13 octobre 2021
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-16.292

Troisième chambre civile - Formation restreinte RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2021:C310464

Texte de la décision

CIV. 3

SG



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 13 octobre 2021




Rejet non spécialement motivé


Mme TEILLER, président



Décision n° 10464 F

Pourvoi n° X 20-16.292




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 13 OCTOBRE 2021

La société Alyasmeen Properties France, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° X 20-16.292 contre l'arrêt rendu le 27 février 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 1 - chambre 2), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [U] Mohd [J] [S],

2°/ à Mme [C] [R], épouse [S],

domiciliés tous deux [Adresse 1] et actuellement [Adresse 3],

3°/ au syndicat des copropriétaires de l'Immeuble [Adresse 1], dont le siège est [Adresse 1], représenté par son syndic le cabinet Loiselet Pere Fils & F. Daigremont, dont le siège est [Adresse 2],

défendeurs à la cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Jobert, conseiller, les observations écrites de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Alyasmeen Properties France, de la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat de M. et Mme [J] [S], de la SCP Delvolvé et Trichet, avocat du syndicat des copropriétaires de l'Immeuble [Adresse 1], après débats en l'audience publique du 7 septembre 2021 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Jobert, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.


1. Le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.

EN CONSÉQUENCE, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Alyasmeen Properties France aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Alyasmeen Properties France ; la condamne à payer la somme de 2 000 euros au syndicat des copropriétaires de l'Immeuble [Adresse 1] et la somme globale de 2 000 euros à M. et Mme [S].

Ainsi décidé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize octobre deux mille vingt et un. MOYEN ANNEXE à la présente décision

Moyen produit par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour la société Alyasmeen Properties France.

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR jugé prescrite l'action formée par la SCI Alyasmeen et de l'AVOIR déclarée irrecevable ;

AUX MOTIFS QU'« en l'espèce, les intimés font valoir que les installations dont il est demandé la suppression existent depuis plus de dix ans et en déduisent, sur le fondement de l'article 42, même antérieur à la loi du 23 novembre 2018, que l'action de l'appelante, personnelle, est prescrite ; qu'au contraire, l'appelante estime à titre principal que son action, réelle, est soumise à la prescription de trente ans, et, à titre subsidiaire, que la prescription décennale n'est en toute hypothèse pas acquise ; qu'il faut rappeler que l'action qui tend au respect du règlement de copropriété, et seulement par voie de conséquence à la suppression d'ouvrages affectant les parties communes, est une action personnelle, tandis que l'action qui a pour objet direct et exclusif de restituer aux parties communes ce qu'un copropriétaire s'est indûment approprié est une action réelle ; qu'il n'est pas contesté par les parties au litige que les installations ont été faites sans l'autorisation de l'assemblée générale des copropriétaires, étant précisé au surplus que le non-respect par les époux [S] de la règlementation imposée par les bâtiments de France n'est ni démontré, ni pertinent le cas échéant, l'action étant ici entamée par un copropriétaire se plaignant de la violation du règlement de copropriété par un autre copropriétaire ; qu'au regard de ces éléments, il faut relever que, s'agissant des fenêtres, volets et balcons, le règlement de copropriété prévoit que les parties communes comprennent notamment "les gaines de cheminées, dans les murs ou adossées, les têtes de cheminée, les ornements extérieurs des façades, moulurations et balcons, les fenêtres des escaliers" (page 9) et qu'"outre la propriété des parties communes déterminées sous l'article précédent, chaque propriétaire d'appartement [...] aura la propriété exclusive et particulière des locaux lui revenant" (page 10), cette propriété comprenant notamment "les fenêtres sur rue et sur cour, avec leurs volets et persiennes, garde-corps, balcons et balconnets" ; qu'il en résulte, à la lecture combinée de ces dispositions et contrairement à ce qu'indique l'appelante, que si les ornements extérieurs de balcons sont des parties communes, les balcons sont des parties privatives, de même que les fenêtres ; qu'à supposer donc que les installations querellées - unités de climatisation sur les balcons, portes-fenêtres, stores électriques - aient été faites en violation du règlement de copropriété, toute action les concernant est soumise au délai de l'article 42 de la loi du 10 juillet 1965, en l'absence d'appropriation indue des parties communes ; qu'il importe peu que l'installation des climatiseurs aient donné lieu à des percements ou à des carottages dans la façade (pièce 12, procès-verbal de constat d'huissier versé par la SCI Alyasmeen Properties France), comme l'invoque l'appelante ; que certes, la façade de l'immeuble est une partie commune ; que, pour autant, les dégradations alléguées de la façade, si elles peuvent constituer des atteintes à des parties communes, ne sont en rien assimilables à une appropriation indue, ne pouvant être retenue que faire un trou constituerait une annexion de façade, comme indiqué à tort dans les écritures de l'appelante (page 8) ; que les époux [S] versent aux débats des pièces qui démontrent l'ancienneté des installations en cause ; que l'acte de vente du 29 septembre 2005 stipule en effet que l'appartement est équipé d'appareils de climatisation (pièce 1) ; que le notaire en charge de la vente, par lettre du 20 décembre 2018, indique que les éléments dont la dépose est demandée étaient déjà présents ; que l'attestation de l'ancienne propriétaire, Mme [F], précise que les aménagements des doubles fenêtres, volets roulants et unités de climatisation étaient déjà réalisés dans cet appartement, lors de la vente en septembre 2005 (pièce 5a) ; qu'il faut préciser, face à l'argument de l'appelante selon lequel l'attestation ne respecterait pas les dispositions de forme de l'article 202 du code de procédure civile, qu'une nouvelle attestation conforme de Mme [F] a été produite (pièce 5b) ; qu'un autre copropriétaire, M. [N] [Y], propriétaire d'un restaurant au rez-de-chaussée de l'immeuble depuis 1992, atteste (pièce 20) que les doubles-fenêtres, les volets roulants et les unités de climatisation étaient déjà présentes à cette date ; que le simple fait que les intimés aient mis à disposition du restaurateur des caves n'est pas de nature à enlever toute portée à l'attestation produite ; qu'un constat d'huissier du 10 octobre 2019 (pièce 12) fait état de ce que cinq blocs de climatisation sont datées entre 2004 et 2005, deux blocs de climatisation portant des dates de 2012 et 2016 ; que, s'agissant du remplacement dans le temps des appareils pour entretien, les époux [S] produisent des documents sur l'entretien des climatiseurs, sans que l'on puisse en déduire, pour autant, que ces remplacements auraient pour effet de faire repartir un nouveau délai de prescription (pièces 13 et 14) ; qu'il résulte suffisamment de l'ensemble de ces éléments, sans même évoquer les autres moyens de fait, que les installations litigieuses sont à tout le moins antérieures à la vente de l'appartement à M. et Mme [S], intervenue le 29 septembre 2005, de sorte que la SCI Alyasmeen Properties France est prescrite en son action, comme ayant agi après le 29 septembre 2015, l'assignation devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris datant du 27 décembre 2018 ; que cette prescription atteint aussi, nécessairement, les trous et percements ayant permis la fixation des équipements - la SCI appelante ne pouvant à cet égard faire une distinction artificielle entre les appareils d'une part et les percements d'autre part pour contester partiellement le moyen de prescription, ni non plus exiger des époux [S] de prouver la date à laquelle ils auraient supposément dû informer la copropriété de chaque trou ou de chaque percement, alors qu'ici il s'agit justement de travaux effectués sans l'autorisation de l'assemblée générale des copropriétaires ; qu'il n'est pas non plus établi que les installations en cause aient été dissimulées à la vue des autres copropriétaires, de sorte que le point de départ de la prescription aurait été retardé ; que les époux [S] produisent en effet le constat d'huissier montrant que les installations litigieuses sont visibles depuis la chaussée (pièces 12, constat d'huissier du 10 octobre 2019), de sorte qu'il s'agit d'équipements non dissimulés, que les autres copropriétaires peuvent voir librement ; que, face à ce constat d'huissier et des photographies produites, les deux attestations produites par l'appelante, selon lesquelles ces installations ne se remarquent pas du bas de l'immeuble (pièces 14 et 15, attestations de MM. [D] et [G] [M]), ne sauraient emporter la conviction de la cour ; qu'il importe également peu que la question de la licéité des installations ait été abordée seulement, selon l'appelante, lors du conseil syndical du 22 mai 2018, au regard des pièces démontrant leur caractère visible ; que la connaissance de travaux non régulièrement autorisés résulte du fait que les installations sont visibles depuis l'extérieur, l'appelante ne pouvant être suivie lorsqu'elle fait valoir que la notion de visibilité serait inopérante ; que l'installation d'équipements visibles de tous, en violation supposée du règlement de copropriété, a en effet pour conséquence, au regard ici de la nature des dits équipements, de ne pas retarder le point de départ de la prescription ; qu'ainsi, dans la présente affaire, la prescription a bien commencé à compter de leur installation, soit au plus tard le 29 septembre 2005 ; que dans ces circonstances, le premier juge a justement considéré que le moyen tiré de la prescription de la demande de suppression des installations litigieuses pouvait être retenu ; qu'en outre, l'appelante, qui agit sur le fondement des articles "808 et 809", devenus 834 et 835, du code de procédure civile, ne justifie en rien d'une quelconque urgence au sens de l'article 834, compte tenu de l'ancienneté des installations, pas plus qu'elle ne peut arguer d'un trouble manifestement illicite ou du caractère non sérieusement contestable des obligations, au regard des contestations élevées en défense, tant sur l'absence d'atteinte portée aux parties communes que sur la prescription, alors même que la SCI a choisi d'agir devant le juge des référés, juge de l'évidence ; qu'il y a donc lieu de confirmer l'ordonnance entreprise, le sort des dépens et des demandes au titre des frais irrépétibles ayant été exactement réglé par le premier juge » (arrêt, pp. 16-18) ;

ET AUX MOTIFS RÉPUTÉS ADOPTÉS QUE « s'agissant de la prescription de l'action, l'article 42 de la loi du 10 juillet 1965 dispose que « les actions personnelles nées de l'application de la présente loi entre des copropriétaires, ou entre un copropriétaire et le syndicat, se prescrivent par un délai de dix ans » ; que la demande de remise en état concerne la suppression d'équipements installés dans l'appartement des époux [S] sur la façade côté avenue Marceau ; qu'il résulte des différentes photographies produites par les parties que les équipements dont il est demandé la suppression sont visibles de la rue ; que le point de départ de la prescription doit donc être fixé au jour de l'installation de ces équipements ; que par courrier en date du 20 décembre 2018, la notaire chargée de la vente de l'appartement aux époux [S] en 2005 indique que les installations relatives aux stores électriques, aux doubles fenêtres et aux blocs de climatisation étaient présents au jour de l'acquisition ; que l'acte de vente du 29 septembre 2005 mentionne, parmi les meubles et objets mobiliers se trouvant dans l'appartement, la présence de double rideaux et d'appareils de climatisation ; qu'enfin, sur les étiquettes collées sur ces derniers figure les années 2004 et 2005 ; qu'il en résulte que les installations dont il est réclamé la suppression existent depuis plus de dix ans et la SCI Alyasmeen Properties France doit être déclarée irrecevable en son action » (ordonnance de référé, p. 3) ;

1o) ALORS QUE doit être qualifiée de réelle l'action tendant à faire restituer aux parties communes des locaux qu'un copropriétaire s'est indûment approprié ; qu'en retenant, pour refuser de qualifier l'action formée par la SCI Alyasmeen d'action réelle, que les installations litigieuses – unités de climatisation, portes-fenêtres et stores électriques – ne constituaient pas une appropriation indue des parties communes par les époux [S], après avoir pourtant constaté que les dégradations de la façade rendues nécessaires pour procéder à de telles installations constituaient des atteintes à des parties communes, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, en violation des articles 2227 du code civil et 42 de la loi du 10 juillet 1965 ;

2o) ALORS QUE doit être qualifiée de réelle l'action tendant à faire restituer aux parties communes des locaux qu'un copropriétaire s'est indûment approprié ; qu'en se bornant à retenir, pour refuser de qualifier l'action formée par la SCI Alyasmeen d'action réelle, que les dégradations alléguées de la façade n'étaient pas assimilables à une appropriation indue, sans rechercher, comme cela lui était demandé, si l'installation des huit doubles portes-fenêtres par les époux [S] ne leur avait pas permis d'intégrer à leur appartement un espace de vingtdeux centimètres pris sur la façade, partie commune, soit 5,28 m² supplémentaire, de sorte que cette installation constituait une appropriation indue de celle-ci, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 2227 du code civil et 42 de la loi du 10 juillet 1965 ;

3o) ALORS QU'en toute hypothèse, le point de départ du délai de prescription d'une action personnelle formée à l'encontre d'un copropriétaire doit être fixé à la date à laquelle le demandeur à l'action a eu connaissance des désordres allégués ; qu'en retenant, pour déclarer prescrite l'action personnelle formée par la SCI Alyasmeen à l'encontre des époux [S], que le point de départ de la prescription de cette action devait être fixé à la date à laquelle les équipements litigieux avaient été installés par les époux [S], soit au plus tard le 29 septembre 2015, sans rechercher, comme elle y était invitée, à quelle date la SCI Alyasmeen avait eu connaissance de ces installations, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 42 de la loi du 10 juillet 1965 ;

4o) ALORS QU'en toute hypothèse, excède ses pouvoirs le juge qui se prononce sur le fond sur une action qu'il a déclarée irrecevable ; qu'en relevant que la SCI Alyasmeen ne justifiait pas d'un trouble manifestement illicite ou d'une obligation non sérieusement contestable, bien qu'elle ait déclaré son action irrecevable, la cour d'appel a violé l'article 122 du code de procédure civile.

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