1 mars 2023
Cour d'appel de Basse-Terre
RG n° 21/00589

2ème Chambre

Texte de la décision

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE



2ème CHAMBRE CIVILE



ARRÊT N° 111 DU 01 MARS 2023





N° RG 21/00589

N° Portalis DBV7-V-B7F-DKKF



Décision déférée à la cour : jugement du tribunal de proximité de Saint- Martin en date du 1er mars 2021, dans une instance enregistrée sous le n° 18/00539.



APPELANTE :



S.A.R.L. Gymfit

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 3]



Représentée par Me Maxime Cabrera de la SELARL Cabrera Legal, avocat au barreau de Guadeloupe, Saint-Martin et Saint-Barthélémy.



INTIMEES :



Société Gustavia Hope

[Adresse 4]

[Localité 2]



Représentée par Me Isabelle Lacassagne de la SELARL JDLR Avocats Associés, avocate au barreau de Guadeloupe, Saint-Martin et Saint-Barthélémy.



S.A.S. Circee

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 3]



Représentée par Me Isabelle Boutry, avocate au barreau de Guadeloupe, Saint-Martin et Saint-Barthélémy.

COMPOSITION DE LA COUR



En application des dispositions de l'article 799-3 du code de procédure civile, le conseiller de la mise en éta a autorisé les avocats à déposer leurs dossiers au greffe de la chambre civile jusqu'au 28 novembre 2022 à 10 heures.



Par avis du 28 novembre 2022, le président a informé les parties que l'affaire était mise en délibéré devant la chambre civile de la cour composé de :



Monsieur Frank Robail, président ,

Madame Annabelle Cledat, conseillère,

Madame Thomas Habu Groud, conseiller,



qui en ont délibéré.



Les parties ont été avisés le 28 novembre 2022, par RPVA, de ce que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 1er février 2023, Elles ont été informées ensuite par le greffe, par même voie électronique, de sa prorogation jusqu'à ce jour 1er mars 2023.



GREFFIER lors du dépôt des dossiers et lors du prononcé : Mme Armélida Rayapin.



ARRET :



- Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisés conformément à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.



- Signé par Monsieur Frank Robail, président de chambre et par Mme Armélida Rayapin, greffière, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.




FAITS ET PROCEDURE



Par ordonnance du 9 août 2012, le tribunal mixte de commerce de Pointe-à-Pitre a autorisé la vente de gré à gré du fonds de commerce de SPA situé [Adresse 1], appartenant à la SARL Noa en liquidation judiciaire.



Cette dernière, avant liquidation, n'avait jamais exploité ce fonds de commerce de SPA.



La SAS Circee l'a acquis pour le prix de 12.000 euros afin d'y exploiter également un SPA. Cette acquisition a été acceptée par le propriétaire/bailleur des murs, la SCI Gustavia Hope. Dans le même immeuble, cette dernière est également le bailleur de la société Gymfit dont les locaux sont attenants au SPA et qui y exploite une salle de remise en forme.



Peu après son entrée dans les lieux le 12 octobre 2012, la société Circee a constaté que l'insonorisation entre les locaux du SPA et ceux de la société Gymfit n'était pas suffisante. Le 17 octobre 2012, elle a fait dresser un procès-verbal de cette difficulté par huissier de justice. En décembre 2012, une cloison acoustique a été installée aux frais partagés des trois sociétés (bailleur et les deux locataires) afin de tenter de remédier à cette difficulté.



Cette solution n'a pas été suffisante et un deuxième constat d'huissier a été établi pour la période du 15 au 30 novembre 2013. Par la suite, un devis a été proposé par l'architecte de la société bailleresse et, le 26 août 2014, un huissier de justice a constaté la persistance des nuisances sonores.



Par ordonnance du 7 octobre 2014, le juge des référés du tribunal de grande instance de Basse-Terre a ordonné la réalisation d'une expertise avec mission pour l'expert désigné de procéder aux relevés et contrôles sonores, de déterminer les nuisances subies par la société Circee et d'indiquer les moyens d'y remédier.



Le rapport expertal définitif a été déposé le 10 août 2017.



Après le passage de l'ouragan Irma les 5 et 6 septembre 2017, les locaux des sociétés Circee et Gymfit ont été détruits.



Par actes d'huissier des 23 et 30 novembre 2018, la société Circee a fait assigner les sociétés Gymfit et Gustavia Hope devant la chambre détachée du tribunal de grande instance de Basse-Terre siégant à Saint-Martin aux fins d'obtenir notamment leur condamnation solidaire à lui payer la somme de 228.629 euros à titre d'indemnité réparatrice et 10.000 euros de dommages et intérêts pour préjudice moral.



Par jugement du 1er mars 2021, le tribunal de proximité de Saint-Martin Saint-Barthélémy a :




déclaré l'action de la SAS Circee recevable,





condamné in solidum la SCI Gustavia Hope et la SARL Gymfit à verser la somme de 42.181 euros à la SAS Circée à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice financier,





condamné in solidum la SCI Gustavia Hope et la SARL Gymfit à verser la somme de 3.000 euros à la SAS Circee en réparation du préjudice moral,





rejeté les autres demandes de la SAS Circee,





condamné la SAS Circee à verser la somme de 3.589,58 euros à la SCI Gustavia au titre des loyers impayés,





rejeté les plus amples demandes des parties,





condamné in solidum la SCI Gustavia Hope et la SARL Gymfit à verser la somme de 4.000 euros à la SCI Gustavia au titre de l'article 700 du code de procédure civile,





condamné in solidum la SCI Gustavia Hope et la SARL Gymfit aux entiers dépens de l'instance,





ordonné l'exécution provisoire de la décision.




La société Gymfit a interjeté appel de cette décision par déclaration remise au greffe de la cour par voie électronique le 26 mai 2021, en limitant son appel aux chefs de jugement par lesquels le tribunal :




a condamné in solidum la SCI Gustavia Hope et la SARL Gymfit à verser la somme de 42.181 euros à la SAS Circée à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice financier,





a condamné in solidum la SCI Gustavia Hope et la SARL Gymfit à verser la somme de 3.000 euros à la SAS Circee en réparation du préjudice moral,





a condamné in solidum la SCI Gustavia Hope et la SARL Gymfit à verser la somme de 4.000 euros à la SCI Gustavia au titre de l'article 700 du code de procédure civile,





a condamné in solidum la SCI Gustavia Hope et la SARL Gymfit aux entiers dépens de l'instance,





a ordonné l'exécution provisoire de la décision.




Les sociétés Circee et Gustavia Hope ont remis au greffe leur constitution d'intimées par voie électronique respectivement le 26 juin 2021 et le 8 juillet 2021.



L'ordonnance de clôture est intervenue le 17 octobre 2022 et l'affaire a été fixée à l'audience du 28 novembre 2022, date à laquelle la décision a été mise en délibéré au 1er février 2023 par mise à disposition au greffe. Les parties ont ensuite été avisées par voie électronique de la prorogation de ce délibéré jusqu'à ce jour 1er mars 2023





.



PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES



1/ La société Gymfit, appelante :



Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 8 mars 2022 par lesquelles l'appelante demande à la cour de:



- infirmer le jugement rendu le 1er mars 2021 en ce qu'il a :




condamné in solidum la SCI Gustavia Hope et la SARL Gymfit à verser la somme de 42.181 euros à la SAS Circée à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice financier,





condamné in solidum la SCI Gustavia Hope et la SARL Gymfit à verser la somme de 3.000 euros à la SAS Circee en réparation du préjudice moral,





condamné in solidum la SCI Gustavia Hope et la SARL Gymfit à verser la somme de 4.000 euros à la SCI Gustavia au titre de l'article 700 du code de procédure civile,





condamné in solidum la SCI Gustavia Hope et la SARL Gymfit aux entiers dépens de l'instance,





ordonné l'exécution provisoire de la décision.




Et statuant à nouveau :




constater la résiliation du bail commercial liant la SAS Circee et la SCI Gustavia au 5 septembre 2017 à la suite de la destruction des lieux loués,





déclarer irrecevable la demande d'homologation du rapport de l'expert du fait de la destruction des locaux,





constater que la SCI Gustavia Hope a commis une faute engageant sa responsabilité en contractant avec deux locataires dont les activités sont antinomiques





En conséquence, mettre hors de cause la SARL Gymfit,




- Condamner la SAS Circee à payer à la SARL Gymfit la somme de 4.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.



2/ La société Circee, intimée :



Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 16 septembre 2022 par lesquelles l'intimée demande à la cour de :



- statuer sur ce que de droit sur la recevabilité de l'appel,



- confirmer les chefs de jugement attaqués,



- débouter les sociétés Gymfit et Gustavia Hope de l'ensemble de leurs prétentions, fins et conclusions,



En y ajoutant :




élever le montant de la condamnation in solidum des sociétés Gymfit et Gustavia Hope à la somme indemnitaire de 228.629,00 euros en raison de son préjudice financier,

élever le montant de la condamnation in solidum des sociétés Gymfit et Gustavia Hope à la somme de 10.000 euros de dommages et intérêts en raison de son préjudice moral,





élever à la somme de 8.000 euros le montant de la condamnation in solidum des sociétés Gymfit et Gustavia Hope au titre de l'article 700 du code de procédure civile.




3/ La société Gustavia Hope, intimée :



Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 9 juin 2022 par lesquelles l'intimée demande à la cour de :



- infirmer le jugement du 1er mars 2021 en ce qu'il a :




condamné in solidum la SCI Gustavia Hope et la SARL Gymfit à verser la somme de 42.181 euros à la SAS Circée à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice financier,





condamné in solidum la SCI Gustavia Hope et la SARL Gymfit à verser la somme de 3.000 euros à la SAS Circee en réparation du préjudice moral,





condamné in solidum la SCI Gustavia Hope et la SARL Gymfit à verser la somme de 4.000 euros à la SCI Gustavia au titre de l'article 700 du code de procédure civile,





condamné in solidum la SCI Gustavia Hope et la SARL Gymfit aux entiers dépens de l'instance,





ordonné l'exécution provisoire de la décision.




- Et statuant à nouveau,



- débouter la SAS Circee de l'ensemble de ses fins, prétentions et conclusions à l'encontre de la société Gustavia Hope,



- débouter la SARL Gymfit de l'ensemble de ses fins, prétentions et conclusions à l'encontre de la société Gustavia Hope,



- condamner la SAS Circee à payer à la SCI Gustavia Hope la somme de 5.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,



- condamner la société Circee aux entiers dépens dont distraction au profit de l'avocat soussigné conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.



En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux dernières conclusions pour un exposé détaillé des moyens de chacune des parties.




MOTIFS DE L'ARRET



A titre liminaire, il importe de constater qu'il ne résulte d'aucun des éléments du dossier que l'appel formé à l'encontre du jugement déféré ne l'aurait pas été dans les délais de la loi. Il sera donc jugé à cet égard recevable.

Sur la résiliation du bail commercial et la recevabilité de la demande d'homologation du rapport expertal



Aux termes de l'article 954, alinéa 2 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.



En l'espèce, la société Gymfit, dans le dispositif de ses conclusions, demande à la cour de :




constater la résiliation du bail commercial liant la SAS Circee et la SCI GUSTAVIA au 5 septembre 2017 à la suite de la destruction des lieux loués,





déclarer irrecevable la demande d'homologation du rapport de l'expert du fait de la destruction des locaux.




Cependant, l'appelante principale n'articule aucun moyen au soutien de ces prétentions dans la partie 'discussion' de ses écritures, de sorte qu'il n'est pas possible de déterminer les critiques dont le jugement fait l'objet sur ce point. Il s'en déduit qu'aucune de ces deux prétentions n'est fondée, ni en fait ni en droit, et que la cour d'appel ne peut que les rejeter.



Sur la mise hors de cause de la société Gymfit



En vertu de l'article 1382 du code civil ancien applicable aux faits de l'espèce, tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.



Aux termes de l'article 3 du décret n° 98-1143 du 15 décembre 1998 relatif aux prescriptions applicables aux établissements ou locaux recevant du public et diffusant à titre habituel de la musique amplifiée, à l'exclusion des salles dont l'activité est réservée à l'enseignement de la musique et de la danse, dans sa rédaction applicable à la cause, lorsque ces établissements ou locaux sont soit contigus, soit situés à l'intérieur de bâtiments comportant des locaux à usage d'habitation, ou destinés à un usage impliquant la présence prolongée de personnes :



- l'isolement entre le local d'émission et le local ou le bâtiment de réception doit être conforme à une valeur minimale, fixée par arrêté, qui permette de respecter les valeurs maximales d'émergence définies à l'article R. 48-4 du code de la santé publique.



- dans les octaves normalisées de 125 Hz à 4 000 Hz, ces valeurs maximales d'émergence ne pourront être supérieures à 3 dB.



- dans le cas où l'isolement du local où s'exerce l'activité est insuffisant pour respecter ces valeurs maximales d'émergence, l'activité ne peut s'exercer qu'après la mise en place d'un limiteur de pression acoustique réglé et scellé par son installateur.



L'article R. 1334-31 du code de la santé publique, dans sa rédaction applicable à la cause, précise qu'aucun bruit particulier ne doit, par sa durée, sa répétition ou son intensité, porter atteinte à la tranquillité du voisinage ou à la santé de l'homme, dans un lieu public ou privé, qu'une personne en soit elle-même à l'origine ou que ce soit par l'intermédiaire d'une personne, d'une chose dont elle a la garde ou d'un animal placé sous sa responsabilité.



En l'espèce, il est constant que la société Gymfit exploite une salle de remise en forme dans des locaux mitoyens de ceux de la société Circee qui sous l'enseigne Noa spa, exploite un spa et un espace de bien-être et de détente.



En outre, une salle de remise en forme avec cours collectif est un établissement recevant du public au sein duquel la musique amplifié est diffusée.



Or, comme l'ont relevé les premiers juges sans être ici contestés, le rapport d'expertise judiciaire déposé le 10 août 2017 indique que les résultats des mesurages d'émergence récoltés par l'expert lors de ses trois passages révèle une émergence globale de 7db, valeur supérieure aux 6 db admissibles. En outre, lorsque l'expert a utilisé les valeurs prélevées avant le cours de fitness, l'émergence globale est de 14,5 db. Enfin, le niveau d'émission moyen, constaté au sein du local de la société Gymfit, est de 98,3 db, valeur supérieure aux 85 db admissibles.



Ces dépassements sonores constituent manifestement une faute délictuelle de la société Gymfit à l'égard de la société Circee engageant sa responsabilité.



La société fautive ne remet pas en cause les relevés de l'expert. Elle ne les discute pas et se borne à affirmer qu'elle n'a commis aucune faute dans l'exercice de son activité sans développer une quelconque argumentation. Or, les résultats des mesurages d'émergence démontrent le contraire.



Certes, la société appelante fait valoir qu'elle a accepté de participer au financement, avec le bailleur et la société Circee, des travaux réalisés à la fin de l'année 2012 afin d'améliorer le confort acoustique du spa. Toutefois, les améliorations résultant de ces travaux n'ont manifestement pas été suffisantes au regard des relevés réalisés par l'expert judiciaire.



La société Gymfit argue également que le bailleur a commis une faute en louant des locaux contigus à des commerces ayant des activités contraires et non conciliables et en déduit sa mise hors de cause.



Ce raisonnement ne peut cependant prospérer.



En effet, la faute alléguée de la société Gustavia à l'égard de la société Gymfit ne pourrait être que la source d'une responsabilité contractuelle à son égard. Cependant, la société Gymfit ne demande pas la mise en 'uvre de cette responsabilité et la réparation subséquente. De toute façon, la faute du bailleur n'est pas exclusive d'une faute de la société Gymfit à l'encontre de la société Circee.



Par conséquent, la responsabilité contractuelle de la société Gustavia Hope à l'égard de la société Gymfit ne peut entraîner sa mise hors de cause dans le cadre de l'action en responsabilité délictuelle exercée en son encontre par son colocataire du fait de nuisances sonores avérées.



Enfin, afin d'obtenir sa mise hors de cause, la société Gymfit soutient que la société Circee qui avait accepté des locaux livrés bruts de béton en sachant pertinemment qu'elle était sa voisine, devait faire les travaux nécessaires à son isolation.



Cependant, si l'éventuel manquement de la société Circee est susceptible d'atténuer, voire de supprimer, la responsabilité de la société Gymfit, ce que cette dernière n'invoque pas, il ne peut avoir pour conséquence sa mise hors de cause.



Dès lors, la demande de mise hors de cause de la société Gymfit sera rejetée et sa responsabilité dans les nuisances sonores subies par la société Circee sera retenue.



Sur la responsabilité de la société Gustavia Hope



En vertu de l'article 1719 du code civil, le bailleur est tenu de délivrer la chose louée au preneur. La délivrance est la remise au preneur de la disposition du bien et elle s'opère en général par la remise des clefs.



L'article 1720 du même code précise que le bailleur est tenu de délivrer la chose en bon état de réparations de toute espèce. Cette disposition étant supplétive de la volonté des parties, ces dernières peuvent déroger à ce principe.



En l'espèce, le contrat de bail en date du 11 mars 2010 liant la société Noa, aux droits de laquelle vient la société Circee, stipule que le local est loué en l'état dit « brut de béton » et qu'il doit être utilisé exclusivement pour l'activité de centre de relaxation et de détente (SPA).



L'article IV-1 du bail précise que le preneur prendra les lieux loués dans l'état où ils se trouveront le jour de l'entrée en jouissance, sans pouvoir exiger du bailleur, à quelque époque que ce soit pendant la durée du bail, aucune réparation, amélioration ou remplacement quelles qu'en soient la cause, la nature et l'importance, ni aucune réduction de loyer de ce chef.



Ces stipulations entraînent que l'obligation de délivrance pesant sur la société Gustavia Hope a été limitée à la remise de la chose louée, sous condition que celle-ci soit en état d'être exploitée après les éventuels travaux et mises aux normes à la charge du preneur.



C'est à tort que la société Circee soutient que l'obligation de délivrance implique que le bailleur lui remette un local apte à être utilisé sans que le locataire ait à effectuer des réparations pour l'utilisation prévue au bail.



Comme l'a justement relevé le premier juge, la société Noa avait accepté les locaux tels que visités et, lors de l'acquisition du fonds de commerce, la société Circee a visité les locaux et a repris le contrat en l'état. Le bailleur, en lui remettant les clefs du local et en lui permettant d'entrer dans les lieux, le 12 octobre 2012, a donc satisfait à son obligation de délivrance.



En conséquence, sa responsabilité sera écartée au titre de l'obligation de délivrance.



Par ailleurs, le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière, de faire jouir paisiblement le preneur de la chose louée pendant la durée du bail



L'article 1725 du code civil précise que le bailleur n'est pas tenu de garantir le preneur du trouble que des tiers apportent par voies de fait à sa jouissance.



Cependant, il est de jurisprudence constante que les locataires du même bailleur ne sont pas des tiers au sens de l'article 1725 précité. Par conséquent, le bailleur est tenu de garantir un preneur du trouble de fait causé par un autre preneur.



Cette garantie n'est cependant pas d'ordre public, de sorte que le bailleur peut s'en exonérer par voie conventionnelle. De plus, le preneur peut voir sa réparation diminuée, voire supprimée, si le trouble du fait d'un colocataire résulte en partie au moins de sa propre faute.



Par ailleurs, en vertu de l'article 954, dernier alinéa, du code de procédure civile, la partie qui sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs.



En l'espèce, la décision frappée d'appel a retenu que la société Gustavia Hope a conclu deux baux avec les sociétés Circee et Gymfit, sur des locaux voisins, en ayant connaissance de leur activité respective.



Elle a ajouté que si le bailleur avait tenté de remédier aux difficultés sonores, les travaux du 12 décembre 2012 n'avaient pas été suffisants et, qu'en ne parvenant pas à régler ces difficultés, il n'avait pas permis à la société Circee de jouir paisiblement de son logement.



Le jugement déféré en a déduit que le bailleur n'avait pas assuré à son locataire la jouissance paisible du bien loué et en conséquence, n'avait pas rempli son obligation de garantie.



La société Circee a demandé la confirmation du jugement sans énoncer de nouveaux moyens. Elle s'est donc appropriée ces motifs.



Ces motifs ne seront cependant pas confirmés.



En effet, comme le fait justement valoir la société Gustavia Hope, et ainsi qu'il a été précédemment indiqué, les stipulations contractuelles du bail en date du 11 mars 2010 font peser sur le locataire la charge de réaliser les travaux nécessaires à l'exercice de l'activité de SPA.



Ainsi que le souligne le bailleur, l'activité de spa ne pouvait avoir lieu que dans une ambiance calme et reposante ce qui impliquait nécessairement de la part du locataire la réalisation de travaux et d'aménagement afin d'éviter tout bruit et désagrément pouvant provenir de l'extérieur.



Or, loin d'alléguer avoir réalisé les travaux nécessaires, la société Circee qui a fait établir un constat d'huissier quelques jours après son entrée dans les locaux, soutient au contraire, que le bailleur était tenu de prévoir un système d'insonorisation permettant une utilisation des locaux en vue d'y exercer l'activité de spa.



Cette argumentation est vaine dès lors que, comme il a été précédemment rappelé, la société Circee a succédé à la société Noa en pleine connaissance de l'activité de la société Gymfit dans les locaux mitoyens.



Le manquement de la société Circee n'exonère cependant pas son bailleur de toute responsabilité ; elle n'entraîne que son atténuation.



En effet, le rapport d'expertise indique que pour mettre fin aux nuisances, il conviendrait non seulement de limiter le niveau sonore en réception dans les locaux exploités par la société Circee par un renforcement de l'isolement acoustique, mais aussi de limiter le niveau sonore en émission dans les locaux de la société Gymfit par la mise en place d'un limiteur de niveaux sonores (rapport, p. 19).



Il s'ensuit que la seule réalisation des travaux idoines dans ses locaux par la société Circee n'aurait pas éliminé les nuisances sonores.



Conséquemment, en application de l'article 1725 du code civil, la société Gustavia est tenue de garantir la société Circee du trouble que la société Gymfit a apporté par ses nuisances sonores à sa jouissance. Les deux sociétés seront donc condamnées in solidum à réparer le préjudice subi par la société Circee.



Cependant, dès lors que dans ses rapports contractuels avec la société Gustavia Hope, la société Gymfit a accepté de prendre les locaux dans l'état où ils se trouvaient et devait réaliser les travaux d'insonorisation conformes à la législation, elle est l'unique responsable du dommage éprouvé par son colocataire et devra supporter la charge définitive de la dette de réparation.



Par conséquent, le bailleur n'aura pas à contribuer in fine à la dette.



Sur le préjudice financier de la société Circee



Le propre de la responsabilité civile est de rétablir aussi exactement que possible l'équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime dans la situation où elle se serait trouvée si l'acte dommageable n'avait pas eu lieu.



En l'espèce, pour établir son préjudice résultant des nuisances sonores, la société Circee produit un document établi par son expert-comptable qui a procédé à une évaluation sur la base d'un manque d'exploitation du local de 5 h par jour alors qu'un spa fonctionne 12 h par jour (8-20h) soit 58 % d'exploitation.



L'expert-comptable en infère 3 sortes de préjudices :




un préjudice sur le loyer payé de 42 % du loyer annuel d'un montant de 28 800 euros sur 4 années et 8 mois soit la somme de 56 448 euros ;

un préjudice correspondant à 42 % du chiffre d'affaires cumulé de 2013 à août 2017 (210 905 euros), soit 42 181 euros ;

un préjudice sur le fonds de commerce d'environ 130.000 euros.




C'est à juste titre que les premiers juges ont écarté le préjudice relatif au loyer en relevant que le montant de celui-ci n'était pas déterminé en fonction du chiffre d'affaires de la société Circee et que cette dernière était tenue de payer le montant contractuellement fixé, qu'elle puisse ou non exploiter en totalité son local.



De même, pas plus qu'en première instance, la société Circee ne fournit d'éléments permettant de déterminer la valorisation que le fonds aurait pu avoir, étant précisé qu'en raison du cyclone Irma, ce fonds a été perdu.



S'agissant du préjudice sur le chiffre d'affaires, la société Gymfit conteste la base de calcul retenue par l'expert-comptable en faisant valoir que seules les activités de cross training, pump, bodycombat, zumba et biking G force sont bruyantes et que les plages horaires concernées par ces activités, tôt le matin ou tard le soir, ne pouvaient pas entraîner une perte de chiffre d'affaires pour la société Circée. Elle produit le planning du 6 janvier au 28 juin 2014 d'où il ressort que les activités susvisées ont duré au plus 3h30 dans une journée de la semaine. La société Gustavia Hope ajoute à ce moyen qu'aucune donnée tangible ne permet de justifier la durée de 5 heures retenue par l'expert-comptable.



Cependant, l'expert-judiciaire indique que la durée accumulée des activités bruyantes est en moyenne de 4h30 par jour.



En outre, le planning du 3 septembre 2012 au 31 décembre 2012 de la salle de remise en forme, produit par la société Circee, révèle que les activités précitées avaient lieu, non seulement le matin et le soir, mais également en milieu de journée. Par conséquent, la base de calcul de l'expert-comptable sera retenue.



Par ailleurs, la société Gymfit soutient que l'expert-comptable ne distingue pas la marge réalisée sur les soins et celle relative à la vente de produits, en précisant que cette dernière représente 33 % du chiffre d'affaires. Il ajoute que le bruit n'a aucune incidence sur la vente de produits de beauté et de soins.



Cette argumentation ne peut prospérer en ce qu'elle ne démontre pas que la clientèle du SPA serait différente de celle des produits de beauté et de soins.



Comme l'ont justement relevé les premiers juges, les nuisances sonores créées par la société Gymfit ont nécessairement empêché le fonctionnement normal du SPA puisque les rendez-vous des clients ne pouvaient pas être pris durant les plages de la journée où se déroulaient les activités sportives bruyantes.



Par conséquent, il convient de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a déterminé le préjudice de la société Circee au montant de 42.181 euros et a condamné in solidum la SCI Gustavia Hope et la SARL Gymfit à lui payer cette somme.



Sur le préjudice moral



Pour retenir l'existence d'un préjudice moral de la société Circee, les premiers juges ont relevé que cette dernière a eu recours à des huissiers de justice à plusieurs reprises, que les sociétés se sont réunies plusieurs fois pour trouver une solution et que cela n'a pas abouti, que la société Circee a saisi le juge des référés, qu'elle a attendu la réalisation de l'expertise pour revenir devant la juridiction de fond et que cette procédure longue et coûteuse entraîne un préjudice moral.



Toutefois, la seule longueur de la procédure ne suffit pas à justifier l'existence d'un préjudice moral.



Comme le soutient justement la société Gustavia Hope, la société Circee ne justifie pas d'une souffrance ou d'une atteinte à sa considération pour prétendre à l'indemnisation d'un préjudice moral. Le préjudice invoqué n'est donc pas ici démontré.



Par conséquent, le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a alloué à la société Circee la somme de 3.000 euros en réparation de son préjudice moral et ladite société déboutée de sa demande de ce chef.



Sur les dépens



La société Gymfit, succombant en son appel principal, sera condamnée aux entiers dépens de cet appel.



Il apparaît en outre équitable de condamner cette société à payer à la société Circee la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles d'appel.



Corrélativement, les sociétés Gustavia Hope et Gymfit seront déboutées de leurs demandes au titre des frais irrépétibles d'appel.



Compte tenu des dispositions partiellement confirmatives du présent arrêt sur le fond des prétentions des parties, la décision déférée sera également confirmée quant aux dépens et aux frais irrépétibles de première instance mis à la charge in solidum des sociétés Gymfit et Gustavia Hope.



PAR CES MOTIFS



La cour,





Déclare recevable l'appel formé par la SARL Gymfit à l'encontre du jugement du tribunal de proximité de Saint-Martin/Saint-Barthélémy en date du 1er mars 2021,



Rejette les demandes de la SARL Gymfit tendant à voir :



- constater la résiliation du bail commercial liant la SAS Circee et la SAS Gustavia Hope au 5 septembre 2017 à la suite de la destruction des lieux loués,



- déclarer irrecevable la demande d'homologation du rapport de l'expert du fait de la destruction des locaux,



Rejette la demande de mise hors de cause de la SARL Gymfit,



- Confirme le jugement déféré en ses dispositions par lesquelles le tribunal :



** a quantifié le préjudice financier de la société GYMFIT à la somme de 42 181 euros,



** a condamné in solidum la SAS Gustavia Hope et la SARL Gymfit à verser la somme de 42.181 euros à la SAS Circee à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice financier,



** a condamné la SARL Gymfit et la SAS Gustavia Hope aux dépens et frais irrépétibles de première instance,




L'infirme pour le surplus de ses dispositions critiquées




Statuant à nouveau,



- Dit que la charge définitive de la dette de réparation du préjudice de la société Circee pèsera sur la SARL Gymfit et que dans leurs rapports entre elles deux, la SAS Gustava Hope ne contribuera pas in fine à ladite dette.



- Déboute la SAS Circee de sa demande de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,



Y ajoutant,



Condamne la SARL Gymfit à payer à la SAS Circee la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en réparation des frais irrépétibles d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.



Déboute la SAS Gustavia Hope et la SARL Gymfit de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.



Et ont signé,



La greffière Le président

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