24 janvier 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-86.401

Chambre criminelle - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2023:CR00201

Titres et sommaires

DETENTION PROVISOIRE - Débat contradictoire - Prolongation de la détention - Mis en examen assurant sa propre défense - Report - Demande formulée après les réquisitions du ministère public - Atteinte au droit de bénéficier du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense

Ne méconnaît pas les dispositions de l'article 6, § 3, b, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le juge des libertés et de la détention qui ne fait pas droit à la demande de report du débat contradictoire formulée, après les réquisitions du ministère public, par la personne mise en examen ayant décidé de se défendre seule et qui a été informée au début dudit débat que celui-ci avait pour objet la prolongation de sa détention provisoire, dès lors qu'il appartenait à celle-ci, si elle estimait n'avoir pu bénéficier du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense, de prendre l'initiative de solliciter le report de ce débat dès son ouverture

Texte de la décision

N° U 22-86.401 FS-B

N° 00201


MAS2
24 JANVIER 2023


REJET


M. BONNAL président,








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 24 JANVIER 2023




M. [E] [V] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 8e section, en date du 19 octobre 2022, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs, notamment, d'importation de stupéfiants en bande organisée, infractions à la législation sur les stupéfiants et associations de malfaiteurs, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention prolongeant sa détention provisoire.

Un mémoire a été produit.

Sur le rapport de M. Dary, conseiller, les observations de Me Laurent Goldman, avocat de M. [E] [V], et les conclusions de M. Lemoine, avocat général, après débats en l'audience publique du 24 janvier 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Dary, conseiller rapporteur, Mmes Labrousse, Ménotti, MM. Maziau, Seys, Mme Thomas, Chaline-Bellamy, M. Hill, conseillers de la chambre, M. Violeau, Mme Merloz, conseillers référendaires, M. Lemoine, avocat général, et Mme Sommier, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. Le 20 avril 2021, M. [E] [V] a été mis en examen, notamment, des chefs susvisés et placé en détention provisoire.

3. Son avocate a été convoquée, le 23 septembre 2022, en vue du débat contradictoire de prolongation de la détention provisoire de l'intéressé, fixé au 5 octobre suivant, dont elle a, dès le 26 septembre 2022, sollicité le report en raison de son indisponibilité à la date retenue.

4. Le juge des libertés et de la détention ayant été, ensuite, informé par le greffe du juge d'instruction que M. [V], depuis le 15 septembre précédent, souhaitait désormais se défendre seul, a répondu à l'avocate, par courriel du 27 septembre suivant, que, dès lors qu'elle n'assistait plus celui-ci, il ne serait pas fait droit à sa demande de report du débat.

5. Par ordonnance du 5 octobre 2022, le juge des libertés et de la détention a ordonné la prolongation de la détention provisoire de M. [V].

6. L'intéressé a relevé appel de cette décision.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a écarté le moyen de nullité du débat contradictoire et a prolongé la détention provisoire de M. [V], alors :

« 1°/ qu'afin que soit respecté son droit de disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense, la personne qui assure seule sa défense dans le cadre du débat contradictoire sur la détention provisoire doit être informée de celui-ci au plus tard cinq jours avant sa tenue ; qu'il résulte de la procédure que M. [V], qui assurait seul sa défense, n'a pas été informé préalablement à celle-ci de la tenue du débat contradictoire, de sorte qu'en écartant la nullité de ce débat tirée de l'absence de cette information préalable la chambre de l'instruction a méconnu l'article 6 § 3 b) de la Convention européenne des droits de l'homme ;

2°/ que la personne mise en examen qui n'a pas été convoquée et assure seule sa défense lors du débat contradictoire sur la détention provisoire doit être informée par le juge des libertés et de la détention de la possibilité de demander un renvoi pour préparer sa défense ; que la chambre de l'instruction qui, pour écarter le moyen de nullité tiré de ce que le juge des libertés et de la détention n'avait pas avisé M. [V], qui n'avait pas été convoqué au débat et assurait seul sa défense, de la possibilité qu'il avait de solliciter un renvoi afin de préparer sa défense, s'est retranchée derrière la circonstance qu'il n'avait pas lui-même sollicité le renvoi, a méconnu l'article 6 § 3 b) de la Convention européenne des droits de l'homme. »

Réponse de la Cour

8. Pour écarter le moyen de nullité du débat contradictoire de prolongation de la détention provisoire de M. [V], l'arrêt attaqué énonce qu'il ressort du procès-verbal de ce débat que son avocate, régulièrement convoquée, étant absente et M. [V] souhaitant désormais se défendre seul, la demande de report formée par celle-ci, le 26 septembre 2022, était devenue sans objet.

9. Les juges relèvent encore, qu'après avoir été informé par le juge des libertés et de la détention qu'était envisagée la prolongation de sa détention provisoire, M. [V], qui a confirmé qu'il se défendait seul, a répondu aux questions du magistrat puis, après avoir entendu les réquisitions du ministère public, a sollicité le report du débat afin de produire des pièces concernant son projet de sortie de détention.

10. Ils en concluent que, M. [V] n'établissant pas que sa demande de renvoi, formulée après l'ouverture du débat, était fondée sur des motifs qu'il ne pouvait connaître antérieurement, le juge des libertés et de la détention n'était pas tenu d'y répondre.

11. Ils ajoutent que l'intéressé étant informé du motif du débat contradictoire et n'ayant pas sollicité le renvoi pour préparer sa défense, il ne saurait être reproché au juge des libertés et de la détention de ne pas l'avoir avisé de son droit de solliciter un renvoi ou de ne pas l'avoir ordonné d'office.

12. En se déterminant ainsi, la chambre de l'instruction n'a pas méconnu le texte visé au moyen.

13. En effet, il appartenait à M. [V], qui avait décidé de se défendre seul et avait été informé au début du débat contradictoire que celui-ci avait pour objet la prolongation de sa détention provisoire, s'il estimait n'avoir pu bénéficier du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense, de prendre l'initiative de solliciter le report du débat dès son ouverture.

14. Ainsi, le moyen doit être écarté.

15. Par ailleurs, l'arrêt est régulier, tant en la forme qu'au regard des dispositions des articles 137-3 et 143-1 et suivants du code de procédure pénale.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre janvier deux mille vingt-trois.

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