24 janvier 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-85.569

Chambre criminelle - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2023:CR00078

Titres et sommaires

JUSTICE MILITAIRE - Crimes et délits de droit commun commis dans l'exécution du service - Procédure - Mise en mouvement de l'action publique hors dénonciation et crime ou délit flagrant - Présence au dossier de l'avis du ministre chargé de la défense ou celui de l'autorité militaire habilitée - Exceptions - Urgence - Avis non formulé dans le délai d'un mois - Défaut - Sanction

Il résulte de l'article 698-1 du code de procédure pénale qu'en l'absence de dénonciation et hors hypothèse de crime ou de délit flagrant, aucun acte de poursuite ne peut être valablement ordonné par le procureur de la République avant que l'avis du ministre chargé de la défense ou celui de l'autorité militaire habilitée par lui ne figure au dossier de la procédure, sauf urgence ou si cet avis n'a pas été formulé dans le délai d'un mois à compter de la demande. La méconnaissance des dispositions précitées, édictées dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, est constitutive d'une nullité d'ordre public, à laquelle les dispositions de l'article 802 du code de procédure pénale sont étrangères. Le versement ultérieur en procédure de l'avis de l'autorité compétente du ministère chargé de la défense, dans le cas où celui-ci est exigé avant tout acte de poursuite, ne saurait faire obstacle à l'annulation de tels actes accomplis antérieurement


JUSTICE MILITAIRE - Crimes et délits de droit commun commis dans l'exécution du service - Procédure - Mise en mouvement de l'action publique hors dénonciation et crime ou délit flagrant - Urgence - Acte de poursuite ordonné en l'absence d'avis du ministre de la défense ou de l'autorité militaire habilitée versé en procédure - Possibilité - Condition - Avis du ministre de la défense ou de l'autorité militaire habilitée sollicité

Il se déduit de l'article 698-1 du code de procédure pénale, éclairé par les travaux parlementaires de la loi n° 82-621 du 21 juillet 1982, qu'en cas d'urgence, le procureur de la République, dès lors qu'il a demandé l'avis du ministre de la défense ou de l'autorité militaire habilitée par lui, peut, sans attendre le versement en procédure de celui-ci, ordonner tout acte de poursuite. Encourt la cassation l'arrêt qui, pour prononcer l'annulation du réquisitoire introductif et des actes subséquents, énonce que le procureur de la République a sollicité l'avis du ministre des armées et, malgré l'absence de flagrance, a requis l'ouverture d'une information judiciaire sans attendre le retour de cet avis ou l'expiration du délai d'un mois à compter de la demande d'avis, alors qu'il résulte des pièces de la procédure, dont la Cour de cassation a le contrôle, que l'urgence résultait tant des termes du réquisitoire introductif que de l'avis favorable du ministre des armées, peu important qu'elle n'ait pas été visée dans la demande d'avis du procureur de la République

Texte de la décision

N° U 21-85.569 F-B

N° 00078


ODVS
24 JANVIER 2023


CASSATION


M. BONNAL président,





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 24 JANVIER 2023


Le procureur général près la cour d'appel de Rennes, M. [U] [R] et Mme [S] [X], parties civiles, ont formé des pourvois contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de ladite cour d'appel, en date du 10 septembre 2021, qui, dans l'information suivie contre MM. [C] [Y], [L] [H], [T] [I], [J] [W], [N] [F], [A] [K], et la société [2] des chefs d'homicide involontaire et blessures involontaires, a prononcé sur des demandes d'annulation de pièces de la procédure.

Les pourvois sont joints en raison de la connexité.

Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires, ont été produits.

Sur le rapport de M. Michon, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [U] [R] et de Mme [S] [X], de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de la société [2], de la SCP Spinosi, avocat de MM. [C] [Y] et [L] [H], et de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de M. [N] [F], et les conclusions de M. Aldebert, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 décembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Michon, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre,


la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. Le 23 mai 2017, [E] [B], militaire de la marine nationale, est décédé lors d'une mission de plongée au large de [Localité 1].

3. Sur instruction du procureur de la République du Havre, une enquête a été ouverte pour recherche des causes de la mort.

4. Elle a mis en lumière que les autorités de la marine nationale avaient connaissance d'une augmentation des œdèmes pulmonaires d'immersion depuis le recours au système respiratoire dit « Le crabe », fabriqué par la société [2], et utilisé par [E] [B] le jour de son décès.

5. Le 7 juin 2017, le procureur de la République a ordonné une enquête préliminaire pour homicide involontaire.

6. Le 12 juin 2017, le procureur de la République de Rennes, saisi suite au dessaisissement du procureur de la République du Havre en raison de la nature militaire des faits a, d'une part, adressé une demande d'avis au ministre chargé de la défense au visa de l'article 698-1, alinéa 3, du code de procédure pénale et, d'autre part, délivré un réquisitoire introductif contre personne non dénommée du chef d'homicide involontaire en visant l'urgence à faire procéder à des analyses techniques dans le cadre d'une information judiciaire.

7. Le 14 juin 2017, au visa de l'urgence, le ministre chargé de la défense a émis un avis favorable à l'ouverture d'une information judiciaire, soulignant notamment le « caractère impératif » de l'identification des causes de la mort de [E] [B] et la nécessité de lever les incertitudes sur d'éventuels dysfonctionnements du matériel de plongée. Cet avis a été versé en procédure le 19 juin 2017.

8. Par la suite, le procureur de la République a adressé, les 8 avril et 26 juin 2019, au ministre chargé de la défense des demandes d'avis relatifs aux accidents de plongée dont avaient été victimes M. [L] [R] le 8 février 2018 et M. [Z] [M] le 13 mars 2019, susceptibles de mettre en cause le dispositif de plongée précité.


9. Le ministre a émis deux avis favorables les 26 juin et 11 septembre 2019.

10. Par réquisitoires supplétifs en date des 3 et 26 septembre 2019 du chef de blessures involontaires par manquement manifestement délibéré à une obligation de sécurité ou de prudence, ayant occasionné une incapacité totale de travail supérieure à trois mois, la saisine du juge d'instruction a été étendue à ces deux accidents.

11. Entre mars 2020 et mars 2021, ont été mis en examen MM. [C] [Y], [L] [H], [T] [I], [J] [W], [N] [F], [A] [K], ainsi que la société [2].

12. Plusieurs personnes mises en examen ont déposé, dans le délai prévu à l'article 173-1 du code de procédure pénale, des requêtes en nullité du réquisitoire introductif et de la procédure subséquente, prises notamment du défaut d'obtention de l'avis du ministre chargé de la défense préalablement à l'engagement de l'action publique.

Examen des moyens

Enoncé des moyens

Sur le moyen unique proposé par le procureur général et sur le moyen unique proposé pour M. [R] et Mme [X]

13. Le moyen est pris de la violation des articles 698-1, 802, 591 et 593 du code de procédure pénale.

14. Le moyen proposé par le procureur général critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a annulé le réquisitoire introductif et les actes de l'information subséquents, notamment les cotes D 60 à D 583, alors :

1°/ que le préalable posé par l'article 698-1 du code de procédure pénale est de solliciter un avis du ministère de la défense et non d'en attendre le retour comme ajoute, à tort, au texte, la décision attaquée ; que la nullité de la procédure, hors flagrance, n'est pas rattachée au caractère préalable de la demande d'avis mais à l'absence d'avis figurant en procédure, absence qui peut en tout état de cause être régularisée et l'a été en l'espèce ; que c'est donc à tort que la chambre de l'instruction a ajouté au texte de l'article 698-1 du code de procédure pénale une obligation pour le ministère public d'obtenir, et non de demander, préalablement à toute poursuite, l'avis du ministre de la défense ;


2°/ que l'article 698-1 du code de procédure pénale n'est ni formellement ni automatiquement exclu du champ d'application de l'article 802 du même code ; que le Conseil Constitutionnel dans sa décision n° 2015-461 QPC du 24 avril 2015 indique que les poursuites peuvent être reprises, après régularisation, par le ministère public, de la demande d'avis initialement omise ; que c'est donc à tort que la chambre de l'instruction a qualifié de nullité d'ordre public le non-respect de la demande d'avis préalable au ministre chargé de la défense ou de l'autorité militaire habilitée par lui, en ajoutant au texte de l'article 698-1 précité.

15. Le moyen proposé pour M. [R] et Mme [X] reproche à l'arrêt attaqué d'avoir prononcé l'annulation du réquisitoire introductif (D 60) et des actes subséquents à savoir : les cotes D 61 à D 583 et l'ensemble des actes et pièces cotées en cotes A, B, C, F, P et S, après qu'il aura été établi une copie certifiée conforme à l'original et classée au greffe de la cour d'appel de Rennes ; dit qu'il sera interdit d'y puiser aucun renseignement contre les parties aux débats et dit qu'il sera fait ensuite retour du dossier au juge d'instruction de Rennes, alors :

« 1°/ que l'article 698-1 du code de procédure pénale, qui subordonne les poursuites exercées pour les infractions visées à l'article 697-1 dudit code soit à la dénonciation, soit à l'avis préalable des autorités militaires, ne régit que la mise en mouvement de l'action publique à l'encontre des militaires par le procureur de la République ; qu'une telle exigence n'est dès lors requise que lorsque l'acte déclenchant les poursuites identifie, comme auteurs ou complices possibles de l'infraction eu cause, des militaires ; qu'elle ne s'impose pas lorsque les poursuites visent des personnes non dénommées ; qu'en l'espèce, en prononçant l'annulation du réquisitoire introductif, après avoir pourtant constaté que celui-ci avait été pris contre personne non-dénommée (voir arrêt, p. 6), la chambre de l'instruction a violé l'article 698-1 du code de procédure pénale ;

2°/ qu'en application de l'article 698-1 du code de procédure pénale n'est requis préalablement au déclenchement de l'action publique, que la demande d'avis émise par le procureur de la République au ministre des armées et non la réception d'un tel avis ; qu'en l'espèce, la chambre de l'instruction a constaté que le procureur de la République de Rennes « [avait] pris le soin de solliciter l'avis du ministre des armées le 12 juin 2017 » (arrêt, p. 48), soit concomitamment à son réquisitoire introductif du même jour ; qu'en jugeant pourtant qu'il convenait d'annuler ce réquisitoire en relevant que « l'avis émis le 14 juin 2017 par le ministère des armées a été reçu au parquet de Rennes qui l'a immédiatement adressé par soit-transmis au magistrat instructeur ; qu'il a été côté au dossier de l'instruction postérieurement à l'audition de M. et Mme [B] du 1er août 2017 » (arrêt, p. 48), la chambre de l'instruction a violé l'article 698-1 du code de procédure pénale ;

3°/ que la méconnaissance des formalités requises par l'article 698-1 du code de procédure civile n'est sanctionnée par la nullité que lorsque l'avis sollicité par le procureur de la République auprès du ministre des armées ne figure pas au dossier de la procédure ; qu'en prononçant toutefois la nullité du réquisitoire introductif après avoir pourtant constaté que « l'avis a été émis le 14 juin 2017 par le ministre des armées (…). Il a été côté au dossier de l'instruction postérieurement à l'audition de M. et Mme [B] du 1er août 2017 » (arrêt, p. 48), la chambre de l'instruction a violé l'article 698-1 du code de procédure pénale ;

6°/ que la méconnaissance des dispositions de l'article 698-1 du code de procédure pénale n'est pas sanctionnée par la nullité de l'acte déclenchant les poursuites en cas d'urgence ; qu'en l'espèce, le procureur de la République avait délivré un réquisitoire contre personne non dénommée pour des faits d'homicide involontaire le 12 juin 2017, sans attendre l'avis du ministre de la justice sollicité le même jour, invoquant « l'urgence à faire procéder à des analyses techniques dans le cadre d'une information judiciaire » (réquisitoire introductif ) ; que l'absence de l'avis du ministre de la justice préalablement au déclenchement des poursuites, quoique méconnaissant l'article 698-1 du code de procédure pénale, n'en était ainsi pas sanctionnée par la nullité de ce réquisitoire ; qu'en jugeant du contraire, la chambre de l'instruction a statué par des motifs contradictoires et a violé les articles 593 et 698-1 du code de procédure pénale ;

7°/ que la méconnaissance des dispositions de l'article 698-1 du code de procédure pénale n'est pas sanctionnée par la nullité de l'acte déclenchant les poursuites en cas d'urgence ; qu'en prononçant la nullité du réquisitoire introductif faute pour le procureur de la République de l'avoir délivré après réception de l'avis du ministre des armées, sans se prononcer, ainsi qu'elle y était invitée (réquisitions du procureur général, p. 77), sur la circonstance tirée de l'urgence à faire réaliser diverses analyses techniques et expertises invoquée par celui-ci, la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 593 et 698-1 du code de procédure pénale ;

8°/ que la formalité prévue par l'article 698-1 du code de procédure pénale, qui ne tend, par l'exigence d'un avis purement consultatif préalable aux poursuites, qu'à une information plus complète de l'autorité de poursuite, n'est pas d'ordre public et est subordonnée à la preuve d'un grief ; qu'en jugeant pourtant que « ces dispositions étant édictées dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, leur méconnaissance est constitutive d'une nullité d'ordre public, à laquelle les dispositions de l'article 802 du code de procédure pénale sont étrangères » (arrêt, p. 48), prononçant l'annulation du réquisitoire introductif sans exiger la preuve d'un grief causé par l'irrégularité qu'elle constatait, la chambre de l'instruction a violé les articles 698-1 et 802 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

16. Les moyens sont réunis.

Sur le moyen proposé par le procureur général, pris en sa première branche, et sur le moyen proposé pour M. [R] et Mme [X], pris en sa deuxième branche

17. Il résulte de l'article 698-1 du code de procédure pénale qu'à défaut de dénonciation du ministre chargé de la défense ou de l'autorité militaire habilitée par lui, le procureur de la République doit demander préalablement à tout acte de poursuite, y compris en cas de réquisitoire contre personne non dénommée, de réquisitoire supplétif ou de réquisitions faisant suite à une plainte avec constitution de partie civile, sauf en cas de crime ou de délit flagrant, l'avis du ministre chargé de la défense ou de l'autorité militaire habilitée par lui. La dénonciation ou l'avis figure au dossier de la procédure, à peine de nullité, sauf si cet avis n'a pas été formulé dans le délai précité ou en cas d'urgence.

18. Il s'ensuit qu'en l'absence de dénonciation et hors hypothèse de crime ou de délit flagrant, aucun acte de poursuite ne peut être valablement ordonné par le procureur de la République avant que l'avis du ministre chargé de la défense ou celui de l'autorité militaire habilitée par lui ne figure au dossier de la procédure, sauf urgence ou si cet avis n'a pas été formulé dans le délai d'un mois à compter de la demande.

19. Dès lors, les griefs, qui reprochent à la chambre de l'instruction d'avoir prononcé la nullité du réquisitoire introductif, alors qu'elle aurait dû déduire de la seule existence de la demande d'avis du procureur de la République le 14 juin 2017 la régularité dudit réquisitoire du même jour, doivent être écartés.

Sur le moyen proposé par le procureur général, pris en sa seconde branche, et sur le moyen proposé pour M. [R] et Mme [X], pris en ses troisième et huitième branches

20. En imposant au ministère public de solliciter avant tout acte de poursuite, en cas de crime ou de délit visé par les articles 697-1 ou 697-4 du code de procédure pénale, l'avis du ministre chargé de la défense ou de l'autorité militaire habilitée par lui, le législateur a entendu garantir que puissent, le cas échéant, être portées à la connaissance de l'institution judiciaire les spécificités du contexte militaire des faits à l'origine de la poursuite ou des informations particulières relatives à l'auteur présumé eu égard à son état militaire ou à sa mission (Cons. const., 24 avril 2015, décision n° 2015-461 QPC).

21. Il s'ensuit que, d'une part, la méconnaissance des dispositions précitées de l'article 698-1 du code de procédure pénale, édictées dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, est constitutive d'une nullité d'ordre public, à laquelle les dispositions de l'article 802 du code de procédure pénale sont étrangères, d'autre part, le versement ultérieur en procédure de l'avis de l'autorité compétente du ministère chargé de la défense, dans le cas où celui-ci est exigé avant tout acte de poursuite, ne saurait faire obstacle à l'annulation de tels actes accomplis antérieurement.

22. Dès lors, les griefs qui reprochent à l'arrêt attaqué d'avoir énoncé que la nullité prévue à l'article 698-1 du code de procédure pénale est une nullité d'ordre public ne sont pas fondés.

Sur le moyen proposé pour M. [R] et Mme [X], pris en sa première branche

23. Il résulte des termes mêmes de l'alinéa 1er de l'article 698-1 du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-1862 du 13 décembre 2011 applicable au litige, que même en cas de réquisitoire contre personne non dénommée, le procureur de la République doit demander préalablement à tout acte de poursuite, sauf crime ou délit flagrant, l'avis du ministre chargé de la défense ou de l'autorité militaire habilitée par lui.

24. Ainsi, le grief doit être écarté.

Mais sur le moyen proposé pour M. [R] et Mme [X], pris en ses sixième et septième branches

Vu l'article 698-1, alinéa 3, du code de procédure pénale :

25. Il se déduit de ce texte, éclairé par les travaux parlementaires de la loi n° 82-621 du 22 juillet 1982, qu'en cas d'urgence, le procureur de la République, dès lors qu'il a demandé l'avis du ministre de la défense ou de l'autorité militaire habilitée par lui, peut, sans attendre le versement en procédure de celui-ci, ordonner tout acte de poursuite.

26. Pour prononcer la nullité du réquisitoire introductif et des actes subséquents, l'arrêt attaqué constate que les premiers éléments de l'enquête permettaient au procureur de la République de Rennes de considérer que l'infraction d'homicide involontaire, dont avait été victime [E] [B], avait été commise par des militaires dans l'exercice de leurs fonctions.

27. Les juges énoncent que, bien que l'avis donné par le ministère de la défense ne soit que consultatif, il constitue un préalable à toute poursuite en l'absence de dénonciation par les autorités militaires, le législateur n'ayant donné au ministère public le pouvoir de passer outre qu'en cas de flagrance ou dans l'hypothèse d'une absence de réponse du ministère chargé de la défense à l'expiration du délai d'un mois à compter de la demande d'avis.

28. Ils relèvent enfin que si le procureur de la République a sollicité l'avis du ministre des armées le 12 juin 2017 en se référant à l'article 698-1 du code de procédure pénale, pour autant, et malgré l'absence de flagrance, il a requis l'ouverture d'une information judiciaire sans attendre le retour de cet avis ou l'expiration du délai d'un mois.

29. En statuant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu le texte susvisé et le principe susénoncé.

30. En effet, il résulte des pièces de la procédure, dont la Cour de cassation a le contrôle, que l'urgence résultait tant des termes du réquisitoire introductif que de l'avis favorable du ministre des armées, peu important qu'elle n'ait pas été visée dans la demande d'avis du procureur de la République.

31. Il s'ensuit que la cassation est encourue de ce chef.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

Sur le pourvoi du procureur général:

Le REJETTE ;

Sur le pourvoi de M. [R] et Mme [X] :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes, en date du 10 septembre 2021, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;

RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Rennes et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre janvier deux mille vingt-trois.

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