6 avril 2023
Cour d'appel de Nîmes
RG n° 22/00421

1ère chambre

Texte de la décision

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



























ARRÊT N°



N° RG 22/00421 -

N° Portalis DBVH-V-B7G-IKUI



MPF -AB



TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP D'ALES

10 janvier 2022

RG :18/00713



[H]



C/



[M]

[M]

[M]

























Grosse délivrée

le 06/04/2023

à Me Candice DRAY

à Me Euria THOMASIAN









COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

1ère chambre



ARRÊT DU 06 AVRIL 2023





Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'ALES en date du 10 Janvier 2022, N°18/00713



COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :



Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente de chambre, a entendu les plaidoiries, en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.



COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente de chambre

Mme Elisabeth TOULOUSE, Conseillère

Mme Séverine LEGER, Conseillère



GREFFIER :



Mme Nadège RODRIGUES, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision





DÉBATS :



A l'audience publique du 09 Février 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 06 Avril 2023.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.







APPELANTE :

INTIMÉE à titre incident :



Madame [O] [H]

née le 01 Janvier 1946 à [Localité 1] ([Localité 1])

[Adresse 7]

[Localité 1]



Représentée par Me Candice DRAY de la SELEURL DRAY AVOCAT, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES





INTIMÉS :

APPELANTS à titre incident :



Monsieur [P] [M]

né le 02 Avril 1950 à [Localité 8] ([Localité 1])

[Adresse 4]

[Localité 2]



Monsieur [N] [M]

né le 24 Novembre 1952 à [Localité 8] ([Localité 1])

[Adresse 6]

[Localité 3]



Madame [I] [M]

née le 21 Décembre 1953 à [Localité 8] ([Localité 1])

[Adresse 5]

[Localité 3]



Représentés par Me Euria THOMASIAN, Plaidant/Postulant, avocat au barreau D'ALES







ARRÊT :



Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente de chambre, le 06 Avril 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour






EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE:



[B] [M] est décédé le 11 avril 2017, laissant pour héritiers trois enfants issus d'une première union, [P], [N] et [I] [M] ainsi que son conjoint survivant, [O] [H] veuve [M].



Estimant ne pas avoir perçu la totalité des sommes qui leur revenaient, [P], [N] et [I] [M] ont assigné [O] [H] devant le tribunal de grande instance d'Alès par acte d'huissier du 6 juin 2018 aux fins d'ouverture des opérations de partage et de liquidation de la succession de leur père.



Par jugement contradictoire du 10 janvier 2022, le tribunal a :

- déclaré M. [P] [M], M. [N] [M] et Mme [I] [M] recevables en leurs demandes concernant l'immeuble situé [Adresse 7] et concernant l'assurance vie souscrite par M. [B] [M];

- dit que leurs demandes au titre de l'assurance-vie et du paiement de la somme de 126 000 euros seront tranchées dans le cadre des opérations de partage de la succession ;

- rejeté leurs demandes au titre du recel successoral ;

- ordonné l'ouverture des opérations de liquidation, compte et partage de la succession de [B] [M] ;

- rejeté la demande en paiement de dommages-intérêts pour résistance abusive formée par [P], [N] et [I] [M] ainsi que leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

- dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de partage.



Les premiers juges ont retenu que la demande tendant à faire réintégrer le bien immobilier dans la succession était recevable car, faute d'être une résolution, une révocation, une annulation ou une rescision, une telle demande ne nécessitait pas une publication au service chargé de la publicité foncière. La demande concernant le paiement de la part réservataire a été jugée prématurée et l'action principale relative à l'assurance-vie recevable car non prescrite mais renvoyée vers les notaires.



Par déclaration du 3 février 2022, [O] [H] a interjeté appel de ce jugement.



Par ordonnance du 30 septembre 2022, la procédure à été clôturée le 26 janvier 2023 et l'affaire fixée à l'audience du 9 février 2023.



EXPOSE DES PRETENTIONS ET DES MOYENS



Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 22 juin 2022, l'appelante demande à la cour d'infirmer partiellement le jugement entrepris et, statuant à nouveau, de:

- débouter [I], [N] et [P] [M] de l'ensemble de leurs demandes,

- juger que la juridiction de première instance a statué extra petita concernant l'ouverture des opérations de succession du défunt ,

- juger n'y avoir lieu à ouverture des opérations de succession et désignation d'un notaire ,

Sur la réintégration du contrat d'assurance-vie :

- juger que la juridiction de première instance a statué infra petita concernant les demandes relatives à l'assurance-vie du défunt

- A titre principal, juger que la demande de [I], [N] et [P] [M] est irrecevable comme prescrite ,

- A titre subsidiaire, les débouter de leur demande comme étant infondée ,

- juger que les primes versées ne sont pas manifestement excessives ,

- condamner solidairement [I], [N] et [P] [M] à lui payer la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ,

- les condamner solidairement aux entiers dépens dont distraction au profit de la SELARL Dray Avocat, Maître Candice Dray, avocat au barreau de Nîmes



L'appelante considère en premier lieu que ses cohéritiers ne rapportent pas la preuve que le bien immobilier sis [Adresse 7] a fait l'objet d'une donation déguisée. Elle conteste être tenue de le rapporter à la succession et réfute avoir commis un recel successoral. Quant au contrat d'assurance vie, elle estime que le premier juge a statué infra petita en ne statuant pas sur les demandes des consorts [M], le juge ayant renvoyé les parties devant le notaire. Elle soutient que les primes versées n'étaient pas excessives et conclut à la prescription de cette demande, le délai de cinq ans prévu par l'article 2224 du code civil étant selon elle le 23 juillet 1991, date de décès de Mme [X], leur mère. Au fond, elle estime que les fonds détenus par M. [M] suite au décès de sa première épouse constituaient des biens propres par nature, l'article 132-16 du code des assurances, lequel déroge à l'article 1401 du code civil du fait que le spécial déroge au général, étant applicable. Dans l'hypothèse où les fonds seraient déclarés communs, elle estime que les intimés ne fondent pas juridiquement leurs prétentions et ne justifient d'aucune pièce à l'appui de leurs demandes. Elle conteste enfin toute résistance abusive.



Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 3 juin 2022, les consorts [M], intimés, demandent à la cour de confirmer dans toutes ses dispositions le jugement déféré sauf en ce qu'il a débouté les consorts [M] de leurs demandes relatives au recel successoral et à la résistance abusive , et, statuant à nouveau sur ce point:

- dire et juger que Mme [H] épouse [M] a recelé la donation qui a servi à financer le bien immobilier situé [Adresse 7] ,

- dire et juger que, par ce recel successoral, Mme [H] épouse [M] sera privée de tout droit sur le bien immobilier situé [Adresse 7] ,

- dire et juger que ce bien immobilier devra être rapporté à la succession ,

- condamner Mme [H] à régler aux consorts [M] la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ,

- condamner Mme [H] aux entiers dépens en ce compris les dépens d'appel.



Les intimés font observer qu'en l'état de sa situation à la date d'acquisition du bien immobilier litigieux, [O] [H] n'aurait pu acquérir un tel bien immobilier et ils en déduisent qu'en ne le rapportant pas à la succession, elle a commis un recel successoral et doit être privée de tout droit sur ce bien. Après avoir rappel que le contrat collectif d'assurance sur la vie avait été souscrit le 23 mai 1989 soit durant le premier mariage de leur père et comme tel soumis au régime de la communauté légale, le délai de prescription n'a pas pu commencer à courir à la date du décès de leur mère alors même qu'aucune liquidation de la succession n'a eu lieu après son décès. Les intimés estiment que les fonds de ce contrat d'assurance vie constituent bien des fonds communs, faute pour les époux d'avoir effectué une déclaration d'emploi ou de remploi conformément à l'article 1434 du code civil et leur valeur doit être intégrée à l'actif de la communauté et donc pour moitié dans l'actif de la succession de leur père. Dans l'hypothèse où une prescription quinquennale serait retenue, le point de départ de cette prescription serait selon eux le 11 avril 2017, date du décès de leur père. Ils estiment que l'appelante soutient à tort que la demande de partage n'a jamais été demandée et que le premier juge a statué ultra petita alors que dans leurs conclusions de première instance, ils ont sollicité la liquidation de la succession de leur père. La résistance abusive de la seconde épouse de leur père leur a causé à leurs dires un préjudice en les contraignant à agir en justice pour aboutir au partage de la succession.




MOTIVATION:



Sur l'ouverture des opérations de liquidation et de partage de la succession de [B] [M]:



L'appelante fait grief au premier juge d'avoir statué ultra petita en ordonnant l'ouverture des opérations de liquidation et de partage de la succession de [B] [M]. Elle soutient en effet qu'aucune des parties en première instance n'avait formé cette demande à laquelle elle s'oppose, de telles opérations n'ayant aucun sens dès lors qu'il n'existe aucun actif successoral, [B] [M] ayant tout organisé avant son décès.





Les intimés répliquent qu'ils ont demandé le partage de la succession aux termes de leurs dernières conclusions de première instance et qu'en application de l'article 815 du code civil, nul ne peut être contraint à rester dans l'indivision.



La cour constate qu'aux termes du dispositif de leurs conclusions intitulées «  conclusions modificatives et récapitulatives n°2 », les consorts [M] ont demandé au tribunal de les déclarer recevables et bien-fondés dans leur demande de liquidation de la succession de leur père.



L'article 815 du code civil dispose que nul ne peut être contraint à demeurer dans l'indivision et le partage peut toujours être provoqué. Le droit au partage est un droit absolu qui s'impose tant aux coindivisaires qu'au juge: le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a ordonné l'ouverture des opérations de liquidation et de partage de la succession de [B] [M].



Sur la demande au titre du recel successoral et du rapport à la succession de l'immeuble situé [Adresse 7]:



Par acte authentique du 22 février 2006, [B] [M] et [O] [H] épouse [M] ont acheté au prix de 303 000 euros payable en six fois en fonction de l'avancement des travaux un appartement en VEFA un appartement duplex d'une superficie de 150 m² ainsi qu'un garage dans un immeuble sis [Adresse 7]. L'acte de vente précise en page 2 que [B] [M] en aura l'usufruit sa vie durant et que [O] [H] en aura la nu-propriété et recueillera l'usufruit au décès de son époux. Les acquéreurs ont précisé en page 20 qu'ils n'avaient recours à aucun prêt pour financer cet achat.



Les intimés considèrent que l'appelante a bénéficié de la donation de ce bien immobilier et qu'elle doit rapporter sa valeur à la succession et être sanctionnée pour l'avoir dissimulée à ses cohéritiers.



Les consorts [M], intimés et appelants à titre incident, font grief au premier juge de les avoir déboutés de leur demande au motif qu'ils ne rapportaient pas la preuve du recel successoral commis par la seconde épouse de leur père. Ils considèrent en effet que l'appelante ne justifie pas de l'origine des fonds ayant servi à l'acquisition de ce bien immobilier.



[O] [H] expose que le bien immobilier litigieux était le domicile conjugal du vivant de son mari, et que les deux époux avaient financé cette acquisition en faisant un apport de 160 327 euros au jour de la vente et en souscrivant un prêt relais de 150 000 euros dans l'attente de la vente d'un bien propre lui appartenant, laquelle a eu lieu le 21 septembre 2006. Elle rappelle que selon attestation de dévolution de succession établie par Maître [L], notaire à [Localité 1], le bien litigieux lui appartient en pleine propriété.



Les époux [M] étaient mariés sous le régime de la séparation de biens selon contrat de mariage reçu par Maître [G] [D], notaire à [Localité 1], le 9 septembre 1997, ainsi que le précise l'acte de vente du bien immobilier litigieux.



nu-propriétaire du bien, elle en est devenue pleinement propriétaire à la suite du décès de son mari qui en détenait l'usufruit.



Contrairement à ce qu'affirme l'appelante, la charge de la preuve de l'origine des fonds ayant servi à financer ce bien lui incombe. En effet, dans le régime de la séparation de biens, l'article 1538 alinéa 3 du code civil dispose que les biens sur lesquels aucun des époux ne peut justifier d'une propriété exclusive sont réputés leur appartenir indivisément, à chacun pour moitié. Le premier alinéa dudit article dispose qu'un époux, tant à l'égard de son conjoint que des tiers, peut prouver par tous les moyens qu'il a la propriété exclusive d'un bien.



Le bien immobilier litigieux est donc présumé avoir été financé par des fonds appartenant indivisément aux époux et il appartient à [O] [H] de renverser cette présomption en rapportant la preuve qu'elle l'a été intégralement financé avec ses deniers personnels. S'il a été financé exclusivement avec ses deniers personnels, toute donation est exclue. A l'inverse, s'il a été financé avec des fonds appartenant indivisément aux époux, le fait qu'au lieu de rester propriétaire indivis de ce bien, le mari ait consenti à ne détenir que l'usufruit de sorte qu'à son décès, son épouse nu-propriétaire en devienne pleinement propriétaire s'analyse en une donation de sa part indivise sur le bien immobilier concerné.



Pour établir qu'elle a financé l'acquisition du bien immobilier au prix de 303 000 euros avec ses deniers personnels, [O] [H] produit l'acte de vente du 21 septembre 2006 au prix de 160 000 euros d'un bien lui appartenant personnellement.



Outre que le prix de vente de ce bien ' 160 000 euros - n'a pas pu lui permettre de régler l'intégralité du prix d'achat de l'appartement situé à [Adresse 7] ' 303 000 euros -, l'appelante ne justifie pas que cette somme de 160 000 euros a effectivement servi comme elle le prétend à rembourser le prêt immobilier souscrit le 16 février 2006 par son mari et elle-même aux fins de financer l'achat projeté.



Elle ne justifie pas davantage qu'elle a financé avec ses deniers personnels le reliquat du prix de l'appartement d'[Localité 1].



Il est donc établi par application de l'article 1538 alinéa 3 que ce bien immobilier a été financé par des fonds appartenant indivisément par moitié à chaque époux: en consentant à ne détenir que l'usufruit d'un bien dont il était propriétaire indivis par moitié dans le dessein qu'elle en devienne pleinement propriétaire à son décès, [B] [M] a consenti à son épouse une donation portant sur sa part indivise et a appauvri sans contrepartie son patrimoine personnel pour gratifier son épouse.



L'article 843 al. 1er du code civil, dispose:« Tout héritier, même ayant accepté à concurrence de l'actif, venant à une succession, doit rapporter à ses cohéritiers tout ce qu'il a reçu du défunt, par donations entre vifs, directement ou indirectement : il ne peut retenir les dons à lui faits par le défunt, à moins qu'ils ne lui aient été faits expressément hors part successorale. »



Les intimés demandent à la cour de dire que [O] [H] devra rapporter à la succession le bien immobilier situé à [Adresse 7].



La donation n'ayant portée que sur la part indivise du mari, elle devra rapporter à la succession la moitié dudit bien. En application de l'article 860 du code civil, le rapport est dû de la valeur du bien donné au partage, d'après son état à l'époque de la donation.



Constitue un recel toute manoeuvre dolosive, toute fraude commise sciemment et qui a pour but de rompre l'égalité du partage quels que soient les moyens employés pour y parvenir.



La réticence de l'appelante à fournir les renseignements demandés par les autres héritiers caractérise sa volonté de dissimuler la donation dont elle a bénéficié et de la soustraire à l'égalité du partage. En effet, mariée sous le régime de la séparation de biens et sachant que son mari était père de trois enfants issus d'une précédente union, [O] [H] ne pouvait qu'avoir conscience que l'acte passé le 22 février 2006 aurait pour conséquence de la privilégier lors du décès de son époux par rapport aux enfants de ce dernier. Alors qu'elle savait que ses cohéritiers rapportaient eux-mêmes à la succession les donations que leur père leur avait consenties, augmentant ainsi la masse partageable, elle a passé sous silence l'avantage reçu aux termes de la vente du 22 février 2006 et n'a cessé de s'opposer de manière répétée aux demandes d'explication légitimes de ces derniers. Elle n'a communiqué l'acte de vente du 22 février 2006 qu'en cause d'appel.



Elle sera donc privée de ses droits sur la donation rapportée.



Sur l'assurance-vie souscrite le 23 mai 1989 par [B] [M]

[B] [M] et sa première épouse [B] [X] étaient mariés depuis le 2 juin 1949 sous le régime de la communauté légale.



Le 23 mai 1989, [B] [M] a souscrit un contrat d'assurance-vie Predige auprès du Crédit Agricole.



[B] [X] est décédée le 23 juillet 1991.



A cette date, le capital était de 626 957 euros.



Le contrat s'est poursuivi et au décès du souscripteur, le 11 avril 2017, le capital était de 1 265 919 euros.



Courant mai 2017, ce capital a été réglé à [O] [H] veuve [M] ainsi qu'en atteste le Crédit Agricole aux termes d'un courrier du 16 novembre 2017 produit par les intimés ( pièce n°9).



sur le capital résultant du contrat d'assurance-vie à la date du décès de [B] [X]



Faisant valoir qu'à la date du remariage de leur père, le 11 octobre 1997, le montant de l'assurance-vie était de 626 957 euros, les intimés considèrent qu'il faisait partie pour moitié de l'actif de la succession de leur mère.



Par application de l'article 1401 du code civil est effectivement un actif de la communauté le capital résultant d'un contrat assurance-vie avec faculté de rachat, en cours à la date de la dissolution de la communauté, souscrit puis alimenté par un époux au moyen de deniers communs, lui garantissant le maintien des résultats acquis par ce placement tout en lui laissant la libre disposition des sommes épargnées. La communauté ayant été dissoute par le décès [B] [X] le 23 juillet 1991, [B] [M] était redevable à la succession de son épouse d'une récompense égale à la moitié de la somme de 181 574 euros, montant du capital accumulé au 23 juillet 1991.



La cour relève qu'en première instance, les trois intimés avaient sollicité la condamnation de [O] [H] à leur payer à chacun d'eux la somme de 104.492 euros correspondant à la part de leur mère dans le capital d'assurance-vie.



Le tribunal n'a pas statué sur cette demande et «  dit que la demande sera tranchée par le notaire dans le cadre des opérations de partage de la succession ».



En cause d'appel, les intimés ont conclu à la confirmation de cette disposition du jugement.



L'appelante, en revanche, a sollicité l'infirmation de cette disposition et demandé à la cour, statuant à nouveau, de rejeter leur demande comme infondée. [O] [H] considère en effet que la moitié de la somme existant sur le contrat d'assurance-vie à la date du décès de [B] [X] devait être inscrite à l'actif de sa succession.



La cour relève que l'appelante, seconde épouse de [B] [M] et bénéficiaire de l'assurance-vie que son époux avait souscrite lors de son premier mariage et qui s'est poursuivie jusqu'à son décès est étrangère à la liquidation de la communauté ayant existé entre [B] [M] et [B] [X] ainsi qu'à la liquidation de la succession de [B] [X].



Comme l'indique avec pertinence [O] [H], le montant de la somme figurant sur l'assurance-vie lors de la dissolution de la communauté doit être inscrit à l'actif de la communauté ayant existé entre [B] [M] et [B] [X]. La seconde épouse n'est redevable d'aucune somme au titre de cet actif de communauté ni à l'égard de la succession de [B] [M] ni à l'égard des intimés.



sur le capital résultant du contrat d'assurance-vie à la date du décès de [B] [M]:



Le 11 avril 2017, le capital était de 1 265 919 euros. Ce capital a été intégralement versé à [O] [H].



Les intimés considèrent que le contrat d'assurance-vie ayant été souscrit nominativement par leur père, les sommes placées depuis le décès de leur mère appartenaient exclusivement à leur père, lequel s'était remarié avec l'appelante sous le régime de la séparation de biens. S'agissant d'un bien personnel de [B] [M], les droits de [O] [H], conjoint survivant, se limiteraient à leurs dires à un quart en pleine propriété.



Les intimés soutiennent aussi que les primes versées par leur père présentaient un caractère excessif par rapport à sa situation financière. Par courrier du 27 octobre 2017, leur conseil avait adressé une lettre à [O] [H] l'informant que ses clients considéraient que les primes versées, d'un montant de plus de 500 000 euros, étaient disproportionnées et que l'assurance-vie pouvait être considérée comme une donation rapportable à la succession.



Dans le dispositif de leurs conclusions de première instance, ils ont demandé au tribunal de condamner [O] [H] à leur payer la somme de 126 070 euros chacun pour reconstituer leurs droits d'héritier réservataire dans la succession.



Le tribunal a estimé que la demande était prématurée, le montant revenant à chacun des héritiers ne pouvant être déterminé qu'à l'issue des opérations de partage et dit qu'elle serait tranchée par le notaire dans le cadre du partage de la succession.



Les intimés demandent la confirmation du jugement.



L'appelante demande à l'inverse à la cour d'infirmer cette disposition du jugement, de trancher la question de savoir si les primes versées par [B] [M] étaient manifestement exagérées par rapport à ses facultés et de rejeter cette demande comme infondée. Elle rappelle de surcroît que seules les primes jugées excessives et non les intérêts produits par le placement serait rapportable à la succession et fait observer à la cour que dans l'hypothèse du rapport de ces primes, il n'y aurait aucune atteinte à la réserve.



La demande des consorts [M] est effectivement prématurée dans la mesure où ils sollicitent d'être remplis chacun de leurs droits à titre individuel alors que la masse partageable n'est pas encore déterminée, les héritiers n'étant pas d'accord sur sa consistance exacte.



A ce stade, il s'agit donc de déterminer l'actif de la succession de [B] [M].



La demande des consorts [M] en première instance sous-entendait toutefois qu'ils considéraient que la somme de 1 265 919 euros existant sur le contrat d'assurance-vie au décès de [B] [M] était un élément de l'actif successoral. Par courrier du 27 octobre 2017, leur conseil a d'ailleurs adressé une lettre à [O] [H] l'informant que ses clients estimaient que les primes versées, d'un montant de plus de 500 000 euros, étaient disproportionnées et que l'assurance-vie pouvait être considérée comme une donation rapportable à la succession.



[Y] [H], appelante à titre principal, reproche au premier juge de ne pas avoir statué sur la demande des consorts [M] relative à l'assurance-vie, sollicite l'infirmation de cette disposition du jugement et demande à la cour de juger que les primes ne sont pas excessives et de rejeter cette demande comme infondée.



Le premier juge ne pouvait pas s'abstenir de trancher le point de contestation opposant les parties quant à l'intégration de l'assurance-vie dans la masse partageable comme donation rapportable.



La cour estime au vu des conclusions de l'appelante qu'elle est saisie de la demande de rapport à la succession de la somme de 1 265 919 euros, montant de l'assurance-vie au jour du décès de [B] [M] et dont a bénéficié [O] [H].



Le capital versé appartient à sa bénéficiaire et ne peut être considéré comme un bien personnel du souscripteur dépendant de l'actif successoral. En effet, l'article 312-13 alinéa 1er dispose que le capital payable au décès du contractant à un bénéficiaire déterminé n'est soumis ni aux règles du rapport à succession, ni à celles de la réduction pour atteinte à la réserve des héritiers du contractant.



Quant aux primes versées par le souscripteur, l'article L 132-13 dispose qu'elles ne sont pas soumises à rapport sauf si celles-ci ont été manifestement exagérées eu égard à ses facultés.



Le caractère manifestement exagéré de la prime s'apprécie au moment du versement, au regard de l'âge, des situations patrimoniale et familiale du souscripteur ainsi que de l' utilité du contrat pour celui-ci.



Les intimés ont versé aux débats le relevé des opérations relatives à ce contrat d'assurance-vie du jour de sa souscription au jour du décès de [B] [M].



La cour constate qu'entre le 5 février 1992 et le 31 octobre 1997, en cinq ans, le souscripteur a versé des primes d'un montant total de 375 637 euros. Le souscripteur avait entre 63 ans et 67 ans, il était veuf et ses enfants étaient majeurs. Il s'est remarié avec [O] [H] le 11 octobre 1997. Il a versé ensuite deux primes d'un montant total de 104 000 euros en 2003 alors qu'il était âgé de 75 ans. Le montant total des primes s'élève à la somme de 509 637 euros. Il était propriétaire d'un patrimoine immobilier et de parts sociales d'une valeur totale de 2 067 088,40 euros qu'il a donné à ses trois enfants en 1991 et en 1998 selon les actes de donation produits par les intimés. Il est devenu propriétaire d'une maison à [Localité 9] en 2006 au prix de 303 000 euros. La cour observe que les rachats ont porté sur un montant total de 228 000 euros entre la date de la souscription et le décès de sorte que les fonds placés lui ont servi au moins partiellement à se procurer des revenus complémentaires.



La valeur du patrimoine mobilier et immobilier de [B] [M], son âge à la date du versement des primes et l'utilité économique de la souscription de l'assurance-vie qu'il a utilisée en partie pour se procurer des revenus complémentaires permettent de retenir que les primes versées, quoiqu'élevées, n'étaient disproportionnées à ses facultés.



Les demandes concernant l'assurance-vie seront donc rejetées.



Chaque partie succombant partiellement dans ses prétentions, il est équitable de laisser la charge de leurs frais irrépétibles à chacune des parties lesquelles seront donc déboutées de leur demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.



Les dépens seront pour la même raison employés en frais privilégiés de partage.













PAR CES MOTIFS:



LA COUR :



Infirme le jugement en ce qu'il a dit que les demandes au titre de l'assurance-vie et du paiement de la somme de 126 000 euros seront tranchées dans le cadre des opérations de partage de la succession et en ce qu'il a rejeté les demandes au titre du recel successoral,



Statuant à nouveau,



Dit que [O] [H] a commis un recel successoral,



Lui ordonne de rapporter à la succession la moitié de la valeur vénale de la maison située [Adresse 7], valeur vénale qui sera estimée à la date la plus proche du partage,



Dit qu'à titre de sanction du recel successoral commis, elle sera privée de tout droit sur cette donation rapportée,



Déboute [P], [N] et [I] [M] de toutes leurs demandes concernant l'assurance-viePrédige souscrite le 23 mai 1989,



Confirme le jugement entrepris pour le surplus,



Y ajoutant,



Déboute les parties de leur demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,



Dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de partage.



Arrêt signé par la présidente et par la greffière.



LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

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