5 janvier 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-13.151

Première chambre civile - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2023:C100002

Titres et sommaires

SUCCESSION - Rapport - Libéralités rapportables - Donation portant sur un bien commun - Action en réduction - Prescription - Délai

Il résulte de la combinaison des articles 920, 1438 et 1439 du code civil que, sauf clause contraire, la donation de biens communs est réputée consentie à concurrence de moitié par chacun des époux, de sorte que sa réduction ne peut être demandée par leurs enfants communs qu'à due proportion, à l'ouverture de chacune des successions des codonateurs. Dès lors, l'action en simulation exercée par l'un des enfants communs en vue d'obtenir la réduction de la donation déguisée qu'elle vise à révéler peut, en application de l'article 921, alinéa 2, du même code, être exercée, à concurrence de la moitié de la donation, dans un délai de cinq ans à compter du décès du survivant des époux codonateurs

DONATION - Rapport à la succession - Donation - Objet - Bien commun - Action en réduction - Prescription - Délai

PRESCRIPTION CIVILE - Prescription quinquennale - Réserve - Réduction - Action en réduction - Point de départ

RESERVE - Réduction - Action en réduction - Prescription - Délai

Texte de la décision

CIV. 1

MY1



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 5 janvier 2023




Cassation partielle


M. CHAUVIN, président



Arrêt n° 2 FS-B

Pourvoi n° D 21-13.151




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 5 JANVIER 2023

Mme [I] [Z], domiciliée [Adresse 3], a formé le pourvoi n° D 21-13.151 contre l'arrêt rendu le 19 janvier 2021 par la cour d'appel de Grenoble (chambre des affaires familiales), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [L] [Z], domicilié [Adresse 2],

2°/ à M. [G] [Z], domicilié [Adresse 1],

défendeurs à la cassation.

MM. [L] et [G] [Z] ont formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Les demandeurs au pourvoi incident invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Dard, conseiller, les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de Mme [Z], de la SCP Alain Bénabent , avocat de MM. [L] et [G] [Z], et l'avis de M. Sassoust, avocat général, après débats en l'audience publique du 15 novembre 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Dard, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, Mmes Antoine, Poinseaux, M. Fulchiron, Mmes Beauvois, Agostini, conseillers, M. Duval, Mme Azar, M. Buat-Ménard, conseillers référendaires, M. Sassoust, avocat général, et Mme Layemar, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 19 janvier 2021), [E] [X] et [C] [Z], époux communs en biens, sont décédés respectivement les 6 octobre 2001 et 23 décembre 2013, en laissant pour leur succéder leurs enfants, [L], [G] et [I].

2. Des difficultés sont survenues lors du règlement des successions.

Examen des moyens

Sur le moyen du pourvoi incident

Enoncé du moyen

3. MM. [L] et [G] [Z] font grief à l'arrêt de fixer à 273 094,10 euros le montant total des liquidités ou sommes d'argent perçues du vivant des défunts que Mme [I] [Z] doit rapporter aux successions confondues de ses parents, alors « que le rapport d'une somme d'argent qui a servi à acquérir un bien est dû de la valeur de ce bien, dans les conditions prévues à l'article 860 du code civil ; qu'en condamnant Mme [I] [Z] à rapporter aux successions confondues de ses parents la somme de 273 094,10 euros, celle-ci comprenant notamment la somme de 105 000 euros reçue en 2005/2006 pour « l'achat de son appartement [Adresse 3] », sans ordonner que le rapport soit calculé en fonction de la valeur du bien ainsi acquis, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 860-1 du code civil. »

Réponse de la Cour

4. Sous le couvert d'un grief non fondé de violation de la loi, le moyen dénonce, en réalité, une omission de statuer qui, pouvant être réparée par la procédure prévue à l'article 463 du code de procédure civile, ne donne pas ouverture à cassation.

5. Il est dès lors irrecevable.

Mais sur le moyen du pourvoi principal

Enoncé du moyen

6. Mme [I] [Z] fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables son action en déclaration de simulation ainsi que l'intégralité de ses demandes subséquentes et de rejeter sa demande d'expertise aux fins de chiffrer ces gratifications ou avantages, alors « que la donation d'un bien commun, si elle porte atteinte à la réserve, est réductible à la quotité disponible, pour la moitié de sa valeur, lors de l'ouverture de la succession de chacun des époux codonateurs ; que l'action par laquelle un héritier réservataire fait valoir la simulation en vue de la réduction d'une telle donation se prescrit par trente ans ou cinq ans (en fonction de la date du décès) à compter de l'ouverture de chacune des deux successions ; que Mme [I] [Z] faisait valoir que le délai de prescription de son action en déclaration de simulation en vue de la réduction des donations déguisées consenties par ses parents à ses frères avait respectivement commencé à courir, s'agissant de sa mère, à la date du décès de celle-ci en 2001 et, en ce qui concernait son père, à la date du décès de celui-ci en 2013 ; qu'en considérant, pour déclarer irrecevable l'action de Mme [Z], que le délai de prescription avait commencé à courir à la date du décès de sa mère, premier donateur, le 6 octobre 2001, la cour d'appel a violé les articles 920, 921 et 1202 du code civil et l'article 2262 ancien du même code. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 920, 921, alinéa 2, 1438 et 1439 du code civil :

7. Selon le premier de ces textes, les libéralités, directes ou indirectes, qui portent atteinte à la réserve d'un ou plusieurs héritiers, sont réductibles à la quotité disponible lors de l'ouverture de la succession.

8. Il résulte des deux derniers que, sauf clause contraire, la donation de biens communs est réputée consentie à concurrence de moitié par chacun des époux, de sorte que sa réduction ne peut être demandée par leurs enfants communs qu'à due proportion, à l'ouverture de chacune des successions des co-donateurs.

9. Pour déclarer irrecevable l'action « en déclaration de simulation » intentée par Mme [I] [Z], l'arrêt retient que, les donations qu'elle a pour but de révéler portant sur des biens communs, sa prescription court du jour du décès du premier donateur, soit le 6 octobre 2001, date du décès de [E] [X], et après avoir relevé que le délai de trente ans applicable antérieurement était toujours en cours à la date d'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, soit le 19 juin de la même année, il en déduit, sur le fondement des dispositions transitoires de cette loi, que cette action, engagée par assignations des 25 avril et 2 mai 2016, soit plus de cinq ans après le 19 juin 2008, est prescrite.

10. En statuant ainsi, alors que, à concurrence de la moitié de la donation, Mme [Z] disposait d'un délai de cinq ans à compter du décès de son père, soit le 23 décembre 2013, pour engager une action en réduction relative à la succession de celui-ci, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi incident ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevables l'action en déclaration de simulation engagée par Mme [I] [Z] ainsi que l'intégralité de ses demandes subséquentes tendant notamment à la réunion à la masse successorale des gratifications ou avantages prétendument obtenus de leurs parents par M. [G] [Z] et M. [L] [Z], à l'occasion de la constitution de la SCI Berlioz et des opérations de toute nature (achats de parts sociales, augmentations de capital, fourniture de travail, de marchandises, de garanties hypothécaires, fonctionnement de comptes courants…) concernant la SARL Salsis et les sociétés venant aux droits de celle-ci, et rejette sa demande d'expertise aux fins de chiffrer les avantages et gratifications concernant les parts sociales de la société Salsis emballages et de la SCI Berlioz données à MM. [G] et [L] [Z], dans leur état au jour de la donation et leur valeur au jour du partage, l'arrêt rendu le 19 janvier 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;

Condamne MM. [G] et [L] [Z] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par MM. [G] et [L] [Z] et les condamne à payer à Mme [I] [Z] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq janvier deux mille vingt-trois.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyen produit par la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat aux Conseils, pour Mme [I] [Z], demanderesse au pourvoi principal.

IL EST REPROCHÉ à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable l'action en déclaration de simulation engagée par Mme [I] [Z], ainsi que l'intégralité de ses demandes subséquentes tendant notamment à la réunion à la masse successorale des gratifications ou avantages obtenus de leurs parents par M. [G] [Z] et M. [L] [Z], à l'occasion de la constitution de la société civile immobilière Berlioz et les opérations de toute nature (achats de parts sociales, augmentations de capital, fourniture de travail, de marchandises, de garantie hypothécaires, fonctionnement de comptes courants…) concernant la SARL Salsis et les sociétés venant aux droits de ladite société et d'avoir rejeté sa demande d'expertise aux fins de chiffer ces gratifications ou avantages ;

ALORS QUE la donation d'un bien commun, si elle porte atteinte à la réserve, est réductible à la quotité disponible, pour la moitié de sa valeur, lors de l'ouverture de la succession de chacun des époux codonateurs ; que l'action par laquelle un héritier réservataire fait valoir la simulation en vue de la réduction d'une telle donation se prescrit par trente ans ou cinq ans (en fonction de la date du décès) à compter de l'ouverture de chacune des deux successions ; que Mme [I] [Z] faisait valoir que le délai de prescription de son action en déclaration de simulation en vue de la réduction des donations déguisées consenties par ses parents à ses frères avait respectivement commencé à courir, s'agissant de sa mère, à la date du décès de celle-ci en 2001 et, en ce qui concernait son père, à la date du décès de celui-ci en 2013 (conclusions, p. 8) ; qu'en considérant, pour déclarer irrecevable l'action de Mme [Z], que le délai de prescription avait commencé à courir à la date du décès de sa mère, premier donateur, le 6 octobre 2001, la cour d'appel a violé les articles 920, 921 et 1202 du code civil et l'article 2262 ancien du même code. Moyen produit par la SCP Alain Bénabent, avocat aux Conseils, pour MM. [G] et [L] [Z], demandeurs au pourvoi incident.

MM. [Z] font grief à l'arrêt attaqué d'avoir fixé à 273 094,10 euros le montant total des liquidités ou sommes d'argent perçues du vivant des défunts que Mme [I] [Z] doit rapporter aux successions confondues de ses parents ;

ALORS QUE le rapport d'une somme d'argent qui a servi à acquérir un bien est dû de la valeur de ce bien, dans les conditions prévues à l'article 860 du code civil ; qu'en condamnant Mme [I] [Z] à rapporter aux successions confondues de ses parents la somme de 273 094,10 euros, celle-ci comprenant notamment la somme de 105 000 euros reçue en 2005/2006 pour « l'achat de son appartement [Adresse 3] », sans ordonner que le rapport soit calculé en fonction de la valeur du bien ainsi acquis, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 860-1 du code civil.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.