11 janvier 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-21.590

Première chambre civile - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2023:C100016

Titres et sommaires

PRET - Prêt d'argent - Terme - Retard de paiement - Clause d'exigibilité immédiate - Mise en demeure préalable de l'emprunteur - Dispense (non)

Une clause d'un contrat de prêt immobilier, stipulant que les sommes dues seront de plein droit et immédiatement exigibles en cas de retard de paiement d'un terme du prêt de plus de trente jours et que le prêteur en avertira l'emprunteur par simple courrier, ne dispense pas de manière expresse et non équivoque le prêteur d'adresser à l'emprunteur une mise en demeure. La demande subsidiaire du prêteur tendant à obtenir le paiement des échéances échues du prêt demeurées impayées en cas de rejet, compte tenu du défaut d'exigibilité de la créance faute d'une mise en demeure préalable, de la demande principale en paiement du capital restant dû, n'en constitue ni l'accessoire ni la conséquence ni le complément nécessaire au sens de l'article 566 du code de procédure civile, de sorte que, formée pour la première fois en appel, elle est irrecevable

APPEL CIVIL - Demande nouvelle - Définition - Accessoire, conséquence ou complément nécessaire d'une demande soumise au premier juge (non) - Applications diverses

Texte de la décision

CIV. 1

CF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 11 janvier 2023




Rejet


M. CHAUVIN, président



Arrêt n° 16 FS-B

Pourvoi n° B 21-21.590








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 11 JANVIER 2023

La société CIC Est, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° B 21-21.590 contre l'arrêt rendu le 24 juin 2021 par la cour d'appel de Metz (1re chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme [D] [R], domiciliée [Adresse 5],

2°/ à M. [I] [E], domicilié chez M. [H] [K], avocat, [Adresse 3],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire, les observations de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société CIC Est, et l'avis de Mme Cazaux-Charles, avocat général, après débats en l'audience publique du 22 novembre 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, MM. Hascher, Bruyère, Ancel, conseillers, Mmes Kloda, Dumas, Champ, conseillers référendaires, Mme Cazaux-Charles, avocat général, et Mme Vignes, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Metz, 24 juin 2021), suivant acte notarié du 18 août 2009, la société Banque CIC Est (la banque) a consenti à la SCI LMD (l'emprunteur) un prêt destiné au financement de l'acquisition d'un immeuble à usage locatif pour lequel M. [E] et Mme [R] (les cautions), associés de la SCI, se sont portés cautions solidaires.

2. Des échéances étant demeurées impayées, la banque a prononcé la déchéance du terme du prêt le 11 septembre 2011 et assigné les cautions en paiement les 26 et 30 janvier 2018.

Examen des moyens

Sur le premier moyen et sur le troisième moyen, pris en sa seconde branche, ci-après annexés


3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.


Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

4. La banque fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes formées à l'encontre de Mme [R], alors « qu'en présence d'une disposition expresse et non équivoque du contrat de prêt d'une somme d'argent excluant la nécessité de la délivrance d'une mise en demeure, en cas de défaillance de l'emprunteur, préalablement à la déchéance du terme, celle-ci intervient du seul fait d'une telle défaillance ; qu'en l'espèce, ainsi que l'a relevé la cour d'appel, l'article 16 du prêt immobilier du 18 août 2009 indiquait sous l'intitulé "exigibilité immédiate" que "les sommes dues seront de plein droit et immédiatement exigibles dans l'un quelconque des cas suivants. Pour s'en prévaloir, le prêteur en avertira l'emprunteur par simple courrier : si l'emprunteur est en retard de plus de trente jours avec le paiement d'un terme en principal, intérêts ou accessoires du présent prêt" ; qu'en retenant qu'une telle stipulation ne dispensait pas le CIC Est de l'obligation de délivrer à la SCI LMD une mise en demeure préalable au prononcé de la déchéance du terme, la cour d'appel a violé les articles 1134, 1147 et 1184 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

5. Ayant constaté que le contrat de prêt stipulait une clause d'exigibilité anticipée des sommes dues, ainsi rédigée : « Les sommes dues seront de plein droit et immédiatement exigibles dans l'un quelconque des cas suivants. Pour s'en prévaloir, le prêteur en avertira l'emprunteur par simple courrier [...] - Si l'emprunteur est en retard de plus de trente jours avec le paiement d'un terme en principal, intérêts et accessoire du présent prêt [...] », la cour d'appel en a exactement déduit qu'une telle clause ne comportait aucune dispense expresse et non équivoque d'envoi d'une mise en demeure à l'emprunteur, de sorte que la créance de celle-ci au titre du capital du prêt n'était pas exigible.

6. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le troisième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

7. La banque fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable comme nouvelle la demande formulée à titre subsidiaire, pour la première fois en appel, tendant à la condamnation de Mme [R] au paiement des échéances impayées du prêt immobilier consenti le 18 août 2009, alors « que sont recevables les demandes présentées pour la première fois en cause d'appel qui sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire des prétentions soumises au premier juge ; que la demande tendant au paiement des mensualités échues d'un prêt, en ce qu'elle est virtuellement comprise dans la demande tendant au paiement du capital de ce prêt, en constitue le complément nécessaire ; qu'en l'espèce, en énonçant, pour déclarer irrecevable la demande du CIC Est formée à titre subsidiaire, pour la première fois en cause d'appel, tendant au paiement des échéances impayées du prêt immobilier, qu'elle n'était ni l'accessoire, ni la conséquence, ni le complément de sa demande de remboursement du capital restant dû au titre de ce prêt par suite de sa résiliation, formulée en première instance, la cour d'appel a violé l'article 566 du code de procédure civile. »



Réponse de la Cour

8. Il résulte de l'article 566 du code de procédure civile qu'une prétention n'est pas nouvelle lorsqu'elle est l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire de celle formée en première instance.

9. La cour d'appel a constaté qu'en cas de rejet, en raison du défaut d'exigibilité de la créance faute d'une mise en demeure préalable, de la demande en paiement du capital restant dû, formée à titre principal par la banque, celle-ci demandait la condamnation de Mme [R] à lui payer les échéances échues du prêt demeurées impayées.

10. Elle a retenu, à bon droit, qu'une telle demande subsidiaire ne constituait ni l'accessoire ni la conséquence ni le complément nécessaire de la demande principale et en a exactement déduit que, formée pour la première fois en appel, elle était irrecevable.

11. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Banque CIC Est aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze janvier deux mille vingt-trois.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SARL Le Prado - Gilbert, avocat aux Conseils, pour la société CIC Est

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Le CIC Est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit qu'il ne peut se prévaloir à l'encontre de M. [E] de son engagement de caution et de l'AVOIR en conséquence débouté de ses prétentions ;

1) ALORS QUE le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'en l'espèce, la copie du livre foncier versée aux débats par le CIC Est indiquait, au titre de la migration des deux lots de l'immeuble sis [Adresse 1] entre les mains de M. [E], les dates des 16 mai 2006 et 18 et 30 janvier 2007 ; qu'en énonçant néanmoins que la preuve était rapportée par la copie du livre foncier que les deux lots de cet immeuble avaient été acquis postérieurement à l'établissement par M. [E] de la fiche de renseignements du 30 juin 2009 et du cautionnement souscrit par lui le 15 juillet 2009, la cour d'appel a dénaturé cet écrit en violation du principe selon lequel le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;

2) ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE la disproportion manifeste de l'engagement de caution consenti à un créancier professionnel par une personne physique, s'apprécie par rapport aux biens et revenus dont disposait cette dernière à la date de sa signature ; qu'en l'espèce, en retenant que le patrimoine de M. [I] [E] ne comprenait pas, à la date à laquelle il avait consenti son cautionnement, le 15 juillet 2009, les deux lots de l'immeuble sis [Adresse 1], dès lors que la copie du livre foncier établissait qu'ils avaient été acquis par lui postérieurement, sans indiquer les mentions de cet acte lui permettant de se prononcer en ce sens, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 341-4, devenu L. 332-1, du code de la consommation ;

3) ALORS QUE la disproportion manifeste de l'engagement de caution consenti à un créancier professionnel par une personne physique, s'apprécie par rapport aux biens et revenus dont disposait cette dernière à la date de sa signature ; que les sûretés grevant les biens de la caution ne peuvent être prises en compte à ce titre, alors que seul doit l'être le montant des crédits dont le paiement est garanti par ces sûretés en le déduisant de la valeur des biens en cause ; qu'en l'espèce, en appréciant la disproportion manifeste de l'engagement de caution consenti par M. [E] le 15 juillet 2009, au regard de l'inscription hypothécaire qui affectait sa maison d'habitation sise [Adresse 4], la cour d'appel a violé l'article L. 341-4, devenu L. 332-1, du code de la consommation.



DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Le CIC Est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué de l'AVOIR déclaré mal fondé en sa demande de paiement dirigée contre Mme [R] et de l'AVOIR débouté de l'ensemble de ses prétentions ;

ALORS QU' en présence d'une disposition expresse et non équivoque du contrat de prêt d'une somme d'argent excluant la nécessité de la délivrance d'une mise en demeure, en cas de défaillance de l'emprunteur, préalablement à la déchéance du terme, celle-ci intervient du seul fait d'une telle défaillance ; qu'en l'espèce, ainsi que l'a relevé la cour d'appel, l'article 16 du prêt immobilier du 18 août 2009 indiquait sous l'intitulé « exigibilité immédiate » que « les sommes dues seront de plein droit et immédiatement exigibles dans l'un quelconque des cas suivants. Pour s'en prévaloir, le prêteur en avertira l'emprunteur par simple courrier : si l'emprunteur est en retard de plus de trente jours avec le paiement d'un terme en principal, intérêts ou accessoires du présent prêt » ; qu'en retenant qu'une telle stipulation ne dispensait pas le CIC Est de l'obligation de délivrer à la SCI LMD une mise en demeure préalable au prononcé de la déchéance du terme, la cour d'appel a violé les articles 1134, 1147 et 1184 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Le CIC Est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR déclaré irrecevable comme nouvelle la demande formulée à titre subsidiaire, pour la première fois en cause d'appel, tendant à la condamnation de Mme [R] au paiement des échéances impayées du prêt immobilier consenti par lui le 18 août 2009 ;

1) ALORS QUE sont recevables les demandes présentées pour la première fois en cause d'appel qui sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire des prétentions soumises au premier juge ; que la demande tendant au paiement des mensualités échues d'un prêt, en ce qu'elle est virtuellement comprise dans la demande tendant au paiement du capital de ce prêt, en constitue le complément nécessaire ; qu'en l'espèce, en énonçant, pour déclarer irrecevable la demande du CIC Est formée à titre subsidiaire, pour la première fois en cause d'appel, tendant au paiement des échéances impayées du prêt immobilier, qu'elle n'était ni l'accessoire, ni la conséquence, ni le complément de sa demande de remboursement du capital restant dû au titre de ce prêt par suite de sa résiliation, formulée en première instance, la cour d'appel a violé l'article 566 du code de procédure civile ;



2) ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE sont recevables les demandes reconventionnelles présentées pour la première fois en cause d'appel ; qu'en l'espèce, Mme [R] sollicitait, pour la première fois devant la cour d'appel, l'absence d'exigibilité de la créance invoquée par le CIC Est au titre du capital du prêt immobilier restant dû, en raison d'un défaut de mise en demeure préalable ; qu'en déclarant irrecevable la demande du CIC Est formée à titre subsidiaire, pour la première fois en cause d'appel, tendant au paiement des échéances impayées du prêt immobilier, en ce qu'elle n'était ni l'accessoire, ni la conséquence, ni le complément de sa demande de remboursement du capital restant dû, sans rechercher s'il ne s'agissait pas d'une demande reconventionnelle à celle ainsi nouvellement formée par Mme [D] [R], qu'elle avait déclarée recevable, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 567 du code de procédure civile.

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