10 mai 2022
Cour d'appel d'Agen
RG n° 21/00247

CHAMBRE SOCIALE

Texte de la décision

ARRÊT DU

10 MAI 2022



PF/CO**



-----------------------

N° RG 21/00247 -

N° Portalis DBVO-V-B7F-C3XB

-----------------------





S.A.R.L. MATAYRON





C/





[B] [L]





-----------------------











Grosse délivrée

le :



à

ARRÊT n° 54 /2022







COUR D'APPEL D'AGEN

Chambre Sociale







Prononcé par mise à disposition au greffe de la cour d'appel d'Agen conformément au second alinéa des articles 450 et 453 du code de procédure civile le dix mai deux mille vingt deux par Benjamin FAURE, conseiller faisant fonction de président assisté de Chloé ORRIERE, greffier



La COUR d'APPEL D'AGEN, CHAMBRE SOCIALE, dans l'affaire



ENTRE :



La SARL MATAYRON prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège social :

[Adresse 6]

[Localité 1]



Représentée par Me Camille GAGNE, avocat postulant inscrit au barreau d'AGEN et par Me Stéphane LEPLAIDEUR, avocat plaidant inscrit au barreau de TOULOUSE







APPELANTE d'un jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de CAHORS en date du 19 février 2021 dans une affaire enregistrée au rôle sous le n° R.G. 19/00114



d'une part,



ET :



[B] [L]

née le 07 février 1971 à [Localité 3]

demeurant [Adresse 4]

[Localité 2]



Représentée par Me Amandine MARIN substituant à l'audience Me Pauline VAISSIERE, avocat inscrit au barreau de TOULOUSE



(bénéficiaire d'une aide juridictionnelle totale numéro 2021/002210 du 04/06/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle d'AGEN)





INTIMÉE



d'autre part,





A rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause a été débattue et plaidée en audience publique le 08 mars 2022 sans opposition des parties devant Pascale FOUQUET, conseiller rapporteur, assistée de Chloé ORRIERE, greffier. Le magistrat rapporteur en a, dans son délibéré rendu compte à la cour composée, outre lui-même de Elisabeth SCHELLINO, présidente de chambre et Benjamin FAURE, conseiller, en application des dispositions des articles 945-1 et 805 du code de procédure civile et il en a été délibéré par les magistrats ci-dessus nommés, les parties ayant été avisées de la date à laquelle l'arrêt serait rendu.






* *

*



FAITS ET PROCÉDURE :



Selon contrat à durée déterminée du 1er juin 2005, Mme [L] a été embauchée par la Sarl SHOP QUERCY, en qualité d'employée commerciale. La relation de travail s'est poursuivie pour une durée indéterminée par contrat du 1er août 2006.



A la suite du rachat du magasin exploité à [Adresse 5] par la S.a.r.l. MATAYRON, le contrat de travail de Mme [L] a été transmis à son nouvel employeur à compter du 1er avril 2009.



Dans le dernier état de la relation contractuelle, Mme [L] occupait le poste d'adjoint chef de magasin, niveau V, statut agent de maîtrise, moyennant une rémunération mensuelle brute de 1915 euros.



Mme [L] a été placée en arrêt de travail le 21 juillet 2018, ayant été prise à partie et menacée par l'un de ses collègues. Elle a déposé une demande de reconnaissance du caractère professionnel de son accident du travail.



Le 3 décembre 2018, dans le cadre de la visite de reprise, le médecin du travail l'a déclaré inapte à son poste, avec mention que 'l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi'.



Après convocation à un entretien préalable fixé le 31 décembre 2018, auquel elle ne s'est pas présentée, Mme [L] a été licenciée par courrier recommandé du 4 janvier 2019, pour inaptitude et impossibilité de reclassement.



Le 18 novembre 2019, Mme [L] a saisi le Conseil des prud'hommes (CPH) de Cahors pour faire juger que son inaptitude a pour origine la dégradation de ses conditions de travail et les manquements fautifs de son employeur, qu'il ne repose donc sur aucune cause réelle et sérieuse, et pour obtenir payement d'un rappel de salaire pour heures supplémentaires et de diverses indemnités.



Par jugement en date du 19 février 2021, auquel le présent arrêt se réfère expressément pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions des parties en première instance et des motifs énoncés par les premiers juges, le CPH de Cahors, sous la présidence du juge départiteur, a :



- dit que le licenciement de Mme [L] est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;



- fixé la moyenne des 3 derniers mois de salaire à 1 837,71 euros ;



- condamné la S.a.r.l. MATAYRON à payer à Mme [L] les sommes de :



. 22 022,50 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

. 12 519,71 euros au titre des heures supplémentaires

. 1 251,97 euros au titre des congés payés afférents

. 1 019,96 euros au titre du maintien du salaire pendant l'arrêt maladie

. 1 500 euros à titre d'indemnité de procédure



- ordonné la remise par la S.a.r.l. MATAYRON à Mme [L] des bulletins de salaire, attestation Pôle Emploi et certificat de travail conformes au jugement ;



- ordonné le remboursement par la S.a.r.l. MATAYRON à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées à la salariée, à concurrence de 6 mois ;



- condamné la S.a.r.l. MATAYRON aux dépens, recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle.



Par déclaration enregistrée au greffe de la Cour le 8 mars 2021, la S.a.r.l. MATAYRON a relevé appel de l'intégralité des dispositions du jugement, énumérées dans sa déclaration.



La procédure de mise en état a été clôturée par ordonnance du 6 janvier 2022.





MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :





I. Moyens et prétentions de la S.a.r.l. MATAYRON, appelante principale



Selon écritures enregistrées au greffe de la Cour le 4 juin 2021, expressément visées pour plus ample exposé des moyens et prétentions de l'appelante, la S.a.r.l. MATAYRON conclut à l'infirmation du jugement entrepris et demande à la Cour :



1°) de constater que le licenciement de Mme [L] repose sur une cause réelle et sérieuse en faisant valoir :



- que les allégations de Mme [L] relatives à une surcharge de travail, à des pressions de ses supérieurs hiérarchiques et au manquement de l'employeur à son obligation de sécurité ne reflètent nullement ses conditions de travail ;



- que Mme [L] opère une confusion entre amplitude horaire et durée du travail et produit des plannings qui ne sont que des outils d'organisation, susceptibles de variation ;



- qu'elle ne justifie ni de la violation par l'employeur de son obligation de sécurité, ni des pressions alléguées ;



- que le licenciement étant justifié, la demande en dommages et intérêts ne peut qu'être rejetée, ce d'autant que la salariée ne justifie pas du préjudice dont elle réclame réparation et de sa situation actuelle ;



2°) de constater qu'aucune heure supplémentaire n'est due à Mme [L] et de la débouter de la demande présentée à ce titre, celle-ci ne démontrant pas avoir effectué d'autres heures supplémentaires que celles payées, respectivement qu'elles auraient été réalisées à la demande de l'employeur, et produisant des plannings qui ne mentionnent pas les heures de pause, mais des heures de travail à une période où elle se trouvait en arrêt-maladie ;



3°) de constater qu'aucun rappel de salaire n'est dû à Mme [L] et de la débouter de la demande présentée à ce titre, celle-ci ne lui ayant jamais transmis un décompte précis d'indemnités journalières de sécurité sociale pour la période du 21 juillet 2018 au 23 juillet 2018 ;



4°) de condamner Mme [L] à lui rembourser les sommes versées dans le cadre de l'exécution provisoire du jugement ;



5°) de condamner Mme [L] aux dépens et au payement d'une indemnité de procédure de 1500 euros.



II. Moyens et prétentions de Mme [L], intimée sur appel principal



Selon dernières écritures enregistrées au greffe de la Cour le 23 août 2021, expressément visées pour plus ample exposé des moyens et prétentions de l'intimée, Mme [L] demande à la Cour de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et de condamner la S.a.r.l. MATAYRON aux dépens, en faisant valoir :



1°) que son inaptitude est d'origine professionnelle, dès lors qu'elle est la résultante des divers manquements de l'employeur qui ont provoqué la dégradation de ses conditions de travail et de son état de santé, générée par une surcharge de travail en raison d'un manque important de personnel, et de la violation par l'employeur de son obligation de sécurité, celui-ci ayant instauré dans l'entreprise une ambiance générale dégradée qui a contribué à l'accident du travail dont elle a été victime le 21 juillet 2018 et qui n'a pris aucune mesure à la suite de ses faits, ni aucune sanction à l'égard du boucher qui l'avait menacé avec un couteau ;



- que compte tenu de son ancienneté, les premiers juges lui ont justement alloué une indemnité égale à 11,5 mois de salaire en réparation du préjudice résultant de la rupture du contrat de travail.



2°) que la lecture des feuilles de planning met en évidence qu'elle a effectué de nombreuses heures supplémentaires qui n'ont pas été intégralement rémunérées ;



- que c'est vainement que l'employeur soutient que ces plannings ne seraient que des outils d'organisation sans valeur probante ;

- que celui-ci est totalement défaillant dans la charge qui lui incombe de répondre aux éléments qu'elle avance ;

- qu'elle a tenu compte dans ses calculs des heures supplémentaires réglées par l'employeur ;



3°) qu'en application des dispositions de la convention collective du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire, elle devait percevoir durant son congé de maladie une indemnité égale à 100 % du salaire net pendant 35 jours et 90 % pendant 40 jours supplémentaires ;



- que compte tenu des indemnités journalières perçues et de l'avance de 500 euros versée par l'employeur, il lui reste due la somme de 1019, 96 euros, montant qui lui a été alloué par les premiers juges.



Mme [L] sollicite en outre la condamnation de la S.a.r.l. MATAYRON à payer à son conseil, Me VAISSIERE la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 -2° du code de procédure civile.






MOTIFS DE L'ARRÊT :





I . SUR L'EXÉCUTION DU CONTRAT DE TRAVAIL



A. Sur les heures supplémentaires



Aux termes de l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.



Si la preuve des horaires de travail effectués n'incombe ainsi spécialement à aucune des parties et si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande.



En l'espèce c'est par des motifs pertinents, qui ne sont pas utilement critiqués par l'appelante qui reprend devant la Cour une argumentation à laquelle le jugement a déjà parfaitement et complètement répondu, que le premier juge a justifié sa décision portant condamnation de la S.a.r.l. MATAYRON à verser à Mme [L] les sommes de 12 519,71 euros au titre des heures supplémentaires et 1 251,97 euros au titre des congés payés afférents.



Dès lors le jugement entrepris mérite confirmation de ce chef.





B. Sur le maintien du salaire



Pour solliciter l'infirmation de la condamnation à payer la somme de 1019,96 euros au titre du maintien du salaire net durant les 90 premiers jours d'arrêt-maladie et le rejet de cette prétention, la S.a.r.l. MATAYRON se borne à soutenir que malgré plusieurs rappels, Mme [L] ne lui a jamais adressé un décompte précis des indemnités journalières versées par la sécurité sociale et qu'à hauteur de Cour elle ne communique pas la preuve de l'envoi à l'employeur de son relevé d'indemnités journalières pour la période du 21 au 23 juillet 2018.



Cet argumentation est totalement dépourvue de pertinence dès lors que le retard éventuel de transmission invoqué n'aurait pour seule conséquence que de justifier un retard d'indemnisation au titre du maintien du salaire, mais non de dispenser l'employeur de celle-ci.



Dès lors que Mme [L] a régulièrement communiqué et produit en première instance, puis devant la Cour les relevés d'indemnités journalières qui lui ont été versées par la caisse primaire d'assurances maladie durant son congé-maladie, l'employeur est parfaitement en mesure de vérifier le montant réclamé et de constater qu'il est bien dû, étant d'ailleurs observé que le premier juge a noté dans sa décision que la S.a.r.l. MATAYRON ne contestait pas le devoir.



Par suite la confirmation de la condamnation de l'employeur à payer la somme de 1019,96 euros au titre du maintien du salaire net s'impose.





II . SUR LA RUPTURE DU CONTRAT DE TRAVAIL





Là encore, c'est par des motifs tout à faits pertinents et qui ne sont pas utilement contredits par l'appelant et que la Cour s'approprie, que le premier juge a retenu que le licenciement de Mme [L] était dépourvu de cause réelle et sérieuse et que le préjudice résultant de la rupture du contrat de travail serait justement réparé par l'allocation d'une indemnité de 22 022,50 euros.



Le jugement entrepris sera donc également confirmé de ce chef.









III . SUR LES FRAIS NON-REPETIBLES ET LES DÉPENS



La S.a.r.l. MATAYRON, qui succombe ne peut bénéficier des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et devra supporter les entiers dépens.



Par contre il apparaît équitable de faire application des dispositions de l'article 700-2° du code de procédure civile qui prévoit que le juge peut condamner la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle partielle ou totale une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide et que dans ce cas, il est procédé comme il est dit aux alinéas 3 et 4 de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.



Mme [L] bénéficiant de l'aide juridictionnelle totale selon décision du bureau d'aide juridictionnelle du 4 juin 2021, il y a lieu de condamner l'appelant à payer à Me Vaissiere, conseil de Mme [L], une somme de 2000 euros.





PAR CES MOTIFS :



La Cour, statuant contradictoirement, par arrêt prononcé par sa mise à disposition au greffe et en dernier ressort,



CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions,



y ajoutant,



DÉBOUTE la S.a.r.l. MATAYRON de sa demande en payement d'une indemnité de procédure,



CONDAMNE le S.a.r.l. MATAYRON aux entiers dépens d'appel,



CONDAMNE la S.a.r.l. MATAYRON à payer à Me Vaissiere une somme de 2 000 euros par application de l'article 700-2° du code de procédure civile,



RAPPELLE que si Maître Vaissiere recouvre tout ou partie de cette somme, elle renonce à percevoir à due concurrence la part contributive de l'Etat.



Le présent arrêt a été signé par Benjamin FAURE, conseiller faisant fonction de président et Chloé ORRIERE, greffier.



LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.