22 février 2023
Cour d'appel de Toulouse
RG n° 22/00173

REFERES 1° PRESIDENT

Texte de la décision

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



C O U R D ' A P P E L D E T O U L O U S E



DU 22 Février 2023



ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ



13/23



N° RG 22/00173 - N° Portalis DBVI-V-B7G-PCBK

Décision déférée du 17 Mars 2022

- Tribunal de Commerce de TOULOUSE - 2020J279







DEMANDERESSE



S.A.S. LOVEA

[Adresse 8]

[Localité 6]



Représentée par :



- Me Stéphane DAYAN de la SELAS SELAS ARKARA AVOCATS SDPE, avocate au barreau de PARIS (plaidant)

- à l'audience Me Gilles SOREL, avocat au barreau de TOULOUSE (postulant)



DEFENDEURS



S.E.L.A.R.L. BENOIT ET ASSOCIES

prise en la personne de Me Olivier BENOIT

ès qualité de liquidateur judiciaire de la SAS LABORATOIRES BIOCOS

[Adresse 2]

[Adresse 7]

[Localité 4]



Représentée à l'audience par Me POUEY du cabinet substituant Me Jérôme CARLES de la SCP CAMILLE ET ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE



S.C.P. CBF ET ASSOCIES

prise en la personne de Me BARON

ès qualité d'administrateur judiciaire de la SAS LABORATOIRES BIOCOS

[Adresse 1]

[Localité 4]



Non comparante, non représentée



S.A.S. COSBELLE

[Adresse 3]

[Localité 5]



Représentée à l'audience par :



- Me Philippe CHEMOUNY de l'AARPI CHEMOUNY ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS (plaidant)

- Me Ophélie BENOIT-DAIEF de la SELARL SELARL LEXAVOUE, avocate au barreau de TOULOUSE (postulante)

DÉBATS : A l'audience publique du 25 Janvier 2023 devant A. DUBOIS, assistée de M.POZZOBON





Ministère Public : représenté par M. François Jardin, qui a fait connaître son avis par écrit





Nous, A. DUBOIS, présidente de chambre déléguée par ordonnance de la première présidente du 7 Décembre 2022, en présence de notre greffier et après avoir entendu les conseils des parties en leurs explications :



- avons mis l'affaire en délibéré au 22 Février 2023



- avons rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, l'ordonnance suivante :














FAITS ' PROCÉDURE ' PRÉTENTIONS :



Le 4 janvier 2018, la SAS Lovea, spécialisée dans la fabrication de parfums et produits pour la toilette, s'est engagée à faire fabriquer par la société Biocos, spécialisée dans la production et le conditionnement de produits cosmétiques et parapharmaceutiques, 75% de ses produits vendus sous la marque Lovea jusqu'à la fin 2022.



Le 20 juillet 2018, un protocole transactionnel prévoyant des ristournes au profit de la SAS Lovea a été conclu et signé entre cette dernière et la société Biocos.



Le 5 février 2019, le tribunal de commerce de Toulouse a ordonné l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société Biocos, désigné la SELARL Benoit comme mandataire judiciaire et la SCP CBF en tant qu'administrateur judiciaire.



Le 5 juin 2019, la SAS Lovea a notifié à la société Biocos la fin des relations commerciales entre les deux sociétés à la suite d'une mise en demeure adressée le 19 avril 2019 invoquant des dysfonctionnements dans l'exécution du contrat.



Le 18 octobre 2019, un second protocole d'accord transactionnel, prévoyant à nouveau une ristourne au profit de la SAS Lovea, a été conclu entre les deux sociétés en la présence de l'administrateur judiciaire et autorisé par le juge-commissaire.



Le 4 décembre 2019, la SAS Cosbelle a déposé une offre de reprise des actifs de la société Biocos auprès du tribunal de commerce de Toulouse.



Le 20 décembre 2019, la société Biocos a facturé à la SAS Lovea des produits cosmétiques à destination de l'Egypte.



Le 2 janvier 2020, le tribunal de commerce de Toulouse a ordonné la cession de l'ensemble des éléments corporels et incorporels du fonds de commerce de la société Biocos à Cosbelle.

Le même jour, il a prononcé la liquidation judiciaire de la société Biocos et a nommé la SELARL Benoit comme liquidateur judiciaire.



Le 10 février 2020, le conseil de la SAS Lovea a adressé un courrier à la SELARL Benoit et la SCP CBF indiquant que sa cliente reconnaissait devoir à la société Biocos, sauf erreur, la somme de 192 478,92 euros TTC à laquelle il convenait de soustraire la somme de 180 000 euros au titre du solde de ristourne restant dû conformément aux protocoles transactionnels signés.



Les 11 et 12 février 2020, la société Cosbelle a facturé à la SAS Lovea les produits cosmétiques à destination de l'Egypte précédemment facturés par la société Biocos.



Par acte du 5 juin 2020, la SELARL Benoit ès-qualité de la société Biocos a fait assigner la SAS Lovea devant le tribunal de commerce de Toulouse en paiement.



Par actes des 28 août et 1er septembre 2020, la SAS Lovea a assigné en intervention forcée la société Cosbelle et la SCP CBF ès-qualités.



Par jugement contradictoire du 17 mars 2022, le tribunal de commerce de Toulouse, a notamment :

- dit que le créancier de la SAS Lovea pour les produits à destination de l'Egypte objets des facturations litigieuses est la SAS Cosbelle,

- condamné la SAS Lovea à payer à la SAS Cosbelle la somme de 151 358.26 euros.



La SELARL Benoit et la SCP CBF ont interjeté appel de cette décision le 27 avril 2022.



Par actes du 27 octobre 2022, la SAS Lovea a fait assigner la SAS Cosbelle, la SELARL Benoit et la SCP CBF ès qualités en référé devant le premier président de la cour d'appel de Toulouse sur le fondement des articles 517 et 524 du code de procédure civile.



Suivant dernières conclusions reçues au greffe le 25 janvier 2023, soutenues oralement à l'audience du 25 janvier 2023, auxquelles il conviendra de se référer pour plus ample exposé des moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, elle demande de :

- la juger recevable dans ses demandes,

- suspendre l'exécution provisoire dont est revêtu le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris en date du 17 mars 2022,

En cas de refus,

A titre principal,

- arrêter l'exécution provisoire du jugement litigieux moyennant la consignation sur le compte CARPA de Maître [Z] [H] par la société Lovea de fonds suffisants pour garantir en principal, intérêts et frais le montant des condamnations,

A titre subsidiaire,

- maintenir l'exécution provisoire dont est assorti le jugement rendu par le tribunal de commerce de Toulouse moyennant la consignation par la société Cosbelle sur le compte CARPA de son avocat des fonds suffisants pour répondre de toutes restitutions ou réparations qu'ils devraient réaliser au profit de la société Lovea si la cour d'appel venait à réformer le jugement litigieux,

- ordonner à la société Cosbelle de consigner sur le compte CARPA de son avocat la somme de 151 358,26 euros,

En tout état de cause,

- condamner la société Cosbelle, la SCP CBF et la SELARL Benoit à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de la procédure.



Dans ses dernières conclusions reçues au greffe le 25 janvier 2023, soutenues oralement à l'audience, auxquelles il conviendra de se référer pour plus ample exposé des moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, la SAS Cosbelle demande au premier président :

- de déclarer irrecevables toutes les demandes de la société Lovea,

- à titre subsidiaire, de les rejeter,

- en tout état de cause, de condamner la société Lovea à lui payer la somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- de la condamner aux entiers dépens de l'instance, tout en autorisant Maître Ophélie Benoit Daief, avocat près la cour d'appel de Toulouse, à en poursuivre le recouvrement dans les termes de l'article 699 du code de procédure civile.



Suivant conclusions développées oralement à l'audience, auxquelles il conviendra de se référer pour plus ample exposé des moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, la Selarl Benoît et Associés s'en rapporte à justice tout en sollicitant de condamner la société Lovea aux dépens et de rejeter sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.



Suivant avis écrit du 23 janvier 2023 mis à disposition des parties, le ministère public demande au premier président de déclarer irrecevable la demande d'arrêt de l'exécution provisoire du jugement du tribunal de commerce de Toulouse du 17 mars 2022 formée par la SAS Lovea, subsidiairement de rejeter cette demande.




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MOTIVATION :



Sur l'arrêt de l'exécution provisoire :



Aux termes de l'article 514-3 du code de procédure civile applicable au présent litige, en cas d'appel, le premier président peut être saisi afin d'arrêter l'exécution provisoire de la décision lorsqu'il existe un moyen sérieux d'annulation ou de réformation et que l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives. Ces dernières doivent être appréciées au regard de la situation du débiteur, compte tenu de ses facultés de règlement des condamnations prononcées, ou des facultés de remboursement du créancier en cas de réformation du jugement. La preuve en incombe à celui qui les invoque.

La demande de la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d'observations sur l'exécution provisoire n'est recevable que si, outre l'existence d'un moyen sérieux d'annulation ou de réformation, l'exécution provisoire risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance.



En l'espèce, le ministère public conclut en premier lieu à tort à l'irrecevabilité de la demande d'arrêt de l'exécution provisoire formulée par la SAS Lovea au motif qu'elle n'a pas interjeté appel.



Il s'avère en effet qu'à la suite de l'appel interjeté par la SELARL Benoit et associés et la SCP CBF et associés le 27 octobre 2022, elle a interjeté appel incident.



En revanche, le parquet relève valablement ainsi que la SAS Cosbelle, que la SAS Lovea n'a fait valoir aucune observation en première instance sur l'exécution provisoire de sorte qu'elle n'est recevable qu'à se prévaloir de conséquences manifestement excessives révélées postérieurement à la décision dont appel.







A cet égard, la demanderesse se limite à faire état d'éventuelles difficultés financières de la SAS Cosbelle qui seraient nées postérieurement à la décision et l'empêcheraient de restituer les sommes perçues en cas d'infirmation.



Cependant, si les conséquences manifestement excessives peuvent s'apprécier au regard des facultés de remboursement du créancier en cas de réformation du jugement, le seul risque de non restitution des sommes ne saurait à lui seul caractériser de telles conséquences dès lors qu'il appartient au créancier de rapporter la preuve de ce que ce risque présenterait à son égard des conséquences manifestement excessives.



Or, en limitant son argumentation sur la situation financière de la SAS Cosbelle sans remettre en cause sa propre bonne santé financière, illustrée notamment par un résultat net de l'exercice de 1 401 823 euros, elle ne justifie pas de conséquences manifestement excessives au sens du texte précité.



En conséquence, sa demande d'arrêt de l'exécution provisoire du jugement rendu par le tribunal de commerce de Toulouse du 17 mars 2022 sera déclarée irrecevable.



Sur l'aménagement de l'exécution provisoire :



La SAS Lovea sollicite subsidiairement de la SAS Cosbelle qu'elle consigne la somme de 151 358,26 euros.



Aux termes de l'article 521 du code de procédure civile, la partie condamnée au paiement de sommes autres que des aliments, des rentes indemnitaires ou des provisions, peut éviter que l'exécution provisoire soit poursuivie en consignant sur autorisation du juge les espèces ou valeurs suffisantes pour garantir le montant de la condamnation.



La possibilité d'aménagement prévue à l'article précité n'est pas subordonnée à la condition de l'existence de conséquences manifestement excessives posée par l'article 524 du code de procédure civile dans sa rédaction applicable au litige. Le premier président dispose, en la matière, d'un pouvoir discrétionnaire.



Au soutien de sa demande, la SAS Lovea met en avant un courriel de janvier 2022 dans lequel la société Cosbelle reconnaîtrait des difficultés financières et considère que la rupture des relations contractuelles depuis le 31 décembre 2022 est de nature à altérer les finances de cette dernière.



Toutefois, ledit courriel ne fait mention que d'un problème de financement des commandes du MP et la SAS Cosbelle, qui fournit ses comptes pour l'exercice de 2021, justifie de disponibilités à hauteur de 631 994 euros et d'un résultat d'exercice net de 148 687 euros.



Dès lors, la demande de constitution de garantie qui n'est pas justifiée par la situation respective des parties et la sauvegarde de leurs droits et intérêts, sera rejetée.



Comme elle succombe, la SAS Lovea supportera la charge des dépens de la présente et sera condamnée à payer à la SAS Cosbelle la somme de 2 000 euros du chef de l'article 700 du code de procédure civile.









Enfin, l'article 699 du code de procédure régissant le droit au recouvrement direct des dépens par les avocats ne pouvant s'appliquer que dans les matières où leur ministère est obligatoire, la demande formée par la SAS Cosbelle à ce titre, dans le cadre de la présente procédure de référé qui est sans représentation obligatoire, sera écartée.



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PAR CES MOTIFS



Statuant par décision contradictoire, après débats en audience publique,



Déclarons irrecevable la demande de la SAS Lovea tendant à l'arrêt de l'exécution provisoire du jugement rendu le 17 mars 2022 par le tribunal de commerce de Toulouse,



Déboutons la SAS Lovea du surplus de ses demandes,



La condamnons aux dépens,



La condamnons à payer à la SAS Cosbelle la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,



Déboutons la SAS Cosbelle du surplus de ses demandes.







LA GREFFIERE LA MAGISTRATE DELEGUEE











M.POZZOBON A. DUBOIS

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