21 avril 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-14.408

Chambre sociale - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2022:SO00510

Texte de la décision

SOC.

OR



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 21 avril 2022




Cassation partielle


Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 510 F-D

Pourvoi n° Z 20-14.408




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 21 AVRIL 2022

La société Vulcain, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Z 20-14.408 contre l'arrêt rendu le 29 janvier 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 4), dans le litige l'opposant à M. [E] [J], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Pietton, conseiller, les observations de la SARL Ortscheidt, avocat de la société Vulcain, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [J], après débats en l'audience publique du 8 mars 2022 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Pietton, conseiller rapporteur, M. Barincou, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 29 janvier 2020), engagé le 1er juillet 2009 en qualité d'ingénieur commercial par la société Vulcain, M. [J] a été licencié le 17 juillet 2014 pour insuffisance professionnelle et faute grave.

2. Contestant son licenciement, le salarié a saisi la juridiction prud'homale.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

3. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire que le licenciement du salarié était sans cause réelle et sérieuse et de le condamner à lui payer une somme à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors « qu'en se bornant à affirmer que la faute grave reprochée au salarié dans la lettre de licenciement n'était pas démontrée ‘'pas plus qu'une cause réelle et sérieuse'‘, sans avoir précisé en quoi les griefs visés dans la lettre de licenciement pris de ‘'défit à l'autorité du supérieur hiérarchique direct, dénigrements et menaces au-delà de la liberté d'expression'‘ n'étaient pas au moins constitutifs d'une cause réelle et sérieuse de licenciement, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 1232-1 du code du travail et des articles L. 1232-6 et L. 1235-1 du code du travail, dans leur rédaction alors applicable. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 1232-6 dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 et l'article L. 1235-1 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 :

4. L'employeur, à condition de respecter les règles applicables à chaque cause de licenciement, peut invoquer dans les lettres de licenciement des motifs différents de rupture inhérents à la personne du salarié, dès lors qu'ils procèdent de faits distincts.

5. Pour dire que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt, après avoir rappelé que la lettre de licenciement visait deux cas de licenciement, une insuffisance professionnelle et une faute, et examiné les éléments de fait et de preuve versés au débat, retient que si le grief d'insuffisance professionnelle est établi, celui fondé sur une faute grave n'est pas démontré et fait droit à la demande du salarié en paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

6. En se déterminant ainsi, après avoir constaté que le motif d'insuffisance professionnelle était établi, sans rechercher si ce motif ne pouvait constituer une cause sérieuse de licenciement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

Portée et conséquence de la cassation

7. La cassation prononcée n'atteint ni les chefs de dispositif confirmant le jugement rendu le 5 juin 2018 en ce qu'il dit que le licenciement ne repose pas sur une faute grave, condamne l'employeur à payer au salarié diverses sommes au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, des congés payés afférents, de l'indemnité de licenciement, de l'indemnité compensatrice de congés payés, ni les chefs de dispositif condamnant l'employeur à payer au salarié diverses sommes à titre de rappel de salaires et de congés payés afférents, rejetant la demande du salarié en paiement de dommages-intérêts pour préjudice financier et condamnant l'employeur à lui remettre, sans astreinte, un bulletin de salaire récapitulatif, un certificat de travail et une attestation Pôle emploi conformes à la décision et ceux relatifs aux dépens et à l'application de l'article 700 du code de procédure civile qui ne sont pas dans un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit le licenciement de M. [J] sans cause réelle et sérieuse et condamne la société Vulcain à payer à M. [J] la somme de 38 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt rendu le 29 janvier 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne M. [J] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes.

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un avril deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SARL Ortscheidt, avocat aux Conseils, pour la société Vulcain

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que licenciement de M. [J] était sans cause réelle et sérieuse et d'avoir condamné la société Vulcain à payer à M. [J] la somme de 38.000 € de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, outre intérêts légaux ;

AUX MOTIFS QUE la lettre de licenciement datée du 17 juillet 2014 vise deux cas de licenciement : une insuffisance professionnelle et une faute grave ; 1°) L'insuffisance professionnelle alléguée repose sur la non-atteinte des objectifs, le mécontentement des clients, le non-respect des obligations professionnelles et des consignes élémentaires ainsi que des évaluations négatives ; que l'employeur démontre que le salarié a suivi une formation e-learning (pièce n°31) puis a été soumis à des tests en 2011 et 2012 (pièce n°36) dont les résultats étaient bons ; que les bilans annuels sont produits pour les années 2009 à 2012 (pièces n°18 à 21) et font état d'un démarrage insatisfaisant en 2009, une année globalement insatisfaisante en 2010, des résultats trop irréguliers en 2011 avec une auto-évaluation au titre des résultats atteints qualifiée d'insatisfaisant et un même bilan pour l'année 2012 ; que sur les 6 critères d'objectifs différents, sur ces quatre années, l'employeur démontre que le salarié n'a pas atteint les objectifs que 6 fois sur 24 objectifs possibles ; que parmi les commerciaux, le salarié se place dernier en 2011 et 2013 et avant-dernier en 2012 ; que ce classement se poursuit pour les critères de renouvellement en ligne, de prise d'ordre et de résultat de lignes mobiles ; qu'il est également relevé un effondrement du résultat sur les quatre premiers mois de 2014 et un nombre important de résiliation sur la même période (227 en mars 2014), d'où une perte importante de client ; que de plus, l'employeur se réfère au mécontentement de cinq clients consécutif aux carences du salarié pour les clients Linedata, Akuo, Sofratherm et Komet ; que face à ces éléments probants, le salarié ne démontre pas le caractère irréaliste des objectifs fixés, même en présence d'une hausse des objectifs pour 2014 et ses explications n'emportent pas conviction contrairement aux éléments de preuve susvisés ; que le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a retenu une insuffisance professionnelle ; 2°) Pour la faute grave, il est reproché au salarié d'avoir défié l'autorité de son supérieur hiérarchique direct, des dénigrements et menaces au-delà de la liberté d'expression ; qu'il appartient à l'employeur qui s'en prévaut de démontrer la faute grave alléguée à l'appui du licenciement ; qu'en l'espèce, les mails produits (pièces n°4, 29 et 30) ne caractérisent pas un défi à l'autorité du supérieur hiérarchique direct ni des dénigrements ou des menaces au regard du ton employé et des propos tenus ; que la faute grave n'est pas démontrée, pas plus qu'une cause réelle et sérieuse, ce qui implique d'infirmer le jugement sur ce point ; que cette décision qui a retenu l'existence d'une cause réelle et sérieuse, sera confirmée sur les montants des indemnités compensatrice de préavis, des congés payés afférents et de l'indemnité de licenciement ; que sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse le montant sera fixé, au regard de l'ancienneté du salarié et du salaire mensuel moyen de 4.416,30 €, à la somme de 38.000 € ; que la mise à pied du 4 juin 2014 (pièce n°2) ne peut être annulée faute de motif de nullité démontrée ; que si le prononcé d'une mise à pied à titre conservatoire n'implique pas nécessairement que le licenciement prononcé ultérieurement présente un caractère disciplinaire, force est de constater que la faute grave n'a pas été retenue et que le licenciement visant deux motifs distinct est sans cause réelle et sérieuse ; que la seule insuffisance professionnelle ne permettant pas l'impossibilité du maintien du salarié dans l'entreprise pendant la période du préavis, cette mise à pied ne peut produire effet ;

1°) ALORS QU'à condition de respecter les règles de procédure applicables à chaque cause de licenciement, l'employeur peut invoquer dans la lettre de licenciement des motifs différents de rupture inhérents à la personne du salarié, dès lors qu'ils procèdent de faits distincts ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, après avoir rappelé que la lettre de licenciement du 17 juillet 2014 visait deux cas de licenciement, une insuffisance professionnelle et une faute, a estimé que l'insuffisance professionnelle était établie, mais a déclaré le licenciement sans cause réelle et sérieuse au motif « qu'une faute grave n'était pas démontrée pas plus qu'une cause réelle et sérieuse » et que « le licenciement visant deux motifs distincts était sans cause réelle et sérieuse » ; qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 1232-6 et L. 1235-1 du code du travail, dans leur rédaction applicable au litige ;

2°) ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QU'en retenant que l'insuffisance professionnelle reprochée à M. [J] dans la lettre de licenciement du 17 juillet 2014 était établie et en se bornant à affirmer que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse, sans motiver davantage sa décision, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3°) ALORS, SUBSIDAIREMENT, QU'en se bornant à affirmer que la faute grave reprochée au salarié dans la lettre de licenciement n'était pas démontrée « pas plus qu'une cause réelle et sérieuse », sans avoir précisé en quoi les griefs visés dans la lettre de licenciement pris de « défit à l'autorité du supérieur hiérarchique direct, dénigrements et menaces au-delà de la liberté d'expression » n'étaient pas au moins constitutifs d'une cause réelle et sérieuse de licenciement, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 1232-1 du code du travail et des articles L. 1232-6 et L. 1235-1 du code du travail, dans leur rédaction alors applicable ;

4°) ALORS, ENCORE PLUS SUBSIDAIREMENT, QU'en se bornant, pour fixer à près de neuf mois de salaire le montant des dommages et intérêts alloués à M. [J] pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, à se référer à l'ancienneté du salarié et à son salaire moyen, et en statuant ainsi par une motivation de pure forme, sans préciser davantage sa décision, la cour d'appel a privé celle-ci de base légale au regard des articles L.1235-1 et L. 1235-3 du code du travail, dans leur rédaction alors applicable.

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