8 mars 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-25.205

Première chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2023:C100176

Texte de la décision

CIV. 1

CF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 8 mars 2023




Cassation partielle sans renvoi


M. CHAUVIN, président



Arrêt n° 176 F-D

Pourvoi n° F 21-25.205

Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M. [R] [P].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 1er décembre 2021.



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 8 MARS 2023

M. [R] [P], domicilié [Adresse 1], actuellement hospitalisé hôpital [5], [Adresse 3], a formé le pourvoi n° F 21-25.205 contre l'ordonnance rendue le 18 octobre 2021 par le premier président de la cour d'appel de Versailles, dans le litige l'opposant :

1°/ à l'hôpital [5], dont le siège est [Adresse 3],

2°/ à l'association Nouvelles Voies, dont le siège est [Adresse 2], prise en qualité de curateur de M. [R] [P],

3°/ au procureur général près la cour d'appel de Versailles, domicilié en son parquet général, [Adresse 4],

défendeurs à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Feydeau-Thieffry, conseiller référendaire, les observations de la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de M. [P], et l'avis de Mme Mallet-Bricout, avocat général, après débats en l'audience publique du 24 janvier 2023 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Feydeau-Thieffry, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Layemar, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'ordonnance attaquée rendue par le premier président d'une cour d'appel (Versailles, 18 octobre 2021), le 13 mai 2013, M. [P] a été admis en urgence en soins psychiatriques sans consentement, sous la forme d'une hospitalisation complète, par décision du directeur d'établissement et à la demande d'un tiers, sur le fondement de l'article L. 3212-3 du code de la santé publique. La mesure a, depuis, été maintenue de manière continue, sous différentes formes. Après une période de programme de soins débutée le 15 juin 2021, le directeur d'établissement a décidé, le 29 septembre 2021, d'une réadmission en hospitalisation complète du patient.

2. Le 1er octobre 2021, le directeur d'établissement a saisi le juge des libertés et de la détention d'une demande de prolongation de la mesure sur le fondement de l'article L. 3211-12-1 du code de la santé publique.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. M. [P] fait grief à l'ordonnance de rejeter les moyens d'irrégularités soulevés et d'ordonner le maintien de la mesure de soins psychiatriques sous forme d'hospitalisation complète, alors « que le juge ne peut statuer sans avoir communication de la décision d'admission, en l'espèce du 13 mai 2013 ; qu'en outre la durée des soins ayant manifestement excédé une période continue d'un an à compter de l'admission en soins, le maintien de ces soins était subordonné à une évaluation médicale approfondie de l'état mental de la personne réalisée par le collège mentionné à l'article L. 3211-9 et cette évaluation devait être renouvelée tous les ans ; que le défaut de production de la décision d'admission et des évaluations annuelles, comme d'un des certificats médicaux, des avis médicaux ou des attestations mentionnés à l'article L. 3211-7 du code de la santé publique devant entraîner la levée de la mesure de soins, l'ordonnance attaquée a été rendue en violation des dispositions des articles L. 3211-7 et R. 3211-12 du code de la santé publique. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 3212-7, alinéa 3, R. 3211-12 et R. 3211-24 du code de la santé publique :

4. Selon le premier de ces textes, lorsque la durée des soins excède une période continue d'un an à compter de l'admission en soins, le maintien de ces soins est subordonné à une évaluation médicale approfondie de l'état mental de la personne réalisée par le collège mentionné à l'article L. 3211-9, cette évaluation étant renouvelée tous les ans.

5. Selon le troisième, la requête saisissant le juge des libertés et de la détention en contrôle obligatoire et systématique des mesures d'hospitalisation complète sans consentement doit être accompagnée des pièces énumérées au deuxième, parmi lesquelles figurent notamment la copie de la décision d'admission motivée, ainsi que, le cas échéant, l'avis du collège mentionné à l'article L. 3211-9.

6. Pour autoriser le maintien de l'hospitalisation complète de M. [P], l'ordonnance retient qu'il résulte des certificats médicaux produits que la mesure demeure adaptée, nécessaire et proportionnée à son état mental et à la mise en oeuvre du traitement requis, celui-ci se trouvant dans l'impossibilité de consentir aux soins en raison des troubles décrits et ayant besoin de soins assortis d'une surveillance constante.

7. En statuant ainsi, alors qu'il ne ressort ni des décisions de première instance et d'appel ni des pièces de la procédure que la requête du directeur d'établissement était accompagnée de la décision d'admission du 13 mai 2013 et de la dernière évaluation médicale approfondie de l'état mental du patient maintenu en soins depuis cette date, le premier président a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

8. Tel que suggéré par le mémoire ampliatif, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1er, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

9. La cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond.

10. Les délais légaux pour statuer sur la mesure étant expirés, il ne reste plus rien à juger.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'elle déclare l'appel de M. [P] recevable, l'ordonnance rendue le 18 octobre 2021, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Versailles ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance partiellement cassée ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit mars deux mille vingt-trois.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat aux Conseils, pour M. [P]

Monsieur [P] fait grief à l'ordonnance attaquée d'avoir rejeté les moyens d'irrégularités soulevés et confirmé l'ordonnance du 6 octobre 2021 par laquelle le juge des libertés et de la détention de Nanterre a ordonné le maintien de la mesure de soins psychiatriques sous forme d'hospitalisation complète.

1°) ALORS QUE le juge ne peut statuer sans avoir communication de la décision d'admission, en l'espèce du 13 mai 2013 ; qu'en outre la durée des soins ayant manifestement excédé une période continue d'un an à compter de l'admission en soins, le maintien de ces soins était subordonné à une évaluation médicale approfondie de l'état mental de la personne réalisée par le collège mentionné à l'article L. 3211-9 et cette évaluation devait être renouvelée tous les ans ; que le défaut de production de la décision d'admission et des évaluations annuelles, comme d'un des certificats médicaux, des avis médicaux ou des attestations mentionnés à l'article L.3211-7 du code de la santé publique devant entraîner la levée de la mesure de soins, l'ordonnance attaquée a été rendue en violation des dispositions des articles L.3211-7 et R.3211-12 du code de la santé publique ;

2°) ALORS QUE toute décision d'admission comme de réadmission d'une personne faisant l'objet de soins psychiatriques en application des dispositions du code de la santé publiques relatives à l'hospitalisation sans consentement (articles L. 3212-1 à L. 3213-11) doit comporter les raisons qui la motivent afin de permettre une information du patient rapide, juste et appropriée à son état ; qu'une simple référence au certificat médical constatant les troubles justifiant le prononcé de la mesure d'admission en hospitalisation complète ne constitue pas la motivation exigée, la décision devant au moins reprendre les termes du certificat médical s'il n'est pas annexé, et ne suffit pas à une juste information de la patiente et porte atteinte à ses droits ; qu'en jugeant le contraire, le premier président de la cour d'appel a violé les articles L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ainsi que les articles L. 3211-3 et L.3211-12-1 du code de la santé publique ;

3°) ALORS QUE la computation légale des délais de procédure, ne sont pas applicables aux délais prévus à l'article L. 3211-7 du code de la santé publique, qui prescrit un examen médical mensuel du patient admis en soins psychiatriques sans consentement sur décision du directeur de l'établissement, cette obligation étant de nature administrative non contentieuse, en sorte que le premier délai coure à compter du lendemain de l'admission de la personne en soins psychiatriques sans consentement et les délais suivants, le lendemain de chaque examen médical, chacun de ces délais expirant le jour du mois suivant portant le même quantième, sans prorogation en cas d'expiration un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé ; qu'il ressort des constatations de l'ordonnance et de l'avis médical du 12 août 2021 que le certificat mensuel du 5 août 2021 a été établi par un médecin psychiatre de l'établissement d'accueil, « absent ce jour », ce qui interroge sur sa réalité, d'autant qu'il n'a pas été produit, et que le prochain rendez-vous du requérant a été fixé au 9 septembre 2021, soit après le 5 septembre 2021 ; qu'en validant le maintien de l'hospitalisation au vu de l'avis médical du 12 août 2021, l'ordonnance attaquée a violé les articles L. 3213-3 et R. 3211-7 du code de la santé publique et les articles 640 à 642 du code de procédure civile.

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