5 avril 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-17.319

Chambre commerciale financière et économique - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2023:CO00276

Titres et sommaires

EFFET DE COMMERCE - Billet à ordre - Aval - Effets - Rapports entre le donneur d'aval et le porteur - Exceptions opposables - Manquement au devoir d'information (non)

Il résulte des articles L. 511-21 et L. 512-4 du code de commerce que l'aval, en ce qu'il garantit le paiement d'un titre dont la régularité n'est pas discutée, constitue un engagement cambiaire gouverné par les règles propres du droit du change, de sorte que l'avaliste n'est pas fondé à rechercher la responsabilité de la banque, bénéficiaire du billet à ordre, pour manquement à un devoir d'information

Texte de la décision

COMM.

FB


COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 5 avril 2023




Cassation partielle


M. VIGNEAU, président



Arrêt n° 276 F-B

Pourvoi n° J 21-17.319






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 5 AVRIL 2023

La société CIC Est, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° J 21-17.319 contre l'arrêt rendu le 30 mars 2021 par la cour d'appel de Reims (chambre civile, 1re section), dans le litige l'opposant à M. [W] [E], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Boutié, conseiller référendaire, les observations de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société CIC Est, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. [E], et l'avis de M. Crocq, avocat général, après débats en l'audience publique du 14 février 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, M. Boutié, conseiller référendaire rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Reims, 30 mars 2021), le 20 juillet 2017, la société Banque CIC Est (la banque) a consenti à la société Troisième ligne (la société) un crédit de trésorerie de 70 000 euros, matérialisé par l'établissement d'un billet à ordre sur lequel M. [E], dirigeant de la société, a porté son aval. A la suite de la défaillance de la société, la banque a assigné l'avaliste en paiement.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

2. La banque fait grief à l'arrêt d'ordonner de lever la garantie bancaire pour le prêt de 70 000 euros à titre chirographaire correspondant au billet à ordre impayé n° 000200753 pour un montant initial de 70 000 euros, de prononcer l'annulation de l'aval et de rejeter sa demande de condamnation de M. [E] au titre de l'aval, alors « que l'aval, qui garantit le paiement d'un titre cambiaire est gouverné exclusivement par les règles propres du droit du change, de sorte que l'avaliste n'est pas fondé à rechercher la responsabilité de la banque, bénéficiaire du billet à ordre, pour manquement à une obligation précontractuelle d'information ; que, pour annuler l'aval et débouter le CIC Est de sa demande en paiement du billet avalisé par le dirigeant de la société Troisième Ligne, l'arrêt retient que la banque était débitrice de l'obligation précontractuelle d'information créée par l'article 1112-1 du code civil, lequel s'applique au billet à ordre et à l'aval en l'absence de toute règle dérogatoire du code de commerce à cette obligation légale, qui est d'ordre public ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé, par fausse application, le texte susvisé et, par refus d'application, l'article L. 511-21 du code de commerce auquel renvoie l'article L. 512-4 du même code. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 511-21 et L. 512-4 du code de commerce :

3. Il résulte de ces textes que l'aval, en ce qu'il garantit le paiement d'un titre dont la régularité n'est pas discutée, constitue un engagement cambiaire gouverné par les règles propres du droit du change, de sorte que l'avaliste n'est pas fondé à rechercher la responsabilité de la banque, bénéficiaire du billet à ordre, pour manquement à un devoir d'information.

4. Pour ordonner la levée de la garantie bancaire pour le prêt de 70 000 euros à titre chirographaire, correspondant au billet à ordre impayé du même montant, prononcer l'annulation de l'aval porté sur ce billet et rejeter la demande de la banque de condamnation de M. [E] au titre dudit aval, l'arrêt, après avoir énoncé que l'obligation précontractuelle d'information prévue à l'article 1112-1 du code civil est d'ordre public et qu'aucune disposition du code de commerce ne prévoyant de règles dérogatoires, elle s'applique au billet à ordre et à l'aval, retient que la banque n'a pas délivré une information efficiente à M. [E] quant à la portée de son aval.

5. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il prononce l'annulation de l'aval, en ce que, confirmant le jugement, il ordonne de lever la garantie bancaire pour le prêt de 70 000 euros à titre chirographaire correspondant au billet à ordre impayé n° 000200753 pour un montant initial de 70 000 euros et déboute la société Banque CIC Est de sa demande de condamnation de M. [E] au titre de l'aval, et en ce qu'il rejette la demande de la société Banque CIC Est fondée sur l'article 700 du code de procédure civile et la condamne aux entiers dépens d'appel, l'arrêt rendu le 30 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;

Condamne M. [E] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [E] et le condamne à payer à la société Banque CIC Est la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du cinq avril deux mille vingt-trois.

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