19 février 2002
Cour d'appel de Paris
RG n° 2001/36869

Texte de la décision

N Répertoire Général : 01/36869 Sur appel d'un jugement du Conseil de Prud'hommes de Villeneuve Saint-Georges section encadrement du 24 septembre 2001 CONTRADICTOIRE 1ère page

COUR D'APPEL DE PARIS

18ème Chambre, section D

ARRET DU 19 FEVRIER 2002

(N , pages) PARTIES EN CAUSE 1 )

SOCIETE HORPHAG RESEARCH 71, avenue Louis Casa' PO Box 80 1216 COINTRIN GENEVE SUISSE APPELANTE représentée par Maître HERMANT, avocat au barreau de Paris (A147)

2 )

Monsieur Michel VAN X... 93, rue Paul Doumer 94520 MANDRES LES ROSES INTIME comparant assisté par Maître SAVIGNAT du cabinet GABORIT, avocat au barreau de Paris (P297) COMPOSITION DE LA COUR : Statuant en tant que Chambre Sociale Délibéré : Président



: Monsieur LINDEN Y...



: Monsieur Z...



: Madame PATTE A...



: Madame DESTRADE lors des débats DEBATS : A l'audience publique du 23 janvier 2002, Monsieur LINDEN, Magistrat chargé d'instruire l'affaire, a entendu les plaidoiries, les parties ou leurs conseils ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés. Il en a rendu compte à la Cour dans son délibéré. ARRET : contradictoire - prononcé publiquement par Monsieur LINDEN, Président, lequel a signé la minute avec Madame DESTRADE, greffier. FAITS ET PROCEDURE Le 20 juin 2000, la société Horphag Research a adressé à M.Van Hoegaerden le courrier suivant : Nous vous écrivons au nom de Horphag Research(UK) Limited (succursale de Genève) dans le but de confirmer les grandes lignes du




contrat de travail que nous allons mettre en place en votre faveur. - employeur : Horphag Research (UK) Limited (succursale de Genève). - salaire annuel : US $ 240 000 payable en 12 mensualités égales. - date de début de l'emploi : 1er août 2000 - lieu de travail : à votre domicile en France, - préavis de licenciement (sauf faute grave) : 6 mois. - période d'essai : 3 mois pendant lesquels vous avez le droit de démissionner avec effet immédiat. Pendant la période d'essai, une cessation de services initiée par l'employeur, sauf faute grave, vous donne droit à une indemnité de licenciement de six mois payable sur six mois. - charges sociales : régies et payées selon la loi française. - loi du contrat de travail : Suisse, - titre et fonction : "senior vice président, director of business development". Après vérification de divers aspects liés aux contrat de travail transfrontaliers, nous vous ferons parvenir un contrat définitif. Nous nous réjouissons de vous voir rejoindre l'équipe de Horphag". Par lettre du 27 juillet 2000, parvenue le 28 juillet et remise en mains propres le 2 août, la société Horphag Research, après avoir rappelé que la lettre du 20 juin 2000 n'avait pour but que de fixer les grandes lignes d'un éventuel contrat de travail qui n'avait pu être mis au point, a fait connaître à M.Van Hoegaerden qu'il était inutile qu'il se présente pour prendre ses fonctions ; ce dernier s'est néanmoins rendu à cette fin le 2 août à Genève ; il lui a été indiqué que la relation de travail était rompue. Saisi à la requête de M.Van Hoegaerden, le conseil de prud'hommes de Villeneuve-Saint-Georges a, par jugement du 24 septembre 2001, dit que les parties étaient liées par un contrat et condamné la société Horphag Research à payer au salarié : - 834 000 F à titre d'indemnité de salaire ; - 278 000 F à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive de promesse d'embauche ; - 2 500 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. La société Horphag Research a



interjeté appel. La Cour se réfère aux conclusions des parties, visées par le greffier, du 23 janvier 2001. Les parties ont été invitées à présenter leurs observations sur la portée des dispositions de la Convention de Rome du 19 avril 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles. MOTIVATION Sur la loi applicable La solution du présent litige est liée au point de savoir si les parties étaient ou non liées par un contrat, lequel est un contrat de travail, et, dans la négative, par une promesse d'engagement de la part de la société Horphag Research. La loi applicable aux relations entre les parties doit être déterminée au regard des dispositions de la Convention de Rome du 19 juin 1980, applicables, en vertu de l'article 1er de ce texte, dans les situations comportant un conflit de lois, aux obligations contractuelles ; en effet, aux termes de l'article 8 de la Convention, l'existence et la validité du contrat ou d'une disposition de celui-ci sont soumises à la loi qui serait applicable en vertu de la Convention si le contrat ou la disposition étaient valables. En vertu de l'article 2 de celle-ci, la loi désignée par la Convention s'applique même si cette loi est celle d'un État non contractant. Selon les articles 3.1, 3.3 et 6.1 de la Convention, le contrat est régi par la loi choisie par les parties ; le choix par les parties d'une loi étrangère ne peut, lorsque tous les autres éléments de la situation sont localisés au moment de ce choix dans un seul pays, porter atteinte aux dispositions auxquelles la loi de ce pays ne permet pas de déroger par contrat, dénommées "dispositions impératives" ; dans le contrat de travail, le choix par les parties de la loi applicable ne peut avoir pour résultat de priver le travailleur de la protection que lui assurent les dispositions impératives de la loi qui serait applicable, à défaut de choix, en vertu du paragraphe 2 de l'article 6. En vertu de ce dernier texte,



le contrat de travail est régi : a) par la loi du pays où le travailleur, en exécution du contrat, accomplit habituellement son travail, même s'il est détaché à titre temporaire dans un autre pays, ou b) si le travailleur n'accomplit pas habituellement son travail dans un même pays, par la loi du pays où se trouve l'établissement qui a embauché le travailleur, à moins qu'il ne résulte de l'ensemble des circonstances que le contrat de travail présente des liens plus étroits avec un autre pays, auquel cas la loi de cet autre pays est applicable. En vertu de l'article 14 de la Convention, la loi régissant le contrat s'applique dans la mesure où, en matière d'obligations contractuelles, elle établit des présomptions légales ; aux termes de l'article 16 de la Convention, l'application d'une disposition de la loi désignée par ladite convention ne peut être écartée que si cette application est manifestement incompatible avec l'ordre public du for. La lettre de la société Horphag Research du 20 juin 2000 prévoyant de soumettre la relation de travail à la loi suisse, il convient de rechercher si M.Van Hoegaerden était privé de la protection que lui assuraient les dispositions impératives de la loi française, applicable à défaut de choix à raison du lieu de travail, situé en France, étant observé que la relation de travail ne présentait pas de liens plus étroits avec un autre pays. Cette lettre fixait les éléments du contrat de travail devant en principe lier les parties, comportant notamment le titre et la fonction, la rémunération, la date de début de l'emploi, la durée du préavis et de la période d'essai. Le fait de subordonner la conclusion du contrat de travail définitif à la vérification de divers aspects liés aux contrats de travail transfrontaliers ne se heurte à aucune disposition impérative, au sens de la Convention de Rome, de la loi française ; en effet, une telle clause, dès lors que la condition qu'elle prévoit n'a pas un caractère potestatif, est compatible avec



cette loi. La loi suisse est en conséquence applicable. Sur l'application de la loi suisse En vertu de l'article 16 du Code des obligations suisse, applicable en droit du travail,"les parties qui ont convenu de donner une forme spéciale à un contrat pour lequel la loi n'en exige point, sont réputées n'avoir entendu se lier que dès l'accomplissement de cette forme. S'il s'agit de la forme écrite, sans indication plus précise, il y a lieu d'observer les dispositions relatives à cette forme lorsqu'elle est exigée par la loi." Selon le droit suisse, s'agissant d'une présomption, et non d'une fiction, la partie qui prétend que le contrat a été conclu indépendamment de la réserve de forme doit en apporter la preuve. L'article 320 I du Code des obligations prévoit : "sauf disposition contraire de la loi, le contrat individuel de travail n'est soumis à aucune forme spéciale." La société Horphag Research s'étant engagée, sous réserve de vérification de divers aspects liés aux contrats de travail transfrontaliers, à faire parvenir à M.Van Hoegaerden un contrat définitif, il doit être considéré, en l'absence de preuve contraire, qu'elle n'a entendu se lier qu'à compter de la signature du contrat de travail définitif. Ainsi, contrairement à ce que prétend M.Van Hoegaerden, la lettre du 20 juin 2000 ne constitue pas une lettre d'embauche ; le fait que la société Horphag Research ait indiqué "nous nous réjouissons de vous voir rejoindre l'équipe de Horphag" et que l'organigramme du 9 juin 2000 fasse apparaître M.Van Hoegaerden en qualité de "director of business development" n'est pas déterminant au regard des règles légales ; au surplus, M.Van Hoegaerden a, par courrier du 2 juillet 2000, indiqué : je vous suggère que mon contrat soit un document classique d'embauche, avec un paragraphe particulier mentionnant que "provisoirement et pour des raisons d'organisation interne actuelle, le salaire sera versé sous forme d'honoraires auprès de la S.A.R.L....pour des prestations de



conseil" ou une formule proche, ce qui montre qu'il considérait lui-même que le contrat de travail n'était pas encore conclu. Dans ces conditions, la société Horphag Research, qui n'était pas liée à l'égard de M.Van Hoegaerden, fût-ce par une promesse d'embauche, pouvait valablement ne pas donner suite à la relation de travail envisagée ; ce dernier ne peut en conséquence prétendre à une quelconque somme d'argent au titre de cette relation. Cette application de la loi suisse n'étant pas incompatible avec l'ordre public français, il n'y a pas lieu de l'écarter en application de l'article 16 de la Convention de Rome. Le jugement sera donc infirmé. Il n'y a pas lieu en la cause à application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. PAR CES MOTIFS La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, Infirme le jugement déféré et statuant à nouveau, Déboute M.Van Hoegaerden de ses demandes ; Dit n'y avoir lieu en la cause à application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Condamne M.Van Hoegaerden aux dépens.

LE A... LE PRÉSIDENT

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