26 janvier 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-80.072

Chambre criminelle - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2022:CR00244

Titres et sommaires

CHAMBRE DE L'INSTRUCTION - Procédure - Audience - Date - Notification - Notification aux parties et à leurs avocats - Applications diverses - Notification par lettre recommandée

L'article 197, alinéa 1er, du code de procédure pénale, prévoit que le procureur général notifie par lettre recommandée à chacune des parties et à son avocat la date à laquelle l'affaire sera appelée à l'audience. Ces prescriptions sont observées lorsque par arrêt la chambre de l'instruction renvoie l'examen de l'affaire à une audience ultérieure et que la nouvelle date qu'elle fixe est notifiée par le procureur général à l'intéressé et à son conseil par l'envoi de l'arrêt par lettre recommandée.


MANDAT D'ARRET EUROPEEN - Exécution - Procédure - Chambre de l'instruction - Comparution de la personne recherchée - Interrogatoire - Renvoi de l'affaire à une date ultérieure - Composition différente de la chambre de l'instruction - Absence de la personne régulièrement convoquée - Nouvel interrogatoire de la personne recherchée - Nécessité (non)

C'est à bon droit qu'une chambre de l'instruction, qui avait procédé à l'interrogatoire de la personne recherchée en vertu d'un mandat d'arrêt européen au cours d'une audience précédente, a statué, dans une composition différente, sur la demande d'exécution du mandat d'arrêt, dès lors qu'en l'absence de cette personne, régulièrement convoquée, elle ne pouvait procéder à nouveau à la formalité de son interrogatoire


CHAMBRE DE L'INSTRUCTION - Procédure - Rapport - Mention dans l'arrêt - Nécessité

Aux termes de l'article 199 du code de procédure pénale, les débats devant la chambre de l'instruction comportent l'audition d'un conseiller en son rapport. L'article 216 du même code prescrit de faire mention, dans l'arrêt, de la lecture dudit rapport. L'omission de cette formalité, destinée à l'information de la juridiction saisie, n'entre pas dans les prévisions de l'article 802 du code de procédure pénale. Encourt la cassation l'arrêt d'une chambre de l'instruction qui ne constate pas qu'à l'audience à laquelle l'examen de l'affaire a été renvoyé, un conseiller ait été entendu en son rapport, alors que la formalité du rapport, accomplie lors de l'audience précédente, s'imposait à nouveau lors de l'audience de renvoi en raison du changement intervenu dans la composition de la formation

Texte de la décision

N° Q 22-80.072 F-B

N° 00244


MAS2
26 JANVIER 2022


CASSATION


Mme DE LA LANCE conseiller doyen faisant fonction de président,








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 26 JANVIER 2022



Mme [R] [O], actuellement nommée [X] [I], épouse [V], a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Amiens, en date du 17 décembre 2021, qui, sur renvoi après cassation (Crim., 3 novembre 2021, n° 21-85.726), a autorisé sa remise aux autorités judiciaires néerlandaises, en exécution d'un mandat d'arrêt européen.

Un mémoire a été produit.

Sur le rapport de M. Turcey, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mme [R] [O], actuellement nommée [X] [I], et les conclusions de M. Salomon, avocat général, après débats en l'audience publique du 26 janvier 2022 où étaient présents Mme de la Lance, conseiller doyen faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Turcey, conseiller rapporteur, Mme Planchon, conseiller de la chambre, et Mme Sommier, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. Le 28 février 2020, un mandat d'arrêt européen a été délivré par l'autorité judiciaire néerlandaise à l'encontre de Mme [R] [O] aux fins d'exécution d'une peine de trois ans d'emprisonnement prononcée le 18 juillet 2005 par le tribunal de Haarlem, en répression de faits de vols aggravés, tentatives de vol aggravé et détention d'arme.

3. Contrôlée le 6 septembre 2021 à l'aéroport de [Localité 1], elle a présenté un passeport français au nom de Mme [X] [I], épouse [V].

4. Mme [R] [O] a été présentée au magistrat délégué par le premier président, qui a ordonné son placement sous contrôle judiciaire.

5. Elle n'a pas consenti à sa remise.

6. La chambre de l'instruction, par arrêt du 28 septembre 2021, a refusé la remise de Mme [R] [O], actuellement nommée [X] [I], épouse [V], aux autorités judiciaires néerlandaises.

7. Cet arrêt a été cassé en toutes ses dispositions par arrêt de la chambre criminelle, en date du 3 novembre 2021, qui a renvoyé l'affaire devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Amiens, autrement composée.

8. Par arrêt du 10 décembre 2021, la chambre de l'instruction a invité les autorités néerlandaises à indiquer si l'intéressée pourra être renvoyée en France pour y effectuer la peine prononcée pour les faits faisant l'objet du mandat d'arrêt européen, et dit que l'affaire sera à nouveau évoquée à l'audience du 17 décembre 2021.








Examen des moyens

Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

9. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a autorisé la remise de Mme [I], aux autorités judiciaires néerlandaises en vertu d'un mandat d'arrêt européen, alors :

« 1°/ que la personne qui fait l'objet d'un mandat d'arrêt européen doit comparaître en personne devant la chambre de l'instruction qui statue sur la demande de remise ; il résulte de l'arrêt attaqué que Mme [I] n'était pas présente lors des débats sur le fond du 17 décembre 2021 ; ni sa présence lors d'un précédent débat tenu le 30 novembre 2021 ayant abouti à un arrêt avant dire droit du 10 décembre 2021 fixant une date de renvoi, ni sa représentation par un avocat lors des débats du 17 décembre 2021, sans autre formalité destinée à assurer la présence de l'intéressée à l'audience, ne peuvent aboutir à la constatation de la chambre de l'instruction selon laquelle « Mme [I] est réputée avoir comparu » ; l'arrêt attaqué a été rendu en violation des articles 695-29, 695-30 et 695-31 du code de procédure pénale ;

2°/ que, si les délais de convocation à l'audience de la chambre de l'instruction prévus par l'article 197 du code de procédure pénale ne sont pas applicables en matière de mandat d'arrêt européen, la nécessité d'une convocation régulière à l'audience par le procureur général résultant des articles 194 et 197 du code de procédure pénale est applicable ; la seule constatation dans l'arrêt attaqué, de ce que Mme [I] aurait eu connaissance de la date à laquelle les débats ont été renvoyés par le seul effet de « l'envoi » de l'arrêt avant dire droit sans que l'envoi en question comporte expressément convocation à la nouvelle audience, ne constitue pas une convocation régulière pour l'audience du 17 décembre 2021 ; l'arrêt a ainsi été rendu en violation des articles 6 de la Convention européenne des droits d'homme et des droits de la défense, 194 et 197 du code de procédure pénale ;

3°/ que la comparution de Mme [I] lors de l'audience du 30 novembre 2021 et le procès-verbal établi à cette date ne peuvent valoir établissement du procès-verbal prévu à l'article 695-30 du code de procédure pénale, dès lors que lors de cette audience la chambre de l'instruction était composée (MM. [D], [Z] et [M]) différemment de la composition du 17 décembre 2021, lors des débats au fond (MM. [D] et [Z] et Mme [P]) ; ainsi la décision a été rendue sans établissement régulier du procès-verbal prévu à l'article 695-30 qui a été violé. »

Réponse de la Cour

Sur le deuxième moyen, pris en sa deuxième branche

10. Aux termes de l'article 197 du code de procédure pénale, le procureur général notifie par lettre recommandée à chacune des parties et à son avocat la date à laquelle l'affaire sera appelée à l'audience.

11. Cette formalité est essentielle aux droits des parties et doit être observée à peine de nullité.

12. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure, que, par arrêt du 10 décembre 2021, la chambre de l'instruction a renvoyé l'examen de l'affaire à l'audience du vendredi 17 décembre 2021, en précisant que sa décision sera exécutée à la diligence du procureur général et notifiée à Mme [I], et que cette nouvelle date a été notifiée par le procureur général à l'intéressée ainsi qu'à son conseil par l'envoi de l'arrêt du 10 décembre 2021, effectué le même jour par lettre recommandée, reçue le 14 décembre 2021 par Mme [I].

13. Il en résulte que les prescriptions de l'article 197 du code de procédure pénale ont été observées, et que la chambre de l'instruction n'a méconnu aucun des textes visés au moyen.

14. Dès lors, le grief n'est pas fondé.

Sur le deuxième moyen, pris en ses première et troisième branches

15. Devant la chambre de l'instruction saisie de l'exécution d'un mandat d'arrêt européen, les débats s'ouvrent par un interrogatoire de la personne recherchée, dont il est dressé procès-verbal.

16. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que Mme [I] a comparu le 30 novembre 2021 devant la chambre de l'instruction qui a procédé à son interrogatoire et en a dressé procès-verbal puis, par arrêt du 10 décembre 2021, a renvoyé l'examen de l'affaire au 17 décembre suivant.

17. A cette audience, à laquelle l'intéressée n'a pas comparu, la juridiction, dans une composition différente de celle de l'audience du 30 novembre, a examiné l'affaire au fond et prononcé sa décision, sans procéder à nouveau à la formalité de l'interrogatoire de Mme [I], rendue nécessaire par le changement intervenu dans la composition de la formation.

18. En statuant sur la demande d'exécution du mandat d'arrêt, dès lors qu'en l'absence de Mme [I], régulièrement convoquée, elle ne pouvait procéder à nouveau à la formalité de l'interrogatoire de cette dernière, la chambre de l'instruction n'a méconnu aucun des textes visés au moyen.

19. Ainsi, les griefs doivent être écartés.

Mais sur le premier moyen

Enoncé du moyen

20. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a autorisé la remise de Mme [I], aux autorités judiciaires néerlandaises en vertu d'un mandat d'arrêt européen, alors « qu'aucun rapport n'a été fait à l'audience du 17 décembre 2021 au cours de laquelle l'affaire a été examinée au fond, en violation de l'article 199 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 199 du code de procédure pénale :

21. Aux termes de ce texte, les débats devant la chambre de l'instruction comportent l'audition d'un conseiller en son rapport.

22. L'article 216 du même code prescrit de faire mention dans l'arrêt, de la lecture dudit rapport. L'omission de cette formalité, destinée à l'information de la juridiction saisie, n'entre pas dans les prévisions de l'article 802 du code de procédure pénale.

23. Il résulte des pièces de la procédure qu'un rapport a été effectué à l'audience du 30 novembre 2021, à l'issue de laquelle l'examen de l'affaire a été renvoyé au 17 décembre suivant.

24. L'arrêt attaqué ne constate pas qu'à cette dernière audience, un conseiller ait été entendu en son rapport.

25. En statuant ainsi, alors que la formalité du rapport s'imposait lors de l'audience de renvoi en raison du changement intervenu dans la composition de la formation, la chambre de l'instruction a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus énoncé.

26. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.



PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu d'examiner le troisième moyen de cassation proposé, la Cour :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Amiens, en date du 17 décembre 2021, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;

RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Amiens et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-six janvier deux mille vingt-deux.

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