23 juin 1997
Cour d'appel de Versailles
RG n° 1994-7809

Texte de la décision

Attendu qu'il résulte des éléments de la cause, qu'ayant dû subir le 10 JANVIER 1989 une mammectomie droite, Madame Gilberte X..., alors âgée de 62 ans, a consulté le docteur Y... pour une reconstruction du sein droit, que deux interventions ont eu lieu à cette fin les 7 MARS et 6 JUIN 1991 mais qu'en JUILLET 1993, la prothèse s'est dégonflée et a dû être enlevée en JANVIER 1995.

Attendu que l'expert LE Z... indique que cette intervention, faite dans un but esthétique, n'était pas indispensable mais que la technique et les soins pré-, per- et post-opératoires n'appellent aucune critique et sont conformes aux dernières données de la science.

Attendu dès lors qu'aucune faute de technique médicale ne peut être reprochée au Docteur Y....

Mais attendu que le contrat qui se forme entre le médecin et son client comporte également l'obligation, pour le praticien, de ne procéder à une intervention médicale qu'après avoir, au préalable, obtenu le consentement éclairé de son patient, que pour pouvoir ainsi respecter la volonté de celui-ci, le médecin doit lui assurer une information correcte sur son état et sur l'intervention qu'il compte pratiquer.

Attendu que cette obligation est non seulement contractuelle mais aussi professionnelle, qu'en effet l'article 7 du Code de déontologie médicale promulgué par le décret du 28 JUIN 1979, en vigueur à l'époque des faits, posait le principe du respect de la volonté du malade et l'article 22 prescrivait la nécessaire information du malade, que l'actuel Code de déontologie médicale, promulgué par le décret du 6 SEPTEMBRE 1995, reprend également expressément cette obligation d'information en son article 35.

Attendu qu'en matière de chirurgie esthétique, comme pour tout acte médical à finalité non curative, cette information doit être extrêmement détaillée et s'entend non seulement de tous les risques, exceptionnels ou non, de l'intervention, mais aussi de toutes les complications ou séquelles pouvant en résulter.

Attendu dès lors que le Docteur Y... devait, préalablement à l'intervention, informer Madame X... de la nécessité de remplacer au bout d'un ou deux ans sa prothèse, permettant à celle-ci soit d'accepter cette intervention en parfaite connaissance de cause, soit d'opter pour un autre type de prothèse, soit encore de renoncer à l'intervention, celle-ci n'étant pas indispensable en raison de son caractère purement esthétique.

Attendu qu'il résulte des dispositions de l'article 1315 du Code Civil que si celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver, celui qui se prétend libéré de cette obligation doit en justifier.

Attendu qu'en l'espèce Madame X... doit donc seulement prouver l'existence même d'une obligation d'information pesant sur le Docteur Y..., que cette obligation particulière d'information est à la fois légale (en vertu du Code de déontologie médicale) et contractuelle, que son existence, ainsi qu'il l'a été précisé précédemment, est donc établie et n'est d'ailleurs pas contestée par le Docteur Y... qui affirme seulement l'avoir exécutée.

Attendu en conséquence que c'est à celui qui est légalement ou contractuellement tenu d'une obligation particulière, d'information de rapporter la preuve de l'exécution de cette obligation, qu'il incombe donc au médecin, tenu d'une obligation particulière d'information vis-à-vis de son patient, de prouver qu'il a exécuté cette information.

Attendu que ni la pratique médicale française ni le Code de déontologie médicale n'imposent au médecin d'exécuter son obligation d'information sous une forme écrite, que celle-ci peut valablement se faire sous forme orale, mais que la preuve de l'exécution de cette obligation d'information peut se faire par tous moyens, qu'elle peut ainsi résulter de témoignages ou d'une mention sur le dossier médical de la patiente, celle-ci pouvant, en retour, contester également par tous moyens les preuves ainsi rapportées.

Attendu que pour sa part le Docteur Y... ne rapporte pas la preuve de l'exécution d'une telle information, que dès lors il convient de constater qu'en manquant à son devoir d'information, le Docteur Y... a commis une faute dont il doit répondre.

Attendu que cette faute a causé à Madame X... un préjudice moral dont l'existence est indépendante des conséquences physiques de l'intervention.

- Dit que Madame Nathalie Y... a commis une faute contractuelle en manquant à son obligation d'information de Madame Gilberte A... épouse X... sur les risques et les conséquences de l'intervention envisagée.

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