13 avril 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-16.747

Chambre commerciale financière et économique - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2022:CO00257

Texte de la décision

COMM.

FB



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 13 avril 2022




Rejet


M. RÉMERY, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 257 F-D

Pourvoi n° S 20-16.747




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 13 AVRIL 2022

1°/ La société Allianz IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1],

2°/ la société Triadis services, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 6],

ont formé le pourvoi n° S 20-16.747 contre l'arrêt rendu le 23 avril 2020 par la cour d'appel de Versailles (12e chambre), dans le litige les opposant :

1°/ à la société VDM Ouest, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2],

2°/ à la société Siemens, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 3],

3°/ à la société HDI Global SE, dont le siège est [Adresse 5]), société de droit étranger, dont l'établissement en France est [Adresse 4], venant aux droits de la société HDI Gerling,

défenderesses à la cassation.

Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Guillou, conseiller, les observations de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat des sociétés Allianz IARD et Triadis services, de la SCP L. Poulet-Odent, avocat des sociétés Siemens et HDI Global SE, de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société VDM Ouest, après débats en l'audience publique du 1er mars 2022 où étaient présents M. Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Guillou, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller, et Mme Mamou, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 23 avril 2020), la société Triadis services (la société Triadis), assurée auprès de la société Allianz IARD (la société Allianz), exploite une unité de stockage, de tri et traitement de déchets.

2. Par contrat du 20 juin 2011, la société Triadis a confié la maintenance de son système de détection et d'extinction d'incendie à la société Siemens, assurée auprès de la société HDI Global, venant aux droits de la société HDI Gerling.

3. En 2011, la société Triadis a confié l'installation d'un système de télétransmission permettant un report d'alarme à la société Ellitel qui a sous-traitée à la société VDM Ouest sa mise en service, laquelle a eu lieu le 1er septembre 2011.

4. Le 4 février 2012, le système d'extinction d'incendie s'est déclenché par erreur, provoquant l'ouverture des vannes du poste de déluge et le déversement des eaux d'extinction, lequel a duré plusieurs heures en raison de la défaillance du système de télétransmission d'alarmes.

5. Après expertise, les sociétés Triadis et Allianz ont assigné les sociétés VDM Ouest, Siemens et HDI Gerling en réparation des préjudices subis.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

6. Les sociétés Triadis et Allianz font grief à l'arrêt de dire que la société Siemens n'est pas responsable de l'ouverture des vannes du poste de déluge, de dire que la société Siemens est responsable à hauteur de 85 % du dommage résultant de l'aggravation du sinistre du fait du déversement d'importants volumes d'eau dans le site appartenant à la société Triadis, de condamner in solidum les sociétés Siemens et HDI Gerling, cette dernière dans la limite de la franchise applicable, à payer à la société Allianz IARD la somme de 254 319,15 euros en réparation de son préjudice, et de débouter la société Triadis et la société Allianz IARD de leurs demandes en paiement des frais consécutifs à l'encontre de la société VDM Ouest et de la société Siemens, respectivement concernant le déclenchement fortuit de l'alarme et l'ouverture du poste de déluge, alors « que l'installateur d'un système d'alarme est tenu d'une obligation de résultat pour ce qui concerne le fonctionnement de cette alarme ; qu'en l'espèce, la société VDM Ouest, sous-traitante de la société Elitel, a installé un système de télétransmission d'alarme incendie dans une usine de stockage et de traitement de déchets exploitée par la société Triadis ; que le 4 février 2012, le système d'extinction automatique d'incendie, qui déverse de l'eau chargée de produit moussant, s'est fortuitement déclenché, ce qui a provoqué l'inondation des locaux de la société Triadis et a ainsi causé des dommages matériels dans l'usine ; que le système de télétransmission d'alarme incendie installé par la société VDM Ouest ne s'est pas déclenché, ce qui a allongé le délai nécessaire pour arrêter l'écoulement de l'eau et a accru l'importance des dégâts ; qu'en déboutant la société Triadis et la société Allianz IARD de leur action en responsabilité délictuelle dirigée contre la société VDM Ouest aux motifs inopérants que la preuve d'une faute de cette dernière n'était pas suffisamment rapportée, tandis que la violation d'une obligation de résultat, caractérisée par le dysfonctionnement du système de télétransmission d'alarme incendie, emportait une présomption de faute de son installateur, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

7. L'arrêt retient que l'installation fonctionnait de manière satisfaisante le 1er septembre 2011, ainsi que cela résulte des tests de transmission téléphonique réalisés à 16h40 et 16h59 et que la société VDM Ouest, qui avait achevé sa mission d'installation et n'était chargée d'aucun contrat d'entretien ou de maintenance, n'est plus intervenue sur celle-ci ultérieurement. Il retient encore que l'entretien ou la maintenance supposaient l'intervention d'une entreprise tierce pour ces opérations, de sorte que la transmission du code à quatre chiffres était nécessaire à toute opération sur l'installation, et que l'expert a indiqué ne pas pouvoir se prononcer sur l'origine des défauts de programmation constatés le jour du sinistre.

8. De ces constatations et appréciations, la cour d'appel a pu déduire que la société VDM Ouest avait rempli son obligation de mise en service de l'installation, et n'était pas responsable de la déprogrammation ultérieure de celle-ci, les hypothèses émises étant insuffisantes à caractériser l'existence d'une faute imputable à cette société.

9. Le moyen n'est donc pas fondé.

Et sur le moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

10. Les sociétés Triadis et Allianz font le même grief à l'arrêt, alors « qu'une société chargée de la maintenance d'un système de détection et d'extinction d'incendie est tenue d'une obligation de résultat pour ce qui concerne son fonctionnement ; qu'en l'espèce, la société Siemens était chargée de la maintenance du système de détection et d'extinction d'incendie de l'usine exploitée par la société Triadis ; que le 4 février 2012, ce système s'est fortuitement déclenché, ce qui a provoqué l'inondation des locaux de la société Triadis et a ainsi causé des dommages matériels ; que la cour d'appel a débouté les sociétés Triadis et Allianz IARD d'une partie de leurs demandes indemnitaires dirigées contre la société Siemens, au motif inopérant de l'absence de preuve d'un manquement de cette dernière à son obligation de s'assurer que toutes les fonctions du système de sécurité incendie étaient correctement remplies ; qu'en statuant de la sorte, tandis que la violation d'une obligation de résultat par la société Siemens, caractérisée par le dysfonctionnement du système de détection et d'extinction incendie, emportait une présomption de faute à son égard, en lien causal avec le préjudice de la société Triadis, assurée par la société Allianz IARD, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

11. L'arrêt retient que le seul fait que le pressostat soit défaillant le 4 février 2012 est insuffisant à démontrer que la société Siemens a omis de contrôler son fonctionnement ou de déceler son dysfonctionnement lors de sa dernière visite du 6 décembre 2011, le dysfonctionnement s'étant produit de manière inopinée deux mois après la dernière visite. Il retient encore que la société Siemens a indiqué dans son rapport laisser l'installation en ordre de marche, même s'il existait un risque d'échec dont on ignore la teneur et l'impact éventuel, l'expert et les parties n'ayant pas poursuivi leurs recherches quant à la signification de cette mention, et que l'on ignore tout de la nature et de l'ampleur du risque et de son éventuel lien causal avec l'ouverture intempestive des vannes du poste de déluge. Il ajoute que si l'expert s'étonne que la société Siemens ne soit pas intervenue pour corriger les insuffisances graves constatées, il ne décrit pas ces insuffisances et ne précise pas en quoi elles présentaient une quelconque gravité éventuellement en lien avec l'ouverture des vannes. L'arrêt retient enfin que l'expert n'a pas été en mesure de déterminer l'origine précise des désordres.

12. De ces constatations et appréciations, la cour d'appel a pu déduire qu'il n'était pas établi que la société Siemens avait commis un manquement en lien de causalité avec le dommage résultant de l'ouverture intempestive des vannes du poste du déluge.

13. Le moyen n'est pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne les sociétés Allianz IARD et Triadis services aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par les sociétés Allianz IARD et Triadis services et les condamne à payer à la société VDM Ouest la somme de 3 000 euros et aux sociétés Siemens et HDI Global la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du treize avril deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat aux Conseils, pour les sociétés Allianz IARD et Triadis services.

La société Triadis Services et son assureur la société Allianz IARD font grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la société Siemens n'était pas responsable de l'ouverture des vannes du poste de déluge, d'avoir dit que la société Siemens était responsable à hauteur de 85% du dommage résultant de l'aggravation du sinistre du fait du déversement d'importants volumes d'eau dans le site appartenant à la société Triadis, d'avoir condamné in solidum les sociétés Siemens et HDI Gerling, cette dernière dans la limite de la franchise applicable, à payer à la société Allianz IARD la somme de 254.319,15 € en réparation de son préjudice, et d'avoir débouté la société Triadis et la société Allianz IARD de leurs demandes en paiement des frais consécutifs à l'encontre de la société VDM Ouest et de la société Siemens, respectivement concernant le déclenchement fortuit de l'alarme et l'ouverture du poste de déluge ;

1°) Alors que l'installateur d'un système d'alarme est tenu d'une obligation de résultat pour ce qui concerne le fonctionnement de cette alarme ; qu'en l'espèce, la société VDM Ouest, sous-traitante de la société Elitel, a installé un système de télétransmission d'alarme incendie dans une usine de stockage et de traitement de déchets exploitée par la société Triadis ; que le 4 février 2012, le système d'extinction automatique d'incendie, qui déverse de l'eau chargée de produit moussant, s'est fortuitement déclenché, ce qui a provoqué l'inondation des locaux de la société Triadis et a ainsi causé des dommages matériels dans l'usine ; que le système de télétransmission d'alarme incendie installé par la société VDM Ouest ne s'est pas déclenché, ce qui a allongé le délai nécessaire pour arrêter l'écoulement de l'eau et a accru l'importance des dégâts ; qu'en déboutant la société Triadis et la société Allianz IARD de leur action en responsabilité délictuelle dirigée contre la société VDM Ouest aux motifs inopérants que la preuve d'une faute de cette dernière n'était pas suffisamment rapportée, tandis que la violation d'une obligation de résultat, caractérisée par le dysfonctionnement du système de télétransmission d'alarme incendie, emportait une présomption de faute de son installateur, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

2°) Alors qu' une société chargée de la maintenance d'un système de détection et d'extinction d'incendie est tenue d'une obligation de résultat pour ce qui concerne son fonctionnement ; qu'en l'espèce, la société Siemens était chargée de la maintenance du système de détection et d'extinction d'incendie de l'usine exploitée par la société Triadis ; que le 4 février 2012, ce système s'est fortuitement déclenché, ce qui a provoqué l'inondation des locaux de la société Triadis et a ainsi causé des dommages matériels ; que la cour d'appel a débouté les sociétés Triadis et Allianz IARD d'une partie de leurs demandes indemnitaires dirigées contre la société Siemens, au motif inopérant de l'absence de preuve d'un manquement de cette dernière à son obligation de s'assurer que toutes les fonctions du système de sécurité incendie étaient correctement remplies (arrêt, p. 12 § 3) ; qu'en statuant de la sorte, tandis que la violation d'une obligation de résultat par la société Siemens, caractérisée par le dysfonctionnement du système de détection et d'extinction incendie, emportait une présomption de faute à son égard, en lien causal avec le préjudice de la société Triadis, assurée par la société Allianz IARD, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016.

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