10 mai 2022
Cour d'appel d'Agen
RG n° 21/00228

CHAMBRE SOCIALE

Texte de la décision

ARRÊT DU

10 MAI 2022



NE / CO



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N° RG 21/00228 -

N° Portalis DBVO-V-B7F-C3UH

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Association CHEMIN DE FER TOURISTIQUE DU PAYS DE L'ALBRET





C/





[X] [P]





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Grosse délivrée

le :



à

ARRÊT n° 52 /2022







COUR D'APPEL D'AGEN

Chambre Sociale







Prononcé par mise à disposition au greffe de la cour d'appel d'Agen conformément au second alinéa des articles 450 et 453 du code de procédure civile le dix mai deux mille vingt deux par Benjamin FAURE, conseiller faisant fonction de président assisté de Chloé ORRIERE, greffier



La COUR d'APPEL D'AGEN, CHAMBRE SOCIALE, dans l'affaire



ENTRE :



L'ASSOCIATION CHEMIN DE FER TOURISTIQUE DU PAYS DE L'ALBRET prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège social :

[Adresse 1]

[Adresse 1]



Représentée par Me Hélène GUILHOT, avocat inscrit au barreau d'AGEN







APPELANTE d'un jugement du conseil de prud'hommes - formation paritaire d'AGEN en date du 02 février 2021 dans une affaire enregistrée au rôle sous le n° R.G. 19/00056



d'une part,



ET :



[X] [P]

né le 06 mai 1961 à [Localité 4]

demeurant [Adresse 2]

[Adresse 2]



Représenté par Me Gwenaël PIERRE, avocat inscrit au barreau d'AGEN



(bénéficiaire d'une aide juridictionnelle totale numéro 2021/001069 du 02/04/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle d'AGEN)





INTIMÉ



d'autre part,





A rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause a été débattue et plaidée en audience publique le 01 mars 2022 sans opposition des parties devant Pascale FOUQUET, conseiller faisant fonction de président de chambre et Nelly EMIN, conseiller, assistés de Chloé ORRIERE, greffier. Les magistrats en ont, dans leur délibéré rendu compte à la cour composée, outre eux-mêmes, de Benjamin FAURE, conseiller, en application des dispositions des articles 945-1 et 805 du code de procédure civile et il en a été délibéré par les magistrats ci-dessus nommés, les parties ayant été avisées de la date à laquelle l'arrêt serait rendu..






* *

*



FAITS ET PROCÉDURE



Le 9 avril 2018, l'association Chemin de Fer Touristique du Pays de l'Albret a signé avec Monsieur [P] et le référent du suivi personnalisé de Pôle Emploi Maubeuge Pasteur une demande d'aide pour le compte de l'Etat dans le cadre d'un Contrat Unique d'Insertion (CUI).



Le 11 avril 2018, l'association Chemin de Fer Touristique du Pays de l'Albret et Monsieur [P] ont signé un contrat d'accompagnement à l'emploi (CAE) à durée déterminée du 1er mai 2018 jusqu'au 30 avril 2019.



Le 23 juin 2018, l'association a mis fin au contrat de travail, au motif qu'elle n'avait pas reçu l'aide à l'insertion professionnelle associée à ce type de contrat.



Par requête déposée au greffe le 20 septembre 2018, Monsieur [P] a saisi le conseil des prud'hommes d'Agen, en référé, contestant la rupture de son contrat et sollicitant notamment la condamnation de l'association à lui verser :

- la somme de 6 700.00 euros de dommages et intérêts pour rupture anticipée du contrat à durée déterminée

- la somme de 1 340.00 euros de dommages et intérêts pour préjudice moral

- la somme de 670.00 euros au titre de l'indemnité de congés payés

- la somme de 206.00 euros au titre des salaires dus pour la période du 23 juin au 30 juin 2016.



Par ordonnance du 21 novembre 2018, la formation de référé du conseil des prud'hommes d'Agen, relevant l'existence d'une contestation sérieuse, a débouté les parties de leurs demandes et les a renvoyées à se pourvoir devant le juge au fond.



Par requête enregistrée au greffe le 23 mai 2019, contestant toujours la rupture du contrat, Monsieur [P] a saisi le conseil des prud'hommes d'Agen de demandes en dommages et intérêts pour rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée, pour préjudice moral et en paiement de congés payés sur salaire du 1er mai 2018 au 30 avril 2019.



Par jugement du 02 février 2021, le conseil des prud'hommes d'Agen a :



- dit que le contrat de travail à durée déterminée de Monsieur [P] a été rompu de manière anticipée et abusivement

- condamné l'association Chemin de Fer Touristique du Pays de l'Albret à payer à Monsieur [P] les sommes suivantes :

.

6 912.00 euros nets au titre des dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat à durée déterminée

. 670.00 euros au titre des congés payés sur la période du 1er mai 2018 au 30 avril 2019

. 1 340.00 euros nets au titre des dommages et intérêts pour préjudice moral

- débouté l'association Chemin de Fer Touristique du Pays de l'Albret de l'ensemble de ses demandes

- condamné l'association Chemin de Fer Touristique du Pays de l'Albret aux entiers dépens.



Par déclaration du 3 mars 2021, l'association Chemin de Fer Touristique du Pays de l'Albret a relevé appel de la décision, énonçant les chefs de jugement critiqués.



L'ordonnance de clôture est en date du 06 janvier 2022.



L'affaire a été fixée pour être plaidée à l'audience du 1er mars 2022.





PRÉTENTIONS ET MOYENS



Suivant uniques conclusions en date du 26 mai 2021, auxquelles il est expressément renvoyé pour plus ample exposé des moyens et de l'argumentation, l'association Chemin de Fer Touristique du Pays de l'Albret demande à la cour de :



. infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a :

- jugé que le contrat de travail à durée déterminée de Monsieur [P] a été rompu de manière anticipée et abusivement

- l'a condamnée à payer à Monsieur [P] les sommes suivantes :

* 6 912.00 euros nets au titre des dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat à durée déterminée

* 670.00 euros au titre des congés payés sur la période du 1er mai 2018 au 30 avril 2019

* 1 340.00 euros nets au titre des dommages et intérêts pour préjudice moral

- l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes

- l'a condamnée aux entiers dépens.



. Statuant à nouveau,

- juger de la nullité du contrat souscrit entre elle et Monsieur [P]

- juger de la régularité de la rupture du contrat notifié le 23 juin 2018 à Monsieur [P]

- débouter Monsieur [P] de l'intégralité de ses demandes

- condamner Monsieur [P] à lui verser la somme de 1 000.00 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, outre la somme de 1 000.00 euros au titre des frais irrépétibles d'appel.



Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir que :



- l'obtention de l'aide à l'insertion professionnelle est une condition sine qua non pour l'obtention d'un contrat aidé, et à défaut, le contrat se retrouve dépourvu de tout objet voire de toute cause et ne peut exister,

- en l'espèce, une telle aide n'a jamais été octroyée, car Monsieur [P] n'a jamais été considéré comme bénéficiaire d'une telle aide,

- son consentement a été vicié par cette erreur car si elle avait eu connaissance de l'absence d'aide professionnelle, elle n'aurait pu embaucher Monsieur [P],

- aucune faute ne saurait lui être reprochée puisqu'on lui avait indiqué que les démarches devaient être réalisées auprès du Pôle Emploi du lieu de résidence du salarié à embaucher lequel, au moment de la conclusion des contrats, résidait à [Localité 4],

- seul Pôle Emploi du Nord qui a spontanément accepté d'établir, de valider et de signer la convention d'aide financière afférente au contrat sans jamais la renvoyer vers Pôle Emploi Agen a commis une erreur.





Suivant uniques conclusions du 27 juillet 2021, auxquelles il est expressément renvoyé pour plus ample exposé des moyens et de l'argumentation, Monsieur [P] demande à la cour de :



- confirmer en toutes ses dispositions le jugement prononcé le 2 février 2021 par le conseil des prud'hommes d'Agen

- débouter l'association Chemin de Fer Touristique du Pays de l'Albret de toutes ses demandes, fins et conclusions

- condamner l'association aux entiers dépens.



Au soutien de ses prétentions, il fait valoir que :



- il apparaît clairement du courrier de Pôle Emploi Hauts de France qu'il produit, qu'il était tout à fait éligible à un contrat CUI CAE et, bien plus, le Pôle Emploi avait d'ores et déjà validé le projet de contrat à venir avec l'association Chemin de Fer,

- l'employeur a effectué des démarches auprès du Pôle Emploi du Hauts de France, alors qu'il était nécessaire d'effectuer la démarche auprès du Pôle Emploi d'Agen, puisque l'entreprise se trouve effectivement dans le département du Lot et Garonne,

- il suffisait à l'Association Chemin de Fer Touristique du Pays de l'Albret de renvoyer la demande d'aide financière auprès du Pôle Emploi d'Agen, ce qu'elle n'a pas fait, se contentant de le licencier,

- le contrat de travail avait été régulièrement formé, les relations de travail s'étant poursuivies jusqu'au 23 juin 2018, l'association Chemin de Fer Touristique du Pays de l'Albret ne pouvait donc, selon l'adage « nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude », invoquer une erreur, qui est de son fait, puisqu'elle n'a pas effectué les démarches auprès du Pôle Emploi de son département.






MOTIFS DE LA DÉCISION



L' article L. 5134-24 du code du travail dispose que le contrat de travail, associé à une aide à l'insertion professionnelle attribuée au titre d'un contrat d'accompagnement dans l'emploi, est un contrat de travail de droit privé, soit à durée déterminée, conclu en application de l'article L. 1242-3, soit à durée indéterminée. Il porte sur des emplois visant à satisfaire des besoins collectifs non satisfaits.



Le salarié, embauché dans ce cadre, perçoit un salaire au moins égal au SMIC horaire et bénéficie d'un accompagnement à l'insertion professionnelle tandis que l'employeur bénéficie pour sa part d'une aide de l'État et d'une exonération de cotisations patronales.



Préalablement à la signature du contrat, un formulaire spécial doit être rempli par l'employeur et le salarié candidat. Le prescripteur du contrat (l'État ou le conseil général) signe ensuite le document, sa signature valant décision d'attribution. L'embauche ne doit pas avoir lieu avant la décision d'attribution de l'aide .

Une fois l'aide attribuée, le contrat de travail peut être établi entre l'employeur et le bénéficiaire.



Aux termes de l'article L. 1243-1 du code du travail, « sauf accord des parties, le contrat de travail à durée déterminée ne peut être rompu avant l'échéance du terme qu'en cas de faute grave, de force majeure ou d'inaptitude constatée par le médecin du travail ».



En l'espèce, le formulaire de demande d'aide a été signé par l'employeur, le candidat Monsieur [P], et le représentant de Pôle emploi Maubeuge Pasteur le 9 avril 2018 et l'embauche de Monsieur [P] a été réalisée postérieurement par la signature du contrat de travail à durée déterminée le 11 avril 2018.





Pour justifier la rupture du contrat de travail en raison de l'absence d'aide de l'Etat, l'Association Chemin de Fer Touristique du Pays de l'Albret se prévaut d'un mail laconique du conseiller Pôle Emploi ayant signé le formulaire d'aide ainsi rédigé «le dossier doit être repris en main (création d'un nouveau cerfa) par l'agence d'[Localité 3] en raison de la non prise en charge de l'asp du nord!.... vous devriez prendre contact avec l'agence d'[Localité 3]».



Il ne saurait se déduire de ce simple mail que Monsieur [P] ne bénéficiait pas de l'aide de l'Etat liée à la conclusion du contrat de travail et que dès lors, ce contrat de travail serait sans objet ou sans cause. Seule la prise en charge par l'agence de service et de paiement du Nord pouvait être remise en cause mais non le principe du bénéfice de l'aide consentie par Pôle Emploi, service national.



La cour observe que ce principe était d'autant plus acquis que Monsieur [P] produit un courrier de Pôle emploi Hauts de France du 22 mars 2018 lui signifiant « Suite à notre entretien vous avez été sélectionné sur un poste d'agent exploitation ferroviaire à [Localité 5], le poste en CDD est en fait sous parcours emploi Compétences, l'employeur s'engage à vous former en mécanique et en navigation. Une embauche est prévue au terme (petit train touristique du pays d'albret)».

Il appartenait dès lors à l'employeur de contacter le Pôle Emploi d'Agen afin de percevoir l'aide liée au contrat signé et dont l'attribution était acquise par la signature du formulaire cerfa le 9 avril 2018.



Enfin, aucun vice du consentement ne saurait être retenu, l'employeur ne justifiant nullement du mauvais conseil qu'il prétend avoir reçu quant au Pôle Emploi territorialement compétent, et le principe de l'aide n'étant pas remis en cause.



Force est de constater que la rupture ne résulte d'aucun des cas admis par l'article L. 1243-1 du code du travail et que dès lors cette rupture doit être jugée abusive.



En conséquence, la décision de première instance sera confirmée.



Le conseil des prud'hommes d'Agen a fait une juste appréciation du montant des dommages et intérêts et des sommes dues au titre des congés payés par des motifs pertinents que la cour adopte, en considérant la perte des rémunérations jusqu'au terme du contrat et la perte de chance d'acquérir des compétences et une qualification pour obtenir un emploi pérenne.



Sur les dépens et les frais irrépétibles



L'Association Chemin de Fer Touristique du Pays de l'Albret succombant, il y a lieu de la débouter de sa demande en condamnation de Monsieur [P] à lui verser la somme de 1000.00 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, de confirmer la décision du conseil des prud'hommes qui l'a condamnée aux dépens de première instance et de la condamner aux dépens de la procédure d'appel.





PAR CES MOTIFS



La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe et en dernier ressort,



CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,



DÉBOUTE l'Association Chemin de Fer Touristique du Pays de l'Albret de sa demande en application de l'article 700 du code de procédure civile,



CONDAMNE l'Association Chemin de Fer Touristique du Pays de l'Albret aux dépens de la procédure d'appel.



Le présent arrêt a été signé par Benjamin FAURE, conseiller faisant fonction de président et Chloé ORRIERE, greffier.



LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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