27 octobre 2022
Cour d'appel de Bordeaux
RG n° 20/05396

CHAMBRE SOCIALE SECTION B

Texte de la décision

COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION B



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ARRÊT DU : 27 octobre 2022







PRUD'HOMMES



N° RG 20/05396 - N° Portalis DBVJ-V-B7E-L3QN

















Monsieur [Y] [W]



c/

Association SPORT ATHLETIQUE TRELISSACOIS (S.A.T)





















Nature de la décision : AU FOND









Grosse délivrée aux avocats le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 16 décembre 2020 (R.G. n°20/00161) par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de PERIGUEUX, Section activités diverses, suivant déclaration d'appel du 29 décembre 2020.



APPELANT :



[Y] [W]

né le 07 Janvier 1969 à [Localité 4]

de nationalité Française

Profession : Joueur de rugby, demeurant [Adresse 2] - [Localité 3]



Représenté et assisté par Me Romuald PALAO de la SELARL DERBY AVOCATS, avocat au barreau de BAYONNE





INTIMÉE :



L'association SPORT ATHLETIQUE TRELISSACOIS (S.A.T) prise en la personne de son représentant légal, [Adresse 5] - [Localité 1]



Représentée par Me Vincent MARIS de la SELARL PLUMANCY, avocat au barreau de PERIGUEUX





COMPOSITION DE LA COUR :



En application des dispositions des articles 907 et 805 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 27 octobre 2022 en audience publique, devant Monsieur Eric Veyssiere, président chargé d'instruire l'affaire, et madame [V] [T] qui ont retenu l'affaire



Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :



Monsieur Eric Veyssière, président,

Madame Sophie Masson, conseillère,

Madame Sophie Lésineau, conseillère



greffière lors des débats : Sylvaine Déchamps,





ARRÊT :



- contradictoire



- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.








Exposé du litige



Selon un contrat dit d'engagement du 29 juin 2017, l'association SA Trelissacois a embauché M. [W] en qualité de joueur de rugby pour la période courant du 1er août 2017 au 30 mai 2018.

Le 15 juillet 2017, l'association et M. [W] ont signé une convention sportive fédérale I.



Le 11 avril 2019, M. [W] a saisi le conseil de prud'hommes de Périgueux aux fins de :


voir requalifier le contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée,

voir condamner l'association Sa Trelissacois au paiement des sommes suivantes, avec intérêts à taux légal à compter du jour de la saisine du conseil de prud'hommes :


- 2 136 euros à titre d'indemnité de requalification en contrat à durée indéterminée,

- 2 136 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 256,36 euros de congés payés y afférents,

- 400,50 euros à titre d'indemnité de licenciement,

- 6 408 euros à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 12.816 euros à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé,

- 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens,


se voir remettre, sous astreinte, les bulletins de paie et documents de fin de contrat conformes,

voir fixer le salaire moyen de M. [W] à la somme de 2 136 euros bruts.




Par demande reconventionnelle, l'association Sa Trelissacois a sollicité du conseil de prud'hommes qu'il condamne M. [W] au paiement d'une somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.



Par jugement de départage du 16 décembre 2020, le conseil de prud'hommes de Périgueux a:


constaté que la demande de communication de pièces formulée par l'association Sa Trelissacois est devenue sans objet,

qualifié la convention sportive signée entre l'association et M. [W] le 15 juillet 2017 de contrat de travail à durée indéterminée,

condamné l'association à payer à M. [W] la somme de 1 200 euros à titre d'indemnité de requalification avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du Conseil,

constaté la démission de M. [W],

ordonné à l'association SA Trelissacois de remettre à M. [W] une attestation Pôle emploi, un certificat de travail et les bulletins de salaire conformes au présent jugement,

débouté M. [W] du surplus de ses demandes,

condamné l'association à payer à M. [W] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens,

ordonné l'exécution provisoire de la présente décision.




Par déclaration du 29 décembre 2020, M. [W] a relevé appel du jugement.



Par ses dernières conclusions du 4 août 2022, M. [W] sollicite de la Cour qu'elle :


infirme le jugement déféré en ce qu'il :

porte sur le quantum de l'indemnité de requalification en contrat de travail à durée indéterminée,

a constaté la démission de M. [W],

a débouté M. [W] du surplus de ses demandes,

confirme le jugement déféré pour le surplus,





condamne l'association SA Trelissacois à verser à M. [Y] les sommes suivantes avec intérêt au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes :

2 136 euros à titre d'indemnité de requalification en contrat à durée indéterminée,

2 136 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 256,36 euros,

400,50 euros à titre d'indemnité de licenciement,

6 408 euros à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

12.816 euros à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé,

ordonne à l'association de lui transmettre les bulletins de paie et documents de fin de contrat conformes à la décision à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard passé un délai de 15 jours à compter de la notification du jugement,

condamne l'association à verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre la somme déjà alloué en première instance,

la condamne aux dépens.




Aux termes de ses dernières conclusions du 6 mai 2021, l'association SA Trelissacois sollicite de la cour qu'elle :


confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a qualifié la convention sportive signée entre elle et M. [W] le 15 juillet 2017 en contrat à durée indéterminée,

déboute M. [W] de l'ensemble de ses demandes,

le condamne à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.




L'ordonnance de clôture a été rendue le 16 août 2022.



Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, il y a lieu de se référer au jugement entrepris et aux conclusions déposées.




Motifs de la décision



Sur la demande de requalification de la convention sportive en contrat de travail



M. [W] demande de requalifier la deuxième convention négociée entre les parties en contrat de travail à durée indéterminée.



La qualification d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu'elles ont donnée à la convention qui les lie, mais des conditions effectives dans lesquelles est exercée l'activité du travailleur.



L'existence d'un contrat de travail est reconnue lorsque les trois conditions cumulatives suivantes sont réunies : une prestation de travail pour le compte d'autrui, le versement d'une rémunération en contrepartie de ce travail et un lien de subordination auquel est soumis celui qui exécute le travail.



Le lien de subordination est caractérisé dés lors que le travail est exécuté sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.



En l'espèce, les parties ont signé une lettre d'engagement le 29 juin 2017 et une convention sportive, le 15 juillet suivant.



Les parties s'accordent sur le fait que c'est cette convention qui fonde les relations contractuelles.



Faisant valoir qu'elle était dépourvue d'un pouvoir de sanction à l'égard de M. [W] de sorte qu'il n'y avait pas de lien de subordination, l'association conteste la requalification de la convention en contrat de travail.



Mais, par des motifs pertinents que les débats en appel n'ont pas remis en cause et que la Cour adopte, le premier juge ayant relevé que, en application de la convention sportive, M. [W] s'était engagé à participer à toutes les manifestations organisées par le club moyennant une aide au remboursement de ses frais d'un montant fixe de 1200 euros par mois, outre deux avantages en nature (la mise à disposition d'un véhicule et d'un logement) et que la convention prévoyait des sanctions financières pour indiscipline, en a exactement déduit que l'intéressé exécutait un travail rémunéré dans un lien de subordination avec l'association et a donc, à bon droit, requalifié la convention sportive en contrat de travail et accordé une indemnité de requalification.



Sur ce point, le jugement sera confirmé.



Sur la demande de requalification du contrat de travail en contrat à durée indéterminée



Selon l'article L222-2-3 du code du sport, afin d'assurer la protection des sportifs et entraîneurs professionnels et de garantir l'équité des compétitions, tout contrat par lequel une association sportive ou une société mentionnée aux articles L. 122-2 et L. 122-12 s'assure, moyennant rémunération, le concours de l'un de ces salariés est un contrat de travail à durée déterminée.



En application des articles L 222-2-4 à L 222-2-8 du dit code, la durée d'un tel contrat ne peut être inférieure à la durée d'une saison sportive fixée à 12 mois ou lorsque la convention le prévoit, jusqu'au terme de la saison sportive telle qu'arrêtée par le réglement de la fédération sportive. Le contrat édité en 3 exemplaires comporte également des mentions obligatoires dont, notamment, l'adresse du sportif, le montant de la rémunération et les noms et adresses des caisses de retraire complémentaire et de prévoyance.



L'article L 222-2-8 prévoit qu'est réputé à durée indéterminée tout contrat conclu en méconnaissance des règles de fond et de forme prévue aux articles L 222-2-1 à L 222-2-5.



En l'espèce, la convention signé par M. [W] ne comporte pas son adresse, ni les mentions relatives aux caisses de retraite complémentaire et de prévoyance, ni les articles du code du sport applicables. Elle n'indique pas non plus qu'elle a été établie en 3 exemplaires. En outre, elle a été conclue pour une durée de 10 mois sans qu'il soit justifié d'une possible dérogation à la durée minimale de 12 mois fixée à l'article L 222-2-4.



C'est donc à bon droit que le premier juge, par des motifs adoptés, a tiré les conséquences de ces manquements en requalifiant la convention en contrat de travail à durée indéterminée.



Le jugement sera, en conséquence, confirmé de ce chef.



Sur le montant du salaire



Ainsi que l'a relevé le premier juge, les avantages en nature dont bénéficiaient le salarié, s'ils doivent être déclarés en tant que rémunération soumise à cotisations sociales, n'entrent pas dans le calcul du salaire mensuel de référence qui doit, en conséquence, être fixé à 1200 euros et non à 2136 euros comme le demande M. [W].





Sur la rupture du contrat de travail



Dés lors que la convention a été requalifiée en contrat à durée indéterminée et qu'au terme du contrat initial fixé au 30 mai 2018, si l'on se réfère à la période de rémunération, l'employeur n'a pas engagé de procédure de licenciement, la rupture s'anayse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse sauf à démontrer que le salarié a démissionné.



La démission ne se présume pas ; elle doit résulter d'une manifestation claire et non équivoque du salarié.



En l'espèce, M. [W] conteste toute démission et il ne résulte pas de propos ou d'écrits de ce dernier une volonté claire et non équivoque de démissionner au 30 mai 2018, étant observé qu'il a joué son dernier match le 3 juin.



Le fait qu'un article de presse rapporte son engagement auprès d'un autre club pour la saison sportive suivante n'est pas de nature à caractériser une démission avant le terme du contrat.



Il s'ensuit que la rupture s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ouvrant droit au versement d'une indemnité sur le fondement de l'article L 1235-3 du code du travail que la Cour évalue à 500 euros au regard de la durée de la relation de travail et des circonstances de la rupture.



Par ailleurs, le salarié a droit à une indemnité compensatrice de préavis égale à un mois de salaire en application de l'article 4.4.3.2 de la convention collective applicable.



En revanche, la demande d'indemnité de licenciement du salarié qui compte moins d'un an d'ancienneté sera rejetée par application de l'article L 1234-9 du code du travail.



Le jugement sera réformé en ce sens.



Sur le travail dissimulé



L'article L8221-5 du code du travail dispose :



Est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :



1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;



2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d'un bulletin de paie ou d'un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;



3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.







Selon l'article L8223-1 du dit code, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.



En l'espèce, il est constant que le recrutement et l'exécution du contrat de travail de M. [W] n'ont pas donné lieu à une déclaration préalable à l'embauche, ni à l'établissement et à la remise de bulletins de paie, ni à déclaration de cotisations sociales tant sur la rémunération que sur les avantages en nature.



Ces manquements caractérisent l'intention de dissimulation exigée par l'article L8221-5 du code du travail de sorte qu'il sera alloué à M. [W] l'indemnité forfaitaire prévue à l'article L 8223-1, soit une somme de 7200 euros (1200 euros X 6 mois).



Sur les autres demandes



L'équité commande d'allouer à M. [W] la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.



L'association supportera la charge des dépens.





Par ces motifs

La cour,



Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a rejeté les demandes d'indemnité de M. [W] au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse et du travail dissimulé



Statuant à nouveau sur les point infirmés



Dit que la rupture du contrat de travail de M. [W] résulte d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse



Condamne l'association SA Trelissacois à payer à M. [Y] [W] les sommes suivantes :

- 500 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 1200 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis

- 7200 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé



Rejette la demande d'indemnité de licenciement,



y ajoutant



Condamne l'association SA Trelissacois à payer à M. [Y] [W] la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile



Condamne l'association SA Trelissacois aux dépens.



Signé par Eric Veyssière, président et par Sylvaine Déchamps, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.





S. Déchamps E. Veyssière

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