23 février 2023
Cour d'appel d'Aix-en-Provence
RG n° 21/17270

Chambre 1-2

Texte de la décision

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-2



ARRÊT

DU 23 FEVRIER 2023



N° 2023/132













Rôle N° RG 21/17270 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BIQI7







SCI GEMAUB





C/



S.A.S. LAFARGEHOLCIM BETONS

S.A.R.L. MERIDIAN SOLAIRE I





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me Roselyne SIMON-THIBAUD



Me Pascal ALIAS



Me Florence BOYER

















Décision déférée à la Cour :



Ordonnance de référé rendue par Monsieur le Président du TJ de Marseille en date du 13 Octobre 2021 enregistrée au répertoire général sous le n° 20/03584.





APPELANTE



SCI GEMAUB

dont le siège social est [Adresse 3]



représentée par Me Roselyne SIMON-THIBAUD de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assistée par Me Evelyne MERDJIAN, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant





INTIMEES



S.A.S. LAFARGEHOLCIM BETONS

dont le siège social est [Adresse 2]



représentée par Me Pascal ALIAS de la SELAS ALIAS AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assistée par Me Armelle DEBUCHY de la SELARL PERSEA, avocat au barreau de LYON substituée par Me Manon MAILLET, avocat au barreau de LYON, plaidant



S.A.R.L. MERIDIAN SOLAIRE I,

dont le siège social est [Adresse 1]



représentée et assistée par Me Florence BOYER, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant













*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR





L'affaire a été débattue le 17 Janvier 2023 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Angélique NETO, Conseillère a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.



La Cour était composée de :





M. Gilles PACAUD, Président

Mme Angélique NETO, Conseillère

Madame Myriam GINOUX, Conseillère







qui en ont délibéré.



Greffier lors des débats : Mme Caroline VAN-HULST.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 23 Février 2023.







ARRÊT



Contradictoire,



Prononcé par mise à disposition au greffe le 23 Février 2023,



Signé par M. Gilles PACAUD, Président et Mme Caroline VAN-HULST, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.




***





EXPOSE DU LITIGE



La société civile immobilière (SCI) Gemaud est propriétaire d'un ensemble de bâtiments, A, B et C, d'une superficie de 8 000 m2 environ à usage d'entrepôts situés dans la zone industrielle des Paluds, 204 rue du dirigeable, à Aubagne.



La société à responsabilité limitée (SARL) Meridian Solaire I est spécialisée dans l'ingénierie et études techniques qui exploite également des panneaux photovoltaïques.



La société par actions simplifiée (SAS) Lafargeholcim Betons est spécialisée dans la fabrication et la commercialisation de béton prêt à l'emploi.



Suivant acte sous seing privé en date du 14 avril 2010, la société Gemaud a consenti à la société Meridian solaire I un bail emphytéotique en vue de l'édification et l'exploitation d'une centrale photovoltaïque sur les toitures des bâtiments A, B et C susvisés lui appartenant.



Suivant acte sous seing privé en date du 22 novembre 2018, la société Gemaud a consenti à la société Lafargeholcim Betons un bail commercial portant sur les halls 1 et 2 du bâtiment A afin qu'elle y exploite notamment une centrale à béton.



Au mois de juin 2020, la société Meridian Solaire I va se plaindre auprès de sa bailleresse, la société Gemaud, d'une perte de rendement des panneaux photovoltaïques qu'elle exploite en raison de la présence d'une grande quantité de poussières constatées sur ces dernières, et notamment sur celles installées sur le bâtiment A exploité par la société Lafargeholcim Betons.



Par acte d'huissier en date du 7 octobre 2020, la société Meridian solaire I a assigné, devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Marseille, la société Gemaud et la société Lafargeholcim Betons aux fins notamment de voir ordonner la mise en oeuvre d'une expertise judiciaire, de condamner, sous astreinte, la société Lafargeholcim Betons à justifier de la déclaration de son installation, du respect des normes applicables, à cesser toute activité dans cette attente, de condamner, sous astreinte, la société Gemaud à prendre toute mesure propre à faire cesser le trouble subi et de l'autoriser à consigner entre les mains de M. le bâtonnier du barreau de Marseille les loyers dus à la société Gemaud dans l'attente du règlement du litige.



Par ordonnance en date du 13 octobre 2021, rectifiée par ordonnance en date du 8 novembre 2021, ce magistrat a :



- ordonné la mise en oeuvre d'une expertise judiciaire en désignant pour y procéder M. [Y] ;

- dit que la société Meridian solaire sera autorisée à consigner les loyers dus à la société Gemaud entre les mains de M. le bâtonnier du barreau de Marseille jusqu'à l'issue du litige ;

- dit n'y avoir lieu de faire droit à la demande de provision ;

- dit n'y avoir lieu de faire droit à la demande formulée en application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une quelconque des parties ;

- laissé provisoirement les dépens à la charge de la société Meridian solaire I ;

- déclaré la décision commune et opposable à la société Lagardeholcim Betons qui devra participer aux opérations d'expertise aux côtés des sociétés Gemaud et Meridian solaire I.







Ce magistrat a estimé :



- qu'il y avait un motif légitime à ordonner la mesure d'expertise aux fins de déterminer l'origine de la poussière anormalement présente sur les panneaux photovoltaïques, sachant que la société Meridian solaire I justifie les entretenir :

- que la société Meridian solaire I était autorisée à consigner les loyers dus à la société Gemaud jusqu'à l'issue du litige ;

- que la société Lafargeholcim Betons devra justifier auprès de l'expert des éléments demandés ;

- que la demande de provision à valoir sur le préjudice subi du fait de la perte d'exploitation était prématurée, l'expertise ayant vocation à déterminer le droit à indemnisation de la société Meridian solaire I ;

- qu'il ne disposait d'aucun élément probant pour ordonner à la société Lafargeholcim Betons de cesser toute activité.



Suivant déclaration transmise au greffe le 8 décembre 2021, la société Gemaud a interjeté appel de l'ordonnance en ce qu'elle a dit que la société Meridian solaire sera autorisée à consigner les loyers dus à la société Gemaud entre les mains de M. le bâtonnier du barreau de Marseille jusqu'à l'issue du litige.



Aux termes de ses dernières conclusions transmises le 30 décembre 2022, auxquelles il convient de se reporter pour un exposé plus ample des prétentions et des moyens, la société Gemaud demande à la cour de :



- réformer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a autorisé la société Meridian solaire I à consigner les loyers dus à la société Gemaud entre les mains de M. le bâtonnier du barreau de Marseille jusqu'à l'issue du litige ;

- dit n'y avoir lieu à autoriser la consignation des loyers dus par la société Meridian solaire I ;

- débouter la société Meridian solaire I de sa demande quant à la reconnaissance du trouble manifestement illicite prétendument subi et de l'intégralité de ses demandes ;

- condamner la société Meridian solaire I à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.



A titre liminaire, elle relève que le premier juge se contredit dès lors qu'il autorise la consignation des loyers tout en relevant que la mesure d'expertise qui a été ordonnée vise à déterminer l'origine des poussières alléguées ainsi que la réalité de la baisse de rendement alléguée par la société Meridian solaire I et, le cas échéant, le lien de causalité entre les deux, outre le fait qu'il n'a pas fait droit à la provision sollicitée comme étant prématurée au regard de l'expertise qui a été ordonnée.



Elle expose être en litige avec la société Meridian solaire I au motif qu'elle ne respecte pas ses obligations contractuelles à l'origine d'infiltrations affectant les toitures, à un tel point que M. [K], expert judiciaire désigné dans le cadre d'une autre procédure, préconise, dans un pré-rapport du 28 janvier 2022, la réfection totale de la couverture par le démontage du matériel existant et son remplacement par un système adapté. Elle relève que ce n'est que le 25 juin 2020 que la société Meridian, qui était censée assurer l'entretien des panneaux et des exutoires de désenfumage, l'a mise en demeure dans un délai de 8 jours de procéder au nettoyage des équipements électriques, des panneaux, des surfaces de toitures et de réorganiser l'usine à béton automatisée appartenant à la société Lafargeholcim Betons. Elle expose avoir entrepris toutes les diligences nécessaires, dès le 29 juin 2020, pour répondre à cette demande. Elle déclare qu'alors même que la société Lafargeholcim Betons lui a indiqué que les matériaux utilisés n'entraînaient aucun risque pour la santé ou pour la structure de la toiture, la société Meridian solaire I n'établissait aucunement la réalité de la présence sur la toiture d'une grande quantité de poussières entraînant un ombrage des panneaux.



En premier lieu, elle fait valoir que la société Meridian solaire I n'apporte pas la preuve d'un trouble de jouissance manifestement illicite justifiant d'être autorisée à consigner le montant des loyers.



Tout d'abord, elle expose que cette dernière n'établit pas la réalité des poussières qui se trouveraient en grande quantité sur les toitures et, le cas échéant, qu'elles proviendraient de l'activité exercée par la société Lafargeholcim Beton.



Ensuite, elle souligne que la preuve d'une baisse de rendement, en lien avec les poussières de béton alléguées, n'est pas démontrée, faisant même observer que la production électrique a augmenté en octobre 2020 de 8,6 % et en novembre 2020 de 4,9 % alors qu'aucune intervention de nettoyage des panneaux n'a été effectuée et que les défaillances techniques de la centrale sont avérées par les nombreuses interventions techniques de maintenance effectuées en 2020 et 2021. Elle relève que l'analyse des tableaux de production des années 2019, 2020 et 2021 démontrent que la tendance des baisses ou augmentations de production d'électricité est totalement aléatoire, faisant observer que, sur les mois de janvier, mars, juillet et décembre 2021, la production a fortement augmenté par rapport à 2020 et que, sur les mois de mai, août et octobre 2021, elle est supérieure aux mois correspondant de 2019 et 2020, de sorte que sa locataire ne peut sérieusement se prévaloir d'une baisse de rendement. Elle indique que la société Meridian solaire ne s'est plainte d'une baisse d'activité liée aux poussières que le 25 juin 2020, et ce, alors même qu'elle affirme que cette baisse existe depuis le mois de janvier 2020. En tout état de cause, elle souligne que la preuve n'est pas rapportée, par le premier compte rendu d'expertise judiciaire, en date du 25 juillet 2022, d'un lien de causalité entre la présence de poussières sur les panneaux photovoltaïques et la baisse de rendement de la production électrique invoquée, faisant observer que l'expert n'est qu'au début de ses investigations puisqu'il projette de remonter sur le toit aux fins d'effectuer 5 prélèvements de poussière en vrac et qu'il a fait appel à un sapiteur pour se prononcer sur les chefs de la mission visant à determiner le lien de causalité entre les poussières et les désordres invoqués, les incidences sur l'occultation de la lumière du soleil et les éventuels dommages causés à la toiture, à l'installation photovoltaïque et aux équipements. Elle affirme donc que la société Meridian solaire I ne peut valablement soutenir que la preuve est rapportée que les poussières formeraient un film opacifiant altérant les panneaux photovoltaïques à l'origine d'une baisse de rendement justifiant la réparation de son préjudice.



Enfin, elle insiste sur le manquement de la société Meridian solaire I à ses obligations contractuelles d'entretien des exutoires de désemfumage et du nettoyage des panneaux à l'origine des troubles allégués. Concernant les exutoires, elle indique l'avoir mise en demeure, dès le mois de mai 2019, de faire vérifier l'ensemble du système de commande des exutoires de fumées situés en toitures, à la suite de quoi la société Ecodis relèvera des anomalies au niveau des mécanismes d'ouverture et de fermeture auxquelles il y avait lieu de remédier. Elle relève que, malgré ses demandes, aucune réparation utile ne sera effectuée et que le fait pour certains exutoires de rester ouverts continuellement entraîne des infiltrations causant des préjudices à ses locataires tandis que d'autres ne peuvent plus s'ouvrir en cas d'incendie comme étant bloqués en position fermée. Elle indique que la société Meridian ne justifie pas des visites annuelles obligatoires portant sur les années 2017 et 2018. Concernant les panneaux, elle affirme ne pas s'être opposée à leur nettoyage annuel, faisant observer que c'est la société Meridian qui a annulé l'intervention qui était prévue les 11 et 12 juin 2020 sans aucun motif valable, si ce n'est d'aggraver volontairement le préjudice allégué. Il en est de même de l'intervention qui devait avoir lieu le 18 mai 2021.



En tout état de cause, elle relève que la consignation des loyers n'est jamais autorisée lorsque les troubles de jouissance ne sont que ponctuels et qu'aucun trouble manifestement illicite n'est démontré.



En second lieu, elle considère que la provision sollicitée se heurte à des contestations sérieuses en l'absence de preuve de l'origine des poussières, de leur effet opacifiant, de la perte alléguée, qui en réalité ne porte que sur une période allant du 25 juin 2020, date de la mise en demeure, au 7 octobre 2020, date de l'assignation, et de son lien de causalité avec les poussières.



Aux termes de ses dernières conclusions transmises le 23 décembre 2022, auxquelles il convient de se reporter pour un exposé plus ample des prétentions et des moyens, la société Meridian solaire I demande à la cour de :



- confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a fait droit à sa demande de consignation ;

- l'infirmer en ce qu'elle n'a pas fait droit à ses autres demandes tendant à voir enjoindre la société Lafargeholcim Betons à justifier de la déclaration ou de l'enregistrement de son installation sur les lieux, à justifier du respect des normes qui lui sont applicables concernant le rejet de poussières et à condamner solidairement la société Gemaud et la société Lafargehocim Betons à lui verser une provision de 56 359 euros à valoir sur la perte d'exploitation subie causée par les poussières ;

- statuant à nouveau ;

- condamner, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard, la société Lafargeholcim Betons à justifier du respect des normes qui lui sont applicables concernant le rejet de poussières en produisant les rapports de mesurage effectués depuis 2020 conformément aux normes en vigueur et en apportant la preuve de l'existence du système d'aspiration des poussières qu'elle dit avoir mis en place ;

- condamner in solidum la société Lafargeholcim Betons et la société Gemaud à lui verser la somme de 101 925 euros à titre de provision à valoir sur son préjudice d'exploitation causé par les poussières ;

- débouter ces sociétés de l'ensemble de leurs demandes ;

- les condamner in solidum à lui verser la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.



A titre liminaire, elle expose avoir constaté, à l'occasion de travaux d'entretien en toiture les 8 et 9 juin 2020 ainsi que le 28 août 2020, la présence de grandes quantités de poussières sur ses panneaux photovoltaïques, sachant que l'intérieur du bâtiment A est loué à une société l'utilisant comme une usine à béton. Elle indique s'être immédiatement rapprochée de la société Gemaud, les 25 juin et 28 juillet 2020, afin qu'elle prenne en charge le nettoyage des panneaux rendu nécessaire par la présence des poussières, le nettoyage de tous les équipements électriques, les réparations nécessaires au fonctionnement normal des exutoires du système de désemfumage et qu'elle prenne toutes les mesures nécessaires pour faire cesser son trouble à l'origine d'une baisse de performance sans lien avec les conditions d'ensoleillement rencontrées. Elle indique que la société Gemaud a estimé ne pas être responsable de la défectuosité des systèmes de désemfumage et a nié la présence de poussières de béton ainsi que leur caractère nocif pour la toiture photovoltaïque.



En premier lieu, elle fonde sa demande d'être autorisée à consigner les loyers en raison du trouble manifestement illicite qu'elle subit dans la jouissance de la toiture pris à bail emphytéotique, sur le fondement de l'article 835 alinéa 1 du code de procédure civile, du fait du rejet de quantités importantes de poussières nocives s'échappant de l'activité de production de béton de la société Lafargeholcim Betons. Elle indique démontrer la réalité de ces poussières, notamment par la production de deux constats d'huissier et un courrier en date du 31 août 2020 adressé à la société Lafargeholcim Betons aux termes duquel la société Gemaud reconnaît leur présence, qu'elles proviennent de l'activité de la société Lafargeholcim Betons et qu'elles forment un voile opacifiant altérant nécessairement la captation de l'énergie solaire par les panneaux, tel que cela résulte de l'expertise judiciaire en cours. Elle relève que l'obturation due aux dépôts de poussières fines de béton sur les panneaux cause une perte de production qu'elle évalue à plus de 100 000 euros pour la période allant de janvier 2020 à décembre 2021, outre le fait que ces poussières dégradent nécessairement les panneaux. Elle précise que le rendement annuel a chuté de 599 731 euros en 2019 à 543 372 euros en 2020 pour atteindre 554 165 euros en 2021. Elle insiste sur la persistance du trouble anormal subi, tel que cela résulte de la réunion d'expertise du 2 juin 2022 au cours de laquelle il a été constaté la présence d'une couche de poussières blanchâtres sur les panneaux. Elle relève que toutes les études qui ont été faites démontrent que la présence de poussières de béton entraîne systématiquement une baisse importante du rendement des panneaux, outre le fait que leurs effets à long terme sont extrêmement noctifs pour un système photovoltaïque. Elle expose que ce dépôt est aggravé par la pratique de la société Lafargeholcim Betons consistant à utiliser les exutoires de désemfumage du bâtiment à des fins de ventilation du bâtiment.



Elle dément être à l'origine du trouble qu'elle subit. Concernant l'entretien des exutoires, elle indique être intervenue à chaque fois qu'un incident lui a été communiqué mais relève que certains d'entre eux sont endommagés en raison de leur ouverture par la société Lafargeholcim Betons pour ventiler les locaux durant les travaux sans qu'ils ne soient refermés. Elle souligne que cette société a accès aux commandes permettant l'ouverture des exutoires depuis le bâtiment qu'elle occupe. Elle indique par ailleurs procéder aux contrôles annuels de l'installation. Concernant l'entretien des panneaux, elle expose que l'intervention prévue les 11 et 12 juin 2020 a été annulée du fait de la société Germaud qui a exigé l'autorisation de l'expert judiciaire, M. [K], désigné dans le cadre d'une autre procédure portant sur les infiltrations affectant la toiture, et que, malgré cette autorisation, a refusé l'intervention de la société Clean Photovoltaïque lorsqu'elle était sur place en refusant de l'approvisionner en eau comme elle s'y était engagée. Il en sera de même en 2021 avant qu'elle n'accepte à nouveau, en 2022, d'approvisionner cette société en eau.



Elle dément également les démarches entreprises par la société Gemaub auprès de son locataire afin qu'elle mette fin au trouble qu'elle subit dès lors qu'elle a toujours nié le trouble engendré par l'activité de son locataire et refusé d'intervenir. Elle souligne qu'elle s'est contentée de demander à son locataire de formuler ses observations. Elle relève que la société Gemaud, ne pouvait, en vertu du bail, entreprendre des travaux susceptible de diminuer le rendement de la centrale photovoltaïque sans son autorisation, ce qu'elle a fait en louant les locaux à une société ayant une activité générant des grandes quantités de poussières. En tout état de cause, elle indique que la responsabilité du propriétaire du fait du trouble anormal causé par son locataire n'est pas conditionnée par l'existence d'une faute de la part du propriétaire.



Elle estime que la mesure de consignation n'est pas disproportionnée dès lors que la perte de son chiffre d'affaires s'alourdit chaque mois du fait de la présence des poussières avec un effet opacifiant qui persiste et qu'elle a consigné près de 20 000 euros afin que l'expertise puisse se poursuivre.



En second lieu, sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, elle demande à ce que la société Lafargeholcim Betons justifie respecter les normes qui lui sont applicables concernant le rejet de poussières potentiellement nocives afin de faire cesser le trouble de jouissance qu'elle subit, faisant observer qu'elle a uniquement produit la déclaration de l'installation dans les lieux. Elle estime que, dès lors que son trouble persiste et que la société Lafargeholcim Betons a l'obligation, en application de l'article 6 de l'annexe de l'arrêté du 26 novembre 2011 relatif aux prescriptions générales applicables aux installations de fabrication de béton prêt à l'emploi soumises à déclaration de surveiller les retombées de poussières en réalisant des campagnes de mesure une fois tous les deux ans en période correspondant à la plus faible hygrométrie annuelle, voire tous les ans pour les nouvelles installations, il n'y a pas lieu d'attendre l'issue des opérations d'expertise. Elle relève que le rapport transmis en date du 3 mars 2020 ne répond pas aux obligations prescrites en matière de campagnes de mesurages périodiques, outre le fait qu'aucun autre rapport n'est produit. Elle indique par ailleurs que la société Lafargeholcim Betons n'apporte pas la preuve de l'existence d'un système d'aspiration des poussières qu'elle affirme avoir mis en place.



Enfin, elle sollicite une provision sur le fondement de l'artcile 835 alinéa 2 du code de procédure civile à l'encontre des deux sociétés dès lors que sa perte d'exploitation a pour origine les poussières engendrées par l'activité de la société Lafargeholcim Betons et que la société Gemaud, en tant que bailleresse, ne fait rien pour remédier au trouble causé par cette dernière, et qu'elle a violé ses obligations contractuelles dans ses rapports avec elle-même en donnant à bail l'intérieur du bâtiment sur lequel sont installés les panneaux à une usine de production de béton. Elle souligne que sa perte d'exploitation ne se heurte à aucune contestation sérieuse et peut être quantifiée indépendamment de l'expertise judiciaire par la production de factures EDF, faisant observer que l'expert a pour mission de quantifier le préjudice ayant trait à la détérioration du matériel. Elle fait également état du préjudice financier subi du fait du coût de l'expertise judiciaire mis à sa charge.



Aux termes de ses dernières conclusions transmises le 9 janvier 2023 avec demande de révocation de l'ordonnance de clôture, auxquelles il convient de se reporter pour un exposé plus ample des prétentions et des moyens, la société Lafargeholcim Betons demande à la cour de :



- révoquer l'ordonnance de clôture ;

- réformer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a autorisé la société Meridian solaire I à consigner les loyers dus à la société Gemaud entre les mains de M. le bâtonnier du barreau de Marseille jusqu'à l'issue du litige ;

- se déclarer dépourvu de tout pouvoir pour trancher une telle demande et, à défaut, débouter la société Meridian solaire I de sa demande formulée de ce chef ;

- confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a dit n'y a lieu aux demandes de provision de la société Meridian solaire I et tendant à la voir condamner à justifier du respect des normes concernant le rejet de poussières et à produire la déclaration ou l'enregistrement de son installation dans les lieux, et pour le surplus ;

- débouter les sociétés Gemaud et Meridian solaire I de leurs demandes ;

- condamner tout succombant à lui verser la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.



En premier lieu, elle s'oppose à la consignation des loyers au motif de l'absence d'une quelconque baisse de rendement des panneaux exploités. Elle critique le tableau de rendement produit par la société Meridian comme ne portant que sur les mois de janvier à août 2020, sachant que les factures EDF démontrent que la production a augmenté en octobre et novembre 2020 par rapport aux mêmes mois de l'année précédente, que les mois de janvier, mars, juillet et décembre font apparaître un meilleur rendement en 2021 qu'en 2020 et que la société Meridian s'abtient de produire tout élément portant sur le rendement des années antérieures. Elle souligne que les causes d'une baisse ponctuelle de rendement peuvent être diverses, tel un ensoleillement inférieur et des pannes techniques, comme cela résulte des documents produits. En tout état de cause, elle expose que la preuve d'un lien de causalité entre cette prétendue perte de rendement et la présence alléguée de poussières sur les panneaux n'est pas démontrée. Elle relève que l'expert judiciaire a notamment pour mission de dire si la présence de poussières sur les panneaux est de nature à causer un dommage à la toiture, à l'installation photovoltaïques et aux équipements qui y sont rattachés, suite à quoi l'expert a demandé à un sapiteur de dire s'il s'agit de poussières de béton en procédant si besoin à tous les prélèvements et analyses utiles et de décrire tous les désordres en lien avec les poussières, notamment de dire si celles retrouvées sur les panneaux sont de nature à occulter la lumière du soleil. Elle indique que l'expert a précisé, par mail en date du 2 janvier 2023, qu'il allait débuter ses investigations à propos des performances des panneaux, de même que l'analyse chimique des prélèvements de poussières allait être faite.



De plus, elle souligne que la preuve n'est pas rapportée de l'origine des poussières constatées sachant qu'elle a mis en place un système d'aération pour traiter l'air et les éventuelles poussières pouvant être générées par son activité , qu'elle justifie de la déclaration d'une installation classée et que le rapport de mesure des retombées de poussières qu'elle verse aux débats démontre qu'elle respecte les normes requises en la matière, l'empoussièrage relevé étant inférieur au seuil. Dans tous les cas, elle indique que la société Meridian ne respecte pas son obligation d'entretien portant sur la toiture du bâtiment dont l'étanchéité n'est pas assurée, ce qui réduit les performances de son système d'aération, et sur les exutoires de désemfumage, sachant qu'elle n'a pas accès aux commandes qui se situent dans un boitier scellé. Elle estime que ces manquements peuvent parfaitement être à l'origine des poussières constatées sur les panneaux. Enfin, elle indique qu'elles peuvent avoir pour origine d'autres activités, sachant qu'une centrale à enrobé exerce une activité à ciel ouvert en face des bâtiments litigieux. Elle souligne que l'expert a justement pour mission de déterminer les causes de la présence des poussières et des désordres subséquents, leur imputabilité et les moyens propres à y remédier. Elle insiste sur le fait que, contrairement à ce que soutient la société Gemaud, l'expert ne s'est pas encore prononcé sur ce point.



Enfin, elle indique que, même à supposer que la preuve d'un trouble de jouissance manifestement illicite soit établie, la mesure sollicitée, à savoir la consignation des loyers, n'est pas une mesure conservatoire de nature à y mettre un terme.



En second lieu, elle s'oppose à la demande de communication sollicitée comme n'étant pas fondée en droit et comme n'étant pas justifiée sur le fondement de l'article 834 et 835 alinéa 2 en l'état de contestations sérieuses et de l'absence d'urgence et sur celui de l'article 835 alinéa 1 dès lors que la mesure sollicitée ne vise pas à prévenir un dommage ou à faire cesser un trouble. En tout état de cause, elle relève que l'expert a reçu pour mission de lui demander de justifier le respect des normes applicables concernant le rejet de poussières, ce qu'elle a fait.



Enfin, elle s'oppose à la demande de provision dès lors que les opérations d'expertise sont en cours et qu'aucun rapport entérinant les causes, origines et responsabilités n'a été, à ce jour, rendu. Son obligation d'indemnisation est sérieusement contestable étant donné qu'il n'est aucunement établi qu'elle soit à l'origine des poussières litigieuses, pas plus que la preuve d'une baisse de rendement en résultant. Elle conteste également le montant sollicité comme n'étant pas justifié.



La clôture de l'instruction a été prononcée le 3 janvier 2023.






MOTIFS DE LA DECISION



Sur la révocation de l'ordonnance de clôture



Aux termes de l'article 16 du code de procédure civile, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. Il ne peut retenir, dans sa décison, le moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement.



Il résulte de l'article 802 du code de procédure civile, qu'après l'ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office : sont cependant recevables les demandes en intervention volontaire, les conclusions relatives aux loyers, arrérages, intérêts et accessoires échus, aux débours faits jusqu'à l'ouverture des débats, si leur décompte ne peut faire l'objet d'aucune contestation sérieuse, ainsi que les demandes en révocation de l'ordonnance de clôture.



Doivent également être considérée comme comme tardives les conclusions déposées le jour de la clôture de la procédure dont la date a été communiquée à l'avance.



L'article 803 du code de procédure civile dispose que l'ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue. Elle peut être révoquée, d'office ou à la demande des parties, soit par ordonnance motivée du juge de la mise en état, soit, après l'ouverture des débats sur décision du tribunal.



En l'espèce, alors même que la société Meridian 1 a transmis ses dernières conclusions le 23 décembre 2022, soit 9 jours avant la clôture de la procédure, la société Gemaud y a répliqué le 30 décembre 2022, soit 2 jours avant, et la société Lafargeholcim Betons le 9 janvier 2023, soit 7 jours après, tout en sollicitant le rabat de l'ordonnance de clôture.



Le principe du contradictoire ayant été respecté du fait de ces échanges et les parties n'ayant pas manifesté d'opposition ferme, à l'audience, à la demande de révocation formée par la société Lafargeholcim Betons, il y a lieu de rabattre l'ordonnance de clôture du 3 janvier 2023 afin d'admettre aux débats les derniers jeux de conclusions des parties, ainsi que les pièces qui y sont annexées, et de constater que l'affaire est en état d'être jugée.





Sur la demande de provision formée à l'encontre des sociétés Lafargeholcim Betons et Gemaud



Par application de l'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.



Il appartient au demandeur d'établir l'existence de l'obligation qui fonde sa demande de provision tant en son principe qu'en son montant et la condamnation provisionnelle, que peut prononcer le juge des référés sans excéder ses pouvoirs, n'a d'autre limite que le montant non sérieusement contestable de la créance alléguée.



Une contestation sérieuse survient lorsque l'un des moyens de défense opposé aux prétentions du demandeur n'apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision au fond qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point si les parties entendaient saisir les juges du fond.



C'est au moment où la cour statue qu'elle doit apprécier l'existence d'une contestation sérieuse, le litige n'étant pas figé par les positions initiale ou antérieures des parties dans l'articulation de ce moyen.

Par ailleurs, il est de principe que 'nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage'. Le trouble anormal de voisinage étant indépendant de la notion de faute, le juge doit en toute hypothèse rechercher si le trouble allégué dépasse les inconvénients normaux du voisinage, que son auteur ait ou pas enfreint des règles. Cette appréciation s'exerce concrètement notamment selon les circonstances de temps et de lieu. L'anormalité du trouble de voisinage qui s'apprécie en fonction des circonstances locales, doit revêtir une gravité certaine et être établie par celui qui s'en prévaut.

Il est admis que le propriétaire est responsable des troubles anormaux causés au voisinage par ses locataires.

Enfin, il résulte de l'article 1719 du code civil que le bailleur est obligé, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière, de délivrer au preneur un local permettant l'exercice de son activité, d'entretenir cette chose en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée, d'assurer au preneur la jouissance paisible des lieux pendant la durée du bail et de le garantir de tous les défauts de la chose louée qui en empêchent l'usage.

En l'espèce, se prévalant de troubles anormaux de voisinage provenant de nuisances d'origine industrielle, à savoir des poussières de béton résultant de l'exploitation de la centrale à béton par la société Lafargeholcim Betons, dont la présence est accentuée par l'ouverture des exutoires de désemfumage comme système d'aération de son activité, la société Meridian 1 sollicite la condamnation tant de cette société que de la la société Gemaud, en sa qualité de propriétaire des murs dans lesquels la centrale à béton est exploitée, à lui verser une provision à valoir sur le préjudice financier subi en raison d'une perte de rendement de ses panneaux photovoltaïques installés sur le toit du bâtiment dans lequel se trouve la centrale à béton et des sommes engagées dans le cadre de l'expertise judiciaire qui a été ordonnée par le premier juge.



Afin d'apporter la preuve de la réalité de poussières sur ses panneaux photovoltaïques installés sur la toiture des bâtiments appartenant à la société Gemaud et provenant de la centrale de béton exploitée par la société Lafargeholcim Betons dans le bâtiment A, la société Meridian 1 verse aux débats :

- des photographies qui auraient été prises depuis la toiture ;

- un constat d'huissier dressé le 1er septembre 2020 à 15h30, soit 3 jours après d'importantes pluies, aux termes duquel l'huissier de justice constate, sur la toiture du bâtiment A, la présence d'accumulation de poussières sur les bords des panneaux photovoltaïques ; il relève, sur les ondulateurs, une accumulation importante de poussières qui semble être du béton avant de procéder à deux prélèvements de poussières qu'il place sous scellés ; il constate en dessous des chemins de câbles et en bordure des tôles ondulées, la présence d'une accumulation de poussières toute aussi importante ; sur la toiture du bâtiment B, l'officier intrumentaire constate le même phénomène sur les bords des panneaux photovoltaïques et sur la toiture elle-même ; sur la toiture du bâtiment C, il relève également la présence de poussières qui semble être du béton sur les bords des panneaux photovolaiques de façon plus importante que sur les bâtiments A et B ;

- un constat d'huissier dressé le 8 septembre 2020 à 8h30, soit plus de 10 jours sans pluie, aux termes duquel l'huissier de justice relève que la quantité de poussières présente sur les panneaux photovoltaïques du bâtiment A est plus importante que lors de son précédent constat, de même que les passages de câbles, les câbles et la toiture sont couverts de la même poussière et les onduleurs sur lesquels il y a une très grande quantité de poussières ; l'huissier indique la poussière présente sur l'ensemble des éléments de la toiture semble être de la poussière de béton ; sur les toitures des bâtiments B et C, il constate que les panneaux sont recouverts de poussières de béton de façon plus importante que lors de son dernier constat ;

- le compte-rendu de la première réunion d'expertise qui s'est tenue le 2 juin 2022 dressé par M. [Z] [E], expert judiciaire, le 25 juillet 2022, aux termes duquel il constate la présence d'une couche de poussières blanchâtres sur les panneaux avec un encrassement [qui] est par endroit significatif ; il relève, toutefois, qu'en nettoyant cet encrassement, ce dernier est de nature différente entre le bâtiment A et le batiment B en ce que les poussières sont plus volatiles sur le toit du bâtiment A tandis qu'elles sont plus incrustées sur le toit du bâtiment B ; l'expert indique qu'il s'agit de poussières blanchâtres, semblables aux poussières identifiées à l'intérieur de la cimenterie, lesquelles se déposent en quantité importante en sous-face de la couverture, en passant entre la couverture et le bardage ; il estime que la provenance de ces poussières est d'évidence en lien avec l'activité de la cimenterie située sous le toit du bâtiment A (...) ; il constate par ailleurs qu'un exutoire en toiture est en position ouverte tandis qu'un autre est mal fermé et que l'empoussièrement des panneaux était accentué à proximité des panneaux ouverts ou entre-ouverts, ce qui confirme l'impact de l'émission des poussières de la cimenterie sur l'empoussièrement des panneaux, tout en relevant toutefois que le nombre de panneaux impactés par cet empoussièrement marqué ne représente qu'une faible part du parc photovoltaïque.

Ces éléments démontrent, à l'évidence, que l'activité de la société Lafargeholcim Betons génère des poussières qui se déposent sur les panneaux photovoltaïques.

Afin d'apporter la preuve de l'émission de poussières excédant les inconvénients normaux de voisinage, la société Meridian solaire I se prevaut de plusieurs articles de journaux alertant sur la dangerosité du béton sur la santé et sur l'environnement ainsi que sur le fait que la société Lagarfeholcim Betons serait responsable d'au moins 122 cas de pollution environnementale et de violation des droits humains dans 34 pays différents.



Or, si des prélèvements de poussières ont été effectués au niveau des toitures litigieuses, tant par l'huissier de justice en septembre 2020 que par l'expert judiciaire en juillet 2022 à l'aide de lingettes, il s'avère que ce dernier a indiqué, dans son premier compte-rendu, vouloir en prélever d'autres en vrac, ce qu'il va confirmer par un mail en date du 2 janvier 2023 en proposant plusieurs dates pour réaliser ces prélèvements, avant de les faire analyser afin de déterminer s'il s'agit de poussières de béton.

Il en résulte, qu'à la date du 2 janvier 2023, la preuve n'est pas rapportée, avec l'évidence requise en référé, de l'émission de poussières de béton provenant de la centrale de béton exploitée par la société Lafargeholcim Betons, sachant que cette dernière explique, dans un courrier en date du 13 août 2020, utiliser des matériaux de type solidiens, appelés 'sables' ou 'graviers', soit des granulats calcaires concassés classés inertes qui ne présenteraient aucun risque pour la santé et la structure de la toiture.

M. [B], dont l'avis technique a été sollicité par la société Gemaud, indique dans un courrier, en date du 4 août 2020, n'avoir constaté aucune attaque de corrosion sur les bacs de couverture et sur les panneaux, faisant observer que l'alcalinité des produits cimentiers permet, au contraire, de protéger les aciers de la corrosion.

Bien plus, si la société Lafargeholcim Betons est soumise à une réglementation spécifique compte tenu de la centrale en béton qu'elle exploite générant des poussières pouvant être nocives pour la santé et l'environnement, cette dernière démontre avoir procédé, le 28 janvier 2019, à une déclaration initiale d'installation classée et que les mesures des retombées de poussières émises dans l'environnement par ses installations, effectuées par le centre d'études et de recherches de l'industrie du béton du 4 au 8 février 2020, n'ont pas révélé de dépassement des seuils fixés en la matière.

Le fait que ce mesurage n'aurait pas été effectué selon la méthode définie au chapitre 6.3 de l'annexe de l'arrêté du 26 novembre 2011 relatif aux prescriptions générales applicables aux installations de fabrication de béton prêt à l'emploi, alors même que la personne ayant dressé le rapport le 3 mars 2020 affirme le contraire (en page 3), et que ce rapport est le seul produit par société Lafargeholcim Betons, sachant qu'il résulte de l'annexe susvisée que les mesures doivent être effectuées pour les nouvelles installations une fois par an et que la délaration initiale date du 28 janvier 2019, ces prétendus manquements ne permettent pas pour autant à la société Meridian solaire I, qui doit en apporter la preuve, de se prévaloir d'une présomption d'émissions de poussières de béton excédant les inconvénients normaux de voisinage.

En outre, la société Meridian solaire I, qui affirme que l'électricité produite par ses panneaux photovoltaïques ont baissé en raison des poussières générées par l'activité de la centrale en béton, verse aux débats des tableaux de rendement et des factures EDF portant sur les années, 2019, 2020 et 2021.

Or, si ces éléments font état d'une production annuelle d'électricité qui est passé de 946 408 kWh en 2019 à 849 268 kWh en 2020 et 878 188 kWh en 2021, l'examen de cette production, mois par mois, fait apparaître d'importantes variations selon les mois de l'année, ce qui démontre que la production dépend de plusieurs facteurs, mais également de son augmentation certains mois des années litigieuses 2020 et 2021 en comparaison avec l'année 2019. C'est ainsi que la production a augmenté en octobre et novembre 2020 par rapport aux mêmes mois de l'année 2019, de même qu'en mai, août et octobre 2021 par rapport aux mêmes mois de l'année 2019, de même qu'en janvier, mars, mai, juillet, août et décembre 2021 par rapport aux mêmes mois de l'année 2020.

Ces variations établissent, à l'évidence, que le niveau du rendement peut s'expliquer par différentes causes, et en particulier par le niveau d'ensoleillement, et pas seulement par les poussières dont la présence sur les panneaux photovoltaïques a été constatée en septembre 2020 et juillet 2022.

Cela est d'autant plus vrai que M. [B], qui a été sollicité par la société Gemaud, indique dans son courrier du 4 août 2020 que, pour qu'un ombrage consécutif à des dépôts de poussières fines de béton puisse se produire, il faudrait que ces dernières, dont la nature et la quantité doivent être précisées, transportées par la vent, viennent se redéposer sur les panneaux en retombant et puissent y adhérer jusqu'à constituer un film opacifiant, ce qui ne résulte pas des constatations qui ont été faites.

En tout état de cause, il convient de relever que la société Meridian solaire I a sollicité une expertise aux fins d'établir le caractère anormal des nuisances qu'elle affirme subir et le fait qu'elles excèdent les inconvénients normaux de voisinage.

Or, l'expert judiciaire indique dans son compte-rendu du 25 juillet 2022 qu'il a fait appel à un sapiteur afin de se prononcer sur les désordres en lien avec les poussières, de dire si leur présence sur les panneaux photovoltaïques est de nature à occulter la lumière du soleil et à causer un dommage à la toiture, à l'installation photovoltaïques et aux équipements qui y sont attachés, outre le fait que l'expert judiciaire ne s'est pas encore prononcé sur les éléments qui pemettront à la juridiction du fond de determiner les responsabilités, les causes de la présence des poussières et des désordres subséquents, leur imputabilité et les moyens propres à y remédier.

Il en résulte que la preuve n'est pas rapportée par la société Meridian solaire I, à ce stade de la procédure et avec l'évidence requise en référé, de l'émission de poussières provenant de la centrale de béton exploitée par la société Lafargeholcim Bétons excédant les inconvénients normaux de voisinage, en raison de leur nature, importance et fréquence, consécutif notamment à un non-respect de réglementation applicable et/ou un abus de jouissance des lieux loués, à l'origine d'une perte de rendement voire de tout autre préjudice.

Enfin, dès lors que l'expertise judiciaire a été sollicitée et ordonnée à la demande de la société Meridian solaire I, il est normal qu'elle fasse l'avance des frais d'expertise, et ce, jusqu'à ce que la juridiction du fond, qui sera éventuellement saisie à l'issue du dépôt du rapport d'expertise judiciaire, se prononce sur les responsabilités des parties, et notamment sur la réalité des troubles anormaux de voisinage allégués par la société Meridian solaire I.

Dans ces conditions, la demande de la société Meridian solaire I de lui allouer une provision à valoir sur les frais d'expertise engagés n'est pas justifiée tant que la preuve ne sera pas rapportée des responsabilités encourues par les autres parties.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, la responsabilité des sociétés Gemaud et Lafargeholcim Betons se heurtant à des contestations sérieuses, il y a lieu de confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a rejeté la demande de provision sollicitée par la société Meridian solaire I.



Sur la demande de la société Meridian d'être autorisée à consigner le montant des loyers

L'article 835 alinéa 1 du même code dispose que le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Le dommage imminent s'entend du dommage qui n'est pas encore réalisé mais qui se produira sûrement si la situation présente doit se perpétuer et le trouble manifestement illicite résulte de toute perturbation résultant d'un fait qui directement ou indirectement constitue une violation évidente de la règle de droit.



Si l'existence de contestations sérieuses n'interdit pas au juge de prendre les mesures nécessaires pour faire cesser un dommage imminent ou un trouble manifestement illicite, il reste qu'une contestation réellement sérieuse sur l'existence même du trouble et sur son caractère manifestement illicite doit conduire le juge des référés à refuser de prescrire la mesure sollicitée.

La cour doit apprécier l'existence d'un dommage imminent ou d'un trouble manifestement illicite au moment où le premier juge a statué, peu important le fait que ce dernier ait cessé, en raison de l'exécution de l'ordonnance déférée, exécutoire de plein droit.



En outre, il résulte de l'article 1719 du code civil que le bailleur est obligé, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière, de délivrer au preneur un local permettant l'exercice de son activité, d'entretenir cette chose en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée, d'assurer au preneur la jouissance paisible des lieux pendant la durée du bail et de le garantir de tous les défauts de la chose louée qui en empêchent l'usage.



Il s'évince de l'article 1728 du même code que ce dernier est tenu de deux obligations principales, comprenant celle de payer le prix du bail aux termes convenus.



Ainsi, même si le bailleur n'exécute pas ses obligations, le locataire ne peut se prévaloir d'une exception d'inexécution tirée de l'article 1219 du code civil, qui énonce qu'une partie peut refuser d'exécuter son obligation, alors même que celle-ci est exigible, si l'autre n'exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave, pour suspendre le paiement des loyers, à moins qu'il apporte la preuve de ce que l'inertie de ce dernier a pour effet d'empêcher totalement un usage des lieux suivant la destination qui lui a été donnée par le bail.



L'article 1220 du même code poursuit en indiquant qu'une partie peut suspendre l'exécution de son obligation dès lors qu'il est manifeste que son cocontractant ne s'exécutera pas à l'échéance et que les conséquences de cette inexécution sont suffisamment graves pour elle. Cette suspension doit être notifiée dans les meilleurs délais.



Enfin, en application de l'article 1725 du même code, le bailleur n'est pas tenu de garantir le preneur du trouble que des tiers apportent par voies de fait à sa jouissance, sans prétendre d'ailleurs à aucun droit sur la chose louée, sauf au preneur à les poursuivre en son nom personnel.



Il s'évince de la combinaison des articles 1719 et 1725 du code civil que le bailleur est tenu de garantir le preneur des troubles apportés à sa jouissance, à la seule exception de ceux qui seraient causés par des tiers sans droit sur la chose louée.



Toutefois, le fait que des tiers soient responsables des désordres subis par le preneur n'exonère pas le bailleur de son obligation de jouissance paisible ou de délivrance en cas de vice de la chose louée, si le bailleur a concouru ou facilité la survenance du trouble par une attitude fautive et s'il n'a pas effectué toutes les diligences nécessaires auprès des responsables des désordres pour satisfaire aux demandes de son locataire.



En l'espèce, il résulte du contrat de bail consenti par la société Gemaud à la société Meridian solaire I (en page 12) que le bailleur ne pourra entreprendre aucune mesure, notamment des travaux de construction, susceptible de diminuer le rendement de la centrale photovoltaïque sans l'autorisation préalable écrite du preneur.



S'il est acquis que la société Gemaud a consenti à la société Lafargeholcim Betons un bail commercial, à effet au 1er octobre 2018, portant sur une partie des bâtiments sur lesquels est installée la centrale photovoltaïques, et ce, pour y exercer des activités industrielles, notamment par l'installation d'une centrale à béton (en page 15), il résulte de ce qui précède que la société Meridian solaire I n'apporte pas la preuve d'un préjudice de jouissance, et en l'occurrence une perte de rendement de la centrale photovolatiques, en raison des poussières générées par l'activité de la société Lafargeholcim Betons excédant les inconvénients normaux de voisinage.



Elle ne démontre pas plus l'exercice par la société Lafargeholcim Betons d'une activité en méconnaissance de la réglementation applicable en matière d'émissions de poussières, lors de la fabrication de béton prêt à l'emploi, à l'origine de désordres sur la centrale photovoltaïque compte tenu des éléments produits justifiant de la déclaration initiale et de mesures effectuées en 2020 qui n'ont révélé aucun dépassement des seuils fixés en la matière, étant rappelé qu'une expertise judiciaire est en cours pour déterminer les éventuels manquements de la société Lafargeholcim Betons dans l'exercice de son activité industrielle.



De même, si la société Lafargeholcim Betons ne verse aux débats aucun élément attestant de la réalité d'un système d'aération, tel qu'il existerait dans les locaux loués, afin de traiter l'air et les éventuelles poussières, la société Meridian solaire I ne démontre pas pour autant que les exutoires de désemfumage, qui sont souvent en position ouverte, tel que cela résulte des constats d'huissier de septembre 2020, des courriers échangés entre les parties et du compte-rendu d'expertise de juillet 2022, sont utilisés par la société Lafargeholcim Betons afin de ventiler sa centrale de béton. Cette dernière, qui a toujours contesté avoir manipulé le système de désemfumage, démontre, au contraire, avoir demandé à plusieurs reprises à la société Gemaud de faire procéder à la fermeture et à la réparation des exutoires dont l'ouverture est préjudiciable au bon fonctionnement de son système d'aération, tel que cela résulte des courriers et des mails que la société Gemaud a adressés à la société Meridian solaire I depuis le début de l'année 2019.



En effet, alors même que la Meridian solaire I verse aux débats des rapports d'intervention portant sur les exutoires de désemfumage, aucune de ces pièces ne permettent de déterminer la manière dont ils peuvent être manipulés, et notamment si les boîtiers des commandes se situent à l'intérieur des locaux loués et, le cas échéant, si d'autres sociétés que la société Meridian solaire I y ont accès.



De plus, les échanges de courriers entre les sociétés Meridian solaire I et Gemaud révèlent que les difficultés portant sur le système de désenfumage datent d'avant le bail commercial consenti à la société Larfargeholcim Betons, la société Gemaud se plaignant, dans un courrier en date du 10 mai 2019, du fait que la dernière vérification des commandes des exutoires date du mois de juin 2017 et que les comptes-rendus de vérification périodique du système de désemfumage naturel des 24 mai 2019 et 6 juillet 2020 révèlent que l'installation ne fonctionne pas correctement et qu'elle présente de nombreuses anomalies, et en particulier des problèmes d'ouverture concernant deux exutoires se trouvant dans le bâtiment A, à l'origine d'infiltrations d'eaux de pluie dans le hall 1 du bâtiment 1, tel que cela résulte de la photographie annexée au courrier de la société Gemaud en date du 9 décembre 2019, et une commande de l'exutoire du bâtiment 3 qui se trouve dans la mauvaise partie du bâtiment.



Enfin, il résulte de ce qui précède que la société Meridian solaire I échoue à démontrer une perte de rendement qui serait intervenue à compter de 2020, laquelle n'est pas systématique à l'examen comparatif de l'électricité qui a été produite mois par mois en 2019, 2020 et 2021, étant relevé qu'aucun élément chiffré portant sur les années antérieures n'est versé aux débats et, qu'à ce stade de la procédure, aucun lien de causalité n'est établi entre la baisse de la production d'électricité constatée certains mois en 2020 et 2021 par rapport à l'année 2019 et les poussières générées par l'activité de la centrale de béton située dans le bâtiment A.



Dans ces conditions, la société Meridian solaire I n'apporte pas la preuve d'un trouble manifestement illicite, et en l'occurrence de poussières de béton l'empêchant de produire de l'électricité à l'aide de sa centrale photovoltaïque.



Elle ne peut donc faire grief à la Gemaud, en tant que bailleresse, de ne pas avoir entrepris les diligences nécessaires auprès de son autre locataire, la société Lafargeholcim Betons, pour faire cesser le trouble allégué et, dès lors, pour satisfaire à sa demande de respecter son obligation de jouissance paisible des lieux pendant toute la durée du bail.



En tout état de cause, même à supposer que la production électrique par la centrale photovoltaïque a diminué depuis le bail commercial consenti par la bailleresse de la société Merdian I à la société Lafargeholcim Betons, compte tenu de la nature de l'activité qu'elle exerce, cela ne justifierait pas pour autant la mesure sollicitée, à savoir la consignation des loyers dus jusqu'à l'issue du litige. D'une part, les installations de la société Lafargeholcim Beton n'ont, de toute évidence, pas eu pour conséquence d'empêcher la société Meridian solaire I d'user totalement des lieux suivant la destination qui lui a été donnée par le bail, et ce, au regard des tableaux de rendement versés aux débats qui attestent que les panneaux photovoltaïques de la société Meridian solaire I ont continué à produire de l'électricité en 2020 et 2021. D'autre part, la mesure revendiquée ne serait pas de nature à mettre fin aux poussières générées par l'activité de la société Lafargeholcim Betons au préjudice de la société Meridian Solaire.



Par conséquent, faute pour la société Meridian solaire I d'apporter la preuve d'un trouble de jouissance manifestement illicite, et en l'occcurrence d'une perte de rendement de sa centrale photovoltaïque du fait de poussières générées par la centrale de béton et de l'inertie de sa bailleresse qui n'entreprendrait aucune démarche auprès du responsable pour faire cesser ce prétendu trouble, sa demande d'ordonner la suspension du paiement de ses loyers jusqu'à l'issue du litige n'est aucunement justifiée.



Il y a donc lieu d'infirmer l'ordonnance entreprise sur ce point et de débouter la société Meridian solaire I de sa demande formée de ce chef.



Sur la demande de la société Meridian solaire I portant sur la production de justificatifs, sous astreinte, formée à l'encontre de la société Lafargeholcim Betons



Selon les dispositions de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution du litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête en référé.



Pour que le motif de l'action soit légitime, il faut et il suffit que la mesure soit pertinente et qu'elle ait pour but d'établir une preuve dont la production est susceptible d'influer sur la solution d'un litige futur ayant un objet et un fondement précis et non manifestement voué à l'échec.

Dès lors, le demandeur à la mesure doit justifier d'une action en justice future, sans avoir à établir l'existence d'une urgence. Il suffit que le demandeur justifie de la potentialité d'une action pouvant être conduite sur la base d'un fondement juridique suffisamment déterminé et dont la solution peut dépendre de la mesure d'instruction sollicitée, à condition que cette mesure soit possible. Il ne lui est pas demandé de faire connaître ses intentions procédurales futures. Il lui faut uniquement établir la pertinence de sa demande en démontrant que les faits invoqués doivent pouvoir l'être dans un litige éventuel susceptible de l'opposer au défendeur, étant rappelé qu'au stade d'un référé probatoire, il n'a pas à les établir de manière certaine.

Il existe un motif légitime dès lors qu'il n'est pas démontré que la mesure sollicitée serait manifestement insusceptible d'être utile lors d'un litige ou que l'action au fond n'apparaît manifestement pas vouée à l'échec.

Enfin, en matière de production de pièces, il n'est pas possible de condamner, sous astreinte, une partie ou un tiers à produire des pièces sans que leur existence soit, sinon établie avec certitude, du moins vraisemblable.

En l'espèce, la demande de communication de pièces est sollicitée par la société Meridian solaire I en vue de l'action qu'elle envisage d'exercer au fond, tant à l'encontre de la société Lafargeholcim Beton, en sa qualité de voisin à l'origine de l'émission de poussières de béton affectant la centrale photovoltaïque, que de la société Gemaud, en sa qualité de propriétaire bailleresse des locaux où les centrales béton et photovolataique sont exploitées, pour trouble excédant les inconvénients normaux de voisinage et/ou pour manquement de la société Gemaud, en sa qualité de bailleresse, à son obligations contractuelle, d'assurer à sa locataire la jouissance paisible des lieux loués conformément à la destination convenue dans le bail.

Si cette action n'est pas manifestement vouée à l'échec, il s'avère qu'une expertise judiciaire a d'ores et déjà été ordonnée par le premier juge sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile aux fins de déterminer les nuisances subies par la société Meridian solaire I, leur caractère anormal et les préjudices subis, sans qu'aucun appel, principal ou incident, n'ait été formé à l'encontre de ce chef de l'ordonnance critiquée.

Dans le cadre de ses opérations, l'expert a notamment pour mission de donner à la juridiction du fond tous les éléments d'information afin de déterminer les responsabilités encourues par chacune des parties et les causes de la présence des poussières, ce qui supposera de fournir des éléments permettant de déterminer si la société Lafargeholcim Betons a respecté ses obligations en matière d'émission de poussières lors de la fabrication de béton prêt à l'emploi, et notamment en procédant aux mesures requises et à la mise en place d'un système d'aération adapté.

Sur ce point, il convient de relever que l'expert est expressément invité, dans sa mission, à demander à la société Lafargeholcim Betons les justificatifs du respect des normes qui lui sont applicables concernant le rejet de poussières.

Il s'ensuit que la demande de communication sollicitée, portant sur les justificatifs du respect des normes applicables en matière de rejet de poussières et de la mise en place d'un système d'aération, n'est pas utile dès lors que ces éléments font partie de ceux qui devront faire l'objet d'un examen par l'expert judiciaire.

Il y a donc lieu de confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a rejeté la demande communication de justificatifs, sous astreinte, sollicitée par la société Meridian solaire I.



Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Il convient de relever qu'aucun appel, principal ou incident, n'a été formé à l'encontre des chefs de l'ordonnance critiquée portant sur les dépens de première instance et les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Dès lors que la société Gemaud obtient gain de cause concernant son appel principal à l'inverse de la Meridian solaire I en son appel incident, cette dernière sera tenue aux entiers dépens de la procédure d'appel.

En outre, l'équité commande de condamner la société Meridian solaire I à verser à la société Gemaud la somme de 3 000 euros et à la société Lafargeholcim Betons la même somme pour les frais exposés en appel non compris dans les dépens en application de l'article 700 du code de procédure civile.

En revanche, la société Meridian solaire I sera déboutée de sa demande formulée sur le même fondement en tant que partie perdante tenue aux dépens d'appel.



PAR CES MOTIFS

La cour,

Ordonne la révocation de l'ordonnance de clôture en date du 3 janvier 2023 et constate que l'affaire est en état d'être jugée ;

Statuant dans les limites de l'appel ;

Infirme l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a dit que la société à responsabilité limitée Meridian solaire I sera autorisée à consigner les loyers dus à la société civile immobilière Gemaud entre les mains de M. le bâtonnier du barreau de Marseille jusqu'à l'issue du litige ;

La confirme en ses autres dispositions critiquées ;

Statuant à nouveau et y ajoutant ;

Déboute la société à responsabilité limitée Meridian solaire I de sa demande d'être autorisée à consigner les loyers dus à la société civile immobilière Gemaud entre les mains de M. le bâtonnier du barreau de Marseille jusqu'à l'issue du litige ;

Condamne la société à responsabilité limitée Meridian solaire I à verser à la société civile immobilière Gemaud la somme de 3 000 euros pour les frais exposés en appel non compris dans les dépens en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société à responsabilité limitée Meridian solaire I à verser à la société par actions sipmifiée Lafargeholcim Betons la somme de 3 000 euros pour les frais exposés en appel non compris dans les dépens en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute la société à responsabilité limitée Meridian solaire I de sa demande formulée sur le même fondement ;

Condamne la société à responsabilité limitée Meridian solaire I aux entiers dépens de la procédure d'appel.

La greffière Le président

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.