26 juin 1997
Cour d'appel de Versailles
RG n° 1997-2900

Texte de la décision

Le COMPTOIR DES ENTREPRENEURS PATRIMOINE, filiale du COMPTOIR DES ENTREPRENEURS, est propriétaire d'un ensemble immobilier situé 3-5 rue de la Paix, 4 rue des Capucines et 4-6 rue Volney à PARIS 2ème, qui abritait le siège social du COMPTOIR DES ENTREPRENEURS.

Selon acte sous seing privé du 4 août 1995, le COMPTOIR DES ENTREPRENEURS PATRIMOINE a consenti à la société FRANCAISE DE CONSTRUCTION une promesse de vente de cet ensemble immobilier pour le prix de 321.000.000 francs HT.

La société FRANCAISE DE CONSTRUCTION a fourni une garantie à première demande du paiement du prix délivrée par la SOCIETE GENERALE.

La promesse de vente était soumise à plusieurs conditions suspensives parmi lesquelles l'obtention d'un permis de construire et d'un permis de démolir.

Le permis de construire a été refusé par arrêté du 6 février 1996 et le permis de démolir a été également refusé par arrêté du 3 avril 1996.

Estimant que les refus provenaient, d'une part du fait que la société FRANCAISE DE CONSTRUCTION n'avait pas déposé une demande de permis de construire conforme au Plan d'Occupation des Sols de la Ville de PARIS dont elle connaissait cependant bien les exigences pour être un professionnel de l'immobilier, et d'autre part de carences graves et supposées volontaires dans le suivi des dossiers de demandes de permis, le COMPTOIR DES ENTREPRENEURS PATRIMOINE a estimé que sa co-contractante ne pouvait se prévaloir de la non-réalisation des conditions suspensives.

Elle a tenté de mettre en oeuvre la garantie de la SOCIETE GENERALE. Mais sur assignation de la société FRANCAISE DE CONSTRUCTION, le juge des référés du Tribunal de commerce de VERSAILLES, par ordonnance du 27 novembre 1996, lui a fait défense de poursuivre auprès de la SOCIETE GENERALE l'exécution de la garantie jusqu'à décision

définitive sur le fond.

Par acte du 7 octobre 1996, la société FRANCAISE DE CONSTRUCTION a assigné le COMPTOIR DES ENTREPRENEURS PATRIMOINE ainsi que la SOCIETE GENERALE devant le Tribunal de commerce de VERSAILLES pour :

- voir juger ou constater que les conditions suspensives stipulées à l'acte du 4 août 1995 et tenant à la délivrance des permis de démolir ou de construire, ne se sont pas trouvées accomplies dans le délai contractuel expirant le 4 août 1996,

- voir juger, par voie de conséquence, que faute de réalisation des conditions suspensives dans le délai contractuel, la promesse de vente du 4 août 1995 est nulle et non avenue, sans indemnité de part et autre (article 11 de l'acte).

Parallèlement, par acte du 20 novembre 1996, le COMPTOIR DES ENTREPRENEURS a assigné la société FRANCAISE DE CONSTRUCTION à jour fixe devant le tribunal de grande instance pour :

- lui voir déclarer inopposable la non réalisation des conditions suspensives relatives à l'obtention du permis de construire et du permis de démolir prévues par la promesse synallagmatique de vente de l'ensemble immobilier,

- voir constater en conséquence la réalisation de la vente aux charges et conditions de la promesse,

- voir dire qu'à défaut de signature de l'acte authentique de vente par la société FRANCAISE DE CONSTRUCTION la décision à intervenir vaudra vente,

- voir condamner la société FRANCAISE DE CONSTRUCTION à lui payer la somme de 32.850.000 francs en réparation de son préjudice.

Par jugement du 21 mars 1997, le tribunal de grande instance faisant droit à l'exception d'incompétence d'attribution soulevée par la société défenderesse, s'est déclaré incompétent et a renvoyé la cause et les parties devant le Tribunal de commerce de VERSAILLES.

Le COMPTOIR DES ENTREPRENEURS PATRIMOINE a formé contredit.

Il soutient pour l'essentiel que la compétence du tribunal de grande instance résulte de ce que ses demandes forment un litige mixte en ce qu'elles tendent à obtenir un jugement transférant la propriété du bien immobilier à la suite d'une décision sur l'efficacité d'une promesse de vente, ce qui est le type même du litige mixte relevant de la seule compétence des juridictions civiles sous la seule exception des dispositions de l'article 632 alinéa 3 du Code de commerce, inapplicables en l'espèce.

Il demande à la Cour de réformer le jugement entrepris, de :

- déclarer compétent le Tribunal de grande instance de NANTERRE,

- quelle que ce soit la décision sur la compétence, faire application de l'article 89 du Nouveau Code de procédure civile, en évoquant,

- inviter les parties à constituer avoué, et renvoyer l'affaire à une proche audience pour conclusions.

La société FRANCAISE DE CONSTRUCTION conclut au débouté du COMPTOIR DES ENTREPRENEURS PATRIMOINE de toutes ses demandes, fins et conclusions et demande à la Cour de confirmer le jugement entrepris. Subsidiairement, elle soulève une exception de litispendance et une exception de connexité et demande à la Cour de renvoyer la cause et les parties devant le Tribunal de commerce de VERSAILLES qui a été saisi le premier du même litige par son assignation du 7 octobre 1996.

Elle s'oppose à l'évocation sollicitée.

SUR CE,

Considérant qu'il résulte de l'article 631 du Code de commerce que les tribunaux de commerce connaissent des contestations relatives aux engagements et transactions entre négociants marchands et banquiers ;

Qu'en l'espèce, le COMPTOIR DES ENTREPRENEURS PATRIMOINE , entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée et la société FRANCAISE DE CONSTRUCTION, société en nom collectif, sont toutes deux des sociétés commerciales immatriculées au registre du commerce et des sociétés ; Que le litige porte sur une contestation relative à l'exécution d'une promesse de vente d'un ensemble immobilier conclue entre deux sociétés commerciales et relève donc par application de l'article 631 du Code de commerce de la compétence du tribunal de commerce ;

Considérant que pour soutenir que la contestation relève de la compétence du tribunal de grande instance, le COMPTOIR DES ENTREPRENEURS PATRIMOINE soutient en premier lieu que l'objet du litige est d'obtenir un jugement transférant le propriété de l'immeuble et qu'à ce titre l'action qu'il a engagée est une action personnelle immobilière relevant de la compétence des juridictions civiles ;

Mais considérant que le tribunal de grande instance, selon l'article L.311-2 du Code de l'organisation judiciaire n'a compétence exclusive que pour les actions immobilières pétitoires ;

Qu'en l'espèce le COMPTOIR DES ENTREPRENEURS PATRIMOINE demande la réalisation de la vente des immeubles pour obtenir le paiement du prix ; que son action n'a pas pour objet de voir établir un droit réel ;

Que le transfert de propriété n'est pas l'objet de la demande du COMPTOIR DES ENTREPRENEURS PATRIMOINE ; qu'il n'est que la conséquence qui résulterait nécessairement du jugement à intervenir dans l'hypothèse où il serait fait droit aux prétentions du demandeur ; qu'il ne s'agit donc nullement d'un litige mixte, la juridiction saisie de la demande du COMPTOIR DES ENTREPRENEURS PATRIMOINE n'ayant pas à trancher une contestation relative à un droit réel ;

Que par ailleurs la créance qu'invoque le COMPTOIR DES ENTREPRENEURS PATRIMOINE, qui est le vendeur de l'immeuble et non pas l'acquéreur, ne peut s'analyser en une créance immobilière ;

Considérant que si la promesse de vente d'un immeuble est un acte civil, la compétence du tribunal de commerce doit néanmoins être retenue par application de l'article 631 du Code de commerce, dès lors que la contestation oppose deux sociétés commerciales et que par ailleurs la convention a été conclue pour l'exercice de leurs activités commerciales ;

Considérant que le jugement déféré doit donc être confirmé en ce qu'il a admis l'exception d'incompétence ;

Considérant certes que l'article 89 du Nouveau Code de procédure civile permettrait à la Cour, juridiction d'appel du Tribunal de commerce de VERSAILLES, d'évoquer ;

Mais considérant que le même litige est dores et déjà pendant devant le Tribunal de commerce de VERSAILLES qui a dû surseoir à statuer en attendant l'issue du contredit de compétence ; que les parties ont dores et déjà conclu au fond de telle sorte que l'affaire est en état d'être jugée par le tribunal de commerce ;

Qu'il n'est pas opportun de priver les parties du bénéfice du double degré de juridiction ;

Considérant qu'il convient donc de confirmer purement et simplement le jugement entrepris en ce qu'il a renvoyé la cause devant le Tribunal de commerce de VERSAILLES dont la compétence rationne loci n'est pas contestée dans la mesure où il est saisi par l'assignation initiale délivrée à la requête de la société FRANCAISE DE CONSTRUCTION ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

RECOIT le COMPTOIR DES ENTREPRENEURS PATRIMOINE en son contredit ;

MAIS le déclare mal fondé et l'en déboute ;

CONFIRME le jugement déféré ;

DIT n'y avoir lieu à évocation ;

MET les dépens du présent contredit à la charge du COMPTOIR DES ENTREPRENEURS PATRIMOINE.

ARRET REDIGE PAR :

Madame MAZARS, Président,

ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET :

Madame MAZARS, Président,

Mademoiselle X..., Greffier.

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