23 février 2023
Cour d'appel de Lyon
RG n° 21/05629

3ème chambre A

Texte de la décision

N° RG 21/05629 - N° Portalis DBVX-V-B7F-NXJK









Décision du Juge commissaire de LYON du 22 juin 2021



RG : 21/00008





[I]



C/



Caisse CNBF

S.E.L.A.R.L. [Y] [P]





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



3ème chambre A



ARRET DU 23 Février 2023







APPELANT :



Madame [N] [I]

[Adresse 2]

[Localité 4]



Représenté et plaidant par Me Fabien LEFEBVRE de la SELARL LEFEBVRE AVOCAT, avocat au barreau de LYON, toque : 149





INTIMEES :



Caisse CNBF

[Adresse 1]

[Localité 5]



Représentée par Me Jean-Philippe BELVILLE de la SELARL PREMIUM AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : 3030, postulant et par Me MANY du cabinet BUISSON, avocat au barreau de MACON





S.E.L.A.R.L. [Y] [P] es qualité de Mandataire judiciaire  de Madame [N] [I]

[Adresse 3]

[Localité 4]



non représentée





* * * * * *





Date de clôture de l'instruction : 26 Juillet 2021



Date des plaidoiries tenues en audience publique : 05 Janvier 2023



Date de mise à disposition : 23 Février 2023



Audience tenue par Patricia GONZALEZ, présidente, et Aurore JULLIEN, conseillère, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,



assistées pendant les débats de Clémence RUILLAT, greffière



A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.





Composition de la Cour lors du délibéré :

- Patricia GONZALEZ, présidente

- Marianne LA-MESTA, conseillère

- Aurore JULLIEN, conseillère





Arrêt réputé contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,



Signé par Patricia GONZALEZ, présidente, et par Clémence RUILLAT, greffière, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.




* * * *



EXPOSÉ DU LITIGE



Par jugement du 14 mai 2019, le tribunal de grande instance de Lyon a ouvert une procédure de redressement judiciaire au bénéfice de Mme [N] [I] exerçant la profession d'avocat et a désigné Me [Y] [P] en qualité de mandataire judiciaire.



Par courrier du 25 juillet 2019 reçu le 29 juillet suivant, la Caisse Nationale des Barreaux Français (ci-après « CNBF ») a déclaré une créance d'un montant de 65.825 euros à titre chirographaire auprès du mandataire judiciaire de Mme [I].



Par courrier recommandé du 5 février 2020 reçu le 10 février suivant, le mandataire judiciaire a adressé à la CNBF une contestation de créance portant sur l'existence même et le montant de cette créance, proposant de ne la retenir qu'à hauteur de 3.300 euros à titre chirographaire correspondant au décompte établi par huissier le 24 juin 2019.



Par courrier recommandé du 6 mars 2020 reçu le 9 mars suivant, la CNBF a rectifié le montant de sa créance en précisant que sa créance s'élevait désormais à 50.484,99 euros.



Par courrier du 23 décembre 2020, le mandataire judiciaire a déposé une requête en contestation de créance.



Par ordonnance réputée contradictoire du 22 juin 2021, le juge-commissaire du tribunal judiciaire de Lyon a :

- admis partiellement au passif de Mme [I], la créance déclarée le 25 juillet 2019 par la CNBF pour le montant suivant : 33.186,99 euros à titre chirographaire (et correspondant aux cotisations restant dues au titre des années 2015, 2016, 2017, 2018 et 2019),

- dit que la présente ordonnance sera notifiée aux parties par les soins du greffier,

- laissé les dépens en frais privilégiés.



Mme [I] a interjeté appel par acte du 2 juillet 2021.



* * *



Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 27 septembre 2021 et signifiées à la Selarl [Y] [P] ès-qualités de mandataire judiciaire de Me [I] le 6 octobre 2021, Mme [I] demande à la cour de :

- réformer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a admis partiellement à son passif la créance déclarée le 25 juillet 2019 par la CNBF pour le montant de 33.186,99 euros à titre chirographaire et correspondant aux cotisations restantes dues au titre des années 2015, 2016, 2017, 2018 et 2019.

Statuant à nouveau,

- admettre la créance du CNBF pour un montant de 3.300 euros, la rejeter pour le surplus,

- condamner la CNBF à lui verser la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ainsi qu'en tous les dépens.

La Caisse Nationale des Barreaux Français a constitué avocat mais n'a pas conclu.



La Selarl [Y] [P] ès-qualités de mandataire judiciaire de Mme [I], à qui la déclaration d'appel a été signifiée par acte du 2 septembre 2021, de même que les conclusions de l'appelante, n'a pas constitué avocat.



La procédure a été clôturée par ordonnance du 15 décembre 2022, les débats étant fixés au 5 janvier 2023.



Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.






MOTIFS DE LA DÉCISION



Mme [I] soutient :

- qu'aux termes de l'article L. 622-27 du code de commerce, en cas de contestation de sa créance le créancier dispose de 30 jours pour fournir ses explications au mandataire judiciaire, qu'à défaut il ne peut plus contester la proposition du mandataire,

- qu'en l'espèce Me [P] a adressé le 5 février 2020 à la CNBF un courrier dans lequel il indiquait contester sa créance de 65.825 euros, proposait de retenir la somme de 3.300 euros compte tenu de la mise en demeure du 24 juin 2019 et l'invitait à lui faire part de ses observations dans un délai de 30 jours, que le courrier de la CNBF adressé le 6 mars 2020 à Me [P] ne contient aucune réponse à la contestation soulevée, qu'il s'agit simplement d'une 'déclaration de créance rectificative' ramenant la créance déclarée à la somme de 50.484,99 euros, qu'en conséquence la CNBF ne peut plus discuter la proposition de Me [P].



Mme [I] fait par ailleurs valoir :

- que la déclaration de créance ne répond pas aux conditions de l'article R 622-23 du code de commerce puisque les sommes déclarées par la CNBF n'ont cessé d'évoluer (66.825 euros dans la déclaration initiale du 25 juillet 2019, 50.484,99 euros dans la déclaration rectificative du 6 mars 2020, 33.186,99 euros à l'audience du juge-commissaire),

- qu'elles demeurent toutefois surévaluées par rapport au décompte qui lui a été signifié par huissier le 24 juin 2019 (3.330 euros),

- que conformément à l'article L. 243-5 alinéa 7 du code de la sécurité sociale et à la jurisprudence du Conseil constitutionnel et de la Cour de cassation, la CNBF ne peut déclarer au titre de sa créance des pénalités ou majorations,

- que le montant réclamé au titre des cotisations 2017 selon le décompte du 28 janvier 2021 (16.734 euros) est fantaisiste, ces cotisations étant en réalité de 3.881 euros,

- que ce même décompte du 28 janvier 2021 comporte en outre une erreur flagrante puisqu'il omet de soustraire une somme de 13.008 euros qui figure pourtant parmi les 'règlements et crédits',

- que de même pour les cotisations 2019 les montants réclamés sont incohérents, la déclaration de créance faisant état d'un montant de 18.626 euros alors que les appels de cotisation font état d'une somme de 4.047 euros,

- que seul le décompte transmis par huissier le 24 juin 2019 faisant état d'une créance de 3.300 euros doit être retenu,

- que les sommes réclamées par la CNBF comportent à l'évidence des taxations d'office, lesquelles constituent des majorations et pénalités et ne sauraient être admises au passif,

- que le juge-commissaire a retenu qu'une compensation serait intervenue à hauteur de 10.439 euros ce qui est mathématiquement inexact.



Selon l'article R 622-23 du code de commerce dans sa version applicable à la cause, 'Outre les indications prévues à l'article L. 622-25, la déclaration de créance contient :

1° Les éléments de nature à prouver l'existence et le montant de la créance si elle ne résulte pas d'un titre ; à défaut, une évaluation de la créance si son montant n'a pas encore été fixé ;

2° Les modalités de calcul des intérêts dont le cours n'est pas arrêté, cette indication valant déclaration pour le montant ultérieurement arrêté ;

3° L'indication de la juridiction saisie si la créance fait l'objet d'un litige.

A cette déclaration sont joints sous bordereau les documents justificatifs ; ceux-ci peuvent être produits en copie. A tout moment, le mandataire judiciaire peut demander la production de documents qui n'auraient pas été joints'.



Aux termes de l'article L 622-27 du code de commerce, 'S'il y a discussion sur tout ou partie d'une créance autre que celles mentionnées à l'article L. 625-1, le mandataire judiciaire en avise le créancier intéressé en l'invitant à faire connaître ses explications. Le défaut de réponse dans le délai de trente jours interdit toute contestation ultérieure de la proposition du mandataire judiciaire, à moins que la discussion ne porte sur la régularité de la déclaration de créances'.



Il résulte des pièces de la procédure que la CNBF a déclaré une créance de 65.825 euros à titre chirographaire le 25 juillet 2019.



Suivant les observations de la débitrice, le mandataire a, par courrier recommandé avec avis de réception du 5 janvier 2020, adressé à la CNBF une contestation de créance rappelant les termes de l'article R 622-23 du code de commerce et visant tant l'absence d'éléments justifiant la créance (titres exécutoires) que sur le quantum de la créance au regard d'un solde dû de 3.300 euros. Le mandataire indiquait ne proposer l'admission au juge commissaire qu'à hauteur de ce dernier montant.



Par courrier du 6 mars 2020, la CNBF a indiqué que Mme [I] ayant transmis la déclaration de revenus professionnels 2018, précédemment taxée d'office, sa créance se trouvait ramenée à 50.464,99 euros, il joignait un décompte actualisé de ce montant et même si le courrier du mandataire n'est pas visé, il est évident qu'il s'agit d'une réponse à celui-ci.



Ce courrier, contenant des explications sur la créance revendiquée, répond à l'avis du mandataire dans le délai légal et, ainsi, aux exigences de l'article L 622-27 susvisé. C'est donc vainement que Maître [I] prétend que seul le montant de 3.300 euros qu'elle ne conteste pas pourrait être retenu comme montant de la créance de la CNBF.



S'agissant du montant contesté de la créance, un décompte actualisé a été produit devant le juge commissaire pour un montant de 33.186,99 euros ; il est discuté par l'appelante de même que les pièces qui avaient été jointes à cette déclaration de sorte que ces éléments au dossier de première instance sont dans le débat.



Mme [I] ne peut se reporter utilement au courrier de l'huissier Maître [L], du 24 juin 2019 pour prétendre que sa dette en principal se limiterait 3.300 euros en principal pour solde de tout compte. En effet, ce courrier ne précise nullement à quoi correspond la somme réclamée en principal alors qu'il est constant que la créance revendiquée porte sur plusieurs années de cotisations impayées. Ce courrier est en conséquence inopérant pour fixer la dette totale de la CNBF à ce montant qui n'est donc pas un solde restant dû recouvrant toutes les cotisations, étant relevé que Mme [I] ne conteste nullement le non paiement de cotisations sur plusieurs années.



S'agissant de l'évolution de la créance de la CNBF, elle se justifie parfaitement dès lors qu'il apparaît qu'il a dû être procédé à des taxations d'office avant que les déclarations de revenus de l'intéressée ne permettent des régularisations et induisent de nécessaires déclarations rectificatives.



Par ailleurs, le décompte incriminé ne fait pas état de pénalités de sorte que Mme [I] invoque vainement l'imputation de pénalités prohibées dans ce décompte.



S'agissant des sommes litigieuses portées sur le décompte, il est relevé que l'appelante ne conteste pas le non paiement des cotisations sur plusieurs années et des retards de versements ayant généré successivement taxations d'office et régularisations.



Par ailleurs, ainsi que retenu par l'ordonnance, les titres exécutoires ont été obtenus et produits de même que les appels à cotisation ; Mme [I] ne justifie pas concrètement de paiements effectués par elle et qui n'auraient pas été pris en compte ; la somme de 13.008 euros est effectivement absorbée en grande partie par un autre poste et n'a pas à 's'ajouter' ; une modification des calculs apparaît en 2017 et répond à une modification des textes applicables comme indiqué en première instance, Mme [I], débitrice de cotisations, ne donne par ailleurs aucun élément concret permettant de retenir un autre calcul que ceux donnés par le tableau litigieux ; enfin, l'année 2019 qui avait fait l'objet d'une taxation d'office ne peut être considérée comme présentant une anomalie sur une simple affirmation, étant rappelé notamment les multiples rectificatifs induits par les absences de déclarations successives de l'intéressée.



En conséquence, il convient de confirmer l'ordonnance querellée du juge commissaire.



Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile



Les dépens d'appel sont employés en frais privilégiés de procédure collective et Mme [I] est déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.





PAR CES MOTIFS





La cour statuant dans les limites de l'appel,



Confirme l'ordonnance querellée.



Y ajoutant,



Rejette la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.



Dit que les dépens d'appel seront employés en frais privilégiés de procédure collective.





LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

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