9 février 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-14.476

Chambre commerciale financière et économique - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2022:CO00103

Texte de la décision

COMM.

CH.B



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 9 février 2022




Cassation partielle


M. GUÉRIN, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 103 F-D


Pourvois n°
Y 20-14.476
B 20-14.617 JONCTION






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 9 FÉVRIER 2022

1°/ La société Aldi, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2],

2°/ la société Aldi marché, société à responsabilité limitée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 5],

ont formé les pourvois n° Y 20-14.476 et B 20-14.617 contre un arrêt n° RG 17/01885 rendu le 16 janvier 2020 par la cour d'appel de Grenoble (chambre commerciale), dans le litige les opposant respectivement à M. [M] [U], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.

Les demanderesses aux pourvois n° Y 20-14.476 et B 20-14.617 invoquent, à l'appui de chacun de leur recours, un moyen unique identique de cassation annexé au présent arrêt.

Les dossiers ont été communiqués au procureur général.

Sur le rapport de Mme Lefeuvre, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat des sociétés Aldi et Aldi marché, après débats en l'audience publique du 14 décembre 2021 où étaient présents M. Guérin, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Lefeuvre, conseiller référendaire rapporteur, M. Ponsot, conseiller, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° Y 20-14.476 et n° B 20-14.617 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 16 janvier 2020) et les productions, M. [U] a été, le 8 juin 2006, nommé gérant de la SARL Aldi marché ayant pour associé unique la société Aldi. Un certain nombre de collaborateurs étaient placés sous son autorité, dont un responsable du développement, M. [G], chargé de rechercher des opportunités d'ouverture de nouveaux magasins et d'assurer le suivi de ces ouvertures.

3. A la suite de la découverte de malversations commises au préjudice de la société Aldi marché par M. [G], ce dernier a été licencié pour faute lourde le 23 septembre 2014 et M. [U] s'est vu notifier sa révocation sans indemnité le 6 octobre 2014.

4. Soutenant que cette révocation était intervenue sans juste motif, M. [U] a assigné les sociétés Aldi et Aldi marché en indemnisation de ses préjudices.

Examen du moyen

Sur les moyens uniques des pourvois, pris en leur cinquième branche, rédigés en termes identiques, réunis

Enoncé du moyen

5. Les sociétés Aldi et Aldi marché font grief à l'arrêt de dire que la révocation du mandat de M. [U] était dépourvue de juste motif, de condamner la société Aldi marché à lui payer une certaine somme à titre d'indemnité contractuelle en réparation du préjudice subi du fait d'une révocation mal fondée, et de rejeter tous autres moyens, fins et conclusions de la société Aldi marché, alors « qu'en se bornant à retenir, pour dire que M. [U] n'avait commis aucune faute de gestion en ne décelant pas les malversations commises par M. [G], que ce dernier avait utilisé des stratagèmes "très élaborés", et que M. [U], en sa qualité de gérant de la société Aldi marché, devait traiter un nombre important de factures, sans rechercher si eu égard à l'importance des détournements réalisés par M. [G] (lesquels représentaient environ 2,5 millions d'euros), au montant des factures litigieuses, correspondant à plusieurs dizaines voire milliers d'euros et à la durée de la fraude (les agissements commis par M. [G] s'étant déroulés entre 2009, année de l'embauche du salarié, jusqu'en 2014), M. [U] n'avait pas commis une faute de gestion en s'abstenant de mettre en place un système de contrôle permettant de vérifier la régularité des factures correspondant aux opérations les plus importantes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 223-25 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 223-25 du code de commerce :

6. Selon ce texte, si la révocation du gérant d'une SARL est décidée par les associés sans juste motif, elle peut donner lieu à des dommages-intérêts.

7. Pour écarter toute faute de gestion de M. [U] et condamner la société Aldi marché à lui payer une certaine somme à titre d'indemnité en réparation du préjudice subi du fait d'une révocation mal fondée, l'arrêt retient que la délégation de signature dont bénéficiait M. [G] lui avait permis de falsifier un certain nombre de documents et qu'elle avait retiré une partie de ses possibilités de contrôle au gérant. Il retient également que M. [G] avait réussi à tromper non seulement M. [U] mais d'autres responsables de la société Aldi en employant des stratagèmes très élaborés retardant inévitablement la découverte de ses agissements et relève que le contrôle interne réalisé du 9 au 13 septembre 2013, qui ne pouvait se résumer à un simple contrôle formel, n'avait révélé aucune anomalie. L'arrêt retient enfin que, compte tenu du nombre de factures gérées par la société, il ne pouvait être reproché à M. [U] de ne pas avoir été à même de contrôler précisément l'ensemble des factures, dont celles litigieuses, ce qui était impossible compte tenu de l'étendue de la mission confiée au gérant.

8. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si M. [U] n'avait pas commis une faute de gestion en s'abstenant de mettre en place un système de contrôle permettant de vérifier la régularité des factures qui lui étaient présentées correspondant aux opérations les plus importantes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'infirmant le jugement il rejette les demandes de M. [U] contre la société Aldi, l'arrêt rendu le 16 janvier 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;

Condamne M. [U] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. [U] à payer aux sociétés Aldi et Aldi marché la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, prononcé en l'audience publique du neuf février deux mille vingt-deux, et signé par M. Ponsot, conseiller qui en a délibéré, en remplacement de M. Guérin, empêché.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen identique produit aux pourvois n° Y 20-14.476 et B 20-14.617 par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour les sociétés Aldi et Aldi marché.

Il est fait grief à l'arrêt partiellement infirmatif attaqué D'AVOIR dit que la révocation du mandat de Monsieur [M] [U] était dépourvue de juste motif, D'AVOIR condamné la société ALDI MARCHE à payer la somme de 250.523,25 € à Monsieur [M] [U] à titre d'indemnité contractuelle en réparation du préjudice subi du fait d'une révocation mal fondée, et D'AVOIR rejeté comme non fondés tous autres moyens, fins et conclusions contraires de la société ALDI MARCHE ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « Aux termes de l'article L. 223-25 du code de commerce, « le gérant peut être révoqué par décision des associés dans les conditions de l'article L. 223-29 à moins que les statuts prévoient une majorité plus forte. Si la révocation est décidée sans juste motif, elle peut donner lieu à des dommages intérêts ». Par ailleurs, le contrat de mandat conclu entre la société Aldi Marché et M. [U] stipulait que : article 1 : le présent contrat de mandat règle les droits et obligations qui incombent au gérant en sa qualité de mandataire social de la société...une violation par le gérant des obligations fixées au présent contrat habilite l'associé unique à révoquer immédiatement le gérant. Article 8.1 : en cas de cessation anticipée de son mandat, suite à sa révocation...le gérant percevra à titre d'indemnité, en un versement et dans le délai d'un mois à compter de la cessation de ses fonctions le plus élevé des montants suivants : - l'équivalent de la rémunération brute à laquelle il aurait pu prétendre au titre de son mandat social en l'absence de révocation de celui-ci soit l'équivalent de cette rémunération pour la durée du mandat social restant à courir, - l'équivalent de 15 mois de rémunération brute si M. [U] a une ancienneté égale ou supérieure à 10 ans. Selon l'article 8.2, l'article 8.1 n'est pas applicable en cas de violation par le gérant des dispositions légales applicables aux sociétés à responsabilité limitée ou des statuts de la société Aldi marché en cas de faute de gestion entraînant la responsabilité du gérant envers la société ainsi que dès lors que la loi ou la jurisprudence prévoit une indemnisation inférieure à celle de l'article 8.1. Par lettre recommandée avec accusé de réception du 26 septembre 2014, la Sarl Aldi a informé M. [U] de ce que l'associé unique de la société Aldi Marché examinerait le 6 octobre 2014 la révocation de son mandat de gérant de la société Aldi Marché en raison d'une déficience de management et de contrôle interne. La Sarl Aldi marché se prévalait, après audit des documents gérés par M. [G] : - d'une sous-location en janvier 2014 au nom de M. [G] de la partie non utilisée par Aldi du local commercial de [Localité 3], qui aurait pu être constatée par Aldi du local commercial de [Localité 3], qui aurait pu être constatée par une visite sur le site, (escroquerie estimée à 29.500 euros), - de l'émission le 15 juillet 2014 de deux chèques libellés à l'ordre de la société LCDF, l'un à hauteur de 35.000 euros pour avance sur loyer et l'autre à hauteur de 120.000 euros pour participation forfaitaire à l'aménagement d'un "tourne à gauche" en l'absence de tout bail de l'immeuble commercial de [Localité 4] auxquels ils étaient censés se rapporter (préjudice 155.000 euros), - de diverses factures validées et réglées par la société malgré l'absence de visa par l'architecte et/ou l'absence de prestations justifiées (préjudice de plus de un million d'euros). Par courrier du 6 octobre 2014, le mandat social était révoqué, le courrier faisant état d'éléments graves constatés au cours d'un audit de la société dont il était le gérant. Sur les fautes de gestion alléguées par les appelantes, la cour relève de manière liminaire que pendant plusieurs années, les compétences de M. [U] dans l'exercice de ses fonctions n'ont donné lieu à aucun reproche ni même à aucune remarque notamment quant à une déficience de management. Il n'est pas contesté que M. [G] a commis diverses malversations financières au préjudice de la société Aldi marché et que M. [U] n'a pas dans un premier temps découvert ces malversations mais seulement durant l'été 2014. Il n'en découle cependant pas obligatoirement que M. [U] a nécessairement commis une faute en ne réalisant pas plus tôt les actes frauduleux du responsable développeur. Il résulte des éléments du dossier que M. [U] avait néanmoins rappelé son salarié à l'ordre par courrier du 25 février 2014 sur l'obligation de résidence dans le cadre du mi-temps thérapeutique. Ensuite, il résulte de l'attestation de Mme [X], subordonnée hiérarchique de M. [U] que cette dernière l'a avisé de pratiques irrégulières de M. [G] et de sa volonté de les cacher à la direction. M. [U] a réagi en informant ses supérieurs, ce qui a conduit à la réunion du 8 septembre 2014 et à la plainte pénale, outre le licenciement pour faute grave du salarié demandé à M. [U]. Il apparaît donc que M. [U] a fait preuve de réactivité dès lors qu'il a été en mesure d'apprécier le comportement de M. [G] et qu'il a adopté une attitude loyale. Notamment, si le courrier de révocation du mandat fait état d'un "audit ayant révélé des éléments graves", il convient de constater que M. [O], dans son audition du 26 septembre 2014, confirme que c'est M. [U] qui a avisé ses supérieurs de difficultés avec M. [G] et a fait part de ses doutes sur son honnêteté. Rien ne confirme par ailleurs l'allégation des appelantes selon lesquelles M. [U] n'aurait en fait agi que dans la perspective de se séparer de M. [G], d'où un contrôle de son activité. Aucune perte de confiance à ce titre ne peut être retenue à l'encontre de M. [U] qui a fait diligence, et sauvegardé les intérêts de la société dès lors qu'il a eu des doutes sérieux sur l'attitude du salarié. Sur le fait que M. [U] aurait dû nécessairement se rendre compte plus tôt des agissements de M. [G], et n'a pas procédé au contrôle interne nécessaire, il apparaît que M. [G] bénéficiait de délégations de pouvoir, le jugement querellé ayant justement relevé que la délégation de signature avait permis à M. [G] de falsifier un certain nombre de documents et qu'elle retirait partie de ses possibilités de contrôle au gérant. Il résulte également des éléments du dossier, sans qu'il ne soit nécessaire de rentrer dans leur détail, que M. [G] a lors de la commission des faits délictueux réussi à duper non seulement M. [U] mais d'autres responsables Aldi (dont M. [O] sur la présentation d'un faux compromis de vente, ce qui résulte des pièces de l'intimé) en employant des stratagèmes très élaborés (dont la fabrication de faux en écriture, falsification d'identité, usurpation d'identité) retardant inévitablement la découverte des agissements. C'est à juste titre que le jugement querellé a relevé que les escroqueries avaient été réalisées "avec professionnalisme", ce qui lui permettait de duper des interlocuteurs normalement diligents et les processus de sécurité existant dans l'entreprise. M. [U] justifie ainsi avoir fait pratiquer un contrôle interne du 9 au 13 septembre 2013 portant sur le bien-fondé de factures de frais généraux et immobilisations portant sur un échantillon de 439 factures qui ne peut se résumer à un simple contrôle formel et qui n'a pas révélé d'anomalies. Compte tenu du nombre de factures gérées par la société, il ne peut par ailleurs être reproché à M. [U] de ne pas avoir été à même de contrôler précisément l'ensemble des factures dont les factures litigieuses, ce qui était impossible compte tenu de l'étendue de la mission globale du gérant définie aux articles IV et V annexe A/1 du contrat de mandat (mission de développement économique de la société, mission de réflexion stratégique, mission de gestion et d'administration de l'entreprise). C'est à juste titre que le tribunal de commerce a souligné que l'atteinte des résultats attendus n'était possible qu'en s'appuyant sur une équipe d'encadrement structurée et des délégations aux principaux responsables, ayant une soixantaine de magasins sous sa responsabilité. De même, les stratagèmes très élaborés employés par M. [G], avec le bénéfice dans certains cas de complicités extérieures, s'agissant plus particulièrement de la sous-location du local de [Localité 3] et des chèques censés se rapporter à un immeuble de [Localité 4] ont dans un premier temps pu échapper au gérant, et il ne peut être reproché à ce dernier d'avoir dans un premier temps accepté les premières explications d'un salarié qu'il ne pouvait a priori soupçonner de malversations, étant rappelé qu'il a alerté ses supérieurs dès qu'il a eu des éléments pour ce faire. Il n'est donc pas établi de faute de gestion à son encontre. En conséquence, le jugement est confirmé en ce qu'il a dit que la révocation du mandat était dépourvue de justes motifs. Sur les préjudices : (…) La société Aldi Marché ne justifiant d'aucune faute de gestion ni d'un juste motif à l'encontre de M. [U], l'indemnité contractuelle correspondant à l'équivalent de 15 mois de rémunération brute puisque M. [U] a une ancienneté égale ou supérieure à 10 ans est due à ce dernier. Le montant de cette indemnité n'étant pas discuté en appel, le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la société Aldi marché à la payer » ;

ET AUX MOTIFS SUPPOSEMENT ADOPTES DES PREMIERS JUGES QUE « A. Sur la demande principale formée par Monsieur [U] à l'encontre des parties défenderesses : Attendu que l'article L. 223-25 du code de commerce dispose : « Le gérant peut être révoqué par décision des associés dans les conditions de l'article L. 223-29, à moins que les statuts prévoient une majorité plus forte. Si la révocation est décidée sans juste motif, elle peut donner lieu à des dommages et intérêts » ; que le contrat de mandat conclu entre la société ALDI MARCHE SARL et Monsieur [U] en date du 8 juin 2006 prévoit : Article 1.1 : « Le présent contrat de mandat règle les droits et obligations qui incombent au gérant en sa qualité de mandataire social de la société... Une violation par le gérant des obligations fixées au présent contrat habilite l'associé unique à révoquer immédiatement le gérant. Article 8.1 : « En cas de cessation anticipée de son mandat suite à sa révocation... le gérant percevra à titre d'indemnité, en un versement et dans un délai d'un mois à compter de la cessation de ses fonctions, le plus élevé des montants suivants : -l'équivalent de la rémunération brute à laquelle il aurait pu prétendre au titre de son mandat social en l'absence de révocation de celui-ci, soir l'équivalent de cette rémunération pour la durée du mandat social restant à courir. -L'équivalent de 15 mois de rémunération brute si Monsieur [U] a une ancienneté égale ou supérieure à 10 ans ». Article 8.2 : « L'article 8.1 ci-dessus n'est pas applicable en cas de violation par le gérant des dispositions légales applicables aux sociétés à responsabilité limitée ou des statuts de la société ALDI MARCHE, en cas de faute de gestion entraînant la responsabilité du gérant envers la société ainsi que dès lors que la loi ou la jurisprudence prévoit une indemnisation inférieure à celle prévue à l'article 8.1 » ; que le tribunal, pour apprécier le bien-fondé de la demande principale formée par Monsieur [U], explicitera sa motivation en se fondant, à cette fin, sur l'analyse des nombreuses pièces du dossier, en particulier sur la plainte déposée par Monsieur [O] le 26 septembre 2014, en abordant successivement les points ci-après : -le contexte managérial dans lequel Monsieur [U] a exercé la fonction de gérant de la société ALDI MARCHE, -les motifs de révocation mis en avant par la société ALDI les sommes réclamées par Monsieur [U] au titre de sa demande principale ; A.1. Sur le contexte managérial dans lequel Monsieur [U] a exercé la fonction de gérant de la société ALDI MARCHE. A.1.1. L'organisation de la société ALDI MARCHE telle que mise en place par son associé unique la société ALDI. A titre liminaire, attendu que le tribunal constatera : que les liens de subordination sont définis aux articles II et III de l'annexe A/1 au contrat de mandat : Le gérant est subordonné à l'assemblée des associés et il a lui-même sous son autorité : le Responsable Personnel et Administration, Acheteur Régional, Responsables développement, Responsable Logistique, Responsable des Ventes. Il est aussi le supérieur disciplinaire des Responsables de Secteur, du Chef Réception, du Chef Préparations, du Chef Expédition et du Chef Comptable. Que la mission globale du poste de gérant est définie à l'article IV de l'annexe A/1 au contrat de mandat : « l'objectif assigné au gérant consiste à : -Réaliser durablement un chiffre d'affaires maximum, constituer et garantir, aux fins du renforcement de la position de l'entreprise sur le marché, un réseau performant de magasins. -Atteindre un profil optimal sans obérer le développement futur de l'entreprise ; -consolider et développer la position de l'entreprise sur le marché par une application exhaustive du principe d'économie. Il devra, pour l'accomplissement de ses missions, tirer profit des initiatives et des idées de ses collaborateurs ». -que les tâches que doit assumer personnellement le gérant sont rigoureusement énumérées dans l'article V l'annexe A/1 au contrat de mandat sous forme de verbes d'action, le plus utilisé étant « il décide… » ; que le tribunal considérera que les trois missions contractuelles principales de Monsieur [U] peuvent se résumer de la façon suivante : A/ Missions de caractère opérationnel : le développement économique et commercial de la société ALDI MARCHE ; B/ Missions de réflexion stratégique : piloter la prospective commerciale de la société ; C/ Missions de gestion : administrer et conduire l'entreprise vers les objectifs définis ; que l'atteinte des résultats découlant des missions à caractère opérationnel et de réflexion stratégique imparties au gérant n'est possible que parce qu'il peut s'appuyer sur une équipe d'encadrement structurée qu'il doit animer dans le cadre des délégations plus ou moins larges confiées aux différents responsables car en effet il a une soixantaine de magasins sous sa responsabilité. Que Monsieur [U] dispose pour ce faire d'une équipe de professionnels qui exerce essentiellement son activité sur le terrain : Un collaborateur direct, basé au siège : le responsable des ventes qui a pour mission de contrôler les responsables de secteur ainsi que les responsables de magasins, et pour ce faire doit régulièrement visiter les points de vente. Des responsables de secteur, hiérarchiquement placés sous le responsable des ventes dont la mission est de superviser cinq à sept magasins qu'ils doivent visiter plusieurs fois par semaine. Des responsables de magasins et pour le développement, de deux responsables chargés de la prospection destinée à l'ouverture de nouveaux magasins ainsi que du suivi de ces ouvertures ; que pour ce qui est de sa mission de gestion, Monsieur [U] avait à valider et à signer l'ensemble des factures de la société dans le cadre des procédures de contrôles existantes, ce qui représentait environ 3.000 factures ; que si la majeure partie de ses factures correspondait à des achats de marchandises, il n'en reste pas moins qu'environ 400 autres factures relevaient de la catégorie « frais généraux » ce qui ne lui permettait pas de vérifier point par point chacune des mentions des factures présentées, en particulier lorsqu'il s'agissait du paiement de factures pour lesquelles il y avait lieu de rapprocher celles-ci de documents juridiques ou techniques ; A.1.2. Les procédures de contrôle au sein de la société ALDI. MARCHE. A.1.2.1 La double signature. Que pour garantir la sécurité financière des opérations réalisées par l'entreprise, et en particulier les dépenses, qui représentent une zone de risque opérationnelle importante, l'entreprise, pour minimiser le risque, doit mettre en oeuvre des procédures efficaces ; que le recours à la double signature est l'un des moyens de gérer les risques d'abus, à la condition que celle-ci ne se limite pas à une simple signature de principe ; que les sociétés ALDI et ALDI MARCHE indiquent dans leurs écritures que la validation qui est demandée au service comptable ne vise qu'à vérifier que l'émission d'un chèque a bien été validée par le responsable d'affaires compétents dans le domaine (dont Monsieur [G] 0, soit, dans le domaine immobilier et pour des chèques d'un montant élevé, par le gérant ; que c'était donc à Monsieur [U] et lui seul de contrôler le bien-fondé de l'émission des chèques ; que le tribunal considérera que la procédure de double signature mise en oeuvre par la société ALDI n'est pas de nature, compte tenu de son organisation et du manque de clarté du processus, à la protéger des risques frauduleux ; A.1.2.2 La délégation de pouvoir aux personnes chargées de développement. Que les salariés chargés du développement embauchés par les sociétés ALDI disposent systématiquement d'une délégation de pouvoir et/ou de signature, afin de leur permettre de mener à bien leur mission ; que c'est précisément la délégation de signature qui a permis à Monsieur [G] de falsifier un certain nombre de documents et d'établir et de signer seul, des baux commerciaux dans le cadre de ses fonctions ; que le tribunal considérera que les délégations de pouvoir concédées de longue date aux développeurs est une déficience intrinsèque grave qui va à l'encontre de l'harmonisation des procédures de contrôle et ouvre une brèche dans leur efficacité ; que le tribunal considérera enfin qu'en ayant donné une délégation de signature à Monsieur [G], la société ALDI a retiré à Monsieur [U] une part significative de management et de sa possibilité de contrôler Monsieur [G] ; A.1.2.3 Les audits internes ; que pour démontrer la complexité des techniques employées par Monsieur [G] qui ont permis d'abuser la société ALDI, Monsieur [U] indique que les contrôles successifs réalisés par les auditeurs internes du siège au sein de la société ALDI OYTIER n'ont jamais permis de mettre en évidence la moindre fraude ou problème de surfacturations au sein de l'entreprise ; que les sociétés défenderesses indiquent dans leurs écritures que les auditeurs internes ne font qu'opérer le rapprochement entre les dépenses et les pièces comptables justifiant ces dépenses et n'effectuent qu'un contrôle formel ; cependant que la raison d'être de l'audit interne est d'aider l'entreprise à atteindre ses objectifs en évaluant, par une approche systématique et méthodique, ses processus de management des risques et de contrôle interne, son organisation, et en faisant des propositions pour renforcer son efficacité ; qu'il ressort d'un rapport « de contrôle interne » établi le 13 septembre 2013, ayant pour objet « les factures de frais généraux et immobilisations » que de nombreux points de contrôle ont été vérifiés tant le bien-fondé desdites factures que les processus d'acceptation et de vérification ; qu'il a par ailleurs été vérifié par sondages, l'existence éventuelle de double comptabilisation et de double paiement ; que le contrôle a porté sur un échantillon de 432 factures de frais généraux couvrant une période de mai à août 2013 ainsi que 91 factures d'immobilisation d'avril à août 2013 ; que le tribunal notera que les auditeurs n'ont relevé aucune incohérence pas plus qu'ils n'ont mis en évidence de falsifications ou de tromperies sur la période considérée ainsi que sur les exercices précédents ; A.2. Sur les motifs de la révocation mis en avant par la société ALDI. A.2.1. Sur la déficience de management reprochée à Monsieur [U] ; qu'en ayant donné une délégation de signature à Monsieur [G], la société ALDI SARL a retiré à Monsieur [U] une part significative de management et de sa possibilité de contrôle sur Monsieur [G] ; que Monsieur [U] a assuré la gérance de la société ALDI MARCHE pendant plus de huit années, et que son contrat de mandat social a été renouvelé en deux occasions, en 2009 puis en 2012 ; que la société ALDI MARCHE n'établit pas avoir observé, précédemment aux faits reprochés, une quelconque déficience dans l'action managériale de Monsieur [U] ni n'avoir adressé à ce dernier un quelconque reproche de cette nature ; qu'en conséquence le tribunal dira mal fondé le moyen ainsi soulevé par les sociétés ALDI et ALDI MARCHE ; A.2.2. Sur la déficience de contrôle interne reprochée à Monsieur [U] ; que la révocation du mandat de Monsieur [U] est directement liée aux agissements frauduleux de Monsieur [G] ; qu'il ressort de la plainte déposée par Monsieur [O] en date du 26 septembre 2014 que Monsieur [G] a fait preuve d'une imagination particulièrement fertile pour abuser l'ensemble de la hiérarchie de la société ALDI MARCHE et ce depuis au minimum le mois de juin 2010 ; que par la production de documents falsifiés, de pressions exercées sur ses interlocuteurs ou de complicité obtenue par des tiers, il a causé un préjudice au détriment de son employeur pour un montant d'environ 2,5 millions d'euros ; que le contenu de la plainte montre avec quel « professionnalisme » les escroqueries ont été organisées par Monsieur [G] ce qui lui a permis de duper L'ensemble des dirigeants de la société ALDI MARCHE ; qu'en effet les escroqueries sont aussi nombreuses que les méthodes utilisées : -Faux notaire SAINTELOC. Sur la base d'un compromis de vente comportant en lieu et place du nom du notaire, le nom de l'étude SAINTELOC, Monsieur [G] a obtenu le paiement de la somme de 255.280 € de la société IMMALDI puis a obtenu de cette dernière le versement d'une seconde somme au titre d'une caution destinée au propriétaire grâce à l'établissement d'un nouveau jeu de faux documents. -Fausses factures GEMO. Sous le prétexte de procéder au désamiantage urgent d'un magasin situé à [Localité 6], validé par Monsieur [G] et indiquant un diagnostic réalisé par la SOCOTEC (entreprise référencées par ALDI), ce dernier a présenté à Monsieur [U] une fausse facture d'acompte au nom d'une société GEMO, insistant sur l'urgence de la situation. -Présentation d'un faux compromis de vente. Profitant de l'absence de Monsieur [U], en congés payés, Monsieur [G] s'est fait remettre un chèque par Monsieur [O] d'un montant de 330.000 € sur présentation d'un faux compromis de vente concernant le magasin ALDI de Grenoble. -Sous-location frauduleuse du magasin de [Localité 3]. Grâce à la falsification d'un bail habituellement rédigé par Maître [J], notaire, pour le compte de la société ALDI, Monsieur [G] qui disposait d'une délégation de pouvoir et de signature de son employeur, qui lui permettait d'établir et de signer seul des baux commerciaux, s'est fait passer pour le titulaire du bail et a sous-loué en son nom la partie vide du local à la SARL JOSE MENAGER. - Faux bail [I]. Sur la base d'un mémo interne adressé « à la comptabilité » daté du 15 juillet 2014, Monsieur [G] a obtenu de la société ALDI MARCHE deux chèques pour un montant global de 150.000 €, au profit de la société LCDF, société dont il est l'actionnaire unique. Falsification de la signature de Monsieur [N], architecte. Cette falsification lui a permis d'obtenir de Monsieur [U] l'ordre de paiement d'une facture d'un montant de 109.254,60 € au profit de la société P&P. - Utilisation de complices pour la réalisation de fausses factures. Les sociétés MCG et LCDF sont dirigées par le beau-frère de Monsieur [G]. -Utilisation de complices pour établir des surfacturations et s'approprier le surcoût. Tel semble être le cas pour l'entreprise ARTS. Menaces et chantages auprès de certains fournisseurs (Mr [R]) ; qu'il n'est pas contesté par les parties que les comportements délictueux de Monsieur [G] ont été mis à jour par Monsieur [U], lequel lorsqu'il a eu des soupçons, a immédiatement alerté sa hiérarchie alors que les divers processus de sécurité existants dans l'entreprise n'avaient jamais rien révélé sur les stratagèmes particulièrement élaborés mis en oeuvre par Monsieur [G] ; qu'en conséquence le tribunal dira mal fondé le moyen ainsi soulevé par les sociétés ALDI et ALDI MARCHE ; A .2.3. En synthèse. Que le tribunal, pour l'ensemble des faits et motifs précédemment énoncés, considérera alors que la perte de confiance invoquée par la société ALDI en sa qualité d'associé unique, n'est pas établie en l'espèce, que les moyens mis en avant en soutien de celle-ci ne relèvent pas du « juste motif », tel que figurant à l'article L. 223-25 du code de commerce ; que le tribunal, en conséquence, dira mal fondée la révocation notifiée à Monsieur [U] en date du 6 octobre 2014 et fera droit à la demande principale de ce dernier dans les termes précisés au paragraphe suivant. A.3. Sur les sommes demandées par Monsieur [U] : A.3.1. Sur la somme de 250.523,25 € réclamée à titre d'indemnité contractuelle en réparation du préjudice subi du fait d'une révocation mal fondée ; que le tribunal dira bien fondée la demande sur le fondement de l'article L. 223-25 du code de commerce et de l'article 8.1, dernier alinéa du contrat de mandat qui dispose « En cas de cessation anticipée de son mandat suite à sa révocation... le gérant percevra à titre d'indemnité, en un versement et dans un délai d'un mois à compter de la cessation de ses fonctions.... L'équivalent de 15 mois de rémunération brute si Monsieur [U] à une ancienneté égale ou supérieure à 10 ans » ; qu'étant entré au service de la société ALDI le 5 avril 1993, Monsieur [U] a une ancienneté supérieure à 10 ans et qu'il a droit à l'équivalent de 15 mois de rémunération ; que sa dernière rémunération mensuelle brute était de 16.701,55 € (…) » ;

1°) ALORS QUE le juste motif de révocation du gérant d'une SARL peut résulter, non seulement d'une faute de gestion ou d'un manquement du gérant à une obligation légale ou réglementaire, mais également d'une mésentente ou d'une perte de confiance des associés à l'égard du gérant, lorsque celle-ci est de nature à compromettre l'intérêt social ; qu'en l'espèce, les sociétés ALDI SARL et ALDI MARCHE faisaient valoir, d'une part, que la révocation du mandat de gérant de la société ALDI MARCHE confié à Monsieur [U] reposait sur une faute de gestion, à raison des insuffisances du management et du contrôle interne de la société, pour ne pas avoir mis en place un système de surveillance permettant de déceler plus tôt les malversations commises par le responsable du développement Monsieur [G] (ses conclusions d'appel, p. 16 à 43), mais également, d'autre part, que cette révocation était fondée sur un juste motif tenant à la perte de confiance engendrée par les insuffisances dans l'organisation et le contrôle interne de la société ALDI MARCHE, quand bien même celles-ci ne suffiraient pas à caractériser une faute de gestion, en soulignant que les fraudes commises pendant plusieurs années par Monsieur [G] n'avaient été révélées qu'à l'occasion d'un audit interne effectué à la demande de la société ALDI SARL, en l'absence duquel elles n'auraient sans doute jamais été découvertes (ses conclusions d'appel, p. 43) ; qu'en se bornant à déduire l'absence de juste motif ayant présidé à la révocation du mandat de Monsieur [U] de l'absence de preuve d'une faute de gestion qu'aurait commise ce dernier (arrêt, p. 10-11 ; jugement de première instance, p. 8), et en se contentant d'écarter le motif tiré d'une perte de confiance à l'égard de Monsieur [U] au motif que ce dernier avait rapidement réagi dès qu'il avait eu connaissance des malversations commises par Monsieur [G] (arrêt, p. 9-10 ; jugement, p. 8, antépénultième §), sans rechercher, comme elle y était invitée, si la perte de confiance de l'associé de la société ALDI MARCHE à l'égard de Monsieur [U] n'avait pas pu découler de l'importance des détournements opérés (à hauteur d'environ 2,5 millions d'euros) et de la durée des agissements illicites de ce salarié (qui s'étaient étalés sur 5 ans), et à justifier la révocation sans indemnité de ce dernier, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 223-25 du code de commerce ;

2°) ALORS EN OUTRE QU' il résultait de l'annexe A/2 du contrat de mandat du 8 juin 2006 (p. 13-14) que Monsieur [U], en sa qualité de gérant de la société ALDI MARCHE, donnait « procuration aux titulaires des postes ci-après énumérés, dans les limites ci-après fixées, pour [le] représenter conformément aux pouvoirs qui [lui] sont attribués », et que, « pour les absences excédant une semaine », Monsieur [U] serait représenté, « dans le secteur Développement : par le Responsable Développement en commun avec le Responsable des Ventes compétent » ; que par ailleurs, les salariés de la société ALDI MARCHE pouvaient disposer de délégations de signature pour la conclusion d'un acte déterminé au nom de la société ALDI MARCHE (conclusions d'appel des exposantes, not. p. 36-37 ; pièces nos 15-1 à 15-3 ; pièce n° 16-3) ; que, pour dire que Monsieur [U] n'avait pas commis de faute de gestion en ne décelant pas les malversations commises par Monsieur [G], la cour d'appel a retenu par motifs propres et adoptés (arrêt, p. 10, 4ème § ; jugement de première instance, p. 6, quatre derniers §), que les salariés chargés du développement embauchés par la société ALDI disposaient systématiquement d'une délégation de pouvoir et/ou de signature, afin de leur permettre de mener à bien leur mission, et qu' « en ayant donné une délégation de signature à Monsieur [G], la société ALDI a retiré à Monsieur [U] une part significative de management et de sa possibilité de contrôler Monsieur [G] » ; qu'en statuant de la sorte, quand la procuration prévue dans le contrat de mandat ne concernait que l'hypothèse de l'absence du gérant pendant plus d'une semaine, et que les actes litigieux avaient été accomplis par Monsieur [G] non dans le cadre de cette procuration, mais en vertu de délégations de signature spéciales, la cour d'appel a méconnu les termes du contrat de mandat, et violé l'article 1134 (devenu 1103) du code civil ;

3°) ALORS AU SURPLUS QU' en retenant que les salariés chargés du développement embauchés par la société ALDI disposaient systématiquement d'une délégation de pouvoir et/ou de signature, afin de leur permettre de mener à bien leur mission, et qu' « en ayant donné une délégation de signature à Monsieur [G], la société ALDI a retiré à Monsieur [U] une part significative de management et de sa possibilité de contrôler Monsieur [G] », la procuration prévue dans le contrat de mandat ne concernait que l'hypothèse de l'absence du gérant pendant plus d'une semaine, et que les actes litigieux avaient été accomplis par Monsieur [G] non dans le cadre de cette procuration, mais en vertu de délégations de signature spéciales (conclusions d'appel des exposantes, not. p. 36-37 ; pièces nos 15-1 à 15-3 ; pièce n° 16-3), la cour d'appel a méconnu les termes du litige, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;

4°) ALORS QUE l'octroi d'une délégation de signature n'exonère pas le délégant de son obligation de contrôler l'action du délégataire ; que les sociétés ALDI SARL et ALDI MARCHE faisaient valoir (leurs conclusions d'appel, p. 36) que la plupart des décisions litigieuses prises par Monsieur [G] étaient intervenues, non en vertu de la procuration prévue à l'annexe A/2 du contrat de mandat du 8 juin 2006, mais en application de pouvoirs spéciaux conférés à ce salarié par Monsieur [U] ; qu'elles versaient aux débats plusieurs pièces à titre d'exemple de ces délégations de pouvoir spéciales (le contrat de bail commercial du magasin de [Localité 3], pièces nos 15-1 à 15-3 ; la promesse de bail afférente au magasin de [I], pièce n° 16-3 ; leurs conclusions d'appel, p. 36-37) ; qu'en retenant que les délégations de signature dont avait bénéficié Monsieur [G] avaient retiré une partie des possibilités de contrôle du gérant (arrêt, p. 10, 4ème § ; jugement de première instance, p. 6, quatre derniers §), et qu'eu égard au nombre de factures traitées par la société ALDI MARCHE, Monsieur [U] avait pu sans commettre de faute de gestion ne pas déceler les fraudes commises par Monsieur [G], sans rechercher si le gérant n'avait pas commis une faute de gestion en ne contrôlant pas l'usage fait par ce salarié des délégations qui lui avaient été accordées, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 223-25 du code de commerce ;

5°) ALORS, ENCORE, QU' en se bornant à retenir, pour dire que Monsieur [U] n'avait commis aucune faute de gestion en ne décelant pas les malversations commises par Monsieur [G], que ce dernier avait utilisé des stratagèmes « très élaborés », et que Monsieur [U], en sa qualité de gérant de la société ALDI MARCHE, devait traiter un nombre important de factures (arrêt attaqué, p. 9-10 ; jugement, p. 6 à 8), sans rechercher si eu égard à l'importance des détournements réalisés par Monsieur [G] (lesquels représentaient environ 2,5 millions d'euros) au montant des factures litigieuses, correspondant à plusieurs dizaines voire milliers d'euros (conclusions d'appel des exposantes, p. 7-11 ; p. 13 : p. 28 ; p. 29-35) et à la durée de la fraude (les agissements commis par Monsieur [G] s'étant déroulés entre 2009, année de l'embauche du salarié, jusqu'en 2014), Monsieur [U] n'avait pas commis une faute de gestion en s'abstenant de mettre en place un système de contrôle permettant de vérifier la régularité des factures correspondant aux opérations les plus importantes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 223-25 du code de commerce ;

6°) ALORS, ENFIN, QUE les sociétés ALDI SARL et ALDI MARCHE faisaient valoir (les conclusions d'appel, p. 30 à 35) que de nombreuses factures avaient été validées et mises en paiement par Monsieur [U] alors qu'elles comportaient des irrégularités flagrantes, telles que l'absence de validation de factures d'aménagement par un architecte s'agissant du magasin de [Localité 7] (pièces nos 11-2 et 11-3), l'absence d'indication du numéro de RCS de la société prestataire dans le dossier [Localité 6] (pièces nos 14-2 à 14-4), l'absence des mentions légales obligatoires (ni forme sociale, ni adresse du siège, ni numéro Siret ; facture de la société PATRIMONIUM de 120.000 € HT du 18 juin 2010), numéros de factures émises par les 2 et 3 juin 2011 par la société LCDF et la société P&P identiques et portant sur les mêmes prestations (pièces nos 12-1 et 12-2) ; qu'en n'examinant pas ces factures et en ne répondant pas au moyen des exposantes qui soutenaient que Monsieur [U] avait commis une faute de gestion en ne mettant pas en place un système de contrôle permettant de déceler ces anomalies apparentes, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

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