8 novembre 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-86.106

Chambre criminelle - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2022:CR01356

Texte de la décision

N° C 21-86.106 F-D

N° 01356


ECF
8 NOVEMBRE 2022


REJET


M. BONNAL président,





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 8 NOVEMBRE 2022



M. [X] [B] et la Garantie mutuelle des fonctionnaires - assurances, partie intervenante, ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Rouen, chambre correctionnelle, en date du 11 août 2021, qui, dans la procédure suivie contre le premier du chef de blessures involontaires, a prononcé sur les intérêts civils.

Les pourvois sont joints en raison de la connexité.

Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.

Sur le rapport de M. Joly, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de M. [X] [B] et de la Garantie mutuelle des fonctionnaires - assurances, les observations de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de la Caisse des dépôts et consignations et les conclusions de M. Lesclous, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 octobre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Joly, conseiller rapporteur, Mme Ingall-Montagnier, conseiller de la chambre, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. M. [X] [B] a été condamné par le tribunal correctionnel du chef de blessures involontaires ayant entraîné pour M. [U] [O] une incapacité totale de travail inférieure ou égale à trois mois.

3. Statuant sur intérêts civils, le tribunal correctionnel a condamné M. [B] à verser certaines sommes à M. [O] au titre de son préjudice.

4. Le prévenu et la partie civile ont relevé appel de cette décision.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a, sur l'action civile, fixé le préjudice corporel de M. [O] à la somme de 269 713,20 euros, dont 62 115,47 euros au titre des pertes de gains professionnels futurs et 30 000 euros au titre de l'incidence professionnelle, a en conséquence condamné M. [B] à payer à M. [O] la somme de 56 324 euros en réparation de son préjudice corporel après imputation des créances des tiers payeurs, en deniers ou quittances, provisions et sommes versées en vertu de l'exécution provisoire non déduites, qui portera intérêts au taux légal à la date de l'arrêt, enfin, a ordonné la capitalisation des intérêts échus par année entière, alors « que le préjudice doit être indemnisé sans perte ni profit pour la victime qui doit être replacée dans la situation la plus proche possible de ce qui aurait été la sienne en l'absence d'accident ; que, lorsque la perte de gains professionnels futurs comporte l'indemnisation de la perte des revenus que la victime aurait pu percevoir, en l'absence d'accident, si elle avait continué à travailler au-delà de l'âge légal de la retraite comme l'y autorisait son emploi, il ne peut lui être alloué, pour la même période de temps, du chef de l'incidence professionnelle, une indemnisation au titre de la perte des droits à la retraite, sauf à constater que la victime réunissait les conditions pour pouvoir légalement prétendre à un cumul de revenus et de pension de retraite en poursuivant sa vie active ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a calculé l'indemnisation de M. [O] au titre de la perte de gains professionnels futurs jusqu'au 8 avril 2023, date de sa retraite à taux plein à 62 ans, et a ajouté que dans la mesure où ses fonctions l'autorisaient à travailler jusqu'à l'âge de 67 ans, il avait perdu une chance de poursuivre son activité « et de recevoir une rémunération pleine jusqu'à l'âge de 67 ans, date de mise à la retraite d'office » en sorte qu'il devait lui être alloué à ce titre une somme de 15 000 euros ; que la cour d'appel a par ailleurs confirmé le jugement de première instance ayant alloué à M. [O] la somme de 30 000 euros du chef de l'incidence professionnelle, à l'effet d'indemniser notamment la perte de ses droits à la retraite à compter de ses 62 ans ; qu'en lui allouant ainsi une double indemnisation financière au titre de la même période (62/67 ans), à la fois au titre de la perte de revenus s'il avait poursuivi son activité au-delà de l'âge légal de la retraite, d'une part, et au titre de la perte de droits à retraite, d'autre part, la cour d'appel a violé l'article 1382, devenu 1240 du code civil, ensemble le principe de la réparation intégrale du préjudice. »

Réponse de la Cour

6. Pour fixer le préjudice de la partie civile au titre des pertes de gains professionnels futurs et au titre de l'incidence professionnelle, l'arrêt attaqué énonce, par motifs propres et adoptés, que l'accident a fait perdre à la partie civile une chance de percevoir une rémunération pleine entre l'âge de 62 ans et l'âge de 67 ans, date limite de mise à la retraite d'office, perte de chance qu'il convient d'indemniser au titre de la perte de gains professionnels futurs.

7. Les juges ajoutent que les séquelles conservées par la partie civile constituent des facteurs de pénibilité ou un obstacle à la réalisation de certaines tâches, qu'elles limitent son employabilité, que le déficit de revenus futurs, imputable à l'accident, va avoir une incidence sur le montant de la pension de retraite auquel elle pourra prétendre et que ces éléments justifient une indemnisation au titre de l'incidence professionnelle de l'accident.

8. En l'état de ces énonciations, qui procèdent de son appréciation souveraine de l'existence et de l'étendue des préjudices, la cour d'appel n'a méconnu aucun des textes visés au moyen.

9. En effet, par l'indemnisation, au titre de la perte de gains professionnels futurs, de la perte de chance de la partie civile de percevoir des revenus du travail en prolongeant son activité au-delà de 62 ans, la cour d'appel a réparé un préjudice distinct de celui indemnisé au titre de l'incidence professionnelle, qui a pris en compte la perte de droits à la retraite en raison des séquelles de l'accident, de sorte qu'elle n'a pas porté atteinte au principe de la réparation intégrale.

10. Ainsi, le moyen doit être écarté.

11. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le huit novembre deux mille vingt-deux.

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