9 juin 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-20.509

Première chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2022:C100461

Texte de la décision

CIV. 1

CF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 9 juin 2022




Rejet


M. CHAUVIN, président



Arrêt n° 461 F-D

Pourvoi n° F 20-20.509





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 9 JUIN 2022

M. [D] [M], domicilié [Adresse 3], a formé le pourvoi n° F 20-20.509 contre l'arrêt rendu le 3 septembre 2020 par la cour d'appel de Nouméa (chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [F] [K], domicilié [Adresse 5] (Nouvelle-Calédonie), pris en qualité de tuteur de [P] [K],

2°/ à Mme [S] [C], domiciliée chez M. [A] [C], [Adresse 7],

3°/ à l'[4] en difficulté, dont le siège est [Adresse 1],

4°/ au procureur général près la cour d'appel de Nouméa, domicilié en son parquet général, [Adresse 6],

défendeurs à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Fulchiron, conseiller, les observations de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de M. [M], et l'avis de Mme Marilly, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 12 avril 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Fulchiron, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Berthomier, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nouméa, 3 septembre 2020), Mme [C], de statut civil coutumier, a donné naissance, le 17 août 2015, à un enfant prénommé [N], qu'elle a reconnu.

2. D'après l'acte coutumier du 6 novembre 2015, l'enfant a été adopté par [J] [K], sa tante maternelle, a intégré la clan Tiatik de la tribu de Temala et a pris les prénom et nom [P] [K].

3. Il a été reconnu le 31 août 2016 par M. [M], de statut civil de droit commun.

4. Après le décès d'[J] [K], survenu le [Date décès 2] 2019, [P] [K] a été placé sous tutelle, M. [F] [K], son oncle utérin, étant désigné tuteur.

5. Par jugement rendu le 12 juin 2020, le juge des enfants, saisi par le ministère public et statuant en formation coutumière, a dit que l'enfant était en danger, l'a confié à Mme [C], a ordonné une mesure d'assistance éducative en milieu ouvert et confié la mise en oeuvre de cette mesure à une association.

6. M. [F] [K] ès qualités a formé tierce-opposition à cette décision.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

7. M. [M] fait grief à l'arrêt de dire n'y avoir lieu à assistance éducative, alors :

« 1°/ qu'une cour d'appel ne peut infirmer le jugement déféré sans réfuter les motifs retenus par les premiers juges ; que dès lors, en se bornant à affirmer que « pour justifier sa décision de retirer l'enfant au clan [K] et le confier à sa mère biologique, le premier juge s'est essentiellement interrogé sur la validité de l'adoption coutumière » et que « ce débat, que le tribunal de première instance de Nouméa n'a toujours pas tranché, est en tant que tel insuffisant pour affirmer que l'enfant serait en danger au sein de la tribu de Témala ou que les conditions de son éducation y seraient gravement compromises », sans réfuter les motifs contraires du juge des enfants selon lesquels il n'y avait pas lieu de modifier les dispositions du jugement du 12 juin 2020 qui avait retenu que l'enfant était en danger dans la mesure où la mère adoptive était décédée et où la mère biologique n'avait plus revu son enfant depuis le 17 janvier 2020, lequel avait été enlevé par le concubin de la mère adoptive décédée, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

2°/ que les mesures d'assistance éducative doivent être ordonnées lorsque la santé, la sécurité ou la moralité d'un mineur non émancipé sont en danger, ou lorsque les conditions de son éducation ou de son développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement compromises ; que le juge des enfants peut, même d'office, ordonner diverses mesures d'information concernant la personnalité ou les conditions de vie du mineur et de ses parents, en particulier par le moyen d'une enquête sociale, d'examens médicaux, d'expertises psychiatriques et psychologiques ou d'une mesure d'investigation et d'orientation éducative ; que l'intérêt supérieur de l'enfant commande la mise en oeuvre de mesures d'information appropriées chaque fois qu'une situation de danger peut être légitimement ou raisonnablement redoutée sans pour autant être établie en l'état du dossier ; qu'il ressort des constatations mêmes de la cour d'appel que le ministère public avait saisi le juge des enfants de Nouméa d'une requête en assistance éducative à laquelle était jointe une « fiche d'information signalante enfance en danger » et que le juge des enfants avait considéré, selon jugement du 12 juin 2020, que l'enfant [P] était en danger ; qu'en retenant néanmoins, pour dire n'y avoir lieu à assistance éducative, qu'aucune enquête n'avait été menée pour déterminer les conditions exactes dans lesquelles l'enfant était élevé à Temala de sorte qu'il n'était pas démontré que [P] [K] y serait en danger, quand il lui appartenait d'ordonner une mesure d'information concernant les conditions de vie du mineur que ses constatations rendaient nécessaires, afin de pouvoir apprécier elle-même l'existence ou non d'une situation de danger pour l'enfant, la cour d'appel a violé l'article 375 du code. »

Réponse de la Cour

8. Après avoir relevé que, pour décider de retirer l'enfant au clan [K] et le confier à sa mère biologique, le juge des enfants s'était essentiellement interrogé sur la validité de l'adoption coutumière et que ce débat, qui n'avait pas encore été tranché, était insuffisant pour affirmer que l'enfant serait en danger au sein de la tribu Témela ou que les conditions de son éducation y seraient gravement compromises, c'est par une appréciation souveraine de la valeur et de la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis que la cour d'appel, qui n'était pas tenue d'ordonner une mesure d'investigation, a retenu qu'il n'était pas autrement démontré que l'enfant se trouvait en situation de danger au sens de l'article 375 du code civil.

9. Le moyen, qui ne tend qu'à remettre en cause ce pouvoir souverain d'appréciation, n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. [M] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf juin deux mille vingt-deux.




MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat aux Conseils, pour M. [M]

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir, infirmant le jugement (et non l'ordonnance comme indiqué dans le dispositif de l'arrêt), dit n'y avoir lieu à assistance éducative ;

1°) Alors qu'une cour d'appel ne peut infirmer le jugement déféré sans réfuter les motifs retenus par les premiers juges ; que dès lors, en se bornant à affirmer que « pour justifier sa décision de retirer l'enfant au clan [K] et le confier à sa mère biologique, le premier juge s'est essentiellement interrogé sur la validité de l'adoption coutumière » et que « ce débat, que le tribunal de première instance de Nouméa n'a toujours pas tranché, est en tant que tel insuffisant pour affirmer que l'enfant serait en danger au sein de la tribu de Témala ou que les conditions de son éducation y seraient gravement compromises », sans réfuter les motifs contraires du juge des enfants selon lesquels il n'y avait pas lieu de modifier les dispositions du jugement du 12 juin 2020 qui avait retenu que l'enfant était en danger dans la mesure où la mère adoptive était décédée et où la mère biologique n'avait plus revu son enfant depuis le 17 janvier 2020, lequel avait été enlevé par le concubin de la mère adoptive décédée, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

2°) Alors que les mesures d'assistance éducative doivent être ordonnées lorsque la santé, la sécurité ou la moralité d'un mineur non émancipé sont en danger, ou lorsque les conditions de son éducation ou de son développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement compromises ; que le juge des enfants peut, même d'office, ordonner diverses mesures d'information concernant la personnalité ou les conditions de vie du mineur et de ses parents, en particulier par le moyen d'une enquête sociale, d'examens médicaux, d'expertises psychiatriques et psychologiques ou d'une mesure d'investigation et d'orientation éducative ; que l'intérêt supérieur de l'enfant commande la mise en oeuvre de mesures d'information appropriées chaque fois qu'une situation de danger peut être légitimement ou raisonnablement redoutée sans pour autant être établie en l'état du dossier ; qu'il ressort des constatations mêmes de la cour d'appel que le ministère public avait saisi le juge des enfants de Nouméa d'une requête en assistance éducative à laquelle était jointe une « fiche d'information signalante enfance en danger » et que le juge des enfants avait considéré, selon jugement du 12 juin 2020, que l'enfant [P] était en danger ; qu'en retenant néanmoins, pour dire n'y avoir lieu à assistance éducative, qu'aucune enquête n'avait été menée pour déterminer les conditions exactes dans lesquelles l'enfant était élevé à Temala de sorte qu'il n'était pas démontré que [P] [K] y serait en danger, quand il lui appartenait d'ordonner une mesure d'information concernant les conditions de vie du mineur que ses constatations rendaient nécessaires, afin de pouvoir apprécier elle-même l'existence ou non d'une situation de danger pour l'enfant, la cour d'appel a violé l'article 375 du code civil, ensemble l'article 1183 du code de procédure civile et l'article 3-1 de la convention de New-York du 20 novembre 1989 relative aux droits de l'enfant.

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