16 mars 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-22.688

Chambre sociale - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2022:SO00333

Texte de la décision

SOC.

LG



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 16 mars 2022




Cassation partielle


M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président


0
Arrêt n° 333 F-D


Pourvois n°
Z 20-22.688
à Z 20-22.711
et C 20-22.714
à Y 20-22.733


JONCTION













R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 16 MARS 2022

L'association Bâtiment CFA Normandie, dont le siège est [Adresse 35], a formé les pourvois n° Z 20-22.688, A 20-22.689, B 20-22.690, C 20-22.691, D 20-22.692, E 20-22.693, F 20-22.694, H 20-22.695, G 20-22.696, J 20-22.697, K 20-22.698, M 20-22.699, N 20-22.700, P 20-22.701, Q 20-22.702, R 20-22.703, S 20-22.704, T 20-22.705, U 20-22.706, V 20-22.707, W 20-22.708, X 20-22.709, Y 20-22.710, Z 20-22.711, C 20-22.714, D 20-22.715, E 20-22.716, F 20-22.717, H 20-22.718, G 20-22.719, J 20-22.720, K 20-22.721, M 20-22.722, N 20-22.723, P 20-22.724, Q 20-22.725, R 20-22.726, S 20-22.727, T 20-22.728, U 20-22.729, V 20-22.730, W 20-22.731, X 20-22.732 et Y 20-22.733 contre quarante-quatre arrêts rendus le 15 octobre 2020 par la cour d'appel de Caen (chambre sociale, section 1), dans les litiges l'opposant respectivement :

1°/ à Mme [J] [BY], domiciliée [Adresse 15],

2°/ à M. [SU] [V], domicilié [Adresse 5],

3°/ à Mme [SN] [Z], domiciliée [Adresse 39],

4°/ à M. [EB] [M], domicilié [Adresse 37],

5°/ à M. [WG] [G], domicilié [Adresse 19],

6°/ à M. [R] [K], domicilié [Adresse 8],

7°/ à Mme [IV] [X], domiciliée [Adresse 44],

8°/ à M. [T] [B], domicilié [Adresse 13],

9°/ à M. [D] [S], domicilié [Adresse 31],

10°/ à M. [P] [N], domicilié [Adresse 4],

11°/ à M. [EE] [U], domicilié [Adresse 6],

12°/ à M. [VF] [H], domicilié [Adresse 11],

13°/ à M. [I] [XR], domicilié [Adresse 36],

14°/ à M. [YV] [KF], domicilié [Adresse 22],

15°/ à Mme [A] [WJ], domiciliée [Adresse 27],

16°/ à M. [NV] [HU], domicilié [Adresse 17],

17°/ à M. [I] [CU], domicilié [Adresse 40],

18°/ à Mme [DY] [PC], domiciliée [Adresse 38],

19°/ à M. [W] [SR], domicilié [Adresse 33],

20°/ à M. [C] [MR], domicilié [Adresse 3],

21°/ à M. [IY] [LM], domicilié [Adresse 1],

22°/ à M. [O] [ZZ], domicilié [Adresse 43],

23°/ à M. [WG] [NY], domicilié [Adresse 24],

24°/ à M. [GM] [RJ], domicilié [Adresse 20],

25°/ à M. [E] [CD], domicilié [Adresse 34],

26°/ à M. [O] [BP], domicilié [Adresse 14],

27°/ à M. [MU] [XN], domicilié [Adresse 10],

28°/ à M. [L] [VC], domicilié [Adresse 41],

29°/ à M. [GP] [FI], domicilié [Adresse 12],

30°/ à M. [RM] [FF], domicilié [Adresse 28],

31°/ à M. [HR] [LJ], domicilié [Adresse 18],

32°/ à M. [AY] [PF], domicilié [Adresse 7],

33°/ à M. [T] [JB], domicilié [Adresse 25],

34°/ à M. [YV] [CG], domicilié [Adresse 42],

35°/ à M. [Y] [KC], domicilié [Adresse 21],

36°/ à M. [DH] [RG], domicilié [Adresse 16],

37°/ à M. [IY] [XK], domicilié [Adresse 32],

38°/ à M. [E] [AF], domicilié [Adresse 2],

39°/ à M. [D] [UZ], domicilié [Adresse 9],

40°/ à M. [F] [TY], domicilié [Adresse 26],

41°/ à M. [OB] [GJ], domicilié [Adresse 23],

42°/ à M. [YY] [MN], domicilié [Adresse 15],

43°/ à M. [YS] [VI], domicilié [Adresse 29],

44°/ à M. [O] [TV], domicilié [Adresse 30],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de ses pourvois, le moyen unique de cassation commun annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Rouchayrole, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'association Bâtiment CFA Normandie, après débats en l'audience publique du 26 janvier 2022 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Rouchayrole, conseiller rapporteur, Mme Monge, conseiller, et Mme Lavigne, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° Z 20-22.688, A 20-22.689, B 20-22.690, C 20-22.691, D 20-22.692, E 20-22.693, F 20-22.694, H 20-22.695, G 20-22.696, J 20-22.697, K 20-22.698, M 20-22.699, N 20-22.700, P 20-22.701, Q 20-22.702, R 20-22.703, S 20-22.704, T 20-22.705, U 20-22.706, V 20-22.707, W 20-22.708, X 20-22.709, Y 20-22.710, Z 20-22.711, C 20-22.714, D 20-22.715, E 20-22.716, F 20-22.717, H 20-22.718, G 20-22.719, J 20-22.720, K 20-22.721, M 20-22.722, N 20-22.723, P 20-22.724, Q 20-22.725, R 20-22.726, S 20-22.727, T 20-22.728, U 20-22.729, V 20-22.730, W 20-22.731, X 20-22.732 et Y 20-22.733 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon les arrêts attaqués (Caen, 15 octobre 2020), Mme [BY] et quarante-trois autres salariés de l'association Bâtiment CFA Normandie ont saisi la juridiction prud'homale de demandes à caractère indemnitaire, présentant en cause d'appel des demandes nouvelles relatives à la régularisation d'un accord collectif et en paiement d'une prime exceptionnelle de pouvoir d'achat et de dommages-intérêts.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. L'employeur fait grief aux arrêts de le condamner à payer à chaque salarié une certaine somme à titre de prime, outre les congés payés afférents, alors « qu'il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe d'égalité de traitement de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération ou de traitement entre des salariés placés dans une situation identique ; qu'en l'espèce, il était constant que par note unilatérale du 29 mars 2019, l'employeur avait réservé une prime exceptionnelle aux salariés des catégories inférieures A à E, à l'exclusion des salariés de classes F à J, soit essentiellement les personnels de formation (classe F) et les cadres (classes G à J) ; que la cour d'appel a retenu qu'en excluant les salariés de classe F comprenant essentiellement des personnels de formation du versement de la prime exceptionnelle, contrairement à ce qu'avaient envisagé des projets d'accords collectifs non conclus, l'employeur aurait violé le principe d'égalité dès lors qu'il n'avançait pas d'argument objectif justifiant cette situation ; qu'en statuant ainsi sans constater l'existence d'éléments caractérisant que les salariés de classe F se trouvaient dans une situation identique à celle des salariés de classe A à E bénéficiant de la prime exceptionnelle, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard du principe d'égalité de traitement. »

Réponse de la Cour

Vu le principe d'égalité de traitement et l'article 1315, devenu 1353, du code civil :

4. En application de ce principe, si des mesures peuvent être réservées à certains salariés, c'est à la condition que tous ceux placés dans une situation identique, au regard de l'avantage en cause, aient la possibilité d'en bénéficier, à moins que la différence de traitement soit justifiée par des raisons objectives et pertinentes et que les règles déterminant les conditions d'éligibilité à la mesure soient préalablement définies et contrôlables.

5. Il résulte du texte susvisé qu'il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe d'égalité de traitement de soumettre au juge, qui est tenu d'en contrôler concrètement la réalité et la pertinence, les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération ou de traitement entre des salariés placés dans une situation identique ou similaire, afin que l'employeur apporte à son tour la preuve d'éléments objectifs et pertinents justifiant cette différence.

6. Pour condamner l'employeur, à raison d'une atteinte à l'égalité de traitement, à payer aux salariés de la catégorie F de la grille de salaire et d'avancement de l'association une certaine somme à titre de prime exceptionnelle dite au pouvoir d'achat, accordée par note interne du 1er avril 2019 aux salariés des catégories A à E, outre les congés payés afférents, l'arrêt retient, d'abord, que l'employeur, qui aurait fait échouer les négociations ouvertes sur la prime de pouvoir d'achat, a diffusé une note par laquelle il prenait la décision de verser en lieu et place de la prime en cours de discussion qui concernait également le personnel de classe F, le versement d'une prime exceptionnelle qui les excluait, sans avancer d'argument objectif justifiant cette exclusion.

7. Il retient encore que, bien au contraire, l'attribution de la prime était fondée sur un critère qui portait atteinte à la liberté de l'organisation syndicale de régulariser ou non un accord d'entreprise, faute pour l'employeur, qui soutenait que l'attribution de celle-ci avait été réservée aux catégories de personnel à raison du faible montant des rémunérations conventionnelles qu'elles percevaient et des sujétions particulières en termes de durée du travail auxquelles elles étaient astreintes, de fournir les explications sur ces points.

8. Il ajoute, enfin, que si les classes de cadres G à J ont été également exclues de la prime de pouvoir d'achat, la raison en est vraisemblablement le montant des salaires que ces cadres percevaient.

9. L'arrêt en déduit que les salariés de la classe F incluant essentiellement des personnels de formation se sont trouvés exclus de la prime exceptionnelle, alors qu'il était constant qu'ils étaient ceux concernés par les accords en cours de négociation sur la multimodalité et sur la prime de pouvoir d'achat, cette exclusion caractérisant à leur égard une inégalité de traitement.

10. En se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser que les salariés de classe F se trouvaient dans une situation identique, au regard de la prime de pouvoir d'achat, à celle des salariés de la classe A à E, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes leurs dispositions, les arrêts rendus le 15 octobre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ;

Remet les affaires et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ces arrêts et les renvoie devant la cour d'appel de Rouen ;

Condamne Mme [BY] et les quarante-trois autres salariés aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts partiellement cassés ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du seize mars deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen commun produit par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour l'association Bâtiment CFA Normandie, demanderesse aux pourvois n° Z 20-22.688 à Z 20-22.711 et C 20-22.714 à Y 20-22.733


L'association Bâtiment CFA Normandie fait grief à la décision attaquée d'AVOIR condamné l'association Bâtiment CFA Normandie à payer à chaque salarié les sommes de 1 000 euros à titre de prime pour atteinte à l'égalité de traitement et de 100 euros à titre de congés payés afférents ;

1) ALORS QU'il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe d'égalité de traitement de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération ou de traitement entre des salariés placés dans une situation identique ; qu'en l'espèce, il était constant que par note unilatérale du 29 mars 2019, l'employeur avait réservé une prime exceptionnelle aux salariés des catégories inférieures A à E, à l'exclusion des salariés de classes F à J, soit essentiellement les personnels de formation (classe F) et les cadres (classes G à J) ; que la cour d'appel a retenu qu'en excluant les salariés de classe F comprenant essentiellement des personnels de formation du versement de la prime exceptionnelle, contrairement à ce qu'avaient envisagé des projets d'accords collectifs non conclus, l'employeur aurait violé le principe d'égalité dès lors qu'il n'avançait pas d'argument objectif justifiant cette situation ; qu'en statuant ainsi sans constater l'existence d'éléments caractérisant que les salariés de classe F se trouvaient dans une situation identique à celle des salariés de classe A à E bénéficiant de la prime exceptionnelle, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard du principe d'égalité de traitement ;

2) ALORS QU'il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe d'égalité de traitement de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération ou de traitement entre des salariés placés dans une situation identique ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu une méconnaissance du principe d'égalité, du fait que les salariés de classe F ne bénéficiaient pas de la prime exceptionnelle, aux motifs, d'une part, que seuls les salariés de classes G à J étaient cadres, d'autre part, que les salariés de la classe F, incluant essentiellement des personnels de formation, étaient concernés par l'accord en cours de négociation sur la multimodalité et par l'accord sur la prime de pouvoir d'achat dont l'employeur aurait, selon elle, fait échoué les négociations ; qu'en statuant ainsi par des motifs inopérants à caractériser une identité de situation entre les salariés de niveau F et ceux de niveau A à E, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe d'égalité de traitement ;

3) ALORS QUE les juges ne peuvent dénaturer les écrits soumis à leur examen ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu que l'employeur n'avançait pas d'argument objectif justifiant de l'exclusion des salariés de classe F de la prime exceptionnelle (arrêt page 7, § 2) ; qu'elle a ajouté que si l'association Bâtiment CFA Normandie affirmait que le versement de cette prime n'avait été opéré qu'à certaines catégories de personnel à raison notamment du montant des rémunérations conventionnelles desdites catégories, elle n'en apportait aucune preuve de quelque nature que ce soit en se référant seulement à une pièce « qui s'avère être la grille de classification de la convention collective » (arrêt page 6, antépénultième) ; que cependant, la pièce sur laquelle se fondait l'employeur (conclusions page 19, al. 3) n'était pas une simple grille de classification, mais l'« Accord CCCA-BTP classification et système de rémunération – 30/06/2015 », comme l'indiquait le bordereau de communication de pièces (pièce d'appel n° 17) qui incluait les grilles de rémunération montrant les différences de salaires conventionnels entre les salariés selon la classe, A à J, à laquelle ils appartenaient ; qu'il en résulte que la cour d'appel a dénaturé cette pièce et a violé le principe susvisé.

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