16 février 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-21.079

Première chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2022:C100261

Texte de la décision

CIV. 1

MY1



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 16 février 2022




Rejet


M. CHAUVIN, président



Arrêt n° 261 F-D

Pourvoi n° W 21-21.079


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 16 FÉVRIER 2022

Mme [I] [J], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° W 21-21.079 contre l'arrêt rendu le 8 juillet 2021 par la cour d'appel de Versailles (2e chambre,1re section), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [D] [P], domicilié [Adresse 1] (Royaume-Uni),

2°/ au procureur général près la cour d'appel de Versailles, domicilié en son parquet général, [Adresse 3],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les cinq moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Fulchiron, conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de Mme [J], et l'avis de Mme Marilly, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 1er février 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Fulchiron, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Berthomier, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 8 juillet 2021), du mariage de Mme [J] et de M. [P] est né [H], né le 26 février 2018, au Royaume-Uni.

2. Les époux se sont séparés en juillet 2019.

3. En mars 2020, Mme [J] a quitté le Royaume-Uni pour s'installer en France avec son enfant.

4. M. [P] ayant saisi l'autorité centrale du Royaume-Uni, sur le fondement de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants, le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Nanterre a, le 22 décembre 2020, assigné Mme [J] devant le juge aux affaires familiales pour voir déclarer illicite le déplacement de l'enfant.

Examen des moyens

Sur les quatre premiers moyens et le cinquième moyen, pris en sa première branche, ci-après annexés


5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les premier, deuxième et troisième moyens et sur le cinquième moyen pris en sa première branche, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation, et sur le quatrième moyen, qui est irrecevable.


Sur le cinquième moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

6. Mme [J] fait grief à l'arrêt de déclarer illicite le déplacement de l'enfant et d'ordonner son retour, alors « que les juges du fond ne se sont pas prononcé sur le point de savoir si le retour brutal de l'enfant, compte-tenu de son jeune âge, ne l'exposerait pas à un danger psychologique immédiat, et ce indépendamment de toutes autres circonstances ; qu'en s'abstenant de se prononcer sur ce point, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article 13, alinéa 1er b, de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980. »

Réponse de la Cour

7. Il résulte de l'article 13, b, de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants qu'il ne peut être fait exception au retour immédiat de l'enfant que s'il existe un risque de danger grave ou de création d'une situation intolérable.

8. La cour d'appel a constaté que le projet de plan de protection à l'enfance établi par les autorités britanniques, alertées par des problèmes de violence domestique, avait indiqué que, si [H] était exposé aux conflits parentaux, il n'existait pas d'inquiétudes significatives sur sa santé et son développement, celui-ci apparaissant comme un enfant heureux dont les besoins essentiels étaient satisfaits.

9. Elle a estimé que le divorce des parents étant sur le point d'être prononcé, l'enfant ne risquait plus d'être témoin des conflits parentaux.

10. Elle a relevé qu'à plusieurs reprises, pendant la vie commune, Mme [B] avait confié [H] à son père lors de déplacements à l'étranger, ce qui traduisait la confiance qu'elle avait dans les capacités éducatives de celui-ci, et que le suivi et la surveillance mis en place par les autorités britanniques constituaient des garanties.

11. Elle a retenu l'absence de risque grave qui résulterait d'une rupture de l'enfant avec sa mère, dont elle a souligné la responsabilité dans la situation et les possibilités de faire valoir ses droits à l'égard de l'enfant devant les juridictions britanniques.

12. La cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, en a souverainement déduit que le retour de l'enfant n'exposait pas celui-ci à un risque de danger grave ni ne le plaçait dans une situation intolérable.

13. Elle a ainsi légalement justifié sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme [J] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize février deux mille vingt-deux.

Le conseiller rapporteur le president






Le greffier de chambre

MOYENS ANNEXES au présent arrêt


Moyens produits par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour Mme [J].


PREMIER MOYEN DE CASSATION

L'arrêt attaqué, critiqué par Mme [J], encourt la censure ;

EN CE QU'il a déclaré le déplacement de l'enfant illicite, ordonné son retour au Royaume-Uni et décidé qu'à défaut d'exécution volontaire, l'enfant serait remis à M. [P] ;

ALORS QUE, lorsque le ministère public est partie principale, il a l'obligation, à peine de nullité de la décision, d'assister à l'audience ; que l'arrêt doit constater sa présence ; que faute de ce faire au cas d'espèce, il a été rendu en violation de l'article 431 du code de procédure civile.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

L'arrêt attaqué, critiqué par Mme [J], encourt la censure ;

EN CE QU'il a déclaré le déplacement de l'enfant illicite, ordonné son retour au Royaume-Uni et décidé qu'à défaut d'exécution volontaire, l'enfant serait remis à M. [P] ;

ALORS QUE, PREMIEREMENT, lorsque le ministère public prend des conclusions, les juges du fond doivent constater, avant de les retenir, qu'elles ont été communiquées à la partie adverse dans le respect du principe du contradictoire ; que faute de constater que tel a été le cas en l'espèce, l'arrêt souffre d'un défaut de base légale au regard de l'article 16 du Code de procédure civile ;

ALORS QUE, DEUXIEMEMENT, s'il est présumé que les conclusions ont été communiquées à la partie adverse lorsque le ministère public est présent au moment des débats, rien de tel n'est constaté par l'arrêt ; que de ce point de vue, l'arrêt doit donc être censuré pour défaut de base légale au regard des articles 16 et 431 du Code de procédure civile.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

L'arrêt attaqué, critiqué par Mme [J], encourt la censure ;

EN CE QU' il a déclaré le déplacement de l'enfant illicite, ordonné son retour au Royaume Uni et décidé qu'à défaut d'exécution volontaire, l'enfant serait remis à M. [P] ;

ALORS QUE, le magistrat ayant la qualité de délégué à la protection de l'enfance doit impérativement siéger dans la formation statuant sur une demande fondée sur la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 ; que l'arrêt doit le constater ; que faute de constater que l'un des magistrats avait la qualité de délégué à la protection de l'enfance, l'arrêt doit être censuré pour violation de l'article L. 312-6 du Code de l'organisation judiciaire.

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION

L'arrêt attaqué, critiqué par Mme [J], encourt la censure ;

EN CE QU'il a déclaré le déplacement de l'enfant illicite, ordonné son retour au Royaume Uni et décidé qu'à défaut d'exécution volontaire, l'enfant serait remis à M. [P] ;

ALORS QUE, seuls les délais formellement visés par les dispositions instaurant un délai de distance bénéficient de ce délai ; que si l'article 911-2 du code de procédure civile prévoit un délai de distance, au profit de l'intimé et de l'intervenant forcé, s'agissant des délais qui sont prescrits à ces parties par l'article 905-2, le texte ne concerne que les délais formellement énoncés à l'article 905-2, alinéa 2, et non les délais que, par dérogation, le président de la chambre peut lui-même fixer par ordonnance ; qu'en l'espèce, le délai de quinze jours, imparti à M. [P] par le président de la chambre ne pouvait bénéficier d'un délai de distance ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé les articles 905-2 et 911-2 du code de procédure civile.

CINQUIEME MOYEN DE CASSATION

L'arrêt attaqué, critiqué par Mme [J], encourt la censure ;

EN CE QU'il a déclaré le déplacement de l'enfant illicite, ordonné son retour au Royaume Uni et décidé qu'à défaut d'exécution volontaire, l'enfant serait remis à M. [P] ;

ALORS QUE, PREMIEREMENT, faute d'avoir recherché si le refus de payer les frais de crèche et de contribuer aux frais de logement de l'enfant ne révélait pas un défaut d'exercice effectif du droit de garde, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article 13 alinéa 1er de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980.

ET ALORS QUE, DEUXIEMEMENT, les juges du fond ne se sont pas prononcés sur le point de savoir si le retour brutal de l'enfant, compte-tenu de son jeune âge, ne l'exposerait pas à un danger psychologique immédiat, et ce indépendamment de toutes autres circonstances ; qu'en s'abstenant de se prononcer sur ce point, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article 13 alinéa 1er b de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980.

Le greffier de chambre

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