19 janvier 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-14.200

Chambre commerciale financière et économique - Formation restreinte RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2022:CO10053

Texte de la décision

COMM.

FB



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 19 janvier 2022




Rejet non spécialement motivé


M. GUÉRIN, conseiller doyen
faisant fonction de président



Décision n° 10053 F

Pourvoi n° Y 20-14.200




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 19 JANVIER 2022

La société APRC, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Y 20-14.200 contre deux arrêts n° RG 16/02368 rendus les 13 septembre 2018 et 9 janvier 2020 par la cour d'appel de Lyon (1re chambre civile A), dans le litige l'opposant à la société Caisse d'épargne et de prévoyance de Rhône-Alpes (CERA), société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Blanc, conseiller référendaire, les observations écrites de la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat de la société APRC, de la SCP Rousseau et Tapie, avocat de la société Caisse d'épargne et de prévoyance de Rhône-Alpes, et l'avis de M. Lecaroz, avocat général, après débats en l'audience publique du 23 novembre 2021 où étaient présents M. Guérin, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Blanc, conseiller référendaire rapporteur, M. Ponsot, conseiller, M. Lecaroz, avocat général, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.


1. Le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.

EN CONSÉQUENCE, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société APRC aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société APRC et la condamne à payer à la société Caisse d'épargne et de prévoyance de Rhône-Alpes la somme de 3 000 euros ;

Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, prononcé en l'audience publique du dix-neuf janvier deux mille vingt-deux, et signé par M. Ponsot, conseiller qui en a délibéré, en remplacement de M. Guérin, empêché.









MOYEN ANNEXE à la présente décision

Moyen produit par la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat aux Conseils, pour la société APRC.

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a dit que la CERA n'avait pas commis de négligences dans l'exécution de ses obligations d'établissement bancaire qui soient directement en rapport et à l'origine du préjudice de la société APRC, dit qu'aucun élément probant n'était de nature à justifier que les clauses de la convention d'échanges de données puissent être écartées et débouté en conséquence la société APRC de l'ensemble de ses demandes ;

AUX MOTIFS PROPRES QU' « il ressort du procès-verbal dressé par les services de police le 27 septembre 2013 (cf pièce 12 de la société APRC) et de l'examen des ordres de virement litigieux, à savoir ceux en date des 1er mars 2013, 4 avril 2013, 13 juin 2013, 24 juin 2013, 28 juin 2013, 2 juillet 2013, 12 juillet 2013, 19 juillet 2013, 6 août 2013, pour des montants respectifs de 25.000 euros, 418.600 euros, 950.000 euros, 313.950 euros, 1.000.000 euros, 1.000.000 euros, 400.000 euros, 400.000 euros, et de 950.000 euros, que la BNP et le Crédit Agricole sont les établissements bancaires à qui la société APRC a donné l'ordre d'exécuter ces virements et que la CERA est intervenue seulement en qualité de tiers au mandat donné par la société APRC à la BNP et au Crédit Agricole, seule sa responsabilité délictuelle peut être recherchée par la société APRC à l'occasion de ces opérations ; que cette dernière fonde cependant sa demande de dommages-intérêts sur l'article 1147 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et sur l'article 1937 du même code ; qu'il y a donc lieu d'inviter les parties à présenter leurs observations sur le moyen de droit soulevé d'office tiré de l'application à la cause des articles 1382 et 1383 du Code civil, devenus les articles 1240 et 1241 » (arrêt avant dire droit du 13 septembre 2018) ;

ET AUX MOTIFS PROPRES QUE « comme l'a relevé la cour dans son arrêt avant dire droit, la société APRC soutient que la CERA est responsable de son dommage, motifs pris d'un manquement de sa part à son devoir de vigilance et de surveillance de ses comptes pour les raisons suivantes : - les virements étaient affectés d'anomalies apparentes (libellés faisant état de virements internes, ordres donnés de virer des fonds des comptes de la société APRC à celui de la société Bati Services, fréquence et montant important de ces virements, absence d'activité de la société Bati Services, emploi des fonds pour des placements spéculatifs) ; - chacun des virements litigieux a donné lieu à une alerte informatique [Y], logiciel utilisé dans la lutte contre le blanchiment mais la CERA n'a pas fait de déclaration Tracfin, ni informé les instances dirigeantes de la société APRC alors que les virements provenaient tous de ses comptes ; - dans une attestation du 17 mai 2013, la CERA, interrogée par une société par l'intermédiaire de laquelle M. [M] réalisait ses placements, a répondu que le compte de la société Bati Services fonctionnait normalement depuis sa création, alors que le logiciel [Y] avait déjà lancé de nombreuses alertes. Après l'arrêt avant dire droit, la société APRC maintient ses prétentions sur le fondement de la responsabilité contractuelle. Dans ses écritures, elle reproche à la banque d'avoir effectué quatorze virements frauduleux, sans toutefois en proposer un tableau récapitulatif avec les dates et les montants. Il ressort du procès-verbal dressé par les services de police le 27 septembre 2013 (pièce n° 12 société APRC) que seuls neuf virements n'ont pas été remboursés. S'agissant des cinq autres, il n'est pas justifié du compte bancaire émetteur, sauf en ce qui concerne le cinquième (virement de 50.000 euros du 29 mai 2013) qui émane du compte BNP de la société APRC. Aucune faute de la CERA ne peut être établie sur ces cinq virements, qui, au demeurant, ne font en réalité l'objet d'aucune demande dès lors que la société APRC a été indemnisée de ces détournements. Comme il a déjà été relevé dans le précédent arrêt, il ressort du procès-verbal des services de police que la BNP et le Crédit Agricole sont les établissements bancaires à qui la société APRC a donné l'ordre d'exécuter les virements suivants : 1er mars 2013 (25.000 euros), 4 avril 2013 (418.600), 13 juin 2013 (950.000 euros), 24 juin 2013 (313.950 euros), 28 juin 2013 (1.000.000 euros), 2 juillet 2013 (1.000.000 euros), 12 juillet 2013 (400.000 euros), 19 juillet 2013 (400.000 euros), 6 août 2013 (950.000 euros). En réalité la CERA admet dans ses écritures que les virements des 13 juin 2013 (950.000 euros) et 19 juillet 2013 (400.000 euros) ont été réalisés à partir du compte de la société APRC ouvert dans ses livres, ce qui correspond aux bordereaux d'accompagnement (pièce n° 1 société APRC). Ainsi, pour les sept autres virements, la CERA s'est bornée à intervenir en qualité de banquier réceptionnaire, chargé de créditer le compte de la société Bati Services de leur montant et, pour ces opérations, était tiers au mandat donné par la société APRC aux deux autres établissements bancaires. Par ailleurs, si la société APRC soutient que la CERA a manqué à son devoir de vigilance, elle se réfère au fonctionnement du compte de la société Bati Services et aux mouvements qualifiés d'anormaux sur ce compte. Le manquement allégué porte ainsi sur le fonctionnement d'un compte tiers et ne peut engager la responsabilité contractuelle de la CERA à l'égard de la société APRC. Il convient en conséquence de dire que seule la responsabilité délictuelle de la CERA pouvait être engagée pour les sept virements litigieux et que l'action de la société APRC fondée sur la responsabilité contractuelle ne peut prospérer. Ainsi, la société APRC ne peut engager cette responsabilité de la CERA que pour les deux autres virements, à savoir ceux des 13 juin et 19 juillet 2013 pour un montant de 1.350.000 euros. Il est reproché à la banque un manquement à son devoir de vigilance. Il est constant que le banquier est tenu envers son client à une obligation de vigilance et il engage sa responsabilité s'il exécute un ordre de virement falsifié affecté d'une anomalie apparente devant attirer l'attention d'un professionnel normalement vigilant, justifiant qu'il se rapproche du donneur d'ordre. Comme il a été rappelé ci-avant, ce devoir ne peut engager la responsabilité contractuelle de la CERA à l'égard de la société APRC en ce qui concerne le fonctionnement du compte de la société Bati Services. Par ailleurs, la banque est tenue à une obligation de non-ingérence dans les affaires de son client, quelle que soit la qualité de celui-ci, et n'a pas à procéder à de quelconques investigations sur l'origine et l'importance des fonds versés sur ses comptes ni même à l'interroger sur l'existence de mouvements de grande ampleur, dès lors que ces opérations ont une apparence de régularité et qu'aucun indice de falsification ne peut être décelé. En l'espèce, il n'est pas contesté que M. [M] avait qualité pour préparer des ordres de virement, qui étaient ensuite signés par l'une des personnes ayant pouvoir pour ce faire. Par suite, il importe peu qu'il ait été, par ailleurs, gérant de la société Bati Services, cet élément n'étant pas de nature à constituer un indice d'irrégularité. L'intéressé utilisait le logiciel informatique de virement de la banque et, comme l'a relevé le tribunal, le chargé de clientèle de la CERA a indiqué qu'il lui était arrivé de joindre le dirigeant de la société pour qu'il lui confirme les virements, ce que ce dernier avait fait en lui demandant par ailleurs de traiter avec M. [M]. Par ailleurs, comme le relève la CERA, la directrice financière de la société APRC a déclaré devant les services de police (pièce 11 société APRC) que « les virements frauduleux portaient sur des montants qui ne sont pas inhabituels pour nous ». La société APRC rappelle d'ailleurs que son chiffre d'affaires annuel est d'environ 50.000.000 euros. Celle-ci relève encore que la mention ‘virements internes » figure en deuxième page des ordres de virement, alors qu'il s'agissait d'opérations entre le compte de la société APRC et celui de la société Bati Services. Toutefois, cette mention, apposée par la société APRC sur les deux ordres litigieux, qui pouvait constituer une erreur, ne constituait pas, dans le contexte évoqué ci-avant, une anomalie de nature à éveiller les soupçons de la banque. Ainsi, en présence de demandes ayant une apparence de régularité, la CERA n'était pas tenue à une obligation de vigilance et n'a par conséquent commis aucune faute en procédant aux virements litigieux les 13 juin et 19 juillet 2013. La société APRC reproche encore à la CERA l'établissement d'une attestation de fonctionnement normal du compte de la société Bati Services à destination de la société de courtage Avatrade. A supposer que la CERA ait commis une faute en établissant cette attestation, elle n'a pas de ce fait engagé sa responsabilité contractuelle à l'égard de la société APRC et l'action engagée à ce titre ne peut prospérer » (arrêt au fond du 9 janvier 2020) ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « des documents de présentation de la société APRC SAS ont été versés aux débats (pièces n° 1, n° 2, n° 3 et n° 4 du défendeur, non contestées) ; que la société APRC SAS, dont le siège social est situé à [Localité 4] (42) exerce depuis l'année 2006 une activité dans le domaine de la construction orientée vers « des solutions sur mesure », proposant « clés en mains, la conception et la réalisation de bâtiments industriels, logistiques, tertiaires et commerciaux » et développant « des montages d'opérations immobilières » ; que la société APRC SAS a connu une très forte croissance, réalisant des chiffres d'affaires évoluant entre 3,22 M€ en 2006 à 54,78 M€ en 2012, puis 46,50 M€ en 2013 avec une perspective d'atteindre 180,0 M€ en 2017 ; que l'effectif annoncé de 5 salariés en 2006 était projeté à 122 salariés à l'horizon 2017 ; qu'il est annoncé sur la période 2014-2017 « un nombre total de 3.390 emplois préservés et/ou générés par le CA injecté dans l'économie nationale » ; que les valeurs et engagements exprimés dans la présentation de la société APRC SAS mettent en avant une organisation structurée, basée sur le savoir-faire de ses équipes, la clarté de la démarche et la volonté « d'instaurer un partenariat positif générateur de confiance » ; que la société APRC fait état d'un levier important de croissance sur la période 2014-2017 de par la création d'une joint-venture avec l'entreprise d'état algérienne, la société nationale des transports routiers ; que la société APRC SAS a pour président M. [F] [V] et compte parmi ses dirigeants et cadres MM. [C] [N] et [K] [L], tous deux directeurs généraux et M. [Z] [S], directeur des études et cosignataire des statuts de la société en date du 13 février 2008 avec le président et les deux directeurs généraux suscités ; que la société APRC SAS expose dans ses pièces son « fonctionnement en mode projet » qui prévoit que, à l'occasion de chaque nouveau contrat conclu avec l'un de ses clients, la société APRC SAS procède à l'ouverture d'un « compte bancaire de chantier », par lequel transitent, durant toute la durée de l'opération de construction, les paiements opérés par le maitre de l'ouvrage et les règlements à destination des sous-traitants et fournisseurs d'APRC SAS ; que la société APRC SAS détient ainsi, de tels comptes dans différents banques, dont la CERA, plus précisément dans son agence d'[Localité 3] (69), son conseiller de clientèle étant M. [W] [S], fils de M. [Z] [S] suscité ; que M. [U] [M], qui était salarié de la société APRC SAS depuis 2007, assurait le contrôle de gestion et disposait de la signature ainsi que des pouvoirs les plus étendus sur les comptes de la société APRC SAS ; que M. [U] [M] a fait l'objet d'une mise à pied le 19 août 2013, puis a été licencié pour faute lourde le 4 septembre 2013 ; qu'une information judiciaire, ouverte suite à la plainte déposée par la société APRC SAS, a donné lieu à une ordonnance de renvoi de M. [U] [M] devant le tribunal correctionnel de Saint-Etienne pour que celui-ci réponde de faits constitutifs d'escroquerie, de faux et de blanchiment (pièces n° 4 et n° 5 du demandeur, non contestées) ; que l'audience a eu lieu le 23 novembre 2015 ; d'autre part que la société Bati Services SARL, immatriculée le 13 mars 2012, radiée le 25 février 2014, avait pour gérant M. [U] [M] (pièce n° 3 du demandeur, non contestée) ; que la société Bati Services SARL avait ouvert un compte bancaire dans les livres de la CERA dans son agence d'[Localité 3] (69), son conseiller de clientèle étant également M. [W] [S] ; que cette sociétés n'aurait cependant jamais développé l'activité déclarée dans son objet social (conseil et ingénierie en matière de construction), ni réalisé le moindre chiffre d'affaires ; que M. [U] [M], profitant de ses fonctions de comptable, notamment chargé de la gestion des flux importants de trésorerie au sein de la société APRC SAS du fait du « fonctionnement en mode projet » évoqué précédemment, aurait présenté à la signature de l'un des trois associés d'APRC SAS habilités à engager la société, quatorze ordres de virements falsifiés ou erronés en ce qu'ils indiquaient le numéro de compte Bati Services mais portaient la mention « Virements internes » (pièces n° 1.1 à 1.10 du demandeur, non contestées) ; afin de compléter le cadre contextuel que, aux termes de conclusions en réponse n° 2 du défendeur (non contestées), il est fait état des liens unissant les différents protagonistes du dossier : - M. [F] [V], président de la société APRC SAS et M. [U] [M] sont des amis d'enfance, - M. [Z] [S] est directeur des études et associés au sein de la société APRC SAS, tandis que son fils M. [W] [S] est employé de la CERA, en poste à l'agence de [Localité 4], - M. [F] [V] connait bien M. [W] [S], - M. [Z] [S], dont le fils est en poste à la CERA et qui était à ce titre en lien avec M. [U] [M] et la société Bati Conseils (lire Bati Services), est lui-même associé au sein de la société APRC SAS ; que la société APRC SAS rappelle les obligations de la CERA à ses devoirs au titre du règlement n° 97-02 du 21 février 1997 (modifié) relatif au contrôle interne des établissements de crédit et des entreprises d'investissement ; que ainsi l'article 11.7 – 2.2 de ce règlement précise : « les entreprises assujetties se dotent de dispositifs de suivi et d'analyse de leurs relations d'affaires, fondés sur la connaissance de leur clientèle, permettant notamment de détecter les opérations qui constituent des anomalies au regard du profil des relations d'affaires et qui pourraient faire l'objet d'un examen renforcé mentionné à l'article L. 561-10-2 (II) ou d'une déclaration prévue à l'article L. 561-15 du code monétaire et financier » ; que le tribunal notera qu'il n'est pas versé aux débats par les parties de rappels identiques de ces obligations aux autres établissements bancaires contestés (Crédit Agricole, BNP) par certains virements litigieux (pièces n° 1.1 à 1.10 du demandeur, non contestées) ; que le tribunal notera aux termes du procès-verbal d'audition de Mme [R] [D], directrice financière de la société APRC SAS (pièce n° 11 du demandeur, non contestée) que « la société ne fait pas appel à un expert-comptable externe, je suis l'expert-comptable de la société » ; que « depuis mai 2012, mes missions étant très nombreuses, j'ai confié à M. [M] la gestion de la trésorerie, je tiens à préciser que depuis l'été 2012, j'ai préparé [U] à me succéder » ; que « d'après son travail, j'étais la supérieure hiérarchique d'[U]. Néanmoins, le seul véritable patron de la société est [F] [V]. Pour exemple, alors que j'avais mis en place les virements au 15 et à la fin de chaque mois, il arrivait que [F] lui demande d'en effectuer au jour le jour » ; que « j'attire en effet votre attention sur le fait que les opérations effectuées par [U] étaient noyées dans la masse de celles opérées habituellement au sein de la société APRC SAS. Ainsi les virements frauduleux portaient sur des montants qui ne sont pas inhabituels pour nous » ; que le tribunal notera aux termes du procès-verbal d'audition de M. [W] [S], chargé d'affaires professionnelles à la CERA pour des clients professionnels des agences d'Irigny et de Saint Genis Laval (pièce n° 11 du demandeur, non contestée que la société APRC SAS est « une cliente de l'agence d'Irigny qui est dans mon portefeuille », « j'ai récupéré la gestion de ce compte car je connais son dirigeant, [F] [V]. Je le connais car il travaille avec mon père qui est lui-même associé au sein d'APRC » ; que M. [W] [S] était en contact avec M. [U] [M] « pour ouvrir des comptes de chantiers. En effet, à chaque fois qu'APRC avait un nouveau chantier, j'ouvrais un compte » ; que concernant la société Bati Services SARL, M. [U] [M] lui a dit « qu'il avait monté cette boîte avec son frère pour effectuer de la sous-traitance pour APRC, qui travaille avec beaucoup de sous-traitants », « il m'a dit que M. [V] allait lui confier des chantiers », « lors de l'ouverture du compte, M. [M] m'a juste dit qu'il allait travailler avec APRC » ; que M. [W] [S] était également en contact avec M. [F] [V], « je contactais souvent M. [V] quand il utilisait notre logiciel informatique de virement (Datalis), afin de vérifier la conformité de la signature sur le bordereau. Je lui passais un coup de fil afin de m'assurer que la demande de virement venait bien d'APRC » ; que M. [W] [S] précise qu'il lui est arrivé de contacter directement M. [V] pour vérifier la validité des virements qui se présentaient au nom d'APRC « J'ai déjà joint par téléphone M. [V]. Il m'a confirmé les ordres de virement et m'a demandé de traiter avec M. [M] pour éviter de l'appeler trop souvent » ; que concernant l'attestation délivrée par la CERA en date du 17 mai 2013 à l'attention de M. [X] [A] de la société Avatrade (pièces n° 7 et n° 8 du demandeur, non contestées), M. [W] [S] dit « M. [P] m'a demandé une attestation établissant qu'il n'y avait pas d'incident sur ce compte. Parallèlement, j'ai été contacté par M. [M] qui m'a demandé de répondre à M. [P] et de lui certifier qu'il n'y avait pas d'incident sur son compte. M. [M] n'est pas rentré dans le détail, il m'a juste dit qu'il fallait que je réponde à M. [P], qu'il s'agissait d'une société avec laquelle il travaillait, que c'était en rapport avec la sous-traitance pour APRC » ; en conséquence que le tribunal notera que la société APRC SAS avait mis en place une organisation interne sérieuse et rigoureuse afin de répondre avec efficacité et professionnalisme au « fonctionnement en mode projet » facteur clé de la performance de la société, avec des personnels aux postes importants ayant toute la confiance du président « seul véritable patron » ; que les virements litigieux, « qui portaient sur des montants qui ne sont pas inhabituels » compte tenu du fonctionnement de la société APRC SAS, n'avaient pas pu être détectés en interne du fait d'une part du mode opératoire de M. [U] [M] et d'autre part du haut niveau de confiance qui lui était accordé ; que le mode particulier de fonctionnement de la société APRC SAS, la fréquence et les montants significatifs des virements, que le contexte relationnel intime et de grande confiance des différents protagonistes du dossier, mais aussi que les performances remarquables de la société APRC SAS, ainsi que son impact sur l'emploi et l'économie locale dans un bassin d'emploi qui a besoin de sociétés dynamiques en pleine croissance pour se développer ont engendré entre la société APRC SAS et la CERA une relation de clientèle marquée par une grande confiance, type de relation attendue de la part d'un partenaire financier ; que d'autre part, la CERA est tenue d'une obligation de non-ingérence dans les affaires de son client, maintes fois rappelée par la jurisprudence ; qu'il ressort des auditions suscitées que le suivi du compte a bien été réalisé, que des appels directs de vérification téléphonique avec le président de la société APRC SAS ont été passés, avec un renvoi du président en personne sur l'interlocuteur, alors de confiance, M. [U] [M] ; qu'un manque certain de pertinence est relevé quant aux suites données aux alertes [Y], manque de pertinence lié entre autres au contexte particulier de la relation de clientèle entre la CERA et la société APRC SAS rappelée ci-dessus ; que dans le contexte rappelé, au regard des termes de l'article 11.7-2.2 du règlement n° 97-02 du 21 février 1997 (modifié) relatif au contrôle interne des établissements de crédit et des entreprises d'investissement, le tribunal dira que la CERA, fondée sur la connaissance de sa clientèle, en ne détectant pas « des anomalies au regard du profil des relations d'affaires et qui pourraient faire l'objet d'un examen renforcé » n'a pas commis de graves négligences dans l'exécution de ses obligations d'établissement bancaire qui soient directement en rapport et à l'origine du préjudice allégué par la société APRC SAS ; que la société APRC SAS a conclu une « convention d'échanges de données informatiques Datalis » ainsi qu'un « contrat d'échanges de données informatisées selon le protocole EBI CST » avec la CERA ; qu'aux termes de la convention d'échanges de données informatisées Datalis régularisée le 2 mars 2012, il est prévu : « le client doit vérifier la bonne exécution de ses ordres (…) », « la CEP est dégagée de toute responsabilité en cas d'utilisation non conforme, abusive ou frauduleuse des services mis à la disposition du client » ; que les 14 virements présentés par la société APRC SAS ont tous été opérés dans le respect des règles procédurales par la CERA (transmission des fichiers émis par le service compétent de l'entreprise avec confirmation par télécopie revêtue de la signature des personnes dûment autorisées) et que si des détournements ont pu avoir lieu (sur une période de plus d'un an), ils n'ont pu l'être que par suite des graves dysfonctionnements observés au sein de la société APRC SAS qui a manqué à ses obligations les plus élémentaires, aucun contrôle, ni supervision des flux n'étant opéré ; que c'est le comportement de la société APRC SAS qui est à apprécier, au regard des procédures à respecter dans le cadre de cette convention, et qu'il n'existe aucune lien avec l'obligation de signalement susceptible d'incomber à la banque ; qu'en conséquence, le tribunal dira qu'aucun élément probant n'est de nature à justifier que les clauses de la convention d'échanges de données puissent être écartées ; qu'au vu de ce qui précède, le tribunal déboutera la société APRC SAS de l'ensemble de ses demandes » ;

1°/ ALORS QUE le juge ne doit pas dénaturer les termes du litige ; qu'en l'espèce, par arrêt avant dire droit du 13 septembre 2018, la Cour d'appel a soulevé d'office le moyen tiré de l'application à la cause, pour la recherche de la responsabilité de la CERA, des articles 1382 et 1383, devenus 1240 et 1241, du Code civil et invité les parties à présenter leurs observations ; que la CERA a alors fait valoir que sa responsabilité ne pouvait être recherchée que sur le fondement de ces textes pour sept des virements litigieux (observations, p. 3), tandis que la société APRC a indiqué que, sous l'angle du mandat donné à l'occasion de chaque virement, la responsabilité de la banque était délictuelle pour sept d'entre eux et contractuelle pour les deux autres, les deux fondements coexistant selon que la CERA était réceptionnaire des fonds ou émetteur des virements, ce qui n'excluait pas pour autant de rechercher également, par ailleurs, sa responsabilité contractuelle au titre des opérations litigieuses prises dans leur globalité (observations, p. 2 et 3) ; qu'en énonçant, pour débouter la société APRC de son action en responsabilité civile contre la CERA, que « seule la responsabilité délictuelle de la CERA pouvait être engagée pour les sept virements litigieux et que l'action de la société APRC fondée sur la responsabilité contractuelle ne peut prospérer », sans statuer, ne s'en estimant pas saisie, sur le bien-fondé de l'action en responsabilité délictuelle dont la société APRC avait pourtant admis la pertinence au regard du mandat confié à la CERA s'agissant des sept virements litigieux, la Cour d'appel, qui a dénaturé les termes du litige, a violé l'article 4 du Code de procédure civile ;

2°/ ALORS QUE, en tout état de cause, le fait pour un banquier de ne pas avoir détecté une succession d'anomalies affectant toute une série d'opérations impliquant son client constitue un manquement à son devoir de vigilance et de surveillance, indépendamment des rôles ponctuels que le banquier a été amené à remplir pour chacune des opérations en cause prises isolément ; qu'en l'espèce, la société APRC faisait valoir que, compte tenu du contexte général anormal dans lequel les virements litigieux s'inscrivaient, déterminé par la fréquence et le montant de ces virements, par la courte période de leur réalisation (de fin mars à début août 2013), par leur intitulé « virements internes », manifestement erroné au regard de leur nature de virements externes, par le déclenchement systématique d'une alerte [Y] lors de chaque opération, par la nature des placements hautement spéculatifs auxquels les virements donnaient lieu, par l'absence totale d'activité réelle de la société Bati Services et encore par la double qualité de M. [M], salarié de la société APRC et gérant de la société Bati Services, la CERA, banquier commun de l'émetteur comme du bénéficiaire des virements, avait manqué, face à cette accumulation d'indices d'irrégularité des virements litigieux, à son obligation de vigilance en n'alertant pas la société exposante d'une situation à l'évidence anormale ; qu'en jugeant en l'espèce que l'examen de la responsabilité civile de la CERA devait être exclusivement fait au regard du mandat reçu par la banque pour chacun des virements, ce qui impliquait en conséquence une responsabilité contractuelle pour les deux virements émis et reçus par la banque et une responsabilité délictuelle pour les virements simplement reçus, sans rechercher, ainsi qu'elle y était pourtant expressément invitée par la société exposante, si, au regard de l'ensemble des opérations litigieuses prises globalement et du contexte général dans lequel celles-ci se sont inscrites, la CERA n'avait pas failli à son obligation contractuelle de vigilance à l'égard de la société APRC en ne l'alertant pas des anomalies manifestes qui affectaient l'ensemble des mouvements bancaires ayant eu lieu en quelques mois seulement entre les différents comptes APRC, dont celui ouvert dans les livres de la CERA, et le compte de la société Bati Services, également ouvert auprès d'elle, et ce alors que ces opérations avaient déclenché quatorze alertes [Y], la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil dans sa rédaction applicable en la cause, antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

3°/ ALORS QUE, subsidiairement, à supposer même que la CERA n'engage sa responsabilité contractuelle à l'égard de la société APRC que pour les deux virements par elle-même émis, la société exposante faisait valoir dans ses conclusions d'appel que la CERA avait nécessairement manqué à son obligation de vigilance dès lors que chacun des virements litigieux avait déclenché une alerte [Y], que l'ensemble des personnels de la CERA ayant traité ces alertes avait admis, au cours de l'instruction pénale, les carences organisationnelles de la banque et le défaut de vigilance de celle-ci quant à ces alertes et qu'aucune de celles-ci n'avait donné lieu à une information des dirigeants de la société APRC par la CERA (conclusions, p. 13 à 19, n° 17 à 30) ; qu'en retenant qu'en « présence de demandes ayant une apparence de régularité », la CERA n'était pas tenue à une obligation de vigilance et n'avait par conséquent commis aucune faute en procédant aux deux virements litigieux, sans répondre à ce moyen des conclusions d'appel de la société exposante, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;

4°/ ALORS QUE, subsidiairement, la société APRC faisait valoir, sans être contredite sur ce point, qu'aucune des alertes déclenchées par les opérations litigieuses, qu'il s'agisse des virements émis par la CERA ou simplement reçus par celle-ci, n'avait été portée à la connaissance de ses dirigeants par la banque, ce qui en soi établissait le manquement de cette dernière à son devoir de vigilance (conclusions, p. 13 à 19, n° 17 à 30) ; qu'en énonçant, pour écarter toute faute commise par la CERA à ce titre, que « le chargé de clientèle de la CERA a indiqué qu'il lui était arrivé de joindre le dirigeant de la société pour qu'il lui confirme les virements, ce que ce dernier avait fait en lui demandant par ailleurs de traiter avec M. [M] », sans rechercher, ainsi qu'elle y était expressément invitée, si s'agissant des virements ayant déclenché l'alerte [Y], le CERA n'avait pas l'obligation de contacter le dirigeant de la société APRC pour lui faire part de ces anomalies, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil dans sa rédaction applicable en la cause, antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

5°/ ALORS QUE, subsidiairement, la société APRC faisait également valoir, au titre des indices d'irrégularité affectant les virements litigieux, que « la destination systématique des virements opérés avec les sommes perçues d'APRC par Bati Services (placements hautement spéculatifs sans aucun rapport avec l'objet social) aurait dû être un motif légitime d'interrogation pour le banquier normalement vigilant, ce d'autant plus que la CERA a été sollicitée par Avatrade » (conclusions, p. 9, n° 10) ; qu'en retenant qu'en « présence de demandes ayant une apparence de régularité », la CERA n'était pas tenue à une obligation de vigilance et n'avait par conséquent commis aucune faute en procédant aux deux virement litigieux, sans répondre à ce moyen des conclusions d'appel de la société exposante, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;

6°/ ALORS QUE, subsidiairement, à supposer que les motifs des premiers juges aient été adoptés sur ce point, doit être réputée non écrite la clause limitative ou exclusive de responsabilité qui contredit la portée de l'obligation essentielle souscrite par le débiteur ; que la société APRC faisait valoir en l'espèce que la clause de la convention d'échanges de données informatisées dénommée « Datalis » conclue avec la CERA, stipulant que cette dernière était « dégagée de toute responsabilité en cas d'utilisation non conforme, abusive ou frauduleuse des services mis à la disposition du client », ne pouvait faire échec à la responsabilité de la CERA dès lors qu'elle devait être réputée non écrite dans la mesure où elle contredisait la portée de l'obligation essentielle de vigilance de la banque (conclusions p. 26, n° 42) ; qu'en énonçant, par motifs éventuellement adoptés des premiers juges, qu' « il n'existe aucun lien avec l'obligation de signalement susceptible d'incomber à la banque » et « qu'aucun élément probant n'est de nature à justifier que les clauses de la convention d'échanges de données puissent être écartées », sans rechercher, comme elle y était invitée, si ces clauses ne privaient pas de toute portée l'obligation essentielle de vigilance de la banque, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1131 du Code civil, dans sa rédaction applicable en la cause, antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

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