16 février 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-81.126

Chambre criminelle - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2022:CR00212

Titres et sommaires

JURIDICTIONS DE L'APPLICATION DES PEINES - Peines - Exécution - Peine privative de liberté - Mesure d'aménagement de peine - Suivi socio-judiciaire - Révocation - Appel - Délai - Point de départ - Détermination

La mise à exécution de l'emprisonnement prononcé en cas d'inobservation des obligations d'un suivi socio-judiciaire doit être assimilée à la mesure de révocation ou au retrait d'une mesure dont le condamné bénéficiait, s'agissant du point de départ du délai d'appel

Texte de la décision

N° Q 21-81.126 F- B

N° 00212


GM
16 FÉVRIER 2022


CASSATION


M. SOULARD président,








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 16 FÉVRIER 2022



M. [D] [Y] [O] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'application des peines de la cour d'appel de Paris, en date du 2 février 2021, qui a déclaré irrecevable l'appel formé contre le jugement ayant mis à exécution l'emprisonnement prononcé en cas d'inobservation des obligations d'un suivi socio-judiciaire.

Un mémoire a été produit.

Sur le rapport de Mme Guerrini, conseiller référendaire, les observations de la SCP Melka-Prigent-Drusch, avocat de M. [D] [Y] [O], et les conclusions de M. Valat, avocat général, après débats en l'audience publique du 19 janvier 2022 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Guerrini, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Par arrêt en date du 17 octobre 2007, M. [Y] [O] a été condamné par la cour d'assises des Ardennes à six ans d'emprisonnement et à cinq ans de suivi socio-judiciaire, la durée d'emprisonnement encourue en cas d'inobservation des obligations imposées étant fixée à quatre ans.

3. Le suivi socio-judiciaire a débuté le 16 avril 2012.

4. Par jugement en date du 17 janvier 2018, le juge de l'application des peines du tribunal de Bobigny a ordonné la mise à exécution de l'emprisonnement encouru pour inobservation des obligations du suivi socio-judiciaire, à hauteur de trois ans et six mois.

5. Ce jugement a été notifié à l'adresse déclarée de M. [Y] [O] par lettre recommandée du 18 janvier 2018, le pli étant revenu avec la mention « destinataire inconnu à l'adresse ».

6. Le 25 mai 2020, dans le cadre d'une mesure de rétention judiciaire, M. [Y] [O] s'est vu notifier à nouveau le jugement du 17 janvier 2018.

7. Il en a interjeté appel le 27 mai 2020.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

8. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré irrecevable l'appel formé par M. [Y] [O] contre le jugement du juge de l'application des peines de Bobigny du 17 janvier 2018, alors :

« 1°/ que lorsque le condamné ne s'est pas présenté au débat contradictoire devant le juge de l'application des peines, le délai d'appel contre le jugement ordonnant la mise à exécution de l'emprisonnement du condamné en raison de l'inobservation des obligations imposées dans le cadre de son suivi socio-judiciaire ne court pas à compter de la notification du jugement qui ne lui est pas parvenue, mais à compter de la date à laquelle le condamné a eu connaissance de ce jugement ; qu'en jugeant au contraire que le délai d'appel avait couru à compter du lendemain de la date de notification du jugement, soit en l'espèce le 18 janvier 2018, pour juger tardif l'appel formé le 27 mai 2020, soit deux jours après que le demandeur a eu effectivement connaissance du jugement, la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'alinéa 2 de l'article L. 712 9 du code de procédure pénale ;

2°/ que l'article L. 712 9 du code de procédure pénale, s'il est interprété comme faisant courir le délai d'appel de dix jours contre un jugement ordonnant l'emprisonnement d'un condamné, absent lors du débat contradictoire, en raison de la violation des obligations imposées dans le cadre de son suivi socio-judiciaire, à compter de la notification du jugement, y compris lorsque le condamné n'a pas eu connaissance de cette notification, porte atteinte au droit à la sûreté, au droit à un recours effectif, aux droits de la défense et au principe d'égalité; qu'en conséquence, la déclaration d'inconstitutionnalité du texte précité, qui sera prononcée après renvoi au Conseil constitutionnel de la question prioritaire de constitutionnalité posée par écrit distinct et motivé, entraînera l'annulation de l'arrêt attaqué pour perte de fondement juridique. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 712-9, alinéa 2, du code de procédure pénale :

9. Selon ce texte, s'il n'est pas établi que le condamné a eu connaissance de la notification et que le jugement a ordonné la révocation ou le retrait de la mesure dont il bénéficiait, l'appel reste recevable jusqu'à l'expiration des délais de prescription de la peine et le délai d'appel court à compter de la date à laquelle le condamné a eu connaissance du jugement.

10. Pour déclarer l'appel irrecevable, l'arrêt attaqué énonce qu'en application des dispositions des articles 712-6, 712-7, 712-9, 712-11,183,186 alinéas 4 et D. 49-18 du code de procédure pénale combinés, lorsque le condamné ne s'est pas présenté, comme en l'espèce, au débat contradictoire, et dès lors que le contentieux sur lequel porte la décision querellée n'entre pas dans les prévisions de l'alinéa 2 de l'article 712-9 précité, comme dans le cas présent ne s'agissant ni de la révocation, ni du retrait d'une mesure, le point de départ de l'appel n'est pas reporté à la date à laquelle le condamné a eu connaissance du jugement, le délai d'appel courant à compter du lendemain de la date de notification, laquelle correspond au jour de l'envoi de la lettre recommandée.

11. Les juges ajoutent que M. [Y] [O] a interjeté appel le 27 mai 2020 d'une décision qui lui a été régulièrement notifiée le 18 janvier 2018, soit bien au-delà du délai de dix jours prévu par les textes susvisés.

12. Ils en concluent qu'il importe peu qu'une seconde notification du jugement critiqué soit intervenue moins de dix jours avant la date de l'appel.

13. En se déterminant ainsi, la chambre de l'application des peines a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé.

14. En effet, la mise à exécution de l'emprisonnement prononcé en cas d'inobservation des obligations d'un suivi socio-judiciaire doit être assimilée à la mesure de révocation ou au retrait d'une mesure dont le condamné bénéficiait, s'agissant du point de départ du délai d'appel.

15. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'application des peines de la cour d'appel de Paris, en date du 2 février 2021, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;

RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'application des peines de la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'application des peines de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé.

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le seize février deux mille vingt-deux.

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