12 janvier 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-17.913

Première chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2022:C100034

Texte de la décision

CIV. 1

SG



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 12 janvier 2022




Cassation partielle


M. CHAUVIN, président



Arrêt n° 34 F-D

Pourvoi n° J 20-17.913

Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M. [S].
Admission du bureau d'aide juridictionnel
près la Cour de cassation
en date du 25 mai 2020.

Aide juridictionnelle totale en défense
au profit de Mme [T].
Admission au bureau d'aide juridictionnel
près la Cour de cassation
en date du 26 novembre 2020.




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 12 JANVIER 2022

M. [G] [S], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° J 20-17.913 contre l'arrêt rendu le 27 août 2019 par la cour d'appel de Colmar (5e chambre civile), dans le litige l'opposant à Mme [K] [T], épouse [S], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Fulchiron, conseiller, les observations de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de M. [S], de la SCP Buk Lament-Robillot, avocat de Mme [T], et l'avis de Mme Caron-Deglise, avocat général, après débats en l'audience publique du 16 novembre 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Fulchiron, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Berthomier, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 27 août 2019), un jugement du 7 février 2018 a prononcé le divorce de M. [S] et de Mme [T].

Examen des moyens

Sur le premier moyen, ci-après annexé


2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.


Mais sur le deuxième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. M. [S] fait grief à l'arrêt de fixer au montant de 9 600 euros le capital à titre de prestation compensatoire dû par lui à Mme [T], alors « que la prestation compensatoire est fixée selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible ; que lorsque l'appel porte sur le principe du divorce, la cour doit se placer au jour où elle statue pour apprécier le droit à la prestation compensatoire et déterminer son montant ; que le juge aux affaires familiales ayant fixé à 9 600 euros la prestation compensatoire due à l'épouse aux motifs que l'époux, qui déclarait percevoir 1 500 euros par mois, ne produisait aucun élément pour préciser l'état actuel de ses dettes, M. [S] a actualisé et étayé sa situation financière en appel en produisant divers documents justifiant de ses charges et dettes ; que les charges et dettes dont il était ainsi justifié obéraient largement ses capacités contributives en comparaison de celles qu'avait retenues le premier juge ; que pour confirmer les montants retenus par le juge aux affaires familiales au titre de la prestation compensatoire, la cour d'appel s'est pourtant bornée à reprendre les données figurant dans le tableau produit en annexe 4 intitulé selon bordereau « 4. Situation financière de M. [S] en 1ère instance » ; qu'en statuant ainsi, sans prendre en considération la situation de M. [S] au jour où elle statuait, la cour d'appel a violé les articles 270 et 271 du code civil. »

Réponse de la cour

Vu les articles 270 et 271 du code civil :

4. Il résulte de la combinaison de ces textes que, pour apprécier la demande de prestation compensatoire, le juge se place à la date à laquelle la décision prononçant le divorce prend force de chose jugée et qu'en cas d'appel général d'un jugement de divorce, la décision quant au divorce ne peut passer en force de chose jugée, sauf acquiescement ou désistement, avant le prononcé de l'arrêt.

5. Pour condamner M. [S] à payer à Mme [T] une prestation compensatoire, l'arrêt relève que M. [S] indique percevoir mensuellement un revenu de 1 500 euros par mois, comprenant une retraite de 1 074 euros et une pension qui s'élèverait à 500 euros, et qu'il fait état de charges fixes de 686 euros dont 400 euros de remboursement de prêts et de dettes.

6. En se déterminant ainsi, au vu d'éléments décrivant la situation financière de M. [S] en première instance, sans rechercher, comme il le lui était demandé, offres de preuve à l'appui, si celle-ci n'avait pas évolué, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Sur le deuxième moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

7. M. [S] fait grief à l'arrêt de fixer à 200 euros par mois, soit 100 euros pour [U] et 100 euros pour [Z], le montant de la contribution mensuelle globale d'entretien des enfants due par lui à Mme [T], alors « que la contribution à l'éducation et à l'entretien des enfants est fixée selon les ressources des parents, en tenant compte de leur situation au moment où le juge statue ; que le juge aux affaires familiales ayant fixé à 200 euros par mois les frais d'entretien des enfants aux motifs que l'époux, qui déclarait percevoir 1 500 euros par mois, ne produisait aucun élément pour préciser l'état actuel de ses dettes, M. [S] a actualisé et étayé sa situation financière en appel en produisant divers documents justifiant de ses charges et dettes ; que les charges et dettes dont il était ainsi justifié obéraient largement ses capacités contributives en comparaison de celles qu'avait retenues le premier juge ; que pour confirmer les montants retenus par le juge aux affaires familiales au titre de la contribution aux charges d'entretien des enfants, la cour d'appel s'est pourtant bornée à reprendre les données figurant dans le tableau produit en annexe 4 intitulé selon bordereau « 4. Situation financière de M. [S] en 1ère instance » ; qu'en statuant ainsi, sans prendre en considération la situation de M. [S] au jour où elle statuait, la cour d'appel a violé l'article 371-2 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 371-2 du code civil :

8. Il résulte de ce texte que, pour fixer la contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants, le juge doit se placer au jour où il statue pour apprécier les ressources des parents.

9. Pour fixer la contribution due par M. [S] pour l'entretien et l'éducation des deux enfants à la somme mensuelle de 200 euros, l'arrêt se fonde sur les mêmes éléments financiers.

10. En se déterminant ainsi, au vu d'éléments décrivant la situation financière de M. [S] en première instance, sans rechercher, comme il le lui était demandé, offres de preuve à l'appui, si celle-ci n'avait pas évolué, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Et sur le moyen relevé d'office

11. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu les articles 373-2, 373-2-1 et 373-2-9 du code civil :

12. Il résulte de ces textes que lorsque la résidence de l'enfant est fixée au domicile de l'un des parents, le juge aux affaires familiales statue sur les modalités du droit de visite de l'autre parent.

13. Pour dire que les relations du père avec les deux enfants mineures s'exerceront dans le strict respect des modalités arrêtées à l'occasion de la procédure d'assistance éducative, après avoir confié à la mère l'exercice exclusif de l'autorité parentale et fixé chez elle la résidence des enfants, l'arrêt relève que la Caisse d'allocations familiales a été contrainte de se substituer à M. [S] dans le paiement de la contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants, que celui-ci éprouve des difficultés à respecter les liens mère-enfants et qu'il n'a pas pris l'attache du service d'assistance éducative en milieu ouvert chargé de mettre en place son droit de visite et d'hébergement à l'égard de ses filles, qu'il n'a pas revues depuis quatre ans.

14. En statuant ainsi, en s'en remettant à la décision du juge des enfants sur les modalités d'exercice du droit de visite du père, la cour d'appel, qui a méconnu l'étendue de ses pouvoirs, a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le troisième moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il attribue à Mme [T] une prestation compensatoire de 9 600 euros, fixe la contribution incombant au père à la somme de 200 euros mensuels, soit 100 euros par mois et par enfant, pour l'entretien et l'éducation des enfants [U] et [Z], et subordonne le droit de visite de M. [S] à l'égard des deux enfants mineures au respect des modalités fixées par le juge des enfants dans le cadre de la procédure d'assistance éducative qui serait en cours, l'arrêt rendu le 27 août 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Colmar autrement composée ;

Condamne Mme [T] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze janvier deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat aux Conseils, pour M. [S]

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

M. [G] [S] FAIT GRIEF à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir prononcé le divorce de Mme [K] [T] à ses torts exclusifs ;

ALORS QUE les juges du fond sont tenus de viser et d'analyser, fût-ce sommairement, les éléments de preuve produits par les parties pour soutenir leurs prétentions et sur lesquels ils fondent leur décision ; que le juge aux affaires familiales ayant rejeté la demande reconventionnelle de M. [S] tendant au prononcé du divorce aux torts exclusifs de l'épouse au motif qu'aucune pièce ne venait justifier l'accusation d'adultère dirigée contre cette dernière, M. [S] a étayé sa demande en appel d'une attestation établie par Mme [L] [J], de relevés téléphoniques et de photographies identifiant l'homme avec lequel Mme [T] aurait entretenu une liaison ; que la cour d'appel, sans analyser fût-ce sommairement ces différents éléments, a confirmé le prononcé du divorce aux torts exclusifs de l'époux par une motivation de pure forme, se bornant à énoncer que « la cour relève que la relation adultère reprochée par M. [S] à l'épouse n'est aucunement établie » ; qu'en statuant ainsi, elle a violé l'article 455 du code de procédure civile.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

M. [G] [S] FAIT GRIEF à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir fixé au montant de 9.600 € le capital à titre de prestation compensatoire dû par lui à Mme [K] [T] et d'avoir fixé à 200 € par mois soit 100 € pour [U] et 100 € pour [Z] le montant de la contribution mensuelle globale d'entretien des enfants due par lui à Mme [K] [T] ;

1° ALORS QUE la prestation compensatoire est fixée selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible ; que lorsque l'appel porte sur le principe du divorce, la cour doit se placer au jour où elle statue pour apprécier le droit à la prestation compensatoire et déterminer son montant ; que le juge aux affaires familiales ayant fixé à 9.600 € la prestation compensatoire due à l'épouse aux motifs que l'époux, qui déclarait percevoir 1.500 € par mois, ne produisait aucun élément pour préciser l'état actuel de ses dettes, M. [S] a actualisé et étayé sa situation financière en appel en produisant divers documents justifiant de ses charges et dettes ; que les charges et dettes dont il était ainsi justifié obéraient largement ses capacités contributives en comparaison de celles qu'avait retenues le premier juge ; que pour confirmer les montants retenus par le juge aux affaires familiales au titre de la prestation compensatoire, la cour d'appel s'est pourtant bornée à reprendre les données figurant dans le tableau produit en annexe 4 intitulé selon bordereau « 4. Situation financière de Monsieur [S] en 1ère instance » ; qu'en statuant ainsi, sans prendre en considération la situation de M. [S] au jour où elle statuait, la cour d'appel a violé les articles 270 et 271 du code civil ;

2° ALORS QUE la contribution à l'éducation et à l'entretien des enfants est fixée selon les ressources des parents, en tenant compte de leur situation au moment où le juge statue ; que le juge aux affaires familiales ayant fixé à 200 € par mois les frais d'entretien des enfants aux motifs que l'époux, qui déclarait percevoir 1.500 € par mois, ne produisait aucun élément pour préciser l'état actuel de ses dettes, M. [S] a actualisé et étayé sa situation financière en appel en produisant divers documents justifiant de ses charges et dettes ; que les charges et dettes dont il était ainsi justifié obéraient largement ses capacités contributives en comparaison de celles qu'avait retenues le premier juge ; que pour confirmer les montants retenus par le juge aux affaires familiales au titre de la contribution aux charges d'entretien des enfants, la cour d'appel s'est pourtant bornée à reprendre les données figurant dans le tableau produit en annexe 4 intitulé selon bordereau « 4. Situation financière de Monsieur [S] en 1ère instance » ; qu'en statuant ainsi, sans prendre en considération la situation de M. [S] au jour où elle statuait, la cour d'appel a violé l'article 371-2 du code civil.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

M. [G] [S] FAIT GRIEF à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir dit que les relations du père avec les enfants, au titre notamment, de l'exercice du droit de visite et d'hébergement, s'exerceront dans le strict respect des modalités arrêtées dans le cadre de la procédure d'assistance éducative ;

1° ALORS QUE le motif hypothétique équivaut à un défaut de motif ; que la cour d'appel a confirmé le jugement qui a subordonné le droit de visite du père à l'égard de ses deux enfants mineurs au respect des modalités fixées par le juge des enfants dans le cadre d'une procédure d'assistance éducative qui serait en cours ; qu'en statuant par des motifs hypothétiques sur l'existence de l'assistance éducative pour les deux enfants mineurs, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

2° ALORS QU'EN TOUTE HYPOTHESE, si la cour d'appel pouvait, sans déléguer les pouvoirs que lui confère la loi quant à la fixation des modalités d'exercice du droit de visite et d'hébergement accordé à un parent sur ses enfants, subordonner le droit de visite du père à l'égard d'[U] et d'[Z] au respect des modalités fixées par le juge des enfants dans le cadre de la procédure d'assistance éducative qui serait en cours, il lui appartenait néanmoins de fixer les modalités d'exercice du droit de visite et d'hébergement du père au moment de la levée, par le juge des enfants, des mesures d'assistance éducative ; qu'en se bornant à renvoyer aux modalités de la procédure d'assistance éducative qui serait en cours, la cour d'appel a violé l'article 4 du code civil.

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