24 janvier 2023
Cour d'appel de Besançon
RG n° 21/00985

1ère Chambre

Texte de la décision

ARRÊT N°



MW/FA







COUR D'APPEL DE BESANÇON

- 172 501 116 00013 -



ARRÊT DU 24 JANVIER 2023



PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE









Contradictoire

Audience publique du 22 novembre 2022

N° de rôle : N° RG 21/00985 - N° Portalis DBVG-V-B7F-EMGE



S/appel d'une décision du TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE BESANCON en date du 13 avril 2021 [RG N° 11-20-36]

Code affaire : 56C Demande en dommages-intérêts contre le prestataire de services pour mauvaise exécution





S.A.R.L. VINCI EXPERTISE ET DIAGNOSTIC IMMOBILIER C/ [L] [G]





PARTIES EN CAUSE :





S.A.R.L. VINCI EXPERTISE ET DIAGNOSTIC IMMOBILIER, inscrite au RCS de Besançon sous le numéro 808 943 203, représentée par son gérant Jérôme Dartevelle

Sise [Adresse 1]



Représentée par Me Benjamin LEVY, avocat au barreau de BESANCON





APPELANTE



ET :



Monsieur [L] [G]

de nationalité française, demeurant [Adresse 2]



Représenté par Me Florence PICAUD, avocat au barreau de BESANCON





INTIMÉ











COMPOSITION DE LA COUR :



Lors des débats :



PRÉSIDENT : Monsieur Michel WACHTER, Président de chambre.



ASSESSEURS : Messieurs Jean-François LEVEQUE et Cédric SAUNIER, conseillers.



GREFFIER : Madame Fabienne ARNOUX, Greffier.





Lors du délibéré :



PRÉSIDENT : Monsieur Michel WACHTER, Président de chambre, magistrat rédacteur



ASSESSEURS : Messieurs Jean-François LEVEQUE et Cédric SAUNIER, conseillers.






L'affaire, plaidée à l'audience du 22 novembre 2022 a été mise en délibéré au 24 janvier 2023. Les parties ont été avisées qu'à cette date l'arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe.





**************





M. [L] [G] était propriétaire d'un bien sis [Adresse 3], lequel a fait l'objet d'un compromis de vente le 5 novembre 2018, puis d'un acte de vente le 17 janvier 2019.



Dans la perspective de la vente, M. [G] a confié à la SARL Vinci Expertise et Diagnostic Immobiliers la réalisation des diagnostics obligatoires. Un dossier technique amiante a été établi par cette société le 15 octobre 2018.



Par exploit du 27 décembre 2019, M. [G] a fait assigner la société Vinci Expertise et Diagnostics Immobiliers devant le tribunal de grande instance de Besançon en paiement de la somme de 6 000 euros à titre de dommages et intérêts. Il a fait valoir que le dossier technique réalisé par la défenderesse ayant conclu à la présence d'amiante dans les dalles de sol du plancher, il avait mandaté la société Ocexpertises Agenda pour y remédier, mais que celle-ci, avant toute intervention, avait établi un rapport d'analyse indiquant qu'aucune fibre d'amiante n'avait été détectée. M. [G] a conclu à la commission d'une faute par la société Vinci Expertise et Diagnostics Immobiliers, qui avait eu des conséquences dommageables pour lui.



La société Vinci Expertise et Diagnostics Immobiliers s'est opposée aux demandes formées à son encontre, et a réclamé à titre reconventionnel la condamnation de M. [G] à lui payer la somme de 1 119,10 euros en règlement du prix de sa prestation. Elle a exposé que la société intervenue à la demande de M. [G] avait établi un diagnostic amiante avant travaux (DAAT), destiné à détecter la présence éventuelle d'amiante dans les matériaux de construction composant le bâti, alors qu'elle-même avait été chargée de la réalisation d'un diagnostic amiante avant vente (DAAV) portant sur une liste précise de matériaux à vérifier.



Par jugement du 13 avril 2021, le tribunal a :



- constaté que la SARL Vinci Expertise et Diagnostics Immobiliers est responsable du préjudice subi par M. [L] [G] ;



- condamné la SARL Vinci Expertise et Diagnostics Immobiliers à verser à M. [L] [G] la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts, tous types de préjudices confondus avec intérêt au taux légal à compter de la date de l'assignation ;



- débouté la SARL Vinci Expertise et Diagnostics Immobiliers de sa demande en paiement de la facturation de 1 119,10 euros avec intérêts au taux légal à compter du 15 octobre 2018 ;



- condamné la SARL Vinci Expertise et Diagnostics Immobiliers à verser à M. [L] [G] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;



- rejeté la demande de la SARL Vinci Expertise et Diagnostics Immobiliers au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;



- condamné la SARL Vinci Expertise et Diagnostics Immobiliers aux dépens.



Pour statuer ainsi, le tribunal a retenu :



- que l'objectif d'un DAAT ou d'un DAAV était de déterminer la présence d'amiante dans un bâtiment soit avant vente soit avant travaux et qu'en l'espèce il avait été établi par le laboratoire Eurofins, sur demande de la société Ocexpertises Agenda, l'absence d'amiante dans les dalles de sol du bâtiment, et ce contrairement aux mentions figurant dans le DAAv ; qu'en conséquence, iI y avait lieu de constater que la défenderesse était responsable du préjudice subi par M. [G] ;



- que l'engagement dela société Vinci Expertise et Diagnostics Immobiliers ayant été imparfaitement exécuté, sa demande en paiement de la prestation devait être rejetée.



La société Vinci Expertise et Diagnostics Immobiliers a relevé appel de cette décision le 3 juin 2021, en déférant à la cour l'ensemble de ses chefs.



Par conclusions notifiées le 27 août 2021, l'appelante demande à la cour :



Vu les dispositions de l'article 1231-1 du code civil,

Vu les dispositions de la norme NFX 46-020,

Vu les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,



- de juger l'appel recevable et bien fondé ;



En conséquence,



- d'infirmer le jugement entrepris dans les limites de l'appel interjeté, soit en ce qu'il a jugé :



* constate que la SARL Vinci Expertise et Diagnostics Immobiliers est responsable du préjudice subi par M. [L] [G] ;

* condamne la SARL Vinci Expertise et Diagnostics Immobiliers à verser à M. [L] [G] la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts, tous types de préjudices confondus avec intérêt au taux légal à compter de la date de l'assignation ;

* déboute la SARL Vinci Expertise et Diagnostics Immobiliers de sa demande en paiement de la facturation de 1 119,10 euros avec intérêts au taux légal à compter du 15 octobre 2018 ;

* condamne la SARL Vinci Expertise et Diagnostics Immobiliers à verser à M. [L] [G] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

* rejette la demande de la SARL Vinci Expertise et Diagnostics Immobiliers au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;



En conséquence :



- de débouter M. [L] [G] de toutes ses demandes ;



- de condamner M. [L] [G] au paiement de la facturation de 1119,10 euros à la société Vinci Expetise & Diagnostics Immobiliers avec intérêts au taux légal à compter du 15 octobre 2018 ;



- de condamner M. [L] [G] à régler à la société Vinci Expetise & Diagnostics Immobiliers la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;



- de condamner M. [L] [G] aux entiers dépens.



Par conclusions notifiées le 22 novembre 2011, M. [G] demande à la cour :



Vu l'article 1231-1 du code civil,

Vu l'article 1217 du code civil,



- de dire et juger 1'appel formé par la SARL Vinci Expertise et Diagnostics Immobiliers recevable mais mal fondé ;



- de débouter la SARL Vinci Expertise et Diagnostics Immobiliers de toutes ses demandes ;



- de confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré ;



Y ajoutant,



- de condamner la SARL Vinci Expertise et Diagnostics Immobiliers à verser à M. [L] [G] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.



La clôture de la procédure a été prononcée le 2 novembre 2022.



En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer pour l'exposé des moyens des parties à leurs conclusions récapitulatives visées ci-dessus.





Sur ce, la cour,



Sur la responsabilité



Il est constant que le dossier technique établi par l'appelante le 15 octobre 2018 fait état du repérage d'amiante dans les dalles de sol présentes dans l'ensemble des communs, alors que l'analyse d'échantillons effectuée par le laboratoire Eurofins a conclu à l'absence de fibres d'amiante dans ces matériaux.



C'est vainement, que, pour obtenir l'infirmation dela décision entreprise, la société Vinci Expertise et Diagnostics Immobiliers, qui ne conteste pas le résultat de l'analyse finale, soutient que sa responsabilité ne serait pas engagée, au motif que la détection de fibre d'amiante s'était faite sur jugement de l'opérateur faisant suite à un simple examen visuel, la réalisation de prélèvements destructifs n'étant pas obligatoire pour l'établissement d'un diagnostic amiante avant vente. D'une part, en effet, la norme qu'invoque l'appelante au soutien de son affirmation n'est pas versée aux débats. D'autre part, et en tout état de cause, en sa qualité de professionnelle chargée de l'établissement d'un diagnostic technique destiné à informer les parties dans le cadre d'une opération de vente, il appartenait à l'intéressée d'établir un constat objectif et fiable de la présence ou de l'absence d'amiante dans les locaux concernés, ce qui lui imposait de mettre en oeuvre les techniques adaptées à la parfaite exécution de la mission confiée. A tout le moins, il lui appartenait, en cas d'aléa lié au mode d'analyse employé, à assortir ses conclusions de réserves expresses destinées à alerter les destinataires du diagnostic sur l'incertitude du résultat, et sur l'opportunité de faire procéder à des analyses complémentaires. Or, il doit être constaté que le rapport litigieux ne comporte strictement aucune réserve, et qu'au contraire la présence d'amiante dans les dalles de sol apparaît à sa lecture comme étant établie.



Bien évidemment, et contrairement à ce que soutient l'appelante, le diagnostiqueur engage sa responsabilité envers son donneur d'ordre dès lors qu'il a établi des conclusions erronées au regard de l'état réel des lieux, peu important à cet égard que son erreur ait consisté à faire état de la présence d'amiante ou de son absence.



Sur le préjudice



L'appelante considère que M. [G] n'a pu subir aucun préjudice du fait qu'il ait, de manière erronée, été fait état de la présence d'amiante dans des dalles de sol qui en étaient indemnes.



Toutefois, l'intimé verse aux débats le compromis de vente établi le 5 novembre 2018 entre lui-même et les consorts [B]-[S] concernant le bien immobilier objet du diagnostic litigieux, lequel comporte en page 15 la stipulation suivante : 'le vendeur s'engage à désamianter à ses frais les sols situés dans les parties communes du premier étage de l'immeuble, conformément aux règles légales en vigueur, et à poser un sol de remplacement, le tout avant la signature définitive de l'acte de vente.' M. [G] justifie par ailleurs, notamment par la production d'un courrier de l'ARS lui enjoignant de cesser les travaux et de les confier à une société spécialisée, qu'il a déféré à la stipulation, et qu'il a entrepris personnellement les travaux de retrait des dalles avant qu'il ne soit constaté qu'elles ne comportaient pas de fibres d'amiante.



Il en résulte sans ambiguïté qu'en raison des conclusions erronées portées par l'appelante sur son diagnostic, M. [G] s'est retrouvé contraint, pour parvenir à la vente de l'immeuble, de réaliser des travaux en définitive inutiles, et qu'il a nécessairement dû mener à leur terme dès lors que le travail de démolition était entamé lorsque son inutilité est apparue.



L'appelant justifie par la production d'une facture Saint Maclou du 16 janvier 2019 avoir engagé une dépense de 117,88 euros pour l'acquisition d'un revêtement de sol de remplacement. Il établit par ailleurs par une facture Ocexpertises Agenda du 10 janvier 2019 avoir réglé une somme de 47 euros en paiement des frais de l'analyse ayant objectivé l'absence d'amiante.



Si M. [G] fait ensuite état d'un retard dans la signature de l'acte authentique, il sera relevé que la date de réitération prévue au compromis était fixée au 15 janvier 2019, et que l'acte authentique de vente est intervenu le 17 janvier 2019, soit avec un retard de deux jours, dont rien ne démontre qu'il soit dû à l'erreur concernant la présence d'amiante, et aucun préjudice résultant de ce retard n'étant caractérisé par l'intimé.



C'est encore vainement que M. [G] soutient qu'il aurait dû supporter une baisse du prix de 5 000 euros, alors qu'il résulte expressément de l'acte de vente que si, effectivement, une somme de 5 000 euros était prélevée sur le prix de vente, elle l'était au titre du coût forfaitaire des travaux nécessités par la mise en conformité de l'installation d'assainissement, de sorte que cette stipulation est totalement étrangère à la question de l'amiante.



Le préjudice subi par M. [R] consiste donc dans le coût de l'analyse complémentaire, dans celui du matériau de remplacement, mais aussi dans le temps et l'énergie consacrés par l'intéressé à la réalisation des travaux de retrait des dalles et de mise en place du nouveau revêtement, et dans les tracasseries générées par les différends survenus au sujet des travaux avec l'un des locataires de l'immeuble ainsi qu'avec l'autorité administrative.



Au regard de ces éléments, la cour dispose des éléments suffisants pour chiffrer le préjudice subi par M. [G] du fait de la faute de la société Vinci Expertise et Diagnostics Immobiliers à la somme de 1 900 euros, que cette dernière sera condamnée à lui payer à titre de domamges et intérêts. Le jugement déféré, qui a retenu sans motivation particulière un montant de préjudice sans commune mesure avec celui réellement souffert, sera infirmé en ce sens.



Sur le paiement de la facture de la société Vinci Expertise et Diagnostics Immobiliers



Il est constant que la facture établie par l'appelante à hauteur de 1 119,10 euros pour la réalisation de ses prestations n'a pas été acquittée par M. [G].



Etant observé que cette facture correspond, non pas seulement au diagnostic litigieux, mais à l'établissement d'un ensemble de diagnostics en vue de la vente, dont les autres composantes ne font l'objet d'aucune contestation, et étant rappelé que le préjudice né de la faute du diagnostiqueur a été indemnisé par ailleurs, rien ne justifie que M. [G] soit dispensé du paiement de la facture litigieuse. Il sera donc condamné à son réglement, avec intérêts au taux légal à compter du 18 octobre 2019, date de la première mise en demeure comportant interpellation suffisante. La décision entreprise sera infirmée sur ce point.



Sur les autres dispositions



Le jugement sera confirmé s'agissant des frais irrépétibles et des dépens.



Les dépens d'appel seront supportés par moitié par chacune des parties.



Les demandes formées à hauteur d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées.















Par ces motifs



Statuant contradictoirement, après débats en audience publique,





Confirme le jugement rendu le 13 avril 2021 par le tribunal judiciaire de Besançon en ce qu'il a dit que la SARL Vinci Expertise et Diagnostics Immobiliers est responsable du préjudice subi par M. [L] [G], ainsi qu'en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens ;



Infirme le jugement déféré pour le surplus ;



Statuant à nouveau et ajoutant :



Condamne la SARL Vinci Expertise et Diagnostics Immobiliers à payer à M. [L] [G] la somme de 1 900 euros à titre de dommages et intérêts ;



Condamne M. [L] [G] à payer à la SARL Vinci Expertise et Diagnostics Immobiliers la somme de 1 119,10 euros en règlement de sa facture, avec intérêts au taux légal à compter du 18 octobre 2019 ;



Dit que les dépens d'appel seront supportés par moitié par chacune des parties ;



Rejette les demandes formées à hauteur d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.





Ledit arrêt a été signé par Michel Wachter, président, magistrat ayant participé au délibéré et par Fabienne Arnoux, greffier.





Le greffier, Le président,

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