25 janvier 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-17.589

Chambre commerciale financière et économique - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2023:CO00075

Titres et sommaires

POUVOIRS DES JUGES - Pouvoir discrétionnaire - Délais - Demande fondée sur l'article 1244-1 du code civil - Rejet

Doit être rejeté le moyen qui ne tend qu'à contester l'exercice par la cour d'appel du pouvoir discrétionnaire qu'elle tient de l'article 1244-1 du code civil de refuser des délais de paiement

PAIEMENT - Délais de grâce - Demande - Rejet - Pouvoir discrétionnaire

Texte de la décision

COMM.

CH.B



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 25 janvier 2023




Rejet


M. VIGNEAU, président



Arrêt n° 75 F-B

Pourvoi n° C 21-17.589




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 25 JANVIER 2023

M. [X] [G], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° C 21-17.589 contre l'arrêt rendu le 10 mai 2021 par la cour d'appel d'Agen (chambre civile, section commerciale), dans le litige l'opposant à la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel d'Aquitaine, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Guerlot, conseiller référendaire, les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et associés, avocat de M. [G], de Me Soltner, avocat de la société Caisse régionale de crédit agricole d'Aquitaine, après débats en l'audience publique du 29 novembre 2022 où étaient présents M. Vigneau, président, M. Guerlot, conseiller référendaire rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Agen, 10 mai 2021), par un acte du 7 avril 2011, la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel d'Aquitaine (la banque) a consenti à la société MG automobile une ouverture de crédit en compte courant et une ligne d'escompte, garanties par le cautionnement de M. [G], gérant de la société MG automobile, dans la limite de 390 000 euros pour l'ouverture de crédit et de 130 000 euros pour la ligne d'escompte, soit 520 000 euros au total.

2. Par un avenant du 27 novembre 2014, l'engagement de caution a été diminué à 195 000 euros au total et un gage sur stock a été consenti.

3. La société MG automobile ayant été mise en redressement puis liquidation judiciaires, la banque a assigné M. [G] en paiement.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. M. [G] fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la banque la somme de 192 960,73 euros, outre les intérêts au taux légal à compter du 12 avril 2017, capitalisés, alors :

« 1°/ que le cautionnement, qui ne se présume point, doit être exprès et ne peut être étendu au-delà des limites dans lesquelles il a été contracté ; qu'aucune ambiguïté ne saurait donc résulter de la mention manuscrite apposée par la caution ; qu'en l'espèce, pour refuser de déclarer nul le cautionnement du 7 avril 2011, la cour d'appel, après avoir relevé l'existence d'une "erreur matérielle", a retenu que "la différence entre les montants inscrits [celui porté sur l'acte de caution et celui mentionné dans le corps du contrat de prêt] n'affecte pas le sens et la portée de l'engagement souscrit par M. [G]", motif pris de ce que le montant inscrit était "supérieur à celui retenu par la banque" ; qu'en se déterminant de la sorte, par un motif impropre à caractériser la conscience par la caution de la portée de son engagement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 314-15 du code de la consommation et 2292 du code civil ;

2°/ que M. [G] a également invoqué la nullité de son engagement de caution en faisant valoir que l'avenant du 27 novembre 2014 opérait des modifications substantielles (taux du crédit de trésorerie, commission d'engagement et suppression de la ligne d'escompte) par rapport au contrat de prêt initial et qu'aucun nouvel engagement de caution n'avait été conclu pour valider ces changements ; qu'en se bornant, pour refuser d'annuler le cautionnement, à retenir que "l'avenant du 27 novembre 2014 prévoit le maintien de la caution solidaire avec l'ajout d'une nouvelle garantie représentée par un gage sur stock" et avait limité le cautionnement de M. [G] à [195 000] euros, sans répondre au moyen tiré de l'absence de nouvel acte de caution en adéquation avec les nouvelles conditions du prêt, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3°/ qu'en retenant, pour refuser de déclarer nul le cautionnement de M. [G], que "l'engagement de M. [G] en qualité de caution a été réduit et limité à la somme de [195 000] euros, ce qui ne lui est pas préjudiciable", la cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle sur la conscience par la caution de la portée de son engagement, a encore privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 314-15 du code de la consommation. »

Réponse de la Cour

5. En premier lieu, la nullité d'un cautionnement n'est pas encourue du fait de la contradiction entre une mention dactylographiée et une mention manuscrite, lorsque aucun manquement au formalisme légal relatif aux mentions manuscrites n'affecte l'acte de cautionnement.

6. Ayant constaté que l'ensemble des mentions exigées par la loi avaient été reportées dans l'acte de cautionnement par M. [G], la cour d'appel en a exactement déduit que celui-ci ne pouvait se prévaloir de la nullité de son engagement de caution sur le fondement de l'article L. 341-2 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016.

7. En deuxième lieu, répondant aux conclusions prétendument délaissées visées par la deuxième branche, la cour d'appel a retenu que les modifications substantielles prétendument apportées à la convention initiale du 7 avril 2011, figuraient uniquement dans une lettre du 15 juillet 2014, laquelle n'engageait pas les parties, s'agissant d'une simple proposition de la banque.

8. En dernier lieu, ayant relevé que l'avenant du 27 novembre 2014 précisait que les parties n'entendaient pas procéder à la novation du contrat initial, mais entendaient maintenir le rapport contractuel initial, sans modification des droits et obligations de chacune, hormis ceux relatifs aux garanties, et qu'il prévoyait expressément le maintien du cautionnement de M. [G], puis retenu que cet avenant avait pour objet la renonciation de la banque à engager M. [G] pour une somme supérieure à 195 000 euros, en limitant son cautionnement à ce montant, la cour d'appel, qui a ainsi recherché la commune intention des parties, en a exactement déduit que M. [G] restait tenu par l'engagement de caution qu'il avait souscrit le 7 avril 2011, dans la limite de 195 000 euros.

9. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

10. M. [G] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de délais de paiement, alors « que le juge doit examiner l'ensemble des éléments de preuve régulièrement versés aux débats par les parties ; qu'en l'espèce, les fiches de renseignement que M. [G] avait remplies lors de son engagement de caution révélaient que son patrimoine était constitué d'une résidence principale évaluée à 500 000 euros, de deux immeubles avec terrain et des locaux de la société MG automobile respectivement valorisés à 500 000 euros et 310 000 euros, outre des parts de deux sociétés civiles immobilières à hauteur de 1 000 000 euros et 450 000 euros ; que les fiches de renseignement des années 2010 et 2013, ainsi que des informations sur le patrimoine de M. [G], son épargne et un rapport d'expertise ayant évalué les parts de sociétés civiles immobilières avaient été produits par la banque et renseignaient utilement sur son actif réalisable ; qu'en énonçant dès lors que "M. [G] (…) ne donne aucun élément personnalisé sur sa situation notamment au plan de son actif disponible, se bornant à indiquer qu'il est propriétaire de quelques biens immobiliers, lesquels ne constituent pas un actif immédiatement réalisable", de sorte que "ces informations générales sont insuffisantes pour accéder à sa demande", sans examiner les autres éléments communiqués par la banque de nature à renseigner sur son épargne et la valeur des parts de SCI, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

11. Le moyen, qui ne tend qu'à contester l'exercice par la cour d'appel du pouvoir discrétionnaire qu'elle tient de l'article 1244-1 du code civil, alors applicable, de refuser des délais de paiement, n'est pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. [G] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [G] et le condamne à payer à la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel d'Aquitaine la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq janvier deux mille vingt-trois.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et associés, avocat aux Conseils, pour M. [G].

PREMIER MOYEN DE CASSATION

M. [G] fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir condamné à payer à la CRCAM d'Aquitaine la somme de 192.960,73 €, outre intérêts au taux légal à compter du 12 avril 2017, capitalisés ;

1°) ALORS QUE le cautionnement, qui ne se présume point, doit être exprès et ne peut être étendu au-delà des limites dans lesquelles il a été contracté ; qu'aucune ambiguïté ne saurait donc résulter de la mention manuscrite apposée par la caution ; qu'en l'espèce, pour refuser de déclarer nul le cautionnement du 7 avril 2011, la cour d'appel, après avoir relevé l'existence d'une « erreur matérielle », a retenu que « la différence entre les montants inscrits [celui porté sur l'acte de caution et celui mentionné dans le corps du contrat de prêt] n'affecte pas le sens et la portée de l'engagement souscrit par M. [G] », motif pris de ce que le montant inscrit était « supérieur à celui retenu par la banque » ; qu'en se déterminant de la sorte, par un motif impropre à caractériser la conscience par la caution de la portée de son engagement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 314-15 du code de la consommation et 2292 du code civil ;

2°) ALORS QUE M. [G] a également invoqué la nullité de son engagement de caution en faisant valoir que l'avenant du 27 novembre 2014 opérait des modifications substantielles (taux du crédit de trésorerie, commission d'engagement et suppression de la ligne d'escompte) par rapport au contrat de prêt initial et qu'aucun nouvel engagement de caution n'avait été conclu pour valider ces changements (conclusions p. 7) ; qu'en se bornant, pour refuser d'annuler le cautionnement, à retenir que « l'avenant du 27 novembre 2014 prévoit le maintien de la caution solidaire avec l'ajout d'une nouvelle garantie représentée par un gage sur stock » et avait limité le cautionnement de M. [G] à 150.000 €, sans répondre au moyen tiré de l'absence de nouvel acte de caution en adéquation avec les nouvelles conditions du prêt, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3°) ALORS QU'ENFIN, en retenant, pour refuser de déclarer nul le cautionnement de M. [G], que « l'engagement de M. [G] en qualité de caution a été réduit et limité à la somme de 195.000 € ce qui ne lui est pas préjudiciable », la cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle sur la conscience par la caution de la portée de son engagement, a encore privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 314-15 du code de la consommation.

SECOND MOYEN DE CASSATION

M. [G] fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir débouté de sa demande de délais de paiement ;

ALORS QUE le juge doit examiner l'ensemble des éléments de preuve régulièrement versés aux débats par les parties ; qu'en l'espèce, les fiches de renseignement que M. [G] avait remplies lors de son engagement de caution révélaient que son patrimoine était constitué d'une résidence principale évaluée à 500.000 €, de deux immeubles avec terrain et des locaux de la société MG Automobiles respectivement valorisés à 50000 € et 310.000 €, outre des parts de deux SCI à hauteur de 1.000.000 € et 45.000 € ; que les fiches de renseignement des années 2010 et 2013, ainsi que des informations sur le patrimoine de M. [G], son épargne et un rapport d'expertise ayant évalué les parts de SCI avaient été produits par la banque et renseignaient utilement sur son actif réalisable ; qu'en énonçant dès lors que « M. [G] (…) ne donne aucun élément personnalisé sur sa situation notamment au plan de son actif disponible, se bornant à indiquer qu'il est propriétaire de quelques biens immobiliers, lesquels ne constituent pas un actif immédiatement réalisable », de sorte que « ces informations générales sont insuffisantes pour accéder à sa demande » (arrêt p. 6), sans examiner les autres éléments communiqués par la banque de nature à renseigner sur son épargne et la valeur des parts de SCI, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

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