10 mai 2022
Cour d'appel d'Agen
RG n° 21/00346

CHAMBRE SOCIALE

Texte de la décision

ARRÊT DU

10 MAI 2022



PF/CO**



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N° RG 21/00346 -

N° Portalis DBVO-V-B7F-C4AS

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ASSOCIATION RESILIENCE OCCITANIE





C/





[P] [R]





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Grosse délivrée

le :



à

ARRÊT n° 55 /2022







COUR D'APPEL D'AGEN

Chambre Sociale







Prononcé par mise à disposition au greffe de la cour d'appel d'Agen conformément au second alinéa des articles 450 et 453 du code de procédure civile le dix mai deux mille vingt deux par Benjamin FAURE, conseiller faisant fonction de président, assisté de Chloé ORRIERE, greffier



La COUR d'APPEL D'AGEN, CHAMBRE SOCIALE, dans l'affaire



ENTRE :



L'ASSOCIATION RESILIENCE OCCITANIE prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège :

[Adresse 1]

[Localité 5]



Représentée par Me Camille GAGNE, avocat postulant inscrit au barreau d'AGEN et par Me Jade ROQUEFORT, avocat plaidant inscrit au barreau de TOULOUSE







DEMANDEUR AU RENVOI DE CASSATION suite à l'arrêt de la Cour de Cassation du 27 mars 2019 dans une affaire enregistrée au rôle sous le n° W 17-22.236 (arrêt n°510 FS-D)



d'une part,



ET :



[P] [R]

née le 20 avril 1968 à [Localité 4] ([Localité 4])

demeurant [Adresse 3]

[Adresse 2]

[Localité 5]



Représentée par Me Lamine DOBASSY, avocat inscrit au barreau de TOULOUSE







DÉFENDEUR AU RENVOI DE CASSATION



d'autre part,





A rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause a été débattue et plaidée en audience publique le 08 mars 2022 devant Pascale FOUQUET, conseiller faisant fonction de président de chambre, Elisabeth SCHELLINO, présidente de chambre, et Benjamin FAURE, conseiller, assistés de Chloé ORRIERE, greffier, et après qu'il en a été délibéré par les magistrats ci-dessus nommés, les parties ayant été avisées de la date à laquelle l'arrêt serait rendu.






* *

*



FAITS ET PROCÉDURE :



Par arrêt du 7 décembre 2021, la cour d'appel d'Agen a :



- débouté Mme [R] de sa demande de bénéficier de la bonfication indiciaire de 11 points et de se voir appliquer le coefficient 490, de ses demandes en rappels de salaire et de congés payés afférents,

- déclaré sans objet la demande formée par l'association résilience Occitanie (RESO) en restitution des sommes versées au titre des dispositions cassés ou infirmées, le présent arrêt constituant titre suffisant pour obtenir la restitution,

- sursis à statuer sur les temps de pause non rémunérés et la demande en dommages et intérêts en invitant l'association RESO à produire les pièces dont elle fait état de nature à éclairer la cour sur la solution du litige et permettre aux parties de conclure,

- renvoyé l'affaire à l'audience du 8 mars 2022 à 14h,

- sursis à statuer sur les frais irrépetibles et les dépens.





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Aux termes de ses dernières conclusions enregistrées au greffe le 2 mars 2022 et oralement soutenues à l'audience, Mme [R] demande à la cour :



1°) de juger que l'association Résilience Occitanie n'a pas respecté ses temps de pause et de la condamner à lui verser la somme de 2 254,20 € bruts au titre du rappel de salaires sur temps de pause non pris et non rémunérés et celle de 5 000,00 € en réparation de son préjudice résultant de la violation des dispositions légales et conventionnelles relatives au temps de pause,



2°) de débouter l'association Résilience Occitanie de sa demande de restitution des sommes de 300,00 € et de 1 000,00 € qui lui ont été versées au titre de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et en appel,



3°) de débouter l'association Résilience Occitanie de toutes autres demandes et de la condamner aux entiers dépens de l'instance et à lui verser la somme de 3 600,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,



A l'appui de ses prétentions, Mme [R] fait valoir :



- que de 1999 à 2015, elle a travaillé plus de 6h par jours voire quelquefois 11h ;



- qu'elle produit les seuls plannings dont elle dispose, qui attestent d'une durée de temps de pause effective depuis 2008 jusqu'à 2014, de 11,67 h soit 2 254,20 euros brut ainsi qu'un décompte établissant ses calculs ;



- qu'elle est fondée à obtenir leur rémunération en application de l'article 7 de l'accord du 1er avril 1999 ;



- que c'est à l'employeur d'apporter la preuve de l'existence de temps de pause, mais qu'il ne justifie pas de ce qu'elle aurait effectivement bénéficié de ces pauses, se bornant à produire des plannings différents des siens et une attestation de M. [S] ; l'ancien directeur de l'ITEP, qui sont dépourvus de valeur probante ;



- que les demandes d'indemnisation des temps de pause et de réparation du préjudice résultant de l'absence de pause sont distinctes et ne se cumulent pas ;



- que les dispositions de l'arrêt de la Cour d'appel de Toulouse du 31 mai 2017 relatives aux frais irrépétibles de première instance et d'appel n'ont pas été cassées par l'arrêt de la Cour de cassation du 27 mars 2019.





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Aux termes de ses dernières conclusions enregistrées au greffe le 21 février 2022 et oralement soutenues à l'audience, l'association Résilience Occitanie (RESO) demande à la cour :



1°) de déclarer irrecevables et en toute hypothèse infondées les demandes nouvelles de Madame [R] tendant à sa condamnation au paiement des sommes de 2 254,20 euros à titre de rappel de salaires sur temps de pause non pris et non rémunérés et de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la violation des dispositions légales et conventionnelles relatives au temps de pause, respectivement de débouter Madame [R] de l'intégralité de ses demandes,



2°) à titre reconventionnel, de condamner Madame [R] à lui verser la somme de 3 000 euros pour procédure abusive sur le fondement de l'article 1240 du code civil,



3°) de condamner Madame [R] à lui verser à la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.



L'association Résilience Occitanie fait valoir :



- que la salariée est d'une parfaite mauvaise foi, ce qui est démontré par le caractère tardif de ses demandes présentées huit ans plus tard ;



- que le solde de tout compte a été signé par la salariée et que le délai légal de contestation de 6 mois étant expiré, la demande en rappel de salaire doit être rejetée ;



- que les plannings produits par la salariée, réalisés par ses soins, sont épars et illisibles ;



- que les pauses ne pouvaient être identifiées dans les plannings car elles étaient prises en fonction des nécessités du service comme en atteste M. [S], ancien directeur de l'ITEP aujourd'hui retraité, qui indique que Mme [R] bénéficiait des 20 minutes de pause qui étaient déjà intégrées dans les 6H de service et que les pauses ne devaient pas figurer sur les fiches de paie car seuls les événements propres à chaque mois étaient indiqués ;



- que Mme [R] ne produit aucune attestation émanant de collègues ;



- que demander l'indemnisation des heures de pause non prises et la réparation d'un préjudice en découlant est contradictoire ;



- que ses calculs sont inexacts et doivent être réduits si une condamnation était prononcée dès lors que les documents sur lesquels ils sont fondés ne sont pas fiables et que les taux horaire appliqués sont différents, sans aucune explication ;



- que Mme [R] ne justifie d'aucun préjudice pouvant résulter du non respect des dispositions conventionnelles et légales.






MOTIFS :



I . Sur la recevabilité des demandes nouvelles



Les demandes en payement des temps de pause non rémunérés et en réparation du préjudice résultant de l'absence de pause, formées pour la première fois devant la présente cour de renvoi sont parfaitement recevables dès lors que les dispositions de l'article R.1452-7 du code du travail, aux termes desquels les demandes nouvelles dérivant d'un même contrat de travail sont recevables même en appel, abrogées par le décret n°2016-660 du 20 mai 2016 qui a fait disparaître la règle de l'unicité de l'instance, demeurent applicables aux instances introduites devant le conseil des prud'hommes antérieurement au 1er août 2016, et donc à la présente procédure introduite devant le Conseil des prud'hommes de [Localité 5] le 1er février 2013.

C'est tout aussi vainement que l'association Résilience Occitanie conclut à l'irrecevabilité en invoquant l'absence de dénonciation par le salarié du solde de tout compte.

En effet celui-ci n'a un effet libératoire pour l'employeur que pour les éléments de rémunération dont le payement a été envisagé par les parties.



La rémunération des temps de pause n'ayant pas été envisagée par l'association, ni d'ailleurs par Mme [R] lors de l'établissement du solde de tout compte, il n'a pu avoir d'effet libératoire pour l'employeur, de sorte que la salariée est parfaitement recevable en son action en payement.



II . Sur la demande en payement des temps de pause non rémunérés



Aux termes de l'article L.3121-2 du code du travail, le temps nécessaire à la restauration ainsi que les temps consacrés aux pauses sont considérés comme du temps de travail effectif lorsque le salarié reste à la disposition de son employeur ou ne peut s'éloigner de son poste de travail en raison de la spécificité même de son activité et doit se conformer aux directives de l'employeur sans pouvoir vaquer à des occupations personnelles.

C'est à l'employeur et à lui seul qu'il appartient de prouver le respect des temps de repos et des durées maximales journalières ou hebdomadaires de travail.

Par ailleurs, l'article 7 de l'accord du 1er avril 1999 étendu par arrêtés des 25 juin et 4 août 1999 prévoit que : 'aucun travail quotidien ne peut atteindre 6 heures sans que le salarié ne bénéficie d'un temps de pause d'une durée minimale de 20 minutes.

Lorsque le salarié ne peut s'éloigner de son poste de travail durant la pause, celle-ci est néanmoins rémunérée. Cette disposition vise notamment les salariés responsables de la sécurité et de la continuité de la prise en charge des usagers'.

Il ne suffit pas pour l'employeur, sur qui pèse la charge de la preuve, de contredire les affirmations de la salariée mais il lui appartient d'apporter au soutien de ses propres allégations des éléments de nature à démontrer que la salariée bénéficiait effectivement de ses temps de pause.

En l'espèce, l'association RESO verse aux débats un seul planning 2011-2012 intitulé 'unité Montesquieu'du lundi au vendredi portant plusieurs prénoms dont celui de '[P]' ainsi que l'attestation de M. [S], ancien directeur de l'ITEP.

D'une part, aucune précision n'est apportée sur le tableau produit qui apparaît d'ordre général pour l'année entière 2011-2012 alors que la salariée vise la période 1999-2015, d'autre part, celui-ci ne porte aucune légende si bien qu'il est impossible de savoir s'il concerne des temps de pause, étant observé que la ligne correspondant à la salariée n'est pas renseignée. De plus, M. [S], dans son attestation, déclare que les heures de pause n'étaient pas reportées sur les plannings et que ce fait était 'connu de tous'.

Ce document est par conséquent dénué de toute valeur probante.

D'autre part, des termes de l'attestation produite : 'les nécessités du service (repérées par les professionnels eux-mêmes) notamment la continuité de l'accompagnement des usagers, demandaient adaptation, souplesse et bon sens', il ressort que les temps de pause étaient pris en fonction de circonstances variables voire imprévues eu égard à la nature même de la fonction des salariés ce qui démontre que ceux-ci devaient être prêts à intervenir et devaient donc rester à la disposition de leur employeur pendant leur temps de pause.

Dès lors il apparaît que Mme [R] devait se tenir à la disposition de son employeur durant les temps de pause et que ceux-ci devaient faire l'objet d'une rémunération.

Pour justifier du montant de la somme réclamée, Mme [R] produit ses plannings ainsi qu'un décompte qui est précis et vérifiable et qui n'est pas utilement contredit par l'employeur sur qui pèse la charge de la preuve, étant rappelé que la Cour a sursis a statuer pour permettre à l'employeur de produire des pièces justificatives qu'il disait détenir et vouloir rechercher, mais qu'il n'a produit aucune pièce nouvelle.

En conséquence, l'employeur ne rapportant pas la preuve de la rémunération de ces temps de pause, l'association RESO sera condamnée à payer à Mme [R] la somme de 2 254,20 euros.



III . Sur l'indemnisation du non-respect des temps de pause par l'employeur

Mme [R] soutient que non seulement les temps de pause dont elle devait bénéficier ne lui ont pas été rémunérés, mais qu'en réalité elle n'a pas réellement bénéficié de ces temps de pause.

Force est de constater que l'employeur le conteste mais qu'il n'en rapporte la preuve, alors que la charge de celle-ci pèse sur lui.

Par ailleurs il apparaît que le préjudice dont elle réclame indemnisation est distinct du préjudice financier lié à l'absence de rémunération.

En effet les temps de pause obligatoire ont été institués dans le but de protéger la santé des salariés et leur non-respect régulier est de nature à porter atteinte à celle-ci.

En l'espèce, eu égard à la durée et au caractère quasi institutionnel du ce non-respect, la fatigabilité accrue de Mme [R] n'est pas sérieusement discutable et constitue un préjudice dont elle est fondée à obtenir indemnisation.

Par suite l'association RESO sera condamnée à payer à Mme [R] la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts.





IV . Sur la demande reconventionnelle en dommage et intérêt pour procédure abusive

L'association RESO ne rapporte pas la preuve de ce que Mme [R] aurait fait un usage abusif de son droit d'agir en justice et d'exercer un recours ou aurait commis une faute dans la conduite des procédures de première instance et d'appel.

Au surplus, dès lors qu'il est fait partiellement droit aux prétentions de Mme [R], la procédure qu'elle a engagée ne peut être qualifiée d'abusive.

Dès lors, il y a lieu de débouter l'association RESO de sa demande en dommages et intérêts à ce titre.



V . Sur les demandes accessoires

En application de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

L'association RESO, qui a succombé en première instance puis en appel, a été à juste titre condamnée à en supporter les dépens. Elle sera également condamnée aux dépens devant la présente cour de renvoi.

L'article 700 du code de procédure civile prévoit que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

La cour d'appel de Toulouse a confirmé la condamnation de l'association RESO à la somme de 300 euros au titre des frais irrépétibles prononcée en première instance et l'a condamnée à payer en cause d'appel à Mme [R] la somme de 1 000 euros au même titre. Ces condamnations ne sont pas visées par l'arrêt de la cour de cassation. Elles sont par conséquent à ce jour définitives sans qu'aucun motif ne soit de nature à les modifier. L'association RESO sera déboutée de sa demande en restitution de ces sommes.

L'association RESO sera condamnée à payer à Mme [R] 2 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.



PAR CES MOTIFS :



La cour statuant par mise à disposition au greffe, contradictoirement, en dernier ressort, sur réouverture des débats,



CONDAMNE l'association Résilience Occitanie (RESO) à payer à Mme [R] les sommes de 2 254,20 euros et 5 000 euros,

DÉBOUTE l'association Résilience Occitanie (RESO) de sa demande en dommages et intérêts pour procédure abusive et en restitution des sommes versées au titre des frais irrépétibles en première instance et en appel,

CONDAMNE l'association Résilience Occitanie (RESO) à payer à Mme [R] 2 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE l'association Résilience Occitanie (RESO) aux dépens d'appel afférents à la procédure d'appel devant la cour de renvoi.

Le présent arrêt a été signé par Benjamin FAURE, conseiller en l'absence du président empêché et Chloé ORRIERE, greffier.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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