet d'un transfert vers l'État responsable de son examen.

20. Il ne résulte pas de ces derniers textes que le législateur ait entendu sanctionner pénalement le refus, par la personne concernée, à l'occasion de l'exécution de la décision de transfert prise sur le fondement du règlement précité du 26 juin 2013, de se soumettre aux obligations sanitaires préalables à l'exécution d'office de la décision.

21. Dès lors, le moyen n'est pas fondé.

22. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du treize avril deux mille vingt-trois.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.