22 septembre 2021
Cour de cassation
Pourvoi n° 18-21.436

Chambre commerciale financière et économique - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2021:CO00664

Titres et sommaires

CONCURRENCE

Texte de la décision

COMM.

FB


COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 22 septembre 2021




Rejet


Mme MOUILLARD, président



Arrêt n° 664 FS-B


Pourvois n°
X 18-21.436
Y 18-21.437
A 18-21.485
J 18-21.493
D 18-21.580
R 18-21.591
E 18-21.719
C 18-21.763
Y 18-21.805 JONCTION






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 22 SEPTEMBRE 2021


I - 1°/ La société Chronopost, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 8],

2°/ la société DPD France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 17],

3°/ la société La Poste, société anonyme, dont le siège est [Adresse 15],

ont formé le pourvoi n° X 18-21.436 contre un arrêt n° RG 16/01270 rendu le 19 juillet 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 7), dans le litige les opposant :

1°/ à la présidente de l'Autorité de la concurrence, domiciliée [Adresse 3],

2°/ au ministre chargé de l'économie, domicilié [Adresse 12],

défendeurs à la cassation.

II - 1°/ la société Fedex express FR, venant aux droits de la société TNT express France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 11],

2°/ la société TNT express NV, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 27] (Pays-Bas),

ont formé le pourvoi n° Y 18-21.437 contre le même arrêt rendu, dans le litige les opposant :

1°/ à la présidente de l'Autorité de la concurrence,

2°/ au ministre chargé de l'économie,

défendeurs à la cassation.

III - 1°/ la société DHL express (France), société par actions simplifiée,

2°/ la société DHL holding (France), société par actions simplifiée,

ayant toutes deux leur siège [Adresse 19],

3°/ la société Deutsche Post AG, dont le siège est [Adresse 22] (Allemagne),

ont formé le pourvoi n° A 18-21.485 contre le même arrêt rendu, dans le litige les opposant :

1°/ à la présidente de l'Autorité de la concurrence,

2°/ au ministre de l'économie et des finances,

3°/ au procureur général près la cour d'appel de Paris, domicilié en son parquet général, [Adresse 10],

défendeurs à la cassation.

IV - 1°/ la société XPO distribution France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 25],

2°/ la société XPO Logistics Europe, société anonyme, dont le siège est [Adresse 5],

ont formé le pourvoi n° J 18-21.493 contre le même arrêt rendu, dans le litige les opposant :

1°/ à la société Chronopost, société par actions simplifiée,

2°/ à la société DPD France, société par actions simplifiée,

3°/ à la société La Poste, société anonyme,

4°/ à la société Dachser France, dont le siège est [Adresse 1],

5°/ à la société Dachser Group SE & Co. KG, dont le siège est [Adresse 28] (Allemagne),

6°/ à la société BMVirolle, société anonyme à conseil d'administration, dont le siège est [Adresse 9],

7°/ à la société Schenker France, dont le siège est [Adresse 29],

8°/ à la société Deutsche Bahn AG, dont le siège est [Adresse 24] (Allemagne),

9°/ à la société DHL express (France), société par actions simplifiée,

10°/ à la société DHL holding (France), société par actions simplifiée,

11°/ à la société Deutsche Post AG,

12°/ à la société Gefco, société anonyme, dont le siège est [Adresse 14],

13°/ à la société Peugeot, société anonyme, dont le siège est [Adresse 13],

14°/ à la société General Logistics Systems France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 4],

15°/ à la société General Logistics Systems B V, dont le siège est [Adresse 20] (Pays-Bas),

16°/ à la société Royal Mail Group LTD, dont le siège est [Adresse 2] (Royaume-Uni),

17°/ à la société Geodis, société anonyme, dont le siège est [Adresse 7],

18°/ à la société SNCF, société anonyme, venant aux droits de l'établissement public à caractère industriel et commercial SNCF mobilités, dont le siège est [Adresse 16],

19°/ à la société Normatrans, dont le siège est [Adresse 26],

20°/ à la société Lotra Limited, dont le siège est [Adresse 23] (Royaume-Uni),

21°/ à la société Alloin Holding, devenue Overland holding, société par actions simplifiée,

22°/ à la société Kuehne+Nagel Road, société par actions simplifiée,

ayant toutes deux leur siège [Adresse 6],

23°/ à la société Kuehne+Nagel International AG, dont le siège est [Adresse 21] (Suisse),

24°/ à la société TNT express France, devenue Fedex express FR, société par actions simplifiée,

25°/ à la société TNT express NV, société par actions simplifiée,

26°/ à la présidente de l'Autorité de la concurrence,

27°/ au ministre de l'économie et des finances,

28°/ au procureur général près la cour d'appel de Paris,

défendeurs à la cassation.

V - 1°/ la société Overland holding, anciennement dénommée société Alloin holding, société par actions simplifiée,

2°/ la société Kuehne+Nagel Road, société par actions simplifiée,

3°/ la société Kuehne+Nagel International AG,

ont formé le pourvoi n° D 18-21.580 contre le même arrêt rendu, dans le litige les opposant :

1°/ à la société Chronopost, société par actions simplifiée,

2°/ à la société DPD France, société par actions simplifiée,

3°/ à la société La Poste, société anonyme,

4°/ à la société Dachser France, société par actions simplifiée,

5°/ à la société Dachser Group SE & Co. KG,

6°/ à la société XPO distribution France, société par actions simplifiée,

7°/ à la société XPO Logistics Europe, société anonyme,

8°/ à la société BMVirolle, société anonyme,

9°/ à la société Schenker France, société par actions simplifiée,

10°/ à la société DHL holding (France), société par actions simplifiée, venant aux droits de la société DHL express (France),

11°/ à la société Deutsche Bahn AG,

12°/ à la société DHL holding (France), société par actions simplifiée,

13°/ à la société Deutsche Post AG,

14°/ à la société Gefco, société anonyme,

15°/ à la société Peugeot, société anonyme,

16°/ à la société General Logistics Systems France, société par actions simplifiée,

17°/ à la société General Logistics Systems BV,

18°/ à la société Royal Mail Group Limited,

19°/ à la société Geodis, société anonyme,

20°/ à la société SNCF, société anonyme, venant aux droits de l'établissement public à caractère industriel et commercial SNCF mobilités,

21°/ à la société Normatrans, société par actions simplifiée,

22°/ à la société Lotra Limited,

23°/ à la société TNT express France, société par actions simplifiée,

24°/ à la société TNT Express NV,

25°/ à la présidente de l'Autorité de la concurrence,

26°/ au ministre de l'économie et des finances,

27°/ au procureur général près la cour d'appel de Paris,

défendeurs à la cassation.

VI - 1°/ la société Gefco, société anonyme,

2°/ la société Peugeot, société anonyme,

ont formé le pourvoi n° R 18-21.591 contre le même arrêt rendu, dans le litige les opposant :

1°/ à la présidente de l'Autorité de la concurrence,

2°/ au ministre chargé de l'économie,

défendeurs à la cassation.

VII - 1°/ la société Geodis, société anonyme,

2°/ la société SNCF, société anonyme, venant aux droits de l'établissement public à caractère industriel et commercial SNCF mobilités,

ont formé le pourvoi n° E 18-21.719 contre le même arrêt rendu, dans le litige les opposant :

1°/ à la présidente de l'Autorité de la concurrence,

2°/ au ministre chargé de l'économie,

3°/ au procureur général près la cour d'appel de Paris,

défendeurs à la cassation.

VIII - la société BMVirolle, société anonyme à conseil d'administration, a formé le pourvoi n° C 18-21.763 contre le même arrêt rendu, dans le litige l'opposant :

1°/ à la présidente de l'Autorité de la concurrence,

2°/ au ministre de l'économie et des finances,

défendeurs à la cassation.

IX - 1°/ la société Deutsche Bahn AG, dont le siège est [Adresse 22] (Allemagne),

2°/ la société Schenker France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 29],

toutes deux élisant domicile au cabinet de la société 2H Avocats, [Adresse 18],

ont formé le pourvoi n° Y 18-21.805 contre le même arrêt rendu, dans le litige les opposant :

1°/ à la présidente de l'Autorité de la concurrence,

2°/ au ministre chargé de l'économie,

défendeurs à la cassation.

Les demanderesses au pourvoi n° X 18-21.436 invoquent, à l'appui de leur recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Les demanderesses au pourvoi n° Y 18-21.437 invoquent, à l'appui de leur recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Les demanderesses au pourvoi n° A 18-21.485 invoquent, à l'appui de leur recours, les neuf moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Les demanderesses au pourvoi n° J 18-21.493 invoquent, à l'appui de leur recours, les six moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Les demanderesses au pourvoi n° D 18-21.580 invoquent, à l'appui de leur recours, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Les demanderesses au pourvoi n° R 18-21.591 invoquent, à l'appui de leur recours, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Les demanderesses au pourvoi n° E 18-21.719 invoquent, à l'appui de leur recours, les sept moyens de cassation annexés au présent arrêt.

La demanderesse au pourvoi n° C 18-21.763 invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Les demanderesses au pourvoi n° Y 18-21.805 invoquent, à l'appui de leur recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Champalaune, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat des sociétés Chronopost, DPD France, La Poste, Fedex express FR, venant aux droits de la société TNT express France et de la société TNT express NV, Deutsche Bahn AG et Schenker France, de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de la société Geodis et de la société SNCF, venant aux droits de l'établissement public à caractère industriel et commercial SNCF mobilités, de la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat de la société BMVirolle, de la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat des sociétés XPO distribution France et XPO Logistics Europe, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat des sociétés Gefco et Peugeot, de la SCP Ortscheidt, avocat des sociétés DHL express (France), DHL holding (France) et Deutsche Post AG, de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat des sociétés Overland holding, Kuehne+Nagel Road et Kuehne+Nagel International AG, de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat de la présidente de l'Autorité de la concurrence, et l'avis de Mme Beaudonnet, avocat général, après débats en l'audience publique du 22 juin 2021 où étaient présents Mme Mouillard, président, Mme Champalaune, conseiller rapporteur, M. Guérin, conseiller doyen, Mmes Poillot-Peruzzetto, Daubigney, M. Ponsot, Mme Boisselet, conseillers, Mmes Comte, Bellino, conseillers référendaires, Mme Beaudonnet, avocat général, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° X 18-21.436, Y 18-21.437, A 18-21.485, J 18-21-493, D 18-21.580, R 18-21.591, E 18-21.719, C 18.21.763, Y 18-21.805 sont joints.

Désistement partiel

2. Il est donné acte aux sociétés Alloin Holding devenue Overland holding (la société Overland), Kuehne+Nagel Road et Kuehne+Nagel International AG (la société Kuehne+Nagel International) du désistement de leur pourvoi n° D 18-21.580 en ce qu'il est dirigé contre les sociétés Dachser France, Dachser Group SE & CO. KG, Schenker France, DHL holding (France), en ce qu'elle viendrait aux droits de la société DHL express (France), Deutsche Bahn AG (la société Deutsche Bahn), la société DHL holding (France), Deutsche Post AG (la société Deutsche Post), General Logistics Systems France, General Logistics Systems BV, Royal Mail Group Limited, Geodis, l'Etablissement public à caractère industriel et commercial SNCF mobilités aux droits duquel vient la société SNCF (la SNCF), les sociétés Normatrans, Lotra Limited, TNT express France aux droits de laquelle vient la société Fedex express FR et TNT Express NV (la société TNT Express).

3. Il est donné acte aux sociétés XPO distribution France (la société XPO anciennement Norbert Dentressangle distribution ) et XPO Logistics Europe (anciennement Norbert Dentressangle) du désistement de leur pourvoi n° J 18-21.493 en ce qu'il est dirigé contre les sociétés Dachser France, Schenker France et General Logistics Systems France.

Faits et procédure

4. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 juillet 2018) et les productions, à la suite de deux demandes de clémence formées par la société Deutsche Bahn et ses filiales, l'Autorité de la concurrence (l'Autorité) s'est, sur la proposition d'un rapporteur général adjoint, saisie d'office successivement de pratiques mises en oeuvre, d'une part, dans le secteur de la messagerie classique et, d'autre part, dans celui de la messagerie express. Après la jonction des deux procédures, deux griefs ont été notifiés à différentes entreprises.

5. Par décision du 15 décembre 2015, l'Autorité a, sur le premier grief, dit établi que les sociétés Schenker France, Deutsche Bahn, Alloin holding (la société Overland), Chronopost, La Poste, DPD France, Gefco, Peugeot, DHL express (France), DHL holding (France), Deutsche Post, TNT express France (la société Fedex express FR), et TNT Express, notamment, ainsi que l'Union des Entreprises de Transport et de Logistique de France (la fédération TLF), avaient enfreint les dispositions de l'article 101 § 1 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) et de l'article L. 420-1 du code de commerce, en participant à une entente sur le marché français de la messagerie et de la messagerie express, visant à la mise en place, selon une méthodologie commune, d'une « surcharge gazole » et leur a infligé des sanctions pécuniaires, sauf aux sociétés Schenker France et Deutsche Bahn en leur qualité de demandeurs de clémence.

6. Par cette même décision, l'Autorité, a, sur le second grief, dit établi que les sociétés Schenker France, Deutsche Bahn, Alloin holding (la société Overland), Kuehne+Nagel Road, Kuehne+Nagel International, Geodis, l'EPIC SNCF Mobilités (la SNCF), BMVirolle, Chronopost, DPD France, La Poste, Gefco, Peugeot, DHL express (France), DHL holding (France), Deutsche Post, TNT express France ( la société Fedex express FR), TNT Express, Norbert Dentressangle distribution (la société XPO), et Norbert Dentressangle (la société XPO Logistics Europe), notamment, ainsi que la fédération TLF avaient enfreint ces mêmes dispositions, en participant, en particulier au cours de réunions d'un « conseil de métiers » organisée sous l'égide de la fédération TLF, à une entente sur le marché français de la messagerie et de la messagerie express, visant à la mise en place d'une concertation sur les hausses tarifaires annuelles et leur a infligé des sanctions pécuniaires, y compris aux sociétés Schenker France et Deutsche Bahn, mais, s'agissant de celles-ci, pour avoir méconnu leurs obligations au titre de la procédure de clémence.

7. Saisie de recours, la cour d'appel a, pour le premier grief, annulé partiellement la décision en ce qu'elle avait condamné les sociétés DHL express (France), DHL holding (France) et Deutsche Post à une sanction de 200 000 euros, et, statuant à nouveau, a infligé à ces sociétés une sanction d'un même montant, et, pour le second, a annulé partiellement la décision en ce qu'elle avait retenu la participation des sociétés DHL express (France), DHL holding (France), Deutsche Post, Geodis et l'EPIC SNCF mobilités (la SNCF) à l'entente visée par ce grief pour une certaine période, et, statuant à nouveau, a dit qu'il était établi que les sociétés DHL express (France), DHL holding (France), Deutsche Post et Geodis avaient participé à cette entente pour une autre période, comprenant, pour la société Geodis, les campagnes tarifaires 2009/2010 et 2010/2011, et leur a infligé, ainsi qu'à la SNCF, en conséquence, une sanction pécuniaire, a réformé les montants des sanctions pécuniaires infligées, au titre de ce grief, aux sociétés Chronopost, DPD France, La Poste, DHL express (France), DHL holding (France), Deutsche Post, Geodis, XPO distribution France, anciennement Norbert Dentressangle distribution (la société XPO), XPO Logistics Europe anciennement Norbert Dentressangle, TNT express France (la société Fedex express FR) et TNT Express, qu'elle a réduits, rejetant le surplus des recours de ces sociétés. Elle a rejeté le recours des sociétés Alloin holding (la société Overland), Kuehne+Nagel Road, Kuehne+Nagel International et BMVirolle.

Examen des moyens

Sur les premier et second moyens, pris en leur première branche, du pourvoi n° X 18-21.436, le premier moyen, pris en sa première branche, et le second moyen du pourvoi n° Y 18-21.437, les premier, deuxième, troisième, quatrième, cinquième, sixième, septième, huitième moyens et le neuvième moyen, pris en ses onzième, douzième, treizième, quatorzième et quinzième branches du pourvoi n° A 18-21.485, le deuxième moyen du pourvoi n° J 18-21.493, les deuxième et troisième moyens du pourvoi n° R 18-21.591, le deuxième moyen, pris en sa deuxième branche, les troisième et cinquième moyens, le septième moyen, pris en ses première, deuxième, sixième, huitième, neuvième, dixième et onzième branches, du pourvoi n° E 18-21.719, et le second moyen du pourvoi n° C 18-21.763


8. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

9. Et en l'absence de doute raisonnable sur l'interprétation des articles 47 de la Charte des droits fondamentaux et 101§1 du TFUE, il n'y a pas lieu de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle sur les questions posées par le pourvoi n° A 18-21.485.


Sur le deuxième moyen, pris en sa première branche, du pourvoi n° E 18-21.719

Enoncé du moyen

10. La société Geodis et la SNCF font grief à l'arrêt de n'annuler que partiellement l'article 2 de la décision n° 15-D-19 en ce qu'il a dit établi que la société Geodis avait enfreint les dispositions des articles L. 420-1 du code de commerce et 101 § 1 du TFUE, en participant, entre le 17 octobre 2005 et le 27 septembre 2006, à une entente sur le marché français de la messagerie et de la messagerie express, qui visait à la mise en place d'une concertation sur les hausses tarifaires annuelles et de rejeter tous autres moyens d'annulation ou de réformation de la décision n° 15-D-19, en ce compris le moyen tiré de l'irrégularité de l'auto-saisine de l'Autorité de la concurrence faute de proposition de son rapporteur général, alors « que le principe du contradictoire, comme l'égalité des armes, imposent qu'un moyen qui ne pouvait être soulevé, conformément aux dispositions de l'article R. 464-12 du code de commerce, dans le délai de deux mois à compter de la déclaration d'appel, soit examiné quand bien même il aurait été produit postérieurement si bien qu'en refusant d'examiner le moyen tiré de la violation de l'article L. 462-5 III du code de commerce au motif qu'il avait été invoqué par la société Geodis postérieurement à ce délai de deux mois, sans rechercher, comme elle y était invitée, si le moyen tiré de l'absence d'auto-saisine régulière de l'Autorité en raison de l'illégalité de la délégation dont bénéficiait le rapporteur général adjoint, n'était pas recevable dès lors qu'il ne pouvait pas être invoqué avant que ne soit communiquée, le 1er mars 2017, près d'un an après l'expiration du délai précité, la décision portant attribution de fonctions de l'intéressé, la cour a privé sa décision de base légale au regard des stipulations de l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. »

Réponse de la Cour

11. L'arrêt constate que les sociétés XPO et XPO Logistics Europe ont soulevé un moyen de légalité externe de la décision de l'Autorité, pris de l'absence de justification de l'existence d'une proposition de saisine d'office par le rapporteur général, et relève que la société Geodis a développé le même moyen d'annulation, pris de la violation de l'article L. 462-5 III du code de commerce, dans ses observations complémentaires déposées au greffe de la cour d'appel, le 18 janvier 2017, postérieurement au délai de deux mois résultant de l'article R. 464-12 de ce même code.

12. En l'état de ces constatations, faisant ressortir qu'aucun obstacle à l'expression du moyen en cause, dans le délai de deux mois prévu à l'article R. 464-12 du code de commerce à peine d'irrecevabilité des moyens nouveaux invoqués dans des mémoires ultérieurs, ne pouvait être invoqué par la société Geodis, la cour d'appel, qui n'avait pas à procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, a justifié légalement sa décision.

13. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le premier moyen du pourvoi n° J 18-21.493 et le deuxième moyen, pris en ses troisième à huitième branches, du pourvoi n° E 18-21.719 rédigés dans des termes similaires, réunis

Enoncé des moyens

14. Par leur premier moyen, les sociétés XPO et XPO Logistics Europe font grief à l'arrêt de confirmer la décision de l'Autorité ayant dit qu'il est établi qu'elles ont enfreint les dispositions des articles L. 420-1 du code de commerce et 101 § 1 du TFUE, en participant, entre le 30 septembre 2004 et le 29 septembre 2010, dans la seule mesure indiquée aux paragraphes 870 et suivants de la décision, à une entente sur le marché français de la messagerie et de la messagerie express, qui visait à la mise en place d'une concertation sur les hausses tarifaires annuelles et d'infliger à la société XPO, solidairement avec la société Lotra Limited, une sanction de 9 628 000 euros, dont 2 849 000 solidairement avec la société XPO Logistics Europe et de rejeter leurs moyens d'annulation et de réformation, alors :

« 1°/ que selon l'article L. 462-5 du code de commerce, seul le rapporteur général peut proposer à l'Autorité de se saisir d'office des pratiques ; qu'en relevant que les deux saisines d'office successives, qui sont à l'origine de la présente procédure ayant abouti à la décision attaquée, ont été faites sur proposition du rapporteur général adjoint, M. [G], et non à l'initiative de l'Autorité, lequel disposait d'une délégation de fonctions en cas d'absence ou d'empêchement, consentie par la rapporteure générale par la décision du 9 mars 2009, quand seul le rapporteur général est investi légalement d'un tel pouvoir qu'il ne peut déléguer, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

2°/ qu'en ajoutant qu'à partir du moment où la loi prévoit la désignation d'adjoints au rapporteur général et en fixe les modalités (article L. 461-4 du code de commerce), l'article R. 461-3 alinéa 5 du code de commerce constitue une disposition normative de niveau approprié pour conférer au rapporteur général la possibilité de déléguer à un rapporteur général adjoint tout ou partie de ses attributions, fussent-elles attribuées au rapporteur général par un texte de loi, quand ce texte ne contient aucune disposition spéciale conforme à l'article L. 462-5 du code de commerce, la cour d'appel a violé ce texte ensemble l'article R. 461-3 du code de commerce ;

3°/ qu'enfin en retenant, à supposer que la délégation de fonctions du 9 mars 2009 fût irrégulière, M. [G] n'en disposait pas moins, en l'espèce, du pouvoir de proposer à l'Autorité de se saisir d'office, qu'il avait en effet vocation, tant par la place qu'il occupait dans la hiérarchie des services d'instruction de l'Autorité que par le rôle qu'il assumait dans ces services, à assurer d'office, faute de dispositions législatives ou réglementaires organisant la suppléance de la rapporteure générale, une telle suppléance, en cas d'absence ou d'empêchement de cette dernière, dans les dossiers ouverts à la suite des demandes de clémence présentées les 10 octobre 2008 et le 12 avril 2010 par les sociétés Deustche Bahn et ses filiales, la cour d'appel, qui constate qu'aucun texte ne prévoit la suppléance du rapporteur général, n'a pas tiré les conséquences légales s'évinçant de ses propres constatations dont il s'évinçait que le rapporteur adjoint n'avait pas compétence pour suppléer le rapporteur général et qu'elle a violé l'article L. 462-5 du code de commerce ensemble l'article R. 461-3 du code de commerce. »

15. Par leur deuxième moyen, pris en leurs troisième à huitième branches, la société Geodis et la SNCF font le même grief à l'arrêt du rejet de leur moyen d'annulation pris des modalités de saisine de l'Autorité, alors :

« 3°/ que le juge civil ne peut, sauf en l'absence de difficultés sérieuses, apprécier la légalité d'un acte administratif si bien qu'en rejetant les moyens contestant la légalité de la délégation de fonctions accordées au rapporteur général par décision du 9 mars 2009 qui posaient des difficultés sérieuses quant à la possibilité même d'une telle délégation et à la régularité formelle de la délégation, la cour a empiété sur la séparation des autorités administratives et judiciaire et violé, par refus d'application, la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;

4°/ qu'une délégation de fonctions s'assimile à un transfert de compétences qui ne peut être autorisé que par l'autorité qui dispose du pouvoir d'attribuer la compétence en cause de sorte que la compétence conférée par l'article L. 462-5 III du code de commerce au rapporteur général pour proposer à l'Autorité de s'auto-saisir de pratiques restrictives de concurrence n'a pu être déléguée au rapporteur général adjoint par un texte réglementaire ; qu'en jugeant au contraire que l'article R. 461-3 alinéa 5 du code de commerce qui autorise le rapporteur général à déléguer ses attributions avait pu constituer le fondement d'une délégation autorisant le rapporteur général adjoint à émettre, en lieu et place du rapporteur général, la proposition d'auto-saisine de l'Autorité, la cour d'appel a violé l'article L. 462-5 III du code de commerce ;

5°/ que l'article R. 461-3 alinéa 5 du code de commerce qui figure dans la partie réglementaire du code de commerce qui suit sa partie législative distincte, n'a, en prévoyant la possibilité pour le rapporteur général de déléguer les attributions prévues au "présent titre", pu viser que les attributions figurant dans le titre VI de la partie réglementaire du code de commerce, de sorte qu'en se fondant sur cette disposition pour admettre que le rapporteur général avait pu déléguer à un rapporteur général adjoint le pouvoir qu'il tient de l'article L. 462-5 III du code de commerce, d'émettre une proposition permettant à l'Autorité à de pratiques anticoncurrentielles, la cour a violé, par fausse application, l'article R. 461-3 alinéa 5 du code de commerce ;

6°/ que l'Autorité ne peut s'auto-saisir des pratiques mentionnées aux I et II de l'article L. 430-8 du code de commerce que sur proposition de son rapporteur général ; qu'une délégation de pouvoir n'est légale qu'à condition d'être suffisamment précise, si bien qu'en rejetant le moyen tiré de l'irrégularité de cette délégation, sans se prononcer sur la précision suffisante de cet acte, qui était contestée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article L. 462-5 III du code de commerce ;

7°/ que par exception au principe selon lequel la suppléance doit être prévue par un texte, celui qui a vocation par la place qu'il occupe dans la hiérarchie, à assurer la vacance de la personne compétente peut le faire d'office, et sans texte lorsqu'il est établi par les pièces du dossier que la continuité du service public était effectivement mise en cause par l'absence établie de l'autorité compétente de sorte qu'en admettant la suppléance du rapporteur général sans caractériser son absence effectivement ou son empêchement, la cour a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article L. 462-5 III du code de commerce ;

8°/ que par exception au principe selon lequel la suppléance doit être prévue par un texte, celui qui a vocation par la place qu'il occupe dans la hiérarchie, à assurer la vacance de la personne compétente peut le faire d'office, et sans texte lorsqu'il est établi par les pièces du dossier que la continuité du service public était effectivement mise en cause par l'absence établie de l'autorité compétente de sorte qu'en retenant la suppléance de M. [G], sans rechercher, ainsi qu'elle était invitée à le faire, si le rapporteur général adjoint le plus ancien dans la fonction n'avait pas plus vocation à assurer cette suppléance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article L. 462-5 III du code de commerce. »

Réponse de la Cour

16. L'arrêt retient d'abord, qu'une autorité publique investie d'une compétence ne peut s'en déposséder que si la possibilité lui en a été expressément conférée par une disposition normative d'un niveau approprié. Il retient qu'aucun texte ni principe n'exigent que la possibilité de déléguer des compétences attribuées par un texte de valeur législative soit prévue par un texte de même valeur. Il retient que l'article L. 461-4 du code de commerce prévoit la désignation d'adjoints au rapporteur général et que l'article R. 461-3 alinéa 5 de ce code constitue une disposition normative de niveau approprié pour conférer au rapporteur général la possibilité de déléguer à un rapporteur général adjoint tout ou partie de ses attributions, lui seraient-elles attribuées par la loi. Il retient encore que ce même article R. 461-3 alinéa 5, qui figure au titre VI du livre IV du code de commerce, prévoit que le rapporteur général « peut déléguer à un ou plusieurs rapporteurs généraux adjoints tout ou partie des attributions qu'il détient conformément au présent titre ». Il en déduit que, l'article L. 462-5 du code de commerce, qui donne pouvoir au rapporteur général de proposer au collège de l'Autorité de se saisir d'office, figurant dans ce même titre VI, il résulte de l'article R. 461-3 alinéa 5 précité que le rapporteur général peut déléguer à un rapporteur général adjoint le pouvoir de proposer à l'Autorité de se saisir d'office.

17. L'arrêt relève, ensuite, que le rapporteur général adjoint, auteur de la proposition de saisine d'office, disposait d'une délégation de fonctions, en cas d'absence ou d'empêchement, consentie par la rapporteure générale par une décision du 9 mars 2009, pour « exercer, en cas d'absence ou d'empêchement de la rapporteure générale, les attributions que cette dernière détient directement du livre IV du code de commerce ». Il en déduit que les décisions de saisine d'office contestées, prises sur la proposition de ce rapporteur général adjoint, sont régulières.

18. En l'état de ces énonciations, constatations et appréciations, faisant ressortir que l'article R. 461-3 alinéa 5 renvoyait nécessairement au titre VI de la partie législative du code de commerce, dès lors que le titre VI de la partie réglementaire du même code ne mentionne aucun pouvoir du rapporteur général susceptible d'être délégué, et abstraction faite des motifs surabondants critiqués par la troisième branche du premier moyen du pourvoi n° J 18-21.493 et par les septième et huitième branches du deuxième moyen du pourvoi n° E 18-21.719, la cour d'appel, qui n'a pas méconnu le principe de la séparation des pouvoirs dès lors que la délégation en cause n'était pas détachable de la procédure contestée, dont l'appréciation de la légalité appartient à l'autorité judiciaire, et qui n'avait pas à se prononcer sur la précision de cet acte qui ressortait suffisamment de la citation de ses termes, a statué à bon droit et a légalement justifié sa décision.

19. Les moyens, pour partie inopérants, ne sont donc pas fondés pour le surplus.

Sur le premier moyen du pourvoi n° E 18-21.719

Enoncé du moyen

20. La société Geodis et la SNCF font grief à l'arrêt de rejeter leur demande tendant à constater que l'intervention de l'Autorité devant la cour d'appel constituait, eu égard à ses conditions, une violation du droit à un procès équitable alors, selon le moyen :

« 1°/ que l'égalité des armes implique l'obligation d'offrir à chaque partie une possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire et ce, au niveau de chaque instance prise isolément si bien qu'en se fondant sur la situation de cette Autorité par rapport à elles, prises dans leur globalité, et non individuellement, pour considérer que les conditions d'intervention de l'Autorité ne méconnaissaient pas, en l'espèce, ce principe, la cour a violé, par fausse interprétation les stipulations de l'article 6§1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

2°/ que l'égalité des armes implique l'obligation d'offrir à chaque partie, et à tous les stades de la procédure, une possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire de sorte qu'en se fondant, pour écarter le moyen tiré de la méconnaissance de l'égalité des armes en raison des délais asymétriques dont disposent les requérants et l'Autorité pour produire leur argumentation devant la cour sur la circonstance inopérante que ce recours faisait suite à une longue procédure devant l'Autorité pendant laquelle le requérant avait pu "appréhender le dossier", quand, au demeurant, c'est aussi le cas de l'Autorité et que de nombreux moyens peuvent résulter de la décision de l'Autorité et n'avoir jamais été envisagés auparavant, la cour a violé les stipulations de l'article 6§1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

3°/ que l'égalité des armes implique l'obligation d'offrir à chaque partie une possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire si bien qu'en se fondant, pour écarter le moyen tiré de l'inconventionnalité, au regard de ce principe, des dispositions des articles R. 464-12 et R. 464-13 du code de commerce, en tant qu'ils créent une asymétrie entre le requérant et l'Autorité dans la possibilité de formuler des moyens et de produire des pièces, sur le caractère théorique de la critique et l'absence de démonstration d'un grief en l'espèce, la cour, qui s'est bornée à procéder à un contrôle in concreto de l'application des textes, et non à un contrôle de conventionnalité in abstracto de ces textes auquel elle était pourtant invitée, a privé sa décision de base légale au regard des stipulations de l'article 6§1 de la Convention des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

4°/ l'égalité des armes implique l'obligation d'offrir à chaque partie une possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire de sorte qu'en rejetant le moyen tiré de l'atteinte à ce principe en l'espèce, tout en jugeant irrecevable un des moyens d'annulation proposé au motif qu'il était tardif, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les stipulations de l'article 6§1 de la Convention des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. »

Réponse de la Cour

21. L'arrêt énonce que l'article R. 464-12 du code de commerce impose au demandeur au recours, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office, de déposer l'exposé de ses moyens au greffe de la cour dans les deux mois qui suivent la notification de la décision attaquée et qu'aux termes de l'article R. 464-18 du même code, le premier président ou son délégué fixe, par une décision d'administration judiciaire, « les délais dans lesquels les parties à l'instance doivent se communiquer leurs observations écrites et en déposer copie au greffe de la cour », « les délais dans lesquels l'Autorité de la concurrence et le ministre chargé de l'économie, lorsqu'il n'est pas partie à l'instance, peuvent produire des observations écrites » et « la date des débats. ». Il estime que le fait que, dans la procédure en cause, l'Autorité a disposé d'un délai de sept mois pour déposer ses observations en réponse se justifiait par la nécessité où elle s'est trouvée de répondre aux dix-sept exposés des moyens – dont celui de la société Geodis, qui compte 182 pages –, déposés par les vingt-sept requérantes et observe que le délégué du premier président leur a accordé un délai de deux mois et demi pour déposer leurs mémoires en réplique aux observations de l'Autorité et du ministre chargé de l'économie. Il constate que le moyen de la société Geodis, pris de l'irrégularité de la saisine d'office de l'Autorité, a été invoqué pour la première fois, par cette société, dans ses observations complémentaires, postérieurement à l'expiration du délai prévu à l'article R. 464-12 du code de commerce.

22. En l'état de ces constatations et appréciations, faisant ressortir que si, par application des dispositions réglementaires applicables, les parties disposent, lorsqu'elles forment un recours contre une décision de l'Autorité, d'un délai de deux mois pour exposer leurs moyens à l'appui de ce recours, tandis que les parties défenderesses peuvent disposer d'un délai supérieur en raison des nécessités de leur défense appréciées par le premier président ou son délégué, la possibilité de cette différence de délai étant en rapport avec l'objectif de respect de l'égalité des armes dans des procédures où plusieurs demandeurs peuvent être opposés à un seul défendeur, la cour d'appel, qui a ainsi apprécié in abstracto la conformité de ce texte aux exigences de l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et qui a relevé qu'en l'espèce, la différence de délais concrètement observée était en rapport avec le nombre de parties demanderesses et la volumétrie de leurs moyens, en s'attachant au propre mémoire de la société Geodis et à son ampleur, et qui en a déduit qu'un des moyens formés par la société Geodis après l'expiration du délai légal était irrecevable, a, abstraction faite des motifs surabondants, critiqués par la deuxième branche, fait l'exacte application du principe de l'égalité des armes.

23. Partiellement inopérant, le moyen n'est donc pas fondé pour le surplus.

24. Et en l'absence de doute raisonnable quant à l'interprétation de l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux, il n'y a pas lieu de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle.

Sur le troisième moyen du pourvoi n° J 18-21.493

Enoncé du moyen

25. Les sociétés XPO et XPO Logistics Europe font le même grief à l'arrêt, alors :

« 1°/ que la société XPO faisait valoir que les clients choisissent le mode de transport en fonction de l'objet à transporter, que si leur organisation logistique repose sur des palettes, ils ne peuvent pas choisir un messager, que ce soit un messager traditionnel ou express, qu'inversement, si leur organisation logistique ne repose pas sur des palettes, ils ne peuvent pas utiliser le transport palettisé car c'est le chargeur, et non le transporteur, qui gère les palettes, qu'en outre le choix de l'organisation logistique par palettes n'est pas lié au transport, mais à la logistique d'entreposage : pour utiliser des palettes le client doit acheter ou louer des palettes auprès d'un tiers (qui n'est pas le transporteur) et organiser son entrepôt et la manutention dans son entrepôt autour des palettes (avec tout ce que cela suppose en termes de rayonnages, de matériel de manutention, de tri et d'organisation), aussi bien au point de départ qu'au point d'arrivée cependant que celui qui veut transporter des colis ne va pas simplement empiler des colis sur une palette dans un entrepôt et demander à un transporteur palettisée de venir la chercher ; qu'en relevant que le critère déterminant de la délimitation du secteur de la messagerie de colis ne consiste pas dans le mode de conditionnement des colis (présence/absence de palettes), mais bien dans le poids total des colis transportés (inférieur à trois tonnes), pour décider que la société XPO, quoique n'offrant que des services de transport palettisé, n'en est pas moins dans une situation de concurrence avec les autres entreprises du secteur de la messagerie, sans procéder à la recherche qui lui était demandée, de nature à établir l'absence de substituabilité et partant de concurrence, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 420-1 du code de commerce et 101 du TFUE ;

2°/ que la société XPO faisait valoir que non seulement le poids moyen du transport par palettes est plus élevé mais que la logique financière qui sous-tend les deux types de prestations est différente, l'usage de la palette n'ayant de sens qu'à partir d'un certain poids, alors que la messagerie devient trop chère, les bases de comparaison tarifaires pour les clients étant trop complexes pour que les deux services soient envisagés de façon alternative, l'usage de la palette ne se réduisant pas à la question du transport mais impliquant des coûts supplémentaires liés à la palette et difficiles à appréhender ; qu'en relevant que le critère déterminant de la délimitation du secteur de la messagerie de colis ne consiste pas dans le mode de conditionnement des colis (présence/absence de palettes), mais bien dans le poids total des colis transportés (inférieur à trois tonnes), pour décider que la société XPO, quoique n'offrant que des services de transport palettisé, n'en est pas moins dans une situation de concurrence avec les autres entreprises du secteur de la messagerie, sans procéder à la recherche qui lui était demandée, de nature à établir l'absence de substituabilité et partant de concurrence, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 420-1 du code de commerce et 101 du TFUE ;

3°/ que la société XPO faisait valoir que l'Autorité s'est fondée sur l'étude datée de 2008 du SETRA, sans avoir procédé à la moindre instruction concrète, qu'en outre il ressort de cette étude que le transport palettisé est un nouveau segment répondant à la demande spécifique des clients, qu'en page 24 il est écrit "le chargeur recherche en somme un service sur mesure [...] l'assurance d'une livraison dans les délais imposés. [...] Avoir recours à un service de transport industrialisé apporte un gage de confiance dans la durée", que ce service est une offre complémentaire qui "s'insère entre l'offre 'messagerie classique' (envois de colis jusqu'à 500 kgs) et l'offre 'transport de lot' (envois de palettes de plus de 1 tonne" (page 31), que "le fret palettisé nécessite une organisation spécifique encore différente de la messagerie (adaptation aux nouvelles données de poids et de volume) s'appuyant sur : un réseau de plateformes (un problème pour les lotiers), un nouveau système de suivi, dont l'unité de compte est la palette et non plus le colis (problème pour les messagers), un plan de transport spécifique ; des moyens de manutention et du personnel ; des poids lourds de grande taille pour la traction entre les plateformes et des camions spécifiques (petite taille, hayon ...) pour la distribution" (page 23), que la clientèle palette ne peut recourir au transport en messagerie classique car le coût serait très élevé" ; qu'en ne prenant nullement en compte ces éléments établissant l'absence de situation de concurrence, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 420-1 du code de commerce et 101 du TFUE ;

4°/ qu'enfin les sociétés XPO et XPO Logistics Europe faisaient valoir que la preuve n'a pas été rapportée que les sociétés Schenker Joyau et Mory avaient, au moment des faits, une offre palette, le seul document visé par l'autorité datant de 2011 ; qu'en délaissant ce moyen pertinent, la cour d'appel a violé les articles 455 et 458 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

26. L'arrêt constate que, si la société XPO n'offre que des services de transport par palettes, nombre d'entreprises de messagerie proposent des transports par palettes dans le cadre de leur offre de messagerie et qu'il en est ainsi des sociétés Ducros, Schenker-Joyau, Mory, comme, avant 2008, la société Dachser France.

27. Par ce seul constat de l'existence d'une pluralité d'opérateurs, exerçant la même activité que celle dans laquelle la société XPO indiquait s'être spécialisée, dont elle a déduit que cette société était en concurrence avec ceux-ci, la cour d'appel, qui ne s'est pas appuyée sur les pièces visées par la quatrième branche mais sur d'autres pièces du dossier dont elle a souverainement apprécié la portée, et qui n'avait, ni à procéder aux recherches invoquées aux première et deuxième branches, ni à se prononcer sur les éléments invoqués par la troisième branche, que ses constatations rendaient inopérants, a légalement justifié sa décision.

28. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le quatrième moyen du pourvoi n° E 18-21.719

Enoncé du moyen

29. La société Geodis et la SNCF font grief à l'arrêt de n'annuler que partiellement l'article 2 de la décision n° 15-D-19 en ce qu'il a dit établi que la société Geodis avait enfreint les dispositions des articles L. 420-1 du code de commerce et 101 § 1 du TFUE en participant, entre le 17 octobre 2005 et le 27 septembre 2006, à une entente sur le marché français de la messagerie et de la messagerie express, qui visait à la mise en place d'une concertation sur les hausses tarifaires annuelles et de rejeter tous autres moyens d'annulation ou de réformation de la décision n° 15-D-19 en ce y compris le moyen tiré de l'absence de participation de Geodis à la pratique concertée reprochée pour les campagnes 2009-2010 :

« 1°/ qu'en matière d'entente, une personne morale ne peut être tenue pour responsable des agissements d'une personne physique qui n'est pas son salarié que si la personne physique et la personne morale forment entre elles une unité économique ou que la personne morale entend contribuer, par l'intermédiaire de cette personne physique, à une pratique concertée dont elle a connaissance, en divulguant ou en laissant divulguer des informations commerciales sensibles si bien qu'en considérant que les agissements de M. [O], dont elle constatait qu'il n'était plus le salarié de Geodis, pouvaient être imputés à cette dernière, sans avoir caractérisé l'unité économique qui les relierait, ni l'intention de la société Geodis de participer à une pratique anticoncurrentielle par le biais de M. [O] et d'en assumer les risques, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 420-1 du code de commerce, 101 du TFUE, ensemble les principes de présomption d'innocence et de responsabilité personnelle ;

2°/ que conformément à la présomption d'innocence, il appartient à l'autorité de poursuite d'établir la réalité de la concertation entre entreprises, si bien qu'en se fondant, pour imputer la présence de M. [O] à la société Geodis, sur la circonstance que les comptes rendus mentionnant l'intéressé comme représentant de Géodis après son départ à la retraite sans réaction de Geodis, lui avaient été nécessairement communiqués, sans établir la réception de ces comptes rendus par Geodis qui la contestait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 420-1 du code de commerce, 101 du TFUE et de la présomption d'innocence ;

3°/ que conformément à la présomption d'innocence, il appartient à l'autorité de poursuite d'établir la réalité de la concertation entre entreprises ; que lorsque ne peut être rapportée la preuve directe de la délivrance illicite d'informations, la preuve indirecte ne peut être rapportée que si des informations dont la seule source peut être l'entreprise incriminée ont été communiquées de façon illicite, de sorte qu'en se fondant, pour considérer que les informations relatives à Geodis provenaient de Geodis, sur leur seule nature et en considérant comme inopérante la question de leur fiabilité qui seule permet pourtant de l'imputer de façon certaine à l'entreprise en cause, la cour a violé les articles L. 420-1 du code de commerce, 101 du TFUE, ensemble la présomption d'innocence ;

4°/ que conformément à la présomption d'innocence, il appartient à l'autorité de poursuite d'établir la réalité de la concertation entre entreprises ; que lorsque ne peut être rapportée la preuve directe de la délivrance illicite d'informations, la preuve indirecte ne peut en être rapportée que si des informations dont la seule source peut être l'entreprise incriminée ont été communiquées de façon illicite, de sorte qu'en se fondant, pour caractériser la délivrance d'informations à Geodis à ses concurrentes, sur la formulation d'un courriel de la société Dachser mentionnant "une pêche aux informations chez nos confrères" et visant des informations relatives à Geodis, sans même rechercher si, comme le soutenait Geodis, les informations y figurant avaient été communiquées auprès de ses clientes, dont faisait partie la société Dachser, ce dont il résultait que les informations en cause pouvaient avoir été communiquées de façon licite et ne résultaient pas nécessairement d'une communication illicite, la cour a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 420-1 du code de commerce, 101 du TFUE et de la présomption d'innocence ;

5°/ que conformément à la présomption d'innocence, il appartient à l'autorité de poursuite d'établir la réalité de la concertation entre entreprises ; que lorsque ne peut être rapportée la preuve directe de la délivrance illicite d'informations, la preuve indirecte ne peut en être rapportée que si des informations dont la seule source peut être l'entreprise incriminée ont été communiquées de façon illicite ; qu'en se fondant, pour caractériser la délivrance d'informations par Geodis à ses concurrents, sur la circonstance que dans les notes relatives à la réunion du conseil de métiers du 16 septembre 2010, la hausse tarifaire concernant Geodis était accompagnée d'informations portant sur l'activité de cette société, lesquelles n'avaient pu être communiquées que par elle, quand seule était en cause l'information relative à la hausse tarifaire dont la société Geodis avait établie qu'elle était déjà connue d'un certain nombre de personnes présentes lors de la réunion, la cour, qui n'a pas caractérisé que la communication de la hausse tarifaire était imputable à la société Geodis au cours de la réunion, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 420-1 du code de commerce, 101 du TFUE et de la présomption d'innocence. »

Réponse de la Cour

30. L'arrêt retient, d'abord, que la représentation d'une société à une réunion anticoncurrentielle s'apprécie de façon purement factuelle, de sorte que le fait que M. [O], ancien salarié de la société Geodis, a pris sa retraite au mois de mars 2009 ne permet pas d'exclure qu'il la représentait encore, après cette date, lors des réunions du conseil de métiers des 17 septembre 2009, 28 janvier, 20 mai et 16 septembre 2010. Il constate que le nom de M. [O] figurait en qualité de représentant de la société Geodis sur les comptes rendus de ces réunions. Il retient que cette mention ne pouvait, comme l'invoquait la société Geodis, résulter d'une erreur ou d'une habitude, dès lors que la société Geodis, membre de la fédération TLF, était nécessairement destinataire de ces comptes rendus ainsi que de tous les documents relatant les travaux du conseil de métiers sur lesquels M. [O] était mentionné comme la représentant et qu'il eût été inconcevable qu'elle n'ait pas réagi à l'époque des faits en faisant savoir à la fédération TLF et à ses membres que M. [O] ne la représentait pas, si tel avait été le cas. Il constate, par motifs adoptés, que contrairement à ce qu'affirme la société Geodis qui soutient que le départ d'un salarié entraîne automatiquement la désactivation de ses comptes, le dossier révèle également que M. [O] avait conservé, après son départ à la retraite, son adresse de messagerie électronique Geodis et qu'il a correspondu en février 2010 avec le représentant d'une autre société, en utilisant cette messagerie professionnelle. Il relève, par motifs adoptés, que la société Geodis n'a pas nommé, après le départ à la retraite de M. [O], de nouveau représentant au conseil de métiers, tout en continuant à régler ses cotisations à la fédération TLF, et que cette absence de nomination d'un nouveau représentant de la société Geodis à compter du mois de mars 2009 peut aisément s'expliquer si M. [O] a continué de représenter l'entreprise après son départ à la retraite.

31. L'arrêt retient ensuite, s'agissant des informations échangées au cours des réunions litigieuses que leur caractère éventuellement erroné ne peut infirmer le constat, tiré de leur nature, qu'elles ont été communiquées par la société Geodis. Il retient également, après avoir analysé les termes d'un courrier électronique, que les informations en cause portaient notamment sur une hausse tarifaire associée à la société Geodis et qu'elles ont été recueillies et fournies dans le cadre d'un échange bilatéral entre concurrents et non dans une relation de clientèle. Il retient, enfin, qu'il résulte d'un compte rendu manuscrit, saisi au cours de l'enquête, de la réunion du 16 septembre 2010 du conseil de métiers que n'y figuraient pas seulement, pour les informations relatives à la société Geodis, un taux de hausse annoncé précédemment dans une circulaire diffusée par cette société, mais également d'autres éléments relatifs à son activité qui ne pouvaient être qu'en possession de la société Geodis elle-même.

32. En l'état de ces énonciations, constatations et appréciations souveraines vainement contestées, sous couvert de manque de base légale, par les quatrième et cinquième branches du moyen, c'est sans méconnaître la présomption d'innocence, eu égard au faisceau d'indices retenu pour déterminer en quelle qualité M. [O] avait participé aux réunions litigieuses et à l'analyse des pièces qu'elle a effectuée que la cour d'appel a estimé que la société Geodis était, s'agissant des campagnes tarifaires 2009/2010 et 2010/2011, représentée par ce dernier aux réunions en cause et qu'avaient eu lieu, au cours de celles-ci ou au cours d'échanges bilatéraux, des échanges d'information prohibés portant notamment sur des éléments dont elle était à l'origine et qui ne pouvaient avoir été communiqués que par son représentant, justifiant ainsi légalement sa décision.

33. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le cinquième moyen du pourvoi n° J 18-21.493, pris en ses première, deuxième et troisième branches, cette dernière étant la reproduction à l'identique de la deuxième branche

Enoncé du moyen

34. Les sociétés XPO et XPO Logistics Europe font grief à l'arrêt de n'accueillir que partiellement leur recours, alors :

« 1°/ que la société XPO faisait valoir qu'il appartient à l'Autorité de rapporter la preuve des effets dans le temps de la pratique, le seul constat que plusieurs opérateurs aient indiqué que les négociations tarifaires pouvaient durer jusqu'en mars étant insuffisants, la société XPO invitant la cour d'appel à constater que ne figurait au dossier aucun élément établissant qu'elle menait encore des négociations tarifaires en février, janvier 2008 etc. ; qu'en décidant que l'Autorité ayant établi à suffisance de droit, en se fondant sur les déclarations concordantes des entreprises en cause et de l'Association nationale des utilisateurs de transport de fret (décision de l'Autorité § 790 à 793), que la pratique suivie dans le secteur de la messagerie consiste, pour chaque campagne tarifaire annuelle, à négocier les hausses tarifaires avec la clientèle entre septembre et mars de l'année suivante - constat dont, au demeurant, la société XPO ne conteste pas l'exactitude -, il appartenait à cette dernière, qui était seule à même de pouvoir le faire, de rapporter la preuve qu'en ce qui la concerne, et pour la campagne 2007-2008, les négociations avec sa clientèle s'étaient achevées avant le mois de mars, que force est de constater que la requérante n'allègue pas, et a fortiori ne démontre pas, que tel aurait été le cas, la cour d'appel a dénaturé les écritures de la société XPO et méconnu les termes du litige en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;

2°/ que la société XPO faisait valoir qu'il appartient à l'autorité de la concurrence de rapporter la preuve des effets dans le temps de la pratique, le seul constat que plusieurs opérateurs aient indiqué que les négociations tarifaires pouvaient durer jusqu'en mars étant insuffisants, la société XPO invitant la cour d'appel à constater que ne figurait au dossier aucun élément établissant qu'elle menait encore des négociations tarifaires en février, janvier 2008 etc. ; qu'en décidant que l'Autorité ayant établi à suffisance de droit, en se fondant sur les déclarations concordantes des entreprises en cause et de l'Association nationale des utilisateurs de transport de fret (décision de l'Autorité, § 790 à 793), que la pratique suivie dans le secteur de la messagerie consiste, pour chaque campagne tarifaire annuelle, à négocier les hausses tarifaires avec la clientèle entre septembre et mars de l'année suivante - constat dont, au demeurant, la société XPO ne conteste pas l'exactitude - il appartenait à cette dernière, qui était seule à même de pouvoir le faire, de rapporter la preuve qu'en ce qui la concerne, et pour la campagne 2007-2008, les négociations avec sa clientèle s'étaient achevées avant le mois de mars, que force est de constater que la requérante n'allègue pas, et a fortiori ne démontre pas, que tel aurait été le cas, la cour d'appel a renversé la charge de la preuve et violé les articles L. 420-1 et suivants du code de commerce, ensemble l'article 1315 du code civil dans sa rédaction applicable à l'espèce. »

Réponse de la Cour

35. L'arrêt retient d'abord, après avoir reproduit les termes du grief n° 2 tel que notifié, que l'utilisation des informations recueillies lors des réunions anticoncurrentielles fait partie intégrante des comportements poursuivis et que chacune des entreprises ayant pris part aux échanges d'informations se trouvait en mesure d'exploiter celles-ci dans le cadre de ses négociations avec ses clients. Il relève que la date de fin des pratiques ne correspond donc pas à la date de la dernière réunion à laquelle a participé une entreprise, mais coïncide avec la fin du cycle annuel de négociations, à l'issue duquel elle a cessé d'exploiter les informations obtenues lors de cette dernière réunion. Il retient encore que l'Autorité a établi à suffisance de droit, en se fondant sur les déclarations concordantes des entreprises en cause et de l'Association nationale des utilisateurs de transport de fret, que la pratique suivie dans le secteur de la messagerie consiste, pour chaque campagne tarifaire annuelle, à négocier les hausses tarifaires avec la clientèle entre les mois de septembre et de mai de l'année suivante, constat dont au demeurant la société XPO ne conteste pas l'exactitude.

36. En l'état de ces appréciations, et dès lors que c'est à tort que la société XPO soutenait, dans ses écritures d'appel dès lors inopérantes, qu'il revenait à l'Autorité d'établir les effets de la pratique, cependant que celle-ci avait été qualifiée de pratique anticoncurrentielle par objet, la cour d'appel, qui a estimé, dans le cadre de son pouvoir souverain d'appréciation des preuves, que la période de négociation tarifaire annuelle dans le secteur de la messagerie couvrait la période entre les mois de septembre et de mars de l'année suivante, ce dont elle a déduit que la durée des pratiques s'étendait jusqu'à la fin de chaque cycle de négociation, de sorte qu'il revenait à la société XPO de démontrer sa situation particulière, a pu statuer comme elle a fait.

37. Inopérant en sa première branche, le moyen n'est pas fondé pour le surplus.

Sur le sixième moyen du pourvoi n° E 18-21.719

Enoncé du moyen

38. La société Geodis et la SNCF font grief à l'arrêt de n'annuler que partiellement l'article 2 de la décision n° 15-D-19 en ce qu'il a dit établi que la société Geodis avait enfreint les dispositions des articles L. 420-1 du code de commerce et 101 § 1 du TFUE, en participant, entre le 17 octobre 2005 et le 27 septembre 2006, à une entente sur le marché français de la messagerie et de la messagerie express, qui visait à la mise en place d'une concertation sur les hausses tarifaires annuelles et de rejeter tous autres moyens d'annulation ou de réformation de la décision n° 15-D-19 en ce compris le moyen tiré de l'absence d'imputabilité du grief n° 2 à la SNCF faute d'influence déterminante sur sa filiale Geodis pendant la période concernée par les pratiques, alors :

« 1°/ que la présomption d'influence déterminante de la société mère sur la filiale qu'elle détient à 100 % est une présomption simple, qui peut être renversée en apportant des éléments de preuve de nature à démontrer que la filiale se comporte de façon autonome sur le marché, si bien qu'en jugeant qu'aucun des éléments avancés par la SNCF ne suffisait à renverser la présomption selon laquelle il exerçait une influence déterminante sur sa filiale Geodis, pour la période postérieure à l'OPA de 2008, sans mieux s'en expliquer, quand la SNCF avait invoqué de nombreux éléments tendant à démontrer l'autonomie de Geodis, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des article L. 420-1 du code de commerce et 101 du TFUE ;

2°/ que la présomption d'influence déterminante de la société mère sur la filiale qu'elle détient à 100 % est une présomption simple, qui peut être renversée en apportant des éléments de preuve de nature à démontrer que la filiale se comporte de façon autonome sur le marché, si bien qu'en jugeant que l'Autorité avait caractérisé une influence déterminante en relevant la mise en place de procédures de contrôle, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la SNCF n'était pas insuffisamment informée pour pouvoir exercer une quelconque capacité d'influence ou un quelconque contrôle sur Geodis, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 420-1 du code de commerce et 101 du TFUE ;

3°/ que la présomption d'influence déterminante de la société mère sur la filiale qu'elle détient à 100 % est une présomption simple, qui peut être renversée en apportant des éléments de preuve de nature à démontrer que la filiale se comporte de façon autonome sur le marché, si bien qu'en jugeant que l'Autorité avait caractérisé une influence déterminante en relevant la composition du conseil d'administration sans rechercher, comme elle y était invitée, si cette circonstance n'était pas inopérante dès lors que la composition du conseil d'administration n'avait pas été modifiée postérieurement à l'OPA et que les décisions de nature commerciale étaient prises non par ce conseil, mais par le comité exécutif et le comité des opérations, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 420-1 du code de commerce et 101 du TFUE ;

4°/ que la présomption d'influence déterminante de la société mère sur la filiale qu'elle détient à 100 % est une présomption simple, qui peut être renversée en apportant des éléments de preuve de nature à démontrer que la filiale se comporte de façon autonome sur le marché, si bien qu'en jugeant que l'Autorité avait caractérisé une influence déterminante en relevant les intentions synergétiques de la SNCF au moment de l'OPA, sans rechercher, comme elle était invitée à le faire, si les synergies ainsi projetées ne visaient pas une échéance à long terme, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 420-1 du code de commerce et 101 du TFUE. »

Réponse de la Cour

39. L'arrêt rappelle d'abord qu'ayant établi la participation de la société Geodis aux pratiques faisant l'objet du grief n° 2, l'Autorité, eu égard à la détention, depuis juillet 2008, de la totalité du capital de cette société par la SNCF, a considéré qu'aucun élément du dossier ne permettait d'écarter la présomption selon laquelle la SNCF exerçait une influence déterminante sur sa filiale dont l'autonomie commerciale alléguée n'était pas démontrée et qui lui était unie par des liens organisationnels, juridiques et économiques, et a, en conséquence, retenu que la sanction pécuniaire prononcée contre la société Geodis, auteur des faits, serait supportée solidairement par la SNCF à hauteur d'un montant calculé prorata temporis, compte tenu de la date à partir de laquelle elle en a détenu l'intégralité du capital. Il relève ensuite que la prise de contrôle par la SNCF a entraîné la mise en place de procédures visant à la surveillance des engagements de la société Geodis présentant des enjeux financiers importants et au suivi de ses performances financières. Il observe encore que la SNCF entretenait avec sa filiale des liens de gouvernance, dont témoigne, notamment, la composition du conseil d'administration de celle-ci. Il estime enfin que la SNCF échoue, eu égard à l'ensemble des liens organisationnels, économiques et juridiques existant entre cette entreprise et sa filiale, à renverser la présomption, résultant de sa détention de la totalité du capital de la société Geodis, qu'elle exerçait sur celle-ci une influence déterminante.

40. En l'état de ces constatations et appréciations, faisant ressortir que l'imputabilité des pratiques à la SNCF en sa qualité de société mère de la société Geodis, était fondée, non seulement sur la détention de 100 % du capital de cette dernière, mais aussi sur l'existence de liens organisationnels et de gouvernance entre la mère et sa fille, la cour d'appel, qui n'avait pas, dès lors, à faire les recherches que ses constatations relatives à l'organisation d'un contrôle financier étroit de sa filiale par la société mère et celles relatives à l'existence de liens de gouvernance, peu important que ceux-ci n'affectent pas la stratégie commerciale de la société Geodis, rendaient inopérantes, a, par cette appréciation globale et abstraction faite des motifs inopérants mais surabondants, critiqués par la quatrième branche, légalement justifié sa décision.

41. Pour partie inopérant, le moyen n'est pas donc fondé pour le surplus.

Sur les premier et second moyens, pris en leur deuxième à treizième branches, du pourvoi n° X 18-21.436, le premier moyen, pris en ses deuxième à dixième branches, du pourvoi n° Y 18-21.437, le neuvième moyen, pris en ses deuxième, troisième, quatrième, cinquième, sixième, septième, huitième et neuvième branches, du pourvoi n° A 18-21.485, le premier moyen du pourvoi n° D 18-21.580, le premier moyen du pourvoi n° R 18-21.591, le septième moyen, pris en ses troisième et quatrième branches, du pourvoi n° E 18-21.719, et le premier moyen du pourvoi n° C 18-21.763, rédigés en des termes identiques ou similaires, réunis

Enoncé du moyen

42. Par leur premier moyen, pris en ses deuxième à treizième branches, les sociétés Chronopost, DPD France et La Poste font grief à l'arrêt de condamner les sociétés Chronopost et La Poste solidairement à une sanction pécuniaire d'un certain montant, au titre des pratiques visées à l'article 2 de la décision n° 15-D-19 de l'Autorité, alors :

« 2°/ que si la valeur des ventes est appréciée sur le marché concerné par l'infraction, la délimitation de celui-ci doit à ce stade de la procédure, être aussi étroite que possible ; qu'il existe un marché distinct pour chaque segment de clientèle dont les besoins et les attentes de services ne sont pas identiques ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 464-2 du code de commerce et le communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires ;

3°/ que la valeur des ventes est déterminée à partir du marché affecté par les pratiques en cause : qu'en affirmant au contraire qu'"il ne découle ni du communiqué sanctions ni de la pratique décisionnelle antérieure de l'Autorité que les ventes de produits ou services devraient être "affectées" par l'infraction pour que leur valeur soit prise en compte pour le calcul du montant de base de la sanction" ou encore qu'en décidant de prendre en compte la valeur des ventes de produits ou services "en relation avec l'infraction", l'Autorité aurait exactement fait le choix de ne pas prendre en compte le critère de l'affectation des ventes par l'infraction, la cour d'appel a violé l'article L. 464-2 du code de commerce et le communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires ;

4°/ que la valeur des ventes est une notion économique objective permettant de proportionner au cas par cas l'assiette de la sanction à l'ampleur économique de l'infraction et au poids relatif sur le secteur ou le marché concerné de l'entreprise qui y a participé ; qu'en se bornant à expliquer le refus de l'Autorité de déterminer la valeur des ventes à partir de ce critère d'affectation par la prétendue difficulté pour les services d'instruction de procéder à de telles vérifications ou encore par le caractère dissuasif de la sanction, la cour d'appel qui a statué par des motifs impropres à justifier l'exclusion du critère d'affectation pour déterminer la valeur des ventes, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 464-2 du code de commerce et du communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires ;

5°/ que la partie du chiffre d'affaires global provenant de la vente des produits qui font l'objet de l'infraction n'est la mieux à même de refléter l'importance économique de cette infraction que si les différentes catégories de clients se trouvent dans une situation comparable ; qu'en refusant de tenir compte des spécificités de chaque segment de clientèle, la cour d'appel a violé l'article L. 464-2 du code de commerce et le communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires ;

6°/ qu'en considérant que, pour déterminer la valeur des ventes, l'Autorité a exactement retenu le chiffre d'affaires réalisé par chaque entreprise participante sur le marché domestique de la messagerie classique et express quand il ressort des constatations propres et adoptées de l'arrêt attaqué que l'Autorité a déduit de cette valeur des ventes les ventes intra-groupes, la sous-traitance et les ventes internationales, ce qui suffit à démontrer que la référence à ce marché ne correspond pas à la réalité économique de l'infraction, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé l'article L. 464-2 du code de commerce et le communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires ;

7°/ que la valeur des ventes est une notion économique objective permettant de proportionner au cas par cas l'assiette de la sanction à l'ampleur économique de l'infraction et au poids relatif sur le secteur ou le marché concerné de l'entreprise qui y a participé ; qu'en considérant, pour refuser d'exclure les ventes au comptant ou aux nouveaux clients du montant de base de la sanction, que la seule référence à un environnement marqué par une hausse des prix pouvant être de nature à leur faire accepter un prix plus élevé que ce qu'il aurait été sans les pratiques, suffit à établir une relation de ces ventes avec l'infraction quand le juge de la concurrence était tenu de se livrer à un contrôle concret du lien existant entre les hausses des prix constatés sur chacune de ces ventes et l'infraction, la cour d'appel a violé l'article L. 464-2 du code de commerce et le communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires ;

8°/ qu'en se bornant à retenir que l'environnement marqué par une hausse des prix était propice à une hausse des prix des ventes au comptant ou aux nouveaux clients, sans vérifier, comme elle y avait été invitée, si les variations des prix de ces ventes n'étaient pas totalement décorrélées des hausses pratiquées sur les segments de clientèle concernés par l'entente, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 464-2 du code de commerce et du communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires ;

9°/ qu'en se bornant à retenir que la renégociation des contrats pluriannuels est intervenue au cours et sous l'influence des pratiques en cause, sans vérifier, comme elle y avait été invitée, si cette renégociation n'avait pas lieu selon des modalités prédéterminées, étrangères à la pratique en cause, prenant en considération des coûts, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 464-2 du code de commerce et du communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires ;

10°/ que la valeur des ventes correspond, en principe, à la valeur de l'ensemble des catégories de produits ou de services en relation avec l'infraction vendus par l'entreprise concernée durant son dernier exercice comptable complet de participation à celle-ci ; qu'il doit donc exister un lien de causalité actuel entre l'infraction et les catégories de produits ou services pris en compte ; qu'en considérant, pour refuser d'exclure de la valeur des ventes les contrats pluriannuels mais aussi les clients n'ayant fait l'objet d'aucune hausse au cours de la durée de participation de l'entreprise à l'entente, que les pratiques se seraient prolongées si les demandeurs en clémence n'avaient pas informé l'Autorité de l'existence de cette entente, la cour d'appel qui s'est fondée sur une circonstance hypothétique future sans lien avec la durée de participation effective de chaque entreprise à l'infraction, a violé l'article L. 464-2 du code de commerce et le communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires ;

11°/ qu'en considérant, pour refuser d'exclure de la valeur des ventes les clients n'ayant fait l'objet d'aucune hausse au cours de la durée de participation de l'entreprise à l'entente, qu'il "ne peut être exclu que, sans les pratiques, certains de ces clients, dotés d'un fort pouvoir de négociation, auraient pu obtenir des baisses de tarifs, le contexte de hausse les ayant seulement dissuadés d'exiger une baisse", la cour d'appel qui a statué par un motif hypothétique, n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

12°/ qu'en se bornant à justifier le refus de l'Autorité d'écarter de la valeur des ventes les options et frais supplémentaires ainsi que la surcharge gazole, par "la nécessité de garantir l'efficacité de l'action de l'Autorité, et notamment de ses services d'instruction, ainsi que la prévisibilité et le caractère dissuasif des sanctions qu'elle prononce", la cour d'appel qui a statué par des motifs impropres à justifier une telle exclusion de la valeur des ventes, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 464-2 du code de commerce et du communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires ;

13°/ qu'en justifiant le refus de l'Autorité d'écarter de la valeur des ventes certaines catégories de ventes ou de frais par "la nécessité de garantir l'efficacité de l'action de l'Autorité, et notamment de ses services d'instruction, ainsi que la prévisibilité et le caractère dissuasif des sanctions qu'elle prononce", tout en constatant que le montant de base peut aussi "faire l'objet d'une individualisation en fonction des circonstances aggravantes et atténuantes propres à chaque entreprise, et d'ajustements finaux pour tenir compte de ses éventuelles difficultés", ce dont il résulte que le montant de base n'est pas le seul élément de la sanction permettant de rendre celle-ci efficace et dissuasive, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations a violé l'article L. 464-2 du code de commerce, ainsi que le communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires. »

43. Par leur second moyen, pris en ses deuxième à treizième branches, les sociétés Chronopost, DPD France et La Poste font grief à l'arrêt de condamner la société DPD France à une sanction pécuniaire d'un certain montant, au titre des pratiques visées à l'article 2 de la décision n° 15-D-19 de l'Autorité, alors :

« 2°/ que si la valeur des ventes est appréciée sur le marché concerné par l'infraction, la délimitation de celui-ci doit à ce stade de la procédure, être aussi étroite que possible ; qu'il existe un marché distinct pour chaque segment de clientèle dont les besoins et les attentes de services ne sont pas identiques ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 464-2 du code de commerce et le communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires ;

3°) que si la valeur des ventes est déterminée à partir du marché affecté par les pratiques en cause ; qu'en affirmant au contraire que il ne découle ni du communiqué sanctions ni de la pratique décisionnelle antérieure de l'Autorité que les ventes de produits ou services devraient être 'affectées' par l'infraction pour que leur valeur soit prise en compte pour le calcul du montant de base de la sanction ou encore qu'en décidant de prendre en compte la valeur des ventes de produits ou services en relation avec l'infraction", l'Autorité aurait exactement fait le choix de ne pas prendre en compte le critère de l'affectation des ventes par l'infraction, la cour d'appel a violé l'article L. 464-2 du code de commerce et le communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires ;

4°/ que la valeur des ventes est une notion économique objective permettant de proportionner au cas par cas l'assiette de la sanction à l'ampleur économique de l'infraction et au poids relatif sur le secteur ou le marché concerné de l'entreprise qui y a participé ; qu'en se bornant à expliquer le refus de l'Autorité de déterminer la valeur des ventes à partir de ce critère d'affectation par la prétendue difficulté pour les services d'instruction de procéder à de telles vérifications ou encore par le caractère dissuasif de la sanction, la cour d'appel qui a statué par des motifs impropres à justifier l'exclusion du critère d'affectation pour déterminer la valeur des ventes, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 464-2 du code de commerce et le communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires ;

5°/ que la partie du chiffre d'affaires global provenant de la vente des produits qui font l'objet de l'infraction n'est la mieux à même de refléter l'importance économique de cette infraction que si les différentes catégories de clients se trouvent dans une situation comparable ; qu'en refusant de tenir compte des spécificités de chaque segment de clientèle, la cour d'appel a violé l'article L. 464-2 du code de commerce et le communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires ;

6°/ qu'en considérant que, pour déterminer la valeur des ventes, l'Autorité a exactement retenu le chiffre d'affaires réalisé par chaque entreprise participante sur le marché domestique de la messagerie classique et express quand il ressort des constatations propres et adoptées de l'arrêt que l'Autorité a déduit de cette valeur des ventes les ventes intra-groupes, la sous-traitance et les ventes internationales, ce qui suffit à démontrer que la référence à ce marché ne correspond pas à la réalité économique de l'infraction, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé l'article L. 464-2 du code de commerce et le communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires ;

7°/ que la valeur des ventes est une notion économique objective permettant de proportionner au cas par cas l'assiette de la sanction à l'ampleur économique de l'infraction et au poids relatif sur le secteur ou le marché concerné de l'entreprise qui y a participé ; qu'en considérant, pour refuser d'exclure les ventes au comptant ou aux nouveaux clients du montant de base de la sanction, que la seule référence à un environnement marqué par une hausse des prix pouvant être de nature à leur faire accepter un prix plus élevé que ce qu'il aurait été sans les pratiques, suffit à établir une relation de ces ventes avec l'infraction quand le juge de la concurrence était tenu de se livrer à un contrôle concret du lien existant entre les hausses des prix constatés sur chacune de ces ventes et l'infraction, la cour d'appel a violé l'article L. 464-2 du code de commerce et le communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires ;

8°/ qu'en se bornant à retenir que l'environnement marqué par une hausse des prix était propice à une hausse des prix des ventes au comptant ou aux nouveaux clients, sans vérifier, comme elle y avait été invitée, si les variations des prix de ces ventes n'étaient pas totalement décorrélées des hausses pratiquées sur les segments de clientèle concernés par l'entente, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 464-2 du code de commerce et du communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires ;

9°/ qu'en se bornant à retenir que la renégociation des contrats pluriannuels est intervenue au cours et sous l'influence des pratiques en cause, sans vérifier, comme elle y avait été invitée, si cette renégociation n'avait pas lieu selon des modalités prédéterminées, étrangères à la pratique en cause, prenant en considération des coûts, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 464-2 du code de commerce et du communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires ;

10°/ que la valeur des ventes correspond, en principe, à la valeur de l'ensemble des catégories de produits ou de services en relation avec l'infraction vendues par l'entreprise concernée durant son dernier exercice comptable complet de participation à celle-ci ; qu'il doit donc exister un lien de causalité actuel entre l'infraction et les catégories de produits ou services pris en compte ; qu'en considérant, pour refuser d'exclure de la valeur des ventes les contrats pluriannuels mais aussi les clients n'ayant fait l'objet d'aucune hausse au cours de la durée de participation de l'entreprise à l'entente, que les pratiques se seraient prolongées si les demandeurs en clémence n'avaient pas informé l'Autorité de l'existence de cette entente, la cour d'appel qui s'est fondée sur une circonstance hypothétique future sans lien avec la durée de participation effective de chaque entreprise à l'infraction, a violé l'article L. 464-2 du code de commerce et du communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires ;

11°/ qu'en considérant, pour refuser d'exclure de la valeur des ventes les clients n'ayant fait l'objet d'aucune hausse au cours de la durée de participation de l'entreprise à l'entente, qu'il "ne peut être exclu que, sans les pratiques, certains de ces clients, dotés d'un fort pouvoir de négociation, auraient pu obtenir des baisses de tarifs, le contexte de hausse les ayant seulement dissuadés d'exiger une baisse", la cour d'appel qui a statué par un motif hypothétique, n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

12°/ qu'en se bornant à justifier le refus de l'Autorité d'écarter de la valeur des ventes les options et frais supplémentaires ainsi que la surcharge gazole, par "la nécessité de garantir l'efficacité de l'action de l'Autorité, et notamment de ses services d'instruction, ainsi que la prévisibilité et le caractère dissuasif des sanctions qu'elle prononce", la cour d'appel qui a statué par des motifs impropres à justifier une telle exclusion de la valeur des ventes, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 464-2 du code de commerce et du communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires ;

13°/ qu'en justifiant le refus de l'Autorité d'écarter de la valeur des ventes certaines catégories de ventes ou de frais par "la nécessité de garantir l'efficacité de l'action de l'Autorité, et notamment de ses services d'instruction, ainsi que la prévisibilité et le caractère dissuasif des sanctions qu'elle prononce", tout en constatant que le montant de base peut aussi "faire l'objet d'une individualisation en fonction des circonstances aggravantes et atténuantes propres à chaque entreprise, et d'ajustements finaux pour tenir compte de ses éventuelles difficultés", ce dont il résulte que le montant de base n'est pas le seul élément de la sanction permettant de rendre celle-ci efficace et dissuasive, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations a violé l'article L. 464-2 du code de commerce, ainsi que le communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires. »

44. Par leur premier moyen, pris en ses deuxième à dixième branches, les sociétés Fedex express FR et TNT Express font grief à l'arrêt de les condamner solidairement à une sanction pécuniaire d'un certain montant, au titre des pratiques visées à l'article 2 de la décision n° 15-D-19 de l'Autorité, alors :

« 2°/ que si la valeur des ventes est appréciée sur le marché concerné par l'infraction, la délimitation de celui-ci doit, à ce stade de la procédure, être aussi étroite que possible ; qu'il existe un marché distinct pour chaque segment de clientèle dont les besoins et les attentes de services ne sont pas identiques ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 464-2 du code de commerce et le communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires ;

3°/ que la valeur des ventes est déterminée à partir du marché affecté par les pratiques en cause ; qu'en affirmant au contraire qu'" il ne découle ni du communiqué sanctions ni de la pratique décisionnelle antérieure de l'Autorité que les ventes de produits ou services devraient être "affectées" par l'infraction pour que leur valeur soit prise en compte pour le calcul du montant de base de la sanction" ou encore qu'en décidant de prendre en compte la valeur des ventes de produits ou services "en relation avec l'infraction", l'Autorité aurait exactement fait le choix de ne pas prendre en compte le critère de l'affectation des ventes par l'infraction, la cour d'appel a violé l'article L. 464-2 du code de commerce et le communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires ;

4°/ que la valeur des ventes est une notion économique objective permettant de proportionner au cas par cas l'assiette de la sanction à l'ampleur économique de l'infraction et au poids relatif sur le secteur ou le marché concerné de l'entreprise qui y a participé ; qu'en se bornant à expliquer le refus de l'Autorité de déterminer la valeur des ventes à partir de ce critère d'affectation par la prétendue difficulté pour les services d'instruction de procéder à de telles vérifications ou encore par le caractère dissuasif de la sanction, la cour d'appel qui a statué par des motifs impropres à justifier l'exclusion du critère d'affectation pour déterminer la valeur des ventes, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 464-2 du code de commerce et le communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires ;

5°/ que la partie du chiffre d'affaires global provenant de la vente des produits qui font l'objet de l'infraction n'est la mieux à même de refléter l'importance économique de cette infraction que si les différentes catégories de clients se trouvent dans une situation comparable ; qu'en refusant de tenir compte des spécificités de chaque segment de clientèle, la cour d'appel a violé l'article L. 464-2 du code de commerce et le communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires ;

6°/ qu'en considérant que, pour déterminer la valeur des ventes, l'Autorité de la concurrence a exactement retenu le chiffre d'affaires réalisé par chaque entreprise participante sur le marché domestique de la messagerie classique et express quand il ressort des constatations propres et adoptées de l'arrêt que l'Autorité a déduit de cette valeur des ventes les ventes intra-groupes, la sous-traitance et les ventes internationales, ce qui suffit à démontrer que la référence à ce marché ne correspond pas à la réalité économique de l'infraction, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé l'article L. 464-2 du code de commerce et le communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires ;

7°/ que la valeur des ventes est une notion économique objective permettant de proportionner au cas par cas l'assiette de la sanction à l'ampleur économique de l'infraction et au poids relatif sur le secteur ou le marché concerné de l'entreprise qui y a participé ; qu'en se bornant, pour refuser d'exclure de la valeur des ventes, les comptes des petits clients, à affirmer de manière générale que les demanderesses devant la cour d'appel s'accordent généralement sur le fait que les hausses figurant dans les circulaires s'appliquaient sans négociation aux petits clients, si bien que ces ventes ont bien été en relation avec l'infraction, sans rechercher si la situation individuelle de la société Fedex express FR ne devait pas être distinguée de celle de la majorité des autres entreprises, dans la mesure où les hausses tarifaires appliquées par cette société aux petits clients sans négociation entraient en vigueur avant les réunions de la fédération TLF, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 464-2 du code de commerce et du communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires ;

8°/ que la valeur des ventes est une notion économique objective permettant de proportionner au cas par cas l'assiette de la sanction à l'ampleur économique de l'infraction et au poids relatif sur le secteur ou le marché concerné de l'entreprise qui y a participé ; qu'en considérant, pour refuser d'exclure les ventes au comptant ou au comptoir ainsi que les ventes "clients grand compte" du montant de base de la sanction, que la seule référence à un environnement marqué par une hausse des prix pouvant être de nature à leur faire accepter un prix plus élevé que ce qu'il aurait été sans les pratiques, suffit à établir une relation des ventes au comptant avec l'infraction quand le juge de la concurrence était tenu de se livrer à un contrôle concret du lien existant entre les hausses des prix constatés sur chacune de ces ventes et l'infraction, la cour d'appel a violé l'article L. 464-2 du code de commerce et le communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires ;

9°/ qu'en se bornant à justifier le refus de l'Autorité d'écarter de la valeur des ventes les options et frais supplémentaires ainsi que la surcharge gazole, par "la nécessité de garantir l'efficacité de l'action de l'Autorité, et notamment de ses services d'instruction, ainsi que la prévisibilité et le caractère dissuasif des sanctions qu'elle prononce", la cour d'appel qui a statué par des motifs impropres à justifier une telle exclusion de la valeur des ventes, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 464-2 du code de commerce et le communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires ;

10°/ qu'en justifiant le refus de l'Autorité d'écarter de la valeur des ventes certaines catégories de ventes ou de frais par "la nécessité de garantir l'efficacité de l'action de l'Autorité, et notamment de ses services d'instruction, ainsi que la prévisibilité et le caractère dissuasif des sanctions qu'elle prononce", tout en constatant que le montant de base peut aussi "faire l'objet d'une individualisation en fonction des circonstances aggravantes et atténuantes propres à chaque entreprise, et d'ajustements finaux pour tenir compte de ses éventuelles difficultés", ce dont il résulte que le montant de base n'est pas le seul élément de la sanction permettant de rendre celle-ci efficace et dissuasive, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations a violé l'article L. 464-2 du code de commerce, ainsi que le communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires. »

45. Par leur neuvième moyen, pris en ses deuxième, troisième, quatrième, cinquième, sixième, septième, huitième et neuvième branches, les sociétés DHL express (France), DHL holding France et Deutsche Post font grief à l'arrêt d'infliger à la société DHL express (France), solidairement avec les sociétés DHL holding (France) et Deutsche Post, une sanction pécuniaire d'un certain montant, alors :

« 2°/ que les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie, à la situation de l'organisme ou de l'entreprise sanctionné ou du groupe auquel l'entreprise appartient et sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme et de façon motivée pour chaque sanction ; qu'en écartant les moyens relatifs à l'assiette de la sanction, tirés de ce que seule la valeur des ventes affectées par l'infraction devait être prise en considération, motif pris que l'exigence induite par ces moyens obligerait les services d'enquête de l'Autorité à consacrer "un temps important à de telles vérifications" et limiterait l'efficacité de son action, la cour d'appel a violé l'article L. 464-2 du code de commerce ;

3°/ que l'Autorité est soumise au principe général de droit de l'Union de bonne administration, en vertu duquel il lui appartient d'examiner avec soin tous les éléments pertinents d'une affaire ; qu'en écartant les moyens relatifs à l'assiette de la sanction, tirés de ce que seule la valeur des ventes affectées par l'infraction devait être prise en considération, motif pris que l'exigence induite par ces moyens obligerait les services d'enquête de l'Autorité à consacrer "un temps important à de telles vérifications" et limiterait l'efficacité de son action, la cour d'appel a violé le principe général de droit de l'Union de bonne administration ;

4°/ que les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie, à la situation de l'organisme ou de l'entreprise sanctionné ou du groupe auquel l'entreprise appartient et sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme et de façon motivée pour chaque sanction ; qu'en écartant les moyens relatifs à l'assiette de la sanction, tirés de ce que seule la valeur des ventes affectées par l'infraction devait être prise en considération, motif pris que l'obligation induite par ces moyens "priverait largement d'effet dissuasif les sanctions que prononce l'Autorité" et que l'approche retenue par l'Autorité serait plus conforme "à l'exigence de prévisibilité de la sanction, et donc à son caractère dissuasif", la cour d'appel a derechef violé l'article L. 464-2 du code de commerce ;

5°/ qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a transformé la présomption simple de ce que la valeur des ventes en relation avec l'infraction comprendrait l'ensemble des ventes réalisées sur le marché concerné en présomption irréfragable, dès lors qu'elle ne peut plus être renversée par la preuve contraire, et a violé l'article L. 464-2 du code de commerce ;

6°/ que le montant de base de la sanction pécuniaire est déterminé à partir de la valeur des ventes des produits ou services en relation avec l'infraction, valeur qui permet de proportionner l'assiette de la sanction à l'ampleur économique de l'infraction et au poids de l'entreprise en cause sur le marché et à laquelle il est ensuite appliqué un coefficient relatif à la gravité des faits et au dommage à l'économie ; qu'en estimant que la prise en compte, comme assiette de la sanction, de la totalité du chiffre d'affaires réalisé par une entreprise sur le marché concerné ne contrevient pas au principe de proportionnalité des peines, parce qu'il est appliqué à la valeur des ventes ainsi retenue un coefficient fonction de la gravité des faits et du dommage causé à l'économie et un coefficient de durée, et que ce montant peut faire l'objet d'une individualisation selon des circonstances atténuantes ou aggravantes, la cour d'appel a violé l'article L. 464-2 du code de commerce ;

7°/ que la notion de valeur des ventes de produits ou services en relation avec l'infraction ne peut englober des ventes ne relevant pas du champ d'application de l'infraction ; qu'en considérant que c'est à juste titre que l'Autorité a retenu, au titre de la valeur des ventes, le chiffre d'affaires lié aux prestations de messagerie et de messagerie express sur le territoire français, déduction faite, uniquement, du chiffre d'affaires réalisé lors de prestations internationales, du chiffre d'affaires réalisé lorsque les entreprises ont agi exclusivement comme sous-traitant d'un autre transporteur et du chiffre d'affaires réalisé lors de prestations intergroupe, sans déduire, comme elle y était invitée, le chiffre d'affaires réalisé par la société DHL express (France) au profit des clients TOP 1000 et celui généré par des "options ou frais supplémentaires", sans relation avec l'infraction, la cour d'appel a violé l'article L. 464-2 du code de commerce ;

8°/ que la notion de valeur des ventes de produits ou services en relation avec l'infraction ne peut englober des ventes ne relevant pas du champ d'application de l'infraction ; qu'en relevant, pour considérer que c'est à juste titre que l'Autorité avait retenu, au titre de la valeur des ventes, le chiffre d'affaire lié aux prestations de messagerie classique et express sur le territoire français sans distinguer selon les clients et/ou les contrats, que les informations échangées concernaient un aspect de la politique tarifaire générale qu'entendaient suivre les entreprises participantes - le taux de hausse qu'elles souhaitaient obtenir -, sans distinction selon la nature des services ou selon les caractéristiques des clients, sans rechercher, concrètement, le champ d'application des pratiques en cause, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 464-2 du code de commerce ;

9°/ que les sanctions pécuniaires sont proportionnées, notamment, à la gravité effective des faits reprochés et à l'importance du dommage réellement causé à l'économie ; qu'en relevant, pour considérer que c'est à juste titre que l'Autorité avait retenu, au titre de la valeur des ventes, le chiffre d'affaires lié aux prestations de messagerie classique et express sur le territoire français sans distinguer selon les clients et/ou les contrats, que les pratiques litigieuses étaient de nature à entraîner des hausses supérieures à ce qu'elles auraient été sans l'entente et ont eu pour effet, réellement ou potentiellement, de favoriser les entreprises dans leurs négociations avec leurs plus grands clients, la cour d'appel s'est prononcée par des motifs inopérants, privant sa décision de base légale au regard de l'article L. 464-2 du code de commerce. »

46. Par leur premier moyen, les sociétés Overland, Kuehne+Nagel Road et Kuehne+Nagel International font grief à l'arrêt de rejeter tous leurs moyens d'annulation ou de réformation et, en conséquence, de rejeter leur recours contre la décision n° 15-D-19 de l'Autorité qui a notamment infligé, au titre du grief n° 2, une sanction d'un certain montant à la société Overland, dont une partie solidairement avec la société Kuehne+Nagel Road et une autre solidairement avec la société Kuehne+Nagel International, alors :

« 1°/ que les sanctions pécuniaires des pratiques anticoncurrentielles doivent être proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie, à la situation de l'organisme ou de l'entreprise sanctionné ou du groupe auquel l'entreprise appartient et à l'éventuelle réitération des pratiques prohibées ; qu'elles sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction ; que le communiqué de l'Autorité en date du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires, qui constitue une directive au sens administratif du terme, prévoit que le montant de base de la sanction pécuniaire est représenté par une proportion de la valeur des ventes réalisées par chaque entreprise en cause des produits ou services en relation avec l'infraction considérée (point 23) ; que le point 33 du communiqué précise que "la référence prise par l'Autorité pour donner une traduction chiffrée à son appréciation de la gravité des faits et de l'importance du dommage causé à l'économie est la valeur de l'ensemble des catégories de produits ou de services en relation avec l'infraction, ou s'il y a lieu avec les infractions, vendues par l'entreprise ou l'organisme concerné durant son dernier exercice comptable complet de participation à celle(s)-ci (…)" ; que ne sont pas "en relation" avec l'infraction, au sens du communiqué précité, les ventes de produits ou services qui n'ont pas été affectées par la pratique anticoncurrentielle en cause ; qu'au cas d'espèce, en retenant que par principe, il n'était pas nécessaire, pour être considérées comme "en relation avec l'infraction" et donc être prises en compte dans la valeur des ventes servant d'assiette au calcul du montant de base de la sanction, que les ventes de produits ou services aient été affectées par l'infraction, la cour d'appel a violé l'article L. 464-2, I du code de commerce, ensemble les points 23 et 33 du communiqué de l'Autorité en date du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires ;

2°/ que les sanctions pécuniaires des pratiques anticoncurrentielles doivent être proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie, à la situation de l'organisme ou de l'entreprise sanctionné ou du groupe auquel l'entreprise appartient et à l'éventuelle réitération des pratiques prohibées ; qu'elles sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction ; que le communiqué de l'Autorité de la concurrence en date du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires, qui constitue une directive au sens administratif du terme, prévoit que le montant de base de la sanction pécuniaire est représenté par une proportion de la valeur des ventes, "qui constitue en effet une référence appropriée et objective pour déterminer le montant de base de la sanction pécuniaire, dans la mesure où elle permet d'en proportionner au cas par cas l'assiette à l'ampleur économique de l'infraction ou des infractions en cause, d'une part, et au poids relatif, sur le(s) secteur(s) ou marché(s) concerné(s), de chaque entreprise ou organisme qui y a participé, d'autre part" (point. 23 du communiqué) ; qu'au cas d'espèce, les sociétés Overland, Kuehne+Nagel Road et Kuehne+Nagel International soutenaient que pour refléter correctement l'ampleur économique de l'infraction, devaient être retranchées du périmètre de la valeur des ventes celles réalisées avec des clients qui n'avaient pas été destinataires des circulaires adressées par les entreprises ayant participé à l'entente consécutivement aux concertations annuelles sur les hausses tarifaires ; qu'en se bornant à énoncer, pour rejeter le moyen, que "le périmètre des ventes retenu pour déterminer le montant de base des sanctions reflète exactement l'ampleur économique de l'infraction", sans donner aucune explication à l'appui de cette affirmation, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 464-3, I du code de commerce, ensemble le point 23 du communiqué de l'Autorité en date du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires ».

47. Par leur premier moyen, les sociétés Gefco et Peugeot font grief à l'arrêt de rejeter leur recours, alors :

« 1°/ que le communiqué de l'Autorité du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires énonce que l'assiette de calcul de la sanction pécuniaire infligée à l'auteur d'une pratique anticoncurrentielle est constituée de "la valeur des ventes, réalisées par chaque entreprise ou organisme en cause, de produits ou de services en relation avec l'infraction", et précise (points 33, 23 et 24) que ce critère a été jugé plus pertinent que celui du chiffre d'affaires réalisé par l'entreprise poursuivie pour "donner une traduction chiffrée à [l'] appréciation de la gravité des faits et de l'importance du dommage causé à l'économie" ; qu'il suit de là que seules les catégories de ventes affectées par les pratiques dénoncées doivent concourir à la détermination de l'assiette de la sanction pécuniaire et qu'il appartient en toute hypothèse à l'Autorité d'exclure de cette assiette les catégories de vente dont il est démontré qu'elles n'ont pas été affectées ou qu'elles n'étaient pas concernées par les pratiques ; qu'en l'espèce, les sociétés Gefco et Peugeot reprochaient à l'Autorité d'avoir intégré en bloc dans l'assiette de calcul de la sanction pécuniaire qui leur avait été infligée la quasi-totalité du chiffre d'affaires réalisé par la société Gefco sur le marché français de la messagerie et d'y avoir artificiellement intégré le chiffre d'affaires correspondant aux catégories de clients qui n'avaient pas été affectées par l'infraction ou qui n'étaient, par hypothèse, pas concernées par les pratiques dénoncées (ventes réalisées auprès des clients "Grands Comptes" par exemple, qui bénéficiaient de contrats pluriannuels ou de contrats assortis d'une clause ferme de révision des prix, d'une clause d'indexation ou d'une clause de prix décroissant), sachant que ces ventes représentaient près de 50 % de la valeur des ventes réalisées par la société Gefco sur le marché français de la messagerie ; qu'en rejetant ce moyen au motif que le communiqué sanction ne faisait aucune référence à une "nécessaire affectation des ventes [des] catégories de produits ou services par l'infraction pour pouvoir en prendre en compte la valeur ", la cour d'appel a violé, par fausse interprétation, le communiqué de l'Autorité du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires ;

2°/ que selon l'article L. 464-2 du code de commerce, la sanction pécuniaire infligée par l'Autorité à l'auteur d'une pratique anticoncurrentielle doit être proportionnée à la gravité des faits et au dommage causé à l'économie ; que la circonstance que certaines catégories de vente réalisées par l'entreprise poursuivie sur le marché pertinent n'avaient pas été affectées par les pratiques dénoncées ou n'étaient pas concernées par celles-ci constitue nécessairement un élément d'individualisation de la sanction dont l'Autorité ne peut refuser de tenir compte par principe ; qu'en retenant que la démonstration par laquelle les sociétés Gefco et Peugeot entendaient établir que certaines catégories de clients n'avaient pas été affectées par les pratiques dénoncées ou n'étaient pas concernées par celles-ci était "inopérante" , que le principe de proportionnalité des peines n'imposait pas la prise en considération d'une telle démonstration et que c'était en vain que "les entreprises requérantes cherchaient à démontrer que telle ou telle catégorie de contrat n'avaient pas pu être affectées par l'entente", la cour d'appel a violé l'article L. 464-2 du code de commerce ;

3°/ que si l'Autorité ne peut se voir imposer la charge d'établir que chaque vente individuelle retenue pour le calcul de la sanction infligée à l'auteur d'une pratique anticoncurrentielle a été effectivement affectée par la pratique dénoncée, l'Autorité doit tenir compte, dans la fixation du quantum de cette sanction, de la circonstance que certaines catégories de ventes n'ont pas été affectées ou n'étaient pas concernées par l'infraction lorsque les parties poursuivies en font la démonstration ; qu'en jugeant que l'Autorité n'avait pas à répondre à une telle argumentation compte tenu de la charge probatoire prétendument excessive que cette obligation représenterait pour celle-ci, la cour d'appel a violé l'article L. 464-2 du code de commerce ;

4°/ que toute personne accusée d'une infraction est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie ; que pour justifier en toute hypothèse le choix de l'Autorité d'inclure dans l'assiette de calcul de la sanction pécuniaire infligée aux sociétés Gefco et Peugeot la valeur des ventes réalisées en exécution de contrats pluriannuels ainsi que la valeur des ventes réalisées en exécution de contrats dont il était démontré qu'ils n'avaient subi aucune hausse pendant la période concernée par les pratiques, la cour d'appel a relevé qu'en toute hypothèse, il "convenait de constater que, si la société Deutsche Bahn et ses filiales n'avaient pas informé l'Autorité de l'existence de cette entente, dans le cadre d'une demande de clémence, celle-ci se serait poursuivie, de sorte que l'exclusion desdits contrats ne permettrait pas de tenir compte de l'ampleur des pratiques, et notamment de leur vocation à se prolonger" ; qu'en statuant ainsi la cour d'appel a méconnu le principe de la présomption d'innocence et violé l'article 6 § 2 de la Convention européenne des droits de l'homme et de sauvegarde des libertés fondamentales. »

48. Par leur septième moyen, pris en ses troisième et quatrième branches, la société Geodis et la SNCF font grief à l'arrêt d'infliger à la société Geodis au titre des pratiques visées à l'article 2 de la décision n° 15-D-19 de l'Autorité une sanction d'un certain montant dont une partie solidairement avec la SNCF, alors :

« 3°/ que les sanctions pécuniaires encourues par les auteurs de pratiques anticoncurrentielles doivent notamment être fixées à proportion du dommage qu'elles ont causé à l'économie et qu'à cette fin, l'assiette de la sanction est en principe constituée de la valeur des produits ou services en cause réalisés en France en lien avec l'infraction de sorte qu'en jugeant que l'Autorité avait pu prendre en considération, pour déterminer l'assiette de la sanction, l'ensemble des prestations de messagerie classique et express réalisées sur le marché français, et non les seuls échanges susceptibles d'être impactés par la pratique, au motif, impropre à le justifier, que circonscrire plus précisément l'assiette conduirait à diminuer l'effet dissuasif de la sanction, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 464-2 I du code de commerce ;

4°/ que les sanctions pécuniaires encourues par les auteurs de pratiques anticoncurrentielles doivent notamment être fixées à proportion du dommage qu'elles ont causé à l'économie et qu'à cette fin, l'assiette de la sanction est en principe constituée de la valeur des produits ou services en cause réalisés en France en lien avec l'infraction si bien qu'en refusant d'examiner, comme elle était invitée à le faire, si les options et frais supplémentaires, auxquels les hausses tarifaires en cause ne s'appliquaient pas, ne devaient pas être exclus de l'assiette au motif impropre à justifier sa décision de la difficulté à procéder à cette extraction non prévue par le communiqué sanctions, la cour d'appel a violé l'article L. 464-2 I du code de commerce. »

49. Par son premier moyen, la société BMVirolle fait grief à l'arrêt de rejeter son recours, alors :

« 1°/ que selon son communiqué sanctions du 16 mai 2011, pour donner une traduction chiffrée à l'appréciation de la gravité des faits et de l'importance du dommage causé à l'économie, l'Autorité retient comme montant de base de la sanction une proportion de la valeur des ventes, réalisées par chaque entreprise, de produits ou de services en relation avec l'infraction, cette catégorie de produits ou de services étant déterminée par la qualification de l'infraction au regard de son objet ou de son effet anticoncurrentiel ; que les ventes de produits et services qui n'ont pas été affectées par l'infraction n'étant pas en relation avec celle-ci ne doivent donc pas être prises en compte dans le calcul de la valeur des ventes servant d'assiette à la sanction ; qu'en retenant au contraire qu'il importait peu que telle ou telle catégorie de contrats ou de prestations ait ou non été affectée par l'entente, un tel critère étant inopérant, la cour d'appel a violé l'article L. 464-2 du code de commerce et le communiqué de l'Autorité du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires ;

2°/ que pour la détermination de la valeur des ventes, qui est destinée à donner une traduction chiffrée à l'appréciation de la gravité des faits et de l'importance du dommage à l'économie, ne doivent être prises en compte que les ventes en relation avec l'infraction ; qu'en retenant que la détermination de la valeur des ventes de produits ou services, en relation avec l'infraction, servant d'assiette à la sanction, n'avait pas à prendre en compte le critère de l'affectation des ventes par l'infraction, dès lors qu'un tel critère limiterait l'efficacité de la sanction, en obligeant les services d'enquête de l'Autorité à consacrer un temps important à de telles vérifications, ou encore son effet dissuasif et sa prévisibilité, considérations étrangères à l'appréciation de la relation des ventes avec l'infraction, de la gravité des faits ou de l'importance du dommage à l'économie, la cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à justifier sa décision, a violé l'article L. 464-2 du code de commerce et le communiqué de l'Autorité du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires ;

3°/ qu'il est reproché aux entreprises d'avoir participé à une entente sur le marché français de la messagerie et de la messagerie express, qui visait à la mise en place d'une concertation sur les hausses tarifaires annuelles ; qu'en retenant que l'ensemble des prestations réalisées sur ce marché était en relation avec ce grief et que le chiffre d'affaires réalisé par chaque entreprise participante sur ce marché devait être retenu pour servir de base au montant de la sanction sans distinction selon les clients et/ou les contrats aux motifs que les hausses tarifaires envisagées et échangées par les entreprises de messagerie concernaient un aspect de la politique tarifaire générale qu'entendaient suivre les entreprises sans distinction selon la nature des services ou selon les caractéristiques des clients et ne concernaient ainsi aucun type de contrat particulier ni aucune prestation de messagerie particulière mais l'ensemble du marché domestique de la messagerie classique et express quand le marché concerné par l'entente devait être délimité par référence à la catégorie de clients et/ou aux prestations concernées par les hausses tarifaires annuelles, objet de la concertation incriminée, la cour d'appel a encore violé l'article L. 464-2 du code de commerce et le communiqué de l'Autorité du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires ;

4°/ qu'en retenant que la facilitation des hausses de prix par les pratiques objet du grief n° 2 s'est nécessairement fait sentir sur l'ensemble des ventes réalisées sur le marché de la messagerie classique et express et qu'à tout le moins, les requérantes sont impuissantes à rapporter la preuve contraire aux motifs hypothétiques, s'agissant des clients liés à un opérateur de messagerie par des contrats pluriannuels, d'une part qu'un nombre certainement important de ces contrats n'a pas pu manquer d'arriver à échéance au cours des six années qu'ont duré les pratiques, de sorte que leur renégociation est intervenue au cours et sous l'influence des pratiques et d'autre part, qu'à supposer même que, pour certains de ces contrats pluriannuels, aucune échéance ne soit intervenue pendant la durée de la participation aux pratiques, celles-ci se seraient poursuivies et avaient vocation à se prolonger si la société Deutsche Bahn et ses filiales ne les avaient pas dénoncées à l'Autorité, sans répondre aux conclusions de la société BMVirolle - dont la participation aux pratiques n'a été constatée qu'au cours seulement de deux périodes courant du 28 septembre 2006 au 1er mars 2007 et du 18 septembre 2008 au 1er mars 2010 (cf. décision de l'Autorité p. 207 et 208) et a ainsi cessé avant que les pratiques prennent fin le 29 septembre 2010 à la suite de leur dénonciation à l'Autorité - qui, justifiant avoir produit différents contrats pluriannuels, conclus avec ses clients Grands Comptes représentant la part la plus importante de sa clientèle, faisait valoir que ceux-ci encadraient les révisions tarifaires en prévoyant l'indexation des hausses sur l'indice CNR, ce qui excluait que ces contrats soient concernés par les hausses tarifaires annuelles, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

5°/ qu'en retenant que la circonstance que leur montant soit déterminé indépendamment des circulaires de hausses tarifaires ne justifierait pas d'écarter de la valeur des ventes, les options et frais supplémentaires aux motifs qu'une telle exigence ne trouverait pas de fondement dans le communiqué sanctions et dans la pratique de l'Autorité et qu'elle obligerait l'Autorité "pour chaque vente de produit ou service appartenant à une catégorie de produits ou services en relation avec l'infraction, à distinguer ceux des éléments constitutifs du prix global de vente qui ont été affectés (…) de ceux qui ne l'ont pas été", si bien que la nécessité de garantir l'efficacité de l'action de l'Autorité, et notamment des services d'instruction, ainsi que la prévisibilité et le caractère dissuasif des sanctions s'opposerait à une telle exigence, quand les options et frais supplémentaires n'étant pas concernés par les hausses tarifaires annuelles objet de la pratique concertée incriminée, constituaient des ventes de produits ou services sans relation avec l'infraction, qui ne pouvaient donc pas être prises en compte dans la valeur des ventes dont la détermination a pour objet une traduction chiffrée de l'appréciation de la gravité des faits et du dommage à l'économie, la cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à justifier sa décision, a violé l'article L. 464-2 du code de commerce et le communiqué de l'Autorité du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires. »

Réponse de la Cour

50. L'arrêt relève, d'abord, qu'après avoir décidé de faire application du communiqué relatif aux sanctions pécuniaires (le communiqué), l'Autorité a considéré que, pour les pratiques poursuivies concernant les prestations de messagerie et de messagerie express domestique sur le territoire français, il y avait lieu de retenir le chiffre d'affaires lié à ces activités au titre de la valeur des ventes servant d'assiette à la sanction. Il retient qu'il ne résulte ni de ce communiqué, ni de la pratique antérieure de l'Autorité, qui a retenu la valeur des ventes des produits et des services réalisées sur le marché concerné par l'entente sans qu'il fût vérifié qu'elles étaient affectées par cette pratique, que les ventes de produits ou services devraient être affectées par l'infraction pour être prises en compte pour le calcul du montant de base de la sanction, dès lors que le communiqué fait état des ventes en relation avec l'infraction. Il énonce qu'il ressort du communiqué que, dès l'instant où une catégorie de produits ou services est « en relation avec l'infraction », la valeur des ventes de cette catégorie de produits ou de services doit être prise en compte et qu'ainsi que le précise son point 33, c'est la qualification de l'infraction, effectuée au regard de son objet ou de ses effets, qui permet de déterminer les catégories de produits ou de services en relation avec l'infraction, cependant qu'il n'est fait aucune référence à une nécessaire affectation des ventes de ces catégories de produits ou services par l'infraction pour pouvoir prendre en compte leur valeur.

51. L'arrêt retient, ensuite, que c'est à juste titre que l'Autorité a décidé que l'ensemble des prestations de messagerie classique et express réalisées sur le marché français étaient en relation avec le grief n° 2, dès lors que les informations échangées concernaient un aspect de la politique tarifaire générale qu'entendaient suivre les entreprises participantes, soit le taux de hausse qu'elles souhaitaient obtenir, sans distinction selon la nature des services ou selon les caractéristiques des clients. Il retient également, que, dès lors que les hausses tarifaires envisagées et échangées par les entreprises ne concernaient ni un type de contrat ni une prestation de messagerie particuliers mais l'ensemble du marché domestique de la messagerie classique et express, la totalité des prestations réalisées sur ce marché était en relation avec l'infraction au sens du communiqué relatif aux sanctions pécuniaires, à l'exception du chiffre d'affaires réalisé en sous-traitance, de celui réalisé pour des prestations intra-groupe et de celui réalisé lors de prestations internationales, dont la comptabilisation aurait conduit, pour les deux premiers, à une double prise en compte et, pour le dernier, à retenir des ventes n'appartenant pas au marché considéré, constitué du seul marché domestique en raison de la dimension exclusivement nationale des pratiques.

52. L'arrêt retient, encore, que l'exclusion de l'assiette des ventes des options et frais supplémentaires et de la surcharge gazole, revendiquée par les entreprises demanderesses au recours au motif que leur montant aurait été déterminé indépendamment des circulaires de hausses tarifaires, ne trouve aucun fondement dans le communiqué.

53. L'arrêt retient, enfin, que la prise en compte, comme assiette des sanctions, de la valeur de l'ensemble des ventes des produits et services en relation avec l'infraction n'est pas contraire au principe de proportionnalité des peines, dès lors que sont appliqués à la valeur retenue un coefficient fixé en fonction de la gravité des faits et du dommage causé à l'économie ainsi qu'un coefficient traduisant la durée de l'infraction et de la participation individuelle de chaque entreprise à l'entente et que le montant de base ainsi obtenu peut encore faire l'objet d'une individualisation en fonction des circonstances aggravantes et atténuantes propres à chaque entreprise, et d'ajustement finaux pour tenir compte de ses éventuelles difficultés.

54. Ayant ainsi à bon droit énoncé que les ventes en relation avec l'infraction, au sens du communiqué, sont les ventes réalisées sur le marché sur lequel les pratiques en cause, constituées d'échanges d'informations sur des taux de hausse de tarif portant de façon générale sur les prestations réalisées par les entreprises participant à ces échanges, et qualifiées de pratiques anticoncurrentielles par objet, ont été établies, affectant ainsi le fonctionnement de la concurrence sur ce marché, sans qu'il y ait lieu ni d'établir les effets des pratiques retenues sur ces prestations ni de retirer de la valeur des ventes ainsi définies des éléments constitutifs du prix final facturé aux clients, la cour d'appel, qui a fait l'exacte interprétation des termes du communiqué et de leur portée visant à prendre en considération l'ampleur économique de l'infraction, qui n'avait ni à délimiter un autre marché que celui sur lequel les pratiques ayant eu pour objet de fausser la concurrence avaient été commises, qui était le marché affecté par les pratiques, ni à faire la recherche invoquée par la huitième branche du neuvième moyen du pourvoi n° 18-21-485, que ses constatations sur les prestations concernées par les échanges d'informations rendaient inopérante, ni à répondre aux conclusions inopérantes invoquées par la deuxième branche du premier moyen du pourvoi n° C 18-21.763 a, sans établir une présomption irréfragable, ni méconnu la présomption d'innocence, et abstraction faite des motifs surabondants relatifs aux charges des services d'enquête de l'Autorité et à l'effet dissuasif des sanctions, ainsi que de ceux, également surabondants et relatifs à la particularité de certains contrats ou clients, légalement justifié sa décision.

55. Pour partie inopérants, les moyens ne sont donc pas fondés pour le surplus.

Sur le deuxième moyen du pourvoi n° D 18-21.580

Enoncé du moyen

56. Les sociétés Overland, Kuehne+Nagel Road et Kuehne+Nagel International font encore le même grief à l'arrêt, alors :

« 1°/ que le juge doit respecter l'objet du litige tel qu'il est exprimé par les prétentions des parties exposées dans leurs conclusions des parties ; qu'au cas d'espèce, les sociétés Overland, Kuehne+Nagel Road et Kuehne+Nagel International faisaient valoir, données chiffrées à l'appui, qu'à l'époque des faits, elles étaient des entreprises "mono-produit" dès lors qu'entre 2004 et 2009, le chiffre d'affaires réalisé dans le secteur de la messagerie nationale représentait une part de 76 % à 85 % du chiffre d'affaires consolidé du groupe et que ce n'est que pendant une période de 65 jours, par rapport à une durée totale de participation à l'infraction de 1 624 jours (soit 4 % de la période), que le caractère "mono-produit" de l'activité n'était plus vérifié ; qu'en affirmant qu'"il appartenait donc aux requérantes d'établir que ces entités, ou l'une d'entre elles, avait le caractère d'entreprise mono-produit" et que "force est de constater qu'elles ne soutiennent pas, et a fortiori ne démontrent pas, que tel aurait été le cas", la cour d'appel, qui a méconnu l'objet du litige, a violé l'article 4 du code de procédure civile ;

2°/ que les sanctions pécuniaires des pratiques anticoncurrentielles doivent être proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie, à la situation de l'organisme ou de l'entreprise sanctionné ou du groupe auquel l'entreprise appartient et à l'éventuelle réitération des pratiques prohibées ; qu'elles sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction ; que le communiqué de l'Autorité en date du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires, qui constitue une directive au sens administratif du terme, prévoit que le montant de base de la sanction pécuniaire est représenté par une proportion de la valeur des ventes qui "constitue en effet une référence appropriée et objective pour déterminer le montant de base de la sanction pécuniaire, dans la mesure où elle permet d'en proportionner au cas par cas l'assiette à l'ampleur économique de l'infraction ou des infractions en cause, d'une part, et au poids relatif, sur le(s) secteur(s) ou marché(s) concerné(s), de chaque entreprise ou organisme qui y a participé, d'autre part" (point 23) ; que les points 47 et 48 du communiqué précisent toutefois que "l'Autorité peut ensuite adapter, à la baisse ou à la hausse, le montant de base en considération d'autres éléments objectifs propres à la situation de l'entreprise ou de l'organisme concerné" et qu'"en particulier, elle peut l'adapter à la baisse pour tenir compte du fait que : - l'entreprise concernée mène l'essentiel de son activité sur le secteur ou marché en relation avec l'infraction (entreprise "monoproduit")" ; qu'en cas de succession d'entités auxquelles est imputée la pratique anticoncurrentielle, à supposer que la notion d'"entreprise concernée" doive s'entendre de l'ensemble de ces entités, le caractère "mono-produit" de l'entreprise doit être apprécié à la date des faits sanctionnés ; qu'au cas d'espèce, en s'abstenant de rechercher, comme elle y était invitée , si la circonstance que l'"entreprise" constituée par les sociétés Alloin/Kuehne+Nagel ait réalisé entre 76 % et 85 % de son chiffre d'affaires dans le secteur de la messagerie nationale entre 2004 et 2009, et ce pendant une période de 1 559 jours sur les 1 624 jours qu'avait duré l'infraction, ne révélait pas qu'elle pouvait revendiquer la qualité d'entreprise "mono-produit", et donc bénéficier de la faculté que soit adapté à la baisse le montant de base de la sanction, la cour d'appel n'a en toute hypothèse pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 464-2, I du code de commerce, ensemble les points 23, 47 et 48 du communiqué de l'Autorité de la concurrence en date du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires, ensemble les principes de proportionnalité et d'individualisation de la sanction. »

Réponse de la Cour

57. Après avoir rappelé que les sociétés Overland, Kuehne+Nagel Road et Kuehne+Nagel International faisaient valoir que l'entreprise Alloin n'avait été acquise par le groupe Kuehne+Nagel qu'en janvier 2009, soit trois mois avant la fin des pratiques, lesquelles ont duré quatre ans et cinq mois, et qu'il convenait d'apprécier le caractère mono-produit de la société Alloin transports, devenue Kuehne+Nagel Road, au regard de son seul chiffre d'affaires et non au regard du chiffre d'affaires du groupe, l'arrêt relève que l'Autorité a retenu, pour la période du 30 septembre 2004 au 30 juin 2007, la responsabilité de la société Alloin holding (la société Overland), à la fois en tant que successeur juridique et société mère de la société Alloin transports, auteur de la pratique pendant cette même période, puis celle, pour la période du 1er juillet 2007 au 29 septembre 2010, de la société Kuehne + Nagel Road, anciennement dénommée Alloin transports, en tant qu'auteur de la pratique ainsi que celle des sociétés Alloin holding (la société Overland) et Kuehne+Nagel international, sociétés mère et grand-mère de la société Kuehne+Nagel Road pour la période pendant laquelle elles ont détenu cette filiale, soit du 1er juillet 2007 au 29 septembre 2010, pour la société Alloin holding (société Overland), et du 6 janvier 2009 au 29 septembre 2010, pour la société Kuehne+Nagel International. Il constate que les sociétés en cause n'ont pas contesté cette analyse. Il en déduit que l'entreprise, au sens tant de l'article L. 464-2 du code de commerce que du communiqué, notamment son point 48, a été successivement constituée, du 30 septembre 2004 au 30 juin 2007, de l'entité formée par la société Alloin transports et sa société mère Alloin holding (la société Overland), puis, du 1er juillet 2007 au 5 janvier 2009, par l'entité formée de la société Alloin transports, devenue Kuehne+Nagel Road, et de sa société mère Alloin holding (la société Overland), et, enfin, du 6 janvier 2009 au 29 septembre 2010, de la société Kuehne+Nagel Road et de ses sociétés mère Alloin holding (la société Overland) et grand-mère Kuehne+Nagel International. Il énonce qu'il appartenait aux sociétés requérantes d'établir que ces entités, ou l'une d'entre elles, avait le caractère mono-produit et estime que cette preuve n'est pas rapportée, la circonstance que la société Kuehne+ Nagel Road ait pu avoir ce caractère étant insuffisante à cet égard.

58. En l'état de ces constatations et appréciations, et des conclusions des sociétés Overland, Kuehne+Nagel Road et Kuehne+Nagel International, qui se bornaient à faire valoir que seule la situation de la société Transports Alloin devenue Kuehne+Nagel Road devait être analysée pour apprécier le caractère mono-produit, sans produire le chiffre d'affaires des entités successivement identifiées par la cour d'appel seules pertinentes à cette fin, c'est sans méconnaître l'objet du litige que la cour d'appel a retenu qu'il n'était ni soutenu ni démontré que l'une des entités pertinentes pour analyser son caractère mono-produit présentait cette caractéristique, justifiant ainsi légalement sa décision.

59. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le troisième moyen du pourvoi n° D 18-21.580

Enoncé du moyen

60. Les sociétés Overland, Kuehne Nagel Road et Kuehne+Kuehne Nagel International font encore le même grief à l'arrêt, alors :

« 1°/ que les sanctions pécuniaires des pratiques anticoncurrentielles doivent être proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie, à la situation de l'organisme ou de l'entreprise sanctionné ou du groupe auquel l'entreprise appartient et à l'éventuelle réitération des pratiques prohibées ; qu'elles sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction ; que le montant maximum de la sanction est, pour une entreprise, de 10 % du montant du chiffre d'affaires mondial hors taxes le plus élevé réalisé au cours d'un des exercices clos depuis l'exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en oeuvre, sachant que si les comptes de l'entreprise concernée ont été consolidés, le chiffre d'affaires pris en compte est celui figurant dans les comptes consolidés ; qu'il appartient au juge d'apprécier si, concrètement, dans l'affaire qui lui est soumise, la mise en oeuvre des règles légales respecte le principe de proportionnalité, notamment au regard du droit au respect des biens, et le principe d'individualisation des sanctions, en contemplation du but poursuivi par la loi et en vérifiant si un juste équilibre est ménagé entre les intérêts publics et privés concurrents en jeu ; qu'au cas d'espèce, en se bornant à considérer, de manière abstraite, que la prise en considération, pour fixer l'assiette de la sanction, du chiffre d'affaires global du groupe auquel appartient l'entreprise à laquelle est imputée la pratique anticoncurrentielle, sans qu'importe le point de savoir si cette entreprise appartenait ou non au groupe au moment des faits, non plus que la durée de cette appartenance, était justifiée dès lors que l'article L. 464-2, I du code de commerce poursuivait un but légitime (effet dissuasif de la sanction et prévention de toute tentative de s'y soustraire frauduleusement par manipulation comptable au sein du groupe) et qu'il avait été jugé conforme aux principes constitutionnels d'individualisation et de proportionnalité des peines par le Conseil constitutionnel, quand il lui appartenait de procéder à un contrôle concret de l'individualisation et de la proportionnalité de la sanction au regard de la situation particulière des sociétés du groupe Kuehne+Nagel, spécialement en tant que l'entreprise auteur de l'infraction n'en avait fait partie que durant une infime période (du 1er janvier au 6 mars 2009 puis du 16 au 29 septembre 2010) relativement à la durée totale de l'infraction (du 30 septembre 2004 au 29 septembre 2010), la cour d'appel, qui a commis une erreur méthodologique de principe quant à son office, a violé l'article L. 464-2, I du code de commerce, ensemble les principes d'individualisation et de proportionnalité des sanctions, ensemble les articles 1er du Protocole additionnel n° 1 à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 49.3 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

2°/ qu'en s'abstenant de rechercher si, dans les circonstances particulières précitées, l'infliction aux sociétés du groupe Kuehne+Nagel d'une sanction calculée à partir du chiffre d'affaires global du groupe ne méconnaissait pas les principes d'individualisation et de proportionnalité de la sanction mis en oeuvre de manière concrète, notamment au regard du droit au respect des biens, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 464-2, I du code de commerce, ensemble les principes d'individualisation et de proportionnalité des sanctions, ensemble les articles 1er du Protocole additionnel n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 49.3 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. »

Réponse de la Cour

61. L'arrêt énonce qu'il résulte de la dernière phrase de l'article L. 464-2-I quatrième alinéa du code de commerce que, lorsque les comptes de l'entreprise concernée ont été consolidés ou combinés en vertu des textes applicables à sa forme sociale, le chiffre d'affaires pris en considération pour le calcul du plafond légal est celui figurant dans les comptes consolidés ou combinés de l'entreprise consolidante ou combinante. Il ajoute que le quatrième alinéa du texte précité n'exige pas que l'entreprise sanctionnée ait été, au moment des pratiques anticoncurrentielles, filiale de l'entreprise consolidante ou combinante, seul important le fait que ses comptes ont été consolidés ou combinés au titre de l'exercice au cours duquel a été réalisé le chiffre d'affaires retenu pour le calcul du plafond légal. Il retient que dans sa décision n° 2015-489 QPC du 14 octobre 2015 (considérants 9 à 22), le Conseil constitutionnel a dit que les deuxième et troisième phrases du quatrième alinéa de l'article L. 464-2 I du code de commerce ne méconnaissait ni les principes de nécessité et de proportionnalité des peines, ni le principe selon lequel nul n'est punissable que de son propre fait, ni le principe d'individualisation des peines, cependant que l'auteur de la question faisait valoir que « dans la mesure où [l]es dispositions [de l'article L. 464-2 I du code de commerce] permettent de prendre en considération le chiffre d'affaires consolidé d'un groupe alors même qu'il est étranger à l'infraction commise par l'entreprise, soit qu'aucune autre entreprise de ce groupe n'a contribué à l'infraction, soit que l'entreprise ayant commis l'infraction a intégré le groupe postérieurement à la commission de celle-ci, elles méconnaîtraient également les principes d'individualisation et de personnalisation des peines. »

62. En l'état de ces énonciations et dès lors que la proportionnalité de la sanction a été vérifiée concrètement par la cour d'appel au terme d'une méthode de fixation appliquant, à la valeur de l'ensemble des ventes des produits et services en relation avec l'infraction, un coefficient fixé en fonction de la gravité des faits et du dommage causé à l'économie ainsi qu'un coefficient traduisant la durée de l'infraction et de la participation individuelle de chaque entreprise à l'entente et individualisant la sanction en fonction des circonstances aggravantes et atténuantes propres à chaque entreprise et d'ajustement finaux en cas d'éventuelles difficultés de celle-ci, c'est à bon droit, cependant que la règle légale en cause fixe seulement un plafond de sanction, dont le respect a été vérifié, que l'arrêt en a déduit que rien ne s'opposait à ce que ce plafond ait été calculé par référence au chiffre d'affaires mondial consolidé hors taxe du groupe Kuehne +Nagel, y compris pour la partie de la sanction correspondant à la participation à la pratique antérieurement au 6 janvier 2009, date d'acquisition par ce groupe du groupe Alloin, auteur de la pratique, justifiant légalement sa décision.

63. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le neuvième moyen, pris en sa dixième branche, du pourvoi n° A 18-21.485 et le septième moyen, pris en sa septième branche, du pourvoi n° E 18-21.719, réunis

Enoncé du moyen

64. Par leur neuvième moyen, pris en sa dixième branche les sociétés DHL express (France), DHL holding France et Deutsche Post font encore le même grief à l'arrêt, alors : « qu'en considérant, d'une part, que les pratiques relevant du grief n° 2 ont consisté en des échanges annuels d'informations commerciales sur les hausses de tarifs, avant le début des négociations tarifaires menées avec les clients et, en cours de campagne tarifaire, en des échanges sur le résultat de ces négociations qui ont permis un suivi des informations échangées précédemment et, enfin, en un rappel à l'ordre, lors de la campagne tarifaire 2004-2005, d'une entreprise déviante, pour ne pas avoir circularisé le taux de hausse qu'elle avait annoncé à ses concurrents, d'autre part que c'était à juste titre que l'Autorité avait qualifié ces pratiques d'entente horizontale portant sur la fixation de prix futurs, la cour d'appel s'est contredite, en violation de l'article 455 du code de procédure civile. »

65. Par leur septième moyen, pris en sa septième branche, la société Geodis et la SNCF font le même grief à l'arrêt, alors « que les sanctions pécuniaires encourues par les auteurs de pratiques anticoncurrentielles doivent notamment être proportionnées à la gravité des faits ; que constituent des infractions particulièrement graves et sévèrement réprimées les ententes horizontales tendant à la fixation des prix futurs ; qu'en assimilant les échanges d'information sur des hausses tarifaires envisagées à de telles infractions, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 464-2 I du code de commerce. »

Réponse de la Cour

66. L'arrêt retient que les pratiques relevant du grief n° 2 ont consisté pour les entreprises mises en cause, durant la période écoulée entre le 30 septembre 2004 et le 29 septembre 2010, d'une part, en des échanges annuels d'informations commerciales sur les hausses de tarifs qu'elles projetaient d'appliquer à leurs clients, avant le début des négociations tarifaires menées avec eux, d'autre part, en cours de campagne tarifaire, en des échanges sur le résultat de ces négociations qui ont permis un suivi des informations échangées précédemment et, enfin, en un rappel à l'ordre, lors de la campagne tarifaire 2004-2005, d'une entreprise déviante, pour ne pas avoir diffusé à ses clients le taux de hausse qu'elle avait annoncé à ses concurrents. Après avoir relevé qu'il ne ressortait pas du dossier que les pratiques allaient jusqu'à arrêter en commun un même taux de hausse tarifaire, ce que démontrent les divergences de taux entre entreprises pour une même campagne tarifaire, il retient que l'entente a néanmoins apporté à chacun des participants une certitude quant aux intentions de ces derniers en matière de fixation des prix, grâce à laquelle chacun d'entre eux pouvait être certain, sinon du niveau exact des prix des autres participants, du moins, d'une part, de leur volonté de maintenir une stratégie commune visant à la fixation de prix plus élevés, d'autre part, du taux de hausse - ou de la fourchette dans laquelle ce taux se situerait - réclamé par leurs concurrents à leur clientèle et que de ce fait, ils n'avaient plus à craindre d'agressions concurrentielles ou de rupture de contrat de la part de leurs clients. Il en déduit que l'entente en cause a consisté en une stratégie de collaboration destinée à neutraliser le contre-pouvoir des clients en vue de la fixation de prix plus élevés que si le libre jeu de la concurrence s'était pleinement exercé. Il observe, enfin, qu'il existe des degrés de gravité différents au sein de cette catégorie d'infractions aux règles de concurrence.

67. En l'état de ces constatations et appréciations, faisant ressortir que bien que ne constituant pas une entente entre concurrents ayant pour objet de fixer directement en commun leurs prix futurs, les échanges d'informations en cause tendaient à la hausse de prix futurs et contribuaient ainsi indirectement à leur fixation à un niveau supra concurrentiel, la cour d'appel, qui ne s'est pas contredite, a pu statuer comme elle a fait.

68. Les moyens ne sont donc pas fondés.

Sur le septième moyen, pris en sa cinquième branche, du pourvoi n° E 18-21.719

Enoncé du moyen

69. La société Geodis et la SNCF font encore le même grief à l'arrêt, alors « que les sanctions pécuniaires encourues par les auteurs de pratiques anticoncurrentielles doivent notamment être proportionnées à la gravité des faits ; qu'en refusant de faire bénéficier Geodis de l'abattement de 10 % accordé aux opérateurs n'ayant pas directement pris part à des échanges bilatéraux, en se fondant, pour caractériser la délivrance d'informations par Geodis à ses concurrents, sur la formulation d'un courriel de la société Dachser mentionnant une « pêche aux informations chez nos confrères » et visant des informations relatives à Geodis, sans même rechercher si, comme le soutenait Geodis, les informations y figurant avaient été communiquées auprès de ses clientes, dont faisait partie la société Dachser, ce dont il résultait que les informations en cause pouvaient avoir été communiquées de façon licite et ne résultaient donc pas nécessairement d'une communication illicite, la cour a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article L. 464-2 I du code de commerce. »

Réponse de la Cour

70. Ayant retenu, par les motifs vainement critiqués par la quatrième branche du quatrième moyen du pourvoi n° E 18-21.719, que la société Geodis avait participé à des échanges d'informations bilatéraux avec la société Dachser France, à laquelle elle a communiqué la hausse tarifaire projetée pour la campagne 2010-2011, l'arrêt en déduit exactement que cette circonstance est suffisante pour constater que la participation de la société Geodis ne s'est pas limitée à sa participation aux réunions du conseil de métiers et que c'est à juste titre que l'Autorité l'a exclue du bénéfice de l'abattement de 10 % accordé aux entreprises n'ayant pas participé à des échanges bilatéraux, justifiant légalement sa décision.

71. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le premier moyen du pourvoi n° Y 18-21.805

Enoncé du moyen

72. Les sociétés Deutsche Bahn et Schenker France font grief à l'arrêt de rejeter leur recours, alors :

« 1°/ que la présomption d'innocence, applicable en matière de sanction de la violation des règles de concurrence, prohibe toute condamnation si, en dépit des éléments de preuve soumis et au regard des circonstances précises du litige, un doute peut subsister dans l'esprit du juge ; que dans leur mémoire, les sociétés Deutsche Bahn et Schenker France rappelaient que M. [Y] avait toujours indiqué n'avoir assisté à aucun échange anticoncurrentiel lors de la réunion tenue au sein de la fédération TLF le 16 septembre 2010, réunion de laquelle il était sorti pendant une quinzaine de minutes pour téléphoner ; qu'elles observaient encore qu'elles étaient à l'origine de la procédure, ayant dénoncé les ententes existantes tant dans le secteur de la messagerie classique que dans le secteur de la messagerie express, dont l' Autorité n'avait pas connaissance, qu'elles avaient transmis l'ensemble des éléments de preuve dont elles disposaient, coopéré spontanément et sans aucune restriction tout au long de l'enquête, que M. [Y], puis la société Schenker, avait averti les services d'instruction de la participation du dirigeant aux réunions organisées par la fédération TLF et que, bénéficiant de deux avis de clémence avec exonération totale de sanction pécuniaire, elles n'avaient aucun intérêt à dissimuler l'existence d'un échange anticoncurrentiel auquel le dirigeant aurait assisté ; que le rapport relevait que "la demande de clémence des société du groupe Deutsche Bahn a revêtu une importance déterminante dans l'ouverture de la présente procédure", que "le procès-verbal d'audition du 12 avril 2010 montre que M. [A] [Y] a informé la rapporteure qu'il se rendait à des réunions de l'organisation professionnelle TLF", qu'"en tant que demandeur d'immunité et détenteur de deux avis de clémence, Schenker-Joyau n'avait aucun intérêt à dissimuler l'existence de cette réunion" et que "la coopération des sociétés du groupe Deutsche Bahn tout au long de la présente procédure, peut être considérée, jusqu'à l'envoi de la notification de griefs, comme satisfaisante" (rapport, points 680, 1627, 1629 et 1630) ; qu'en se bornant cependant, pour retenir la connaissance par la société Schenker-Joyau des échanges anticoncurrentiels tenus lors de la réunion du 16 septembre 2010, partant l'existence d'un manquement au devoir de coopération, à affirmer que "dès lors que les services d'instruction ont établi la participation de la société Schenker-Joyau à cette réunion, c'est aux requérantes de démontrer que M. [Y] aurait été absent de la salle de réunion dès avant et pendant toute la durée des échanges litigieux, ce qu'elles ne font pas", sans rechercher si, au regard des circonstances précises de l'espèce, et, notamment, de ce que les sociétés requérantes avaient coopéré de manière satisfaisante tout au long de l'enquête et qu'elles n'avaient aucun intérêt à dissimuler les échanges anticoncurrentiels litigieux, le fait que M. [Y] se soit absenté lors de cette réunion et n'ait pas assisté à ces échanges, était effectivement plausible, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 464-2 IV du code de commerce, ensemble l'article 6, § 2, de la Convention européenne des droits de l'homme et de sauvegarde des libertés fondamentales et l'article 48 § 1 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

2°/ que le manquement au devoir de coopération, auquel est tenu le bénéficiaire de la clémence conditionnelle, suppose que ce dernier se soit, en pleine connaissance de cause, abstenu d'apporter spontanément son concours aux services de l'Autorité ; que, dans leur mémoire, les sociétés Deutsche Bahn et Schenker France faisaient valoir qu'à supposer même que M. [Y] ait assisté aux échanges anticoncurrentiels litigieux, il ne pouvait leur être reproché de ne pas en avoir fait état spontanément, alors que le dirigeant, qui n'était en poste que depuis un an et n'avait jamais assisté à un échange d'informations sensibles, avait pu se méprendre sur la portée de cet échange et sur son obligation d'en faire état immédiatement auprès des services de l'Autorité ; qu'elles rappelaient, en ce sens, les énonciations du rapport, relevant qu'il était probable que M. [Y] "n'ait pas perçu la nécessité impérieuse d'informer l'Autorité de la tenue de cette réunion" ; qu'en se bornant cependant, pour retenir l'existence d'un manquement au devoir de coopération, à affirmer, par pure pétition, que l'hypothèse d'une méprise du dirigeant est, "eu égard à la teneur des informations échangées", "manifestement erronée" et que la société Deutsche Bahn et ses filiales ont dénoncé l'existence d'échanges identiques dans le cadre de leurs demandes de clémence, sans rechercher, concrètement, au regard des circonstances de l'espèce, si M. [Y], nouveau dirigeant de la société Schenker-Joyau, avait pu se méprendre sur la portée des propos échangés et sur la nécessité de les rapporter sans attendre aux services de l'instruction de l'Autorité, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 464-2 IV du code de commerce ;

3°/ que le manquement au devoir de coopération, auquel est
tenu le bénéficiaire de la clémence conditionnelle, suppose que ce
dernier se soit, en pleine connaissance de cause, abstenu d'apporter
spontanément son concours aux services de l'Autorité de concurrence ;
qu'en affirmant, par motifs et propres et adoptés de la décision
entreprise, qu'il est indifférent que le manquement des requérantes aux
engagements qu'elles avaient pris, aux fins de l'octroi du bénéfice
conditionnel de la clémence procède, ainsi qu'il est vraisemblable,
davantage d'une négligence que d'une volonté de se soustraire auxdits
engagements, quand la volonté de se soustraire aux devoirs du
bénéficiaire de la clémence est un élément constitutif du manquement,
la cour d'appel a encore violé l'article L. 464-2 IV du code de commerce. »

Réponse de la Cour

73. L'arrêt énonce qu'aux termes de l'article L. 464-2 IV du code de commerce, l'exonération totale de sanction est subordonnée au respect, par le demandeur de clémence de premier rang, des conditions énoncées dans l'avis de clémence et constate qu'il est constant que le bénéfice conditionnel de la clémence accordé, le 13 juillet 2010, à la société Deutsche Bahn et ses filiales, dont la société Schenker-Joyau, était subordonné à quatre conditions, dont la première consistait dans l'engagement de ces sociétés à apporter à l'Autorité une coopération totale, permanente et rapide tout au long de la procédure d'enquête et d'instruction et à lui fournir tout élément de preuve qui viendrait en leur possession ou dont elles disposeraient sur les infractions suspectées. Il relève qu'il est établi que la société Schenker-Joyau, représentée par M. [Y], son président, a assisté à la réunion du conseil de métiers du 16 septembre 2010, que des échanges anticoncurrentiels ont eu lieu au cours de cette réunion, ce dont la société n'a pas informé l'Autorité, et retient qu'il appartenait à cette société de démontrer que, comme elle le prétend, M. [Y] aurait été absent de la salle de réunion dès avant et pendant toute la durée des échanges litigieux, ce qu'elle ne fait pas. Il estime qu'au regard de l'avantage exorbitant d'échapper aux lourdes sanctions qui est octroyé au demandeur de clémence, il pèse sur lui une obligation de vigilance particulièrement forte, de sorte que, dans ce contexte, toute négligence de l'intéressé est fautive et en déduit qu'il est indifférent au cas d'espèce que le manquement aux engagements pris aux fins de l'octroi du bénéfice conditionnel de la clémence procède, ainsi qu'il est vraisemblable, davantage d'une négligence que d'une volonté de s'y soustraire.

74. En l'état de ces énonciations, constatations et appréciations, et abstraction faite des motifs surabondants critiqués par la deuxième branche, la cour d'appel, qui n'avait pas à procéder aux recherches invoquées par les premières et troisièmes branches que ses constatations rendaient inopérantes, a légalement justifié sa décision.

75. Pour partie inopérant, le moyen n'est donc pas fondé pour le surplus.

Sur le second moyen du pourvoi n° Y 18-21.805

Enoncé du moyen

76. Les sociétés Deutsche Bahn et Schenker France font encore le même grief à l'arrêt, alors :

« 1°/ que les sanctions prononcées par l'Autorité doivent faire l'objet d'une décision motivée ; qu'il en va de même de l'étendue de l'exonération à accorder au demandeur de clémence, qui doit être déterminée sur la base de critères objectifs liés à la nature et à l'importance de la contribution apportée par celui-ci à l'établissement de l'infraction et en considération des données individuelles propres à chaque entreprise ; que, dans leur mémoire, les sociétés Deutsche Bahn et Schenker France faisaient valoir que l'Autorité avait fixé, sans aucun motif justifiant ce montant, à trois millions d'euros la sanction prononcée à leur encontre ; qu'en affirmant cependant, que l'Autorité "a motivé sa décision à suffisance de droit", dès lors qu'elle a souligné que le manquement n'avait pas empêché, retardé ou rendu plus difficiles l'établissement ou la caractérisation des faits et des responsabilités puis, "tenant compte de ce constat", qu'elle "a accordé aux requérantes une réduction de 95,63 % - qu'il était facile aux requérantes de calculer au regard de l'ensemble des données figurant dans la décision - de la sanction encourue", quand il résultait, précisément, de ce pourcentage, (95,63 %), que l'Autorité avait fixé arbitrairement et forfaitairement le montant de l'amende à la somme de trois millions d'euros, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, en violation des articles L. 464-2 I et L. 464-2 IV du code de commerce, ensemble l'article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme et de sauvegarde des libertés fondamentales ;

2°/ que la sanction d'un manquement aux conditions prévues à l'avis de clémence doit être proportionnée à la gravité de la faute et à l'importance des conséquences qui en sont résultées, en tenant compte des données individuelles de l'entreprise concernée ; que la cour d'appel a constaté que le manquement retenu procédait, ainsi qu'il est vraisemblable, davantage d'une négligence que d'une volonté de se soustraire auxdits engagements" et qu'il "n'avait pas empêché, retardé ou rendu plus difficiles l'établissement ou la caractérisation des faits et des responsabilités" ; qu'en affirmant cependant, pour rejeter la demande, subsidiaire, de réduction du montant de la sanction, que l'importance du pourcentage de réduction, (95,63 %), suffit à démontrer le caractère proportionné de la sanction finalement infligée, laquelle ne représente donc que 4,37 % de la sanction qui aurait pu être appliquée aux requérantes au titre de leurs agissements anticoncurrentiels", la cour d'appel, qui a apprécié, de manière erronée, le caractère proportionné de la sanction du manquement au regard du montant de la sanction encourue au titre des agissements anticoncurrentiels, a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 464-2 IV du code de commerce ;

3°/ que la sanction d'un manquement aux conditions prévues à l'avis de clémence doit être proportionnée à la gravité de la faute et à l'importance des conséquences qui en sont résultées, en tenant compte des données individuelles de l'entreprise concernée ; que la cour d'appel a constaté que le manquement retenu procédait, "ainsi qu'il est vraisemblable, davantage d'une négligence que d'une volonté de se soustraire auxdits engagements" et qu'il "n'avait pas empêché, retardé ou rendu plus difficiles l'établissement ou la caractérisation des faits et des responsabilités" ; qu'en retenant cependant, pour rejeter la demande, subsidiaire, de réduction du montant de la sanction, qu'"une moindre réduction du pourcentage d'exonération ne permettrait pas - ou très difficilement - de dissuader les demandeurs de clémence de manquer à leurs engagements", quand cette affirmation, inopérante et erronée, n'était pas de nature à justifier la sanction, prononcée à l'encontre des sociétés mises en cause, en raison d'une négligence, la cour d'appel a encore privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 464-2 IV du code de commerce. »

Réponse de la Cour

77. L'arrêt énonce que l'article L. 464-2 IV du code de commerce exclut le bénéfice d'une exonération totale de sanction lorsqu'est constaté un manquement à l'obligation de coopération. Il constate que l'Autorité a analysé la portée du manquement en cause eu regard de l'objet de l'obligation de coopération dont elle a tenu compte pour accorder une réduction de 95,63 % de la sanction encourue et relève que ce montant était facile à calculer au regard de l'ensemble des données figurant dans la décision.

78. L'arrêt estime que ce pourcentage suffit à démontrer le caractère proportionné de la sanction finalement infligée, laquelle ne représente que 4,37 % de la sanction qui aurait pu être appliquée au titre des agissements anticoncurrentiels, et retient qu'une moindre réduction du pourcentage d'exonération ne permettrait pas -ou très difficilement- de dissuader les demandeurs de clémence de manquer à leurs engagements.

79. La cour d'appel, qui a ainsi contrôlé la proportionnalité entre le manquement constaté et la sanction prononcée et qui a pris à juste titre en considération l'objectif de dissuasion ressortissant à l'obligation légale de réduire le montant de l'exonération associée à la procédure de clémence lorsqu'un manquement, serait-il de simple négligence, est constaté de la part d'une entreprise ayant obtenu le bénéfice conditionnel de la clémence, peu important l'importance des conséquences, au cas d'espèce, de ce manquement, a pu statuer comme elle a fait et a légalement justifié sa décision.

80. Le moyen n'est donc pas fondé.

Et sur le neuvième moyen, pris en sa première branche, du pourvoi n° A 18-21.485, et le quatrième moyen, le cinquième moyen, pris en sa quatrième branche et le sixième moyen du pourvoi n° J 18-21.493, réunis

81. Les moyens, au titre desquels le neuvième moyen, pris en sa première branche, du pourvoi n° A 18-21.485, le quatrième moyen, le cinquième moyen, pris en sa quatrième branche et le sixième moyen du pourvoi n° J 18-21.493 invoquent une cassation par voie de conséquence, étant rejetés, ceux-ci sont devenus sans portée.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois ;

Condamne les sociétés Chronopost, DPD France, La Poste, Fedex express France, TNT Express (NV), DHL express (France), DHL holding (France), Deutsche Post AG, XPO distribution France, XPO Logistics Europe, Overland holding, Kuehne+Nagel Road, Kuehne+Nagel International AG, Gefco, Peugeot, Geodis, SNCF, BMVirolle, Deutsche Bahn (AG) et Schenker France aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par les sociétés Chronopost, DPD France et La Poste et les condamne à payer à la présidente de l'Autorité de la concurrence la somme globale de 8 000 euros ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par les sociétés Fedex express France et TNT Express (NV) et les condamne à payer à la présidente de l'Autorité de la concurrence la somme globale de 8 000 euros ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par les sociétés DHL express (France), DHL holding (France) et Deutsche Post AG et les condamne à payer à la présidente de l'Autorité de la concurrence la somme globale de 8 000 euros ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par les sociétés XPO distribution France et XPO Logistics Europe et les condamne à payer à la présidente de l'Autorité de la concurrence la somme globale de 8 000 euros ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par les sociétés Overland holding, Kuehne+Nagel Road, Kuehne+Nagel International AG et les condamne à payer à la présidente de l'Autorité de la concurrence la somme globale de 8 000 euros ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par les sociétés Gefco et Peugeot et les condamne à payer à la présidente de l'Autorité de la concurrence la somme globale de 8 000 euros ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par les sociétés Geodis et SNCF et les condamne à payer à la présidente de l'Autorité de la concurrence la somme globale de 8 000 euros ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société BMVirolle, et la condamne à payer à la présidente de l'Autorité de la concurrence la somme de 8 000 euros ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par les sociétés Deutsche Bahn (AG) et Schenker France et les condamne à payer à la présidente de l'Autorité de la concurrence la somme globale de 8 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux septembre deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits au pourvoi n° X18-21.436 par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour les sociétés Chronopost, DPD France, La Poste.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir infligé à la société Chronopost S.A.S., solidairement avec la société La Poste S.A., une sanction de 92 276 000 euros au titre des pratiques visées à l'article 2 de la décision n° 15-D-19 de l'Autorité de la concurrence ;

AUX MOTIFS QUE (…) a. Sur les erreurs de calcul alléguées

813.Ainsi qu'il a été rappelé aux paragraphes 785 et 786 du présent arrêt, pour la détermination de l'assiette des sanctions, l'Autorité a retenu, au titre de la valeur des ventes, le chiffre d'affaires lié aux prestations de messagerie et de messagerie express domestique sur le territoire français, dont elle a déduit le chiffre d'affaires réalisé lorsque les entreprises ont agi exclusivement comme sous-traitant d'un autre transporteur, le chiffre d'affaires réalisé lors de prestations intragroupe et le chiffre d'affaires réalisé lors de prestations internationales (décision attaquée, § 1199, 1204 et 1205) (…).

823.Le ministre chargé de l'Économie invite la cour à faire droit aux demandes des sociétés TNT et TNT Express NV, des sociétés DHL, DHL Holding (France) et Deutsche Post, et de la société Chronopost (…).

827.Enfin, quant à la société Chronopost, il est constant que l'Autorité a exclu de la valeur des ventes le chiffre d'affaires réalisé lors de prestations internationales « dans la mesure où l'Autorité ne retient que les ventes réalisées en France » (décision attaquée, § 1205).

828.À cet égard, c'est à juste titre que la société Chronopost, soutenue par le ministre chargé de l'Économie, fait valoir que les contrats conclus entre des clients établis dans d'autres États et les postes de ces États en vue de transporter leur colis à destination de la France ne constituent pas des « ventes réalisées en France », de sorte que l'Autorité aurait dû déduire de la valeur des ventes retenue pour le calcul de la sanction de la société Chronopost, le chiffre d'affaires réalisé par cette société lorsqu'elle a agi exclusivement comme sous-traitant desdites postes étrangères.

829.La société Chronopost produit une note économique d'un cabinet d'expertise économique (pièce n° 4), d'où il ressort que, pour l'année 2009, année de référence retenue par l'Autorité, la sous-traitance pour le compte des postes étrangères a représenté 22 277 325 euros, chiffre dont l'exactitude n'est pas contestée par l'Autorité.

830.Il convient donc d'accueillir sa demande en retenant, pour assiette de sa sanction, la somme de 474 675 594 euros [632 270 961 euros (chiffre d'affaires HT France 2009) - 135 318 042 euros (montant déjà écarté par l'Autorité) - 22 277 325 euros (montant à écarter)], arrondie à 474 675 000 euros (…).

831.En conséquence, la valeur des ventes servant de base au calcul de la sanction sera ramenée : (…) s'agissant de la société Chronopost, de 496 952 000 euros à 474 675 000 euros.

832.Le montant de la sanction de ces sociétés sera réformé en conséquence par le présent arrêt.

Sur l'assiette de la sanction

833.Les sociétés DHL, DHL Holding (France) et Deutsche Post, Alloin Holding, Kuehne+Nagel et Kuehne+Nagel International, TNT et TNT Express NV, Gefco et Peugeot, XPO, Dachser et Dachser Group SE & Co., Chronopost et DPD, Geodis, GLS, General Logistics Systems BV et Royal Mail Group, ainsi que BMVirolle contestent la valeur des ventes retenue par l'Autorité comme base de calcul de leurs sanctions.

834.Les requérantes rappellent qu'aux termes du point 23 du communiqué sanctions, l'Autorité retient, comme montant de base de la sanction, « une proportion de la valeur des ventes, réalisées par chaque entreprise ou organisme en cause, de produits ou de services en relation avec l'infraction ».

835.Il existerait de nombreux précédents tant nationaux qu'européens faisant état de l'exclusion du périmètre de la valeur des ventes prise en compte pour le calcul du montant de base de la sanction des ventes pour lesquelles la preuve existe qu'elles n'ont pas été affectées par l'infraction.

836.En l'espèce, dès lors que les pratiques portaient uniquement sur les évolutions de prix concrétisées par les circulaires de revalorisation tarifaire envoyées annuellement aux clients, et non sur les niveaux de prix, les entreprises mises en cause n'ont pas réalisé, avec les clients non destinataires de ces circulaires, pour lesquels l'évolution des conditions contractuelles était régie par d'autres mécanismes (stipulations contractuelles ou négociations bilatérales), des ventes « en relation avec l'infraction ».

837.Subsidiairement, selon les sociétés Alloin Holding, Kuehne+Nagel et Kuehne+Nagel International, lorsque le marché en relation avec l'infraction est trop large, l'Autorité doit restreindre le périmètre des ventes prises en considération pour déterminer le montant de base de façon à ce qu'il reflète l'ampleur économique de l'infraction, conformément aux objectifs du communiqué sanctions (en ce sens, décision de l'Autorité n° 15-D-01du 5 février 2015 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur de la diffusion de la télévision par voie hertzienne terrestre en outre-mer, § 235 à 237).

838.Selon ces requérantes, en retenant en l'espèce la valeur des ventes à des clients non destinataires des circulaires, l'Autorité s'écarterait de sa volonté proclamée dans le communiqué sanctions, de rendre les amendes proportionnelles à l'ampleur économique de l'infraction.

839.Selon les requérantes, la décision attaquée ne saurait trouver aucune justification dans la jurisprudence des juridictions de l'Union. D'une part, les questions de procédure et les sanctions relèvent exclusivement du droit national, en vertu du principe d'autonomie procédurale. D'autre part, et en tout état de cause, il résulte seulement de la jurisprudence de la Cour de justice que la Commission, en sa qualité d'autorité européenne de concurrence, n'est pas obligée de prouver quelles sont les ventes individuelles qui ont été affectées par l'entente (CJUE, arrêt du 23 avril 2015, LG Display et LG Display Taiwan/Commission, C-227/14 P, point 57) ; en revanche, cette jurisprudence ne priverait pas les parties de la possibilité de démontrer que telle ou telle catégorie de ventes de biens ou de services n'est pas en relation avec l'infraction, car elle n'a pas pu être matériellement, financièrement ou économiquement affectée par les pratiques.

840.Les requérantes soulignent qu'en l'espèce, les services d'instruction eux-mêmes avaient préconisé de procéder à des abattements et retraitement des chiffres d'affaires des entreprises pour déterminer la valeur des ventes effectivement affectées par l'entente et que c'est contre toute attente que le collège s'est borné à déduire du chiffre d'affaires les ventes intragroupe, la sous-traitance et les ventes internationales, aux motifs, pour les deux premiers abattements, qu'il convenait d'éviter une double prise en compte et, pour le troisième, que le grief notifié ne concernait que les ventes réalisées en France.

841.Les requérantes demandent donc à la cour de déduire de leur chiffre d'affaires, aux fins d'établir l'assiette de la sanction : – les ventes aux petits clients (sociétés Geodis, TNT, ainsi que BMVirolle) ; – les ventes au comptant et les ventes « one shot » (sociétés Chronopost et DPD, TNT, Alloin Holding et Kuehne+Nagel, ainsi que Dachser) ; – les nouveaux contrats (sociétés Chronopost et DPD, Dachser, Gefco, Geodis ainsi que Alloin Holding et Kuehne+Nagel) – les contrats dont les prix n'ont fait l'objet d'aucune hausse sur la période des pratiques (sociétés Chronopost et DPD, Gefco, GLS, ainsi que Alloin Holding et Kuehne+Nagel) ; – les contrats « hors cycle », dont les prix ont fait l'objet de hausses en dehors des cycles de hausse habituels (sociétés Chronopost et DPD, Gefco, Geodis, ainsi que Alloin Holding et Kuehne+Nagel) ; – les clients dits « atypiques », qui, n'ayant pas tenus leurs engagements de volumes, subissent de très fortes hausses pour des raisons de rentabilité des contrats (sociétés Chronopost et DPD) ;– les contrats pluriannuels (sociétés Chronopost et DPD, Dachser, BMVirolle, GLS, Geodis ainsi que Alloin Holding et Kuehne+Nagel) ; – les contrats objet de négociations individuelles ou « grands comptes » ou « top 100 » (sociétés Dachser, Gefco, DHL, TNT, ainsi que Alloin Holding et Kuehne+Nagel).

842.Plusieurs requérantes demandent encore de déduire de leur chiffre d'affaires, quel que soit le contrat dans le cadre duquel ils ont été payés, les options et frais supplémentaires, soutenant, en substance, qu'ils font l'objet de conditions tarifaires particulières et différenciées pour lesquelles les évolutions tarifaires sont déconnectées des hausses figurant dans les circulaires annuelles (sociétés Chronopost et DPD, XPO, BMVirolle, DHL, GLS, Geodis, ainsi que TNT).

843.Enfin deux requérantes demandent de déduire de leur chiffre d'affaires la surcharge gazole perçue pour tous les contrats, en faisant valoir que, outre qu'elle n'est pas affectée par les hausses annuelles, elle vise à compenser une perte liée aux prix du gazole, et non à rémunérer un service (sociétés XPO et TNT).

844.S'agissant des options et frais supplémentaires, dont la taxe gazole, les requérantes font valoir qu'elles font l'objet de conditions tarifaires particulières et différenciées pour lesquelles les évolutions tarifaires sont déconnectées des hausses figurant dans les circulaires annuelles.

845.L'Autorité expose qu'aux termes des points 23 et 33 du communiqué sanctions, l'ensemble des ventes réalisées sur le marché pertinent, en relation avec le champ d'application de l'entente telle que qualifiée par la décision de sanction, entrent dans le périmètre de la sanction, ces ventes reflétant tout à la fois l'ampleur économique de l'infraction et la part respective de chaque entreprise dans celle-ci.

846.Elle considère que cette analyse rejoint celle de la Commission, dont la pratique est validée par la jurisprudence des juridictions de l'Union (CJUE, arrêt LG Display et LG Display Taiwan/Commission, précité). Elle souligne notamment que ces juridictions ont jugé à plusieurs reprises que ce serait donner une signification trop étroite à la notion de « ventes » que de n'y faire figurer que celles dont il est établi qu'elles se faisaient à des prix influencés par l'entente.

847.L'Autorité fait valoir que les hausses tarifaires envisagées par les participants à l'entente et qui faisaient l'objet de leurs échanges ne concernaient aucun type de contrat ou de prestation de messagerie en particulier, mais l'ensemble du marché de la messagerie classique et express sur le territoire français, justifiant de retenir, au titre de la valeur des ventes, le chiffre d'affaires réalisé par les entreprises participantes sur ces marchés. Elle précise qu'elle a écarté les ventes liées à des prestations internationales dans la mesure où elles n'ont pas été réalisées sur les marchés concernés, ainsi que les prestations intragroupes et les prestations de sous-traitance pour ne pas les prendre deux fois en compte.

848.Elle ajoute que le champ d'application de l'entente ne dépendait pas de l'importance des clients, puisque les hausses tarifaires concernaient aussi bien les « grands comptes » (les opérateurs de messagerie pouvant négocier plus sereinement avec eux grâce la connaissance qu'ils avaient des intentions de leurs concurrents) que les petits clients (qui se voyaient appliquer unilatéralement les revalorisations tarifaires prévues par les circulaires de hausse tarifaire), de sorte qu'il n'y avait pas davantage lieu d'en tenir compte dans la détermination de la valeur des ventes. Elle considère de même qu'il n'y avait pas lieu d'opérer une distinction selon que les clients avaient reçu ou non les circulaires, l'augmentation de la transparence du marché produite par les pratiques ne dépendant pas de la réception d'une circulaire.

849.Elle soutient enfin qu'il n'y a pas lieu d'écarter les contrats pluriannuels, dans la mesure où ils ont pu être conclus ou renouvelés sous l'empire de l'entente ; les frais et options, car ils font partie des prestations de messagerie ; et les ventes au comptant, puisqu'elles entrent dans le périmètre des pratiques sanctionnées.

850.Le ministre chargé de l'Économie rappelle liminairement que, s'agissant de la détermination des sanctions pécuniaires, l'Autorité n'est pas liée par la pratique décisionnelle de la Commission ni par la jurisprudence des juridictions de l'Union, mais qu'elle peut s'en inspirer, dans le respect de l'article L. 464-2 du code de commerce et de son communiqué sanctions.

851. A cet égard, il rappelle que, selon la jurisprudence constante des juridictions de l'Union, la notion de « valeur des ventes » dans les lignes directrices 2006 ne vise pas que le chiffre d'affaires réalisé avec les seules ventes pour lesquelles il est établi qu'elles ont réellement été affectées par cette entente, mais renvoie aux ventes réalisées sur le marché concerné par l'infraction.

852.Le ministre considère que l'Autorité pouvait pareillement retenir la valeur des ventes de tous les biens ou services réalisés sur les marchés affectés, une telle délimitation ne violant pas les principes de proportionnalité et d'individualisation des peines, dans la mesure où elle n'excède pas le marché des prestations de messagerie en France.

853.Il convient, à titre liminaire, d'écarter la demande d'annulation de la décision attaquée pour défaut de motivation présentée par plusieurs requérantes.

854.L'obligation de motivation à laquelle l'Autorité est soumise dans le prononcé de ses décisions impose un énoncé des considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement et permettent aux parties mises en cause de comprendre la nature de l'infraction retenue, et à la juridiction de recours d'en contrôler la légalité. Elle ne comporte pas, en revanche, l'obligation de répondre à l'intégralité des arguments invoqués, que les parties pourront, si elles les estiment opérants et nécessaires à leur défense, soumettre à la cour au soutien de leur recours de pleine juridiction.

855.En l'espèce, en expliquant, aux paragraphes 1201 à 1203 de la décision attaquée, pourquoi elle considérait devoir prendre en compte le chiffre d'affaires lié aux prestations de messagerie commercialisées en France, sans autres déductions que le chiffre d'affaires réalisé en sous-traitance et celui réalisé lors de prestations intragroupe – déductions uniquement justifiées par le souci de ne pas prendre deux fois en compte le même chiffre d'affaires –, l'Autorité, qui a permis aux requérantes de comprendre les raisons de sa décision et de les contester, a motivé à suffisance de droit son refus des exclusions supplémentaires de chiffre d'affaires qu'elles réclamaient.

856.En premier lieu, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, il ne découle ni du communiqué sanctions ni de la pratique décisionnelle antérieure de l'Autorité que les ventes de produits ou services devraient être « affectées » par l'infraction pour que leur valeur soit prise en compte pour le calcul du montant de base de la sanction.

857.D'une part, le point 23 du communiqué sanctions est ainsi libellé : « Pour donner une traduction chiffrée à son appréciation de la gravité des faits et de l'importance du dommage causé à l'économie, l'Autorité retient, comme montant de base de la sanction pécuniaire, une proportion de la valeur des ventes, réalisées par chaque entreprise ou organisme en cause, de produits ou de services en relation avec l'infraction ou, s'il y a lieu, les infractions en cause (2). La valeur de ces ventes constitue en effet une référence appropriée et objective pour déterminer le montant de base de la sanction pécuniaire, dans la mesure où elle permet d'en proportionner au cas par cas l'assiette à l'ampleur économique de l'infraction ou des infractions en cause, d'une part, et au poids relatif, sur le(s) secteur(s) ou marché(s) concerné(s), de chaque entreprise ou organisme qui y a participé, d'autre part. Elle est donc retenue par l'Autorité, à l'instar d'autres autorités de concurrence européennes, de préférence au chiffre d'affaires total de chaque entreprise ou organisme en cause, qui peut ne pas être en rapport avec l'ampleur de ces infractions et le poids relatif de chaque participant sur le(s) secteur(s) ou marché(s) concerné(s). » (souligné par la cour).

858.Le point 33 du communiqué sanctions précise : « 33. La référence prise par l'Autorité pour donner une traduction chiffrée à son appréciation de la gravité des faits et de l'importance du dommage causé à l'économie est la valeur de l'ensemble des catégories de produits ou de services en relation avec l'infraction, ou s'il y a lieu avec les infractions, vendues par l'entreprise ou l'organisme concerné durant son dernier exercice comptable complet de participation à celle(s)-ci, [...]. La qualification de l'infraction ou des infractions effectuée par l'Autorité, au regard de leur objet ou de leurs effets anticoncurrentiels, détermine ces catégories de produits ou de services. » (Souligné par la cour).

859.Il ressort de ces points du communiqué sanctions que, dès l'instant où une catégorie de produits ou de services est « en relation avec l'infraction », la valeur des ventes de cette catégorie de produits ou de services doit être prise en compte. Ainsi que le précise le point 33 du communiqué sanctions, c'est la qualification de l'infraction, effectuée au regard de son objet ou de ses effets, qui permet de déterminer les catégories de produits ou de services en relation avec cette infraction. Il n'est, en revanche, fait aucune référence à une nécessaire affectation des ventes de ces catégories de produits ou services par l'infraction pour pouvoir prendre en compte leur valeur.

860.D'autre part, dans plusieurs décisions, l'Autorité a, comme le soulignent les requérantes, effectivement écarté de la valeur des ventes prise en compte aux fins du calcul du montant de base de la sanction, les ventes de certaines catégories de produits réalisées sur le marché pertinent – c'est-à-dire le marché défini par l'Autorité préalablement à l'examen des pratiques, afin qu'il lui serve de cadre d'analyse – au motif que ces catégories de produits n'étaient pas en relation avec l'infraction : – dans sa décision n° 12-D-09 du 13 mars 2012 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur des farines alimentaires, après avoir défini le marché pertinent comme « celui de la commercialisation de farine de blé tendre en sachets à destination du grand public en France » (§ 415), elle a uniquement pris en compte la valeur des ventes de farine en sachet « aux seules enseignes du hard discount en France » (§ 890) ; – dans sa décision n° 13-D-03 du 13 février 2013 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur du porc charcutier, après avoir défini le marché pertinent comme « celui de la vente de viande de porc à destination des enseignes de la grande distribution en France » (§ 224), l'Autorité a pris en compte la valeur des seules ventes « réalisées [...] auprès des magasins de l'enseigne Auchan » (§ 431) ; – dans sa décision n° 15-D-04 du 26 mars 2015 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur de la boulangerie artisanale, après avoir défini « le marché concerné par les pratiques [...] comme celui de la commercialisation aux boulangeries artisanales de la farine de blé tendre livrée en vrac ou en conditionnement de plus de 20 kg et des mixes destinés à la production de viennoiserie ou autre pâtisserie vendue en boulangeries à destination d'une consommation effectuée principalement en France » (§ 284), l'Autorité a finalement exclu de la valeur des ventes prise en compte « les mixes destinés à la production de viennoiseries ou de pâtisseries » (§ 367).

861.Mais, par ces décisions, l'Autorité a, en identifiant les catégories de produits ou de services en relation avec l'infraction au regard de l'objet ou des effets anticoncurrentiels des pratiques analysées, procédé de fait à une délimitation du marché concerné par l'entente, qui s'est trouvée être, dans ces trois espèces, plus étroit que le marché pertinent initialement défini. Une fois délimité le marché sur lequel l'entente se déployait, l'Autorité a bien retenu la valeur de l'ensemble des ventes des produits et services réalisées sur ce marché, sans vérifier si ces ventes avaient ou non été affectées par l'entente.

862.Lesdites décisions peuvent d'ailleurs être rapprochées des décisions dans lesquelles l'Autorité ayant été en mesure de définir finement le marché pertinent par référence à une catégorie de produits et/ou de clients, a constaté, à l'issue de son analyse des pratiques, que ce marché était bien celui concerné par l'entente et retenu pour assiette de la sanction l'ensemble des ventes réalisées sur ledit marché (décision n° 12-D-24 du 13 décembre 2012 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur de la téléphonie mobile à destination de la clientèle résidentielle en France métropolitaine, § 373 ; décision n° 13-D-12 du 28 mai 2013 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur de la commercialisation de commodités chimiques, § 586 et 587 ; décision n° 15-D-17 du 30 novembre 2015 relative à des pratiques mises en oeuvre sur le marché de la téléphonie mobile à destination de la clientèle non résidentielle à La Réunion et à Mayotte, § 24 et 84).

863. Ainsi, il ne ressort pas de la pratique décisionnelle de l'Autorité que celle-ci aurait renoncé à prendre en compte la valeur des ventes de produits ou services dont elle aurait constaté qu'ils étaient en relation avec l'infraction, au motif que ces ventes n'avaient pas été affectées par l'infraction.

864.Le choix fait par l'Autorité, tant dans sa pratique décisionnelle que dans son communiqué sanctions, de ne pas prendre en compte le critère de l'affectation des ventes par l'infraction, apparaît justifié.

865.En effet, outre que l'exigence de proportionnalité ne l'impose pas, l'obligation de mettre un tel critère en oeuvre contraindrait l'Autorité, non certes pas à démontrer, pour chaque catégorie de produits ou services, que leurs ventes ont été réellement affectées par l'entente – les requérantes admettant le bien-fondé d'une présomption simple d'« affectation » –, mais à vérifier l'affirmation des entreprises incriminées selon laquelle les ventes de certaines catégories de produits ou services n'ont pas pu être affectées. Or une telle exigence, en obligeant les services d'enquête de l'Autorité à consacrer un temps important à de telles vérifications, limiterait très sensiblement l'efficacité de son action. À cet égard, la présente affaire illustre parfaitement les dérives qu'entraînerait l'approche défendue par les requérantes : sous couvert de catégories de prestations, celles-ci en arrivent en effet à réclamer la déduction d'une partie du chiffre d'affaires décomposé contrat individuel par contrat individuel.

866.Surtout, ladite obligation priverait largement d'effet dissuasif les sanctions que prononce l'Autorité, puisque chaque entreprise pourrait espérer, en cas de poursuites, voir sa sanction calculée sur la base d'un chiffre d'affaires très inférieur à celui qu'elle réalise sur le marché sur lequel se déroule l'entente. À l'inverse, l'approche retenue par l'Autorité est plus conforme à l'exigence de prévisibilité de la sanction, et donc à son caractère dissuasif, toute entreprise se livrant à des pratiques anticoncurrentielles sur un marché donné étant d'emblée en mesure de savoir que la sanction qu'elle encourt sera, en principe, calculée sur la totalité du chiffre d'affaires qu'elle réalise sur ledit marché.

867.Enfin, si, conformément au principe d'autonomie procédurale, l'Autorité n'est pas liée par les règles de droit de la concurrence de l'Union relatives au calcul des sanctions, la cour juge opportun de souligner que la détermination de la valeur des ventes est arrêtée de la même façon au niveau européen. C'est ainsi que, dans son arrêt LG Display et LG Display Taiwan/Commission, précité, la Cour de justice a approuvé, dans les termes suivants, le Tribunal d'avoir retenu l'ensemble des ventes réalisées sur le marché concerné par l'infraction : « 56. En l'espèce, le Tribunal a donc jugé à bon droit, au point 97 de l'arrêt attaqué, que ‘la possibilité pour la Commission d'inclure dans la valeur des ventes pertinentes aux fins du calcul du montant de l'amende les ventes de LCD cartellisés faites par les requérantes à LGE et à Philips dépend non pas de la question de savoir si ces ventes se faisaient à des prix influencés par l'entente, mais du simple fait que celles-ci étaient réalisées sur un marché affecté par l'existence d'une entente à laquelle les requérantes participaient'. [...] 58. En conséquence, ayant constaté, au point 69 de l'arrêt attaqué, dans le cadre de son appréciation souveraine des faits, sans que les requérantes invoquent la moindre dénaturation, que les ventes de LCD cartellisés effectuées par ces dernières à LGE et à Philips ont été réalisées sur le marché concerné par l'infraction, c'est sans commettre d'erreur de droit que le Tribunal a estimé, aux points 71 et 72 de cet arrêt, que la Commission était en droit de tenir compte desdites ventes pour calculer le montant de l'amende à leur infliger, sans qu'il importe de savoir si LGE et Philips leur ont effectivement payé des prix majorés en raison de l'entente et si elles ont répercuté cette éventuelle majoration sur le prix des produits finis intégrant les LCD cartellisés qu'elles ont vendus aux consommateurs dans l'EEE. 59. Dans ces conditions, le Tribunal n'était tenu ni de préciser les raisons pour lesquelles les ventes desdits LCD réalisées par LGD auprès de LGE et de Philips, en dépit des clauses contractuelles liant LGD à ces dernières dans le cadre de leur accord d'entreprise commune, auraient pu fausser la concurrence sur le marché pertinent, ni d'examiner les preuves fournies par les requérantes à cette fin. […] Contrairement à ce que font valoir les requérantes, le Tribunal n'a, ce faisant, nullement fait prévaloir une présomption irréfragable selon laquelle toutes les ventes réalisées sur le marché pertinent ont été affectées par l'infraction en cause. En revanche, le Tribunal a considéré, par une motivation qui, ainsi qu'il résulte des points 48 à 59 du présent arrêt, n'est entachée d'aucune erreur de droit, que, même en l'absence de toute preuve que les ventes des LCD cartellisés par les requérantes à leurs sociétés mères ont été affectées par cette infraction, ces ventes peuvent néanmoins être prises en compte aux fins du calcul du montant de l'amende à infliger aux requérantes, dès lors qu'elles ont été réalisées sur le marché concerné par l'infraction. [...] » (souligné par la cour).

868.Il s'ensuit que, à supposer établi par l'Autorité que l'ensemble des prestations de messagerie classique et express sont en relation avec le grief n° 2, c'est en vain que les requérantes cherchent à démontrer que telle ou telle catégorie de contrats n'a pas pu être affectée par l'entente, puisque, même à supposer cette preuve rapportée, un tel critère est inopérant.

869.En deuxième lieu, c'est à juste titre que l'Autorité a constaté que l'ensemble des prestations de messagerie classique et express réalisées sur le marché français étaient en relation avec le grief n° 2.

870.À cet égard, il y a lieu de constater qu'une différence fondamentale distingue la présente espèce des décisions de l'Autorité, citées au paragraphe 860 du présent arrêt, dans lesquelles le marché affecté a été délimité par référence à une catégorie de clients. Dans les cas évoqués, l'entente avait été cantonnée par les participants eux-mêmes à la relation entre ces derniers et tel client ou telle catégorie de clients.

871.Rien de tel en l'espèce, où les informations échangées concernaient un aspect de la politique tarifaire générale qu'entendaient suivre les entreprises participantes – le taux de hausse qu'elles souhaitaient obtenir –, sans distinction selon la nature des services ou selon les caractéristiques des clients. Notamment, ce n'est pas parce qu'elles n'envoyaient pas leurs circulaires de hausse tarifaire à leurs clients les plus importants, qu'elles ne s'efforçaient pas, dans les négociations avec ces derniers, de faire passer les taux de hausses qu'elles avaient annoncés lors des réunions du Conseil de Métiers.

872.L'Autorité fait à raison valoir, dans ses observations, que, dès lors que les hausses tarifaires envisagées et échangées par les entreprises de messagerie ne concernaient aucun type de contrat particulier et aucune prestation de messagerie particulière, mais l'ensemble du marché domestique de la messagerie classique et express, la totalité des prestations réalisées sur ce marché était en relation avec l'infraction au sens des points 23 et 33 du communiqué sanctions.

873.C'est donc à juste titre, et dans le strict respect du communiqué sanctions, que l'Autorité a refusé de distinguer selon les clients et/ou les contrats et a retenu le chiffre d'affaires réalisé par chaque entreprise participante sur le marché domestique de la messagerie classique et express.

874.Eu égard aux considérations qui précèdent, ce n'est que de façon surabondante que la cour examinera ci-après les arguments avancés spécifiquement par les requérantes pour chacune des catégories de contrats et/ou de clients dont elles demandent l'exclusion.

875.S'agissant des petits clients, d'une part, aux paragraphes 417 à 420 de la décision attaquée, l'Autorité a relevé que, lors de la campagne tarifaire 2006-2007, certaines entreprises – Schenker-Joyau, Alloin et Gefco – avaient, postérieurement à la réunion du Conseil de Métiers du 28 septembre 2006, demandé à leur clientèle un taux de hausse plus élevé que celui qu'elles avaient annoncé lors de cette réunion, ce dont l'Autorité a justement déduit que les échanges anticoncurrentiels du 28 septembre 2006 avaient produit un effet d'alignement sur le taux le plus élevé annoncé au cours de cette réunion, à savoir celui de la société Graveleau. Dans la mesure où les requérantes s'accordent généralement sur le fait que les hausses figurant dans les circulaires s'appliquaient sans négociation aux petits clients, il apparaît qu'en tout état de cause, les ventes à ces derniers ont bien été en relation avec l'infraction.

876.S'agissant des clients « grands comptes », non destinataires des circulaires de hausse, et des clients « hors cycle », pour lesquels les négociations intervenaient en dehors de la période habituelle de négociation, entre octobre et mars de l'année suivante, ainsi que des clients « atypiques », les négociations que les opérateurs de messagerie engageaient avec eux ne pouvaient pas être totalement déconnectées des prix pratiqués sur le marché à l'égard de tous les autres clients, le constat d'une hausse généralisée des prix favorisant l'acceptation de hausses, y compris par les clients disposant d'un important contre-pouvoir. Il en va de même des relations avec les clients à conquérir (nouveaux clients et ventes au comptant), un environnement marqué par une hausse des prix étant de nature à leur faire accepter, au début de la relation contractuelle ou à l'occasion de chaque vente au comptant, un prix plus élevé que ce qu'il aurait été sans les pratiques.

877.Dès l'instant où les pratiques, en augmentant la transparence du marché, étaient de nature à entraîner des hausses supérieures à ce qu'elles auraient été sans l'entente, elles ont aussi eu pour effet, réellement ou potentiellement, de favoriser artificiellement les entreprises dans leurs négociations avec leurs plus grands clients, leurs clients atypiques et leurs clients « hors cycle », comme avec leurs nouveaux clients et, par voie de conséquence, de renforcer la possibilité de leur faire accepter des taux de hausse plus élevés.

878.S'agissant des clients liés à un opérateur de messagerie par des contrats pluriannuels, la cour relève, d'une part, qu'un nombre certainement important de ces contrats n'ont pu manquer d'arriver à échéance au cours des six années qu'ont duré les pratiques, de sorte que leur renégociation est intervenue au cours et sous l'influence des pratiques. D'autre part, à supposer même que, pour certains de ces contrats pluriannuels, aucune échéance ne soit intervenue pendant la durée de la participation aux pratiques, il convient de constater que, si la société Deutsche Bahn et ses filiales n'avaient pas informé l'Autorité de l'existence de cette entente, dans le cadre d'une demande de clémence, celle-ci se serait poursuivie, de sorte que l'exclusion desdits contrats ne permettrait pas de tenir compte de l'ampleur des pratiques, et notamment de leur vocation à se prolonger.

879.La même observation peut être faite à l'égard des clients n'ayant fait l'objet d'aucune hausse au cours de la durée de participation de l'entreprise à l'entente. Au surplus, il ne peut être exclu que, sans les pratiques, certains de ces clients, dotés d'un fort pouvoir de négociation, auraient pu obtenir des baisses de tarifs, le contexte de hausse les ayant seulement dissuadés d'exiger une baisse.

880.Enfin, la cour constate, plus généralement, que l'entente – dont la cour rappelle qu'elle s'est prolongée de campagne tarifaire en campagne tarifaire pendant environ six années – a en tout état de cause créé un contexte favorable aux hausses, chaque entreprise étant confiante dans le fait que ses concurrents chercheraient, comme elle, à obtenir les taux de hausses communiqués en réunion du Conseil de Métiers, et a donc été de nature à influer sur leur taux dans la relation des entreprises participantes avec l'ensemble de leurs clients.

881.En conclusion, la facilitation des hausses de prix par les pratiques objet du grief n° 2 s'est nécessairement faite sentir sur l'ensemble des ventes réalisées sur le marché de la messagerie classique et express. À tout le moins les requérantes sont-elles impuissantes à rapporter la preuve contraire.

882.En troisième lieu, le reproche fait par les requérantes à l'Autorité de ne pas avoir écarté de la valeur des ventes, d'une part, les options et frais supplémentaires, d'autre part, la surcharge gazole, y compris lorsqu'ils sont payés au titre de contrats ayant été affectés par l'entente, au motif que leur montant serait déterminé indépendamment des circulaires de hausses tarifaires, n'est pas fondé.

883.Une telle exigence ne trouve, là encore, aucun fondement dans le communiqué sanctions et dans la pratique de l'Autorité.

884.En outre, elle n'aboutirait pas seulement à contraindre celle-ci à vérifier, pour chaque contrat, s'il a été réellement affecté par l'entente ou, à l'inverse, s'il peut être exclu qu'il l'ait été, mais irait au-delà encore, en l'obligeant, pour chaque vente de produit ou service appartenant à une catégorie de produits ou services en relation avec l'infraction, à distinguer ceux des éléments constitutifs du prix global de vente qui ont été affectés, qui seuls pourraient entrer dans la valeur des ventes, de ceux qui ne l'ont pas été, qu'il conviendrait d'écarter. Or, pour les raisons déjà exposées aux paragraphes 865 et 866 du présent arrêt, la nécessité de garantir l'efficacité de l'action de l'Autorité, et notamment de ses services d'instruction, ainsi que la prévisibilité et le caractère dissuasif des sanctions qu'elle prononce, s'opposent à un tel degré d'exigence.

885.En dernier lieu, contrairement à ce que soutiennent les sociétés Alloin Holding, Kuehne+Nagel et Kuehne+Nagel International, le périmètre des ventes retenu pour déterminer le montant de base des sanctions reflète exactement l'ampleur économique de l'infraction.

886.Plus généralement, la prise en compte, comme assiette des sanctions, de la valeur de l'ensemble des ventes de produits et services en relation avec l'infraction, n'est pas contraire au principe de proportionnalité des peines. Il convient en effet de rappeler, d'une part, qu'aux fins de déterminer le montant de base de la sanction, il est appliqué à la valeur des ventes retenue un coefficient fixé en fonction de la gravité des faits et du dommage causé à l'économie ainsi qu'un coefficient traduisant la durée de la participation individuelle de chaque entreprise à l'entente, d'autre part, que le montant de base ainsi obtenu peut encore faire l'objet d'une individualisation en fonction des circonstances aggravantes et atténuantes propres à chaque entreprise, et d'ajustements finaux pour tenir compte de ses éventuelles difficultés.

887.Dès lors, c'est à juste titre, et sans encourir aucun des griefs soulevés par les requérantes, que l'Autorité a retenu, au titre de la valeur des ventes, le chiffre d'affaires lié aux prestations de messagerie et de messagerie express sur le territoire français, déduction faite du chiffre d'affaires réalisé lors de prestations internationales – lesquelles ne sont pas en relation avec l'infraction – ainsi que du chiffre d'affaires réalisé lorsque les entreprises ont agi exclusivement comme sous-traitant d'un autre transporteur et du chiffre d'affaires réalisé lors de prestations intragroupe – afin de ne pas prendre deux fois en compte le même chiffre d'affaires.

888.Les moyens précédemment examinés sont en conséquence rejetés (…).

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE (…)

1203. En d'autres termes, seule la valeur des ventes de tous les biens ou les services réalisés sur le marché affecté doit être prise en considération afin de déterminer le montant de base de l'amende. En l'espèce, il y a lieu de retenir, pour la valeur des ventes, et comme le prévoit le point 35 du communiqué sanctions, le chiffre d'affaires réalisé par les entreprises en cause dans la commercialisation des services inclus dans le périmètre de la valeur des ventes, en l'espèce le chiffre d'affaires lié aux prestations de messagerie.

1204. Il peut toutefois être déduit de cette valeur des ventes le chiffre d'affaires réalisé lorsque les entreprises agissent exclusivement comme sous-traitant d'un autre transporteur ainsi que le chiffre d'affaires réalisé lors de prestations intragroupe. En effet, ne pas déduire ces deux catégories de prestations reviendrait à prendre en compte deux fois le même chiffre d'affaires des entreprises sous-traitées ou faisant partie d'un même groupe.

1205. Le chiffre d'affaires réalisé lors de prestations internationales peut également être écarté dans la mesure où l'Autorité ne retient que les ventes réalisées en France (point 34 du communiqué sanctions).

1206. Toute autre déduction de la valeur des ventes demandée par les mises en cause, comme le chiffre d'affaires lié aux nouveaux clients, les contrats pluriannuels, le chiffre d'affaires correspondant à des options ou frais supplémentaires, le chiffre d'affaires généré par les clients non destinataires des circulaires, le chiffre d'affaires généré par les petits clients destinataires des circulaires, le chiffre d'affaires généré par les clients n'ayant fait l'objet d'aucune hausse tarifaire pendant l'année, le chiffre d'affaires généré par les clients subissant des hausses plus élevées en raison de la faible rentabilité des contrats, le chiffre d'affaires généré pas les ventes réalisées au comptant, les « commissions » perçues par les transporteurs, le chiffre d'affaires propre à l'affrètement, le chiffre d'affaires généré par les « réseaux dédiés » ne peut être acceptée (…).

1°) ALORS QUE le communiqué du 16 mai 2011, relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires, constitue une directive au sens administratif du terme, opposable à l'Autorité de la concurrence, sauf à ce qu'elle explique, dans la motivation de sa décision, les circonstances particulières ou les raisons d'intérêt général la conduisant à s'en écarter dans un cas donné ; que selon ce communiqué (§36) « l'entreprise ou l'organisme concerné fournit la valeur de ses ventes à l'Autorité, ainsi que l'ensemble des données nécessaires pour lui permettre d'en vérifier l'exactitude » ; qu'en considérant que l'Autorité de la concurrence avait pu valablement estimer, par une motivation générale, qu'il y avait lieu de prendre en compte le chiffre d'affaires lié aux prestations de messagerie commercialisées en France, sans autres déductions que le chiffre d'affaires réalisé en sous-traitance et celui réalisé lors de prestations intragroupes, sans s'expliquer sur les éléments comptables et financiers contraires fournis par les sociétés mises en cause à la demande des services d'instruction et conduisant à distinguer selon les différents segments de clientèle, ni provoquer un débat contradictoire sur ce point, la cour d'appel a violé l'article L. 464-2 du code de commerce et le communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires, ensemble l'article L. 463-1 du même code ;

2°) ALORS QUE si la valeur des ventes est appréciée sur le marché concerné par l'infraction, la délimitation de celui-ci doit à ce stade de la procédure, être aussi étroite que possible ; qu'il existe un marché distinct pour chaque segment de clientèle dont les besoins et les attentes de services ne sont pas identiques ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 464-2 du code de commerce et le communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires ;

3°) ALORS QUE la valeur des ventes est déterminée à partir du marché affecté par les pratiques en cause : qu'en affirmant au contraire qu'il « il ne découle ni du communiqué sanctions ni de la pratique décisionnelle antérieure de l'Autorité que les ventes de produits ou services devraient être « affectées » par l'infraction pour que leur valeur soit prise en compte pour le calcul du montant de base de la sanction » ou encore qu'en décidant de prendre en compte la valeur des ventes de produits ou services « en relation avec l'infraction », l'Autorité aurait exactement fait le choix de ne pas prendre en compte le critère de l'affectation des ventes par l'infraction, la cour d'appel a violé l'article L. 464-2 du code de commerce et le communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires ;

4°) ALORS QUE la valeur des ventes est une notion économique objective permettant de proportionner au cas par cas l'assiette de la sanction à l'ampleur économique de l'infraction et au poids relatif sur le secteur ou le marché concerné de l'entreprise qui y a participé ; qu'en se bornant à expliquer le refus de l'Autorité de la concurrence de déterminer la valeur des ventes à partir de ce critère d'affectation par la prétendue difficulté pour les services d'instruction de procéder à de telles vérifications ou encore par le caractère dissuasif de la sanction, la cour d'appel qui a statué par des motifs impropres à justifier l'exclusion du critère d'affectation pour déterminer la valeur des ventes, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 464-2 du code de commerce et du communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires ;

5°) ALORS QUE la partie du chiffre d'affaires global provenant de la vente des produits qui font l'objet de l'infraction n'est la mieux à même de refléter l'importance économique de cette infraction que si les différentes catégories de clients se trouvent dans une situation comparable ; qu'en refusant de tenir compte des spécificités de chaque segment de clientèle, la cour d'appel a violé l'article L. 464-2 du code de commerce et le communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires ;

6°) ALORS QU'en considérant que, pour déterminer la valeur des ventes, l'Autorité de la concurrence a exactement retenu le chiffre d'affaires réalisé par chaque entreprise participante sur le marché domestique de la messagerie classique et express quand il ressort des constatations propres et adoptées de l'arrêt attaqué que l'Autorité de la concurrence a déduit de cette valeur des ventes les ventes intra-groupes, la sous-traitance et les ventes internationales, ce qui suffit à démontrer que la référence à ce marché ne correspond pas à la réalité économique de l'infraction, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé l'article L. 464-2 du code de commerce et le communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires ;

7°) ALORS QUE la valeur des ventes est une notion économique objective permettant de proportionner au cas par cas l'assiette de la sanction à l'ampleur économique de l'infraction et au poids relatif sur le secteur ou le marché concerné de l'entreprise qui y a participé ; qu'en considérant, pour refuser d'exclure les ventes au comptant ou aux nouveaux clients du montant de base de la sanction, que la seule référence à un environnement marqué par une hausse des prix pouvant être de nature à leur faire accepter un prix plus élevé que ce qu'il aurait été sans les pratiques, suffit à établir une relation de ces ventes avec l'infraction quand le juge de la concurrence était tenu de se livrer à un contrôle concret du lien existant entre les hausses des prix constatés sur chacune de ces ventes et l'infraction, la cour d'appel a violé l'article L. 464-2 du code de commerce et le communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires ;

8°) ALORS QU'en en se bornant à retenir que l'environnement marqué par une hausse des prix était propice à une hausse des prix des ventes au comptant ou aux nouveaux clients, sans vérifier, comme elle y avait été invitée, si les variations des prix de ces ventes n'étaient pas totalement décorrélées des hausses pratiquées sur les segments de clientèle concernés par l'entente, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 464-2 du code de commerce et du communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires ;

9°) ALORS QU'en se bornant à retenir que la renégociation des contrats pluriannuels est intervenue au cours et sous l'influence des pratiques en cause, sans vérifier, comme elle y avait été invitée, si cette renégociation n'avait pas lieu selon des modalités prédéterminées, étrangères à la pratique en cause, prenant en considération des coûts, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 464-2 du code de commerce et du communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires ;

10°) ALORS QUE la valeur des ventes correspond, en principe, à la valeur de l'ensemble des catégories de produits ou de services en relation avec l'infraction vendus par l'entreprise concerné durant son dernier exercice comptable complet de participation à celle-ci ; qu'il doit donc exister un lien de causalité actuel entre l'infraction et les catégories de produits ou services pris en compte : qu'en considérant, pour refuser d'exclure de la valeur des ventes les contrats pluriannuels mais aussi les clients n'ayant fait l'objet d'aucune hausse au cours de la durée de participation de l'entreprise à l'entente, que les pratiques se seraient prolongées si les demandeurs en clémence n'avaient pas informé l'Autorité de l'existence de cette entente, la cour d'appel qui s'est fondée sur une circonstance hypothétique future sans lien avec la durée de participation effective de chaque entreprise à l'infraction, a violé l'article L. 464-2 du code de commerce et le communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires ;

11°) ALORS QU'en considérant, pour refuser d'exclure de la valeur des ventes les clients n'ayant fait l'objet d'aucune hausse au cours de la durée de participation de l'entreprise à l'entente, qu'il « ne peut être exclu que, sans les pratiques, certains de ces clients, dotés d'un fort pouvoir de négociation, auraient pu obtenir des baisses de tarifs, le contexte de hausse les ayant seulement dissuadés d'exiger une baisse », la cour d'appel qui a statué par un motif hypothétique, n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

12°) ALORS QU'en se bornant à justifier le refus de l'Autorité de la concurrence d'écarter de la valeur des ventes les options et frais supplémentaires ainsi que la surcharge gazole, par « la nécessité de garantir l'efficacité de l'action de l'Autorité, et notamment de ses services d'instruction, ainsi que la prévisibilité et le caractère dissuasif des sanctions qu'elle prononce », la cour d'appel qui a statué par des motifs impropres à justifier une telle exclusion de la valeur des ventes, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 464-2 du code de commerce et du communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires ;

13°) ALORS QU'en justifiant le refus de l'Autorité de la concurrence d'écarter de la valeur des ventes certaines catégories de ventes ou de frais par « la nécessité de garantir l'efficacité de l'action de l'Autorité, et notamment de ses services d'instruction, ainsi que la prévisibilité et le caractère dissuasif des sanctions qu'elle prononce », tout en constatant que le montant de base peut aussi « faire l'objet d'une individualisation en fonction des circonstances aggravantes et atténuantes propres à chaque entreprise, et d'ajustements finaux pour tenir compte de ses éventuelles difficultés », ce dont il résulte que le montant de base n'est pas le seul élément de la sanction permettant de rendre celle-ci efficace et dissuasive, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations a violé l'article L. 464-2 du code de commerce, ainsi que le communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir infligé à la société DPD France, au titre des pratiques visées à l'article 2 de la décision n° 15-D-19, une sanction de 43 675 000 euros, dont 39 331 000 euros solidairement avec la société La Poste S.A.

AUX MOTIFS QUE (…) a. Sur les erreurs de calcul alléguées

813.Ainsi qu'il a été rappelé aux paragraphes 785 et 786 du présent arrêt, pour la détermination de l'assiette des sanctions, l'Autorité a retenu, au titre de la valeur des ventes, le chiffre d'affaires lié aux prestations de messagerie et de messagerie express domestique sur le territoire français, dont elle a déduit le chiffre d'affaires réalisé lorsque les entreprises ont agi exclusivement comme sous-traitant d'un autre transporteur, le chiffre d'affaires réalisé lors de prestations intragroupe et le chiffre d'affaires réalisé lors de prestations internationales (décision attaquée, § 1199, 1204 et 1205) (…).

823.Le ministre chargé de l'Économie invite la cour à faire droit aux demandes des sociétés TNT et TNT Express NV, des sociétés DHL, DHL Holding (France) et Deutsche Post, et de la société Chronopost ;

824.Les moyens par lesquels les sociétés TNT et TNT Express NV, d'une part, et les sociétés DHL, DHL Holding (France) et Deutsche Post, d'autre part, invoquent des erreurs de calcul lors de la détermination de la valeur de leurs ventes, sont fondés, ainsi que l'Autorité le reconnaît. Il convient d'y faire droit.

825.S'agissant de la société XPO, anciennement Norbert Dentressangle Distribution, elle produit un tableau de ses ventes, dont son directeur financier atteste l'exactitude, d'où il ressort que, pour l'année de référence 2007/2008, retenue par l'Autorité, la part du chiffre d'affaires résultant de ses activités intragroupe s'est élevée à 1 683 594 euros, en retenant, pour assiette de sa sanction, la somme de 180 112 816 euros [193 697 850 euros (chiffre d'affaires HT France 2007/2008) - 11 901 440 euros (montant déjà écarté par l'Autorité) 1 683 594 euros (montant à écarter)], arrondie à 180 112 000 euros.

826.Dès lors que l'Autorité, qui ne conteste pas l'exactitude du chiffre fourni à cet égard par la société XPO, a, au paragraphe 1204 de la décision attaquée, indiqué qu'elle déduirait de la valeur des ventes le chiffre d'affaires réalisé lors de prestations intragroupe, il convient de faire droit à la demande de cette société.

827.Enfin, quant à la société Chronopost, il est constant que l'Autorité a exclu de la valeur des ventes le chiffre d'affaires réalisé lors de prestations internationales « dans la mesure où l'Autorité ne retient que les ventes réalisées en France » (décision attaquée, § 1205).

828.À cet égard, c'est à juste titre que la société Chronopost, soutenue par le ministre chargé de l'Économie, fait valoir que les contrats conclus entre des clients établis dans d'autres États et les postes de ces États en vue de transporter leur colis à destination de la France ne constituent pas des « ventes réalisées en France », de sorte que l'Autorité aurait dû déduire de la valeur des ventes retenue pour le calcul de la sanction de la société Chronopost, le chiffre d'affaires réalisé par cette société lorsqu'elle a agi exclusivement comme sous-traitant desdites postes étrangères. 829.La société Chronopost produit une note économique d'un cabinet d'expertise économique (pièce n° 4), d'où il ressort que, pour l'année 2009, année de référence retenue par l'Autorité, la sous-traitance pour le compte des postes étrangères a représenté 22 277 325 euros, chiffre dont l'exactitude n'est pas contestée par l'Autorité.

830.Il convient donc d'accueillir sa demande en retenant, pour assiette de sa sanction, la somme de 474 675 594 euros [632 270 961 euros (chiffre d'affaires HT France 2009) - 135 318 042 euros (montant déjà écarté par l'Autorité) - 22 277 325 euros (montant à écarter)], arrondie à 474 675 000 euros.

831.En conséquence, la valeur des ventes servant de base au calcul de la sanction sera ramenée : – s'agissant de la société TNT, de 459 502 000 euros à 453 351 000 euros ; – s'agissant de la société DHL, de 281 124 000 euros à 242 621 000 euros ; – s'agissant de la société XPO, de 181 796 000 euros à 180 112 000 euros. – s'agissant de la société Chronopost, de 496 952 000 euros à 474 675 000 euros.

832.Le montant de la sanction de ces sociétés sera réformé en conséquence par le présent arrêt.

Sur l'assiette de la sanction

833.Les sociétés DHL, DHL Holding (France) et Deutsche Post, Alloin Holding, Kuehne+Nagel et Kuehne+Nagel International, TNT et TNT Express NV, Gefco et Peugeot, XPO, Dachser et Dachser Group SE & Co., Chronopost et DPD, Geodis, GLS, General Logistics Systems BV et Royal Mail Group, ainsi que BMVirolle contestent la valeur des ventes retenue par l'Autorité comme base de calcul de leurs sanctions.

834.Les requérantes rappellent qu'aux termes du point 23 du communiqué sanctions, l'Autorité retient, comme montant de base de la sanction, « une proportion de la valeur des ventes, réalisées par chaque entreprise ou organisme en cause, de produits ou de services en relation avec l'infraction ».

835.Il existerait de nombreux précédents tant nationaux qu'européens faisant état de l'exclusion du périmètre de la valeur des ventes prise en compte pour le calcul du montant de base de la sanction des ventes pour lesquelles la preuve existe qu'elles n'ont pas été affectées par l'infraction.

836.En l'espèce, dès lors que les pratiques portaient uniquement sur les évolutions de prix concrétisées par les circulaires de revalorisation tarifaire envoyées annuellement aux clients, et non sur les niveaux de prix, les entreprises mises en cause n'ont pas réalisé, avec les clients non destinataires de ces circulaires, pour lesquels l'évolution des conditions contractuelles était régie par d'autres mécanismes (stipulations contractuelles ou négociations bilatérales), des ventes « en relation avec l'infraction ».

837.Subsidiairement, selon les sociétés Alloin Holding, Kuehne+Nagel et Kuehne+Nagel International, lorsque le marché en relation avec l'infraction est trop large, l'Autorité doit restreindre le périmètre des ventes prises en considération pour déterminer le montant de base de façon à ce qu'il reflète l'ampleur économique de l'infraction, conformément aux objectifs du communiqué sanctions (en ce sens, décision de l'Autorité n° 15-D-01du 5 février 2015 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur de la diffusion de la télévision par voie hertzienne terrestre en outre-mer, § 235 à 237).

838.Selon ces requérantes, en retenant en l'espèce la valeur des ventes à des clients non destinataires des circulaires, l'Autorité s'écarterait de sa volonté proclamée dans le communiqué sanctions, de rendre les amendes proportionnelles à l'ampleur économique de l'infraction.

839.Selon les requérantes, la décision attaquée ne saurait trouver aucune justification dans la jurisprudence des juridictions de l'Union. D'une part, les questions de procédure et les sanctions relèvent exclusivement du droit national, en vertu du principe d'autonomie procédurale. D'autre part, et en tout état de cause, il résulte seulement de la jurisprudence de la Cour de justice que la Commission, en sa qualité d'autorité européenne de concurrence, n'est pas obligée de prouver quelles sont les ventes individuelles qui ont été affectées par l'entente (CJUE, arrêt du 23 avril 2015, LG Display et LG Display Taiwan/Commission, C-227/14 P, point 57) ; en revanche, cette jurisprudence ne priverait pas les parties de la possibilité de démontrer que telle ou telle catégorie de ventes de biens ou de services n'est pas en relation avec l'infraction, car elle n'a pas pu être matériellement, financièrement ou économiquement affectée par les pratiques.

840.Les requérantes soulignent qu'en l'espèce, les services d'instruction eux-mêmes avaient préconisé de procéder à des abattements et retraitement des chiffres d'affaires des entreprises pour déterminer la valeur des ventes effectivement affectées par l'entente et que c'est contre toute attente que le collège s'est borné à déduire du chiffre d'affaires les ventes intragroupe, la sous-traitance et les ventes internationales, aux motifs, pour les deux premiers abattements, qu'il convenait d'éviter une double prise en compte et, pour le troisième, que le grief notifié ne concernait que les ventes réalisées en France.

841.Les requérantes demandent donc à la cour de déduire de leur chiffre d'affaires, aux fins d'établir l'assiette de la sanction : – les ventes aux petits clients (sociétés Geodis, TNT, ainsi que BMVirolle) ; – les ventes au comptant et les ventes « one shot » (sociétés Chronopost et DPD, TNT, Alloin Holding et Kuehne+Nagel, ainsi que Dachser) ; – les nouveaux contrats (sociétés Chronopost et DPD, Dachser, Gefco, Geodis ainsi que Alloin Holding et Kuehne+Nagel) – les contrats dont les prix n'ont fait l'objet d'aucune hausse sur la période des pratiques (sociétés Chronopost et DPD, Gefco, GLS, ainsi que Alloin Holding et Kuehne+Nagel) ; – les contrats « hors cycle », dont les prix ont fait l'objet de hausses en dehors des cycles de hausse habituels (sociétés Chronopost et DPD, Gefco, Geodis, ainsi que Alloin Holding et Kuehne+Nagel) ; – les clients dits « atypiques », qui, n'ayant pas tenus leurs engagements de volumes, subissent de très fortes hausses pour des raisons de rentabilité des contrats (sociétés Chronopost et DPD) ;– les contrats pluriannuels (sociétés Chronopost et DPD, Dachser, BMVirolle, GLS, Geodis ainsi que Alloin Holding et Kuehne+Nagel) ; – les contrats objet de négociations individuelles ou « grands comptes » ou « top 100 » (sociétés Dachser, Gefco, DHL, TNT, ainsi que Alloin Holding et Kuehne+Nagel).

842.Plusieurs requérantes demandent encore de déduire de leur chiffre d'affaires, quel que soit le contrat dans le cadre duquel ils ont été payés, les options et frais supplémentaires, soutenant, en substance, qu'ils font l'objet de conditions tarifaires particulières et différenciées pour lesquelles les évolutions tarifaires sont déconnectées des hausses figurant dans les circulaires annuelles (sociétés Chronopost et DPD, XPO, BMVirolle, DHL, GLS, Geodis, ainsi que TNT).

843.Enfin deux requérantes demandent de déduire de leur chiffre d'affaires la surcharge gazole perçue pour tous les contrats, en faisant valoir que, outre qu'elle n'est pas affectée par les hausses annuelles, elle vise à compenser une perte liée aux prix du gazole, et non à rémunérer un service (sociétés XPO et TNT).

844.S'agissant des options et frais supplémentaires, dont la taxe gazole, les requérantes font valoir qu'elles font l'objet de conditions tarifaires particulières et différenciées pour lesquelles les évolutions tarifaires sont déconnectées des hausses figurant dans les circulaires annuelles.

845.L'Autorité expose qu'aux termes des points 23 et 33 du communiqué sanctions, l'ensemble des ventes réalisées sur le marché pertinent, en relation avec le champ d'application de l'entente telle que qualifiée par la décision de sanction, entrent dans le périmètre de la sanction, ces ventes reflétant tout à la fois l'ampleur économique de l'infraction et la part respective de chaque entreprise dans celle-ci.

846.Elle considère que cette analyse rejoint celle de la Commission, dont la pratique est validée par la jurisprudence des juridictions de l'Union (CJUE, arrêt LG Display et LG Display Taiwan/Commission, précité). Elle souligne notamment que ces juridictions ont jugé à plusieurs reprises que ce serait donner une signification trop étroite à la notion de « ventes » que de n'y faire figurer que celles dont il est établi qu'elles se faisaient à des prix influencés par l'entente.

847.L'Autorité fait valoir que les hausses tarifaires envisagées par les participants à l'entente et qui faisaient l'objet de leurs échanges ne concernaient aucun type de contrat ou de prestation de messagerie en particulier, mais l'ensemble du marché de la messagerie classique et express sur le territoire français, justifiant de retenir, au titre de la valeur des ventes, le chiffre d'affaires réalisé par les entreprises participantes sur ces marchés. Elle précise qu'elle a écarté les ventes liées à des prestations internationales dans la mesure où elles n'ont pas été réalisées sur les marchés concernés, ainsi que les prestations intragroupes et les prestations de sous-traitance pour ne pas les prendre deux fois en compte.

848.Elle ajoute que le champ d'application de l'entente ne dépendait pas de l'importance des clients, puisque les hausses tarifaires concernaient aussi bien les « grands comptes » (les opérateurs de messagerie pouvant négocier plus sereinement avec eux grâce la connaissance qu'ils avaient des intentions de leurs concurrents) que les petits clients (qui se voyaient appliquer unilatéralement les revalorisations tarifaires prévues par les circulaires de hausse tarifaire), de sorte qu'il n'y avait pas davantage lieu d'en tenir compte dans la détermination de la valeur des ventes. Elle considère de même qu'il n'y avait pas lieu d'opérer une distinction selon que les clients avaient reçu ou non les circulaires, l'augmentation de la transparence du marché produite par les pratiques ne dépendant pas de la réception d'une circulaire.

849.Elle soutient enfin qu'il n'y a pas lieu d'écarter les contrats pluriannuels, dans la mesure où ils ont pu être conclus ou renouvelés sous l'empire de l'entente ; les frais et options, car ils font partie des prestations de messagerie ; et les ventes au comptant, puisqu'elles entrent dans le périmètre des pratiques sanctionnées.

850.Le ministre chargé de l'Économie rappelle liminairement que, s'agissant de la détermination des sanctions pécuniaires, l'Autorité n'est pas liée par la pratique décisionnelle de la Commission ni par la jurisprudence des juridictions de l'Union, mais qu'elle peut s'en inspirer, dans le respect de l'article L. 464-2 du code de commerce et de son communiqué sanctions.

851. A cet égard, il rappelle que, selon la jurisprudence constante des juridictions de l'Union, la notion de « valeur des ventes » dans les lignes directrices 2006 ne vise pas que le chiffre d'affaires réalisé avec les seules ventes pour lesquelles il est établi qu'elles ont réellement été affectées par cette entente, mais renvoie aux ventes réalisées sur le marché concerné par l'infraction.

852.Le ministre considère que l'Autorité pouvait pareillement retenir la valeur des ventes de tous les biens ou services réalisés sur les marchés affectés, une telle délimitation ne violant pas les principes de proportionnalité et d'individualisation des peines, dans la mesure où elle n'excède pas le marché des prestations de messagerie en France.

853.Il convient, à titre liminaire, d'écarter la demande d'annulation de la décision attaquée pour défaut de motivation présentée par plusieurs requérantes.

854.L'obligation de motivation à laquelle l'Autorité est soumise dans le prononcé de ses décisions impose un énoncé des considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement et permettent aux parties mises en cause de comprendre la nature de l'infraction retenue, et à la juridiction de recours d'en contrôler la légalité. Elle ne comporte pas, en revanche, l'obligation de répondre à l'intégralité des arguments invoqués, que les parties pourront, si elles les estiment opérants et nécessaires à leur défense, soumettre à la cour au soutien de leur recours de pleine juridiction.

855.En l'espèce, en expliquant, aux paragraphes 1201 à 1203 de la décision attaquée, pourquoi elle considérait devoir prendre en compte le chiffre d'affaires lié aux prestations de messagerie commercialisées en France, sans autres déductions que le chiffre d'affaires réalisé en sous-traitance et celui réalisé lors de prestations intragroupe – déductions uniquement justifiées par le souci de ne pas prendre deux fois en compte le même chiffre d'affaires –, l'Autorité, qui a permis aux requérantes de comprendre les raisons de sa décision et de les contester, a motivé à suffisance de droit son refus des exclusions supplémentaires de chiffre d'affaires qu'elles réclamaient.

856.En premier lieu, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, il ne découle ni du communiqué sanctions ni de la pratique décisionnelle antérieure de l'Autorité que les ventes de produits ou services devraient être « affectées » par l'infraction pour que leur valeur soit prise en compte pour le calcul du montant de base de la sanction.

857.D'une part, le point 23 du communiqué sanctions est ainsi libellé : « Pour donner une traduction chiffrée à son appréciation de la gravité des faits et de l'importance du dommage causé à l'économie, l'Autorité retient, comme montant de base de la sanction pécuniaire, une proportion de la valeur des ventes, réalisées par chaque entreprise ou organisme en cause, de produits ou de services en relation avec l'infraction ou, s'il y a lieu, les infractions en cause (2). La valeur de ces ventes constitue en effet une référence appropriée et objective pour déterminer le montant de base de la sanction pécuniaire, dans la mesure où elle permet d'en proportionner au cas par cas l'assiette à l'ampleur économique de l'infraction ou des infractions en cause, d'une part, et au poids relatif, sur le(s) secteur(s) ou marché(s) concerné(s), de chaque entreprise ou organisme qui y a participé, d'autre part. Elle est donc retenue par l'Autorité, à l'instar d'autres autorités de concurrence européennes, de préférence au chiffre d'affaires total de chaque entreprise ou organisme en cause, qui peut ne pas être en rapport avec l'ampleur de ces infractions et le poids relatif de chaque participant sur le(s) secteur(s) ou marché(s) concerné(s). » (souligné par la cour).

858.Le point 33 du communiqué sanctions précise : « 33. La référence prise par l'Autorité pour donner une traduction chiffrée à son appréciation de la gravité des faits et de l'importance du dommage causé à l'économie est la valeur de l'ensemble des catégories de produits ou de services en relation avec l'infraction, ou s'il y a lieu avec les infractions, vendues par l'entreprise ou l'organisme concerné durant son dernier exercice comptable complet de participation à celle(s)-ci, [...]. La qualification de l'infraction ou des infractions effectuée par l'Autorité, au regard de leur objet ou de leurs effets anticoncurrentiels, détermine ces catégories de produits ou de services. » (Souligné par la cour).

859.Il ressort de ces points du communiqué sanctions que, dès l'instant où une catégorie de produits ou de services est « en relation avec l'infraction », la valeur des ventes de cette catégorie de produits ou de services doit être prise en compte. Ainsi que le précise le point 33 du communiqué sanctions, c'est la qualification de l'infraction, effectuée au regard de son objet ou de ses effets, qui permet de déterminer les catégories de produits ou de services en relation avec cette infraction. Il n'est, en revanche, fait aucune référence à une nécessaire affectation des ventes de ces catégories de produits ou services par l'infraction pour pouvoir prendre en compte leur valeur.

860.D'autre part, dans plusieurs décisions, l'Autorité a, comme le soulignent les requérantes, effectivement écarté de la valeur des ventes prise en compte aux fins du calcul du montant de base de la sanction, les ventes de certaines catégories de produits réalisées sur le marché pertinent – c'est-à-dire le marché défini par l'Autorité préalablement à l'examen des pratiques, afin qu'il lui serve de cadre d'analyse – au motif que ces catégories de produits n'étaient pas en relation avec l'infraction : – dans sa décision n° 12-D-09 du 13 mars 2012 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur des farines alimentaires, après avoir défini le marché pertinent comme « celui de la commercialisation de farine de blé tendre en sachets à destination du grand public en France » (§ 415), elle a uniquement pris en compte la valeur des ventes de farine en sachet « aux seules enseignes du hard discount en France » (§ 890) ; – dans sa décision n° 13-D-03 du 13 février 2013 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur du porc charcutier, après avoir défini le marché pertinent comme « celui de la vente de viande de porc à destination des enseignes de la grande distribution en France » (§ 224), l'Autorité a pris en compte la valeur des seules ventes « réalisées [...] auprès des magasins de l'enseigne Auchan » (§ 431) ; – dans sa décision n° 15-D-04 du 26 mars 2015 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur de la boulangerie artisanale, après avoir défini « le marché concerné par les pratiques [...] comme celui de la commercialisation aux boulangeries artisanales de la farine de blé tendre livrée en vrac ou en conditionnement de plus de 20 kg et des mixes destinés à la production de viennoiserie ou autre pâtisserie vendue en boulangeries à destination d'une consommation effectuée principalement en France » (§ 284), l'Autorité a finalement exclu de la valeur des ventes prise en compte « les mixes destinés à la production de viennoiseries ou de pâtisseries » (§ 367).

861.Mais, par ces décisions, l'Autorité a, en identifiant les catégories de produits ou de services en relation avec l'infraction au regard de l'objet ou des effets anticoncurrentiels des pratiques analysées, procédé de fait à une délimitation du marché concerné par l'entente, qui s'est trouvée être, dans ces trois espèces, plus étroit que le marché pertinent initialement défini. Une fois délimité le marché sur lequel l'entente se déployait, l'Autorité a bien retenu la valeur de l'ensemble des ventes des produits et services réalisées sur ce marché, sans vérifier si ces ventes avaient ou non été affectées par l'entente.

862.Lesdites décisions peuvent d'ailleurs être rapprochées des décisions dans lesquelles l'Autorité ayant été en mesure de définir finement le marché pertinent par référence à une catégorie de produits et/ou de clients, a constaté, à l'issue de son analyse des pratiques, que ce marché était bien celui concerné par l'entente et retenu pour assiette de la sanction l'ensemble des ventes réalisées sur ledit marché (décision n° 12-D-24 du 13 décembre 2012 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur de la téléphonie mobile à destination de la clientèle résidentielle en France métropolitaine, § 373 ; décision n° 13-D-12 du 28 mai 2013 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur de la commercialisation de commodités chimiques, § 586 et 587 ; décision n° 15-D-17 du 30 novembre 2015 relative à des pratiques mises en oeuvre sur le marché de la téléphonie mobile à destination de la clientèle non résidentielle à La Réunion et à Mayotte, § 24 et 84).

863. Ainsi, il ne ressort pas de la pratique décisionnelle de l'Autorité que celle-ci aurait renoncé à prendre en compte la valeur des ventes de produits ou services dont elle aurait constaté qu'ils étaient en relation avec l'infraction, au motif que ces ventes n'avaient pas été affectées par l'infraction.

864.Le choix fait par l'Autorité, tant dans sa pratique décisionnelle que dans son communiqué sanctions, de ne pas prendre en compte le critère de l'affectation des ventes par l'infraction, apparaît justifié.

865.En effet, outre que l'exigence de proportionnalité ne l'impose pas, l'obligation de mettre un tel critère en oeuvre contraindrait l'Autorité, non certes pas à démontrer, pour chaque catégorie de produits ou services, que leurs ventes ont été réellement affectées par l'entente – les requérantes admettant le bien-fondé d'une présomption simple d'« affectation » –, mais à vérifier l'affirmation des entreprises incriminées selon laquelle les ventes de certaines catégories de produits ou services n'ont pas pu être affectées. Or une telle exigence, en obligeant les services d'enquête de l'Autorité à consacrer un temps important à de telles vérifications, limiterait très sensiblement l'efficacité de son action. À cet égard, la présente affaire illustre parfaitement les dérives qu'entraînerait l'approche défendue par les requérantes : sous couvert de catégories de prestations, celles-ci en arrivent en effet à réclamer la déduction d'une partie du chiffre d'affaires décomposé contrat individuel par contrat individuel.

866.Surtout, ladite obligation priverait largement d'effet dissuasif les sanctions que prononce l'Autorité, puisque chaque entreprise pourrait espérer, en cas de poursuites, voir sa sanction calculée sur la base d'un chiffre d'affaires très inférieur à celui qu'elle réalise sur le marché sur lequel se déroule l'entente. À l'inverse, l'approche retenue par l'Autorité est plus conforme à l'exigence de prévisibilité de la sanction, et donc à son caractère dissuasif, toute entreprise se livrant à des pratiques anticoncurrentielles sur un marché donné étant d'emblée en mesure de savoir que la sanction qu'elle encourt sera, en principe, calculée sur la totalité du chiffre d'affaires qu'elle réalise sur ledit marché.

867.Enfin, si, conformément au principe d'autonomie procédurale, l'Autorité n'est pas liée par les règles de droit de la concurrence de l'Union relatives au calcul des sanctions, la cour juge opportun de souligner que la détermination de la valeur des ventes est arrêtée de la même façon au niveau européen. C'est ainsi que, dans son arrêt LG Display et LG Display Taiwan/Commission, précité, la Cour de justice a approuvé, dans les termes suivants, le Tribunal d'avoir retenu l'ensemble des ventes réalisées sur le marché concerné par l'infraction : « 56. En l'espèce, le Tribunal a donc jugé à bon droit, au point 97 de l'arrêt attaqué, que ‘la possibilité pour la Commission d'inclure dans la valeur des ventes pertinentes aux fins du calcul du montant de l'amende les ventes de LCD cartellisés faites par les requérantes à LGE et à Philips dépend non pas de la question de savoir si ces ventes se faisaient à des prix influencés par l'entente, mais du simple fait que celles-ci étaient réalisées sur un marché affecté par l'existence d'une entente à laquelle les requérantes participaient'. [...] 58. En conséquence, ayant constaté, au point 69 de l'arrêt attaqué, dans le cadre de son appréciation souveraine des faits, sans que les requérantes invoquent la moindre dénaturation, que les ventes de LCD cartellisés effectuées par ces dernières à LGE et à Philips ont été réalisées sur le marché concerné par l'infraction, c'est sans commettre d'erreur de droit que le Tribunal a estimé, aux points 71 et 72 de cet arrêt, que la Commission était en droit de tenir compte desdites ventes pour calculer le montant de l'amende à leur infliger, sans qu'il importe de savoir si LGE et Philips leur ont effectivement payé des prix majorés en raison de l'entente et si elles ont répercuté cette éventuelle majoration sur le prix des produits finis intégrant les LCD cartellisés qu'elles ont vendus aux consommateurs dans l'EEE. 59. Dans ces conditions, le Tribunal n'était tenu ni de préciser les raisons pour lesquelles les ventes desdits LCD réalisées par LGD auprès de LGE et de Philips, en dépit des clauses contractuelles liant LGD à ces dernières dans le cadre de leur accord d'entreprise commune, auraient pu fausser la concurrence sur le marché pertinent, ni d'examiner les preuves fournies par les requérantes à cette fin. […] Contrairement à ce que font valoir les requérantes, le Tribunal n'a, ce faisant, nullement fait prévaloir une présomption irréfragable selon laquelle toutes les ventes réalisées sur le marché pertinent ont été affectées par l'infraction en cause. En revanche, le Tribunal a considéré, par une motivation qui, ainsi qu'il résulte des points 48 à 59 du présent arrêt, n'est entachée d'aucune erreur de droit, que, même en l'absence de toute preuve que les ventes des LCD cartellisés par les requérantes à leurs sociétés mères ont été affectées par cette infraction, ces ventes peuvent néanmoins être prises en compte aux fins du calcul du montant de l'amende à infliger aux requérantes, dès lors qu'elles ont été réalisées sur le marché concerné par l'infraction. [...] » (souligné par la cour).

868.Il s'ensuit que, à supposer établi par l'Autorité que l'ensemble des prestations de messagerie classique et express sont en relation avec le grief n° 2, c'est en vain que les requérantes cherchent à démontrer que telle ou telle catégorie de contrats n'a pas pu être affectée par l'entente, puisque, même à supposer cette preuve rapportée, un tel critère est inopérant.

869.En deuxième lieu, c'est à juste titre que l'Autorité a constaté que l'ensemble des prestations de messagerie classique et express réalisées sur le marché français étaient en relation avec le grief n° 2.

870.À cet égard, il y a lieu de constater qu'une différence fondamentale distingue la présente espèce des décisions de l'Autorité, citées au paragraphe 860 du présent arrêt, dans lesquelles le marché affecté a été délimité par référence à une catégorie de clients. Dans les cas évoqués, l'entente avait été cantonnée par les participants eux-mêmes à la relation entre ces derniers et tel client ou telle catégorie de clients.

871.Rien de tel en l'espèce, où les informations échangées concernaient un aspect de la politique tarifaire générale qu'entendaient suivre les entreprises participantes – le taux de hausse qu'elles souhaitaient obtenir –, sans distinction selon la nature des services ou selon les caractéristiques des clients. Notamment, ce n'est pas parce qu'elles n'envoyaient pas leurs circulaires de hausse tarifaire à leurs clients les plus importants, qu'elles ne s'efforçaient pas, dans les négociations avec ces derniers, de faire passer les taux de hausses qu'elles avaient annoncés lors des réunions du Conseil de Métiers.

872.L'Autorité fait à raison valoir, dans ses observations, que, dès lors que les hausses tarifaires envisagées et échangées par les entreprises de messagerie ne concernaient aucun type de contrat particulier et aucune prestation de messagerie particulière, mais l'ensemble du marché domestique de la messagerie classique et express, la totalité des prestations réalisées sur ce marché était en relation avec l'infraction au sens des points 23 et 33 du communiqué sanctions.

873.C'est donc à juste titre, et dans le strict respect du communiqué sanctions, que l'Autorité a refusé de distinguer selon les clients et/ou les contrats et a retenu le chiffre d'affaires réalisé par chaque entreprise participante sur le marché domestique de la messagerie classique et express.

874.Eu égard aux considérations qui précèdent, ce n'est que de façon surabondante que la cour examinera ci-après les arguments avancés spécifiquement par les requérantes pour chacune des catégories de contrats et/ou de clients dont elles demandent l'exclusion.

875.S'agissant des petits clients, d'une part, aux paragraphes 417 à 420 de la décision attaquée, l'Autorité a relevé que, lors de la campagne tarifaire 2006-2007, certaines entreprises – Schenker-Joyau, Alloin et Gefco – avaient, postérieurement à la réunion du Conseil de Métiers du 28 septembre 2006, demandé à leur clientèle un taux de hausse plus élevé que celui qu'elles avaient annoncé lors de cette réunion, ce dont l'Autorité a justement déduit que les échanges anticoncurrentiels du 28 septembre 2006 avaient produit un effet d'alignement sur le taux le plus élevé annoncé au cours de cette réunion, à savoir celui de la société Graveleau. Dans la mesure où les requérantes s'accordent généralement sur le fait que les hausses figurant dans les circulaires s'appliquaient sans négociation aux petits clients, il apparaît qu'en tout état de cause, les ventes à ces derniers ont bien été en relation avec l'infraction.

876.S'agissant des clients « grands comptes », non destinataires des circulaires de hausse, et des clients « hors cycle », pour lesquels les négociations intervenaient en dehors de la période habituelle de négociation, entre octobre et mars de l'année suivante, ainsi que des clients « atypiques », les négociations que les opérateurs de messagerie engageaient avec eux ne pouvaient pas être totalement déconnectées des prix pratiqués sur le marché à l'égard de tous les autres clients, le constat d'une hausse généralisée des prix favorisant l'acceptation de hausses, y compris par les clients disposant d'un important contre-pouvoir. Il en va de même des relations avec les clients à conquérir (nouveaux clients et ventes au comptant), un environnement marqué par une hausse des prix étant de nature à leur faire accepter, au début de la relation contractuelle ou à l'occasion de chaque vente au comptant, un prix plus élevé que ce qu'il aurait été sans les pratiques.

877.Dès l'instant où les pratiques, en augmentant la transparence du marché, étaient de nature à entraîner des hausses supérieures à ce qu'elles auraient été sans l'entente, elles ont aussi eu pour effet, réellement ou potentiellement, de favoriser artificiellement les entreprises dans leurs négociations avec leurs plus grands clients, leurs clients atypiques et leurs clients « hors cycle », comme avec leurs nouveaux clients et, par voie de conséquence, de renforcer la possibilité de leur faire accepter des taux de hausse plus élevés.

878.S'agissant des clients liés à un opérateur de messagerie par des contrats pluriannuels, la cour relève, d'une part, qu'un nombre certainement important de ces contrats n'ont pu manquer d'arriver à échéance au cours des six années qu'ont duré les pratiques, de sorte que leur renégociation est intervenue au cours et sous l'influence des pratiques. D'autre part, à supposer même que, pour certains de ces contrats pluriannuels, aucune échéance ne soit intervenue pendant la durée de la participation aux pratiques, il convient de constater que, si la société Deutsche Bahn et ses filiales n'avaient pas informé l'Autorité de l'existence de cette entente, dans le cadre d'une demande de clémence, celle-ci se serait poursuivie, de sorte que l'exclusion desdits contrats ne permettrait pas de tenir compte de l'ampleur des pratiques, et notamment de leur vocation à se prolonger.

879.La même observation peut être faite à l'égard des clients n'ayant fait l'objet d'aucune hausse au cours de la durée de participation de l'entreprise à l'entente. Au surplus, il ne peut être exclu que, sans les pratiques, certains de ces clients, dotés d'un fort pouvoir de négociation, auraient pu obtenir des baisses de tarifs, le contexte de hausse les ayant seulement dissuadés d'exiger une baisse.

880.Enfin, la cour constate, plus généralement, que l'entente – dont la cour rappelle qu'elle s'est prolongée de campagne tarifaire en campagne tarifaire pendant environ six années – a en tout état de cause créé un contexte favorable aux hausses, chaque entreprise étant confiante dans le fait que ses concurrents chercheraient, comme elle, à obtenir les taux de hausses communiqués en réunion du Conseil de Métiers, et a donc été de nature à influer sur leur taux dans la relation des entreprises participantes avec l'ensemble de leurs clients.

881.En conclusion, la facilitation des hausses de prix par les pratiques objet du grief n° 2 s'est nécessairement faite sentir sur l'ensemble des ventes réalisées sur le marché de la messagerie classique et express. À tout le moins les requérantes sont-elles impuissantes à rapporter la preuve contraire.

882.En troisième lieu, le reproche fait par les requérantes à l'Autorité de ne pas avoir écarté de la valeur des ventes, d'une part, les options et frais supplémentaires, d'autre part, la surcharge gazole, y compris lorsqu'ils sont payés au titre de contrats ayant été affectés par l'entente, au motif que leur montant serait déterminé indépendamment des circulaires de hausses tarifaires, n'est pas fondé.

883.Une telle exigence ne trouve, là encore, aucun fondement dans le communiqué sanctions et dans la pratique de l'Autorité.

884.En outre, elle n'aboutirait pas seulement à contraindre celle-ci à vérifier, pour chaque contrat, s'il a été réellement affecté par l'entente ou, à l'inverse, s'il peut être exclu qu'il l'ait été, mais irait au-delà encore, en l'obligeant, pour chaque vente de produit ou service appartenant à une catégorie de produits ou services en relation avec l'infraction, à distinguer ceux des éléments constitutifs du prix global de vente qui ont été affectés, qui seuls pourraient entrer dans la valeur des ventes, de ceux qui ne l'ont pas été, qu'il conviendrait d'écarter. Or, pour les raisons déjà exposées aux paragraphes 865 et 866 du présent arrêt, la nécessité de garantir l'efficacité de l'action de l'Autorité, et notamment de ses services d'instruction, ainsi que la prévisibilité et le caractère dissuasif des sanctions qu'elle prononce, s'opposent à un tel degré d'exigence.

885.En dernier lieu, contrairement à ce que soutiennent les sociétés Alloin Holding, Kuehne+Nagel et Kuehne+Nagel International, le périmètre des ventes retenu pour déterminer le montant de base des sanctions reflète exactement l'ampleur économique de l'infraction.

886.Plus généralement, la prise en compte, comme assiette des sanctions, de la valeur de l'ensemble des ventes de produits et services en relation avec l'infraction, n'est pas contraire au principe de proportionnalité des peines. Il convient en effet de rappeler, d'une part, qu'aux fins de déterminer le montant de base de la sanction, il est appliqué à la valeur des ventes retenue un coefficient fixé en fonction de la gravité des faits et du dommage causé à l'économie ainsi qu'un coefficient traduisant la durée de la participation individuelle de chaque entreprise à l'entente, d'autre part, que le montant de base ainsi obtenu peut encore faire l'objet d'une individualisation en fonction des circonstances aggravantes et atténuantes propres à chaque entreprise, et d'ajustements finaux pour tenir compte de ses éventuelles difficultés.

887.Dès lors, c'est à juste titre, et sans encourir aucun des griefs soulevés par les requérantes, que l'Autorité a retenu, au titre de la valeur des ventes, le chiffre d'affaires lié aux prestations de messagerie et de messagerie express sur le territoire français, déduction faite du chiffre d'affaires réalisé lors de prestations internationales – lesquelles ne sont pas en relation avec l'infraction – ainsi que du chiffre d'affaires réalisé lorsque les entreprises ont agi exclusivement comme sous-traitant d'un autre transporteur et du chiffre d'affaires réalisé lors de prestations intragroupe – afin de ne pas prendre deux fois en compte le même chiffre d'affaires.

888.Les moyens précédemment examinés sont en conséquence rejetés (…).

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE (…)

1203. En d'autres termes, seule la valeur des ventes de tous les biens ou les services réalisés sur le marché affecté doit être prise en considération afin de déterminer le montant de base de l'amende. En l'espèce, il y a lieu de retenir, pour la valeur des ventes, et comme le prévoit le point 35 du communiqué sanctions, le chiffre d'affaires réalisé par les entreprises en cause dans la commercialisation des services inclus dans le périmètre de la valeur des ventes, en l'espèce le chiffre d'affaires lié aux prestations de messagerie.

1204. Il peut toutefois être déduit de cette valeur des ventes le chiffre d'affaires réalisé lorsque les entreprises agissent exclusivement comme sous-traitant d'un autre transporteur ainsi que le chiffre d'affaires réalisé lors de prestations intragroupe. En effet, ne pas déduire ces deux catégories de prestations reviendrait à prendre en compte deux fois le même chiffre d'affaires des entreprises sous-traitées ou faisant partie d'un même groupe.

1205. Le chiffre d'affaires réalisé lors de prestations internationales peut également être écarté dans la mesure où l'Autorité ne retient que les ventes réalisées en France (point 34 du communiqué sanctions).

1206. Toute autre déduction de la valeur des ventes demandée par les mises en cause, comme le chiffre d'affaires lié aux nouveaux clients, les contrats pluriannuels, le chiffre d'affaires correspondant à des options ou frais supplémentaires, le chiffre d'affaires généré par les clients non destinataires des circulaires, le chiffre d'affaires généré par les petits clients destinataires des circulaires, le chiffre d'affaires généré par les clients n'ayant fait l'objet d'aucune hausse tarifaire pendant l'année, le chiffre d'affaires généré par les clients subissant des hausses plus élevées en raison de la faible rentabilité des contrats, le chiffre d'affaires généré pas les ventes réalisées au comptant, les « commissions » perçues par les transporteurs, le chiffre d'affaires propre à l'affrètement, le chiffre d'affaires généré par les « réseaux dédiés » ne peut être acceptée (…).

1°) ALORS QUE le communiqué du 16 mai 2011, relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires, constitue une directive au sens administratif du terme, opposable à l'Autorité de la concurrence, sauf à ce qu'elle explique, dans la motivation de sa décision, les circonstances particulières ou les raisons d'intérêt général la conduisant à s'en écarter dans un cas donné ; que selon ce communiqué (§36) « l'entreprise ou l'organisme concerné fournit la valeur de ses ventes à l'Autorité, ainsi que l'ensemble des données nécessaires pour lui permettre d'en vérifier l'exactitude » ; qu'en considérant que l'Autorité de la concurrence avait pu valablement estimer, par une motivation générale, qu'il y avait lieu de prendre en compte le chiffre d'affaires lié aux prestations de messagerie commercialisées en France, sans autres déductions que le chiffre d'affaires réalisé en sous-traitance et celui réalisé lors de prestations intragroupes, sans s'expliquer sur les éléments comptables et financiers contraires fournis par les sociétés mises en cause à la demande des services d'instruction et conduisant à distinguer selon les différents segments de clientèle, ni provoquer un débat contradictoire sur ce point, la cour d'appel a violé l'article L. 464-2 du code de commerce et le communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires ;

2°) ALORS QUE si la valeur des ventes est appréciée sur le marché concerné par l'infraction, la délimitation de celui-ci doit à ce stade de la procédure, être aussi étroite que possible ; qu'il existe un marché distinct pour chaque segment de clientèle dont les besoins et les attentes de services ne sont pas identiques ; qu'en décidant la contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 464-2 du code de commerce et le communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires ;

3°) ALORS QUE la valeur des ventes est déterminée à partir du marché affecté par les pratiques en cause : qu'en affirmant au contraire que « il ne découle ni du communiqué sanctions ni de la pratique décisionnelle antérieure de l'Autorité que les ventes de produits ou services devraient être « affectées » par l'infraction pour que leur valeur soit prise en compte pour le calcul du montant de base de la sanction » ou encore qu'en décidant de prendre en compte la valeur des ventes de produits ou services « en relation avec l'infraction », l'Autorité aurait exactement fait le choix de ne pas prendre en compte le critère de l'affectation des ventes par l'infraction, la cour d'appel a violé l'article L. 464-2 du code de commerce et le communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires ;

4°) ALORS QUE la valeur des ventes est une notion économique objective permettant de proportionner au cas par cas l'assiette de la sanction à l'ampleur économique de l'infraction et au poids relatif sur le secteur ou le marché concerné de l'entreprise qui y a participé ; qu'en se bornant à expliquer le refus de l'Autorité de la concurrence de déterminer la valeur des ventes à partir de ce critère d'affectation par la prétendue difficulté pour les services d'instruction de procéder à de telles vérifications ou encore par le caractère dissuasif de la sanction, la cour d'appel qui a statué par des motifs impropres à justifier l'exclusion du critère d'affectation pour déterminer la valeur des ventes, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 464-2 du code de commerce et le communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires ;

5°) ALORS QUE la partie du chiffre d'affaires global provenant de la vente des produits qui font l'objet de l'infraction n'est la mieux à même de refléter l'importance économique de cette infraction que si les différentes catégories de clients se trouvent dans une situation comparable ; qu'en refusant de tenir compte des spécificités de chaque segment de clientèle, la cour d'appel a violé l'article L. 464-2 du code de commerce et le communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires ;

6°) ALORS QU'en considérant que, pour déterminer la valeur des ventes, l'Autorité de la concurrence a exactement retenu le chiffre d'affaires réalisé par chaque entreprise participante sur le marché domestique de la messagerie classique et express quand il ressort des constatations propres et adoptées de l'arrêt attaqué que l'Autorité de la concurrence a déduit de cette valeur des ventes les ventes intra-groupes, la sous-traitance et les ventes internationales, ce qui suffit à démontrer que la référence à ce marché ne correspond pas à la réalité économique de l'infraction, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé l'article L. 464-2 du code de commerce et le communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires ;

7°) ALORS QUE la valeur des ventes est une notion économique objective permettant de proportionner au cas par cas l'assiette de la sanction à l'ampleur économique de l'infraction et au poids relatif sur le secteur ou le marché concerné de l'entreprise qui y a participé ; qu'en considérant, pour refuser d'exclure les ventes au comptant ou au nouveaux clients du montant de base de la sanction, que la seule référence à un environnement marqué par une hausse des prix pouvant être de nature à leur faire accepter un prix plus élevé que ce qu'il aurait été sans les pratiques, suffit à établir une relation de ces ventes avec l'infraction quand le juge de la concurrence était tenu de se livrer à un contrôle concret du lien existant entre les hausses des prix constatés sur chacune de ces ventes et l'infraction, la cour d'appel a violé l'article L. 464-2 du code de commerce et le communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires ;

8°) ALORS QU'en en se bornant à retenir que l'environnement marqué par une hausse des prix était propice à une hausse des prix des ventes au comptant ou aux nouveaux clients, sans vérifier, comme elle y avait été invitée, si les variations des prix de ces ventes n'étaient pas totalement décorrélées des hausses pratiquées sur les segments de clientèle concernés par l'entente, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 464-2 du code de commerce et du communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires ;

9°) ALORS QU'en se bornant à retenir que la renégociation des contrats pluriannuels est intervenue au cours et sous l'influence des pratiques en cause, sans vérifier, comme elle y avait été invitée, si cette renégociation n'avait pas lieu selon des modalités prédéterminées, étrangères à la pratique en cause, prenant en considération des coûts, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 464-2 du code de commerce et du communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires ;

10°) ALORS QUE la valeur des ventes correspond, en principe, à la valeur de l'ensemble des catégories de produits ou de services en relation avec l'infraction vendues par l'entreprise concerné durant son dernier exercice comptable complet de participation à celle-ci ; qu'il doit donc exister un lien de causalité actuel entre l'infraction et les catégories de produits ou services pris en compte : qu'en considérant, pour refuser d'exclure de la valeur des ventes les contrats pluriannuels mais aussi les clients n'ayant fait l'objet d'aucune hausse au cours de la durée de participation de l'entreprise à l'entente, que les pratiques se seraient prolongées si les demandeurs en clémence n'avaient pas informé l'Autorité de l'existence de cette entente, la cour d'appel qui s'est fondée sur une circonstance hypothétique future sans lien avec la durée de participation effective de chaque entreprise à l'infraction, a violé l'article L. 464-2 du code de commerce et du communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires ;

11°) ALORS QU'en considérant, pour refuser d'exclure de la valeur des ventes les clients n'ayant fait l'objet d'aucune hausse au cours de la durée de participation de l'entreprise à l'entente, qu'il « ne peut être exclu que, sans les pratiques, certains de ces clients, dotés d'un fort pouvoir de négociation, auraient pu obtenir des baisses de tarifs, le contexte de hausse les ayant seulement dissuadés d'exiger une baisse, la cour d'appel qui a statué par un motif hypothétique, n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

12°) ALORS QU'en se bornant à justifier le refus de l'Autorité de la concurrence d'écarter de la valeur des ventes les options et frais supplémentaires ainsi que la surcharge gazole, par « la nécessité de garantir l'efficacité de l'action de l'Autorité, et notamment de ses services d'instruction, ainsi que la prévisibilité et le caractère dissuasif des sanctions qu'elle prononce », la cour d'appel qui a statué par des motifs impropres à justifier une telle exclusion de la valeur des ventes, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 464-2 du code de commerce et du communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires ;

13°) ALORS QU'en justifiant le refus de l'Autorité de la concurrence d'écarter de la valeur des ventes certaines catégories de ventes ou de frais par « la nécessité de garantir l'efficacité de l'action de l'Autorité, et notamment de ses services d'instruction, ainsi que la prévisibilité et le caractère dissuasif des sanctions qu'elle prononce », tout en constatant que le montant de base peut aussi « faire l'objet d'une individualisation en fonction des circonstances aggravantes et atténuantes propres à chaque entreprise, et d'ajustements finaux pour tenir compte de ses éventuelles difficultés », ce dont il résulte que le montant de base n'est pas le seul élément de la sanction permettant de rendre celle-ci efficace et dissuasive, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations a violé l'article L. 464-2 du code de commerce, ainsi que le communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires. Moyens produits au pourvoi n° Y 18-21.437 par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la société Fedex express FR, venant aux droits de la société TNT express France et la société TNT express NV.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir infligé à la société TNT Express France, solidairement avec la société TNT Express NV au titre des pratiques visées à l'article 2 de la décision n° 15-D-19 de l'Autorité de la concurrence (grief n° 2) une sanction de 54.317.000 euros ;

AUX MOTIFS QUE (…) a. Sur les erreurs de calcul alléguées :

813.Ainsi qu'il a été rappelé aux paragraphes 785 et 786 du présent arrêt, pour la détermination de l'assiette des sanctions, l'Autorité a retenu, au titre de la valeur des ventes, le chiffre d'affaires lié aux prestations de messagerie et de messagerie express domestique sur le territoire français, dont elle a déduit le chiffre d'affaires réalisé lorsque les entreprises ont agi exclusivement comme sous-traitant d'un autre transporteur, le chiffre d'affaires réalisé lors de prestations intragroupe et le chiffre d'affaires réalisé lors de prestations internationales (décision attaquée, § 1199, 1204 et 1205) (…).

817.Les sociétés TNT et TNT Express NV font valoir que l'Autorité a, d'une part, commis une erreur de saisie en mentionnant, au paragraphe 1211 de la décision attaquée, un chiffre d'affaires de la société TNT de 459 502 000 euros, au lieu de 459 509 000 euros, et a, d'autre part, en contradiction avec le paragraphe 1204 de la décision attaquée, omis de déduire de ce montant le chiffre d'affaires résultant des activités de sous-traitance de ladite société, d'un montant de 6 158 000 euros. 818.Elles invitent la cour à réformer l'assiette de la sanction retenue en la ramenant à 453 351 000 euros (459 509 000 – 6 158 000) et, par voie de conséquence, de réduire la sanction finale à 57 513 000 euros (…).

822.L'Autorité reconnaît le bien-fondé des moyens des sociétés TNT (observations de l'Autorité, § 53 à 56) et DHL (observations de l'Autorité, § 57 à 60) et conclut au rejet de l'ensemble des autres moyens soulevés par l'ensemble des requérantes (observations de l'Autorité, § 53 à 60 et 347).

823.Le ministre chargé de l'Économie invite la cour à faire droit aux demandes des sociétés TNT et TNT Express NV, des sociétés DHL, DHL Holding (France) et Deutsche Post, et de la société Chronopost.

824.Les moyens par lesquels les sociétés TNT et TNT Express NV, d'une part, et les sociétés DHL, DHL Holding (France) et Deutsche Post, d'autre part, invoquent des erreurs de calcul lors de la détermination de la valeur de leurs ventes, sont fondés, ainsi que l'Autorité le reconnaît. Il convient d'y faire droit (…).

831.En conséquence, la valeur des ventes servant de base au calcul de la sanction sera ramenée : – s'agissant de la société TNT, de 459 502 000 euros à 453 351 000 euros (…).

832.Le montant de la sanction de ces sociétés sera réformé en conséquence par le présent arrêt.

b. Sur l'assiette de la sanction

833.Les sociétés DHL, DHL Holding (France) et Deutsche Post, Alloin Holding, Kuehne+Nagel et Kuehne+Nagel International, TNT et TNT Express NV, Gefco et Peugeot, XPO, Dachser et Dachser Group SE & Co., Chronopost et DPD, Geodis, GLS, General Logistics Systems BV et Royal Mail Group, ainsi que BMVirolle contestent la valeur des ventes retenue par l'Autorité comme base de calcul de leurs sanctions.

834.Les requérantes rappellent qu'aux termes du point 23 du communiqué sanctions, l'Autorité retient, comme montant de base de la sanction, « une proportion de la valeur des ventes, réalisées par chaque entreprise ou organisme en cause, de produits ou de services en relation avec l'infraction ».

835.Il existerait de nombreux précédents tant nationaux qu'européens faisant état de l'exclusion du périmètre de la valeur des ventes prise en compte pour le calcul du montant de base de la sanction des ventes pour lesquelles la preuve existe qu'elles n'ont pas été affectées par l'infraction.

836.En l'espèce, dès lors que les pratiques portaient uniquement sur les évolutions de prix concrétisées par les circulaires de revalorisation tarifaire envoyées annuellement aux clients, et non sur les niveaux de prix, les entreprises mises en cause n'ont pas réalisé, avec les clients non destinataires de ces circulaires, pour lesquels l'évolution des conditions contractuelles était régie par d'autres mécanismes (stipulations contractuelles ou négociations bilatérales), des ventes « en relation avec l'infraction ».

837.Subsidiairement, selon les sociétés Alloin Holding, Kuehne+Nagel et Kuehne+Nagel International, lorsque le marché en relation avec l'infraction est trop large, l'Autorité doit restreindre le périmètre des ventes prises en considération pour déterminer le montant de base de façon à ce qu'il reflète l'ampleur économique de l'infraction, conformément aux objectifs du communiqué sanctions (en ce sens, décision de l'Autorité n° 15-D-01du 5 février 2015 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur de la diffusion de la télévision par voie hertzienne terrestre en outre-mer, § 235 à 237).

838.Selon ces requérantes, en retenant en l'espèce la valeur des ventes à des clients non destinataires des circulaires, l'Autorité s'écarterait de sa volonté proclamée dans le communiqué sanctions, de rendre les amendes proportionnelles à l'ampleur économique de l'infraction.

839.Selon les requérantes, la décision attaquée ne saurait trouver aucune justification dans la jurisprudence des juridictions de l'Union. D'une part, les questions de procédure et les sanctions relèvent exclusivement du droit national, en vertu du principe d'autonomie procédurale. D'autre part, et en tout état de cause, il résulte seulement de la jurisprudence de la Cour de justice que la Commission, en sa qualité d'autorité européenne de concurrence, n'est pas obligée de prouver quelles sont les ventes individuelles qui ont été affectées par l'entente (CJUE, arrêt du 23 avril 2015, LG Display et LG Display Taiwan/Commission, C-227/14 P, point 57) ; en revanche, cette jurisprudence ne priverait pas les parties de la possibilité de démontrer que telle ou telle catégorie de ventes de biens ou de services n'est pas en relation avec l'infraction, car elle n'a pas pu être matériellement, financièrement ou économiquement affectée par les pratiques.

840.Les requérantes soulignent qu'en l'espèce, les services d'instruction eux-mêmes avaient préconisé de procéder à des abattements et retraitement des chiffres d'affaires des entreprises pour déterminer la valeur des ventes effectivement affectées par l'entente et que c'est contre toute attente que le collège s'est borné à déduire du chiffre d'affaires les ventes intragroupe, la sous-traitance et les ventes internationales, aux motifs, pour les deux premiers abattements, qu'il convenait d'éviter une double prise en compte et, pour le troisième, que le grief notifié ne concernait que les ventes réalisées en France.

841.Les requérantes demandent donc à la cour de déduire de leur chiffre d'affaires, aux fins d'établir l'assiette de la sanction : – les ventes aux petits clients (sociétés Geodis, TNT, ainsi que BMVirolle) ; – les ventes au comptant et les ventes « one shot » (sociétés Chronopost et DPD, TNT, Alloin Holding et Kuehne+Nagel, ainsi que Dachser) ; – les nouveaux contrats (sociétés Chronopost et DPD, Dachser, Gefco, Geodis ainsi que Alloin Holding et Kuehne+Nagel) – les contrats dont les prix n'ont fait l'objet d'aucune hausse sur la période des pratiques (sociétés Chronopost et DPD, Gefco, GLS, ainsi que Alloin Holding et Kuehne+Nagel) ; – les contrats « hors cycle », dont les prix ont fait l'objet de hausses en dehors des cycles de hausse habituels (sociétés Chronopost et DPD, Gefco, Geodis, ainsi que Alloin Holding et Kuehne+Nagel) ; – les clients dits « atypiques », qui, n'ayant pas tenus leurs engagements de volumes, subissent de très fortes hausses pour des raisons de rentabilité des contrats (sociétés Chronopost et DPD) ;– les contrats pluriannuels (sociétés Chronopost et DPD, Dachser, BMVirolle, GLS, Geodis ainsi que Alloin Holding et Kuehne+Nagel) ; – les contrats objet de négociations individuelles ou « grands comptes » ou « top 100 » (sociétés Dachser, Gefco, DHL, TNT, ainsi que Alloin Holding et Kuehne+Nagel).

842.Plusieurs requérantes demandent encore de déduire de leur chiffre d'affaires, quel que soit le contrat dans le cadre duquel ils ont été payés, les options et frais supplémentaires, soutenant, en substance, qu'ils font l'objet de conditions tarifaires particulières et différenciées pour lesquelles les évolutions tarifaires sont déconnectées des hausses figurant dans les circulaires annuelles (sociétés Chronopost et DPD, XPO, BMVirolle, DHL, GLS, Geodis, ainsi que TNT).

843.Enfin deux requérantes demandent de déduire de leur chiffre d'affaires la surcharge gazole perçue pour tous les contrats, en faisant valoir que, outre qu'elle n'est pas affectée par les hausses annuelles, elle vise à compenser une perte liée aux prix du gazole, et non à rémunérer un service (sociétés XPO et TNT).

844.S'agissant des options et frais supplémentaires, dont la taxe gazole, les requérantes font valoir qu'elles font l'objet de conditions tarifaires particulières et différenciées pour lesquelles les évolutions tarifaires sont déconnectées des hausses figurant dans les circulaires annuelles.

845.L'Autorité expose qu'aux termes des points 23 et 33 du communiqué sanctions, l'ensemble des ventes réalisées sur le marché pertinent, en relation avec le champ d'application de l'entente telle que qualifiée par la décision de sanction, entrent dans le périmètre de la sanction, ces ventes reflétant tout à la fois l'ampleur économique de l'infraction et la part respective de chaque entreprise dans celle-ci.

846.Elle considère que cette analyse rejoint celle de la Commission, dont la pratique est validée par la jurisprudence des juridictions de l'Union (CJUE, arrêt LG Display et LG Display Taiwan/Commission, précité). Elle souligne notamment que ces juridictions ont jugé à plusieurs reprises que ce serait donner une signification trop étroite à la notion de « ventes » que de n'y faire figurer que celles dont il est établi qu'elles se faisaient à des prix influencés par l'entente.

847.L'Autorité fait valoir que les hausses tarifaires envisagées par les participants à l'entente et qui faisaient l'objet de leurs échanges ne concernaient aucun type de contrat ou de prestation de messagerie en particulier, mais l'ensemble du marché de la messagerie classique et express sur le territoire français, justifiant de retenir, au titre de la valeur des ventes, le chiffre d'affaires réalisé par les entreprises participantes sur ces marchés. Elle précise qu'elle a écarté les ventes liées à des prestations internationales dans la mesure où elles n'ont pas été réalisées sur les marchés concernés, ainsi que les prestations intragroupes et les prestations de sous-traitance pour ne pas les prendre deux fois en compte.

848.Elle ajoute que le champ d'application de l'entente ne dépendait pas de l'importance des clients, puisque les hausses tarifaires concernaient aussi bien les « grands comptes » (les opérateurs de messagerie pouvant négocier plus sereinement avec eux grâce la connaissance qu'ils avaient des intentions de leurs concurrents) que les petits clients (qui se voyaient appliquer unilatéralement les revalorisations tarifaires prévues par les circulaires de hausse tarifaire), de sorte qu'il n'y avait pas davantage lieu d'en tenir compte dans la détermination de la valeur des ventes. Elle considère de même qu'il n'y avait pas lieu d'opérer une distinction selon que les clients avaient reçu ou non les circulaires, l'augmentation de la transparence du marché produite par les pratiques ne dépendant pas de la réception d'une circulaire.

849.Elle soutient enfin qu'il n'y a pas lieu d'écarter les contrats pluriannuels, dans la mesure où ils ont pu être conclus ou renouvelés sous l'empire de l'entente ; les frais et options, car ils font partie des prestations de messagerie ; et les ventes au comptant, puisqu'elles entrent dans le périmètre des pratiques sanctionnées.

850.Le ministre chargé de l'Économie rappelle liminairement que, s'agissant de la détermination des sanctions pécuniaires, l'Autorité n'est pas liée par la pratique décisionnelle de la Commission ni par la jurisprudence des juridictions de l'Union, mais qu'elle peut s'en inspirer, dans le respect de l'article L. 464-2 du code de commerce et de son communiqué sanctions.

851. A cet égard, il rappelle que, selon la jurisprudence constante des juridictions de l'Union, la notion de « valeur des ventes » dans les lignes directrices 2006 ne vise pas que le chiffre d'affaires réalisé avec les seules ventes pour lesquelles il est établi qu'elles ont réellement été affectées par cette entente, mais renvoie aux ventes réalisées sur le marché concerné par l'infraction.

852.Le ministre considère que l'Autorité pouvait pareillement retenir la valeur des ventes de tous les biens ou services réalisés sur les marchés affectés, une telle délimitation ne violant pas les principes de proportionnalité et d'individualisation des peines, dans la mesure où elle n'excède pas le marché des prestations de messagerie en France.

853.Il convient, à titre liminaire, d'écarter la demande d'annulation de la décision attaquée pour défaut de motivation présentée par plusieurs requérantes.

854.L'obligation de motivation à laquelle l'Autorité est soumise dans le prononcé de ses décisions impose un énoncé des considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement et permettent aux parties mises en cause de comprendre la nature de l'infraction retenue, et à la juridiction de recours d'en contrôler la légalité. Elle ne comporte pas, en revanche, l'obligation de répondre à l'intégralité des arguments invoqués, que les parties pourront, si elles les estiment opérants et nécessaires à leur défense, soumettre à la cour au soutien de leur recours de pleine juridiction.

855.En l'espèce, en expliquant, aux paragraphes 1201 à 1203 de la décision attaquée, pourquoi elle considérait devoir prendre en compte le chiffre d'affaires lié aux prestations de messagerie commercialisées en France, sans autres déductions que le chiffre d'affaires réalisé en soustraitance et celui réalisé lors de prestations intragroupe – déductions uniquement justifiées par le souci de ne pas prendre deux fois en compte le même chiffre d'affaires –, l'Autorité, qui a permis aux requérantes de comprendre les raisons de sa décision et de les contester, a motivé à suffisance de droit son refus des exclusions supplémentaires de chiffre d'affaires qu'elles réclamaient.

856.En premier lieu, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, il ne découle ni du communiqué sanctions ni de la pratique décisionnelle antérieure de l'Autorité que les ventes de produits ou services devraient être « affectées » par l'infraction pour que leur valeur soit prise en compte pour le calcul du montant de base de la sanction.

857.D'une part, le point 23 du communiqué sanctions est ainsi libellé : « Pour donner une traduction chiffrée à son appréciation de la gravité des faits et de l'importance du dommage causé à l'économie, l'Autorité retient, comme montant de base de la sanction pécuniaire, une proportion de la valeur des ventes, réalisées par chaque entreprise ou organisme en cause, de produits ou de services en relation avec l'infraction ou, s'il y a lieu, les infractions en cause (2). La valeur de ces ventes constitue en effet une référence appropriée et objective pour déterminer le montant de base de la sanction pécuniaire, dans la mesure où elle permet d'en proportionner au cas par cas l'assiette à l'ampleur économique de l'infraction ou des infractions en cause, d'une part, et au poids relatif, sur le(s) secteur(s) ou marché(s) concerné(s), de chaque entreprise ou organisme qui y a participé, d'autre part. Elle est donc retenue par l'Autorité, à l'instar d'autres autorités de concurrence européennes, de préférence au chiffre d'affaires total de chaque entreprise ou organisme en cause, qui peut ne pas être en rapport avec l'ampleur de ces infractions et le poids relatif de chaque participant sur le(s) secteur(s) ou marché(s) concerné(s). » (souligné par la cour).

858.Le point 33 du communiqué sanctions précise : « 33. La référence prise par l'Autorité pour donner une traduction chiffrée à son appréciation de la gravité des faits et de l'importance du dommage causé à l'économie est la valeur de l'ensemble des catégories de produits ou de services en relation avec l'infraction, ou s'il y a lieu avec les infractions, vendues par l'entreprise ou l'organisme concerné durant son dernier exercice comptable complet de participation à celle(s)-ci, [...]. La qualification de l'infraction ou des infractions effectuée par l'Autorité, au regard de leur objet ou de leurs effets anticoncurrentiels, détermine ces catégories de produits ou de services. »
(Souligné par la cour).

859.Il ressort de ces points du communiqué sanctions que, dès l'instant où une catégorie de produits ou de services est « en relation avec l'infraction », la valeur des ventes de cette catégorie de produits ou de services doit être prise en compte. Ainsi que le précise le point 33 du communiqué sanctions, c'est la qualification de l'infraction, effectuée au regard de son objet ou de ses effets, qui permet de déterminer les catégories de produits ou de services en relation avec cette infraction. Il n'est, en revanche, fait aucune référence à une nécessaire affectation des ventes de ces catégories de produits ou services par l'infraction pour pouvoir prendre en compte leur valeur.

860.D'autre part, dans plusieurs décisions, l'Autorité a, comme le soulignent les requérantes, effectivement écarté de la valeur des ventes prise en compte aux fins du calcul du montant de base de la sanction, les ventes de certaines catégories de produits réalisées sur le marché pertinent – c'est-à-dire le marché défini par l'Autorité préalablement à l'examen des pratiques, afin qu'il lui serve de cadre d'analyse – au motif que ces catégories de produits n'étaient pas en relation avec l'infraction : – dans sa décision n° 12-D-09 du 13 mars 2012 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur des farines alimentaires, après avoir défini le marché pertinent comme « celui de la commercialisation de farine de blé tendre en sachets à destination du grand public en France » (§ 415), elle a uniquement pris en compte la valeur des ventes de farine en sachet « aux seules enseignes du hard discount en France » (§ 890) ; – dans sa décision n° 13-D-03 du 13 février 2013 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur du porc charcutier, après avoir défini le marché pertinent comme « celui de la vente de viande de porc à destination des enseignes de la grande distribution en France » (§ 224), l'Autorité a pris en compte la valeur des seules ventes « réalisées [...] auprès des magasins de l'enseigne Auchan » (§ 431) ; – dans sa décision n° 15-D-04 du 26 mars 2015 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur de la boulangerie artisanale, après avoir défini « le marché concerné par les pratiques [...] comme celui de la commercialisation aux boulangeries artisanales de la farine de blé tendre livrée en vrac ou en conditionnement de plus de 20 kg et des mixes destinés à la production de viennoiserie ou autre pâtisserie vendue en boulangeries à destination d'une consommation effectuée principalement en France » (§ 284), l'Autorité a finalement exclu de la valeur des ventes prise en compte « les mixes destinés à la production de viennoiseries ou de pâtisseries » (§ 367).

861.Mais, par ces décisions, l'Autorité a, en identifiant les catégories de produits ou de services en relation avec l'infraction au regard de l'objet ou des effets anticoncurrentiels des pratiques analysées, procédé de fait à une délimitation du marché concerné par l'entente, qui s'est trouvée être, dans ces trois espèces, plus étroit que le marché pertinent initialement défini. Une fois délimité le marché sur lequel l'entente se déployait, l'Autorité a bien retenu la valeur de l'ensemble des ventes des produits et services réalisées sur ce marché, sans vérifier si ces ventes avaient ou non été affectées par l'entente.

862.Lesdites décisions peuvent d'ailleurs être rapprochées des décisions dans lesquelles l'Autorité ayant été en mesure de définir finement le marché pertinent par référence à une catégorie de produits et/ou de clients, a constaté, à l'issue de son analyse des pratiques, que ce marché était bien celui concerné par l'entente et retenu pour assiette de la sanction l'ensemble des ventes réalisées sur ledit marché (décision n° 12-D-24 du 13 décembre 2012 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur de la téléphonie mobile à destination de la clientèle résidentielle en France métropolitaine, § 373 ; décision n° 13-D-12 du 28 mai 2013 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur de la commercialisation de commodités chimiques, § 586 et 587 ; décision n° 15-D-17 du 30 novembre 2015 relative à des pratiques mises en oeuvre sur le marché de la téléphonie mobile à destination de la clientèle non résidentielle à La Réunion et à Mayotte, § 24 et 84).

863. Ainsi, il ne ressort pas de la pratique décisionnelle de l'Autorité que celle-ci aurait renoncé à prendre en compte la valeur des ventes de produits ou services dont elle aurait constaté qu'ils étaient en relation avec l'infraction, au motif que ces ventes n'avaient pas été affectées par l'infraction.

864.Le choix fait par l'Autorité, tant dans sa pratique décisionnelle que dans son communiqué sanctions, de ne pas prendre en compte le critère de l'affectation des ventes par l'infraction, apparaît justifié.

865.En effet, outre que l'exigence de proportionnalité ne l'impose pas, l'obligation de mettre un tel critère en oeuvre contraindrait l'Autorité, non certes pas à démontrer, pour chaque catégorie de produits ou services, que leurs ventes ont été réellement affectées par l'entente – les requérantes admettant le bien-fondé d'une présomption simple d'« affectation » –, mais à vérifier l'affirmation des entreprises incriminées selon laquelle les ventes de certaines catégories de produits ou services n'ont pas pu être affectées.

Or une telle exigence, en obligeant les services d'enquête de l'Autorité à consacrer un temps important à de telles vérifications, limiterait très sensiblement l'efficacité de son action. À cet égard, la présente affaire illustre parfaitement les dérives qu'entraînerait l'approche défendue par les requérantes : sous couvert de catégories de prestations, celles-ci en arrivent en effet à réclamer la déduction d'une partie du chiffre d'affaires décomposé contrat individuel par contrat individuel.

866.Surtout, ladite obligation priverait largement d'effet dissuasif les sanctions que prononce l'Autorité, puisque chaque entreprise pourrait espérer, en cas de poursuites, voir sa sanction calculée sur la base d'un chiffre d'affaires très inférieur à celui qu'elle réalise sur le marché sur lequel se déroule l'entente. À l'inverse, l'approche retenue par l'Autorité est plus conforme à l'exigence de prévisibilité de la sanction, et donc à son caractère dissuasif, toute entreprise se livrant à des pratiques anticoncurrentielles sur un marché donné étant d'emblée en mesure de savoir que la sanction qu'elle encourt sera, en principe, calculée sur la totalité du chiffre d'affaires qu'elle réalise sur ledit marché.

867.Enfin, si, conformément au principe d'autonomie procédurale, l'Autorité n'est pas liée par les règles de droit de la concurrence de l'Union relatives au calcul des sanctions, la cour juge opportun de souligner que la détermination de la valeur des ventes est arrêtée de la même façon au niveau européen. C'est ainsi que, dans son arrêt LG Display et LG Display Taiwan/Commission, précité, la Cour de justice a approuvé, dans les termes suivants, le Tribunal d'avoir retenu l'ensemble des ventes réalisées sur le marché concerné par l'infraction : « 56. En l'espèce, le Tribunal a donc jugé à bon droit, au point 97 de l'arrêt attaqué, que ‘la possibilité pour la Commission d'inclure dans la valeur des ventes pertinentes aux fins du calcul du montant de l'amende les ventes de LCD cartellisés faites par les requérantes à LGE et à Philips dépend non pas de la question de savoir si ces ventes se faisaient à des prix influencés par l'entente, mais du simple fait que celles-ci étaient réalisées sur un marché affecté par l'existence d'une entente à laquelle les requérantes participaient'. [...] 58. En conséquence, ayant constaté, au point 69 de l'arrêt attaqué, dans le cadre de son appréciation souveraine des faits, sans que les requérantes invoquent la moindre dénaturation, que les ventes de LCD cartellisés effectuées par ces dernières à LGE et à Philips ont été réalisées sur le marché concerné par l'infraction, c'est sans commettre d'erreur de droit que le Tribunal a estimé, aux points 71 et 72 de cet arrêt, que la Commission était en droit de tenir compte desdites ventes pour calculer le montant de l'amende à leur infliger, sans qu'il importe de savoir si LGE et Philips leur ont effectivement payé des prix majorés en raison de l'entente et si elles ont répercuté cette éventuelle majoration sur le prix des produits finis intégrant les LCD cartellisés qu'elles ont vendus aux consommateurs dans l'EEE. 59. Dans ces conditions, le Tribunal n'était tenu ni de préciser les raisons pour lesquelles les ventes desdits LCD réalisées par LGD auprès de LGE et de Philips, en dépit des clauses contractuelles liant LGD à ces dernières dans le cadre de leur accord d'entreprise commune, auraient pu fausser la concurrence sur le marché pertinent, ni d'examiner les preuves fournies par les requérantes à cette fin. […] Contrairement à ce que font valoir les requérantes, le Tribunal n'a, ce faisant, nullement fait prévaloir une présomption irréfragable selon laquelle toutes les ventes réalisées sur le marché pertinent ont été affectées par l'infraction en cause. En revanche, le Tribunal a considéré, par une motivation qui, ainsi qu'il résulte des points 48 à 59 du présent arrêt, n'est entachée d'aucune erreur de droit, que, même en l'absence de toute preuve que les ventes des LCD cartellisés par les requérantes à leurs sociétés mères ont été affectées par cette infraction, ces ventes peuvent néanmoins être prises en compte aux fins du calcul du montant de l'amende à infliger aux requérantes, dès lors qu'elles ont été réalisées sur le marché concerné par l'infraction. [...] » (souligné par la cour).

868.Il s'ensuit que, à supposer établi par l'Autorité que l'ensemble des prestations de messagerie classique et express sont en relation avec le grief n° 2, c'est en vain que les requérantes cherchent à démontrer que telle ou telle catégorie de contrats n'a pas pu être affectée par l'entente, puisque, même à supposer cette preuve rapportée, un tel critère est inopérant.

869.En deuxième lieu, c'est à juste titre que l'Autorité a constaté que l'ensemble des prestations de messagerie classique et express réalisées sur le marché français étaient en relation avec le grief n° 2.

870.À cet égard, il y a lieu de constater qu'une différence fondamentale distingue la présente espèce des décisions de l'Autorité, citées au paragraphe 860 du présent arrêt, dans lesquelles le marché affecté a été délimité par référence à une catégorie de clients. Dans les cas évoqués, l'entente avait été cantonnée par les participants eux-mêmes à la relation entre ces derniers et tel client ou telle catégorie de clients.

871.Rien de tel en l'espèce, où les informations échangées concernaient un aspect de la politique tarifaire générale qu'entendaient suivre les entreprises participantes – le taux de hausse qu'elles souhaitaient obtenir – , sans distinction selon la nature des services ou selon les caractéristiques des clients. Notamment, ce n'est pas parce qu'elles n'envoyaient pas leurs circulaires de hausse tarifaire à leurs clients les plus importants, qu'elles ne s'efforçaient pas, dans les négociations avec ces derniers, de faire passer les taux de hausses qu'elles avaient annoncés lors des réunions du Conseil de Métiers.

872.L'Autorité fait à raison valoir, dans ses observations, que, dès lors que les hausses tarifaires envisagées et échangées par les entreprises de messagerie ne concernaient aucun type de contrat particulier et aucune prestation de messagerie particulière, mais l'ensemble du marché domestique de la messagerie classique et express, la totalité des prestations réalisées sur ce marché était en relation avec l'infraction au sens des points 23 et 33 du communiqué sanctions.

873.C'est donc à juste titre, et dans le strict respect du communiqué sanctions, que l'Autorité a refusé de distinguer selon les clients et/ou les contrats et a retenu le chiffre d'affaires réalisé par chaque entreprise participante sur le marché domestique de la messagerie classique et express.

874.Eu égard aux considérations qui précèdent, ce n'est que de façon surabondante que la cour examinera ci-après les arguments avancés spécifiquement par les requérantes pour chacune des catégories de contrats et/ou de clients dont elles demandent l'exclusion.

875.S'agissant des petits clients, d'une part, aux paragraphes 417 à 420 de la décision attaquée, l'Autorité a relevé que, lors de la campagne tarifaire 2006-2007, certaines entreprises – Schenker-Joyau, Alloin et Gefco – avaient, postérieurement à la réunion du Conseil de Métiers du 28 septembre 2006, demandé à leur clientèle un taux de hausse plus élevé que celui qu'elles avaient annoncé lors de cette réunion, ce dont l'Autorité a justement déduit que les échanges anticoncurrentiels du 28 septembre 2006 avaient produit un effet d'alignement sur le taux le plus élevé annoncé au cours de cette réunion, à savoir celui de la société Graveleau. Dans la mesure où les requérantes s'accordent généralement sur le fait que les hausses figurant dans les circulaires s'appliquaient sans négociation aux petits clients, il apparaît qu'en tout état de cause, les ventes à ces derniers ont bien été en relation avec l'infraction.

876.S'agissant des clients « grands comptes », non destinataires des circulaires de hausse, et des clients « hors cycle », pour lesquels les négociations intervenaient en dehors de la période habituelle de négociation, entre octobre et mars de l'année suivante, ainsi que des clients « atypiques », les négociations que les opérateurs de messagerie engageaient avec eux ne pouvaient pas être totalement déconnectées des prix pratiqués sur le marché à l'égard de tous les autres clients, le constat d'une hausse généralisée des prix favorisant l'acceptation de hausses, y compris par les clients disposant d'un important contre-pouvoir. Il en va de même des relations avec les clients à conquérir (nouveaux clients et ventes au comptant), un environnement marqué par une hausse des prix étant de nature à leur faire accepter, au début de la relation contractuelle ou à l'occasion de chaque vente au comptant, un prix plus élevé que ce qu'il aurait été sans les pratiques.

877.Dès l'instant où les pratiques, en augmentant la transparence du marché, étaient de nature à entraîner des hausses supérieures à ce qu'elles auraient été sans l'entente, elles ont aussi eu pour effet, réellement ou potentiellement, de favoriser artificiellement les entreprises dans leurs négociations avec leurs plus grands clients, leurs clients atypiques et leurs clients « hors cycle », comme avec leurs nouveaux clients et, par voie de conséquence, de renforcer la possibilité de leur faire accepter des taux de hausse plus élevés.

878.S'agissant des clients liés à un opérateur de messagerie par des contrats pluriannuels, la cour relève, d'une part, qu'un nombre certainement important de ces contrats n'ont pu manquer d'arriver à échéance au cours des six années qu'ont duré les pratiques, de sorte que leur renégociation est intervenue au cours et sous l'influence des pratiques. D'autre part, à supposer même que, pour certains de ces contrats pluriannuels, aucune échéance ne soit intervenue pendant la durée de la participation aux pratiques, il convient de constater que, si la société Deutsche Bahn et ses filiales n'avaient pas informé l'Autorité de l'existence de cette entente, dans le cadre d'une demande de clémence, celle-ci se serait poursuivie, de sorte que l'exclusion desdits contrats ne permettrait pas de tenir compte de l'ampleur des pratiques, et notamment de leur vocation à se prolonger.

879.La même observation peut être faite à l'égard des clients n'ayant fait l'objet d'aucune hausse au cours de la durée de participation de l'entreprise à l'entente. Au surplus, il ne peut être exclu que, sans les pratiques, certains de ces clients, dotés d'un fort pouvoir de négociation, auraient pu obtenir des baisses de tarifs, le contexte de hausse les ayant seulement dissuadés d'exiger une baisse.

880.Enfin, la cour constate, plus généralement, que l'entente – dont la cour rappelle qu'elle s'est prolongée de campagne tarifaire en campagne tarifaire pendant environ six années – a en tout état de cause créé un contexte favorable aux hausses, chaque entreprise étant confiante dans le fait que ses concurrents chercheraient, comme elle, à obtenir les taux de hausses communiqués en réunion du Conseil de Métiers, et a donc été de nature à influer sur leur taux dans la relation des entreprises participantes avec l'ensemble de leurs clients.

881.En conclusion, la facilitation des hausses de prix par les pratiques objet du grief n° 2 s'est nécessairement faite sentir sur l'ensemble des ventes réalisées sur le marché de la messagerie classique et express. À tout le moins les requérantes sont-elles impuissantes à rapporter la preuve contraire.

882.En troisième lieu, le reproche fait par les requérantes à l'Autorité de ne pas avoir écarté de la valeur des ventes, d'une part, les options et frais supplémentaires, d'autre part, la surcharge gazole, y compris lorsqu'ils sont payés au titre de contrats ayant été affectés par l'entente, au motif que leur montant serait déterminé indépendamment des circulaires de hausses tarifaires, n'est pas fondé.

883.Une telle exigence ne trouve, là encore, aucun fondement dans le communiqué sanctions et dans la pratique de l'Autorité.

884.En outre, elle n'aboutirait pas seulement à contraindre celle-ci à vérifier, pour chaque contrat, s'il a été réellement affecté par l'entente ou, à l'inverse, s'il peut être exclu qu'il l'ait été, mais irait au-delà encore, en l'obligeant, pour chaque vente de produit ou service appartenant à une catégorie de produits ou services en relation avec l'infraction, à distinguer ceux des éléments constitutifs du prix global de vente qui ont été affectés, qui seuls pourraient entrer dans la valeur des ventes, de ceux qui ne l'ont pas été, qu'il conviendrait d'écarter. Or, pour les raisons déjà exposées aux paragraphes 865 et 866 du présent arrêt, la nécessité de garantir l'efficacité de l'action de l'Autorité, et notamment de ses services d'instruction, ainsi que la prévisibilité et le caractère dissuasif des sanctions qu'elle prononce, s'opposent à un tel degré d'exigence.

885.En dernier lieu, contrairement à ce que soutiennent les sociétés Alloin Holding, Kuehne+Nagel et Kuehne+Nagel International, le périmètre des ventes retenu pour déterminer le montant de base des sanctions reflète exactement l'ampleur économique de l'infraction.

886.Plus généralement, la prise en compte, comme assiette des sanctions, de la valeur de l'ensemble des ventes de produits et services en relation avec l'infraction, n'est pas contraire au principe de proportionnalité des peines. Il convient en effet de rappeler, d'une part, qu'aux fins de déterminer le montant de base de la sanction, il est appliqué à la valeur des ventes retenue un coefficient fixé en fonction de la gravité des faits et du dommage causé à l'économie ainsi qu'un coefficient traduisant la durée de la participation individuelle de chaque entreprise à l'entente, d'autre part, que le montant de base ainsi obtenu peut encore faire l'objet d'une individualisation en fonction des circonstances aggravantes et atténuantes propres à chaque entreprise, et d'ajustements finaux pour tenir compte de ses éventuelles difficultés.

887.Dès lors, c'est à juste titre, et sans encourir aucun des griefs soulevés par les requérantes, que l'Autorité a retenu, au titre de la valeur des ventes, le chiffre d'affaires lié aux prestations de messagerie et de messagerie express sur le territoire français, déduction faite du chiffre d'affaires réalisé lors de prestations internationales – lesquelles ne sont pas en relation avec l'infraction – ainsi que du chiffre d'affaires réalisé lorsque les entreprises ont agi exclusivement comme sous-traitant d'un autre transporteur et du chiffre d'affaires réalisé lors de prestations intragroupe – afin de ne pas prendre deux fois en compte le même chiffre d'affaires.

888.Les moyens précédemment examinés sont en conséquence rejetés (…).

ET AUX MOTIFS ADOPTES DE LA DECISION QUE (…)

1203. En d'autres termes, seule la valeur des ventes de tous les biens ou les services réalisés sur le marché affecté doit être prise en considération afin de déterminer le montant de base de l'amende. En l'espèce, il y a lieu de retenir, pour la valeur des ventes, et comme le prévoit le point 35 du communiqué sanctions, le chiffre d'affaires réalisé par les entreprises en cause dans la commercialisation des services inclus dans le périmètre de la valeur des ventes, en l'espèce le chiffre d'affaires lié aux prestations de messagerie.

1204. Il peut toutefois être déduit de cette valeur des ventes le chiffre d'affaires réalisé lorsque les entreprises agissent exclusivement comme sous-traitant d'un autre transporteur ainsi que le chiffre d'affaires réalisé lors de prestations intragroupe. En effet, ne pas déduire ces deux catégories de prestations reviendrait à prendre en compte deux fois le même chiffre d'affaires des entreprises sous-traitées ou faisant partie d'un même groupe.

1205. Le chiffre d'affaires réalisé lors de prestations internationales peut également être écarté dans la mesure où l'Autorité ne retient que les ventes réalisées en France (point 34 du communiqué sanctions).

1206. Toute autre déduction de la valeur des ventes demandée par les mises en cause, comme le chiffre d'affaires lié aux nouveaux clients, les contrats pluriannuels, le chiffre d'affaires correspondant à des options ou frais supplémentaires, le chiffre d'affaires généré par les clients non destinataires des circulaires, le chiffre d'affaires généré par les petits clients destinataires des circulaires, le chiffre d'affaires généré par les clients n'ayant fait l'objet d'aucune hausse tarifaire pendant l'année, le chiffre d'affaires généré par les clients subissant des hausses plus élevées en raison de la faible rentabilité des contrats, le chiffre d'affaires généré pas les ventes réalisées au comptant, les « commissions » perçues par les transporteurs, le chiffre d'affaires propre à l'affrètement, le chiffre d'affaires généré par les « réseaux dédiés » ne peut être acceptée (…).

1°) ALORS QUE le communiqué du 16 mai 2011, relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires, constitue une directive au sens administratif du terme, opposable à l'Autorité de la concurrence, sauf à ce qu'elle explique, dans la motivation de sa décision, les circonstances particulières ou les raisons d'intérêt général la conduisant à s'en écarter dans un cas donné ; que selon ce communiqué (§36) « l'entreprise ou l'organisme concerné fournit la valeur de ses ventes à l'Autorité, ainsi que l'ensemble des données nécessaires pour lui permettre d'en vérifier l'exactitude » ; qu'en considérant que l'Autorité de la concurrence avait pu valablement estimer, par une motivation générale, qu'il y avait lieu de prendre en compte le chiffre d'affaires lié aux prestations de messagerie commercialisées en France, sans autres déductions que le chiffre d'affaires réalisé en sous-traitance et celui réalisé lors de prestations intragroupes, sans s'expliquer sur les éléments comptables et financiers contraires fournis par les sociétés TNT à la demande des services d'instruction et conduisant à distinguer selon les différents segments de clientèle, ni provoquer un débat contradictoire sur ce point, la cour d'appel a violé l'article L. 464-2 du code de commerce et le communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires, ensemble l'article L. 463-1 du même code ;

2°) ALORS QUE si la valeur des ventes est appréciée sur le marché concerné par l'infraction, la délimitation de celui-ci doit, à ce stade de la procédure, être aussi étroite que possible ; qu'il existe un marché distinct pour chaque segment de clientèle dont les besoins et les attentes de services ne sont pas identiques ; qu'en décidant la contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 464-2 du code de commerce et le communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires ;

3°) ALORS QUE la valeur des ventes est déterminée à partir du marché affecté par les pratiques en cause : qu'en affirmant au contraire qu'il « il ne découle ni du communiqué sanctions ni de la pratique décisionnelle antérieure de l'Autorité que les ventes de produits ou services devraient être « affectées » par l'infraction pour que leur valeur soit prise en compte pour le calcul du montant de base de la sanction » ou encore qu'en décidant de prendre en compte la valeur des ventes de produits ou services « en relation avec l'infraction », l'Autorité aurait exactement fait le choix de ne pas prendre en compte le critère de l'affectation des ventes par l'infraction, la cour d'appel a violé l'article L. 464-2 du code de commerce et le communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires ;

4°) ALORS QUE la valeur des ventes est une notion économique objective permettant de proportionner au cas par cas l'assiette de la sanction à l'ampleur économique de l'infraction et au poids relatif sur le secteur ou le marché concerné de l'entreprise qui y a participé ; qu'en se bornant à expliquer le refus de l'Autorité de la concurrence de déterminer la valeur des ventes à partir de ce critère d'affectation par la prétendue difficulté pour les services d'instruction de procéder à de telles vérifications ou encore par le caractère dissuasif de la sanction, la cour d'appel qui a statué par des motifs impropres à justifier l'exclusion du critère d'affectation pour déterminer la valeur des ventes, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 464-2 du code de commerce et le communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires ;

5°) ALORS QUE la partie du chiffre d'affaires global provenant de la vente des produits qui font l'objet de l'infraction n'est la mieux à même de refléter l'importance économique de cette infraction que si les différentes catégories de clients se trouvent dans une situation comparable ; qu'en refusant de tenir compte des spécificités de chaque segment de clientèle, la cour d'appel a violé l'article L. 464-2 du code de commerce et le communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires ;

6°) ALORS QU'en considérant que, pour déterminer la valeur des ventes, l'Autorité de la concurrence a exactement retenu le chiffre d'affaires réalisé par chaque entreprise participante sur le marché domestique de la messagerie classique et express quand il ressort des constatations propres et adoptées de l'arrêt attaqué que l'Autorité de la concurrence a déduit de cette valeur des ventes les ventes intra-groupes, la sous-traitance et les ventes internationales, ce qui suffit à démontrer que la référence à ce marché ne correspond pas à la réalité économique de l'infraction, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé l'article L. 464-2 du code de commerce et le communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires ;

7°) ALORS QUE la valeur des ventes est une notion économique objective permettant de proportionner au cas par cas l'assiette de la sanction à l'ampleur économique de l'infraction et au poids relatif sur le secteur ou le marché concerné de l'entreprise qui y a participé ; qu'en se bornant, pour refuser d'exclure de la valeur des ventes, les comptes des petits clients de la société TNT, à affirmer de manière générale que les requérantes s'accordent généralement sur le fait que les hausses figurant dans les circulaires s'appliquaient sans négociation aux petits clients, si bien que ces ventes ont bien été en relation avec l'infraction, sans rechercher si la situation individuelle de TNT ne devait pas être distinguée de celle de la majorité des autres entreprises, dans la mesure où les hausses tarifaires appliquées par la société TNT aux petits clients sans négociation entraient en vigueur avant les réunions du TLF, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 464-2 du code de commerce et du communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires ;

8°) ALORS QUE la valeur des ventes est une notion économique objective permettant de proportionner au cas par cas l'assiette de la sanction à l'ampleur économique de l'infraction et au poids relatif sur le secteur ou le marché concerné de l'entreprise qui y a participé ; qu'en considérant, pour refuser d'exclure les ventes au comptant ou au comptoir ainsi que les ventes « clients grand compte » du montant de base de la sanction, que la seule référence à un environnement marqué par une hausse des prix pouvant être de nature à leur faire accepter un prix plus élevé que ce qu'il aurait été sans les pratiques, suffit à établir une relation des ventes au comptant avec l'infraction quand le juge de la concurrence était tenu de se livrer à un contrôle concret du lien existant entre les hausses des prix constatés sur chacune de ces ventes et l'infraction, la cour d'appel a violé l'article L. 464-2 du code de commerce et le communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires ;

9°) ALORS QU'en se bornant à justifier le refus de l'Autorité de la concurrence d'écarter de la valeur des ventes les options et frais supplémentaires ainsi que la surcharge gazole, par « la nécessité de garantir l'efficacité de l'action de l'Autorité, et notamment de ses services d'instruction, ainsi que la prévisibilité et le caractère dissuasif des sanctions qu'elle prononce », la cour d'appel qui a statué par des motifs impropres à justifier une telle exclusion de la valeur des ventes, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 464-2 du code de commerce et le communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires ;

10°) ALORS QU'en justifiant le refus de l'Autorité de la concurrence d'écarter de la valeur des ventes certaines catégories de ventes ou de frais par « la nécessité de garantir l'efficacité de l'action de l'Autorité, et notamment de ses services d'instruction, ainsi que la prévisibilité et le caractère dissuasif des sanctions qu'elle prononce », tout en constatant que le montant de base peut aussi « faire l'objet d'une individualisation en fonction des circonstances aggravantes et atténuantes propres à chaque entreprise, et d'ajustements finaux pour tenir compte de ses éventuelles difficultés », ce dont il résulte que le montant de base n'est pas le seul élément de la sanction permettant de rendre celle-ci efficace et dissuasive, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations a violé l'article L. 464-2 du code de commerce, ainsi que le communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires ;

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir infligé à la société TNT Express France, solidairement avec la société TNT Express NV au titre des pratiques visées à l'article 2 de la décision n° 15-D-19 de l'Autorité de la concurrence (grief n° 2) une sanction de 54.317.000 euros ;

AUX MOTIFS QUE

1004.À titre liminaire, la cour constate que l'Autorité, qui a apprécié l'importance du dommage causé à l'économie aux paragraphes 1240 à 1294 de la décision attaquée, a motivé son analyse à suffisance de droit.

– Sur l'ampleur des pratiques

1005.La cour souligne que l'exploitation de données chiffrées provenant de revues professionnelles est une pratique habituelle qui n'est pas, en tant que telle contestable. Le recours fait par l'Autorité aux données figurant dans la revue Logistiques Magazine, relatives aux chiffres d'affaires et aux parts de marché des principales entreprises du secteur de la messagerie, doit donc être approuvée. Par ailleurs, le fait que ces données portent sur l'année 2008, alors que l'année de référence était 2009, est sans conséquence, dès lors qu'aucune des requérantes n'a soutenu ou, en tout état de cause, n'a démontré qu'entre 2008 et 2009, ses parts de marché auraient significativement évolué, à la hausse ou à la baisse, ou que le marché total se serait significativement élargi ou rétréci.

1006.Quant à la cohérence des chiffres figurant dans la revue Logistiques Magazine, exploités par l'Autorité pour apprécier l'ampleur des pratiques, il y a lieu de constater, d'une part, que celle-ci a arrondi les pourcentages de parts de marché au dixième ou centième, et les chiffres d'affaires au million ou à la centaine de milliers d'euros, de sorte que le recalcul du marché total à partir de ces données conduit nécessairement, selon l'entreprise dont les chiffres sont pris en compte, à une taille de marché totale différente, sans que les divergences en découlant soient significatives.

1007.D'autre part, il est exact que, au-delà des effets d'arrondis, des approximations doivent être constatées dans les chiffres fournis par la revue Logistiques Magazine. Toutefois, elles ne remettent pas en cause l'ordre de grandeur du marché total et de la part de marché cumulée détenue par les participants à l'entente. Suivant le tableau présenté par la société Geodis (observations complémentaires, § 320), le recalcul du marché total à partir des données individuelles propres à chaque entreprise aboutit toujours, à trois exceptions près, au même ordre de grandeur, autour de 8,5 milliards d'euros. Les seules exceptions à la constatation qui précède concernent les données relatives aux sociétés Gefco, Dachser et Tatex, à partir desquelles le recalcul du marché global aboutit respectivement à 8,895 milliards, 7,566 milliards et 7,059 milliards. Mais ces déviations à la hausse et à la baisse, qui ne concernent que trois entreprises, et se compensent partiellement, ne remettent pas en cause l'exactitude de l'appréciation globale.

1008.Par ailleurs, pour démontrer l'inexactitude des chiffres d'affaires des entreprises fournis par la revue Logistiques Magazine, la société Geodis a comparé ces chiffres d'affaires avec la valeur des ventes prise en compte pour la détermination de la sanction. Or une telle façon de procéder est à l'évidence erronée, dans la mesure où l'Autorité a déduit du chiffre d'affaires de chacune des entreprises sanctionnées, celui réalisé lorsque les entreprises agissent comme sous-traitant d'un autre transporteur et celui réalisé lors des prestations intragroupe. La comparaison ainsi opérée ne pouvait donc qu'aboutir au constat que la valeur des ventes retenue par l'Autorité était inférieure au chiffre d'affaires indiqué dans la revue Logistiques Magazine.

1009.L'argumentation des sociétés DHL, DHL Holding (France) et Deutsche Post, qui souffre des mêmes biais, doit être pareillement écartée.

1010.Par ailleurs, même à supposer établie l'inexactitude, alléguée par les mêmes sociétés, des données concernant la société DHL qui figurent dans les tableaux 4 et 6, sous les paragraphes 38 et 43 de la décision attaquée, la cour constate que ces tableaux, établis à partir d'une étude du cabinet Xerfi de février 2011 relative au secteur de la messagerie et du fret express (cotes 47662 à 47765) (ci-après l'« étude Xerfi de février 2011 »), n'avaient pas pour finalité d'établir la part de marché cumulée détenue par les participants à l'entente, et n'ont d'ailleurs pas été exploités à cette fin.

1011.Dès lors, les requérantes échouent à remettre en cause le constat que le marché total était de 8,5 milliards et les parts de marché cumulées des participants à l'entente (hors international) de 87 % de ce marché en 2008 (décision attaquée, § 20).

1012.Quant à la société BMVirolle, elle ne précise pas comment elle parvient à une part de marché cumulée des participants à l'entente «
dépass[ant] rarement 60 % ».

1013.La cour considère donc comme exacte l'évaluation que l'Autorité a faite, au paragraphe 1246 de la décision attaquée, de la part de marché cumulée qu'ont représentée, pour chacune des campagnes tarifaires, les participants à l'entente.

1014.Cette part de marché cumulée a été supérieure à 75 % pendant quatre des sept campagnes (2005-2006 à 2008-2009), culminant à 87 % au cours des campagnes 2006-2007 et 2007-2008, ce qui permet de qualifier les pratiques de grande ampleur.

1015.Il est certes vrai que, pour les campagnes 2004-2005, 2009-2010 et 2010-2011, la part de marché cumulée qu'a représentée l'entente était plus faible, ce qui a nécessairement eu un effet sur l'aptitude des participants à passer des hausses de prix élevées. Par ailleurs, la variation du nombre de participants a affecté la capacité de l'entente à se maintenir (« sustainability »), la cour relevant toutefois que cette variation a été beaucoup plus faible pendant les campagnes 2005-2006 à 2008-2009. Ces constatations ne remettent toutefois pas en cause la validité de l'analyse de l'Autorité, prise dans sa globalité, quant à l'ampleur des pratiques.

Sur les caractéristiques économiques du secteur concerné 1016. Afin d'apprécier l'importance du dommage causé à l'économie, il y a lieu de prendre en compte les caractéristiques économiques objectives du secteur en cause, dans la mesure où ces dernières sont de nature à avoir une influence sur les conséquences conjoncturelles ou structurelles des pratiques. En l'espèce, il convient d'apprécier successivement l'existence de barrières à l'entrée, l'élasticité-prix de la demande et le contre-pouvoir des distributeurs.

1017.Au préalable, il convient d'écarter les arguments pris de ce que le secteur de la messagerie classique et express – que l'Autorité a justement retenu, à l'issue d'une analyse suffisante, comme le marché pertinent – serait un marché si atomisé, ou du moins si fragmenté, qu'en découlerait l'absence de risque d'effets négatifs sensibles sur la concurrence.

1018.D'une part, il ressort de l'étude Xerfi de février 2011, qu'en 2009, les dix principales entreprises du secteur de la messagerie classique (« top 10 ») détenaient 70 % de ce marché, et que les dix principales entreprises du secteur de la messagerie express détenaient 80 % de ce marché (cote 47715). Le postulat de départ d'un marché atomisé, ou très fragmenté, est donc faux. Au surplus, ainsi que l'Autorité l'a souligné au paragraphe 1249 de la décision attaquée, les quatre principales entreprises, membres de l'entente, représentaient, en 2008, 50,6 % du marché et les huit principaux membres de l'entente – Geodis, Geopost, DHL, TNT, Mory, Dachser, Heppner et GLS – plus de 71 % du marché, les entreprises extérieures à l'entente, y compris celles d'envergure nationale, représentant donc au mieux 29 % de la totalité du marché en 2008.

1019.D'autre part, le fait que l'indice Herfindahl-Hirschmann (« IHH ») des dix premières entreprises du secteur était inférieur à 1000 en 2008 (décision attaquée, § 1248) ne permet nullement de contester la possibilité d'un effet des pratiques sur les prix. En effet, l'indice Herfindahl-Hirschmann est utilisé dans les opérations de concentration pour apprécier le degré de concentration du marché ; il ne s'agit donc pas d'un outil permettant de conclure qu'une collusion serait plus ou moins susceptible d'engendrer des effets sur les prix. En outre, si, selon les lignes directrices de l'Autorité relatives au contrôle des concentrations, « il est peu probable qu'une opération soulève des problèmes de concurrence horizontaux sur un marché dont l'IHH à l'issue de la concentration sera inférieur à 1 000 », un tel constat postule un fonctionnement du marché respectueux des règles de concurrence. Or, en l'espèce, les entreprises mises en cause se sont exonérées de ces règles en mettant en oeuvre l'entente incriminée.

1020.L'existence de barrières à l'entrée n'est pas sérieusement contestée par les requérantes, qui, au demeurant, reconnaissent qu'hormis la société Colizen, acteur de dimension locale, aucun nouvel opérateur n'est apparu pendant le temps des pratiques. À cet égard, il est indifférent qu'un nouvel opérateur puisse entrer sur le marché par le biais d'acquisition d'entreprises déjà établies, une telle opération n'augmentant pas l'offre sur le marché. Il est certes plus facile de construire ex nihilo un réseau local plutôt que national, mais un nouvel opérateur local est bien moins en mesure de concurrencer les participants à une entente – a fortiori quand la plupart d'entre eux sont à la tête d'un réseau national, comme en l'espèce – qu'un opérateur de dimension nationale. Par ailleurs, l'Autorité ayant relevé la rentabilité très faible, voire négative, qui caractérise le secteur de la messagerie (décision attaquée, § 24), situation rendant plus difficile l'entrée sur le marché d'un nouvel opérateur, les requérantes ne sauraient lui reprocher de ne pas avoir apprécié l'existence de barrières à l'entrée par rapport à la profitabilité attendue du secteur. Enfin, l'existence de surcapacités n'est pas de nature à remettre en cause le constat de barrières à l'entrée, de telles surcapacités étant en revanche de nature à dissuader un nouvel opérateur d'entrer.

1021.En revanche, l'Autorité n'a pas tenu pleinement compte de ce que les barrières à l'expansion, à savoir la capacité d'un opérateur déjà présent sur le marché à conquérir des parts de marché supplémentaires, n'étaient pas significatives. Un tel constat découle naturellement de l'existence de surcapacités structurelles, du caractère relativement homogène des prestations fournies par les entreprises de messagerie, du fait que les contrats sont facilement résiliables et les coûts de changement de fournisseurs limités (décision attaquée, § 1250, 1251, 1259 et 1260). Il convient toutefois de relativiser la possibilité pour les opérateurs extérieurs à l'entente de détourner à leur profit une partie de la clientèle des participants à l'entente compte tenu, d'une part, de l'ampleur de l'entente, notamment lors des campagnes 2005-2006 à 2008-2009, d'autre part, du fait qu'un grand nombre des entreprises extérieures à l'entente étaient de toutes petites entreprises (décision attaquée, § 21) et à ce titre aptes à ne satisfaire qu'une infime partie des besoins des grands clients.

1022.Le constat d'une faible élasticité-prix de la demande n'est pas utilement combattu par les requérantes.

1023.La cour rappelle que l'Autorité s'est fondée sur une étude du cabinet Xerfi d'octobre 2013 relative au secteur de la messagerie et du fret express (ci-après l' « étude Xerfi d'octobre 2013 »), d'où il ressort notamment que l'industrie manufacturière est le premier débouché de la profession et que les industries de biens d'équipement, de biens intermédiaires et de biens de consommation ont régulièrement recours aux services des sociétés de messagerie dans le cadre de leur stratégie d'externalisation, de sous-traitance et de gestion des stocks en flux tendus (cote 57409). Elle a pu déduire de ces caractéristiques du marché de la messagerie l'impossibilité pour les clients, et notamment les plus grands – dont la cour a déjà indiqué qu'ils étaient également concernés par les pratiques, même lorsqu'ils n'étaient pas destinataires des circulaires de hausse tarifaire –, de se passer des services des entreprises de messagerie et, en conséquence, la faible élasticité-prix de cette demande. Par ailleurs, ainsi que le souligne l'étude Xerfi d'octobre 2013 (cote 57409), le développement de l'ecommerce a ouvert, depuis déjà plusieurs années, d'immenses perspectives aux entreprises de messagerie, le recours à leurs services apparaissant incontournable.

1024.En revanche, l'Autorité n'a pas suffisamment pris en compte l'élasticité-prix croisée, en cantonnant son analyse aux services proposés par les membres de l'entente (décision attaquée, § 1256 et 1257 de la décision attaquée), alors que la question se posait également de savoir dans quelle mesure les clients des participants à l'entente étaient susceptibles de se tourner vers les services proposés par des entreprises de messagerie extérieures à l'entente. Certes, l'Autorité fait valoir à juste titre que, eu égard à son ampleur, l'entente a pu réduire la possibilité pour les clients-chargeurs de recourir à des prestataires hors entente et proposant une offre similaire (décision attaquée, § 1265), mais la cour considère qu'eu égard aux caractéristiques du secteur, cette éventualité restait importante ; en effet, l'Autorité a elle-même souligné que, outre l'existence de surcapacités structurelles, les prestations fournies par les entreprises de messagerie sont relativement homogènes, le nombre d'opérateurs élevé, les contrats facilement résiliables et les coûts de changement de fournisseurs limités, et que le secteur se caractérise d'ailleurs par une certaine volatilité de la clientèle (décision attaquée, § 1259 et 1260). Mais, pour les raisons déjà exposées, il convient de relativiser la possibilité pour les opérateurs extérieurs à l'entente de détourner à leur profit une partie de la clientèle des participants à l'entente. La cour relève notamment que, s'agissant la société UPS, seul opérateur d'envergure ayant été absent de l'ensemble des pratiques (cote 47739), il ressort de l'étude Xerfi de février 2011, que cette société reconnaissait disposer d'un réseau insuffisant en France pour assurer partout des livraisons express en J+1 avant 8h ou 9h (cote 47723). Aussi est-ce à juste titre que l'Autorité a constaté, au paragraphe 1246 de la décision attaquée, que la société UPS ne représentait pas à l'époque des pratiques une alternative crédible pour les clients chargeurs.

1025.S'agissant du contre-pouvoir des clients, l'Autorité a, par une motivation suffisante que la cour adopte, constaté que le secteur de la messagerie était relativement peu concentré – même si elle a à juste titre rappelé que cette caractéristique était partiellement compensée par l'ampleur de l'entente, à laquelle appartenaient nombre des entreprises de dimension nationale –, retenu l'existence de surcapacités structurelles sur ce marché à l'époque des pratiques et admis l'existence d'un contre-pouvoir de négociation réel des clients des entreprises de messagerie – qualifié de « significatif » dans le chef des grands clients, qui représentent 80 % du chiffre d'affaires des entreprises de messagerie, mais de « très limité, voire nul » dans le chef des petits clients qui n'en représentent que 20 % –, compte tenu notamment de leur capacité à changer rapidement de prestataire.

1026.Le reproche fait par plusieurs requérantes à l'Autorité d'avoir ignoré ou insuffisamment pris en compte ces caractéristiques, apparaît injustifié, l'Autorité ayant expressément conclu qu'elles avaient pu inciter, au moment des négociations avec leur clientèle, les membres de l'entente à dévier des revalorisations tarifaires annoncées et ainsi limiter l'ampleur des hausses de prix finalement mises en oeuvre.

1027.Certes, l'argument invoqué par l'Autorité, selon lequel le pouvoir de négociation des grands clients serait limité au motif que chacun d'eux ne représente individuellement qu'une part relativement faible du chiffre d'affaires d'une entreprise de messagerie, est légitimement critiqué par les requérantes, dans la mesure où la politique tarifaire d'une entreprise est susceptible d'avoir les mêmes effets sur l'ensemble des clients présentant les mêmes caractéristiques. Cela ne remet toutefois pas en cause l'analyse de l'Autorité, considérée dans sa globalité.

1028.Enfin, s'agissant des paramètres, que les sociétés Dachser et Dachser Group SE & Co. reprochent à l'Autorité de ne pas avoir pris en considération, ils ne sont pas pertinents. La forte hétérogénéité de la demande est établie, mais les hausses tarifaires envisagées et échangées par les entreprises de messagerie ne concernaient aucun type de contrat particulier et aucune prestation de messagerie particulière, mais l'ensemble du marché domestique de la messagerie classique et express. La saisonnalité de la demande n'est pas non plus contestée (décision attaquée, § 1720), mais, d'une part, elle n'a pu influencer qu'à la marge les négociations, dans la mesure où, ainsi qu'il résulte des constatations de l'Autorité (décision attaquée, § 58), le calendrier et le processus de revalorisation étaient très similaires d'une entreprise à l'autre, le cycle de négociation intervenant de septembre – parfois octobre ou novembre – à mars de l'année suivante et les prix étant fixés pour l'année entière, voire, pour les contrats pluriannuels, pour plusieurs années ; d'autre part, dans un contexte de très faible rentabilité des entreprises, l'intérêt à long terme que représentait l'entente a pu contrebalancer la tentation d'une déviation lors des pics de demande, ce que la durée de l'entente est de nature à confirmer. Quant au déclin allégué du marché, il ne ressort nullement de l'évolution des chiffres d'affaires des entreprises du secteur : si la crise mondiale débutant en 2007 a effectivement entraîné un fort recul en 2008 et surtout 2009 – respectivement quatre et cinq ans après le début des pratiques –, les chiffres d'affaires sont ensuite repartis à la hausse ; de plus, la vente à distance n'a jamais cessé de progresser (décision attaquée, § 16 à 18). Enfin, l'hétérogénéité des tarifs n'a pas empêché les entreprises de se communiquer les hausses déjà adressées à leur clientèle ou qu'elles envisageaient de lui adresser. – Sur les conséquences conjoncturelles des pratiques

1029.La cour a déjà constaté que, nonobstant l'absence de fixation en commun d'un même taux de hausse tarifaire, les échanges anticoncurrentiels sur les taux de hausse adressés à la clientèle, en renforçant la transparence du marché, et notamment en donnant aux participants l'assurance que leurs concurrents mèneraient la même politique agressive de hausse des prix qu'eux, avaient été, d'une part, de nature à les inciter à demander des taux de hausse plus élevés et avaient renforcé, d'autre part, leur position dans la négociation des hausses avec les clients. L'ensemble des arguments des requérantes visant à mettre de nouveau en doute ces constatations seront donc écartés.

1030.Ni le caractère agrégé des informations échangées, ni le fait qu'elles portaient uniquement sur des taux de hausse, ni l'absence d'échanges et de contrôle sur la teneur des négociations individuelles de chaque entreprise avec ses clients ne sont de nature à démontrer que l'entente n'aurait pu avoir qu'un effet potentiellement limité.

1031.D'abord, ainsi que la cour l'a relevé au paragraphe 584 du présent arrêt, les taux de hausse arrêtés au début du cycle de revalorisation tarifaire et adressés à la clientèle par circulaire étaient le seul élément sur lequel il était possible de mettre en place une coordination entre concurrents. Ensuite, les contrats aussi étaient agrégés, notamment dans les circulaires de hausse tarifaire adressées annuellement aux clients, ce qui n'empêchait pas ces circulaires d'être une étape essentielle de l'évolution des prix pour toutes les entreprises de messagerie. Enfin, ainsi qu'il a déjà été relevé à plusieurs reprises, le taux de hausse annoncé dans la circulaire annuelle était, pour les petits clients (20 % du chiffre d'affaires en moyenne) le taux appliqué. Pour les clients disposant d'un pouvoir de négociation (80 % du chiffre d'affaires en moyenne), ce taux était à la fois le point de départ de la négociation et le plafond de hausse que pouvait espérer l'entreprise ; dès lors, dans le contexte d'une entente ayant incité les entreprises à demander un taux de hausse plus élevé et leur ayant donné un avantage dans la négociation grâce à la connaissance de la politique tarifaire des concurrents, l'absence de système organisé de surveillance, et encore moins de police sur l'étape des négociations individuelles (décision attaquée, § 1239), n'était pas de nature à empêcher que les échanges incriminés produisent un effet à la hausse sur les prix négociés avec ces clients. La cour relève qu'au demeurant, les entreprises veillaient conjointement au résultat desdites négociations, au travers des réunions de suivi qui avaient lieu chaque année à la fin du cycle de négociations, la prolongation de l'entente dans le temps étant de nature à confirmer que les participants constataient un effet sur les prix effectivement appliqués après négociations.

1032.Pour autant, ainsi que l'Autorité l'a expressément reconnu, l'absence de surveillance des prix effectivement négociés combinée au contrepouvoir des clients, n'a pu que limiter les taux de hausse que les entreprises mises en cause ont finalement pu faire passer, étant de nouveau rappelé qu'un tel effet n'a pas pu se produire à l'égard des petits clients, pour lesquels le taux annoncé dans la circulaire annuelle de hausse tarifaire était le taux appliqué.

1033.Il se déduit de l'ensemble des éléments d'appréciations analysés dans les développements qui précèdent, que les échanges anticoncurrentiels ont eu nécessairement un effet à la hausse sur les prix. Le fait que, pour les clients dotés d'un pouvoir de négociation, les hausses appliquées étaient systématiquement inférieures aux hausses demandées n'est pas de nature à infirmer ce constat, puisque l'effet de l'entente ne se mesure pas à la différence entre la hausse demandée et la hausse obtenue, mais entre la hausse obtenue dans le cadre de l'entente et celle qui aurait été obtenue en l'absence d'entente.

1034.C'est en vain qu'il est reproché à l'Autorité de ne pas avoir procédé à une étude économétrique sur les conséquences conjoncturelles, celle-ci pouvant mesurer ces conséquences à partir d'une analyse de la nature et l'ampleur de l'infraction ainsi que du contexte dans lequel elle se déploie et des caractéristiques économiques objectives du secteur concerné.

1035.C'est également à tort que les requérantes reprochent à l'Autorité de ne pas avoir pris en considération les cinq études économétriques produites par les sociétés Gefco, GLS, TNT, Chronopost et Exapaq, ainsi que Dachser visant à estimer le surprix causé par les pratiques.

1036.Pour évaluer le dommage causé à l'économie par une entente, des données de prix agrégées doivent naturellement être privilégiées. Or, toutes les études économétriques versées par ces six requérantes se fondent sur les données propres à l'entreprise qui a commandé l'étude. En l'espèce, l'extrapolation à l'ensemble du marché des résultats obtenus à partir des données individuelles de six entreprises seulement, ne peut avoir qu'une valeur très limitée.

1037.Cette extrapolation paraît d'autant moins légitime que, ainsi que l'Autorité l'a exactement souligné, au paragraphe 1294 de la décision attaquée, l'ensemble de ces études ne couvre, en moyenne, que 39 % de l'activité cumulée de tous les participants à l'entente, part encore diminuée à 31 % si sont prises en compte les limites des données utilisées par les études produites par les sociétés TNT et Gefco.

1038.Au surplus, si les cinq études ont toutes fait le choix de la méthode « avant-après » – l'étude produite par la société TNT proposant en outre une évaluation du surprix à partir de la méthode de la « double différence » –, l'interprétation globale de leurs résultats est biaisée par l'inclusion, dans certaines d'entre elles, d'une période affectée par l'entente dans la période contrefactuelle. En effet, dans leur étude, les entreprises Chronopost et Exapaq, devenue DPD, ont notamment retenu pour contrefactuel la période de septembre 2004 à septembre 2005 où, certes, elles n'étaient pas encore parties à l'entente, mais où l'entente était déjà active.

1039.L'Autorité n'a donc pas commis d'erreur en considérant qu'il y avait lieu d'écarter les estimations économétriques de surprix proposées par les sociétés Gefco, GLS, TNT, Chronopost et Exapaq, ainsi que Dachser.

1040.La cour relève qu'en tout état de cause, hormis l'étude produite par la société GLS, qui estime aboutir à des coefficients non statistiquement significatifs et refuse de se prononcer, toutes les autres aboutissent à des résultats très similaires, concluant de façon convergente à l'existence d'un surprix causé par les pratiques compris entre 0 % et 1,9 %. Aussi, et comme l'Autorité l'a constaté au paragraphe 1294 de la décision attaquée, l'effet des pratiques sur les prix, quoique limité, s'en trouve confirmé.

1041.La société Geodis a également produit une étude économétrique, visant à estimer, au travers de deux mesures, le taux de transformation (« pass-through ») et le taux de remise, l'effet des pratiques sur son pouvoir de négociation vis-à-vis des clients qui négocient la révision de leurs tarifs. Mais une telle analyse a nécessairement pour point de départ le taux de hausse figurant dans les circulaires de hausse tarifaire. Dès lors, si ce taux a atteint un niveau supérieur à ce qu'il aurait été en l'absence des pratiques, les taux effectivement appliqués après négociations sont susceptibles d'être supra-concurrentiels, quand bien même les clients obtiendraient, pendant l'entente, des remises plus importantes qu'après la fin des pratiques. Or la cour a déjà constaté que les taux de hausse fixés dans les circulaires avaient été influencés à la hausse par les pratiques. Aussi ladite étude apparaît-elle dépourvue de pertinence.

Conclusion sur la proportion de la valeur des ventes à prendre en compte 1042.En conclusion, la cour juge que c'est à juste titre que l'Autorité a considéré, au paragraphe 1295 de la décision attaquée, que le dommage causé à l'économie par les pratiques était certain, mais qu'il avait été limité, notamment par le contre-pouvoir de négociation des grands clients, qui représentent en moyenne 80 % du chiffre d'affaires des entreprises de messagerie. À cet égard, le fait que, faute d'une analyse suffisante des barrières à l'expansion et de l'élasticité-prix croisée, l'Autorité n'a pas pleinement pris en compte la possibilité pour les opérateurs extérieurs à l'entente de détourner à leur profit une partie de la clientèle des participants à l'entente, ne conduit pas la cour à porter une appréciation globale différente de la sienne, l'Autorité ayant déjà admis que le dommage à l'économie avait été limité.

1043.Quant à la gravité des pratiques, la cour rappelle que leur appartenance à la catégorie des ententes horizontales portant sur les prix, qui constituent les infractions les plus graves aux règles de concurrence, justifiait, en principe, aux termes du point 41 du communiqué sanctions, de retenir, pour le calcul du montant de base de la sanction, un pourcentage de la valeur des ventes d'au moins 15 %. Toutefois, et eu égard aux circonstances particulières de l'espèce, tenant notamment à l'absence de fixation en commun d'un même taux de hausse et à l'absence de mécanisme de surveillance de l'étape des négociations avec la clientèle, l'Autorité a, à juste titre, renoncé à appliquer un tel pourcentage. Pour autant, la nécessité de dissuader les entreprises de manipuler directement ou indirectement les prix reste entière.

1044.Dans ces conditions, la cour considère que l'Autorité a fait une exacte appréciation de la gravité des faits et du dommage à l'économie en retenant un pourcentage de 9 % de la valeur retenue comme assiette de la sanction.

d) Sur la prise en compte de la durée des pratiques.

1045.Aux termes du point 42 du communiqué sanctions, dans le cas des infractions qui se sont prolongées plus d'une année, leur durée est prise en considération selon les méthodes suivantes. La proportion de la valeur des ventes retenue est appliquée, au titre de la première année complète de participation de chaque entreprise ou organisme en cause à l'infraction, à la valeur des ventes réalisées pendant l'exercice comptable de référence, et, au titre de chacune des années suivantes, à la moitié de cette valeur.

Au-delà de la dernière année complète de participation à l'infraction, la période restante est prise en compte au mois près, dans la mesure où les éléments du dossier le permettent.

1046.Cette méthode se traduit par un coefficient multiplicateur, défini proportionnellement à la durée individuelle de participation de chacune des entreprises aux pratiques, et appliqué à la proportion de la valeur des ventes effectuées par chacune d'entre elles pendant l'exercice comptable retenu comme référence.

1047.Afin de garantir l'individualisation et la proportionnalité des sanctions en l'espèce, il y a lieu de déterminer la durée de participation aux infractions de chacune des entreprises concernées (…).

1053.La cour constate, en tant que de besoin, que les autres requérantes ne contestent pas le coefficient de durée qui leur a été appliqué par l'Autorité. e) Sur l'abattement au titre de la participation inégale au grief n° 2

1054.Aux paragraphes 1301 à 1305 de la décision attaquée, réunis sous le titre « La prise en compte de la participation inégale selon les entreprises », l'Autorité a accordé aux sociétés Norbert Dentressangle Distribution – devenue XPO –, Transports Henri Ducros, Ziegler, Chronopost, Exapaq – devenue DPD –, Ciblex, Normatrans, FedEx, TNT et GLS, un abattement de 10 % sur le montant de base de leur amende respective au motif que ces sociétés, si elles avaient participé aux réunions anticoncurrentielles du Conseil de Métiers, n'avaient en revanche participé à aucun des contacts bilatéraux ou multilatéraux qui ont complété et renforcé les pratiques concertées.

1055.Même si cet abattement a été accordé sur la base de ce critère exclusif, il ne fait aucun doute, à la lecture de la décision attaquée, que l'Autorité a considéré qu'en l'accordant, elle épuisait la question de l'individualisation de la sanction au titre de l'inégale participation des entreprises au grief n° 2.

1056.Plusieurs entreprises reprochent à l'Autorité d'avoir manqué à son obligation d'individualisation des sanctions en ne prenant pas en considération, comme elle l'aurait dû, d'autres critères de mesure de l'intensité de leur participation aux pratiques (…).

1125.En dernier lieu, la cour constate que l'Autorité n'a nullement reproché à tout ou partie des entreprises participant aux réunions du Conseil de Métiers, de n'avoir arrêté leur taux de hausse qu'au cours de ces réunions et en fonction des échanges avec leurs concurrents. Certes, aux paragraphes 417 à 420 de la décision attaquée, l'Autorité a relevé que, lors de la campagne tarifaire 2006-2007, certaines entreprises – Schenker-Joyau, Alloin et Gefco – avaient, postérieurement à la réunion du Conseil de Métiers du 28 septembre 2006, demandé à leur clientèle un taux de hausse plus élevé que celui qu'elles avaient annoncé lors de cette réunion, ce dont l'Autorité a justement déduit que les échanges anticoncurrentiels du 28 septembre 2006 avaient produit un effet d'alignement sur le taux le plus élevé annoncé au cours de cette réunion, à savoir celui de la société Graveleau. Mais cette circonstance, qui aurait pu être retenue à titre de circonstance aggravante à l'égard de ces entreprises, ne saurait justifier de considérer comme une circonstance atténuante le fait d'avoir arrêté avant les réunions du Conseil de Métiers le taux de hausse annoncé lors de ces réunions, puisque toutes les entreprises mises en cause sont dans ce cas (…).

QUE concernant la société TNT

1128.Les sociétés TNT et TNT Express NV font valoir que l'Autorité a l'obligation de prendre en compte, au stade de la détermination des sanctions, tout élément d'individualisation pertinent et rappelle que telle est la pratique décisionnelle constante de l'Autorité (décision n° 14-D-19 du 18 décembre 2014 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur des produits d'entretien et des insecticides et dans le secteur des produits d'hygiène et de soins pour le corps).

1129.Elles soutiennent que, nonobstant l'abattement de 10 % sur le montant de base de la sanction accordé à la société TNT, l'Autorité n'a pas suffisamment individualisé la sanction infligée à cette société.

1130.En premier lieu, les requérantes font valoir que la société TNT a moins participé aux échanges incriminés que d'autres entreprises mises en cause.

1131.Sur les cinquante-cinq échanges recensés par la notification des griefs entre 2004 et 2010, cette société n'aurait participé qu'à seize échanges, soit un taux de participation inférieur à 30 %. S'agissant des seules réunions du Conseil de Métiers, elle n'aurait participé qu'à seize d'entre elles, sur un total de vingt-quatre réunions incriminées.

1132.Dès lors, l'octroi d'un même abattement de 10 % à la société TNT et à des entreprises ayant davantage participé aux échanges violerait l'obligation d'individualisation des sanctions.

1133.En deuxième lieu, les requérantes considèrent que, dans la décision attaquée, l'Autorité a identifié quatre principaux éléments permettant de qualifier la gravité des pratiques sanctionnées au titre du grief n° 2 : le caractère futur des informations échangées ; l'affectation du taux de hausse tarifaire – base de l'ensemble du processus de négociation – par les échanges d'informations ; le placement des transporteurs dans une meilleure position de négociation vis-à-vis de leurs clients, en raison de leur connaissance du taux de revalorisation annuelle envisagé par leurs concurrents ; enfin, l'accroissement de la transparence du marché en matière tarifaire.

1134.Elles soutiennent que, sur ces quatre points, la société TNT se trouvait dans une situation spécifique, la distinguant des autres entreprises mises en cause : – les informations qu'elle communiquait ne portaient pas sur des données tarifaires futures, dans la mesure où elle adressait ses circulaires de hausse tarifaire à sa clientèle avant les réunions de septembre du Conseil de Métiers au cours desquelles les hausses tarifaires étaient évoquées entre concurrents ; – dans la mesure où ses circulaires de hausse tarifaire étaient adressées à sa clientèle avant lesdites réunions, les hausses tarifaires étaient arrêtées par la société TNT en toute autonomie, sans être influencées par les échanges d'informations entre concurrents ; – le calendrier de négociation avec ses clients commençant et s'achevant plus tôt que celui de la majorité de ses concurrents, l'accès de la société TNT aux informations communiquées par ses concurrents n'a que marginalement pu affecter ces négociations ; – la société TNT n'a que très marginalement contribué à l'accroissement de la transparence du marché, dans la mesure où les informations qu'elles communiquaient aux réunions de septembre du Conseil de Métiers étaient déjà potentiellement et facilement accessibles sur le marché par d'autres moyens.

1135.En troisième lieu, les requérantes font valoir que la société TNT s'est significativement écartée de la position de ses concurrents pour la campagne tarifaire 2008-2009. Elle n'a pas participé au sous-groupe de travail restreint ayant, de mars à juin 2008, échangé sur des suppléments pour prise de rendez-vous avec la grande distribution, ni à la réunion du 5 juin 2008 tenue au sein de la fédération TLF, mais hors du Conseil de Métiers, au cours de laquelle plusieurs entreprises ont échangé des informations tarifaires, ni aux échanges de courriers électroniques de juillet 2008 sur les hausses tarifaires envisagées. En outre, elle a circularisé, dès le 25 août 2008, une hausse tarifaire de 3,9 %, très inférieure à celle – d'environ 6 % – des participants à ces échanges multilatéraux. Enfin, elle n'a pas davantage participé à la réunion de suivi des négociations tarifaires du Conseil de Métiers du 15 janvier 2009.

1136.Les requérantes en déduisent que la participation de la société TNT s'est, pour la campagne tarifaire 2008-2009, limitée à sa présence à la seule réunion du Conseil de Métiers du 18 septembre 2008, et alors, au surplus, qu'aucune précision n'a pu être fournie sur la nature précise des informations échangées à cette occasion, la fédération TLF ayant contesté que des informations aient été échangées lors de cette réunion.

1137.En conclusion, les requérantes demandent à la cour une réduction supplémentaire de la sanction infligée à la société TNT au titre du principe d'individualisation, par un accroissement du pourcentage d'abattement reflétant son moindre degré de participation à l'infraction.

1138.L'Autorité répond que les requérantes ne fournissent aucun argument juridique sérieux qui pourrait justifier une réformation de la sanction.

1139.D'une part, la seule circonstance que le comportement d'une entreprise sur le marché n'a pas été conforme au comportement convenu ou annoncé n'affecte en rien son adhésion à l'accord de volontés et, par suite, sa responsabilité dans la violation de l'article 101, paragraphe 1, du TFUE (CJUE, arrêts du 16 novembre 2000, Sarrió, C-291/98 P, point 50, et du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C-189/02 P, C-202/02 P, C-205/02 P à C-208/02 P et C-213/02 P).

1140.D'autre part, la société TNT ayant participé à onze réunions du Conseil de Métiers, elle aurait pleinement adhéré à l'entente et ne pourrait recevoir un traitement particulier lors de la détermination des sanctions.

L'Autorité souligne notamment que le degré de participation des entreprises à l'entente ne s'apprécie pas campagne par campagne, mais globalement.

1141.En premier lieu, l'abattement de 10 % dont la société TNT a bénéficié avait précisément pour objet de tenir compte de sa non-participation – notamment au cours de la campagne tarifaire 2008-2009 – aux échanges bilatéraux et multilatéraux en dehors des réunions du Conseil de Métiers.

1142.La cour considère qu'il n'y a pas lieu d'accorder un abattement supplémentaire à ce titre, dans la mesure où, ainsi que l'Autorité l'a souligné, ce sont les réunions du Conseil de Métiers, au cours desquelles les entreprises échangeaient des informations sur leur politique de hausses tarifaires, qui constituaient le coeur des pratiques, et non pas les échanges bilatéraux et multilatéraux en dehors de ces réunions.

1143.À cet égard, il ressort du tableau n° 20 figurant au paragraphe 512 de la décision attaquée, que la société TNT a assisté à dix des douze réunions du Conseil de Métiers s'étant déroulées entre le 30 septembre 2004 et le 1er mars 2005, puis entre le 28 septembre 2006 et le 1er mars 2009 et, enfin, entre le 16 septembre 2010 et le 29 septembre 2010, périodes et au cours desquelles elle a participé aux pratiques (décision attaquée, § 1299, tableau 25).

1144.Ayant participé à presque toutes les réunions du Conseil de Métiers, elle ne saurait prétendre que sa participation a été faible et ne peut bénéficier donc d'un abattement supplémentaire à ce titre

1145.La cour ajoute que, s'agissant de la durée de la participation de la société TNT aux pratiques – de 2 ans et 10 mois –, moins longue que celle de la majorité des autres entreprises, celle-ci est déjà prise en compte au travers du coefficient de durée – de 1,91 – qui lui a été appliqué (décision attaquée, § 1300, tableau 26).

1146.En deuxième lieu, pour les raisons exposées au paragraphe 1125 du présent arrêt, le fait d'avoir arrêté avant les réunions du Conseil de Métiers le taux de hausse annoncé lors de ces réunions, ne peut être retenu à titre de circonstance atténuante.

1147.La cour ajoute surabondamment que l'affirmation selon laquelle la société TNT aurait systématiquement adressé ses circulaires de hausse à sa clientèle avant les réunions du Conseil de Métiers est inexacte. S'il est vrai que la société TNT a toujours adressé ses circulaires de hausse tarifaire à la fin du mois d'août (cotes 47222 à 47277), force est de constater que, s'agissant de la campagne 2007-2008, la circulaire de hausse tarifaire, adressée par la société TNT à sa clientèle le 31 août 2007, avait été précédée de deux réunions du Conseil de Métiers, les 21 juin et 18 juillet 2007, dont les requérantes ne contestent ni que la société TNT y a participé ni leur caractère anticoncurrentiel.

1148.Par ailleurs, les requérantes ne sauraient soutenir que les informations échangées lors des réunions du Conseil de Métiers des 30 septembre 2004, 28 septembre 2006, 18 septembre 2008 et 16 septembre 2010, tenues postérieurement à l'envoi de ses circulaires de hausse tarifaire à ses clients, ne portaient pas sur des données tarifaires futures. En effet, les hausses figurant dans les circulaires adressées fin août par la société TNT à ses clients, n'entraient en vigueur que le 1er octobre suivant (décision attaquée, § 346, 443, 479 et 505), er de sorte qu'à la date à laquelle elle les a communiquées à ses concurrents, lors des réunions du Conseil de Métiers tenues en septembre, il s'agissait bien d'informations sur les prix futurs.

1149.En revanche, il est vrai que, compte tenu de l'envoi anticipé, par rapport à ses concurrents, de ses circulaires de hausse, marquant le début des négociations tarifaires avec ses clients, une partie sensible de ces négociations se déroulaient et s'achevaient alors que la société TNT ne disposait d'aucune information précise sur les intentions de ses concurrents. C'est ainsi que, selon les explications des requérantes, non contestées par l'Autorité, en moyenne 46 % des négociations menées avec sa clientèle étaient terminées au 1er octobre.

1150.Il convient toutefois de relativiser le constat qui précède, d'abord, en rappelant qu'il ne vaut pas pour la campagne 2007-2008, pour laquelle la société TNT a participé à des échanges anticoncurrentiels avant l'envoi de sa circulaire de hausse tarifaire, ensuite, en soulignant que, pour 54 % de sa clientèle en moyenne, les informations obtenues de ses concurrents lors des réunions du Conseil de Métiers de septembre lui parvenaient alors qu'elle négociait encore les prix, ce qui renforçait sa position face à ses clients, puisqu'elle était en mesure d'apprécier le risque qu'ils l'abandonnent pour la concurrence, et qu'en outre, il est vraisemblable qu'il s'agissait de ses plus gros clients, représentant la majeure partie de son chiffre d'affaires, enfin, en relevant que, même pour les 46 % restant, la société TNT, impliquée dans une entente reconduite d'année en année, pouvait légitimement s'attendre à ce que ses concurrents poursuivent leur politique de hausse concertée.

1151.Il résulte de l'analyse qui précède, que c'est de façon réelle, mais limitée, que la spécificité du calendrier des hausses tarifaires suivi par la société TNT a produit un effet sur les pratiques.

1152.La cour considère, dans ces conditions, qu'il convient d'en tenir compte au titre de l'individualisation des sanctions, en accordant à la société TNT un abattement supplémentaire de 5 %.

1153.En dernier lieu, s'agissant spécifiquement de la participation de la société TNT à l'entente pendant la campagne tarifaire 2008-2009, d'une part, l'Autorité fait justement valoir que l'intensité de la participation à l'entente s'apprécie globalement et non campagne par campagne. Par ailleurs, il a déjà été tenu compte, par l'octroi d'un abattement de 10 % par l'Autorité, et d'un autre de 5 % par le présent arrêt, à la fois de l'absence de participation de la société TNT aux échanges bilatéraux et multilatéraux en dehors des réunions du Conseil de Métiers, et de la spécificité du calendrier suivi par cette société, d'où il résultait qu'elle arrêtait ses propres hausses tarifaires avant de connaître celles de ses concurrents, et qui explique qu'elle ait appliqué lors de cette campagne une hausse tarifaire nettement inférieure à celle des autres participants à l'entente(…).

QUE f) Conclusion sur le montant de base des sanctions

1186.Au vu de l'ensemble des considérations qui précèdent, le montant de base de la sanction s'établit (…) pour TNT (à) 66.241.380 euros (voir § 831 et 1152).

QUE Conclusion sur le calcul des sanctions

1403.Au vu de l'ensemble des considérations qui précèdent, il convient, selon l'entreprise considérée, soit de confirmer la sanction prononcée par l'Autorité dans la décision attaquée, soit de la réformer, de telle sorte que les sanctions infligées soient les suivantes (…) TNT 54 317 000 (voir § 1186) Solidairement avec TNT Express NV ;

1°) ALORS QUE pour déterminer le montant de la sanction, le juge de la concurrence doit tenir compte, non seulement de la durée de l'infraction mais aussi notamment du nombre et de l'intensité des comportements anticoncurrentiels individuellement reprochés à chaque entreprise ; que cette appréciation peut intervenir, soit lors de l'examen de la gravité de l'infraction, soit à l'occasion de son individualisation ; qu'en considérant qu'il n'y a lieu de tenir compte concrètement du nombre et de l'intensité des comportements anticoncurrentiels de la société TNT, ni lors de l'appréciation de la gravité de l'infraction, ni au stade de son individualisation, la Cour d'appel a violé l'article L. 464-2 du code de commerce et le communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires ;

2°) ALORS QU'en considérant que l'Autorité de la concurrence avait épuisé la question de l'individualisation de la sanction au titre de l'inégale participation des entreprises au grief n° 2, tout en constatant que pour justifier l'abattement de 10 % sur le montant de base des amendes respectives de plusieurs sociétés dont la société TNT, l'Autorité de la concurrence avait exclusivement retenu que « ces sociétés, si elles avaient participé aux réunions anticoncurrentielles du Conseil de Métiers, n'avaient en revanche participé à aucun des contacts bilatéraux ou multilatéraux qui ont complété et renforcé les pratiques concertées », ce dont il résulte que les autres critères d'individualisation de la sanction au titre de l'inégale participation des entreprises au grief n° 2 n'ont jamais été examinés, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article L. 464-2 du code de commerce et le communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires. Moyens produits au pourvoi n° A 18-21.485 par la SCP Ortscheidt, avocat aux Conseils, pour les sociétés DHL express (France), DHL holding (France) et Deutsche Post AG.

PREMIER MOYEN DE CASSATION (sur la méconnaissance des principes gouvernant le procès équitable)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir infligé à la société DHL Express (France) S.A.S., solidairement avec les sociétés DHL Holding (France) S.A.S. et Deutsche Post A.G., une sanction de 200 000 euros au titre des pratiques visées à l'article 1er de la décision n° 15-D-19, après avoir annulé l'article 3 de la décision n° 15-D-19, en ce qu'il avait condamné la société DHL Express (France) S.A.S., solidairement avec les sociétés DHL Holding (France) S.A.S. et Deutsche Post A.G., à une sanction de 200 000 euros, d'avoir dit qu'il est établi que les sociétés DHL Express (France) S.A.S., DHL Holding (France) S.A.S. et Deutsche Post A.G. ont enfreint les dispositions des articles L. 420-1 du code de commerce et 101, paragraphe 1, du TFUE, en participant entre le 30 septembre 2004 et le 1er mars 2010, à une entente sur le marché français de la messagerie et de la messagerie express, qui visait à la mise en place d'une concertation sur les hausses tarifaires annuelles et infligé au titre des pratiques visées à l'article 2 de la décision n° 15-D-19, à la société DHL Express (France) S.A.S., solidairement avec les sociétés DHL Holding (France) S.A.S. et Deutsche Post A.G., une sanction de 69 874 000 euros, après avoir annulé l'article 2 de la décision de l'Autorité de la concurrence n° 15-D-19 du 15 décembre 2015 relative à des pratiques mises en oeuvre dans les secteurs de la messagerie et de la messagerie express, mais seulement en ce qu'il avait dit établi que les sociétés DHL Express (France) S.A.S., DHL Holding (France) S.A.S. et Deutsche Post A.G. ont enfreint les dispositions des articles L. 420-1 du code de commerce et 101, paragraphe 1, du TFUE, en participant, entre le 2 mars 2006 et le 1er mars 2010, à une entente sur le marché français de la messagerie et de la messagerie express, qui visait à la mise en place d'une concertation sur les hausses tarifaires annuelles ;

AUX MOTIFS QUE : Sur le défaut de motivation de la décision attaquée (…) sur les moyens des sociétés DHL, DHL holding (France) et Deutsche Post : (…) sur la motivation relative au grief n° 2 : (…) c'est aux paragraphes 915 à 927 de la décision attaquée que l'Autorité a analysé la participation de la société DHL au grief n° 2. Force est de constater que l'Autorité a exclusivement motivé la participation de cette société pour les campagnes 2004-2005 (décision attaquée, § 916 à 921) et 2005-2006 (décision attaquée, § 922 à 926), étant rappelé qu'il résulte des paragraphes 385 et 386 de la décision attaquée, que la campagne 2005-2006 s'est achevée en mars 2006. Elle n'a pas en revanche recherché si cette société avait participé au grief n° 2 au titre des campagnes 2006-2007 à 2009-2010, la décision attaquée ne contenant, en tout état de cause, aucune motivation à ce sujet. Dès lors, l'article 2 de la décision attaquée doit être annulé, mais uniquement en tant qu'il a dit qu'il est établi que les sociétés DHL, DHL Holding (France) et Deutsche Post ont participé au grief n° 2 entre le 2 mars 2006 et le 1er mars 2010. La cour examinera ci-après s'il ressort du dossier que la société DHL a participé aux pratiques objet de ce grief au cours des campagnes 2006-2007 à 2009-2010. (…) Sur la participation au grief n° 2 : (…) concernant la société DHL (…) la cour ayant annulé, pour défaut de motivation, la décision attaquée en ce qu'elle avait retenu que la société DHL avait participé aux pratiques en cause au cours des campagnes 2006-2007 à 2009-2010, il lui incombe de déterminer, au vu des pièces du dossier, si elle a participé aux pratiques pendant ces campagnes (…) Sur la campagne tarifaire 2006-2007 : (…) En premier lieu, la décision attaquée fait état, au titre des échanges d'informations qui auraient débuté dès l'été 2006, du compte rendu, déjà cité, fait par la société Graveleau d'une réunion interne tenue le 21 juillet de cette année. Intitulé « Présentation générale du marché », ce document, reproduit au paragraphe 388 de la décision attaquée, mentionnait des informations commerciales et tarifaires relatives aux concurrents de ladite société et était ainsi libellé : « XP/Heppner : A pris des dispositions drastiques depuis le 1er juin, notamment concernant l'application du tarif interne Heppner de manière à aider à un rééquilibrage : les bénéfices d'Heppner sont aujourd'hui absorbés par les mauvais résultats d'XP. Gefco limite son activité messagerie à 30 % et concentre toute son action sur l'Europe, qui devient son « cheval de bataille ». Joyau Schenker Allemagne, qui rencontre plus ou moins les mêmes problématiques (pénurie de camions, très forte augmentation des volumes), a décidé d'appliquer une hausse de 5 % sur ses tarifs nationaux (ce qui semblerait être général en Allemagne, en anticipation de la prochaine augmentation, de manière à maîtriser ses volumes). Mory inquiet de ses résultats, dit vouloir augmenter ses tarifs. DHL considère impératif de procéder à une augmentation tarifaire.[…] Globalement, dans la Profession : – des résultats en baisse, – un réseau aujourd'hui confronté à une pénurie de camions, – la volonté d'appliquer une hausse tarifaire de 5 % à partir de septembre ou d'octobre ». L'Autorité a considéré que ce compte rendu « atteste du recueil d'informations commercialement sensibles échangées entre six entreprises au moins » et que « [c]es informations ne peuvent manifestement provenir que des entreprises elles-mêmes » (décision attaquée, § 392). Les requérantes contestent qu'on puisse tirer une telle conclusion en ce qui concerne la société DHL. Elles reprochent en effet à l'Autorité d'avoir « tronqué » la mention correspondant à cette société, dont le texte complet est le suivant : « DHL considère impératif de procéder à une augmentation tarifaire. Il semble, indique [U] [F], que la qualité dans le réseau DHL soit actuellement très mauvaise ». Elles en déduisent que l'information concernant la société DHL provenait, non de celle-ci, mais de la veille concurrentielle exercée par la société Graveleau, dont M. [F] était le directeur des transports terrestres. Cette argumentation ne peut qu'être écartée. En effet, d'une part, le fait que l'information sur la mauvaise qualité du réseau de la société DHL ait été rapportée au rédacteur de ce compte rendu par un autre collaborateur de la société Graveleau laisse entière la question de savoir d'où celui-ci tenait cette information et est donc sans effet sur la détermination de son origine. D'autre part, s'agissant de l'information relative à la politique tarifaire de cette société, sa teneur et son libellé même, et notamment l'emploi du verbe « considérer » et la référence au caractère « impératif » de la hausse envisagée, montrent qu'il s'agit non d'une donnée factuelle qui aurait pu être collectée sur le marché, mais d'une appréciation subjective, inspirée par la situation particulière de la société DHL à cette époque et de ses perspectives immédiates et qui, en conséquence, ne peut provenir que de cette société. À la lumière des constatations exactes de l'Autorité, la cour considère comme établi que la société DHL a participé à un échange bilatéral avec au moins la société Graveleau, à laquelle elle a communiqué des informations commercialement sensibles sur sa politique de hausse tarifaire. En deuxième lieu, s'agissant de la poursuite des échanges durant l'automne 2006, l'Autorité a examiné des notes manuscrites, intitulées « TLF » et rédigées par le représentant de la société TNT, qui exerçait, par ailleurs, les fonctions de vice-président du Conseil de Métiers. Elle a observé que ce document, qui se rapportait « vraisemblablement » à la réunion du Conseil de Métiers du 28 septembre 2006 (décision attaquée, § 396), comprenait de nombreuses informations chiffrées sur plusieurs des entreprises présentes à cette réunion, attestant ainsi de l'organisation d'un « tour de table », dont elle a souligné qu'il était une pratique habituelle du Conseil de Métiers (décision attaquée, § 398). Ces informations étaient présentées sous la forme d'un tableau à cinq colonnes, dont la première listait des entreprises et les suivantes, selon l'interprétation qu'en a donnée l'Autorité, correspondaient à des données tarifaires et d'activité, ainsi qu'à des dates d'entrée en application (décision attaquée, § 398 à 403). S'agissant de la société DHL, ces notes comportent la mention manuscrite : « DHL : 3,2 net 4,5 - Pas option exempté 12 % [illisible] 12 % - Top 1000 revisité ». Les requérantes font valoir qu'on ne peut tirer de ce document aucune conclusion concernant la société DHL. Elles soulignent que, comme l'Autorité l'a elle-même relevé au paragraphe 415 de la décision attaquée, la circulaire de la société DHL a été appliquée à partir du 1er octobre 2006 et en concluent qu'elle avait été précédemment envoyée à ses clients, de sorte que l'information en cause était déjà disponible sur le marché et offerte à la veille concurrentielle de ses concurrents. Il ressort effectivement du tableau figurant au paragraphe 415 de la décision attaquée que la circulaire de la société DHL était applicable au 1er octobre 2006, alors que celles de ses concurrents ne sont entrées en application que plus tardivement, à des dates s'échelonnant entre le 1er novembre et le 1er décembre 2006. Il y a donc lieu de conclure qu'elle avait été adressée aux clients de cette société plusieurs jours auparavant, et vraisemblablement avant même la réunion du Conseil de Métiers du 28 septembre 2006. Cependant, il ressort des mentions portées sur les notes manuscrites de la société TNT, ci-dessus visées, que les informations concernant la société DHL ne peuvent avoir été communiquées que par cette société elle-même. En effet, ces informations ne consistent pas seulement dans le taux de hausse figurant dans la circulaire déjà diffusée aux clients de cette dernière, et donc susceptible d'être le cas échéant détecté par la veille concurrentielle d'autres entreprises ; elles fournissent également des indications sur le déroulement des négociations menées par la société DHL avec ses clients. C'est ainsi, comme l'Autorité l'a relevé au paragraphe 402 de la décision attaquée, que la mention «Pas option exempté » renvoie au fait que de nombreux clients demandent, lors des négociations, à être exemptés de la hausse et que la mention « Top 1000 revisité » correspond au fait que les clients importants et moyens font généralement l'objet d'une visite d'un commercial au moment de la hausse tarifaire. De telles informations, absentes par définition de la circulaire de hausse diffusée, ne peuvent, par leur nature même, avoir été communiquées aux participants à la réunion du 28 septembre 2006 que par la société DHL, aucune autre société ayant participé à cette réunion n'ayant été à même d'en avoir connaissance. En revanche, s'il ressort des constatations de l'Autorité que la société Graveleau avaient transmis sa circulaire de hausse tarifaire le 17 octobre 2006 aux sociétés Alloin, Geodis, Schenker-Joyau, Gefco et Heppner, que la société Alloin avait transmis la sienne les 24 octobre et 2 novembre 2006 aux sociétés Graveleau, Heppner, BMVirolle, Darfeuille, Geodis, Schenker-Joyau, Mory et Peronnet, tout en réclamant à ces sociétés qu'elles lui adressent les leurs, et que les société Schenker-Joyau, Heppner et Perronet avaient communiqué leurs circulaires, respectivement, les 2 et 13 novembre 2006 à la société Alloin, la société BMVirolle ayant par ailleurs transmis le 8 novembre 2006 à la société Graveleau la circulaire de la société Mory (décision attaquée, § 405 à 413), force est de relever que la société DHL n'est pas en cause dans ces échanges d'informations sensibles puisqu'elle n'a pas transmis sa propre circulaire à ses concurrents ni n'a été destinataire de celles de ses concurrents. En ce qui concerne, enfin, la cohérence des informations échangées par les entreprises avec leur comportement sur le marché, le tableau figurant au paragraphe 415 de la décision attaquée récapitule les comparaisons auxquelles l'Autorité a procédé. S'agissant de la société DHL, ce tableau comporte les indications suivantes : Tableau 16 - Cohérence entre informations échangées et comportement sur le marché (campagne 2006-2007)

TABLEAU (arrêt p. 69)

L'Autorité a considéré que ce tableau « montre que les entreprises présentes à la réunion du 28 septembre 2006 ont pu obtenir, de manière anticipée, des informations précises sur le comportement futur de plusieurs de leurs concurrents en matière de hausse tarifaire. En effet, les entreprises en cause ont toutes envoyé leurs circulaires de revalorisation tarifaire aux clients postérieurement au 28 septembre 2006 (ou pour certaines, le même jour) » (décision attaquée, § 416). Force est de constater que, comme les requérantes le soulignent, ce dernier constat ne peut s'appliquer à la société DHL, dont la circulaire était applicable au 1er octobre 2006 et, par conséquent, a été adressée à ses clients plusieurs jours avant, et très vraisemblablement avant le 28 septembre 2006. En effet, d'après les indications figurant dans le tableau précité, le délai séparant l'envoi aux clients des circulaires de revalorisation et la date d'application de celles-ci s'échelonne entre quinze jours pour le plus court (société Graveleau) et cinq semaines pour le plus long (société Heppner). Il n'est donc pas plausible que la circulaire de la société DHL, entrée en application le 1er octobre 2006, n'ait été adressée à ses clients que le 28 septembre précédent. En troisième lieu, l'Autorité a considéré que les entreprises en cause avaient, jusqu'à la fin de la campagne 2006-2007, continué à échanger des informations tarifaires afin de suivre et de contrôler la mise en oeuvre de leurs revalorisations (décision attaquée, § 421 à 426). Elle a fondé ce constat sur des notes, saisies dans les locaux de la société Heppner, se rapportant à une réunion du Conseil de Métiers du 18 janvier 2007 et contenant de nombreuses mentions relatives aux hausses tarifaires de ces entreprises, ainsi que sur un courrier électronique de la société Graveleau du 4 avril 2007, se rapportant à une réunion du 29 mars précédent, contenant des informations, quelquefois très précises, sur les revalorisations effectivement obtenues. Les requérantes soutiennent que ces documents ne peuvent leur être opposés, au motif qu'il n'est pas établi que les informations qu'ils contiennent, relatives à la société DHL, proviendraient de celle-ci. Cet argument, cependant, ne peut qu'être écarté, compte tenu du libellé même de ces informations. C'est ainsi que les notes saisies dans les locaux de la société Heppner, qui relatent les débats de la réunion du Conseil de Métiers du 18 janvier 2007, comportent, parmi des données tarifaires chiffrées relatives à plusieurs participants, la mention suivante concernant la société DHL : « A tarifaire : devrait obtenir les 4,5 % » (décision attaquée, § 421). Cette information ayant trait aux chances de la société DHL d'obtenir de ses clients qu'ils acceptent l'augmentation de 4,5 % qu'elle souhaitait, elle ne peut à l'évidence provenir que de cette société elle-même. De la même façon, les termes mêmes du courrier électronique du 4 avril 2007, dans lequel le dirigeant de la société Graveleau a rendu compte à certains de ses collaborateurs de la réunion du 27 mars précédent, en faisant état de données précises sur les revalorisations obtenues par les participants, démontrent que les informations concernant la société DHL avaient été communiquées par celle-ci ; ce courrier électronique, en effet, comporte, en annonce de ces informations, la mention suivante : « Je vous livre les chiffres communiqués par nos confrères présents, sur la résultante des augmentations tarifaires 2007 ». En dernier lieu, la cour souligne qu'en tout état de cause, la majorité des entreprises ayant participé aux réunions du Conseil de Métiers des 28 septembre 2006 et 18 janvier 2007 n'ont pas contesté le constat, fait par l'Autorité aux paragraphes 404 et 424 de la décision attaquée, que des échanges d'informations sur les revalorisations tarifaires futures ont eu lieu entre les participants au cours de cette réunion. Dans la mesure où les requérantes ne contestent pas que la société DHL était présente aux réunions des 28 septembre 2006 et 18 janvier 2007, le constat qui précède suffit à caractériser la participation de cette société à l'entente au cours de la campagne 2006-2007, quand bien même elle n'aurait pas, pour sa part, communiqué des informations sur sa propre politique de hausse tarifaire au cours de cette réunion, puisqu'elle a ainsi reçu des informations qui lui étaient utiles dans le cadre des négociations avec sa clientèle. Il résulte de l'ensemble de ces constatations qu'il est établi que la société DHL, même si elle n'a pas transmis sa circulaire à ses concurrents ni n'a été destinataire des leurs, a participé aux échanges d'informations auxquels il a été procédé durant l'été 2006 puis au cours de la réunion du Conseil de Métiers du 28 septembre 2006, et au suivi du résultat des négociations tarifaires consécutives. Dès lors, la cour constate que la participation de la société DHL aux pratiques au cours de la campagne 2006-2007 est établie ; (…)Sur la campagne tarifaire 2007-2008 : (…) De fait, les éléments réunis par les services d'instruction de l'Autorité ne mettent pas en cause la société DHL, à l'exception de l'un d'entre eux. C'est ainsi que la société DHL n'est pas mentionnée par les pièces du dossier comme ayant participé aux réunions des 21 juin et 18 juillet 2007, qui auraient été le cadre de premiers échanges d'informations entre les participants. Cette société, par ailleurs, n'est pas mentionnée dans le courrier électronique interne de la société Graveleau en date du 27 juillet 2007, dont il ressort, selon l'Autorité, que « les entreprises ont révélé à leurs concurrents leur stratégie commerciale pour les mois à venir en étant très précis sur l'orientation à la hausse, la date de la hausse et le niveau de la hausse « (décision attaquée, § 430). En effet, ce courrier électronique fait état d'informations tarifaires précises, mais qui concernent d'autres entreprises que la société DHL : « Geodis a déjà lancé sa circulaire fin juillet pour annoncer une augmentation de ses tarifs de 5 % et de l'express de 2 %. Joyau a fait 4,5 %, et tous les autres sont entre 4,5 % et 5,0 %. Mory a également lancé une circulaire pour dire qu'il allait, en plus de cela, augmenter sensiblement ses tarifs entre le Nord et le Sud compte tenu des déséquilibres de véhicules en aller et retour » (décision attaquée, § 429).
En outre, la société DHL n'a pas été destinataire de la circulaire de la société Mory que la société Schenker-Joyau a adressée le 27 juillet 2007 à la société Graveleau, permettant à cette dernière, ainsi que l'Autorité l'a relevé, « de connaître la stratégie adoptée par plusieurs de ses concurrents (dont Schenker-Joyau, Geodis et Mory, de façon plus précise) en matière de différenciation tarifaire nord/sud ou d'augmentation de tarifs au 1er octobre 2007 », et n'est pas davantage citée dans les autres courriers électroniques internes de la société Graveleau, en date des 3 et 31 août 2007 (décision attaquée, § 433 à 436). De même, elle n'a pas participé à la réunion du Conseil de Métiers du 29 novembre 2007, ni à celle du 27 mars 2008, au cours desquelles les participants se sont livrés à un suivi de leurs négociations et en ont dressé le bilan. En effet, elle n'est pas mentionnée dans les notes de la société Heppner se rapportant à la première de ces réunions, qui contenaient des informations précises relatives aux hausses tarifaires passées par les sociétés Ziegler, Gefco, Normatrans, Exapaq, Chronopost, Schenker-Joyau, Graveleau, TNT et Geodis, dont aucune ne concernait la société DHL (décision attaquée, § 452). Enfin, la société DHL ne figure pas dans le tableau inséré au paragraphe 443 de la décision attaquée, par lequel l'Autorité a vérifié la cohérence des informations échangées par les sociétés Graveleau, Geodis, Heppner, Schenker-Joyau, Alloin, TNT, Exapaq, Gefco, GLS et Mory avec leur comportement sur le marché. Il reste, en revanche, la participation de la société DHL à la réunion du Conseil de Métiers du 13 septembre 2007, dite « atelier messagerie ». Les requérantes ne contestent pas que la société DHL a participé à cette réunion, mais soutiennent qu'il n'est pas établi que des informations tarifaires auraient été échangées à cette occasion. À cet égard, elles font valoir que les notes manuscrites saisies dans les locaux de la société TNT (cote 1706, reproduite dans la décision attaquée, § 441) ne rapportent pas la preuve de ces échanges. Selon les requérantes, en effet, si ces notes manuscrites relatent des échanges d'informations tarifaires, rien ne permet d'affirmer que ceux-ci auraient eu lieu durant la réunion du 13 septembre 2007, tandis que plusieurs éléments démontrent, au contraire, qu'ils sont intervenus plusieurs jours avant cette réunion, en vue de sa préparation. Comme la cour l'a relevé au paragraphe 312 du présent arrêt, ces notes manuscrites figurent sur la copie imprimée d'un courrier électronique adressé le 10 septembre 2007, en vue de la réunion du 13 septembre suivant, par la fédération TLF, notamment, au président et aux deux vice-présidents du Conseil de Métiers, qui étaient par ailleurs, respectivement, président de la société Heppner, directeur-général adjoint de la société Geodis et président de la société TNT. À ce courrier électronique, dont l'objet était « Urgent mémo « atelier messagerie » », était joint un « projet de mémo qui met en avant les demandes de la profession » (décision attaquée, § 441). Le texte de ce courrier électronique était le suivant : « Bonjour, Ci-joint un projet de mémo qui met en avant les demandes de la profession. Ce texte que je soumets à vos corrections, pourrait faire l'objet d'une distribution en fin d'atelier. Cordialement (...) » Sur la copie imprimée de ce courrier électronique figurent deux séries d'annotations manuscrites, formellement séparées. La première est ainsi rédigée : « êtes-vous d'accord sur ce texte? oui non ». La deuxième série d'annotations manuscrites se présente sous la forme de trois colonnes dans lesquelles sont inscrits, pour la première, des pourcentages (5 %, 4,5 % -> 5,5 %, 5 %, 4,7 %, 3,9 %, 4,5 %, 5,4 %), pour la deuxième, des dates (1er octobre 2007, 1er décembre 2007, 1er janvier 2008) et, pour la troisième, les noms de certaines des entreprises ayant participé à la réunion du Conseil (Heppner, Joyau, Gefco, Kuhn, Darfeuille, Exapaq, Geodis). L'Autorité a considéré que ces annotations devaient être regardées comme correspondant au taux de hausse tarifaire envisagé par chacune des sociétés visées, avec la date de sa mise en application, et qu'elles démontraient, en conséquence, que les participants à la réunion du 13 septembre 2007 avaient échangé des informations tarifaires dont, dans la décision attaquée, l'Autorité avait relevé, à juste titre, qu'elles étaient « précises, stratégiques et futures » (décision attaquée, § 442). Les requérantes contestent qu'il en soit ainsi. Elles soulignent, en premier lieu, que la mention « êtes-vous d'accord avec ce texte ? oui non » avait pour objet de déterminer si les destinataires du courrier électronique approuvaient le « projet de mémo » qui était joint et qu'en conséquence, les annotations manuscrites ne pouvaient avoir été prises lors de la réunion du 13 septembre 2007. Mais l'affirmation des requérantes selon laquelle la mention « êtes-vous d'accord avec ce texte ? oui non » n'aurait pas été portée au cours de la réunion est manifestement infondée, eu égard au caractère manuscrit de cette mention. En effet, celle-ci n'aurait pas pu figurer sur le courrier électronique par lequel son auteur aurait fait connaître son accord avec le texte du projet de mémo. Il est au contraire tout à fait évident qu'elle a été inscrite sur le document durant la réunion, au cours d'un tour de table portant sur le mémo distribué aux participants, comme cela avait été annoncé dans le courrier électronique. En tout état de cause, cette mention est formellement distincte des mentions tarifaires également manuscrites figurant dans le document, puisque l'une a été portée à gauche du texte du courrier électronique, tandis que les autres sont sous ce texte. Ces mentions tarifaires ne peuvent avoir été prises qu'au cours de la réunion, puisque c'est à cette occasion seulement que la société TNT, destinataire du courrier électronique qu'elle avait reçu trois jours avant et dont elle avait une copie imprimée, s'est trouvée en présence des sociétés dont elle a noté les hausses qu'elles envisageaient. En deuxième lieu, les requérantes soutiennent que, si les annotations manuscrites en cause avaient été portées sur le document à la suite d'un tour de table au cours de la réunion du 13 septembre 2007, toutes les entreprises présentes, y compris la société DHL, devraient être mentionnées, et non certaines d'entre elles seulement. Cette explication à caractère hypothétique ne peut, cependant, qu'être écartée ; il est au contraire parfaitement plausible que certaines des entreprises n'étaient pas encore en mesure de faire état, au cours de la réunion, de taux de hausse précis et qu'en conséquence le rédacteur des annotations n'ait noté que les seuls taux déjà chiffrés. En troisième lieu, les requérantes rappellent que la réunion du 13 septembre 2007 n'était pas, « à proprement parler », une réunion du Conseil de Métiers, mais un « mini Conseil » qui avait pour seul objet d'annoncer la succession du président de la fédération TLF, de sorte qu'il ne se prêtait nullement à un tour de table sur les hausses envisagées par les entreprises présentes. Mais, à supposer même que cette réunion n'ait eu pour ordre du jour que l'annonce de la succession du président de la fédération TLF – cette supposition étant, au demeurant, fortement discutable dans la mesure où elle a été précédée de l'envoi d'un « projet de mémo qui met en avant les demandes de la profession » – , rien ne conduit à considérer que les participants se seraient interdits, pour ce seul motif, d'évoquer d'autres sujets durant leurs débats. Dès lors, l'argument des requérantes selon lequel les annotations manuscrites relatant des échanges d'informations n'ont pas été prises lors de la réunion du 13 septembre 2007 et ont probablement été portées sur le document avant celle-ci, ne peut être retenu. Ces annotations ne font certes pas mention de la société DHL, puisqu'elles rapportent les hausses tarifaires envisagées, non par l'ensemble des dix-neuf entreprises présentes, mais par les seules sociétés Heppner, Schenker-Joyau, Gefco, Kuehne+Nagel, Darfeuille, Exapaq et Geodis. Mais il ressort seulement de cette constatation que la société DHL n'a participé que passivement aux échanges d'informations en cause, sans communiquer les hausses qu'elle-même envisageait. Dès lors, il y a lieu de considérer que sa participation aux pratiques mises en oeuvre au cours de la réunion du 13 septembre 2007 est établie, faute d'éléments au dossier démontrant qu'elle s'en serait distanciée. En conséquence, la cour constate que la participation de la société DHL aux pratiques au cours de la campagne 2007-2008 est établie ; (…) Sur la campagne tarifaire 2008-2009 : (…) De fait, les éléments de preuve relatifs aux réunions des 14 mars et 5 juin 2008 ainsi qu'aux échanges intervenus à l'été et à l'automne 2008, jusqu'à la réunion du Conseil de Métiers du 18 septembre 2008, ne mettent pas en cause la société DHL. Cette société, en effet, n'est pas mentionnée dans les pièces du dossier comme ayant participé auxdites réunions, aux cours desquelles certaines entreprises auraient échangé des informations, pas plus qu'elle n'est citée dans les courriers électroniques internes de la société Graveleau datés du 22 juillet 2008, d'où il ressort que celle-ci a reçu des informations de la part des sociétés Heppner, Geodis, Cool Jet et Schenker-Joyau relatives aux majorations tarifaires, aux dates de leur mise en application et d'envoi des circulaires aux clients ainsi qu'à l'intégration d'une augmentation pour les prises de rendez-vous avec la grande distribution (décision attaquée, § 468). Au demeurant, l'Autorité n'a pas impliqué la société DHL dans ces échanges d'informations et a, au contraire, expressément indiqué que les éléments de preuve qu'elle retenait démontraient que plusieurs entreprises du secteur de la messagerie, « à tout le moins Heppner, Geodis, Cool Jet, Schenker-Joyau et Graveleau », avaient échangé des informations sensibles et futures sur les montants de hausse qu'elles souhaitaient demander à leurs clients respectifs (décision attaquée, § 471). La cour observe, par ailleurs, que les données figurant dans le tableau que l'Autorité a consacré à la cohérence entre les informations échangées et le comportement des entreprises sur le marché ne comportent logiquement aucune indication relative aux hausses échangées, en ce qui concerne la
société DHL (décision attaquée, § 479 – tableau 18). En revanche, il n'est pas contesté que la société DHL a participé à la réunion du Conseil de Métiers du 18 septembre 2008. Or, l'Autorité a justement constaté qu'à cette occasion, les participants avaient, de nouveau, échangé des informations commerciales sensibles (décision attaquée, § 473). Ce constat résulte en effet, sans équivoque possible, d'un courrier en date du 23 décembre 2008, adressé par le directeur des affaires juridiques et réglementaires de la société FedEx, qui était représentée à cette réunion, au président de la fédération TLF, dont une copie a été saisie dans les locaux de celle-ci (cotes 4039 et 4040). Ce courrier était ainsi rédigé : « Je vous écris au nom de FedEx Express (« FedEx ») suite à la réunion « Conseil Messagerie Express » du 18 septembre 2008. Il m'a été communiqué que lors d'un tour de table entre membres de TLF concernant la situation du marché en général (Agenda partie 1 « Conjoncture »), un nombre de membres de TLF ont pu divulguer et/ou discuter d'informations particulières à leur société, qui pourraient être considérées comme sensibles selon les règles du droit de la concurrence » Certes, par un courrier en date du 28 janvier 2009 (cotes 4048 et 4049), le président de la fédération TLF a apporté la réponse suivante : « (...) le tour de table auquel vous faites référence et qui est initié lors des travaux de notre Conseil « Messagerie/Express » est un point de conjoncture ou d'analyse de quelques indices repères qui ne porte que sur des éléments d'évolution passés et mené à partir de documents officiels et publics élaborés notamment par les services du Ministère de l'Ecologie, de l'Energie, du Développement Durable et de l'Aménagement du Territoire (MEEDDAT). Une telle pratique ne saurait être qualifiée d'anticoncurrentielle, s'agissant d'un simple dialogue que nous organisons entre nos entreprises visant à leur fournir des éléments d'étude de gestion et une meilleure connaissance des postes de coût des activités qu'elles exercent ». Mais, compte tenu, notamment, de leur généralité, les dénégations contenues dans cette réponse ne suffisent pas à retirer toute force probante au courrier du 23 décembre 2008, d'où il ressort que son auteur avait entendu réagir à des échanges d'informations intervenus lors de la réunion du 18 septembre 2008 et, conscient de leur caractère anticoncurrentiel, s'en démarquer. Les requérantes considèrent, cependant, qu'on ne peut déduire l'échange d'informations incriminé que de ce seul courrier, dont l'auteur n'avait pas personnellement participé à la réunion du 28 septembre 2008, et qui, selon elles, ne constitue qu'une preuve hypothétique. Mais, si le signataire de ce courrier n'a effectivement pas participé personnellement à la réunion en cause, cette circonstance est sans incidence, dès lors qu'il s'exprimait au nom de la société FedEx, qui y était représentée et qui était dépourvue de tout intérêt à se démarquer sans fondement des pratiques qui ne lui seraient pas clairement apparues comme anticoncurrentielles. De plus, la preuve que la réunion du Conseil de Métiers du 13 septembre 2008 a été l'occasion d'échanges anticoncurrentiels résulte d'autres éléments que ledit courrier : d'une part, les demandeurs de clémence ont indiqué que les pratiques qu'ils dénonçaient avaient eu cours également pendant l'année 2008 ; d'autre part, l'utilisation de cette réunion pour des échanges d'informations sensibles sur la politique tarifaire est cohérente avec les pratiques précédemment relevées depuis l'année 2004, dont les réunions du Conseil de Métiers constituaient pareillement le cadre. Enfin, il n'est pas davantage contesté par les requérantes que la société DHL a participé à la réunion du Conseil de Métiers du 15 janvier 2009. Or il résulte de notes manuscrites saisies dans les locaux de la société Heppner (cotes 998 à 1002) que cette réunion a donné lieu à des échanges d'informations et à un bilan ex post des négociations menées par les entreprises présentes avec leurs clients respectifs. En effet, ces notes comportaient des mentions relatives à des hausses tarifaires ou aux prix des sociétés DHL (« hausse tarifaire pas simple »), Ziegler (« hausse difficile depuis fin oct «), BMVirolle (« campagne de hausse très difficile «), Gefco (« hausse [illisible] «), Schenker-Joyau (« contribution sécurité passée à moitié en septembre «) et Geodis (« stagnation des prix de vente «). Les requérantes soutiennent que ces éléments ne démontrent pas que la société DHL aurait participé, au cours de la réunion du 15 janvier 2009, à des échanges d'informations à caractère anticoncurrentiel. Elles font valoir que les informations relatées par ces différentes mentions n'ont aucun caractère stratégique, dans la mesure où le secteur de la messagerie traversait à l'époque une grave crise, marquée par la flambée de certains coûts, et que, pour maintenir leur rentabilité, les entreprises devaient toutes procéder à une revalorisation de leurs tarifs. Mais, en dépit de leur généralité, les informations communiquées par la société DHL comme par les autres participants, n'en étaient pas moins individualisées et spécifiques. De surcroît, la participation à cette réunion a été retenue par l'Autorité, non comme la preuve, à elle seule, de la réalité des pratiques anticoncurrentielles d'échanges d'informations sensibles, mais en ce qu'elle traduit la continuité de l'adhésion des participants à ces pratiques. Dès lors, la cour constate que la participation de la société DHL aux pratiques au cours de la campagne 2008-2009 est établie ; (…)Sur la campagne tarifaire 2009-2010 : (…) le caractère anticoncurrentiel de la réunion du 17 septembre 2009, à laquelle la société DHL ne conteste pas avoir participé, est clairement démontré par l'échange de courriers électroniques qui a précédé celle-ci. En effet, en réponse à son correspondant qui s'étonnait de ne pas voir figurer à l'ordre du jour « la hausse tarifaire 2010 », la représentante de la fédération TLF lui a explicitement indiqué que « [c]et aspect [serait] TFUE dans un point 1 dit conjoncture (...) », et expliqué que son absence de l'ordre du jour était destiné à « éviter à la fois à TLF comme aux entreprises membres du conseil présentes les risques de contrôles et de sanctions financières de la part du conseil de la concurrence d'où ma prudence ». De surcroît, il convient de noter que ces constatations sont confirmées par les déclarations des demandeurs de clémence et qu'elles démontrent que l'échange d'informations sur les hausses tarifaires dans le cadre du Conseil de Métiers était une pratique habituelle, connue et attendue par les participants (notification des griefs, § 133). Par ailleurs, les requérantes font valoir qu'il n'est pas établi que la société DHL aurait elle-même fourni les informations la concernant qui figurent dans les notes manuscrites saisies dans les locaux de la société Heppner. Cette simple dénégation ne peut qu'être écartée compte tenu, en particulier, du caractère précis et chiffré des données concernant la société DHL qui figurent dans ces notes, s'agissant tant de la réunion du 28 janvier 2010 [« hausse tarifaire dure (visée à 1 % avec crainte sur AO] «], que de celle du 20 mai 2010 (« en ligne [par rapport à] 2009. Baisse en mai. Vente finalisée avant l'été »). Au demeurant, la seule participation de la société DHL aux réunions anticoncurrentielles des 17 septembre 2009, 28 janvier et 20 mai 2010, au cours desquelles elle a recueilli des informations sensibles, suffit à caractériser sa participation à l'entente. La cour juge donc établi que la société DHL a participé aux échanges d'informations sensibles intervenus avec ses concurrents dans le cadre de la campagne 2009-2010. Elle ajoute que l'argument des requérantes selon lequel la situation économique très dégradée de la société DHL, selon elles « au bord de la faillite », rendait nécessaires des mesures de restructuration de sa politique tarifaire, de sorte que la participation de cette société aux échanges d'informations en cause était « improbable » et « sans intérêt ni sens », ne diminue en rien la force probante des éléments relevés par la cour, qui établissent la réalité de cette participation de 2004 à 2010 ; (…) sur le calcul des sanctions pécuniaires : sur la sanction du grief n° 1 : en ce qui concerne la société DHL : Force est de constater que la décision attaquée, en tant qu'elle a déterminé les montants des sanctions forfaitaires infligées au titre du grief n° 1, est insuffisamment motivée. En effet, au paragraphe 1192 de la décision attaquée, l'Autorité s'est bornée à dire qu'elle regrouperait les entreprises en trois catégories « pour refléter le poids économique respectif de chacune d'entre elles », la lecture du tableau figurant au même paragraphe permettant de comprendre qu'en fonction de leur appartenance à l'une ou l'autre de ces trois catégories, les entreprises se sont vu infliger une sanction de 50 000, 100 000 ou 200 000 euros. Il était donc impossible, à la lecture
de la décision attaquée, de comprendre que, pour classer les entreprises en trois catégories, l'Autorité s'était fondée sur la valeur des prestations en relation avec le grief n° 1 réalisées par chacune d'elles en 2005. Ce défaut de motivation ayant fait obstacle à la compréhension par les requérantes de la façon dont leur sanction a été calculée par l'Autorité, il y a lieu d'annuler l'article 3 de la décision attaquée, en tant qu'il inflige à la société DHL, solidairement avec les sociétés DHL Holding (France) et Deutsche Post, ses sociétés mères, une sanction pécuniaire de 200 000 euros au titre du grief n° 1. Il appartient dès lors à la cour de procéder elle-même à la fixation de la sanction encourue par ces sociétés ; (…) La cour considère que, pour les raisons exposées aux paragraphes 1166 à 1191 de la décision attaquée, qu'elle fait expressément siennes, il n'y a pas lieu de faire application de la méthode énoncée dans le communiqué sanctions – qu'elle peut décider de suivre, mais n'y est pas obligée – et qu'il est plus adapté d'infliger une sanction forfaitaire. Au demeurant, les requérantes n'ont pas contesté le choix de l'Autorité d'appliquer une sanction forfaitaire, dont l'Autorité a justement souligné qu'il est plus favorable aux entreprises. En revanche, aucun élément du dossier ne conduit à n'imposer qu'une sanction symbolique, laquelle ne permettrait pas, en l'espèce, d'atteindre l'objectif recherché par le droit de la concurrence, qui est de dissuader les entreprises de nouer des ententes anticoncurrentielles. Le respect des principes d'individualisation de la peine, d'égalité et de proportionnalité s'impose, même lorsqu'il est fait le choix d'appliquer une sanction forfaitaire. La cour considère qu'en l'espèce, la valeur des prestations de messagerie réalisées en 2005, qui est l'unique année complète de participation à l'infraction, constitue un critère pertinent d'individualisation des sanctions. Il est en effet constant que la part du chiffre d'affaires de l'entreprise qui provient des produits ou services faisant l'objet de l'infraction est de nature à donner une indication de l'ampleur de celle-ci (en ce sens, CJUE, arrêt du 9 juillet 2015, InnoLux/Commission, C-231/14 P, point 47 et jurisprudence citée). En revanche, n'est pas fondée la demande des requérantes de voir réduire la sanction infligée à la société DHL à raison de sa non-participation aux contacts bilatéraux et multilatéraux révélés entre les entreprises impliquées dans le grief n° 1. En effet, d'une part, ainsi que la cour l'a relevé au paragraphe 250 du présent arrêt, cette société a participé à au moins un contact multilatéral, puisqu'elle a participé à la conférence téléphonique du 26 mai 2004, laquelle s'est tenue en marge des réunions du Conseil de Métiers, et a été destinataire du courrier électronique du même jour qui résumait les conclusions de cette conférence. D'autre part, cette conférence et ce courrier électronique ont arrêté les éléments essentiels de l'entente, tandis qu'à l'inverse, les rares autres échanges bilatéraux et multilatéraux, auxquels il n'est pas établi que la société DHL ait participé, étaient d'une importance secondaire : s'agissant des échanges bilatéraux et multilatéraux s'étant déroulés fin mai 2004 (décision attaquée, § 216 à 225), l'Autorité les a principalement évoqués aux fins d'établir l'adhésion au grief n° 1 de la société Geodis, entreprise n'ayant pas participé à la conférence téléphonique du 26 mai 2004, et, s'agissant de ceux s'étant déroulés courant septembre 2005 (décision attaquée, § 294 à 303), elle a souligné que, compte tenu de la proximité avec la réunion du Conseil de Métiers du 22 septembre 2005, « il est probable que [ces échanges] furent préparatoires à la réunion du 22 septembre 2005 «, à laquelle la société DHL a participé. Suivant le tableau reproduit au point 207 des observations de l'Autorité, en 2005, la valeur des ventes des entreprises auxquelles a été infligée une sanction de 50 000 euros, était inférieure à 20 millions d'euros, la valeur des ventes des entreprises auxquelles a été infligée une sanction de 100 000 euros, était comprise entre 70 et 170 millions d'euros et la valeur des entreprises auxquelles a été infligée une sanction de 200 000 euros, dont la société DHL, était comprise entre 200 et 450 millions d'euros. De telles différences justifient à la fois le regroupement des entreprises en trois catégories et le doublement du montant de sanction retenu entre chaque catégorie. Eu égard à la gravité des faits et au dommage causé à l'économie, tels qu'appréciés par l'Autorité aux paragraphes 1174 à 1190 de la décision attaquée, – appréciation ne faisant pas l'objet de contestations –, il convient de fixer la sanction encourue par les entreprises appartenant à la catégorie supérieure à la somme de 200 000 euros, montant bien inférieur au résultat auquel aurait abouti l'application du communiqué sanctions. S'agissant en particulier de la société DHL, même en prenant en compte la valeur des ventes sur les marchés de la messagerie classique et express pour 2005 qu'elle a communiquée à l'Autorité, soit 305 062 689 euros (cote 84 312), celle-ci représente près du double de la valeur des ventes de la société Alloin Holding, elle-même la plus élevée de celles des entreprises appartenant à la catégorie intermédiaire, constatation suffisant à justifier l'application d'une sanction de 200 000 euros à la première et 100 000 euros à la seconde. Certes, la société DHL s'est vu infliger la même sanction que la société TNT, dont la valeur des prestations de messagerie en relation avec l'infraction en 2005 était de 453 070 000 euros. Néanmoins, les valeurs des ventes de ces deux entreprises sont du même ordre de grandeur, de sorte que le principe d'égalité n'est pas violé par l'application à l'une et l'autre de la même sanction forfaitaire. Dès lors, il y a lieu de condamner la société DHL, solidairement avec les sociétés DHL Holding (France) et Deutsche Post, à une sanction de 200 000 euros au titre du grief n° 1 ;

1°) ALORS QUE le droit au recours doit être effectif ; qu'en décidant d'examiner s'il ressortait du dossier que la société DHL avait participé aux pratiques objet du grief n° 2 au cours des campagnes 2006-2007 à 2009-2010, quand il résulte de ses constatations que les exposantes ont ignoré les motifs pour lesquels l'Autorité de la concurrence a considéré que le grief n° 2 aurait été établi à leur endroit pour les campagnes 2006 à 2010, jusqu'au moment où elles ont formé un recours contre la décision entreprise et où l'Autorité a présenté ses observations sur ce recours, voire au moment où la cour d'appel de Paris a rendu l'arrêt attaqué, ce dont il résulte que leur droit à un recours effectif a été méconnu, la cour d'appel a violé les articles 6 § 1 et 13 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

2°) ALORS QU'en considérant qu'il lui aurait appartenu de procéder elle-même à la fixation de la sanction encourue par les exposantes et en les condamnant à une sanction rigoureusement identique à celle que leur avait infligée l'Autorité, après avoir pourtant constaté qu'il leur était impossible, à la lecture de la décision de l'Autorité, de comprendre cette sanction, la cour d'appel a violé les articles 6 § 1 et 13 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

3°) ALORS QUE la notion de procès équitable, laquelle suppose l'égalité des parties et le contradictoire, implique que les parties ne soient pas prises au dépourvu et que le juge ne se fonde pas sur un élément qui donne au litige une tournure que les parties ne pouvaient anticiper ; qu'en infligeant aux exposantes, au titre du grief n° 1, une sanction identique à celle prononcée par l'Autorité et en faisant siennes les raisons exprimées par l'Autorité dans sa décision, après avoir constaté que cette décision était insuffisamment motivée car impossible à comprendre, la cour d'appel a pris les exposantes au dépourvu et a méconnu les exigences du procès équitable, garanties par les articles 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 47 de la Charte des droits fondamentaux ;

4°) ALORS QUE la notion de procès équitable implique que les parties ne soient pas prises au dépourvu et que le juge ne se fonde pas sur un élément qui donne au litige une tournure que les parties ne pouvaient anticiper ; qu'en considérant qu'il aurait été établi que la société DHL avait participé aux pratiques objet du grief n° 2 après avoir annulé la décision entreprise parce que l'Autorité n'avait pas recherché si la société DHL avait participé à ces pratiques au cours de cette période, pour ensuite se fonder sur les constatations de l'Autorité, la cour d'appel a pris les exposantes au dépourvu et a méconnu les exigences du procès équitable, garanti par les articles 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 47 de la Charte des droits fondamentaux ;

5°) ALORS QUE la cour d'appel, qui ne dispose ni des pouvoirs ni des moyens de procéder à l'instruction d'une saisine de l'Autorité de la concurrence dans les conditions prévues par les articles L. 450-1 et suivants du code de commerce et qui annule une décision de cette dernière en raison de l'insuffisance de l'instruction, ne peut statuer en fait et en droit sur les griefs notifiés ; qu'en s'attribuant le pouvoir d'examiner s'il ressortait du dossier que la société DHL avait participé aux pratiques objet du grief n° 2 au cours des campagnes 2006-2007 à 2009-2010, après avoir pourtant constaté que l'Autorité « n'a pas en revanche recherché si cette société avait participé au grief n° 2 au titre des campagnes 2006-2007 à 2009-2010 », la cour d'appel a excédé les pouvoirs qu'elle tient de l'article L. 464-8 du code de commerce, en violation de ce texte ;

6°) ALORS QU'il ne peut être opéré de confusion entre les fonctions d'instruction et les pouvoirs de sanction et de jugement ; qu'en statuant comme elle l'a fait, soit en s'attribuant le pouvoir d'examiner s'il ressortait du dossier que la société DHL avait participé aux pratiques objet du grief n° 2 au cours des campagnes 2006-2007 à 2009-2010, après avoir constaté que l'Autorité « n'a pas en revanche recherché si cette société avait participé au grief n° 2 au titre des campagnes 2006-2007 à 2009-2010 », pour ensuite statuer sur cette participation au titre desdites campagnes et prononcer une sanction en considération de cette participation, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

7°) ALORS QU' en considérant, d'une part, que l'Autorité n'avait pas recherché si la société DHL avait participé aux pratiques en cause pour les années 2006 à 2010, pour retenir, d'autre part, qu'à la lumière des constatations de l'Autorité, la société DHL aurait participé à un échange bilatéral avec la société Graveleau et que d'après l'examen et les constatations de l'Autorité, elle aurait échangé des informations lors des réunions du Conseil de Métiers du 28 septembre 2006 et du 18 janvier 2007, la cour d'appel s'est contredite et a violé l'article 455 du code de procédure civile.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION (sur l'absence de notification au ministre chargé des transport de la notification des griefs et du rapport)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté le moyen d'annulation tiré de l'absence de notification au ministre chargé des transports de la notification des griefs et du rapport et d'avoir infligé à la société à la société DHL Express (France) S.A.S., solidairement avec les sociétés DHL Holding (France) S.A.S. et Deutsche Post A.G., une sanction de 200 000 euros au titre des pratiques visées à l'article 1er de la décision n° 15-D-19 ;

AUX MOTIFS QUE : l'article L. 463-2, alinéas 1er et 2, du code de commerce dispose : « Sans préjudice des mesures prévues à l'article L. 464-1, le rapporteur général ou un rapporteur général adjoint désigné par lui notifie les griefs aux intéressés ainsi qu'au commissaire du Gouvernement, qui peuvent consulter le dossier sous réserve des dispositions de l'article L. 463-4 et présenter leurs observations dans un délai de deux mois. [...] Le rapport est ensuite notifié aux parties, au commissaire du Gouvernement et aux ministres intéressés. Il est accompagné des documents sur lesquels se fonde le rapporteur et des observations faites, le cas échéant, par les intéressés. «. Aux termes de l'article R. 463-11 du même code, « pour l'application de l'article L. 463-2, la notification des griefs retenus par le rapporteur et la notification du rapport sont faites par le rapporteur général à l'auteur de la saisine, aux ministres intéressés, aux autres parties intéressées et au commissaire du Gouvernement «. En premier lieu, la cour relève que les arguments soulevés par les requérantes concernent exclusivement le grief n° 1, de sorte qu'en tout état de cause, le défaut de notification au ministre chargé des Transports n'a pas pu vicier la procédure en tant qu'elle concerne le grief n° 2. C'est en vain que la société Géodis invoque l'étroite connexité entre les deux griefs, alors que chacun de ces griefs est autonome. En second lieu, s'agissant du grief n° 1, il n'est, d'une part, pas établi que le ministre chargé des Transports serait intervenu à un quelconque moment pour apprécier, favoriser ou condamner les pratiques d'entente examinées par l'Autorité ni, plus généralement, que ces pratiques mettent en cause la responsabilité des administrations relevant de l'autorité de ce ministre. C'est en vain que la société Geodis soutient que l'Autorité a reconnu, dans la décision attaquée, que le ministre des Transports avait favorisé, même indirectement, les pratiques. En effet, au paragraphe 1170 de la décision attaquée, l'Autorité a au contraire souligné que « les pouvoirs publics n'ont jamais connu, autorisé ou encouragé les pratiques d'entente sur la surcharge gazole «. En admettant comme une circonstance atténuante la circonstance que les pouvoirs publics s'étaient exprimés en faveur d'une répercussion des variations du coût des carburants dans les contrats de transports, l'Autorité, qui ne s'est pas contredite, n'a nullement constaté que ces autorités, et en particulier le ministre chargé des Transports, avaient encouragé l'entente anticoncurrentielle objet du grief n° 1. D'autre part, il est vrai qu'à l'époque des pratiques, les articles 3 de la loi n° 92-1445 du 31 décembre 1992 relative aux relations de sous-traitance dans le domaine du transport routier de marchandises et 23-1 de la loi n° 95-96 du 1er février 1995 concernant les clauses abusives et la présentation des contrats et régissant diverses activités d'ordre économique et commercial, imposaient déjà que les prix pratiqués pour une prestation de transport public routier de marchandises ne soient pas inférieurs au coût de la prestation de service, c'est-à-dire à l'ensemble des charges réellement supportées par l'entreprise de transport, au nombre desquelles les charges de carburant. Mais, ainsi que l'a justement relevé l'Autorité, au paragraphe 170 de la décision attaquée, ces dispositions n'imposaient aucune méthodologie particulière de répercussion de l'évolution des charges sur le prix des prestations, et certainement pas une concertation entre entreprises en vue d'adopter une démarche commune à l'égard de leurs clients. Par ailleurs, par le grief n° 1, l'Autorité n'a pas reproché aux entreprises d'avoir répercuté sur leurs clients les hausses du coût de carburant, de sorte que la question soulevée par ce grief n'est pas le principe même de cette répercussion, objet des articles précités, mais ses modalités pratiques, sur lesquelles le ministre chargé des Transports n'avait pas pris position à l'époque des faits. Dès lors, les pratiques objet du grief n° 1 ne mettaient pas en cause l'application d'un texte relevant des missions spécifiques du ministre chargé des Transports. Il s'ensuit que le ministre chargé des Transports n'avait pas, dans le cas de l'espèce, la qualité de ministre intéressé, au sens des articles L. 463-2 et R. 463-11 du code de commerce, à qui la notification des griefs et le rapport auraient du être notifiés par l'autorité ;

1°) ALORS QUE la notification des griefs retenus par le rapporteur et la notification du rapport sont notamment faites par le rapporteur général aux ministres intéressés, soit à ceux dont relève la mise en oeuvre de textes ayant une incidence directe ou indirecte sur la licéité des pratiques examinées ; qu'en considérant que le ministre chargé des transports n'aurait pas qualité de ministre intéressé à qui les griefs et le rapport auraient dû être notifiés, quand il résulte de ses propres constatations que les pratiques en cause devaient être examinées au regard, notamment, de dispositions de la loi n° 92-1445 du 31 décembre 1992 relative aux relations de sous-traitance dans le domaine du transport routier de marchandises et de la loi n° 95-96 du 1er février 1995 concernant les clauses abusives, codifiées au sein du code des transports et relevant de la mission du ministre en charge des transports, la cour d'appel a violé les articles L. 463-2 et R. 463-11 du code de commerce ;

2°) ALORS QUE la notification des griefs retenus par le rapporteur et la notification du rapport sont notamment faites par le rapporteur général aux ministres intéressés, soit à ceux dont relève la mise en oeuvre de textes ayant une incidence directe ou indirecte sur la licéité des pratiques en cause ; qu'en considérant que le ministre chargé des transports n'aurait pas pris position sur les modalités de la répercussion des hausses du coût de carburant sans rechercher, comme elle y était invitée, si la Direction des transports terrestres n'avait pas déconseillé une répercussion annuelle, voire semestrielle ou trimestrielle dans le cas de figure litigieux, dans un guide pratique de décembre 2004, et si le Comité national routier n'avait pas, dans des notes de 2003, 2004 et 2005, préconisé une inscription de la surcharge gazole en pied de facture, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 463-2 et R. 463-11 du code de commerce.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION (sur l'absence de pratique concertée au titre du grief n° 1)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté les moyens des exposantes tendant à l'annulation de l'article 1er de la décision entreprise en ce qu'elle avait dit qu'il était établi que les sociétés DHL Express (France), DHL Holding (France) et Deutsche Post avaient enfreint les dispositions des articles L. 420-1 du code de commerce et 101, paragraphe 1 du TFUE, en participant, entre le 26 mai 2004 et le 5 janvier 2006 à une entente sur le marché français de la messagerie et de la messagerie express, qui visait à la mise en place selon une méthodologie commune d'une surcharge gazole ;

AUX MOTIFS QUE : Sur la participation au grief n° 1 : Les sociétés Alloin Holding, Chronopost, DPD, Dachser, DHL, Gefco, GLS, Heppner, Normatrans, TNT, Transports Henri Ducros et Ziegler, ainsi que la fédération TLF ont été sanctionnées, au titre du grief n° 1, pour avoir enfreint les dispositions des articles L. 420-1 du code de commerce et 101, paragraphe 1, du TFUE, en participant, entre le mois de mai 2004 et le mois de janvier 2006, à une concertation concernant la répercussion de la hausse du prix du gazole (décision attaquée, § 643 à 645 et 808 à 869) (...) 1. Sur l'existence d'une pratique concertée : (...) En premier lieu, le dispositif légal et réglementaire applicable au moment des faits, décrit aux paragraphes 163 à 173 de la décision attaquée, imposait que les prix pratiqués pour une prestation de transport public routier de marchandises ne soient pas inférieurs au coût de la prestation de service, c'est-à-dire à l'ensemble des charges réellement supportées par l'entreprise de transport, au nombre desquelles « les charges de carburant ». Cependant, ainsi que le relève l'Autorité au paragraphe 170 de la décision attaquée, ce dispositif n'imposait aucune méthodologie particulière de répercussion de l'évolution des charges sur le prix des prestations. Il s'en déduit que, même si les augmentations du prix du gazole devaient être répercutées par les entreprises de messagerie dans les prix de leurs prestations, rien n'imposait que cela fût fait mensuellement, et présenté au moyen d'un « pied de facture » et selon une méthodologie commune à toutes les entreprises. Si, comme le soulignent les requérantes, le coût du gazole n'était pas un paramètre de concurrence entre entreprises, la façon de répercuter ce coût était bien, pour elles, un instrument de concurrence, ce que révèle d'ailleurs leur souhait d'opérer ensemble, afin, pour chacune d'elles, d'écarter le risque que leurs clients s'adressent à leurs concurrents (voir décision attaquée, § 202, 227 et 228). En conséquence, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, il n'est nullement contradictoire que l'Autorité ait constaté l'existence d'une nécessité économique et d'une obligation légale de répercussion, tout en retenant que la pratique ayant consisté à isoler le coût spécifique du gazole et à élaborer une méthodologie commune de répercussion était une pratique de concertation anticoncurrentielle. En second lieu, il est exact que la société DHL avait élaboré, avant les pratiques, une méthodologie semblable à celle mise en oeuvre en l'espèce, concernant la répercussion de la hausse du prix du kérosène dans le cadre de son activité de fret aérien, élaborée selon ses propres critères, et il n'est pas contesté qu'elle envisageait de l'appliquer avant la conférence téléphonique du 26 mai 2004. Il est également exact que l'indice qu'elle avait choisi n'était pas celui retenu par les autres entreprises et qu'elle avait prévu ses propres paliers d'augmentation. Cependant, ces circonstances ne font pas disparaître le caractère concerté de son comportement, contrairement à ce que soutiennent les requérantes. En effet, la notification des griefs énonce que les parties ont « mis en oeuvre, dans le cadre des réunions du Conseil de Métiers Messagerie Express de la Fédération des entreprises de transport et de logistique de France (TLF), ainsi qu'à l'occasion de contacts bilatéraux ou plurilatéraux, une pratique concertée visant à restreindre le jeu de la concurrence entre elles sur un élément de prix, dénommé « surcharge gazole », en convenant de la répercussion des variations du prix du gazole selon une méthode commune «. La notification des griefs précise que « cette méthode commune comportait la mensualisation de la « surcharge gazole », le recours à des indices de référence communs (indices CNR), l'utilisation d'une grille de revalorisation à partir de coefficients multiplicateurs, la concomitance des dates de hausses et l'identification du montant de cette hausse spécifique en pied de facture «. Les rapporteurs ont, au paragraphe 335 de la notification des griefs, reproduit le tableau descriptif du calcul de la surcharge gazole que la société DHL a adressé à ses clients pour leur annoncer cette surcharge à compter du 1er juillet 2006. Ce tableau comporte, comme ceux adressés par les autres parties à la concertation, une grille de revalorisation à partir de coefficients multiplicateurs, c'est-à-dire des fourchettes de prix avec, en vis-à-vis, les pourcentages d'augmentation du prix de ses prestations que la société appliquerait, d'une part, pour la messagerie, d'autre part, pour le fret. De même que ses concurrents, la société DHL a commencé à appliquer la surcharge gazole à la suite de la réunion téléphonique du 26 mai 2004, soit le 1er juillet 2004. Elle ne conteste pas y avoir procédé mensuellement et l'avoir identifiée en pied de facture. Ainsi, la société DHL a appliqué une répercussion des hausses du prix du gazole selon une méthode semblable à celle de ses concurrents précédemment décrite, et qui n'en différait que par la référence à un autre indice d'augmentation des prix, celui de la Commission au lieu de celui du CNR, mais qui, pour les autres éléments (présentation de fourchettes en regard de pourcentages, mensualisation, présentation en pied de facture), était identique. La cour observe que les tableaux des autres entreprises, reproduits dans la notification des griefs (§ 323, 330, 331, 333), comportent eux aussi des minima et maxima, ainsi que des pourcentages, différents selon les entreprises. Mais, au-delà de ces différences – au demeurant minimes – dans les paramètres de la méthodologie mise en place, les entreprises en cause, dont la société DHL, étaient, du fait des informations échangées lors des diverses réunions auxquelles elles ont participé, assurées du mouvement coordonné par lequel leurs concurrents allaient répercuter mensuellement la hausse du prix du gazole, par une mention en pied de facture et selon des paliers d'augmentation. De ce fait, elles se trouvaient à l'abri des éventuelles tentatives de leurs clients de trouver auprès de la concurrence une modalité de répercussion alternative qui leur serait plus favorable. Il est, en conséquence, inopérant pour la qualification de concertation, d'une part, que la société DHL ait pu, avant la mise en place de l'entente, décider de transposer au gazole la méthodologie de répercussion de la hausse des coûts de kérosène qu'elle appliquait depuis 2002 à ses activités de transport aérien, d'autre part, qu'elle ait utilisé un indice d'augmentation des prix d'une autre origine que celui de ses concurrents, appliqué des paliers qui n'étaient pas totalement les mêmes que ceux de ses concurrents et fixé ses propres coefficients multiplicateurs, puisque, au sein de la même méthodologie, ces concurrents ont fait de même sans que ni l'une ni les autres se soient écartés de la méthodologie commune. La cour relève, sur ces deux derniers points, que les variations en cause étaient minimes et ne modifiaient nullement la portée de la méthode de répercussion. De même, il est indifférent pour la qualification de l'existence d'une concertation que le CNR, chargé de procéder à l'observation des prix et des coûts des transports (décision attaquée, § 65), ait à plusieurs reprises préconisé la répercussion de la hausse du prix du gazole « par le jeu d'un pied de facture «, dès lors que rien n'obligeait les entreprises à procéder de la sorte et à convenir ensemble de le faire afin d'éviter les contestations de leurs clients. Les moyens des requérantes contestant l'existence d'une pratique concertée sont en conséquence rejetés. 2. Sur la participation aux pratiques a) Concernant la société DHL (…) Contrairement à ce que soutiennent les requérantes, si la preuve de la présence de représentants de la société DHL à la conférence téléphonique du 26 mai 2004 n'est pas directement rapportée, elle résulte toutefois d'un faisceau d'indices graves, précis et concordants, détaillés par l'Autorité aux paragraphes 211 et 854 de la décision attaquée, auxquels la cour renvoie. Il ressort, en effet, de ces éléments, d'abord, que le dirigeant de la société DHL France et directeur de la société DHL, ainsi que le dirigeant de la société DHL ont reçu le compte rendu de la conférence téléphonique du 26 mai 2004 par courrier électronique, ce qui n'est pas contesté, ensuite, que les destinataires de ce compte rendu étaient les personnes présentes à la conférence téléphonique, ainsi que l'ont indiqué les demandeurs de clémence et, enfin, que seules ces personnes, lesquelles ne représentaient pas tous les participants du Conseil de Métiers, avaient été destinataires de ce compte rendu à caractère secret et, de ce fait, à diffusion limitée. Il importe peu, au regard de la concordance de ces indices et de leur caractère probant, que les organisateurs de la concertation et demandeurs de clémence n'aient pas nommément cité les participants à la conférence téléphonique du 26 mai 2004, ni apporté d'éléments de preuve directe de leur présence. En outre, la cour relève que les requérantes ne contestent pas que la société DHL a participé aux réunions du Conseil de Métiers des 8 juin 2004, 30 septembre 2004, 8 juin 2005 et 22 septembre 2005, lors desquelles la surcharge gazole a été évoquée. Il n'est pas contesté non plus que cette société a participé aux échanges informels à la fin de l'été 2005, au cours desquels les entreprises participantes ont échangé des informations sur leur comportement passé et sur leurs intentions futures en relation avec cette surcharge. Dans ces circonstances, et ainsi qu'il a déjà été retenu en conformité avec les principes jurisprudentiels rappelés par le ministre chargé de l'Économie, la société DHL était assurée du mouvement coordonné par lequel ses concurrents allaient, comme elle-même avait décidé de le faire, appliquer mensuellement la surcharge gazole par une mention en pied de facture et selon une méthodologie semblable à la sienne. Elle était donc assurée que les éventuelles tentatives de ses clients de trouver auprès de la concurrence une modalité de répercussion alternative qui leur soit plus favorable échoueraient. Il est, en conséquence, inopérant que cette société ait utilisé un indice d'augmentation des prix d'une autre origine que celui de ses concurrents, appliqué des paliers qui n'étaient pas exactement les mêmes et fixé ses propres coefficients multiplicateurs puisque, d'une part, la méthodologie employée était identique, d'autre part, les concurrents, eux non plus, n'ont pas adopté les mêmes paliers ou les mêmes coefficients, tous les faisant varier de façon marginale. Pour le même motif que celui qui vient d'être exposé, il est indifférent que la société DHL ait pu, avant la mise en place de l'entente, décider de transposer au gazole la méthodologie de répercussion de la hausse des coûts de kérosène qu'elle appliquait depuis 2002 à ses activités de transport aérien, et donc que l'Autorité n'ait pas examiné les éléments de preuve présentés sur ce point par elle. À ce sujet, la cour observe que, si, comme les requérantes le soutiennent, l'Autorité a relevé que la société TNT avait, depuis 2003, mis en place un système de surcharge gazole aux prestations d'express international (décision attaquée, § 249), elle n'en a tiré aucune conséquence particulière, puisqu'elle a également sanctionné cette société au titre du grief n° 1, pour avoir, à partir de 2004, appliqué la surcharge gazole aux prestations de messagerie classique nationale. Il s'ensuit que, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, l'Autorité a, par un faisceau d'indices précis, graves et concordants qui ne laisse pas de part au doute, et sans inverser la charge de la preuve, établi que la société DHL avait participé aux pratiques d'entente entre les entreprises du secteur de la messagerie classique et de la messagerie express visant à instaurer et appliquer la surcharge gazole. Leurs moyens sont en conséquence rejetés ;

1°) ALORS QUE l'interdiction des ententes n'est pas applicable aux pratiques résultant de la mise en oeuvre de dispositions législatives et/ou règlementaires et d'incitation des pouvoirs publics qui ne laissent subsister aucune possibilité réelle et concrète de concurrence ; qu'en s'abstenant de déterminer concrètement quelle était la marge de manoeuvre réelle des entreprises en cause relativement à la répercussion obligatoire de la surcharge gazole, constatée par l'arrêt (arrêt attaqué, p. 41, § 235 ; p. 88, § 560), donc la possibilité de concurrence subsistante, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 101 du TFUE et L. 420-1 du code de commerce ;

2°) ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QU'en considérant que la société DHL aurait appliqué une répercussion des hausses de prix du gazole selon une méthode semblable à celle de ses concurrents et participé aux pratiques d'entente entre les entreprises du secteur de la messagerie classique et express visant à instaurer et appliquer la surcharge gazole, après avoir constaté, d'abord, que cette entente était définie comme l'utilisation d'une méthode commune comportant la mensualisation de la « surcharge gazole », le recours à des indices de référence communs, la concomitance des dates de hausse et, ensuite, que la société DHL avait utilisé un indice d'augmentation des prix d'une autre origine que celui de ses concurrents, appliqué des paliers qui n'étaient pas les mêmes et fixé ses propres coefficients multiplicateurs, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles 101 du TFUE et L. 420-1 du code de commerce;

3°) ALORS, EN TOUTE ETAT DE CAUSE, QU' en considérant qu'il aurait été indifférent que la société DHL ait décidé de transposer au gazole la méthodologie de répercussion de la hausse des coûts de kérosène qu'elle appliquait depuis 2002 à ses activités de transport aérien, après avoir constaté que la société DHL envisageait, avant la concertation prétendue, de transposer à son activité de messagerie une méthode de répercussion du coût du carburant qui lui était propre, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation des articles 101 du TFUE et L. 420-1 du code de commerce ;

4°) ALORS QUE le seul fait d'avoir participé prétendument à une réunion tenue dans le cadre statutaire d'une organisation professionnelle dont l'ordre du jour aurait dans les faits évolué vers un objet anticoncurrentiel ne suffit pas à caractériser l'adhésion des entreprises à l'entente s'il n'est pas démontré qu'elle a adhéré à cette entente par l'application des consignes diffusées lors de cette réunion ; qu'en jugeant indifférent que la société DHL ait décidé de transposer au gazole la méthodologie de répercussion de la hausse des coûts de kérosène qu'elle appliquait depuis 2002 à ses activités de transport aérien, après avoir retenu que l'entente prétendue aurait été mise en place à l'occasion de réunions du Conseil des Métiers, sans vérifier que les exposantes avaient déféré à des consignes diffusées lors des réunions de cet organisme professionnel, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 101 du TFUE et L. 420-1 du code de commerce.

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION (Sur la distanciation publique au titre du grief n° 2)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit qu'il est établi que les sociétés DHL Express (France) S.A.S., DHL Holding (France) S.A.S. et Deutsche Post A.G. ont enfreint les dispositions des articles L. 420-1 du code de commerce et 101, paragraphe 1, du TFUE, en participant entre le 30 septembre 2004 et le 1er mars 2010, à une entente sur le marché français de la messagerie et de la messagerie express, qui visait à la mise en place d'une concertation sur les hausses tarifaires annuelles ;

AUX MOTIFS QUE : Sur la distanciation publique de la société DHL : La distanciation à l'égard des pratiques en cause, publique et non ambiguë, que la société DHL aurait manifestée lors de la réunion du Conseil de Métiers du 30 septembre 2004 et qu'elle aurait ensuite maintenue est, selon les requérantes, démontrée par le compte rendu de cette réunion figurant dans un courrier électronique, en date du 6 octobre 2004, adressé par le dirigeant de la société Graveleau à certains de ses cadres (cotes 1916 et 1917). Il ressortirait de ce courrier électronique que la société DHL « a indiqué sans ambiguïté qu'elle entendait se positionner d'une façon totalement libre et indépendante qui lui permette de mettre en oeuvre sa propre politique de reconquête du marcheì ». Mais, force est de constater que les termes du courrier électronique de la société Graveleau en date du 6 octobre 2004, précité, ne confirment pas que, lors de la réunion du Conseil de Métiers du 30 septembre 2004, la société DHL se serait publiquement et clairement distanciée des pratiques en cause et aurait maintenu cette position par la suite. En effet, ce courrier électronique, dont l'objet est intitulé « Augmentation tarifs 1/11/2004 / confidentiel », comprend, pour certaines des sociétés ayant participé à cette réunion, dont la société DHL, des informations relatives, d'une part, à la « surcharge gazole » appliquée à l'été 2004, d'autre part, aux hausses tarifaires envisagées pour l'année 2005 (cotes 1916 et 1917). Ces informations sont présentées sous la forme d'un tableau, précédé de la mention «En ce qui concerne les augmentations générales, je vous livre les résultats d'un tour de table qui a été fait dans la Profession », et suivi de la conclusion suivante: « Compte tenu de ces éléments, j'ai demandé à [B] [H] de partir sur une augmentation générale à 3,6 % + surcharge gazole séparée » (notification des griefs, § 473). S'agissant de la société DHL, ce tableau comporte les indications suivantes : « Excessivement sur la défensive. Surcharge gazole à fin août : 1,9 % pour la messagerie et 5 % pour l'express. Leur stratégie 2005 sera la suivante : utiliser leurs 280 commerciaux et attaquer les marchés en fonction de leurs besoins de fret avec des grilles tarifaires comprenant tout (style Express), avec l'intention de reconquérir les pertes de marché importantes constatées à ce jour ». Il est exact que ces annotations ne comportent pas d'éléments chiffrés et précis portant sur les hausses tarifaires envisagées par la société DHL pour l'année 2005, contrairement aux annotations concernant les autres sociétés ayant participé à cette réunion. De ce point de vue, le constat, fait par l'Autorité au paragraphe 340 de la décision attaquée, selon lequel, « [o]utre la question de la surcharge gazole évoquée plus haut, des informations précises et individualisées portant sur les hausses tarifaires futures pour l'année 2005 ont été échangées entre les entreprises présentes lors de la réunion du 30 septembre 2004 lors d'un « tour de table ». Ces échanges ont porté sur des pourcentages de hausse, à la fois précis et relativement similaires (3,4 % à 4 % pour la plupart des entreprises et environ 5 % pour Gefco et Mory) », ne peut à l'évidence s'appliquer à la société DHL, qui, à l'inverse des autres participants, n'a fourni aucune indication chiffrée en ce qui concerne sa stratégie. Pour autant, il n'en ressort nullement que cette société aurait fait connaître à ses concurrents qu'elle entendait ne pas leur communiquer d'informations d'ordre tarifaire ni en recevoir de leur part et qu'elle se serait ainsi distanciée de leurs pratiques. Au contraire, la société DHL a, au cours de ce tour de table, indiqué à ses concurrents qu'elle envisageait de développer une politique commerciale agressive afin de reconquérir des parts de marché et elle leur a ainsi fourni des informations à caractère sensible sur sa stratégie tarifaire à venir pour la campagne 2004-2005, les mettant ainsi en mesure d'adapter leur propre comportement en fonction de ces données. La distanciation alléguée par les requérantes n'est pas davantage démontrée par l'autre pièce du dossier sur laquelle l'Autorité s'est fondée et qui consiste dans une note interne de la société Alloin, en date du 25 octobre 2004, présentant un argumentaire destiné à ses forces commerciales pour la négociation des hausses tarifaires 2004/2005. En effet, en page 7 de ce document, intitulé « Hausse 2004 – Informations « (cote 51248), figurent, dans une rubrique intitulée « La hausse chez nos concurrents » les indications suivantes : « Premières informations : XP - Heppner : 3.5 %, BMV - Calberson : 3.9 %, DHL : 4 %, Gefco : 5 % ( y compris gazole), Graveleau : 3.6 %, Joyau : entre 3.5 et 4 %, GLSExtand : 4.1 %, TNT : 3.9 % ». Ainsi que le soulignent les requérantes, il ressort de l'instruction que la mention concernant la société DHL est erronée en ce qu'elle fait état d'un taux de hausse de 4 %. En effet, les rapporteurs ont, à propos de ce document, noté dans la notification de griefs que « la seule « erreur » identifiable concerne les informations sur DHL contenues dans la note interne d'Alloin. Le taux de 4 % mentionné n'est retrouvé nulle part dans les informations fournies par DHL. À cette exception près, toutes les informations échangées sur les taux de hausse sont confirmées et revêtent dès lors une très grande fiabilité (...) « (notification des griefs, § 480). Ils ont confirmé ce constat dans leur rapport, en y indiquant que, «[c]omme indiqué par la notification de griefs (point 480), ce taux semble être une erreur, et n'est retrouvé nulle part « (rapport, § 832). Mais la question ici en jeu est, non d'apprécier la force probante de ce document en ce qui concerne la réalité de la participation de la société DHL aux pratiques – c'est-à-dire de savoir s'il permet de déterminer si elle a communiqué des informations et si elle en a reçu –, mais de vérifier s'il en ressort que cette société se serait distanciée. Or, il ne résulte nullement de cette erreur, pas plus que d'autres mentions du document, que la société DHL aurait fait connaître aux autres participants qu'elle entendait ne pas leur communiquer d'informations d'ordre tarifaire ni en recevoir de leur part et qu'elle se serait ainsi distanciée des pratiques en cause. C'est encore à tort que les requérantes prétendent que les rapporteurs auraient reconnu cette distanciation dans la notification des griefs et dans leur rapport. En effet, si les rapporteurs ont, dans les termes ci-dessus rappelés, observé que la mention du taux de hausse de 4 % était erronée, ils n'en ont nullement conclu, pas plus dans la notification des griefs que dans leur rapport, que la société DHL se serait distanciée des pratiques en cause. Par ailleurs, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, cette distanciation ne peut pas être déduite du fait que la société DHL n'a pas été l'objet, à la différence de la société Mory, également présente à la réunion du Conseil de Métiers du 30 septembre 2004, de menaces d'exclusion ou de rétorsion. Ainsi que l'Autorité l'a relevé au paragraphe 921 de la décision attaquée, la société DHL ayant, lors de cette réunion, clairement fait savoir qu'elle entendait faire preuve d'agressivité commerciale et reconquérir des parts de marché, ses concurrents « n'avaient aucune raison de la rappeler à l'ordre, dès lors qu'elle suivait effectivement cette politique contrairement à la société Mory, qui n'avait pas suivi la stratégie qu'elle avait annoncée en réunion ». Enfin, les requérantes reprochent à l'Autorité d'avoir, pour établir l'absence de distanciation de la société DHL, procédé par amalgame en affirmant, au paragraphe 340 de la décision attaquée, que les échanges d'informations intervenus dans le cours de la réunion du 30 septembre 2004 avaient « porté sur des pourcentages de hausse, à la fois précis et relativement similaires », alors qu'il ressort du compte rendu de cette réunion que tel n'a pas été le cas s'agissant de la société DHL. Certes, selon ce compte rendu, la société DHL n'a pas, contrairement aux autres participants, communiqué de données chiffrées et précises sur sa stratégie tarifaire concernant la campagne à venir. Mais, ainsi que la cour l'a dit au paragraphe 383 du présent arrêt, cette circonstance n'établit nullement qu'elle se serait distanciée du contenu de la réunion à laquelle elle participait. En effet, la société DHL, loin de signifier aux autres participants à cette réunion qu'elle n'entendait pas leur communiquer d'informations sur sa future campagne ni en recevoir de leur part, leur a exposé son intention de mener une politique commerciale agressive et de récupérer des parts de marché, leur fournissant ainsi des informations à caractère sensible sur sa stratégie tarifaire à venir. Il résulte de l'ensemble de ces constatations qu'il n'est nullement démontré que la société DHL se serait distanciée des pratiques d'échanges d'informations mises en oeuvre, en vue de la campagne 2004-2005, lors de la réunion du Conseil de Métiers du 30 septembre 2004. C'est donc vainement que les requérantes font valoir que la société DHL n'est jamais revenue sur sa position initiale et que, si elle a continué de participer aux réunions du Conseil de Métiers, c'était pour discuter de problèmes communs à la profession, faute d'avoir démontré cette prétendue distanciation initiale ;

1°) ALORS QU'il n'est pas permis au juge de dénaturer les documents de la cause ; que selon le courrier électronique de la société Graveleau du 6 octobre 2004, évoquant la position de la société DHL, celle-ci s'était exprimée en ces termes lors de la réunion du 30 septembre 2004 : « (…) Leur strateìgie 2005 sera la suivante : utiliser leurs 280 commerciaux et attaquer les marchés en fonction de leurs besoins de fret avec des grilles tarifaires comprenant tout (style Express), avec l'intention de reconquérir les pertes de marché importantes constatées à ce jour » ; qu'en considérant que les termes du courrier électronique de la société Graveleau du 6 octobre 2004 ne confirmeraient pas que, lors de la réunion du Conseil de Métiers du 30 septembre 2004, la société DHL s'était publiquement et clairement distanciée des pratiques en cause, la cour d'appel a dénaturé ce courrier, en violation de l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;

2°) ALORS QU' en considérant qu'il ne serait nullement démontré que la société DHL s'était distanciée publiquement des pratiques d'échanges d'informations mises en oeuvre lors de la réunion du Conseil de Métiers du 30 septembre 2004, quand il résulte de ses propres constatations que la société DHL n'avait transmis aucune donnée chiffrée relatives à la hausse tarifaire qu'elle entendait appliquer et qu'elle avait indiqué, pendant cette réunion, qu'elle entendait mobiliser ses commerciaux afin d'attaquer les marchés et reconquérir les parts de marché perdues, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation des articles 101 du TFUE et L. 420-1 du code de commerce ;

3°) ALORS QUE la compréhension qu'ont les autres participants à une entente de l'intention de l'entreprise concernée est déterminante pour apprécier si cette dernière a entendu se distancier de l'accord illicite ; qu'en considérant qu'il ne serait nullement démontré que la société DHL s'était distanciée publiquement des pratiques d'échanges d'informations mises en oeuvre lors de la réunion du Conseil de Métiers du 30 septembre 2004, sans constater quelle a été la compréhension, par les autres participants à cette réunion, de la déclaration par la société DHL de ce qu'elle entendait utiliser ses commerciaux et attaquer les marchés en fonction de leurs besoins de fret avec des grilles tarifaires comprenant tout (style Express), avec l'intention de reconquérir les pertes de marché, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 101 du TFUE et L. 420-1 du code de commerce.


CINQUIEME MOYEN DE CASSATION (Sur l'absence de participation de la société DHL aux pratiques poursuivies au titre du grief n° 2)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit qu'il est établi que les sociétés DHL Express (France) S.A.S., DHL Holding (France) S.A.S. et Deutsche Post A.G. ont enfreint les dispositions des articles L. 420-1 du code de commerce et 101, paragraphe 1, du TFUE, en participant entre le 30 septembre 2004 et le 1er mars 2010, à une entente sur le marché français de la messagerie et de la messagerie express, qui visait à la mise en place d'une concertation sur les hausses tarifaires annuelles ;

AUX MOTIFS QUE : ß. Sur la campagne tarifaire 2004-2005 : Les sociétés DHL, DHL Holding (France) et Deutsche Post soutiennent qu'aucun élément du dossier ne démontre la participation de la société DHL aux échanges d'informations reprochés, puisqu'elle s'en est publiquement distanciée, comme en attesterait le compte rendu de la réunion du 30 septembre 2004 établi par la société Graveleau (cote 1916) et la note interne de la société Alloin. Mais la cour ayant examiné la teneur de ces documents aux paragraphes 379 à 392 du présent arrêt, elle a constaté qu'il n'en ressortait pas que la société DHL se serait distanciée publiquement des pratiques mises en oeuvre par les participants à la réunion du Conseil de Métiers. Au contraire, le compte rendu diffusé par le courrier électronique de la société Graveleau en date du 6 octobre 2004, rendant compte de la réunion du Conseil de Métiers du 30 septembre 2004, fait, ainsi qu'il vient d'être relevé, état d'informations à caractère sensible concernant la stratégie tarifaire à venir de la société DHL et relatives au développement d'une politique commerciale agressive en vue de la reconquête de parts de marché. Ces informations, qui ne peuvent, par définition, émaner que de cette société elle-même, ont mis ses concurrents en mesure d'adapter leur propre comportement en fonction de ces données. Par ailleurs, la société DHL a eu connaissance des informations données par les autres participants sur leur stratégie tarifaire pour la campagne à venir. Ces informations étaient précises, puisqu'elles comprenaient l'objectif chiffré de hausse pour 2005 que chacun d'entre eux visait ; c'est ainsi que cet objectif, selon le compte rendu, s'établissait entre 3,4 % et 4 % pour les sociétés Alloin et Heppner, à 3,8 % pour la société Schenker-Joyau, à 3,5 % pour la société Ducros, à 3,6 % pour la société Ziegler, entre 5 % et 5,5 % pour la société Mory et à 5,2 % pour la société Gefco. Ces constatations établissent que la société DHL a pris part aux échanges d'informations tarifaires auxquels il a été procédé dans le cadre de la campagne 2004-2005 ;

1°) ALORS QUE les pratiques relevant du grief n° 2 ont été définies comme ayant consisté, pour les entreprises en cause, d'une part en des échanges annuels d'informations commerciales sur les hausses de tarifs qu'elles projetaient d'appliquer à leurs clients, d'autre part, en cours de campagne tarifaire, en des échanges sur les résultats des négociations avec les clients et, enfin, en un rappel à l'ordre de l'entreprise déviante ; qu'en considérant qu'il aurait été établi que la société DHL avait pris part aux échanges d'informations tarifaires auxquels il a été procédé dans le cadre de la campagne 2004-2005, après avoir constaté que la société DHL avait indiqué lors de la réunion du Conseil des Métiers du 30 septembre 2004 qu'elle entendait mobiliser ses commerciaux pour attaquer les marchés et reconquérir les parts de marché précédemment perdues, et qu'elle n'avait fourni aucune indication chiffrée en ce qui concerne sa stratégie, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation des articles 101 du TFUE et L. 420-1 du code de commerce ;

2°) ALORS QUE les pratiques relevant du grief n° 2 ont été définies comme ayant consisté, pour les entreprises en cause, d'une part en des échanges annuels d'informations commerciales sur les hausses de tarifs qu'elles projetaient d'appliquer à leurs clients, d'autre part, en cours de campagne tarifaire, en des échanges sur les résultats des négociations avec les clients et, enfin, en un rappel à l'ordre de l'entreprise déviante ; qu'en considérant qu'il aurait été établi que la société DHL avait pris part aux échanges d'informations tarifaires auxquels il a été procédé dans le cadre de la campagne 2004-2005, sans constater qu'elle aurait participé à des échanges, en cours de campagne, sur les résultats des négociations et à des rappels à l'ordre d'entreprises déviantes ou aurait été l'objet de rappels à l'ordre, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 101 du TFUE et L. 420-1 du code de commerce.

3°) ALORS QU'un échange d'informations ne peut être qualifié d'anticoncurrentiel que s'il est constaté, outre une concertation entre les entreprises, un comportement sur le marché faisant suite à cette concertation et un lien de cause à effet entre ces deux éléments ; qu'en se bornant à retenir, pour considérer qu'il aurait été établi que la société DHL avait pris part aux échanges d'informations tarifaires auxquels il a été procédé dans le cadre de la campagne 2004-2005, que la société DHL avait eu connaissance des informations données par les autres participants à la réunion du 30 septembre 2004, après avoir relevé qu'elle n'avait fourni aucune indication chiffrée sur sa stratégie, et sans constater que les indications transmises par les autres entreprises auraient influencé son comportement sur les marchés concernés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 101 du TFUE et L. 420-1 du code de commerce ;

ET AUX MOTIFS QUE : Sur la campagne tarifaire 2005-2006 (…) La cour relève, d'abord, que la plupart des entreprises ayant participé à la réunion du Conseil de Métiers du 22 septembre 2005 n'ont pas contesté le constat, fait par l'Autorité au paragraphe 373 de la décision attaquée, que des échanges d'informations sur les revalorisations tarifaires futures ont eu lieu entre les participants au cours de cette réunion. Dans la mesure où les requérantes ne contestent pas que la société DHL était présente à la réunion du 22 septembre 2005, le constat qui précède suffit à caractériser la participation de cette société à l'entente au cours de la campagne 2005-2006, quand bien même elle n'aurait pas, pour sa part, communiqué des informations sur sa propre politique de hausse tarifaire au cours de cette réunion, puisqu'elle a ainsi reçu des informations qui lui étaient utiles dans le cadre des négociations avec sa clientèle. Ensuite, il avait également été convenu entre les participants à la réunion du Conseil de Métiers du 22 septembre 2005, de se transmettre mutuellement leurs circulaires de hausse tarifaire, ce que confirment les déclarations du président de la société Schenker-Joyau, qui, à propos de ces échanges intervenus à partir du 17 octobre suivant, a précisé : « je pense que c'était lors d'une réunion qu'ils ont décidé de s'échanger les circulaires. C'est possible que ce soit lors de cette réunion » (décision attaquée, § 372). Il est exact que la société DHL n'a pas diffusé sa propre circulaire et n'a reçu, parmi les cinq envois identifiés par l'Autorité, que la seule circulaire émanant de la société Alloin. Mais ce constat ne suffit pas à établir que, comme le soutiennent les requérantes, cet envoi unique résulterait d'une « erreur de destinataire » et, moins encore, à exonérer la société DHL de toute participation aux échanges d'informations, lesquels sont démontrés par les autres éléments du dossier. Au demeurant, la présence de la société DHL à la réunion du 22 septembre 2005, au cours de laquelle les participants ont décidé d'échanger leurs circulaires, exclut que la réception par cette société de la circulaire de la société Alloin ait résulté d'une telle erreur. Par ailleurs, la société DHL figure dans les compilations tarifaires auxquelles les sociétés Graveleau et Alloin ont procédé et qu'elles ont diffusées à leurs collaborateurs. En effet, par son courrier électronique interne du 21 octobre 2005, précité, la société Graveleau a adressé, à ses directeurs régionaux et à plusieurs de ses cadres, un courrier électronique précédemment reçu de la société Schenker-Joyau et comportant les mentions : «En ce qui nous concerne, je te confirme ce que je t'avais dit précédemment : Nous allons circulariser l'ensemble de notre clientèle avec un taux de 4,6 % applicable au 1er décembre (...) ». Elle a accompagné cet envoi du message suivant : « Vous trouverez ci-dessous le message qui indique les conditions de revalorisation de Joyau. A titre d'information, ci-après également les informations qui ont été portées à notre connaissance de la part de certains confrères : (...) DHL : se situerait entre 3 et 3.5 % au 1er janvier (...) Nous pouvons constater que certains confrères ont une forte volonté de revalorisation ; cela doit d'autant plus nous amener, dans nos démarches, à maintenir notre fermeté pour défendre notre taux d'augmentation, même s'il y a des clients qui viendront toujours nous faire remarquer que les autres transporteurs ont moins, etc... » (décision attaquée, § 374). De son côté, la société Alloin a adressé, le 24 octobre 2005, le courrier électronique interne, précité, qui était ainsi rédigé : « Je vous informe que les circulaires de hausse partent ce jour. Un tableau récap des taux de hausse vous parviendra cette semaine. J'en profite pour vous communiquer les hausses de nos principaux concurrents. (...) DHL 3.9 CGV idem (gasoil) 3 % sous réserve (...) » (décision attaquée, § 377). Si les requérantes soutiennent que ces informations n'ont pas été fournies par la société DHL et qu'elles sont « le fruit de simples enquêtes et/ou de compilations internes propres à Alloin et Graveleau », cette hypothèse ne peut être sérieusement retenue, ne serait-ce que parce qu'elle est contredite par les termes mêmes du courrier électronique de la société Graveleau, qui fait état des informations « qui ont été portées à notre connaissance de la part de certains confrères ». Cette hypothèse n'est pas davantage démontrée par le fait que le courrier électronique de la société Graveleau indique, pour la société DHL, non un seul taux de hausse, mais une fourchette « entre 3 et 3.5 % ». L'indication d'une fourchette plutôt que d'un pourcentage signifie simplement qu'à cette date, la société n'avait pas encore fixé avec précision et d'une façon définitive le taux qu'elle envisageait d'appliquer, à l'instar d'ailleurs des autres sociétés dont le taux est toujours présenté en forme conditionnelle : « Geodis : augmenterait de 3.9 % (...) Heppner : augmenterait de 4.8 % (...) Mory : appliquerait une majoration de 3.9 % (...) Alloin : s'oriente sur 5.6 % ». Il en va de même de la mention « sous réserve » figurant dans le courrier électronique de la société Alloin à côté de la mention « 3.9 CGV idem », qui ne diminue pas l'intérêt que cette information pouvait présenter pour les concurrents de la société DHL. C'est, par ailleurs, à tort que les requérantes font valoir que les compilations tarifaires figurant dans ces deux courriers électroniques seraient contradictoires et affectées d'une « absence de cohérence ». En effet, le fait que le taux de 3,9 % figurant dans le second courrier électronique se situe légèrement au-dessus de la fourchette annoncée dans le premier courrier électronique – entre 3 et 3,5 % – est conforme au caractère explicitement conditionnel et non encore définitif des taux qui y figurent. Il en va d'ailleurs de même s'agissant de la société Heppner, pour laquelle le courrier électronique de la société Graveleau fait état d'une augmentation de 4,8 %, et celui de la société Alloin d'une augmentation de 4 %. S'agissant de la cohérence entre les informations échangées et le comportement des entreprises sur le marché, il est de fait que la société DHL a communiqué à ses clients un taux de hausse de 2,5 %, donc inférieur aux taux, ci-dessus mentionnés, dont ses concurrents avaient eu connaissance. Il est également avéré, ainsi que cela ressort du tableau récapitulatif figurant au paragraphe 379 de la décision attaquée, que cette situation est propre à la société DHL, puisque le taux communiqué à leurs clients par les autres sociétés est toujours celui qu'elles avaient indiqué dans leurs échanges, à l'exception, toutefois, de la société Heppner, dont le taux communiqué à la clientèle est de 4,8 % alors que le taux figurant dans la compilation établie par la société Alloin est de 4 %. Cette disparité, cependant, ne démontre pas que les informations tarifaires compilées par les sociétés Graveleau et Alloin ne proviendraient pas de la société DHL elle-même, mais doit être comprise en ce sens que celle-ci, dans la ligne de la politique de reconquête de parts de marché qu'elle avait engagée l'année précédente, avait choisi d'obtenir de ses clients un taux de hausse moins important que celui qu'elle avait initialement envisagé. Enfin, il est effectivement avéré que la société DHL n'a pas participé à la réunion du Conseil de Métiers du 16 mars 2006, au cours de laquelle les participants ont fait le point des résultats de leurs négociations tarifaires, et qu'elle n'est pas mentionnée dans les notes de la société TNT qui comportent des indications sur les hausses pratiquées par certains de ces participants. Mais, si ce constat témoigne de ce que, au cours de la campagne tarifaire 2005-2006, la participation de la société DHL à l'entente a été moins intense que celle des entreprises qui, a posteriori et d'une manière concertée, ont suivi la mise en oeuvre des revalorisations tarifaires, il ne remet pas en cause la réalité même de cette participation ;

4°) ALORS QU'un échange d'informations ne peut être qualifié d'anticoncurrentiel que s'il est constaté, outre une concertation entre les entreprises, un comportement sur le marché faisant suite à cette concertation et un lien de cause à effet entre ces deux éléments ; qu'en estimant que la participation de la société DHL à l'entente au cours de la campagne 2005-2006 serait caractérisée, après avoir constaté que la société DHL n'avait pas communiqué d'information sur sa politique de hausse tarifaire lors de la réunion du Conseil de Métiers du 22 septembre 2005, n'avait pas transmis aux autres entreprises la circulaire de hausse des tarifs qu'elle avait adressée à ses clients, que le taux de hausse qu'elle avait appliqué ne correspondait pas à ceux mentionnés dans les échanges des sociétés Graveleau, Alloin et Schenker-Joyau, et que sa politique commerciale de conquête et reconquête de parts de marché était demeurée inchangée, de sorte que les informations qu'elle aurait reçues n'avaient eu aucune incidence sur son comportement sur les marchés, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles 101 du TFUE et L. 420-1 du code de commerce ;

5°) ALORS QUE les pratiques relevant du grief n° 2 ont été définies comme ayant consisté, pour les entreprises en cause, d'une part en des échanges annuels d'informations commerciales sur les hausses de tarifs qu'elles projetaient d'appliquer à leurs clients, d'autre part, en cours de campagne tarifaire, en des échanges sur les résultats des négociations avec les clients et, enfin, en un rappel à l'ordre de l'entreprise déviante ; qu'en estimant que la participation de la société DHL à l'entente au cours de la campagne 2005-2006 serait caractérisée, après avoir constaté que la société DHL n'avait pas participé à des échanges d'informations sur les résultats des négociations en cours de campagne, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation des articles 101 du TFUE et L. 420-1 du code de commerce ;

6°) ALORS QUE les pratiques relevant du grief n° 2 ont été définies comme ayant consisté, pour les entreprises en cause, d'une part en des échanges annuels d'informations commerciales sur les hausses de tarifs qu'elles projetaient d'appliquer à leurs clients, d'autre part, en cours de campagne tarifaire, en des échanges sur les résultats des négociations avec les clients et, enfin, en un rappel à l'ordre de l'entreprise déviante ; qu'en estimant que la participation de la société DHL à l'entente au cours de la campagne 2005-2006 serait caractérisée, sans constater qu'elle aurait participé à un rappel à l'ordre d'entreprises déviantes ou aurait été l'objet de rappels à l'ordre, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 101 du TFUE et L. 420-1 du code de commerce ;

ET AUX MOTIFS QUE : Sur la campagne tarifaire 2006-2007 : (…) En premier lieu, la décision attaquée fait état, au titre des échanges d'informations qui auraient débuté dès l'été 2006, du compte rendu, déjà cité, fait par la société Graveleau d'une réunion interne tenue le 21 juillet de cette année. Intitulé «Présentation générale du marché », ce document, reproduit au paragraphe 388 de la décision attaquée, mentionnait des informations commerciales et tarifaires relatives aux concurrents de ladite société et était ainsi libellé : « XP/Heppner : A pris des dispositions drastiques depuis le 1er juin, notamment concernant l'application du tarif interne Heppner de manière à aider à un rééquilibrage : les bénéfices d'Heppner sont aujourd'hui absorbés par les mauvais résultats D'XP. Gefco limite son activité messagerie à 30 % et concentre toute son action sur l'Europe, qui devient son « cheval de bataille ». Joyau Schenker Allemagne, qui rencontre plus ou moins les mêmes problématiques (pénurie de camions, très forte augmentation des volumes), a décidé d'appliquer une hausse de 5 % sur ses tarifs nationaux (ce qui semblerait être général en Allemagne, en anticipation de la prochaine augmentation, de manière à maîtriser ses volumes). Mory inquiet de ses résultats, dit vouloir augmenter ses tarifs. DHL considère impératif de procéder à une augmentation tarifaire. […] Globalement, dans la Profession : – des résultats en baisse, – un réseau aujourd'hui confronté à une pénurie de camions, – la volonté d'appliquer une hausse tarifaire de 5 % à partir de septembre ou d'octobre ». L'Autorité a considéré que ce compte rendu « atteste du recueil d'informations commercialement sensibles échangées entre six entreprises au moins » et que « [c]es informations ne peuvent manifestement provenir que des entreprises elles-mêmes » (décision attaquée, § 392). Les requérantes contestent qu'on puisse tirer une telle conclusion en ce qui concerne la société DHL. Elles reprochent en effet à l'Autorité d'avoir « tronqué » la mention correspondant à cette société, dont le texte complet est le suivant : « DHL considère impératif de procéder à une augmentation tarifaire. Il semble, indique [U] [F], que la qualité dans le réseau DHL soit actuellement très mauvaise ». Elles en déduisent que l'information concernant la société DHL provenait, non de celle-ci, mais de la veille concurrentielle exercée par la société Graveleau, dont M. [F] était le directeur des transports terrestres. Cette argumentation ne peut qu'être écartée. En effet, d'une part, le fait que l'information sur la mauvaise qualité du réseau de la société DHL ait été rapportée au rédacteur de ce compte rendu par un autre collaborateur de la société Graveleau laisse entière la question de savoir d'où celui-ci tenait cette information et est donc sans effet sur la détermination de son origine. D'autre part, s'agissant de l'information relative à la politique tarifaire de cette société, sa teneur et son libellé même, et notamment l'emploi du verbe « considérer » et la référence au caractère « impératif » de la hausse envisagée, montrent qu'il s'agit non d'une donnée factuelle qui aurait pu être collectée sur le marché, mais d'une appréciation subjective, inspirée par la situation particulière de la société DHL à cette époque et de ses perspectives immédiates et qui, en conséquence, ne peut provenir que de cette société. À la lumière des constatations exactes de l'Autorité, la cour considère comme établi que la société DHL a participé à un échange bilatéral avec au moins la société Graveleau, à laquelle elle a communiqué des informations commercialement sensibles sur sa politique de hausse tarifaire. En deuxième lieu, s'agissant de la poursuite des échanges durant l'automne 2006, l'Autorité a examiné des notes manuscrites, intitulées « TLF » et rédigées par le représentant de la société TNT, qui exerçait, par ailleurs, les fonctions de vice-président du Conseil de Métiers. Elle a observé que ce document, qui se rapportait « vraisemblablement » à la réunion du Conseil de Métiers du 28 septembre 2006 (décision attaquée, § 396), comprenait de nombreuses informations chiffrées sur plusieurs des entreprises présentes à cette réunion, attestant ainsi de l'organisation d'un « tour de table », dont elle a souligné qu'il était une pratique habituelle du Conseil de Métiers (décision attaquée, § 398). Ces informations étaient présentées sous la forme d'un tableau à cinq colonnes, dont la première listait des entreprises et les suivantes, selon l'interprétation qu'en a donnée l'Autorité, correspondaient à des données tarifaires et d'activité, ainsi qu'à des dates d'entrée en application (décision attaquée, § 398 à 403). S'agissant de la société DHL, ces notes comportent la mention manuscrite : « DHL : 3,2 net 4,5 - Pas option exempté 12 % [illisible] 12 % - Top 1000 revisité ». Les requérantes font valoir qu'on ne peut tirer de ce document aucune conclusion concernant la société DHL. Elles soulignent que, comme l'Autorité l'a elle-même relevé au paragraphe 415 de la décision attaquée, la circulaire de la société DHL a été appliquée à partir du 1er octobre 2006 et en concluent qu'elle avait été précédemment envoyée à ses clients, de sorte que l'information en cause était déjà disponible sur le marché et offerte à la veille concurrentielle de ses concurrents. Il ressort effectivement du tableau figurant au paragraphe 415 de la décision attaquée que la circulaire de la société DHL était applicable au 1er octobre 2006, alors que celles de ses concurrents ne sont entrées en application que plus tardivement, à des dates s'échelonnant entre le 1er novembre et le 1er décembre 2006. Il y a donc lieu de conclure qu'elle avait été adressée aux clients de cette société plusieurs jours auparavant, et vraisemblablement avant même la réunion du Conseil de Métiers du 28 septembre 2006. Cependant, il ressort des mentions portées sur les notes manuscrites de la société TNT, ci-dessus visées, que les informations concernant la société DHL ne peuvent avoir été communiquées que par cette société elle-même. En effet, ces informations ne consistent pas seulement dans le taux de hausse figurant dans la circulaire déjà diffusée aux clients de cette dernière, et donc susceptible d'être le cas échéant détecté par la veille concurrentielle d'autres entreprises ; elles fournissent également des indications sur le déroulement des négociations menées par la société DHL avec ses clients. C'est ainsi, comme l'Autorité l'a relevé au paragraphe 402 de la décision attaquée, que la mention « Pas option exempté » renvoie au fait que de nombreux clients demandent, lors des négociations, à être exemptés de la hausse et que la mention « Top 1000 revisité » correspond au fait que les clients importants et moyens font généralement l'objet d'une visite d'un commercial au moment de la hausse tarifaire. De telles informations, absentes par définition de la circulaire de hausse diffusée, ne peuvent, par leur nature même, avoir été communiquées aux participants à la réunion du 28 septembre 2006 que par la société DHL, aucune autre société ayant participé à cette réunion n'ayant été à même d'en avoir connaissance. En revanche, s'il ressort des constatations de l'Autorité que la société Graveleau avaient transmis sa circulaire de hausse tarifaire le 17 octobre 2006 aux sociétés Alloin, Geodis, Schenker-Joyau, Gefco et Heppner, que la société Alloin avait transmis la sienne les 24 octobre et 2 novembre 2006 aux sociétés Graveleau, Heppner, BMVirolle, Darfeuille, Geodis, Schenker-Joyau, Mory et Peronnet, tout en réclamant à ces sociétés qu'elles lui adressent les leurs, et que les société Schenker-Joyau, Heppner et Perronet avaient communiqué leurs circulaires, respectivement, les 2 et 13 novembre 2006 à la société Alloin, la société BMVirolle ayant par ailleurs transmis le 8 novembre 2006 à la société Graveleau la circulaire de la société Mory (décision attaquée, § 405 à 413), force est de relever que la société DHL n'est pas en cause dans ces échanges d'informations sensibles puisqu'elle n'a pas transmis sa propre circulaire à ses concurrents ni n'a été destinataire de celles de ses concurrents. En ce qui concerne, enfin, la cohérence des informations échangées par les entreprises avec leur comportement sur le marché, le tableau figurant au paragraphe 415 de la décision attaquée récapitule les comparaisons auxquelles l'Autorité a procédé. S'agissant de la société DHL, ce tableau comporte les indications suivantes : Tableau 16 - Cohérence entre informations échangées et comportement sur le marché (campagne 2006-2007)

TABLEAU (arrêt p. 69)

L'Autorité a considéré que ce tableau « montre que les entreprises présentes à la réunion du 28 septembre 2006 ont pu obtenir, de manière anticipée, des informations précises sur le comportement futur de plusieurs de leurs concurrents en matière de hausse tarifaire. En effet, les entreprises en cause ont toutes envoyé leurs circulaires de revalorisation tarifaire aux clients postérieurement au 28 septembre 2006 (ou pour certaines, le même jour) » (décision attaquée, § 416). Force est de constater que, comme les requérantes le soulignent, ce dernier constat ne peut s'appliquer à la société DHL, dont la circulaire était applicable au 1er octobre 2006 et, par conséquent, a été adressée à ses clients plusieurs jours avant, et très vraisemblablement avant le 28 septembre 2006. En effet, d'après les indications figurant dans le tableau précité, le délai séparant l'envoi aux clients des circulaires de revalorisation et la date d'application de celles-ci s'échelonne entre quinze jours pour le plus court (société Graveleau) et cinq semaines pour le plus long (société Heppner). Il n'est donc pas plausible que la circulaire de la société DHL, entrée en application le 1er octobre 2006, n'ait été adressée à ses clients que le 28 septembre précédent. En troisième lieu, l'Autorité a considéré que les entreprises en cause avaient, jusqu'à la fin de la campagne 2006-2007, continué à échanger des informations tarifaires afin de suivre et de contrôler la mise en oeuvre de leurs revalorisations (décision attaquée, § 421 à 426). Elle a fondé ce constat sur des notes, saisies dans les locaux de la société Heppner, se rapportant à une réunion du Conseil de Métiers du 18 janvier 2007 et contenant de nombreuses mentions relatives aux hausses tarifaires de ces entreprises, ainsi que sur un courrier électronique de la société Graveleau du 4 avril 2007, se rapportant à une réunion du 29 mars précédent, contenant des informations, quelquefois très précises, sur les revalorisations effectivement obtenues. Les requérantes soutiennent que ces documents ne peuvent leur être opposés, au motif qu'il n'est pas établi que les informations qu'ils contiennent, relatives à la société DHL, proviendraient de celle-ci. Cet argument, cependant, ne peut qu'être écarté, compte tenu du libellé même de ces informations. C'est ainsi que les notes saisies dans les locaux de la société Heppner, qui relatent les débats de la réunion du Conseil de Métiers du 18 janvier 2007, comportent, parmi des données tarifaires chiffrées relatives à plusieurs participants, la mention suivante concernant la société DHL : « A tarifaire : devrait obtenir les 4,5 % » (décision attaquée, § 421). Cette information ayant trait aux chances de la société DHL d'obtenir de ses clients qu'ils acceptent l'augmentation de 4,5 % qu'elle souhaitait, elle ne peut à l'évidence provenir que de cette société elle-même. De la même façon, les termes mêmes du courrier électronique du 4 avril 2007, dans lequel le dirigeant de la société Graveleau a rendu compte à certains de ses collaborateurs de la réunion du 27 mars précédent, en faisant état de données précises sur les revalorisations obtenues par les participants, démontrent que les informations concernant la société DHL avaient été communiquées par celle-ci ; ce courrier électronique, en effet, comporte, en annonce de ces informations, la mention suivante : « Je vous livre les chiffres communiqués par nos confrères présents, sur la résultante des augmentations tarifaires 2007 ». En dernier lieu, la cour souligne qu'en tout état de cause, la majorité des entreprises ayant participé aux réunions du Conseil de Métiers des 28 septembre 2006 et 18 janvier 2007 n'ont pas contesté le constat, fait par l'Autorité aux paragraphes 404 et 424 de la décision attaquée, que des échanges d'informations sur les revalorisations tarifaires futures ont eu lieu entre les participants au cours de cette réunion. Dans la mesure où les requérantes ne contestent pas que la société DHL était présente aux réunions des 28 septembre 2006 et 18 janvier 2007, le constat qui précède suffit à caractériser la participation de cette société à l'entente au cours de la campagne 2006-2007, quand bien même elle n'aurait pas, pour sa part, communiqué des informations sur sa propre politique de hausse tarifaire au cours de cette réunion, puisqu'elle a ainsi reçu des informations qui lui étaient utiles dans le cadre des négociations avec sa clientèle. Il résulte de l'ensemble de ces constatations qu'il est établi que la société DHL, même si elle n'a pas transmis sa circulaire à ses
concurrents ni n'a été destinataire des leurs, a participé aux échanges d'informations auxquels il a été procédé durant l'été 2006 puis au cours de la réunion du Conseil de Métiers du 28 septembre 2006, et au suivi du résultat des négociations tarifaires consécutives. Dès lors, la cour constate que la participation de la société DHL aux pratiques au cours de la campagne 2006-2007 est établie ;

7°) ALORS QUE les pratiques relevant du grief n° 2 ont été définies comme ayant consisté, pour les entreprises en cause, d'une part en des échanges annuels d'informations commerciales sur les hausses de tarifs qu'elles projetaient d'appliquer à leurs clients, d'autre part, en cours de campagne tarifaire, en des échanges sur les résultats des négociations avec les clients et, enfin, en un rappel à l'ordre de l'entreprise déviante ; qu'en considérant que la participation de la société DHL aux pratiques poursuivies au cours de la campagne 2006-2007 serait établie, sans constater que la société DHL aurait participé ou aurait été l'objet d'un rappel à l'ordre d'entreprises déviantes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 101 du TFUE et L. 420-1 du code de commerce ;

8°) ALORS QU'un échange d'informations ne peut être qualifié d'anticoncurrentiel que s'il est constaté, outre une concertation entre les entreprises, un comportement sur le marché faisant suite à cette concertation et un lien de cause à effet entre ces deux éléments ; qu'en considérant que la participation de la société DHL aux pratiques poursuivies au cours de la campagne 2006-2007 serait caractérisée, après avoir constaté que la société DHL n'avait pas transmis sa circulaire de revalorisation à ses concurrents et n'avait pas reçu les leurs et qu'elle avait adressé cette circulaire à ses clients bien avant la réunion du Conseil de Métiers du 28 septembre 2006, de sorte qu'il n'était pas établi que la concertation prétendue aurait eu une quelconque influence sur son comportement sur les marchés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 101 du TFUE et L. 420-1 du code de commerce ;

9°) ALORS QUE le motif hypothétique équivaut au défaut de motif ; qu'en se fondant sur un compte rendu d'une réunion interne de la société Graveleau tenue le 21 juillet 2006, pour considérer « établi que la société DHL a participé à un échange bilatéral avec au moins la société Graveleau, à laquelle elle a communiqué des informations commercialement sensibles sur sa politique de hausse tarifaire » (arrêt attaqué, § 420), motifs pris que l'argumentation de la société selon laquelle l'information concernant la société DHL provenait, non de celle-ci, mais de la veille concurrentielle exercée par la société Graveleau, dès lors, d'une part, que « le fait que l'information sur la mauvaise qualité du réseau de la société DHL ait été rapportée au rédacteur de ce compte rendu par un autre collaborateur de la société Graveleau laisse entière la question de savoir d'où celui-ci tenait cette information » et, d'autre part, que « s'agissant de l'information relative à la politique tarifaire de cette société, sa teneur et son libellé même, et notamment l'emploi du verbe « considérer » et la référence au caractère « impératif » de la hausse envisagée, montrent qu'il s'agit non d'une donnée factuelle qui aurait pu être collectée sur le marché, mais d'une appréciation subjective, inspirée par la situation particulière de la société DHL à cette époque et de ses perspectives immédiates et qui, en conséquence, ne peut provenir que de cette société » (arrêt attaqué, § 419), la cour d'appel, qui s'est prononcée par un motif hypothétique, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

ET AUX MOTIFS QUE : Sur la campagne tarifaire 2007-2008 : (…) De fait, les éléments réunis par les services d'instruction de l'Autorité ne mettent pas en cause la société DHL, à l'exception de l'un d'entre eux. C'est ainsi que la société DHL n'est pas mentionnée par les pièces du dossier comme ayant participé aux réunions des 21 juin et 18 juillet 2007, qui auraient été le cadre de premiers échanges d'informations entre les participants. Cette société, par ailleurs, n'est pas mentionnée dans le courrier électronique interne de la société Graveleau en date du 27 juillet 2007, dont il ressort, selon l'Autorité, que « les entreprises ont révélé à leurs concurrents leur stratégie commerciale pour les mois à venir en étant très précis sur l'orientation à la hausse, la date de la hausse et le niveau de la hausse « (décision attaquée, § 430). En effet, ce courrier électronique fait état d'informations tarifaires précises, mais qui concernent d'autres entreprises que la société DHL : « Geodis a déjà lancé sa circulaire fin juillet pour annoncer une augmentation de ses tarifs de 5 % et de l'express de 2 %. Joyau a fait 4,5 %, et tous les autres sont entre 4,5 % et 5,0 %. Mory a également lancé une circulaire pour dire qu'il allait, en plus de cela, augmenter sensiblement ses tarifs entre le Nord et le Sud compte tenu des déséquilibres de véhicules en aller et retour » (décision attaquée, § 429). En outre, la société DHL n'a pas été destinataire de la circulaire de la société Mory que la société Schenker-Joyau a adressée le 27 juillet 2007 à la société Graveleau, permettant à cette dernière, ainsi que l'Autorité l'a relevé, « de connaître la stratégie adoptée par plusieurs de ses concurrents (dont Schenker-Joyau, Geodis et Mory, de façon plus précise) en matière de différenciation tarifaire nord/sud ou d'augmentation de tarifs au 1er octobre 2007 », et n'est pas davantage citée dans les autres courriers électroniques internes de la société Graveleau, en date des 3 et 31 août 2007 (décision attaquée, § 433 à 436). De même, elle n'a pas participé à la réunion du Conseil de Métiers du 29 novembre 2007, ni à celle du 27 mars 2008, au cours desquelles les participants se sont livrés à un suivi de leurs négociations et en ont dressé le bilan. En effet, elle n'est pas mentionnée dans les notes de la société Heppner se rapportant à la première de ces réunions, qui contenaient des informations précises relatives aux hausses tarifaires passées par les sociétés Ziegler, Gefco, Normatrans, Exapaq, Chronopost, Schenker-Joyau, Graveleau, TNT et Geodis, dont aucune ne concernait la société DHL (décision attaquée, § 452). Enfin, la société DHL ne figure pas dans le tableau inséré au paragraphe 443 de la décision attaquée, par lequel l'Autorité a vérifié la cohérence des informations échangées par les sociétés Graveleau, Geodis, Heppner, Schenker-Joyau, Alloin, TNT, Exapaq, Gefco, GLS et Mory avec leur comportement sur le marché. Il reste, en revanche, la participation de la société DHL à la réunion du Conseil de Métiers du 13 septembre 2007, dite « atelier messagerie ». Les requérantes ne contestent pas que la société DHL a participé à cette réunion, mais soutiennent qu'il n'est pas établi que des informations tarifaires auraient été échangées à cette occasion. À cet égard, elles font valoir que les notes manuscrites saisies dans les locaux de la société TNT (cote 1706, reproduite dans la décision attaquée, § 441) ne rapportent pas la preuve de ces échanges. Selon les requérantes, en effet, si ces notes manuscrites relatent des échanges d'informations tarifaires, rien ne permet d'affirmer que ceux-ci auraient eu lieu durant la réunion du 13 septembre 2007, tandis que plusieurs éléments démontrent, au contraire, qu'ils sont intervenus plusieurs jours avant cette réunion, en vue de sa préparation. Comme la cour l'a relevé au paragraphe 312 du présent arrêt, ces notes manuscrites figurent sur la copie imprimée d'un courrier électronique adressé le 10 septembre 2007, en vue de la réunion du 13 septembre suivant, par la fédération TLF, notamment, au président et aux deux vice-présidents du Conseil de Métiers, qui étaient par ailleurs, respectivement, président de la société Heppner, directeur-général adjoint de la société Geodis et président de la société TNT. À ce courrier électronique, dont l'objet était « Urgent mémo « atelier messagerie » », était joint un « projet de mémo qui met en avant les demandes de la profession » (décision attaquée, § 441). Le texte de ce courrier électronique était le suivant : « Bonjour, Ci-joint un projet de mémo qui met en avant les demandes de la profession. Ce texte que je soumets à vos corrections, pourrait faire l'objet d'une distribution en fin d'atelier. Cordialement (...) » Sur la copie imprimée de ce courrier électronique figurent deux séries d'annotations manuscrites, formellement séparées. La première est ainsi rédigée : « êtes-vous d'accord sur ce texte? oui non ». La deuxième série d'annotations manuscrites se présente sous la forme de trois colonnes dans lesquelles sont inscrits, pour la première, des pourcentages (5 %, 4,5 % -> 5,5 %, 5 %, 4,7 %, 3,9 %, 4,5 %, 5,4 %), pour la deuxième, des dates (1er octobre 2007, 1er décembre 2007, 1er janvier 2008) et, pour la troisième, les noms de certaines des entreprises ayant participé à la réunion du Conseil (Heppner, Joyau, Gefco, Kuhn, Darfeuille, Exapaq, Geodis). L'Autorité a considéré que ces annotations devaient être regardées comme correspondant au taux de hausse tarifaire envisagé par chacune des sociétés visées, avec la date de sa mise en application, et qu'elles démontraient, en conséquence, que les participants à la réunion du 13 septembre 2007 avaient échangé des informations tarifaires dont, dans la décision attaquée, l'Autorité avait relevé, à juste titre, qu'elles étaient « précises, stratégiques et futures » (décision attaquée, § 442). Les requérantes contestent qu'il en soit ainsi. Elles soulignent, en premier lieu, que la mention « êtes-vous d'accord avec ce texte ? oui non » avait pour objet de déterminer si les destinataires du courrier électronique approuvaient le « projet de mémo » qui était joint et qu'en conséquence, les annotations manuscrites ne pouvaient avoir été prises lors de la réunion du 13 septembre 2007. Mais l'affirmation des requérantes selon laquelle la mention « êtes-vous d'accord avec ce texte ? oui non » n'aurait pas été portée au cours de la réunion est manifestement infondée, eu égard au caractère manuscrit de cette mention. En effet, celle-ci n'aurait pas pu figurer sur le courrier électronique par lequel son auteur aurait fait connaître son accord avec le texte du projet de mémo. Il est au contraire tout à fait évident qu'elle a été inscrite sur le document durant la réunion, au cours d'un tour de table portant sur le mémo distribué aux participants, comme cela avait été annoncé dans le courrier électronique. En tout état de cause, cette mention est formellement distincte des mentions tarifaires également manuscrites
figurant dans le document, puisque l'une a été portée à gauche du texte du courrier électronique, tandis que les autres sont sous ce texte. Ces mentions tarifaires ne peuvent avoir été prises qu'au cours de la réunion, puisque c'est à cette occasion seulement que la société TNT, destinataire du courrier électronique qu'elle avait reçu trois jours avant et dont elle avait une copie imprimée, s'est trouvée en présence des sociétés dont elle a noté les hausses qu'elles envisageaient. En deuxième lieu, les requérantes soutiennent que, si les annotations manuscrites en cause avaient été portées sur le document à la suite d'un tour de table au cours de la réunion du 13 septembre 2007, toutes les entreprises présentes, y compris la société DHL, devraient être mentionnées, et non certaines d'entre elles seulement. Cette explication à caractère hypothétique ne peut, cependant, qu'être écartée ; il est au contraire parfaitement plausible que certaines des entreprises n'étaient pas encore en mesure de faire état, au cours de la réunion, de taux de hausse précis et qu'en conséquence le rédacteur des annotations n'ait noté que les seuls taux déjà chiffrés. En troisième lieu, les requérantes rappellent que la réunion du 13 septembre 2007 n'était pas, « à proprement parler », une réunion du Conseil de Métiers, mais un « mini Conseil » qui avait pour seul objet d'annoncer la succession du président de la fédération TLF, de sorte qu'il ne se prêtait nullement à un tour de table sur les hausses envisagées par les entreprises présentes. Mais, à supposer même que cette réunion n'ait eu pour ordre du jour que l'annonce de la succession du président de la fédération TLF – cette supposition étant, au demeurant, fortement discutable dans la mesure où elle a été précédée de l'envoi d'un « projet de mémo qui met en avant les demandes de la profession » – , rien ne conduit à considérer que les participants se seraient interdits, pour ce seul motif, d'évoquer d'autres sujets durant leurs débats. Dès lors, l'argument des requérantes selon lequel les annotations manuscrites relatant des échanges d'informations n'ont pas été prises lors de la réunion du 13 septembre 2007 et ont probablement été portées sur le document avant celle-ci, ne peut être retenu. Ces annotations ne font certes pas mention de la société DHL, puisqu'elles rapportent les hausses tarifaires envisagées, non par l'ensemble des dix-neuf entreprises présentes, mais par les seules sociétés Heppner, Schenker-Joyau, Gefco, Kuehne+Nagel, Darfeuille, Exapaq et Geodis. Mais il ressort seulement de cette constatation que la société DHL n'a participé que passivement aux échanges d'informations en cause, sans communiquer les hausses qu'elle-même envisageait. Dès lors, il y a lieu de considérer que sa participation aux pratiques mises en oeuvre au cours de la réunion du 13 septembre 2007 est établie, faute d'éléments au dossier démontrant qu'elle s'en serait distanciée. En conséquence, la cour constate que la participation de la société DHL aux pratiques au cours de la campagne 2007-2008 est établie ;

10°) ALORS QU'un échange d'informations ne peut être qualifié d'anticoncurrentiel que s'il est constaté, outre une concertation entre les entreprises, un comportement sur le marché faisant suite à cette concertation et un lien de cause à effet entre ces deux éléments ; qu'en considérant que la participation de la société DHL aux pratiques mises en oeuvre au cours de la réunion du 13 septembre 2007 serait établie, après avoir constaté que la société DHL n'aurait participé que passivement aux échanges d'informations en cause, sans communiquer les hausses qu'elle-même envisageait, et sans relever que les informations que la société DHL aurait recueillies auraient, d'une manière quelconque, influencé son comportement sur les marchés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 101 du TFUE et L. 420-1 du code de commerce ;

11°) ALORS QUE les pratiques relevant du grief n° 2 ont été définies comme ayant consisté, pour les entreprises en cause, d'une part en des échanges annuels d'informations commerciales sur les hausses de tarifs qu'elles projetaient d'appliquer à leurs clients, d'autre part, en cours de campagne tarifaire, en des échanges sur les résultats des négociations avec les clients et, enfin, en un rappel à l'ordre de l'entreprise déviante ; qu'en considérant que la participation de la société DHL aux pratiques mises en oeuvre au cours de la réunion du 13 septembre 2007 serait établie sans constater la participation de la société DHL aux échanges d'informations sur les négociations avec les clients en cours de campagne et aux rappels à l'ordre des entreprises déviantes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 101 du TFUE et L. 420-1 du code de commerce ;

ET AUX MOTIFS QUE : Sur la campagne tarifaire 2008-2009 : (…) De fait, les éléments de preuve relatifs aux réunions des 14 mars et 5 juin 2008 ainsi qu'aux échanges intervenus à l'été et à l'automne 2008, jusqu'à la réunion du Conseil de Métiers du 18 septembre 2008, ne mettent pas en cause la société DHL. Cette société, en effet, n'est pas mentionnée dans les pièces du dossier comme ayant participé auxdites réunions, aux cours desquelles certaines entreprises auraient échangé des informations, pas plus qu'elle n'est citée dans les courriers électroniques internes de la société Graveleau datés du 22 juillet 2008, d'où il ressort que celle-ci a reçu des informations de la part des sociétés Heppner, Geodis, Cool Jet et Schenker-Joyau relatives aux majorations tarifaires, aux dates de leur mise en application et d'envoi des circulaires aux clients ainsi qu'à l'intégration d'une augmentation pour les prises de rendez-vous avec la grande distribution (décision attaquée, § 468). Au demeurant, l'Autorité n'a pas impliqué la société DHL dans ces échanges d'informations et a, au contraire, expressément indiqué que les éléments de preuve qu'elle retenait démontraient que plusieurs entreprises du secteur de la messagerie, « à tout le moins Heppner, Geodis, Cool Jet, Schenker-Joyau et Graveleau », avaient échangé des informations sensibles et futures sur les montants de hausse qu'elles souhaitaient demander à leurs clients respectifs (décision attaquée, § 471). La cour observe, par ailleurs, que les données figurant dans le tableau que l'Autorité a consacré à la cohérence entre les informations échangées et le comportement des entreprises sur le marché ne comportent logiquement aucune indication relative aux hausses échangées, en ce qui concerne la société DHL (décision attaquée, § 479 – tableau 18). En revanche, il n'est pas contesté que la société DHL a participé à la réunion du Conseil de Métiers du 18 septembre 2008. Or, l'Autorité a justement constaté qu'à cette occasion, les participants avaient, de nouveau, échangé des informations commerciales sensibles (décision attaquée, § 473). Ce constat résulte en effet, sans équivoque possible, d'un courrier en date du 23 décembre 2008, adressé par le directeur des affaires juridiques et réglementaires de la société FedEx, qui était représentée à cette réunion, au président de la fédération TLF, dont une copie a été saisie dans les locaux de celle-ci (cotes 4039 et 4040). Ce courrier était ainsi rédigé : « Je vous écris au nom de FedEx Express (« FedEx ») suite à la réunion « Conseil Messagerie Express » du 18 septembre 2008. Il m'a été communiqué que lors d'un tour de table entre membres de TLF concernant la situation du marché en général (Agenda partie 1 « Conjoncture »), un nombre de membres de TLF ont pu divulguer et/ou discuter d'informations particulières à leur société, qui pourraient être considérées comme sensibles selon les règles du droit de la concurrence » Certes, par un courrier en date du 28 janvier 2009 (cotes 4048 et 4049), le président de la fédération TLF a apporté la réponse suivante : « (...) le tour de table auquel vous faites référence et qui est initié lors des travaux de notre Conseil « Messagerie/Express » est un point de conjoncture ou d'analyse de quelques indices repères qui ne porte que sur des éléments d'évolution passés et mené à partir de documents officiels et publics élaborés notamment par les services du Ministère de l'Ecologie, de l'Energie, du Développement Durable et de l'Aménagement du Territoire (MEEDDAT). Une telle pratique ne saurait être qualifiée d'anticoncurrentielle, s'agissant d'un simple dialogue que nous organisons entre nos entreprises visant à leur fournir des éléments d'étude de gestion et une meilleure connaissance des postes de coût des activités qu'elles exercent ». Mais, compte tenu, notamment, de leur généralité, les dénégations contenues dans cette réponse ne suffisent pas à retirer toute force probante au courrier du 23 décembre 2008, d'où il ressort que son auteur avait entendu réagir à des échanges d'informations intervenus lors de la réunion du 18 septembre 2008 et, conscient de leur caractère anticoncurrentiel, s'en démarquer. Les requérantes considèrent, cependant, qu'on ne peut déduire l'échange d'informations incriminé que de ce seul courrier, dont l'auteur n'avait pas personnellement participé à la réunion du 28 septembre 2008, et qui, selon elles, ne constitue qu'une preuve hypothétique. Mais, si le signataire de ce courrier n'a effectivement pas participé personnellement à la réunion en cause, cette circonstance est sans incidence, dès lors qu'il s'exprimait au nom de la société FedEx, qui y était représentée et qui était dépourvue de tout intérêt à se démarquer sans fondement des pratiques qui ne lui seraient pas clairement apparues comme anticoncurrentielles. De plus, la preuve que la réunion du Conseil de Métiers du 13 septembre 2008 a été l'occasion d'échanges anticoncurrentiels résulte d'autres éléments que ledit courrier : d'une part, les demandeurs de clémence ont indiqué que les pratiques qu'ils dénonçaient avaient eu cours également pendant l'année 2008 ; d'autre part, l'utilisation de cette réunion pour des échanges d'informations sensibles sur la politique tarifaire est cohérente avec les pratiques précédemment relevées depuis l'année 2004, dont les réunions du Conseil de Métiers constituaient pareillement le cadre. Enfin, il n'est pas davantage contesté par les requérantes que la société DHL a participé à la réunion du Conseil de Métiers du 15 janvier 2009. Or il résulte de notes manuscrites saisies dans les locaux de la société Heppner (cotes 998 à 1002) que cette réunion a donné lieu à des échanges d'informations et à un bilan ex post des négociations menées par les entreprises présentes avec leurs clients respectifs. En effet, ces notes comportaient des mentions relatives à des hausses tarifaires ou aux prix des sociétés DHL (« hausse tarifaire pas simple »), Ziegler (« hausse difficile depuis fin oct «), BMVirolle
(« campagne de hausse très difficile «), Gefco (« hausse [illisible] «), Schenker-Joyau (« contribution sécurité passée à moitié en septembre «) et Geodis (« stagnation des prix de vente «). Les requérantes soutiennent que ces éléments ne démontrent pas que la société DHL aurait participé, au cours de la réunion du 15 janvier 2009, à des échanges d'informations à caractère anticoncurrentiel. Elles font valoir que les informations relatées par ces différentes mentions n'ont aucun caractère stratégique, dans la mesure où le secteur de la messagerie traversait à l'époque une grave crise, marquée par la flambée de certains coûts, et que, pour maintenir leur rentabilité, les entreprises devaient toutes procéder à une revalorisation de leurs tarifs. Mais, en dépit de leur généralité, les informations communiquées par la société DHL comme par les autres participants, n'en étaient pas moins individualisées et spécifiques. De surcroît, la participation à cette réunion a été retenue par l'Autorité, non comme la preuve, à elle seule, de la réalité des pratiques anticoncurrentielles d'échanges d'informations sensibles, mais en ce qu'elle traduit la continuité de l'adhésion des participants à ces pratiques. Dès lors, la cour constate que la participation de la société DHL aux pratiques au cours de la campagne 2008-2009 est établie ;

12°) ALORS QU'un échange d'informations ne peut être qualifié d'anticoncurrentiel que s'il est constaté, outre une concertation entre les entreprises, un comportement sur le marché faisant suite à cette concertation et un lien de cause à effet entre ces deux éléments ; qu'en considérant que la participation de la société DHL aux pratiques au cours de la campagne 2008-2009 serait établie, après avoir seulement relevé que la société DHL avait participé aux réunions du Conseil de Métiers des 18 septembre 2008 et 15 janvier 2009, sans relever qu'elle aurait communiqué des données chiffrées relatives aux hausses tarifaires qu'elle entendait appliquer ni que les informations recueillies par la société DHL aurait influencé son comportement sur les marchés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 101 du TFUE et L. 420-1 du code de commerce ;

13°) ALORS QUE les pratiques relevant du grief n° 2 ont été définies comme ayant consisté, pour les entreprises en cause, d'une part en des échanges annuels d'informations commerciales sur les hausses de tarifs qu'elles projetaient d'appliquer à leurs clients, d'autre part, en cours de campagne tarifaire, en des échanges sur les résultats des négociations avec les clients et, enfin, en un rappel à l'ordre de l'entreprise déviante ; qu'en considérant que la participation de la société DHL aux pratiques au cours de la campagne 2008-2009 serait établie, sans constater que la société DHL aurait participé ou aurait été l'objet d'un rappel à l'ordre d'entreprises déviantes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 101 du TFUE et L. 420-1 du code de commerce ;

ET AUX MOTIFS QUE : Sur la campagne tarifaire 2009-2010 : (…) le caractère anticoncurrentiel de la réunion du 17 septembre 2009, à laquelle la société DHL ne conteste pas avoir participé, est clairement démontré par l'échange de courriers électroniques qui a précédé celle-ci. En effet, en réponse à son correspondant qui s'étonnait de ne pas voir figurer à l'ordre du jour « la hausse tarifaire 2010 », la représentante de la fédération TLF lui a explicitement indiqué que « [c]et aspect [serait] TFUE dans un point 1 dit conjoncture (...) », et expliqué que son absence de l'ordre du jour était destiné à « éviter à la fois à TLF comme aux entreprises membres du conseil présentes les risques de contrôles et de sanctions financières de la part du conseil de la concurrence d'où ma prudence ». De surcroît, il convient de noter que ces constatations sont confirmées par les déclarations des demandeurs de clémence et qu'elles démontrent que l'échange d'informations sur les hausses tarifaires dans le cadre du Conseil de Métiers était une pratique habituelle, connue et attendue par les participants (notification des griefs, § 133). Par ailleurs, les requérantes font valoir qu'il n'est pas établi que la société DHL aurait elle-même fourni les informations la concernant qui figurent dans les notes manuscrites saisies dans les locaux de la société Heppner. Cette simple dénégation ne peut qu'être écartée compte tenu, en particulier, du caractère précis et chiffré des données concernant la société DHL qui figurent dans ces notes, s'agissant tant de la réunion du 28 janvier 2010 [« hausse tarifaire dure (visée à 1 % avec crainte sur AO] «], que de celle du 20 mai 2010 (« en ligne [par rapport à] 2009. Baisse en mai. Vente finalisée avant l'été »). Au demeurant, la seule participation de la société DHL aux réunions anticoncurrentielles des 17 septembre 2009, 28 janvier et 20 mai 2010, au cours desquelles elle a recueilli des informations sensibles, suffit à caractériser sa participation à l'entente. La cour juge donc établi que la société DHL a participé aux échanges d'informations sensibles intervenus avec ses concurrents dans le cadre de la campagne 2009-2010. Elle ajoute que l'argument des requérantes selon lequel la situation économique très dégradée de la société DHL, selon elles « au bord de la faillite », rendait nécessaires des mesures de restructuration de sa politique tarifaire, de sorte que la participation de cette société aux échanges d'informations en cause était « improbable » et « sans intérêt ni sens », ne diminue en rien la force probante des éléments relevés par la cour, qui établissent la réalité de cette participation de 2004 à 2010 ;

14°) ALORS QU'un échange d'informations ne peut être qualifié d'anticoncurrentiel que s'il est constaté, outre une concertation entre les entreprises, un comportement sur le marché faisant suite à cette concertation et un lien de cause à effet entre ces deux éléments ; qu'en considérant qu'il serait établi que la société DHL aurait participé aux échanges d'informations sensibles intervenus avec ses concurrents dans le cadre de la campagne 2009-2010, après avoir seulement relevé que la société DHL avait participé aux réunions du Conseil de Métiers des 17 septembre 2009, 28 janvier 2010 et 20 mai 2010, sans constater aucune incidence de ces prétendus échanges sur le comportement de la société DHL sur les marchés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 101 du TFUE et L. 420-1 du code de commerce ;

15°) ALORS QUE les pratiques relevant du grief n° 2 ont été définies comme ayant consisté, pour les entreprises en cause, d'une part en des échanges annuels d'informations commerciales sur les hausses de tarifs qu'elles projetaient d'appliquer à leurs clients, d'autre part, en cours de campagne tarifaire, en des échanges sur les résultats des négociations avec les clients et, enfin, en un rappel à l'ordre de l'entreprise déviante ; qu'en considérant qu'il serait établi que la société DHL aurait participé aux échanges d'informations sensibles intervenus avec ses concurrents dans le cadre de la campagne 2009-2010, sans constater que la société DHL aurait participé à des échanges d'informations sur le résultat des négociations avec les clients et à des rappels à l'ordre d'entreprises déviantes et/ou qu'elle aurait été l'objet de tels rappels à l'ordre, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 101 du TFUE et L. 420-1 du code de commerce ;

16°) ALORS QUE les pratiques relevant du grief n° 2 ont été définies comme s'étant déroulées du 30 septembre 2004 au 1er mars 2010 ; qu'en retenant, pour considérer qu'il serait établi que la société DHL aurait participé aux échanges d'informations sensibles intervenus avec ses concurrents dans le cadre de la campagne 2009-2010, que la société DHL aurait participé à une réunion anticoncurrentielle du 20 mai 2010, la cour d'appel s'est prononcée par des motifs inopérants, privant sa décision de base légale au regard des articles 101 du TFUE et L. 420-1 du code de commerce.

SIXIEME MOYEN DE CASSATION (Sur la méthode d'analyse de l'infraction pour les griefs n° 1 et n° 2)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté les moyens des exposantes tendant à l'annulation de l'article 1er de la décision entreprise en ce qu'elle a dit établi que les sociétés DHL Express (France), DHL Holding (France) et Deutsche Post ont enfreint les dispositions des articles L. 420-1 du code de commerce et 101, paragraphe 1 du TFUE, en participant, entre le 26 mai 2004 et le 5 janvier 2006 à une entente sur le marché français de la messagerie et de la messagerie express, qui visait à la mise en place selon une méthodologie commune d'une surcharge gazole et d'avoir dit qu'il est établi que les sociétés DHL Express (France) S.A.S., DHL Holding (France) S.A.S. et Deutsche Post A.G. ont enfreint les dispositions des articles L. 420-1 du code de commerce et 101, paragraphe 1, du TFUE, en participant entre le 30 septembre 2004 et le 1er mars 2010, à une entente sur le marché français de la messagerie et de la messagerie express, qui visait à la mise en place d'une concertation sur les hausses tarifaires annuelles ;

AUX MOTIFS QUE: Sur l'erreur de méthodologie alléguée : La Cour de justice a rappelé, aux points 49 à 51 de son arrêt Groupement des Cartes bancaires, précité, les principes commandant l'existence d'une restriction par objet en ces termes : « 49. [...] il ressort de la jurisprudence de la Cour que certains types de coordination entre entreprises révèlent un degré suffisant de nocivité à l'égard de la concurrence pour qu'il puisse être considéré que l'examen de leurs effets n'est pas nécessaire (voir en ce sens, notamment, arrêts [du 30 juin 1966], LTM, 56/65, […] points 359 et 360 ; [du 20 novembre 2008, Beef Industry Development et Barry Brothers, C-209/07], point 15 ; ainsi que [du 14 mars 2013,] Allianz Hungária Biztosító e.a., C-32/11,[…] point 34 et jurisprudence citée). 50. Cette jurisprudence tient à la circonstance que certaines formes de coordination entre entreprises peuvent être considérées, par leur nature même, comme nuisibles au bon fonctionnement du jeu normal de la concurrence (voir en ce sens, notamment, arrêt Allianz Hungária Biztosító e.a. […] point 35 ainsi que jurisprudence citée). 51. Ainsi, il est acquis que certains comportements collusoires, tels que ceux conduisant à la fixation horizontale des prix par des cartels, peuvent être considérés comme étant tellement susceptibles d'avoir des effets négatifs sur, en particulier, le prix, la quantité ou la qualité des produits et des services qu'il peut être considéré inutile, aux fins de l'application de l'article 81, paragraphe 1, CE, de démontrer qu'ils ont des effets concrets sur le marché (voir en ce sens, notamment, arrêt [du 30 janvier 1985,] Clair, 123/83, […] point 22). En effet, l'expérience montre que de tels comportements entraînent des réductions de la production et des
hausses de prix, aboutissant à une mauvaise répartition des ressources au détriment, en particulier, des consommateurs ». Aux points 57 et 58 du même arrêt, la Cour de justice a rappelé que « la notion de restriction de concurrence « par objet » ne peut être appliquée qu'à certains types de coordination entre entreprises révélant un degré suffisant de nocivité à l'égard de la concurrence pour qu'il puisse être considéré que l'examen de leurs effets n'est pas nécessaire « et elle a précisé que le caractère de nocivité en soi à l'égard de la concurrence de la coordination en cause était le « critère juridique essentiel « pour déterminer que l'examen des effets n'était pas nécessaire. Enfin, elle a précisé, au point 53 dudit arrêt que, « [s]elon la jurisprudence de la Cour, il convient, afin d'apprécier si un accord entre entreprises ou une décision d'association d'entreprises présente un degré suffisant de nocivité pour être considéré comme une restriction de concurrence par « objet » au sens de l'article 81, paragraphe 1,CE [devenu article 101, paragraphe 1, du TFUE] de s'attacher à la teneur de ses dispositions, aux objectifs qu'il vise à atteindre ainsi qu'au contexte économique et juridique dans lequel il s'insère. Dans le cadre de l'appréciation dudit contexte, il y a lieu également de prendre en considération la nature des biens ou des services affectés ainsi que les conditions réelles du fonctionnement et de la structure du ou des marchés en question (voir, en ce sens, arrêt Allianz Hungária Biztosító e.a., […] point 36 ainsi que jurisprudence citée) ». Il ressort de l'énoncé de ces principes, d'une part, que certaines formes de coordination entre entreprises peuvent être considérées, par leur nature même, comme nuisibles au bon fonctionnement du jeu normal de la concurrence et que les comportements collusoires tels que ceux conduisant à une fixation horizontale des prix sont tellement susceptibles d'avoir des effets négatifs, en particulier sur les prix, qu'il n'est pas nécessaire d'en rechercher les effets concrets, d'autre part, qu'en tout état de cause, la nocivité d'une pratique ne peut être établie sans un examen de la teneur de l'accord ou de la coordination en cause, des objectifs poursuivis ainsi que du contexte économique et juridique dans lequel la concertation s'est inscrite. Au regard de ces précisions, le fait pour l'Autorité d'avoir rappelé un certain nombre de références jurisprudentielles dans lesquelles des pratiques de concertation, en particulier portant sur des éléments de prix, ont été considérées comme ayant un objet anticoncurrentiel (décision attaquée, § 619 à 633) ne constitue pas une erreur de méthode de sa part ni ne permet de considérer, comme le font les requérantes, qu'elle aurait statué a priori. En effet, l'Autorité ne s'est pas bornée à ce rappel de jurisprudence, puisqu'ensuite, après avoir souligné l'importance de l'examen du contexte économique et juridique des pratiques (décision attaquée, § 634 à 640), elle a examiné de manière concrète et pour chacun des griefs, le contenu des pratiques concernées (décision attaquée, § 643 à 647), leur teneur et leur finalité (décision attaquée, § 657 à 659) et enfin, la conscience des objectifs anticoncurrentiels poursuivis (décision attaquée, § 660 à 662). C'est à juste titre que l'Autorité a relevé, au paragraphe 668 de la décision attaquée, qu'il résulte de la jurisprudence qu'elle a précédemment citée que les pratiques portant sur des éléments du prix ont un objet anticoncurrentiel, dès lors qu'elles visent à fausser l'évolution normale des prix sur le marché. Ce rappel des analyses de la jurisprudence antérieure ne constitue pas une analyse a priori des pratiques de l'espèce, mais une étape de l'analyse à laquelle l'Autorité devait procéder. Si elle a ajouté, au même paragraphe, que les pratiques d'échanges d'informations précises portant sur les prix futurs sont qualifiées par la jurisprudence d'ententes horizontales sur les prix et donc d'anticoncurrentielles par leur objet même, elle ne s'est toutefois pas limitée à cette affirmation et elle a bien examiné en l'espèce le contexte économique et juridique dans lequel les pratiques reprochées ont été mises en oeuvre, afin de vérifier si ce contexte conduisait à la confirmation du principe précédemment énoncé. Le bien-fondé de cette analyse sera examiné par la cour dans les développements qui suivent. Enfin, si, au terme de son examen des arguments des parties sur le contexte économique et juridique, l'Autorité conclut, au paragraphe 700 de la décision attaquée, qu' « [a]insi l'objet anticoncurrentiel des pratiques reprochées ne peut qu'être constaté « et que « [l]es éléments précités du contexte seront pris en compte au stade de l'appréciation de la sanction «, il ne se déduit nullement de cette formulation, contrairement à ce que soutiennent les sociétés DHL, DHL Holding (France) et Deutsche Post, que le contexte économique et juridique n'a pas été pris en compte, mais seulement que, tout en considérant que les éléments invoqués par ces sociétés n'étaient pas de nature à atténuer le constat de la nocivité des pratiques, l'Autorité a estimé qu'ils méritaient d'être examinés dans le cadre de la détermination du montant de la sanction. Il s'ensuit que l'Autorité n'a pas commis d'erreur de droit dans la méthode d'analyse de l'existence d'infractions par objet ;

1°) ALORS QU' il convient, afin d'apprécier si une pratique présente un degré suffisant de nocivité pour être considérée comme une restriction de concurrence « par objet », de s'attacher à sa teneur, aux objectifs visés ainsi qu'au contexte économique et juridique dans lequel elle s'insère, ce contexte devant être apprécié en considération de la nature des biens ou des services affectés ainsi que des conditions réelles du fonctionnement et de la structure du ou des marchés en cause ; qu'en statuant comme elle l'a fait, en l'état de constatations desquelles il résulte que, pour considérer que les pratiques en cause constituent des restrictions de concurrence par objet, l'Autorité de la concurrence s'est contentée, après un simple rappel de la jurisprudence et de l'importance de l'examen du contexte économique et juridique, de relever le contenu des pratiques concernées, leur teneur et leur finalité, ainsi que la conscience des objectifs anticoncurrentiels poursuivis, ce dont il se déduit qu'elle n'a, en fait, pas examiné le contexte juridique et économique dans lequel ces pratiques s'inséraient, soit les conditions réelles du fonctionnement et de la structure du marché en cause, la cour d'appel a violé les articles 101 du TFUE et L. 420-1 du code de commerce ;

2°) ALORS QU'il convient, afin d'apprécier si une pratique présente un degré suffisant de nocivité pour être considérée comme une restriction de concurrence « par objet », de s'attacher à sa teneur, aux objectifs visés ainsi qu'au contexte économique et juridique dans lequel elle s'insère, cet examen du contexte n'étant pas un élément secondaire de la qualification dont la fonction serait limitée à une confirmation de cette qualification, mais un critère à part entière ; qu'en considérant que l'Autorité n'aurait pas commis d'erreur de droit en examinant le contexte économique et juridique pour vérifier s'il conduisait à la confirmation du principe selon lequel les pratiques d'échanges d'informations précises portant sur les prix futurs sont qualifiées par la jurisprudence d'ententes horizontales sur les prix et donc d'anticoncurrentielles par leur objet même, la cour d'appel a violé les articles 101 du TFUE et L. 420-1 du code de commerce.

SEPTIEME MOYEN DE CASSATION (Sur la caractérisation de pratiques anticoncurrentielles par objet concernant le grief n° 1)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté les moyens des exposantes tendant à l'annulation de l'article 1er de la décision entreprise en ce qu'elle a dit qu'il est établi que les sociétés DHL Express (France), DHL Holding (France) et Deutsche Post auraient enfreint les dispositions des articles L. 420-1 du code de commerce et 101, paragraphe 1 du TFUE, en participant, entre le 26 mai 2004 et le 5 janvier 2006 à une entente sur le marché français de la messagerie et de la messagerie express, qui visait à la mise en place selon une méthodologie commune d'une surcharge gazole ;

AUX MOTIFS QUE : Ainsi qu'il a été relevé précédemment, les pratiques ont consisté en une concertation entre entreprises. Elles ont porté sur un élément de coût, à savoir la répercussion de la hausse du prix du gazole, ce dernier constituant une composante importante du coût des prestations de messagerie (décision attaquée, § 184) puisqu'il représente le deuxième poste de coût des entreprises de messagerie (décision attaquée, § 186). Par ailleurs, cette concertation a concerné la majorité des principaux acteurs des secteurs de la messagerie classique et de la messagerie express (décision attaquée, § 319), lesquels ont adressé une ou plusieurs circulaires à la quasi-totalité de leurs clients pour les informer de la répercussion et de la méthode commune employée. Elle visait à opposer un front commun aux clients des entreprises de messagerie afin que ceux-ci ne recherchent pas auprès d'autres prestataires une offre ne répercutant pas la hausse du gazole (décision attaquée, § 226 à 229). Ces pratiques se sont inscrites dans un contexte juridique, exposé aux paragraphes 166 à 170 et analysé aux paragraphes 688 à 699 de la décision attaquée, se caractérisant par une obligation pour les entreprises de transport public routier de marchandises de pratiquer des prix qui ne soient pas inférieurs au coût de la prestation de services, c'est-à-dire à l'ensemble des charges réellement supportées, au nombre desquelles celles de carburant. Cependant, ainsi que l'Autorité l'a justement relevé au paragraphe 183 de la décision attaquée, ces dispositions n'imposaient aucune méthodologie particulière de répercussion de l'évolution des charges sur les prix des prestations. Par ailleurs, ces pratiques se sont déroulées dans un contexte économique, analysé aux paragraphes 679 à 687 de la décision attaquée, notamment marqué par une forte hausse du prix du gazole qui a duré pendant toute la période de leur mise en oeuvre. Il résulte de l'ensemble de ces éléments que les pratiques d'entente ont concerné un élément de coût qui devait être répercuté par les entreprises de messagerie dans leurs prix et qui en constituait un élément particulièrement important. Cependant, ainsi que l'a retenu à juste titre l'Autorité et comme il sera précisé ci-dessous, ce coût pouvait être répercuté d'autres façons que celle dont les parties ont convenu et selon d'autres méthodes, ce qui aurait permis que leurs clients puissent discuter de cette répercussion et de son montant dans le cadre des discussions tarifaires, situation que les parties voulaient justement éviter. De telles pratiques, généralisées à la quasi-totalité des entreprises du secteur et qui, dans le contexte d'augmentation du prix du gazole, faisaient obstacle à ce que les entreprises se fassent concurrence quant à la méthode et au moment de répercussion de cette hausse, instauraient entre les entreprises un climat de concurrence atténuée. Elles ne pouvaient, en outre, qu'avoir des conséquences sur les prix et favoriser leur hausse. La cour observe à ce sujet que, même si cette concertation n'a pas directement concerné le prix des prestations, elle entre néanmoins dans la catégorie des pratiques concertées ayant pour objet la fixation des prix, car elles faussent le jeu de la concurrence et ont les mêmes effets nocifs d'augmentation des prix ou d'entrave à leur baisse. Il est connu et reconnu par l'expérience acquise et la science économique que les accords ou les pratiques concertées visant à maintenir les équilibres entre opérateurs en concurrence sur un marché sont particulièrement nocifs pour le jeu de la concurrence, en ce qu'ils aboutissent à amoindrir le degré de concurrence entre eux et à figer le marché. De même, les comportements consistant pour les opérateurs d'un marché à se concerter et fixer ensemble un élément de leurs prix sont particulièrement nocifs pour le jeu de la concurrence, car ils font obstacle à la libre fixation des prix qui doit prévaloir sur les marchés. Ainsi, au point 21 des lignes directrices concernant l'application de l'article 81, paragraphe 3,
du TFUE (2004/C 101/08), la Commission cite les pratiques de fixation des prix comme exemple des comportements qui, au regard des objectifs poursuivis par les règles communautaires de concurrence, sont tellement susceptibles d'avoir des effets négatifs sur la concurrence, qu'il est inutile, aux fins de l'application de l'article 81, paragraphe 1, du TFUE CE (devenu l'article 101, paragraphe 3, du TFUE), de démontrer qu'ils ont des effets concrets sur le marché. Dans un arrêt du 27 avril 2017, FSL e.a./Commission (C-469/15 P, point 107), la Cour de justice a rappelé que, pour les accords de prix ou les accords ayant pour objet la fixation des prix, « qui constituent des violations particulièrement graves de la concurrence, l'analyse du contexte économique et juridique dans lequel la pratique s'insère peut [...] se limiter à ce qui s'avère strictement nécessaire en vue de conclure à l'existence d'une restriction de la concurrence par objet «. (…) En premier lieu, la prétendue assimilation erronée, au paragraphe 682 de la décision attaquée, des faits de l'espèce à l'affaire T-Mobile Netherlands e.a., précitée, dans laquelle l'entente avait été secrète et mise en oeuvre en réaction à un contexte où les pouvoirs publics n'avaient prodigué aucun conseil ni donné aucune indication, n'est pas constituée. L'Autorité, dans ce paragraphe, a seulement rappelé le motif d'une décision de la Commission [décision n° 2005/566/CE du 9 décembre 2004 relative à une procédure d'application de l'article 81 du TFUE CE et de l'article 53 de l'accord EEE (Affaire C.37.533 — Chlorure de choline)], qui ne concerne d'ailleurs pas ladite affaire, par lequel la Commission a précisé que le fait qu'une entreprise puisse ne pas réaliser de profits avec une activité commerciale donnée ne l'autorise pas à conclure une entente secrète avec les concurrents en vue de tromper les clients et les autres concurrents. Une telle citation, qui ne fait que rappeler un principe constant du droit de la concurrence national et de l'Union, n'assimile en rien deux affaires qui ne seraient pas comparables. Au demeurant, et concernant d'autres parties de la décision attaquée, dans lesquelles l'Autorité a fait référence à l'arrêt T-Mobile Netherlands e.a., précité, la cour relève, d'une part, que les différences entre cette affaire et celle de l'espèce n'interdisent nullement que les principes qui sont énoncés par la Cour de justice dans sa motivation puissent être cités par l'Autorité, dès lors qu'ils constituent des principes de portée générale, d'autre part, que l'entente par laquelle les parties en cause en l'espèce ont convenu de répercuter le seul coût du gazole de manière individualisée et selon une méthodologie commune, n'était pas dévoilée aux clients et était bien secrète à leur égard. En second lieu, l'Autorité n'a pas non plus commis d'erreur d'appréciation en retenant que, face à l'augmentation du prix du gazole, les entreprises de messageries pouvaient adopter d'autres solutions que celle de procéder à une répercussion en pied de facture de ce seul coût et selon une méthode d'évaluation commune. En effet, avant de s'entendre sur ce point plusieurs entreprises de messagerie procédaient d'autres façons et, d'ailleurs, les participantes ont, lors de la réunion du Conseil de Métiers du 8 juin 2005, envisagé de réintégrer la « taxe carburant », c'est-à-dire la surcharge gazole, dans le tarif général. C'est encore à juste titre que l'Autorité a considéré que le contre-pouvoir des clients des entreprises de messageries n'était pas de nature à diminuer la nocivité des pratiques en cause. En effet, si ce contre-pouvoir était une réalité, les pratiques avaient précisément pour objet de le limiter. D'ailleurs, ainsi que le relève l'Autorité aux paragraphes 264 et 275 de la décision attaquée, le procédé n'a pas, ou peu, été discuté par les clients, qui auraient pourtant pu le faire, ce qui montre que le contre-pouvoir ainsi invoqué n'a pas fonctionné et atteste qu'il s'est trouvé particulièrement amoindri par l'entente. Par ailleurs, la circonstance selon laquelle certains opérateurs réalisaient une marge quasi nulle, invoquée par les sociétés DHL, DHL Holding (France) et Deutsche Post, est inopérante dans le cadre de l'appréciation du caractère particulièrement nocif des pratiques en cause. Elle ne permet pas, en effet, d'atténuer cette nocivité à l'égard du jeu de la concurrence qui doit s'effectuer entre elles. De même, le fait que la pratique de prix inférieurs à l'intégralité des coûts soit susceptible de faire l'objet de poursuites pénales ne saurait justifier que les entreprises de messagerie puissent s'entendre sur une méthode de répercussion d'un élément de coût afin de faire obstacle au jeu de la concurrence entre elles. L'Autorité n'a donc pas commis d'erreur d'appréciation en ne tenant pas compte de cet élément dans le contexte juridique des pratiques en cause. Enfin, l'éventuel défaut d'intérêt pour la société DHL de participer à l'entente ne relève pas de la qualification des pratiques, mais de la question de sa participation à celles-ci. Il ne saurait en conséquence être reproché à l'Autorité de ne pas avoir fait état de cette situation particulière, invoquée par la requérante, dans le cadre de son appréciation de la nature de restriction par objet du grief n° 1. C'est en conséquence à juste titre qu'au regard de l'ensemble de ce qui précède, l'Autorité a considéré que les pratiques visées par le premier grief constituaient une pratique anticoncurrentielle par leur objet et les moyens contestant cette analyse doivent être rejetés ;

1°) ALORS QU' il convient, afin d'apprécier si une pratique présente un degré suffisant de nocivité pour être considérée comme une restriction de concurrence « par objet », de s'attacher à sa teneur, aux objectifs visés ainsi qu'au contexte économique et juridique dans lequel elle s'insère ; qu'en décidant, pour juger que les pratiques visées par le premier grief constitueraient une pratique anticoncurrentielle par objet, que les comportements consistant pour les opérateurs d'un marché à se concerter et fixer ensemble un élément de leurs prix sont particulièrement nocifs pour le jeu de la concurrence, car ils font obstacle à la libre fixation des prix qui doit prévaloir sur les marchés, après avoir relevé que la pratique en cause consistait en une concertation sur la méthode de répercussion de la hausse du prix du gazole et que le contexte juridique de cette pratique se caractérisait par une obligation pour les entreprises d'intégrer le coût du carburant dans leurs prix (arrêt attaqué, p. 41, § 235 ; p. 88, § 560), de sorte que cette pratique ne pouvait s'analyser en une concertation visant à la fixation du prix, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation des articles 101 du TFUE et L. 420-1 du code de commerce ;

2°) ALORS QU'il convient, afin d'apprécier si une pratique présente un degré
suffisant de nocivité pour être considérée comme une restriction de concurrence « par objet », de s'attacher à sa teneur, aux objectifs visés ainsi qu'au contexte économique et juridique dans lequel elle s'insère ; qu'en décidant que les pratiques mises en cause par le premier grief constitueraient une pratique anticoncurrentielle par objet parce qu'elles auraient visé à opposer un front commun aux clients des entreprises de messagerie afin que ceux-ci ne recherchent pas auprès d'autres prestataires une offre ne répercutant pas la hausse du gazole, après avoir pourtant constaté que le contexte juridique de cette pratique se caractérisait par une obligation pour les entreprises d'intégrer le coût du carburant dans leurs prix (arrêt attaqué, p. 41, § 235 ; p. 88, § 560), ce dont il résultait que ladite pratique ne pouvait avoir pour objectif de faire obstacle à ce que les clients se tournent vers des concurrents qui n'auraient pas répercuté la hausse du gazole, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation des articles 101 du TFUE et L. 420-1 du code de commerce ;

3°) ALORS QU'il convient, afin d'apprécier si une pratique présente un degré suffisant de nocivité pour être considérée comme une restriction de concurrence « par objet », de s'attacher à sa teneur, aux objectifs visés ainsi qu'au contexte économique et juridique dans lequel elle s'insère, ce contexte devant être apprécié en considération de la nature des biens ou des services affectés ainsi que des conditions réelles du fonctionnement et de la structure du ou des marchés en cause ; qu'en se bornant à considérer que les pratiques objet du grief n° 1 se sont déroulées dans un contexte économique notamment marqué par une forte hausse du prix du gazole qui a duré pendant toute la période de leur mise en oeuvre, sans examiner la structure du marché en cause ainsi que son fonctionnement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 101 du TFUE et L. 420-1 du code de commerce ;

4°) ALORS QUE les exposantes se prévalaient, s'agissant du contexte juridique, non seulement de l'obligation légale de répercussion du prix du gazole dans le prix de leurs prestations, mais aussi de ce que les entreprises en cause étaient destinataires de préconisations du Comité national routier et de la Direction des transports terrestres en faveur d'une inscription en pied de facture et d'une répercussion à fréquence courte et, s'agissant du contexte économique, de ce que les fortes fluctuations du prix du gazole incitaient à une répercussion à fréquence courte ; qu'en omettant de prendre en considération ces éléments de contexte juridique et économique pour juger que les pratiques visées par le premier grief constitueraient une pratique anticoncurrentielle par objet, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 101 du TFUE et L. 420-1 du code de commerce.

HUITIEME MOYEN DE CASSATION (Sur la caractérisation de pratiques anticoncurrentielles par objet concernant le grief n°2)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit qu'il est établi que les sociétés DHL Express (France) S.A.S., DHL Holding (France) S.A.S. et Deutsche Post A.G. ont enfreint les dispositions des articles L. 420-1 du code de commerce et 101, paragraphe 1, du TFUE, en participant entre le 30 septembre 2004 et le 1er mars 2010, à une entente sur le marché français de la messagerie et de la messagerie express, qui visait à la mise en place d'une concertation sur les hausses tarifaires annuelles ;

AUX MOTIFS QUE : Les pratiques relevant du grief n° 2 ont, ainsi qu'il a été décrit précédemment, consisté pour les entreprises en cause, durant la période écoulée entre le 30 septembre 2004 et le 29 septembre 2010, d'une part, en des échanges annuels d'informations commerciales sur les hausses de tarifs qu'elles projetaient d'appliquer à leurs clients, avant le début des négociations tarifaires menées avec eux, d'autre part, en cours de campagne tarifaire, en des échanges sur le résultat de ces négociations qui ont permis un suivi des informations échangées précédemment et, enfin, en un rappel à l'ordre d'une entreprise déviante, afin qu'elle respecte le taux d'augmentation qu'elle avait annoncé, lors de la réunion précédente. Ces pratiques ont été mises en oeuvre par la quasi-totalité des acteurs du secteur de la messagerie classique et de la messagerie express et permis ainsi une transparence renforcée des tarifs du secteur. Elles étaient destinées à permettre aux participants de négocier à leur avantage l'augmentation des prix des prestations de messagerie, de situer leurs hausses dans une fourchette de taux préalablement arrêtée entre concurrents et de communiquer des dates de hausses dans une période restreinte, connue à l'avance, ceci, sans avoir à craindre d'agressions concurrentielles ou de rupture de contrat de la part de leurs clients. De plus, les pratiques ont été secrètes, les organisateurs de l'entente prévoyant expressément de rédiger des ordres du jour et des compte-rendus dans lesquels les concertations n'apparaissent pas, dans l'objectif exprimé d'éviter des poursuites de l'Autorité (décision attaquée, § 516). Le contexte économique et juridique de mise en oeuvre de ces pratiques est le même que celui dans lequel se sont développées les pratiques objet du grief n° 1. Il résulte de ce qui précède que les pratiques d'entente ont concerné les hausses globales de tarifs que les entreprises de messageries souhaitaient appliquer lors de la prochaine négociation avec leurs clients et ont été suivies d'autres échanges sur la façon dont s'étaient déroulées ces négociations et sur les hausses finalement appliquées. De telles pratiques, généralisées à la quasi-totalité des entreprises du secteur et qui avaient pour objet de réduire de façon considérable l'opacité relative aux stratégies commerciales en matière de hausse de prix de chacune d'elles, ne pouvaient qu'avoir des conséquences sur les prix et favoriser leur hausse de façon artificielle. La cour observe à ce sujet que, même si ces concertations n'ont pas directement concerné le prix des prestations, elles entrent néanmoins dans la catégorie des accords ayant pour objet la fixation des prix, car, ainsi qu'il a été précisé aux paragraphes 564 à 566 du présent arrêt, elles faussent le jeu de la concurrence et ont les mêmes effets nocifs d'augmentation des prix ou d'entrave à leur baisse. Ainsi que l'a pertinemment précisé l'Autorité, aux paragraphes 739 et 740 de la décision attaquée, le taux de hausse tarifaire, « […] fondement des neìgociations commerciales avec l'ensemble de la clientèle, […] permettait de cristalliser la situation acquise, de mobiliser toutes les forces commerciales d'une entreprise autour de cet objectif commun et enfin de simplifier l'analyse des résultats d'un cycle de négociation annuel [….]. En outre, compte tenu du nombre de clients gérés par un même prestataire, de la diversité des prestations offertes donnant lieu à autant de tarifs spécifiques et de la complexité inhérente au fonctionnement d'un réseau de transport, le taux de hausse tarifaire était le seul élément sur lequel il était possible de mettre en place une coordination entre concurrents » (…) Les sociétés DHL, DHL Holding (France) et Deutsche Post soutiennent que l'Autorité a commis trois erreurs manifestes d'appréciation des faits. La première résulterait de l'assimilation entre la veille concurrentielle généralisée chez les opérateurs et les informations ciblées et spécifiques qu'ont échangées les membres du « noyau dur « des participants à l'entente. La deuxième serait une contradiction entre, d'un côté, l'indication que la société DHL opérait sur le segment de la messagerie classique, pour lequel il n'existe pas de tarif standard, celui-ci étant négocié avec les clients (décision attaquée, § 50), de l'autre, l'affirmation qu'il serait possible de s'entendre avec des opérateurs de messagerie express sur une hausse de prix (décision attaquée, § 53). La troisième erreur d'appréciation de l'Autorité résulterait de l'absence de réponse aux arguments de ces requérantes, d'une part, sur la distanciation de la société DHL, d'autre part, sur l'absence d'intérêt pour elle, compte tenu de sa situation financière, de n'augmenter ses tarifs que de quelques points, alors que seules des mesures d'augmentation de 12 à 15 % auraient été pertinentes. Cependant, même à les supposer démontrées, ces
trois erreurs alléguées, propres à la société DHL, sont sans portée pour la qualification d'infraction par objet qui vise les seules pratiques dans leur contexte économique et juridique et ne dépend pas de la situation individuelle de telle ou telle entreprise qui y aurait pris part. À titre surabondant, la cour relève qu'aucun de ces reproches n'est fondé. En effet, il a déjà été constaté, aux paragraphes 379 à 392 du présent arrêt, qu'il n'est pas démontré que la société DHL se serait distanciée des pratiques en cause. Il est, par ailleurs, inexact de prétendre que l'Autorité aurait reconnu que l'activité de la société DHL n'était que de messagerie classique. La cour renvoie à ce sujet aux paragraphes 81 et 82 de la décision attaquée, dont il résulte que l'activité de cette société concernait les activités de messageries classique et express. Il n'est, en outre, pas contradictoire, ainsi qu'il a été dit précédemment, de retenir à la charge de la société DHL une concertation sur les taux d'augmentation qui étaient réclamés à la clientèle au début de chaque campagne tarifaire, tout en relevant que les taux effectivement appliqués étaient négociés le plus souvent client par client, puisque les taux réclamés étaient, de ce fait même, le seul élément sur lequel il était possible de mettre en place une coordination entre concurrents (voir paragraphe 584 du présent arrêt). Enfin, la prétendue absence d'intérêt de la société DHL pour l'entente compte tenu de sa situation financière, quand bien même serait-elle établie, ne constituerait qu'un élément à prendre en compte dans le cadre de la démonstration de sa participation aux pratiques, mais cet élément n'a aucune portée sur la qualification d'infraction par objet. Au demeurant, au paragraphe 483 du présent arrêt, la cour a rejeté cet argument. Compte tenu de ce qui précède, et contrairement à ce que font valoir encore les sociétés DHL, DHL Holding (France) et Deutsche Post, il était inopérant de relever que les concertations se sont déroulées au sein de la fédération TLF, et il est inexact de prétendre que les réunions ne pouvaient avoir d'impact sur la concurrence puisqu'elles ne concernaient qu'une fraction des réunions organisées au sein de cette organisation professionnelle. De même, il est sans portée, pour les motifs déjà exposés, que la concertation ait porté sur les taux de hausse des tarifs et non directement sur les prix. Enfin, concernant le moyen que tirent ces requérantes de l'absence de réunions de suivi et de la non-participation à des réunions bilatérales, il y a lieu de relever, d'une part, que, contrairement à ce qu'elles soutiennent et ainsi que l'a relevé l'Autorité aux paragraphes 382 à 386, 421 à 426, 451 à 456, 485 à 486 et 495 à 498 de la décision attaquée, il est démontré que des réunions de suivi ont été tenues au sein du Conseil de Métiers à l'occasion de chaque campagne et que la société DHL a participé à celles des 18 janvier 2007, 15 janvier 2009 ainsi que 28 janvier et 20 mai 2010. D'autre part, qu'elle a, ainsi qu'il a été retenu précédemment, participé à des réunions bilatérales. En tout état de cause, la cour rappelle que l'appréciation de la nocivité de pratiques d'entente s'apprécie globalement, et non séparément pour chaque participant (…).C'est en conséquence à juste titre qu'au regard de leur contenu, de leur portée, ainsi que de leur contexte économique et juridique, l'Autorité a considéré que les pratiques de concertation visées par les deux griefs notifiés constituaient, les unes et les autres, des pratiques anticoncurrentielles par objet, sans qu'il soit nécessaire de demander à la Cour de justice des éclaircissements complémentaires sur l'interprétation de l'arrêt Groupement des Cartes bancaires, précité. Dès lors, il n'y a pas lieu de poser les questions préjudicielles suggérées par les sociétés DHL, DHL Holding (France) et Deutsche Post. Il s'ensuit que l'ensemble des moyens contestant la qualification de pratiques anticoncurrentielles par objet sont rejetés. Il se déduit par ailleurs de l'ensemble de ce qui précède que l'Autorité n'avait pas à rechercher l'étendue des effets concrets des pratiques sur le jeu de la concurrence et qu'il n'y a pas lieu pour la cour d'examiner, au-delà de ce qu'elle a fait dans les développements qui précédent, les moyens des parties relatifs aux effets ;

1°) ALORS QU' il convient, afin d'apprécier si une pratique présente un degré suffisant de nocivité pour être considérée comme une restriction de concurrence « par objet », de s'attacher à sa teneur, aux objectifs visés ainsi qu'au contexte économique et juridique dans lequel elle s'insère ; qu'en retenant, à propos des pratiques visées par le grief n° 2, que le contexte économique et juridique de leur mise en oeuvre serait le même que celui dans lequel se sont développées les pratiques visées par le grief n° 1, considérant ainsi que l'analyse du contexte économique et juridique dans lequel les pratiques objet du grief n° 1 se sont inscrites pourrait être transposée à la qualification des pratiques objet du grief n° 2, la cour d'appel a violé les articles 101 du TFUE et L. 420-1 du code de commerce ;

2°) ALORS QU'il convient, afin d'apprécier si une pratique présente un degré suffisant de nocivité pour être considérée comme une restriction de concurrence « par objet », de s'attacher à sa teneur, aux objectifs visés ainsi qu'au contexte économique et juridique dans lequel elle s'insère ; qu'en retenant, à propos des pratiques visées par le grief n° 2, que le contexte économique et juridique de leur mise en oeuvre serait le même que celui dans lequel se sont développées les pratiques visées par le grief n° 1, se dispensant ainsi d'une analyse du contexte économique et juridique des pratiques visées par le grief n° 2, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 101 du TFUE et L. 420-1 du code de commerce ;

3°) ALORS QU'en considérant que les pratiques visées par le grief n° 2 auraient constitué des pratiques anticoncurrentielles par objet, quand il résulte de ses propres constatations qu'il ne s'agissait ni d'une entente de fixation des prix, ni d'une entente sur la fixation des taux de hausse des prix, ni d'un échange d'informations sur les prix, la cour d'appel a violé les articles 101 du TFUE et L. 420-1 du code de commerce ;

4°) ALORS QU' en retenant, pour considérer que les pratiques visées par le grief n° 2 auraient constitué des pratiques anticoncurrentielles par objet, que les taux d'augmentation réclamés à la clientèle au début de chaque campagne tarifaire étaient le seul élément sur lequel il était possible de mettre en place une coordination entre concurrents, la cour d'appel s'est prononcée par un motif inopérant et a privé sa décision de base légale au regard des articles 101 du TFUE et L. 420-1 du code de commerce ;

5°) ALORS QUE la notion de pratique concertée implique, outre la concertation entre les entreprises concernées, un comportement sur le marché faisant suite à cette concertation et un lien de cause à effet entre ces deux éléments ; qu'en ne recherchant pas si la circonstance que les taux d'augmentation étaient négociés par la société DHL avec chaque client n'excluait pas tout lien entre les échanges d'informations prétendus et le comportement de la société DHL sur le marché, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 101 du TFUE et L. 420-1 du code de commerce.

NEUVIEME MOYEN DE CASSATION (sur la sanction infligée au titre des pratiques objet du grief n° 2)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir infligé au titre des pratiques visées à l'article 2 de la décision une sanction de 69 874 000 euros à la société DHL Express (France) S.A.S., solidairement avec les sociétés DHL Holding (France) S.A.S. et Deutsche Post A.G ;

AUX MOTIFS QUE : Sur l'assiette de la sanction : (…) En premier lieu, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, il ne découle ni du communiqué sanctions ni de la pratique décisionnelle antérieure de l'Autorité que les ventes de produits ou services devraient être « affectées » par l'infraction pour que leur valeur soit prise en compte pour le calcul du montant de base de la sanction. D'une part, le point 23 du communiqué sanctions est ainsi libellé : « Pour donner une traduction chiffrée à son appréciation de la gravité des faits et de l'importance du dommage causé à l'économie, l'Autorité retient, comme montant de base de la sanction pécuniaire, une proportion de la valeur des ventes, réalisées par chaque entreprise ou organisme en cause, de produits ou de services en relation avec l'infraction ou, s'il y a lieu, les infractions en cause (2). La valeur de ces ventes constitue en effet une référence appropriée et objective pour déterminer le montant de base de la sanction pécuniaire, dans la mesure où elle permet d'en proportionner au cas par cas l'assiette à l'ampleur économique de l'infraction ou des infractions en cause, d'une part, et au poids relatif, sur le(s) secteur(s) ou marché(s) concerné(s), de chaque entreprise ou organisme qui y a participé, d'autre part. Elle est donc retenue par l'Autorité, à l'instar d'autres autorités de concurrence européennes, de préférence au chiffre d'affaires total de chaque entreprise ou organisme en cause, qui peut ne pas être en rapport avec l'ampleur de ces infractions et le poids relatif de chaque participant sur le(s) secteur(s) ou marché(s) concerné(s). « (souligné par la cour). Le point 33 du communiqué sanctions précise : « 33. La référence prise par l'Autorité pour donner une traduction chiffrée à son appréciation de la gravité des faits et de l'importance du dommage causé à l'économie est la valeur de l'ensemble des catégories de produits ou de services en relation avec l'infraction, ou s'il y a lieu avec les infractions, vendues par l'entreprise ou l'organisme concerné durant son dernier exercice comptable complet de participation à celle(s)-ci, [...]. La qualification de l'infraction ou des infractions effectuée par l'Autorité, au regard de leur objet ou de leurs effets anticoncurrentiels, détermine ces catégories de produits ou de services » (souligné par la cour). Il ressort de ces points du communiqué sanctions que, dès l'instant où une catégorie de produits ou de services est « en relation avec l'infraction », la valeur des ventes de cette catégorie de produits ou de services doit être prise en compte. Ainsi que le précise le point 33 du communiqué sanctions, c'est la qualification de l'infraction, effectuée au regard de son objet ou de ses effets, qui permet de déterminer les catégories de produits ou de services en relation avec cette infraction. Il n'est, en revanche, fait aucune référence à une nécessaire affectation des ventes de ces catégories de produits ou services par l'infraction pour pouvoir prendre en compte leur valeur. D'autre part, dans plusieurs décisions, l'Autorité a, comme le soulignent les requérantes, effectivement écarté de la valeur des ventes prise en compte aux fins du calcul du montant de base de la sanction, les ventes de certaines catégories de produits réalisées sur le marché pertinent – c'est-à-dire le marché défini par l'Autorité préalablement à l'examen des pratiques, afin qu'il lui serve de cadre d'analyse – au motif que ces catégories de produits n'étaient pas en relation avec l'infraction : – dans sa décision n° 12-D-09 du 13 mars 2012
relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur des farines alimentaires, après avoir défini le marché pertinent comme « celui de la commercialisation de farine de blé tendre en sachets à destination du grand public en France « (§ 415), elle a uniquement pris en compte la valeur des ventes de farine en sachet « aux seules enseignes du hard discount en France « (§ 890) ; – dans sa décision n° 13-D-03 du 13 février 2013 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur du porc charcutier, après avoir défini le marché pertinent comme « celui de la vente de viande de porc à destination des enseignes de la grande distribution en France » (§ 224), l'Autorité a pris en compte la valeur des seules ventes « réalisées [...] auprès des magasins de l'enseigne Auchan » (§ 431) ; – dans sa décision n° 15-D-04 du 26 mars 2015 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur de la boulangerie artisanale, après avoir défini « le marché concerné par les pratiques [...] comme celui de la commercialisation aux boulangeries artisanales de la farine de blé tendre livrée en vrac ou en conditionnement de plus de 20 kg et des mixes destinés à la production de viennoiserie ou autre pâtisserie vendue en boulangeries à destination d'une consommation effectuée principalement en France » (§ 284), l'Autorité a finalement exclu de la valeur des ventes prise en compte « les mixes destinés à la production de viennoiseries ou de pâtisseries » (§ 367). Mais, par ces décisions, l'Autorité a, en identifiant les catégories de produits ou de services en relation avec l'infraction au regard de l'objet ou des effets anticoncurrentiels des pratiques analysées, procédé de fait à une délimitation du marché concerné par l'entente, qui s'est trouvée être, dans ces trois espèces, plus étroit que le marché pertinent initialement défini. Une fois délimité le marché sur lequel l'entente se déployait, l'Autorité a bien retenu la valeur de l'ensemble des ventes des produits et services réalisées sur ce marché, sans vérifier si ces ventes avaient ou non été affectées par l'entente. Lesdites décisions peuvent d'ailleurs être rapprochées des décisions dans lesquelles l'Autorité ayant été en mesure de définir finement le marché pertinent par référence à une catégorie de produits et/ou de clients, a constaté, à l'issue de son analyse des pratiques, que ce marché était bien celui concerné par l'entente et retenu pour assiette de la sanction l'ensemble des ventes réalisées sur ledit marché (décision n° 12-D-24 du 13 décembre 2012 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur de la téléphonie mobile à destination de la clientèle résidentielle en France métropolitaine, § 373 ; décision n° 13-D-12 du 28 mai 2013 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur de la commercialisation de commodités chimiques, § 586 et 587 ; décision n° 15-D-17 du 30 novembre 2015 relative à des pratiques mises en oeuvre sur le marché de la téléphonie mobile à destination de la clientèle non résidentielle à La Réunion et à Mayotte, § 24 et 84). Ainsi, il ne ressort pas de la pratique décisionnelle de l'Autorité que celle-ci aurait renoncé à prendre en compte la valeur des ventes de produits ou services dont elle aurait constaté qu'ils étaient en relation avec l'infraction, au motif que ces ventes n'avaient pas été affectées par l'infraction. Le choix fait par l'Autorité, tant dans sa pratique décisionnelle que dans son communiqué sanctions, de ne pas prendre en compte le critère de l'affectation des ventes par l'infraction, apparaît justifié. En effet, outre que l'exigence de proportionnalité ne l'impose pas, l'obligation de mettre un tel critère en oeuvre contraindrait l'Autorité, non certes pas à démontrer, pour chaque catégorie de produits ou services, que leurs ventes ont été réellement affectées par l'entente – les requérantes admettant le bien-fondé d'une présomption simple d' « affectation » –, mais à vérifier l'affirmation des entreprises incriminées selon laquelle les ventes de certaines catégories de produits ou services n'ont pas pu être affectées. Or une telle exigence, en obligeant les services d'enquête de l'Autorité à consacrer un temps important à de telles vérifications, limiterait très sensiblement l'efficacité de son action. À cet égard, la présente affaire illustre parfaitement les dérives qu'entraînerait l'approche défendue par les
requérantes : sous couvert de catégories de prestations, celles-ci en arrivent en effet à réclamer la déduction d'une partie du chiffre d'affaires décomposé contrat individuel par contrat individuel. Surtout, ladite obligation priverait largement d'effet dissuasif les sanctions que prononce l'Autorité, puisque chaque entreprise pourrait espérer, en cas de poursuites, voir sa sanction calculée sur la base d'un chiffre d'affaires très inférieur à celui qu'elle réalise sur le marché sur lequel se déroule l'entente. À l'inverse, l'approche retenue par l'Autorité est plus conforme à l'exigence de prévisibilité de la sanction, et donc à son caractère dissuasif, toute entreprise se livrant à des pratiques anticoncurrentielles sur un marché donné étant d'emblée en mesure de savoir que la sanction qu'elle encourt sera, en principe, calculée sur la totalité du chiffre d'affaires qu'elle réalise sur ledit marché. Enfin, si, conformément au principe d'autonomie procédurale, l'Autorité n'est pas liée par les règles de droit de la concurrence de l'Union relatives au calcul des sanctions, la cour juge opportun de souligner que la détermination de la valeur des ventes est arrêtée de la même façon au niveau européen. C'est ainsi que, dans son arrêt LG Display et LG Display Taiwan/Commission, précité, la Cour de justice a approuvé, dans les termes suivants, le Tribunal d'avoir retenu l'ensemble des ventes réalisées sur le marché concerné par l'infraction : « 56. En l'espèce, le Tribunal a donc jugé à bon droit, au point 97 de l'arrêt attaqué, que « la possibilité pour la Commission d'inclure dans la valeur des ventes pertinentes aux fins du calcul du montant de l'amende les ventes de LCD cartellisés faites par les requérantes à LGE et à Philips dépend non pas de la question de savoir si ces ventes se faisaient à des prix influencés par l'entente, mais du simple fait que celles-ci étaient réalisées sur un marché affecté par l'existence d'une entente à laquelle les requérantes participaient ». [...] 58. En conséquence, ayant constaté, au point 69 de l'arrêt attaqué, dans le cadre de son appréciation souveraine des faits, sans que les requérantes invoquent la moindre dénaturation, que les ventes de LCD cartellisés effectuées par ces dernières à LGE et à Philips ont été réalisées sur le marché concerné par l'infraction, c'est sans commettre d'erreur de droit que le Tribunal a estimé, aux points 71 et 72 de cet arrêt, que la Commission était en droit de tenir compte desdites ventes pour calculer le montant de l'amende à leur infliger, sans qu'il importe de savoir si LGE et Philips leur ont effectivement payé des prix majorés en raison de l'entente et si elles ont répercuté cette éventuelle majoration sur le prix des produits finis intégrant les LCD cartellisés qu'elles ont vendus aux consommateurs dans l'EEE. 59. Dans ces conditions, le Tribunal n'était tenu ni de préciser les raisons pour lesquelles les ventes desdits LCD réalisées par LGD auprès de LGE et de Philips, en dépit des clauses contractuelles liant LGD à ces dernières dans le cadre de leur accord d'entreprise commune, auraient pu fausser la concurrence sur le marché pertinent, ni d'examiner les preuves fournies par les requérantes à cette fin. […] Contrairement à ce que font valoir les requérantes, le Tribunal n'a, ce faisant, nullement fait prévaloir une présomption irréfragable selon laquelle toutes les ventes réalisées sur le marché pertinent ont été affectées par l'infraction en cause. En revanche, le Tribunal a considéré, par une motivation qui, ainsi qu'il résulte des points 48 à 59 du présent arrêt, n'est entachée d'aucune erreur de droit, que, même en l'absence de toute preuve que les ventes des LCD cartellisés par les requérantes à leurs sociétés mères ont été affectées par cette infraction, ces ventes peuvent néanmoins être prises en compte aux fins du calcul du montant de l'amende à infliger aux requérantes, dès lors qu'elles ont été réalisées sur le marché concerné par l'infraction. [...] » (souligné par la cour). Il s'ensuit que, à supposer établi par l'Autorité que l'ensemble des prestations de messagerie classique et express sont en relation avec le grief n° 2, c'est en vain que les requérantes cherchent à démontrer que telle ou telle catégorie de contrats n'a pas pu être affectée par l'entente, puisque, même à supposer cette preuve rapportée, un tel critère est inopérant. En deuxième lieu, c'est à juste titre que l'Autorité a constaté que l'ensemble des prestations de messagerie classique et express réalisées sur le marché français étaient en relation avec le grief n° 2. À cet égard, il y a lieu de constater qu'une différence fondamentale distingue la présente espèce des décisions de l'Autorité, citées au paragraphe 860 du présent arrêt, dans lesquelles le marché affecté a été délimité par référence à une catégorie de clients. Dans les cas évoqués, l'entente avait été cantonnée par les participants eux-mêmes à la relation entre ces derniers et tel client ou telle catégorie de clients. Rien de tel en l'espèce, où les informations échangées concernaient un aspect de la politique tarifaire générale qu'entendaient suivre les entreprises participantes – le taux de hausse qu'elles souhaitaient obtenir –, sans distinction selon la nature des services ou selon les caractéristiques des clients. Notamment, ce n'est pas parce qu'elles n'envoyaient pas leurs circulaires de hausse tarifaire à leurs clients les plus importants, qu'elles ne s'efforçaient pas, dans les négociations avec ces derniers, de faire passer les taux de hausses qu'elles avaient annoncés lors des réunions du Conseil de Métiers. L'Autorité fait à raison valoir, dans ses observations, que, dès lors que les hausses tarifaires envisagées et échangées par les entreprises de messagerie ne concernaient aucun type de contrat particulier et aucune prestation de messagerie particulière, mais l'ensemble du marché domestique de la messagerie classique et express, la totalité des prestations réalisées sur ce marché était en relation avec l'infraction au sens des points 23 et 33 du communiqué sanctions. C'est donc à juste titre, et dans le strict respect du communiqué sanctions, que l'Autorité a refusé de distinguer selon les clients
et/ou les contrats et a retenu le chiffre d'affaires réalisé par chaque entreprise participante sur le marché domestique de la messagerie classique et express. Eu égard aux considérations qui précèdent, ce n'est que de façon surabondante que la cour examinera ci-après les arguments avancés spécifiquement par les requérantes pour chacune des catégories de contrats et/ou de clients dont elles demandent l'exclusion. (…) S'agissant des clients « grands comptes », non destinataires des circulaires de hausse, et des clients « hors cycle », pour lesquels les négociations intervenaient en dehors de la période habituelle de négociation, entre octobre et mars de l'année suivante, ainsi que des clients « atypiques », les négociations que les opérateurs de messagerie engageaient avec eux ne pouvaient pas être totalement déconnectées des prix pratiqués sur le marché à l'égard de tous les autres clients, le constat d'une hausse généralisée des prix favorisant l'acceptation de hausses, y compris par les clients disposant d'un important contre-pouvoir. Il en va de même des relations avec les clients à conquérir (nouveaux clients et ventes au comptant), un environnement marqué par une hausse des prix étant de nature à leur faire accepter, au début de la relation contractuelle ou à l'occasion de chaque vente au comptant, un prix plus élevé que ce qu'il aurait été sans les pratiques. Dès l'instant où les pratiques, en augmentant la transparence du marché, étaient de nature à entraîner des hausses supérieures à ce qu'elles auraient été sans l'entente, elles ont aussi eu pour effet, réellement ou potentiellement, de favoriser artificiellement les entreprises dans leurs négociations avec leurs plus grands clients, leurs clients atypiques et leurs clients « hors cycle », comme avec leurs nouveaux clients et, par voie de conséquence, de renforcer la possibilité de leur faire accepter des taux de hausse plus élevés. (…) En conclusion, la facilitation des hausses de prix par les pratiques objet du grief n° 2 s'est nécessairement faite sentir sur l'ensemble des ventes réalisées sur le marché de la messagerie classique et express. À tout le moins les requérantes sont-elles impuissantes à rapporter la preuve contraire. En troisième lieu, le reproche fait par les requérantes à l'Autorité de ne pas avoir écarté de la valeur des ventes, d'une part, les options et frais supplémentaires, d'autre part, la surcharge gazole, y compris lorsqu'ils sont payés au titre de contrats ayant été affectés par l'entente, au motif que leur montant serait déterminé indépendamment des circulaires de hausses tarifaires, n'est pas fondé. Une telle exigence ne trouve, là encore, aucun fondement dans le communiqué sanctions et dans la pratique de l'Autorité. En outre, elle n'aboutirait pas seulement à contraindre celle-ci à vérifier, pour chaque contrat, s'il a été réellement affecté par l'entente ou, à l'inverse, s'il peut être exclu qu'il l'ait été, mais irait au-delà encore, en l'obligeant, pour chaque vente de produit ou service appartenant à une catégorie de produits ou services en relation avec l'infraction, à distinguer ceux des éléments constitutifs du prix global de vente qui ont été affectés, qui seuls pourraient entrer dans la valeur des ventes, de ceux qui ne l'ont pas été, qu'il conviendrait d'écarter. Or, pour les raisons déjà exposées aux paragraphes 865 et 866 du présent arrêt, la nécessité de garantir l'efficacité de l'action de l'Autorité, et notamment de ses services d'instruction, ainsi que la prévisibilité et le caractère dissuasif des sanctions qu'elle prononce, s'opposent à un tel degré d'exigence. (…) Plus généralement, la prise en compte, comme assiette des sanctions, de la valeur de l'ensemble des ventes de produits et services en relation avec l'infraction, n'est pas contraire au principe de proportionnalité des peines. Il convient en effet de rappeler, d'une part, qu'aux fins de déterminer le montant de base de la sanction, il est appliqué à la valeur des ventes retenue un coefficient fixé en fonction de la gravité des faits et du dommage causé à l'économie ainsi qu'un coefficient traduisant la durée de la participation individuelle de chaque entreprise à l'entente, d'autre part, que le montant de base ainsi obtenu peut encore faire l'objet d'une individualisation en fonction des circonstances aggravantes et atténuantes propres à chaque entreprise, et d'ajustements
finaux pour tenir compte de ses éventuelles difficultés. Dès lors, c'est à juste titre, et sans encourir aucun des griefs soulevés par les requérantes, que l'Autorité a retenu, au titre de la valeur des ventes, le chiffre d'affaires lié aux prestations de messagerie et de messagerie express sur le territoire français, déduction faite du chiffre d'affaires réalisé lors de prestations internationales – lesquelles ne sont pas en relation avec l'infraction – ainsi que du chiffre d'affaires réalisé lorsque les entreprises ont agi exclusivement comme sous-traitant d'un autre transporteur et du chiffre d'affaires réalisé lors de prestations intragroupe – afin de ne pas prendre deux fois en compte le même chiffre d'affaires. Les moyens précédemment examinés sont en conséquence rejetés ;

1°) ALORS QUE la cassation qui interviendra sur le premier, deuxième, quatrième, cinquième, sixième ou huitième moyen de cassation entrainera la censure de l'arrêt en ce qu'il a infligé, au titre des pratiques visées à l'article 2 de la décision, une sanction de 69 874 000 euros à la société DHL Express (France) S.A.S., solidairement avec les sociétés DHL Holding (France) S.A.S. et Deutsche Post A.G, en application de l'article 624 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie, à la situation de l'organisme ou de l'entreprise sanctionné ou du groupe auquel l'entreprise appartient et sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme et de façon motivée pour chaque sanction ; qu'en écartant les moyens relatifs à l'assiette de la sanction, tirés de ce que seule la valeur des ventes affectées par l'infraction devait être prise en considération, motif pris que l'exigence induite par ces moyens obligerait les services d'enquête de l'Autorité à consacrer « un temps important à de telles vérifications » et limiterait l'efficacité de son action (arrêt attaqué, § 865, et aussi § 884), la cour d'appel a violé l'article L. 464-2 du code de commerce ;

3°) ALORS QUE l'Autorité de la concurrence est soumise au principe général de droit de l'Union de bonne administration, en vertu duquel il lui appartient d'examiner avec soin tous les éléments pertinents d'une affaire ; qu'en écartant les moyens relatifs à l'assiette de la sanction, tirés de ce que seule la valeur des ventes affectées par l'infraction devait être prise en considération, motif pris que l'exigence induite par ces moyens obligerait les services d'enquête de l'Autorité à consacrer « un temps important à de telles vérifications » et limiterait l'efficacité de son action (arrêt attaqué, § 865, et aussi § 884), la cour d'appel a violé le principe général de droit de l'Union de bonne administration ;

4°) ALORS QUE les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie, à la situation de l'organisme ou de l'entreprise sanctionné ou du groupe auquel l'entreprise appartient et sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme et de façon motivée pour chaque sanction ; qu'en écartant les moyens relatifs à l'assiette de la sanction, tirés de ce que seule la valeur des ventes affectées par l'infraction devait être prise en considération, motif pris que l'obligation induite par ces moyens « priverait largement d'effet dissuasif les sanctions que prononce l'Autorité » et que l'approche retenue par l'Autorité serait plus conforme « à l'exigence de prévisibilité de la sanction, et donc à son caractère dissuasif » (arrêt attaqué, § 866, et aussi § 884), la cour d'appel a derechef violé l'article L. 464-2 du code de commerce ;

5°) ALORS, EN TOUTE HYPOTHÈSE, QU'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a transformé la présomption simple de ce que la valeur des ventes en relation avec l'infraction comprendrait l'ensemble des ventes réalisées sur le marché concerné en présomption irréfragable, dès lors qu'elle ne peut plus être renversée par la preuve contraire, et a violé l'article L. 464-2 du code de commerce ;

6°) ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE le montant de base de la sanction pécuniaire est déterminé à partir de la valeur des ventes des produits ou services en relation avec l'infraction, valeur qui permet de proportionner l'assiette de la sanction à l'ampleur économique de l'infraction et au poids de l'entreprise en cause sur le marché et à laquelle il est ensuite appliqué un coefficient relatif à la gravité des faits et au dommage à l'économie ; qu'en estimant que la prise en compte, comme assiette de la sanction, de la totalité du chiffre d'affaires réalisé par une entreprise sur le marché concerné ne contrevient pas au principe de proportionnalité des peines, parce qu'il est appliqué à la valeur des ventes ainsi retenue un coefficient fonction de la gravité des faits et du dommage causé à l'économie et un coefficient de durée, et que ce montant peut faire l'objet d'une individualisation selon des circonstances atténuantes ou aggravantes (arrêt attaqué, § 886), la cour d'appel a violé l'article L. 464-2 du code de commerce ;

7°) ALORS, EN TOUTE HYPOTHÈSE, QUE la notion de valeur des ventes de produits ou services en relation avec l'infraction ne peut englober des ventes ne relevant pas du champ d'application de l'infraction ; qu'en considérant que c'est à juste titre que l'Autorité a retenu, au titre de la valeur des ventes, le chiffre d'affaires lié aux prestations de messagerie et de messagerie express sur le territoire français, déduction faite, uniquement, du chiffre d'affaires réalisé lors de prestations internationales, du chiffre d'affaires réalisé lorsque les entreprises ont agi exclusivement comme sous-traitant d'un autre transporteur et du chiffre d'affaires réalisé lors de prestations intergroupe, sans déduire, comme elle y était invitée, le chiffre d'affaires réalisé par DHL au profit des clients TOP 1000 et celui généré par des « options ou frais supplémentaires », sans relation avec l'infraction, la cour d'appel a violé l'article L. 464-2 du code de commerce ;

8°) ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE la notion de valeur des ventes de produits ou services en relation avec l'infraction ne peut englober des ventes ne relevant pas du champ d'application de l'infraction ; qu'en relevant, pour considérer que c'est à juste titre que l'Autorité avait retenu, au titre de la valeur des ventes, le chiffre d'affaire lié aux prestations de messagerie classique et express sur le territoire français sans distinguer selon les clients et/ou les contrats, que les informations échangées concernaient un aspect de la politique tarifaire générale qu'entendaient suivre les entreprises participantes – le taux de hausse qu'elles souhaitaient obtenir –, sans distinction selon la nature des services ou selon les caractéristiques des clients, sans rechercher, concrètement, le champ d'application des pratiques en cause, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 464-2 du code de commerce ;

9°) ALORS QUE les sanctions pécuniaires sont proportionnées, notamment, à la gravité effective des faits reprochés et à l'importance du dommage réellement causé à l'économie ; qu'en relevant, pour considérer que c'est à juste titre que l'Autorité avait retenu, au titre de la valeur des ventes, le chiffre d'affaires lié aux prestations de messagerie classique et express sur le territoire français sans distinguer selon les clients et/ou les contrats, que les pratiques litigieuses étaient de nature à entraîner des hausses supérieures à ce qu'elles auraient été sans l'entente et ont eu pour effet, réellement ou potentiellement, de favoriser les entreprises dans leurs négociations avec leurs plus grands clients, la cour d'appel s'est prononcée par des motifs inopérants, privant sa décision de base légale au regard de l'article L. 464-2 du code de commerce ;

ET AUX MOTIFS QUE : Sur la proportion de la valeur des ventes retenue au titre de la gravité des faits et de l'importance du dommage causé à l'économie (…) .. Sur la gravité des faits : Aux termes de l'article 25 du communiqué sanctions, « [l]'Autorité apprécie la gravité des faits de façon objective et concrète, au vu de l'ensemble des éléments pertinents du cas d'espèce ». Le point 26 du même communiqué précise : « Pour apprécier la gravité des faits, l'Autorité tient notamment compte des éléments suivants, en fonction de leur pertinence : – la nature de l'infraction ou des infractions en cause et des faits retenus pour la ou les caractériser (entente entre concurrents, qui peut elle-même revêtir un degré de gravité différent selon qu'il s'agit, par exemple, d'un cartel de prix ou d'un simple échange d'informations; entente entre deux acteurs d'une même chaîne verticale, comme une pratique de prix de revente imposés par un fournisseur à des distributeurs; abus de position dominante, qu'il s'agisse d'abus d'éviction ou d'exploitation), ainsi que la nature du ou des paramètres de la concurrence concernés (prix, clientèle, production, etc.) et, le cas échéant, leur combinaison; ces éléments revêtent une importance centrale dans le cas des pratiques anticoncurrentielles expressément visées par les articles L. 420-1 et L. 420-2 du code de commerce et 101 et 102 TFUE, en considération de leur gravité intrinsèque ; – la nature des activités, des secteurs ou des marchés en cause (activité de service public, marché public, secteur ouvert depuis peu à la concurrence, etc.) et, le cas échéant, leur combinaison ; – la nature des personnes susceptibles d'être affectées (petites et moyennes entreprises [PME], consommateurs vulnérables, etc.), et – les caractéristiques objectives de l'infraction ou des infractions (caractère secret ou non, degré de sophistication, existence de mécanismes de police ou de mesures de représailles, détournement d'une législation, etc.) ». La cour fera siens ces critères, qu'elle juge pertinents. (…) En premier lieu, s'agissant de la nature de l'infraction, ainsi que la cour l'a souligné au paragraphe 578 du présent arrêt, les pratiques relevant du grief n° 2 ont consisté pour les entreprises mises en cause, durant la période écoulée entre le 30 septembre 2004 et le 29 septembre 2010, d'une part, en des échanges
annuels d'informations commerciales sur les hausses de tarifs qu'elles projetaient d'appliquer à leurs clients, avant le début des négociations tarifaires menées avec eux, d'autre part, en cours de campagne tarifaire, en des échanges sur le résultat de ces négociations qui ont permis un suivi des informations échangées précédemment et, enfin, en un rappel à l'ordre, lors de la campagne tarifaire 2004-2005, d'une entreprise déviante, pour ne pas avoir circularisé le taux de hausse qu'elle avait annoncé à ses concurrents. Certes, il ne ressort pas du dossier que les pratiques allaient jusqu'à arrêter en commun un même taux de hausse tarifaire, ce que démontrent les divergences de taux entre entreprises pour une même campagne tarifaire. Toutefois, l'entente a apporté à chacun des participants une certitude quant à leurs intentions réciproques en matière de fixation des prix, grâce à laquelle chacun d'entre eux pouvait être certain, sinon du niveau exact des prix des autres participants, du moins, d'une part, de leur volonté de maintenir une stratégie commune visant à la fixation de prix plus élevés, d'autre part, du taux de hausse – ou de la fourchette dans laquelle ce taux se situerait – réclamé par leurs concurrents à leur clientèle. De ce fait, ils n'avaient plus à craindre d'agressions concurrentielles ou de rupture de contrat de la part de leurs clients. Or une telle certitude était d'autant plus importante que, sur le marché de la messagerie, le taux de hausse tarifaire annuelle – dont le caractère tangible et effectif ne saurait être contesté – est le paramètre essentiel d'évolution des prix : il l'est à l'évidence pour les petits clients, qui ne négocient pas la hausse que leur adresse l'entreprise de messagerie, mais également pour les autres clients, qui sont en mesure de négocier, pour lesquels ce taux représente à la fois le point de départ de la négociation et le plafond de hausse. Les effets sur la hausse des prix de la certitude ainsi acquise quant à la politique tarifaire de la concurrence sont parfaitement illustrés par le phénomène de déviation à la hausse des taux qui s'est produit, au cours de la campagne tarifaire 2006-2007, entre la réunion du Conseil de Métiers au cours de laquelle ont été échangées des informations sur les hausses tarifaires projetées et l'envoi des circulaires de hausse tarifaire. Ainsi que l'a justement analysé l'Autorité, c'est la connaissance des intentions des autres participants à la réunion qui a incité plusieurs entreprises à augmenter le taux initialement arrêté (décision attaquée, § 417 à 420). Compte tenu de la durée de l'entente, qui s'est étendue sur sept campagnes tarifaires, il ne fait aucun doute que la certitude, renouvelée d'année en année, que les concurrents poursuivraient une politique de hausse tarifaire, a exercé, avant même les réunions du Conseils de Métiers, une influence à la hausse sur le taux arrêté par chacune des entreprises participantes. D'une part, chacune d'elles pouvait avoir confiance dans le fait que ses concurrents suivraient une même politique agressive de hausse tarifaire, quand bien même elle ne connaissait pas encore leurs taux de hausse ; d'autre part, au cas où il se serait avéré que le taux de hausse arrêté était excessif comparé à ceux des concurrents, l'entreprise savait qu'elle pourrait en tenir compte en acceptant plus aisément d'y renoncer dans le cadre de ses négociations avec ses clients. Dès lors, l'entente objet du grief n° 2 a bien consisté en une stratégie de collaboration destinée à neutraliser, dans toute la mesure du possible, le contre-pouvoir des clients en vue de la fixation de prix plus élevés que si le libre jeu de la concurrence s'était pleinement exercé, et c'est, dès lors, à juste titre que l'Autorité l'a qualifiée d'entente horizontale portant sur la fixation de prix futurs, type d'ententes dont tant la théorie économique que la pratique enseignent qu'elles doivent être considérées comme particulièrement nuisibles. Contrairement à ce que soutiennent les requérantes, les arrêts des juridictions de l'Union cités par l'Autorité aux paragraphes 1216 à 1220 de la décision attaquée confirment le bien-fondé de cette qualification. Dans l'affaire Tate & Lyle e.a./Commission, précitée, la Commission avait constaté, au point 193 de sa décision 1999/210/CE du 14 octobre 1998 relative à une procédure d'application de l'article 85 du TFUE CE (Affaire IV/F-3/33.708 – British Sugar plc, affaire IV/F-3/33.709 – Tate & Lyle plc, affaire IV/F-3/33.710 – Napier Brown & Company Ltd, affaire IV/F-3/33.711 – James Budgett Sugars Ltd) que, « bien que la collusion ait consisté en une stratégie de collaboration en vue de la fixation de prix plus élevés, il n'existe pas d'éléments suffisants permettant d'établir que des prix minimaux, ou des prix facturés à des clients particuliers, aient été fixés conjointement » ; or ce constat n'a pas empêché le Tribunal de l'Union de valider la qualification d'entente horizontale portant sur la fixation des prix. Dans l'arrêt Fresh Del Monte Produce/Commission, précité, le Tribunal de l'Union a approuvé cette même qualification, alors que
la coordination des prix incriminée ne portait que sur des prix de référence, et non sur les prix facturés aux clients des entreprises participant à l'entente. Dans l'une et l'autre affaires, l'infraction s'était matérialisée par des échanges d'informations sur les prix futurs. Par ailleurs, à supposer même que les infractions sanctionnées dans ces deux affaires aient été plus graves que l'entente objet du grief n° 2, cela n'exclut nullement la qualification de cette dernière d'entente horizontale portant sur la fixation des prix : il existe, en effet, des degrés de gravité différents au sein de cette catégorie d'infractions aux règles de la concurrence. C'est en vain que les requérantes soutiennent que le grief n° 2 ne consisterait qu'en une simple pratique d'échange d'informations, généralement publiques et passées. D'abord, pour les entreprises qui n'avaient pas encore adressé leurs circulaires de hausse tarifaire à leur clientèle, les informations qu'elles ont communiquées lors des réunions du Conseil de Métiers n'étaient pas publiques ; quant à celles qui avaient déjà envoyé leurs circulaires à leurs clients, les informations qu'elles ont communiquées au cours desdites réunions, n'en ont pas moins, pour les raisons exposées aux paragraphes 509 et 510 du présent arrêt, accru artificiellement la transparence du marché. Ensuite, les réunions du Conseil de Métiers ayant eu lieu le plus souvent avant le début des négociations tarifaires de chacune des entreprises participantes avec leurs clients, et en tout état de cause avant la fin de ces négociations, les informations échangées au cours de ces réunions constituaient bien des informations futures. Enfin, ainsi que la cour vient de le rappeler, les entreprises ne se bornaient pas à échanger des données techniques, mais, au travers de ces échanges, se concertaient sur une politique tarifaire agressive de hausse qu'elles s'engageaient à suivre. Il est de même indifférent que l'entente n'ait porté que sur une partie seulement de la politique tarifaire des entreprises mises en cause. Il est en effet constant qu'est qualifiée d'entente horizontale portant sur la fixation des prix, une concertation ne portant que sur un élément de la composition du prix final (en ce sens, CJUE, arrêt T-Mobile Netherlands e.a., précité, point 37 ; TUE, arrêt du 29 septembre 2016, Uti Worldwide e.a./Commission, T-264/12, points 186 et 225). Le constat, exact, que les taux de hausses annoncés dans les circulaires n'étaient pas ceux effectivement appliqués aux clients, du moins ceux jouissant d'un contre-pouvoir de négociation, ne remet pas davantage en cause ladite qualification, puisque la fixation des prix peut être directe ou indirecte (en ce sens, CJUE, arrêt T-Mobile Netherlands e.a., précité, point 36 et 37 ; TUE, arrêt FSL e.a./Commission, précité, points 456 et 458). La cour relève, enfin, que l'Autorité a tenu compte du fait que les requérantes ne s'étaient pas concertées, au moins de manière systématique, sur le détail des négociations avec leur clientèle, et que cette circonstance était de nature à minorer la gravité des pratiques (décision attaquée, § 1225). Ce constat n'ayant pu être fait que dans la mesure où, ainsi que le fait valoir la société BMVirolle, il existe une dichotomie entre les taux de hausses annoncés dans les circulaires et ceux effectivement appliqués aux clients, l'Autorité a implicitement retenu cette circonstance comme élément de minoration de la gravité des pratiques. (…) Par ailleurs, ainsi que la cour l'a déjà souligné, à supposer même
qu'aucune des entreprises participantes n'ait jamais tenu compte des échanges d'information pour fixer son propre taux de hausse dans sa circulaire de hausse tarifaire – le reproche d'en avoir tenu compte n'étant, au demeurant, pas fait aux entreprises mises en cause –, cela est indifférent, car l'entente, qui a duré environ six années, a en tout état de cause créé un contexte favorable aux hausses et a donc été de nature à influer sur leur taux, fût-il fixé de façon autonome par les entreprises participantes. (…) Il résulte de l'ensemble des considérations qui précèdent que, dans son appréciation de la gravité des pratiques objet du grief n° 2, l'Autorité n'a pas commis d'erreur susceptible de remettre cette appréciation en cause ;

10°) ALORS QU' en considérant, d'une part, que les pratiques relevant du grief n° 2 ont consisté en des échanges annuels d'informations commerciales sur les hausses de tarifs, avant le début des négociations tarifaires menées avec les clients et, en cours de campagne tarifaire, en des échanges sur le résultat de ces négociations qui ont permis un suivi des informations échangées précédemment et, enfin, en un rappel à l'ordre, lors de la campagne tarifaire 2004-2005, d'une entreprise déviante, pour ne pas avoir circularisé le taux de hausse qu'elle avait annoncé à ses concurrents, d'autre part que c'était à juste titre que l'Autorité avait qualifié ces pratiques d'entente horizontale portant sur la fixation de prix futurs, la cour d'appel s'est contredite, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;

ET AUX MOTIFS QUE : e) Sur l'abattement au titre de la participation inégale au grief n° 2 : Aux paragraphes 1301 à 1305 de la décision attaquée, réunis sous le titre « La prise en compte de la participation inégale selon les entreprises », l'Autorité a accordé aux sociétés Norbert Dentressangle Distribution – devenue XPO –, Transports Henri Ducros, Ziegler, Chronopost, Exapaq – devenue DPD –, Ciblex, Normatrans, FedEx, TNT et GLS, un abattement de 10 % sur le montant de base de leur amende respective au motif que ces sociétés, si elles avaient participé aux réunions anticoncurrentielles du Conseil de Métiers, n'avaient en revanche participé à aucun des contacts bilatéraux ou multilatéraux qui ont complété et renforcé les pratiques concertées. Même si cet abattement a été accordé sur la base de ce critère exclusif, il ne fait aucun doute, à la lecture de la décision attaquée, que l'Autorité a considéré qu'en l'accordant, elle épuisait la question de l'individualisation de la sanction au titre de l'inégale participation des entreprises au grief n° 2. Plusieurs entreprises reprochent à l'Autorité d'avoir manqué à son obligation d'individualisation des sanctions en ne prenant pas en considération, comme elle l'aurait du., d'autres critères de mesure de l'intensité de leur participation aux pratiques (...) Il importe peu que ne soient rapportées ni la preuve que ces transmissions avaient été sollicitées par la société Gefco ni la preuve que cette dernière a elle-même adressé à des concurrents ses propres circulaires, car, en n'adoptant pas une position claire de nature à persuader ses concurrents qu'elle refusait de faire partie de l'entente et à les dissuader de lui adresser leurs circulaires et, de ce fait, en acceptant, fût-ce implicitement, de recevoir ces circulaires, lesquelles lui fournissaient des informations utiles dans ses relations avec sa propre clientèle, la société Gefco a bien entretenu des échanges bilatéraux à visée anticoncurrentielle. À cet égard, la cour souligne que les réceptions par la société Gefco de circulaires de hausse tarifaire de la part de ses concurrents sont intervenues à des dates auxquelles cette société avait déjà participé à des réunions anticoncurrentielles du Conseil de Métiers, de sorte que les entreprises lui ayant adressé leurs circulaires, la savaient membre de l'entente circulaire, lesquelles lui fournissaient des informations utiles dans ses relations avec sa propre clientèle, la société Gefco a bien entretenu des échanges bilatéraux à visée anticoncurrentielle. À cet égard, la cour souligne que les réceptions par la société Gefco de circulaires de hausse tarifaire de la part de ses concurrents sont intervenues à des dates auxquelles cette société avait déjà participé à des réunions anticoncurrentielles du Conseil de Métiers, de sorte que les entreprises lui ayant adressé leurs circulaires, la savaient membre de l'entente (…). Concernant la sociétéì DHL : ( ...) En troisième lieu, les requérantes ne contestent pas que la sociétéì Ducros Euro Express, devenue DHL, a reçu, le 4 novembre 2005, de la sociétéì Alloin sa circulaire de hausse tarifaire. Pour les raisons déjà exposées au paragraphe 1092 du présent arrêt, cette réception suffit à caractériser l'implication de la sociétéì DHL dans un échange bilatéral, peu important que ne soient rapportées ni la preuve que cette transmission avait été sollicitée par cette société ni la preuve qu'elle a elle-même adressé à des concurrents ses propres circulaires. La cour constate qu'il ne s'agit pas là d'un élément nouveau qui n'aurait pas été porté à la connaissance des requérantes ou dont il n'aurait pas été débattu. Il est en effet fait mention de cet envoi au paragraphe 521 de la notification des griefs et au paragraphe 842 du rapport.
De surcroit, il résulte de ce dernier paragraphe que la société DHL a expressément fait valoir qu'un tel envoi ne suffisait pas à l'incriminer, ce qui suffit à démontrer que cette question était dans le débat. Au surplus, ainsi que l'a jugé la cour au paragraphe 420 du présent arrêt, la société DHL a eu un échange bilatéral en marge des réunions du Conseil de Métiers avec au moins la société Graveleau, à laquelle elle a, à l'étéì 2006, communiqué des informations commercialement sensibles sur sa politique de hausse tarifaire. Là encore, il ne s'agit pas d'un élément nouveau, puisqu'il était déjà mis en exergue dans la notification des griefs (§ 475 à 477 et § 557 à 567). Certes, les rapporteurs n'ont pas tiré les conséquences de leurs propres observations relativement à ce compte rendu (rapport, § 850 à 853). Il ne saurait toutefois être reproché à la cour de tirer une conclusion inverse des éléments factuels soumis au débat. Au surplus, les requérantes ont eu tout loisir, dans le cadre de leur recours devant la cour, de développer tous les moyens de défense à leur disposition concernant les conclusions susceptibles d'être tirées – comme l'Autorité l'avait fait dans la décision attaquée – dudit compte rendu, de sorte que, devant la cour, ni le principe du contradictoire ni les droits de la défense n'ont été lésés. Dès lors, la demande des sociétés DHL, DHL Holding (France) et Deutsche Post tendant à obtenir, à l'instar de plusieurs autres entreprises mises en cause, un abattement de 10 % sur le montant de base de la sanction doit être rejetée ;

11°) ALORS QUE le juge ne peut se fonder sur un élément qui donne au litige une tournure que les parties ne pouvaient anticiper, sans les inviter à un débat contradictoire ; que les échanges multilatéraux et bilatéraux retenus à l'encontre de certaines entreprises au titre du grief n° 2 étaient définis, dans la notification des griefs, comme des discussions qui s'étaient tenues entre les participants à l'entente hors des réunions du Conseil de Métiers ; qu'en retenant que la société DHL aurait reçu la circulaire de hausse tarifaire de la société Alloin le 4 novembre 2005 et qu'elle aurait eu un échange bilatéral avec la société Graveleau au cours de l'été 2006, éléments ne correspondant pas à des « discussions » entre membres de l'entente prétendue, en marge du Conseil de Métiers, la cour d'appel a retenu une définition des comportements reprochés totalement nouvelle sans pour autant inviter préalablement les parties à débattre de cette nouvelle définition, en violation des articles 16 du code de procédure civile et 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

12°) ALORS QUE si le juge peut se fonder sur des faits dans les débats qui n'ont pas été spécialement invoqués par les parties au soutien de leur prétentions, c'est à condition de respecter le principe de la contradiction ; qu'en rejetant statuant comme elle l'a fait, motifs pris, d'une part que la société DHL « a reçu, le 4 novembre 2005, de la société Alloin sa circulaire de hausse tarifaire », ce qui « suffit aÌ caracteìriser l'implication de la société DHL dans un échange bilatéral » (arrêt attaqué, § 1107 et 1108) et que cette « question était dans le débat » (arrêt attaqué, § 1109) et, d'autre part, qu'elle « a eu un échange bilatéral en marge des réunions du Conseil des Métiers avec au moins la société Graveleau, à laquelle elle a, à l'été 2006, communiqué des informations commercialement sensibles sur sa politique de hausse tarifaire » (arrêt attaqué, § 1110), qu'il « ne s'agit pas d'un élément nouveau, puisqu'il était déjà mis en exergue dans la notification des griefs (§ 475 à 477 et § 557 à 567) », que si « les rapporteurs n'ont pas tiré les conséquences de leurs propres observations relativement à ce compte rendu (rapport, § 850 à 853) », il « ne saurait toutefois être reproché à la cour de tirer une conclusion inverse des éléments factuels soumis au débat » (arrêt attaqué, § 1111) et que « les requérantes ont eu tout loisir, dans le cadre de leur recours devant la cour, de développer tous les moyens de défense à leur disposition concernant les conclusions susceptibles d'être tirées – comme l'Autorité l'avait fait dans la décision attaquée – dudit compte rendu, de sorte que, devant la cour, ni le principe du contradictoire ni les droits de la défense n'ont été lésées » (arrêt attaqué, § 1112), ni l'Autorité de la concurrence, ni une autre partie ne s'étant pourtant prévalue de ces deux faits devant la cour d'appel pour en déduire spécifiquement que la société ne pouvait bénéficier de l'abattement de 10 %, de sorte qu'elle devait préalablement inviter la société DHL à présenter ses observations, la cour d'appel a violé les articles 7, alinéa 2, et 16 du code de procédure civile ;

13°) ALORS QU'en affirmant que la société DHL « a eu un échange bilatéral en marge des réunions du Conseil des Métiers avec au moins la société Graveleau, à laquelle elle a, à l'été 2006, communiqué des informations commercialement sensible sur sa politique de hausse tarifaire » (arrêt attaqué, § 1110), et que « les requérantes ont eu tout loisir, dans le cadre de leur recours devant la cour, de développer tous les moyens de défense à leur disposition concernant les conclusions susceptibles d'être tirées – comme l'Autorité l'avait fait dans la décision attaquée – dudit compte rendu, de sorte que, devant la cour, ni le principe du contradictoire ni les droits de la deìfense n'ont été lésées » (arrêt attaqué, § 1112), cependant que dans sa décision du 15 décembre 2015, l'Autorité de la concurrence n'a pas tiré de ce fait la conclusion que les exposantes ne pouvaient bénéficier de l'abattement de 10 % au titre de la prise en compte de la participation inégale selon les entreprises, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de cette décision, en méconnaissance de l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;

14°) ALORS QUE dans sa décision du 15 décembre 2015, pour déterminer les entreprises pouvant bénéficier d'un abattement de 10 % au titre de la prise en compte de la participation inégale selon les entreprises, l'Autorité de la concurrence a pris en considération l'existence de « contacts bilatéraux ou multilatéraux permettant à un nombre plus limité d'entreprises de s'échanger directement des données sensibles et stratégiques sur leurs hausses tarifaires » (§ 1301, p. 209) ; qu'ainsi, en jugeant que la réception par la société DHL, le 4 novembre 2005, de la circulaire de la société Alloin de hausse tarifaire « suffit à caractériser l'implication de la société DHL dans un échange bilatéral, peu important que ne soient rapportées ni la preuve que cette transmission avait été sollicitée par cette société, ni la preuve qu'elle a elle-même adressé à des concurrents ses propres circulaires » (arrêt attaqué, § 1108), la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de la décision de l'Autorité de la concurrence du 15 décembre 2015, en méconnaissance de l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;

15°) ALORS QUE les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie, à la situation de l'organisme ou de l'entreprise sanctionné ou du groupe auquel l'entreprise appartient et sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme et de façon motivée pour chaque sanction ; que la cour a constaté, d'une part, que la société DHL, lors de la réunion du Conseil des Métiers du 30 septembre 2004, « n'a pas, contrairement aux autres participants, communiqué de données chiffrées et précises sur sa stratégie tarifaire concernant la campagne à venir » (arrêt attaqué, § 390), qu'au cours de la réunion du Conseil des métiers du 22 septembre 2005, elle « n'a pas diffusé sa propre circulaire » de hausse tarifaire (arrêt attaqué, § 402), qu'elle n'a pas participé à la réunion du Conseil des Métiers du 16 mars 2006 au cours de laquelle les participants « ont fait le point des résultats de leurs négociations tarifaires » (arrêt attaqué, § 411), qu'elle « n'est pas en cause dans ces échanges d'informations sensibles » entre les mois d'octobre et novembre 2006, « puisqu'elle n'a pas transmis sa propre circulaire à ses concurrents ni n'a été destinataire de celles de ses concurrents » (arrêt attaqué, § 425), qu'au cours de la réunion du Conseil des Métiers du 13 septembre 2007, elle n'a pas communiqué « les hausses qu'elle même envisageait » (arrêt attaqué, § 455) et, d'autre part, qu'elle n'aurait participé à des échanges bilatéraux que le 4 novembre 2005 et au cours de l'été 2006, sur l'ensemble de la période concernée, entre 2004 et 2010 ; qu'en s'abstenant de contrôler, comme elle y était invitée (mémoire récapitulatif, § 399 notamment), la proportionnalité de la sanction infligée à la société DHL en considération de ce que ne lui a été imputée, par elle, la participation qu'à deux échanges bilatéraux entre 2004 et 2010, et sa présence à des réunion du Conseil des Métiers, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 464-2 du code de commerce. Moyens produits au pourvoi n° J 18-21.493 par la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat aux Conseils, pour les sociétés XPO distribution France et XPO Logistics Europe.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

LE POURVOI REPROCHE A L'ARRÊT ATTAQUÉ D'AVOIR confirmé la décision de l'autorité de la concurrence ayant dit qu'il est établi que les sociétés exposantes ont enfreint les dispositions des articles L. 420-1 du code de commerce et 101, paragraphe 1 du TFUE, en participant, entre le 30 septembre 2004 et le 29 septembre 2010, dans la seule mesure indiquée aux paragraphes 870 et suivants de la présente décision, à une entente sur le marché français de la messagerie et de la messagerie express, qui visait à la mise en place d'une concertation sur les hausses tarifaires annuelles et d'avoir infligé à la société XPO Distribution France SAS anciennement Norbert Dentressangle Distribution, solidairement avec la société Lotra Limited, une sanction de 9 628 000 euros, dont 2 849 000 solidairement avec la société XPO Logistics Europe S.A., anciennement Norbert Dentressangle et d'avoir rejeté les moyens d'annulation et de réformation soulevés par les sociétés exposantes ;

AUX MOTIFS QUE à la suite de la séance du 30 septembre 2015, l'Autorité a statué par la décision n° 15-D-19 du 15 décembre 2015 relative à des pratiques mises en oeuvre dans les secteurs de la messagerie et de la messagerie express (ci-après « la décision attaquée ») ;

30. D'une part, l'Autorité a considéré qu'il était établi que les sociétés Schenker et Deutsche Bahn ; Alloin Holding ; Heppner Société de Transports (ci-après la « société Heppner ») ; Lambert et Valette – Entreprise de Transports (ci-après la « société Lambert et Valette ») ; XP France ; FINALTRA ; Chronopost et La Poste ; DPD France (ci-après la « société DPD ») ; Dachser et Dachser Group SE & Co. ; Gefco et Peugeot ; GLS, General Logistics Systems BV et Royal Mail Group ; Transports Henri Ducros ; DHL Express (France) (ci-après la « société DHL »), DHL Holding (France) et Deutsche Post ; TNT et TNT Express NV ; Ziegler France (ci-après la « société Ziegler ») et Balspeed France ; Normatrans ainsi que la fédération TLF avaient participé aux pratiques objet du grief n° 1, à savoir une entente sur le marché français de la messagerie et de la messagerie express visant à la mise en place selon une méthodologie commune d'une surcharge gazole.

31. L'Autorité a relevé, dans la décision attaquée, que la pratique visée au grief n° 1 est intervenue dans un contexte de très forte hausse du prix du carburant (en particulier en 2003 : augmentation de 14,8 % du poste carburant des entreprises de messagerie au cours du premier trimestre 2003 ; et en 2004 : augmentation de 18,07 % au cours de l'année), alors que, dans le secteur de la messagerie, le carburant constitue une composante importante du coût des prestations (évaluée par l'Autorité entre 12 et 15 %). Elle est également intervenue dans un contexte marqué par de nombreuses déclarations des pouvoirs publics quant à la nécessité d'intégrer cette hausse dans le prix des prestations de messagerie.

32. Selon l'Autorité, le grief n° 1 a pris fin le 5 janvier 2006, date de l'entrée en vigueur de la loi n° 2006-10 du 5 janvier 2006 relative à la sécurité et au développement des transports, qui, entendant répondre aux difficultés liées aux variations de prix des carburants en cours de contrat, a introduit des modalités de répercussion des hausses de prix des carburants en cours de contrat, en imposant la prise en compte séparée des charges de carburant et de leur variation, soit l'effet même recherché par la « surcharge gazole ».

33. D'autre part, l'Autorité a considéré qu'il était établi que les sociétés Schenker et Deutsche Bahn AG ; Alloin Holding, Kuehne Nagel et Kuehne Nagel International ; Heppner ; Lambert et Valette ; XP France ; FINALTRA ; Geodis et l'EPIC SNCF Mobilités ; Ciblex France et Ciblex Financière ; BMVirolle ; Chronopost ; DPD ; La Poste ; Dachser et Dachser Group SE & Co. ; FedEx Express France ; Gefco et Peugeot ; GLS, General Logistics Systems BV et Royal Mail Group ; Transports Henri Ducros ; DHL, DHL Holding (France) et Deutsche Post AG ; TNT et TNT Express NV ; Ziegler et Balspeed France ; Normatrans ; Norbert Dentressangle Distribution, devenue XPO Distribution France (ci-après la « société XPO »), Lotra Limited et Norbert Dentressangle, devenue XPO Logistics Europe, ainsi que la fédération TLF avait participé aux pratiques objet du grief n° 2, à savoir une entente sur le marché français de la messagerie et de la messagerie express visant à la mise en place d'une concertation sur les hausses tarifaires annuelles.

34. Il peut être relevé que la durée globale du grief n° 2 correspond à sept « campagnes de revalorisation tarifaire », de la campagne 2004-2005 à la campagne 2010-2011, et que les entreprises sanctionnées au titre de ce grief représentent la quasitotalité des acteurs du secteur de la messagerie classique et de la messagerie express.

35. En conséquence, l'Autorité a infligé des sanctions pécuniaires, au titre du grief n° 1, à quinze entreprises et, au titre du grief n° 2, à vingt entreprises, pour un montant total de 672,3 millions d'euros. Ces sociétés ont également été condamnées à faire publier un encart résumant la décision attaquée dans le journal Les Echos et dans la revue l'Officiel des Transporteurs.

36. S'agissant de la procédure de clémence, les sociétés Schenker, anciennement Schenker-Joyau, et Deutsche Bahn, premiers demandeurs de clémence, ont obtenu une exonération totale de sanction au titre du grief n° 1. En revanche, considérant que la société Schenker avait manqué à l'une des obligations au respect desquelles était subordonné le bénéfice de la clémence concernant le grief n° 2 (obligation de coopération totale, permanente et rapide tout au long de la procédure d'enquête et d'instruction), elle l'a condamnée, ainsi que sa société mère Deutsche Bahn, à une sanction de 3 millions d'euros au titre de ce grief.

37. Les sociétés Alloin Holding, Kuehne Nagel et Kuhne Nagel International, demandeurs de clémence de second rang, ont bénéficié d'une réduction de 30 % des sanctions au titre des deux griefs.

38. S'agissant de la procédure de non-contestation des griefs, ont bénéficié d'une réduction des sanctions au titre des deux griefs les sociétés Dachser et Dachser Group Gmbh & Co. KG, anciennement Dachser Holding Gmbh & Co. KG ; TNT et TNT Express NV ; Gefco et Peugeot ; Alloin Holding, Kuehne Nagel et Kuehne Nagel International ; GLS, General Logistic Systems et Royal Mail Group ; ainsi que Chronopost, DPD France, anciennement Exapaq, et La Poste. (….)

Les sociétés XPO et XPO Logistics Europe rappellent qu'aux termes de l'article L. 462-5 III du code de commerce, « [l]e rapporteur général peut proposer à l'Autorité de la concurrence de se saisir d'office des pratiques mentionnées aux I et II et à l'article L. 430-8 » et que, dans sa décision n° 2012-280 QPC du 12 octobre 2012, Société Groupe Canal Plus et autre [Autorité de la concurrence : organisation et pouvoir de sanction], le Conseil constitutionnel a subordonné la saisine d'office de l'Autorité à une proposition du rapporteur général.

67. Elles font valoir qu'en l'espèce, aucun élément concret permettant d'attester de l'existence effective d'une telle proposition ne figure au dossier, les rapporteurs se contentant de faire référence à un « rapport oral ».

68. Selon elles, au regard de l'objet et des garanties légales induites par la proposition du rapporteur général de saisine d'office, celle-ci est un acte essentiel de la procédure dont la connaissance par les parties leur permet de vérifier les motivations et fondements qui sous-tendent la saisine d'office et d'assurer le respect du principe de séparation de l'instruction et du jugement. Elles considèrent que ladite proposition doit être communiquée aux parties, un vague renvoi à un « rapport oral » ne pouvant suffire.

69. Dans ses observations écrites, l'Autorité répond que le moyen manque en fait, dès lors qu'il ressort explicitement des décisions n° 09-SO-03 du 4 novembre 2009 et n° 10-SO-04 du 27 juillet 2010 que ces deux saisines d'office ont été proposées par M. [W] [G], rapporteur général adjoint, représentant Mme [X], la rapporteure générale.

70. Dans leurs mémoires en réplique, les sociétés XPO et XPO Logistics Europe objectent que, contrairement aux articles L. 463-2 et L. 463-7 du code de commerce, qui autorisent, dans certaines circonstances, un rapporteur général adjoint à exercer les fonctions du rapporteur général, l'article L. 462-5 III du même code ne donne pas compétence au rapporteur général adjoint pour proposer, au nom du rapporteur général, la saisine d'office de l'Autorité.

71. Elles en concluent que la saisine de l'Autorité était irrégulière, de sorte que l'ensemble de la procédure en découlant, y compris la décision attaquée, doit être annulée.

72. À la demande de la cour, l'Autorité a, le 1er mars 2017, produit une décision de la rapporteure générale du 9 mars 2009 portant attribution de fonctions (ciaprès la « délégation de fonctions du 9 mars 2009 »), publiée au Journal officiel (JORF n° 60 du 12 mars 2009, texte n° 77), dont l'article 1er est ainsi libellé : « Mme [Q] [C], M. [T] [P], M. [J] [V] et M. [W] [G], rapporteurs généraux adjoints de l'Autorité de la concurrence, reçoivent délégation pour exercer, en cas d'absence ou d'empêchement de la rapporteure générale, les attributions que cette dernière détient directement du livre IV du code de commerce, à l'exception de celles mentionnées à l'article L. 461-4 ».

73. Dans ses observations complémentaires produites à l'audience, puis dans sa note en délibéré déposée le 16 mars 2017, conformément à l'autorisation que lui a donnée la cour, l'Autorité fait valoir, à titre principal, que, si une délégation de pouvoirs doit être prévue et autorisée par un texte, aucun principe ne prévoit que ce texte doive être de nature législative, de sorte que l'article R. 461-3 du code de commerce a pu valablement prévoir que le rapporteur général délègue à un ou des rapporteurs généraux adjoints les attributions qu'il détient au titre du titre VI du code de commerce, tant dans sa partie législative que dans sa partie réglementaire.

74. Elle ajoute que la délégation de fonctions du 9 mars 2009 est suffisamment précise quant à l'étendue des attributions déléguées aux rapporteurs généraux adjoints, en prévoyant une délégation de la totalité des attributions de la rapporteure générale, ainsi que l'y autorise l'article R. 461-3 du code de commerce et que, chef du service concurrence 5 de l'Autorité, M. [G] avait vocation à faire les propositions de saisine d'office litigieuses en cas d'empêchement de la rapporteure générale, dès lors que les procédures en cause avaient été confiées depuis l'origine à ce service.

75. Elle conclut que la délégation de fonctions du 9 mars 2009 était régulière.

76. Quant à la forme prise par la proposition de saisine d'office faite par M. [G], l'Autorité soutient qu'aucun texte n'exige que le rapporteur général établisse un rapport écrit pour proposer à l'Autorité de se saisir d'office. Une telle proposition, qui n'est pas une décision, ne serait soumise à aucun formalisme et pourrait donc être orale. Plus généralement, aucune disposition du code de commerce n'imposerait à l'Autorité de rendre compte des circonstances dans lesquelles elle estime opportun de se saisir d'office (CA Paris, 27 novembre 2001, CNCA)

77. Dès lors que Mme [X], la rapporteure générale, était empêchée les 4 novembre 2009 et 27 juillet 2010, M. [G] aurait valablement proposé à l'Autorité de se saisir d'office. À cet égard, invoquant la jurisprudence du Conseil d'État (CE, 10 décembre 1965, S.A. d'exploitation du nouveau casino de Menton ; 2 juillet 2010, Ministre de l'intérieur, n° 325521), l'Autorité fait valoir qu'aucun texte ni aucun principe n'exige de l'Autorité qu'elle apporte la preuve de l'empêchement de Mme [X] les 4 novembre 2009 et 27 juillet 2010.

78. À titre subsidiaire, l'Autorité soutient qu'aucune délégation n'était nécessaire pour permettre à M. [G] de proposer à l'Autorité de se saisir d'office en cas d'empêchement de la rapporteure générale.

79. Elle rappelle que, selon une jurisprudence constante (CE, 25 juin 2004, Feind, n° 2322799 ; 3 avril 1991, Sté CIT Alcatel, n° 92950 ; 23 février 1983, Ministre du travail, n° 41325 ; 27 juin 1947, Chambre syndicale nationale de l'habillement), même en l'absence de texte, la suppléance peut être assurée d'office par une autorité subordonnée si elle y a vocation par sa place dans la hiérarchie du service et par le rôle qu'elle y assume. Or selon l'Autorité, il est manifeste que le rapporteur général adjoint, compte tenu de sa place dans la hiérarchie des services d'instruction et du rôle qu'il y assume, peut assurer la suppléance du rapporteur général lorsqu'il s'agit de proposer à l'Autorité de se saisir d'office de pratiques anticoncurrentielles.

80. À titre infiniment subsidiaire, l'Autorité fait valoir que, à supposer établie l'absence de délégation régulière à M. [G], cette circonstance n'a entraîné aucune conséquence sur la décision attaquée ni privé les entreprises mises en cause des garanties qui leur sont dues.

81. En effet, les principes d'impartialité et d'indépendance découlant de l'article 16 de la Déclaration de 1789 auraient été pleinement respectés. D'une part, faisant suite à des demandes de clémence et à des propositions de saisine d'office émanant des services d'instruction, les décisions de saisine d'office ne porteraient pas atteinte au principe de séparation des fonctions d'instruction et de sanction. D'autre part, les décisions de saisine d'office ne visent aucune entreprise, n'évoquent ni le marché ni la nature des pratiques en cause et ne prennent pas parti sur leur qualification d'infraction ; partant, elles ne pourraient donner à penser que les faits étaient déjà établis, l'Autorité s'étant bornée à se saisir du fonctionnement concurrentiel du marché dans un secteur donné.

82. Dans leur note en délibéré déposée le 31 mars 2017, conformément à l'autorisation que leur a donné la cour, les sociétés XPO et XPO Logistics Europe font d'abord valoir que la délégation du 9 mars 2009 est irrégulière.

83. D'une part, dès lors que la compétence reconnue au rapporteur général de proposer à l'Autorité de se saisir d'office est prévue par un texte de valeur législative, seul un texte législatif pourrait l'autoriser à déléguer cette attribution, ce que n'est pas l'article R. 461-3 du code de commerce (CA Avis, 13 fév. 2007, n° 373.788 ; CE Sect. 6 nov. 2009, n° 297877). Ce dernier article autoriserait seulement le rapporteur général à déléguer à un rapporteur général adjoint les attributions qui trouvent leur origine dans le titre VI du livre IV de la partie réglementaire du code de commerce.

85. D'autre part, la délégation du 9 mars 2009, en tant qu'elle délègue concomitamment à quatre rapporteurs généraux adjoints les mêmes attributions, sans fixer un ordre de priorité, ne présenterait pas un degré de précision suffisant.

86. En effet, des motifs de sécurité juridique interdiraient une délégation de compétence simultanément à plusieurs personnes, dans la mesure où celles-ci pourraient prendre séparément des actes différents dans un même dossier (CAA Nantes, 28 mai 2002, n° 98BX00268 ; réponse du ministre de l'Intérieur à la question écrite n° 14630 du 18 novembre 2004, JO Sénat, 9 nov. 2006).

87. Invoquant la jurisprudence des juridictions de l'Union (CE, arrêt du 23 septembre 2011, Danthony, n° 335477), les requérantes font valoir que le vice affectant les propositions de saisine d'office faites par M. [G], à raison de son incompétence pour les formuler, entraîne l'illégalité des décisions de saisine d'office de l'Autorité.

88. Ensuite, les sociétés XPO et XPO Logistics Europe soutiennent que, alors que la délégation de fonctions du 9 mars 2009 n'a été prévue qu'en cas d'absence ou d'empêchement de la rapporteure générale, l'Autorité ne prouve pas que cette condition était remplie. Elles font notamment valoir qu'il n'est pas concevable qu'entre la première demande de clémence, le 10 octobre 2008, et la date de la première proposition de saisine d'office, le 4 novembre 2009, la rapporteure générale n'ait été à aucun moment en situation de formuler une proposition de saisine d'office.

89. Enfin, les requérantes soutiennent que l'Autorité, sur qui pèse la charge de la preuve de l'existence d'une proposition du rapporteur général, et qui ne saurait s'abriter derrière l'oralité des échanges entre ses services, n'a pas rapporté cette preuve, de sorte que l'absence de rapport écrit proposant à l'Autorité de se saisir d'office doit être tenu pour établie.

90. Dans ses observations complémentaires déposées le 18 janvier 2017, ainsi que dans ses observations supplémentaires déposées les 2 et 3 mars 2017 et dans sa note en délibéré déposée le 31 mars 2017, la société Geodis a développé le même moyen d'annulation (…) Il convient, en second lieu, d'examiner le moyen, en tant qu'il est soulevé par les sociétés XPO et XPO Logistics Europe.

97. L'article L. 462-5 III du code de commerce, dans sa version résultant de l'ordonnance du n° 2008-1161, applicable ratione temporis, dispose :

« Le rapporteur général peut proposer à l'Autorité de la concurrence de se saisir d'office des pratiques mentionnées aux I et II et à l'article L. 430-8 ainsi que des manquements aux engagements pris en application des décisions autorisant des opérations de concentration intervenues avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2008-1161 du 13 novembre 2008 portant modernisation de la régulation de la concurrence. »

98. Saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité portant sur la conformité à la Constitution du III de l'article L. 462-5 du code de commerce, le Conseil constitutionnel a, au vingtième considérant de sa décision n° 2012-280 QPC, précitée, souligné « que si les dispositions du paragraphe III de l'article L. 462-5 du code de commerce autorisent l'Autorité de la concurrence à se saisir ‘d'office' de certaines pratiques ainsi que des manquements aux engagements pris en application des décisions autorisant des opérations de concentration, c'est à la condition que cette saisine ait été proposée par le rapporteur général ».

99. Il se déduit du libellé même de l'article L. 462-5 III du code de commerce ainsi que de l'interprétation qu'en a donnée le Conseil constitutionnel dans la décision précitée, que l'Autorité ne peut se saisir d'office de pratiques anticoncurrentielles que si la proposition lui en est préalablement faite par le rapporteur général.

100. En revanche, aucune disposition légale ou réglementaire n'exige que la proposition adressée à l'Autorité de se saisir d'office prenne la forme d'un avis écrit, une recommandation orale, à condition qu'elle émane du rapporteur général, apparaissant suffisante, étant relevé que les parties peuvent, à la lecture des décisions de saisine d'office prises par l'Autorité, dont elles ont connaissance dans le cours de la procédure, et au plus tard lors de la notification de griefs, vérifier si les dispositions de l'article L. 462-5 III du code de commerce ont ou non été respectées.

101. De même, aucune disposition légale ou réglementaire n'exige qu'une telle proposition soit communiquée aux parties. Au demeurant, il convient de souligner que la proposition de se saisir d'office adressée par le rapporteur général à l'Autorité, si elle est suivie par l'Autorité, ouvre une phase de la procédure qui n'est pas contradictoire et que, au travers de la notification des griefs, qui ouvre la phase contradictoire, et du rapport des rapporteurs, les parties sont pleinement informées de la position du rapporteur général ; aussi la non-communication de ladite proposition est-elle en tout état de cause insusceptible de porter atteinte à leurs droits.

102. En l'espèce, la décision n° 09-SO-03 du 4 novembre 2009 précise qu'il est « [d]élibéré sur […] l'intervention de M. [W] [G], rapporteur général adjoint ». De même, la décision n° 10-SO-04 du 27 juillet 2010 précise qu'il est « [d]élibéré sur proposition de M. [W] [G], rapporteur général adjoint ».

103. Ces mentions établissent que les deux saisines d'office successives, qui sont à l'origine de la procédure ayant abouti à la décision attaquée, ont été faites sur proposition du rapporteur général adjoint, M. [G], et non à l'initiative de l'Autorité. Par ailleurs, M. [G] disposait d'une délégation de fonctions en cas d'absence ou d'empêchement, consentie par la rapporteure générale par la décision du 9 mars 2009, précitée, dont l'article 1er prévoit que « Mme [Q] [C], M. [T] [P], M. [J] [V] et M. [W] [G], rapporteurs généraux adjoints de l'Autorité de la concurrence, reçoivent délégation pour exercer, en cas d'absence ou d'empêchement de la rapporteure générale, les attributions que cette dernière détient directement du livre IV du code de commerce, à l'exception de celles mentionnées à l'article L. 461-4 ».

105. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme [X], rapporteure générale, n'aurait pas été absente ou empêchée les 4 novembre 2009 et 27 juillet 2010, dates auxquelles M. [G] a proposé à l'Autorité de se saisir d'office. Il est sans portée que, dans le délai qui s'est écoulé entre la première demande de clémence, le 10 octobre 2008, et la première proposition de saisine d'office, le 4 novembre 2009, et dans celui qui s'est écoulé entre la deuxième demande de clémence, le 12 avril 2010, et la seconde proposition de saisine d'office, le 27 juillet 2010, la rapporteure générale eût pu formuler une proposition de saisine d'office, dès lors que seule importe son absence ou son indisponibilité au jour où la proposition a été faite.

106. Le moyen des requérantes contestant la régularité de la délégation de fonctions du 9 mars 2009, qui ne soulève aucune difficulté sérieuse, sera écarté.

107. D'une part, il est certes constant qu'une autorité publique investie d'une compétence ne peut s'en déposséder, fût-ce temporairement et partiellement, que si la possibilité lui en a été expressément conférée par une disposition normative d'un niveau approprié.

108. Cependant, aucun texte ni aucun principe n'exigent que la possibilité de déléguer des compétences attribuées par un texte de valeur législative soit prévue par un texte de même valeur. À cet égard, la cour relève que, dans son arrêt du 6 novembre 2009, précité, le Conseil d'État a jugé, s'agissant des comptables publics des collectivités territoriales, que, bien qu'ils tiennent leur compétence en matière de recouvrement des recettes publiques de la loi, ils sont autorisés, en vertu du troisième alinéa de l'article 14 du décret du 29 décembre 1962 portant règlement général de la comptabilité publique – texte de valeur réglementaire –, à déléguer leurs pouvoirs à un ou plusieurs mandataires ayant la qualité pour agir en leur nom et sous leur responsabilité.

109. À partir du moment où la loi elle-même prévoit la désignation d'adjoints au rapporteur général et en fixe les modalités (article L. 461-4 du code de commerce), l'article R. 461-3 alinéa 5 du code de commerce constitue une disposition normative de niveau approprié pour conférer au rapporteur général la possibilité de déléguer à un rapporteur général adjoint tout ou partie de ses attributions, fussent-elles attribuées au rapporteur général par un texte de loi.

110. Aux termes de cette disposition, qui figure au titre VI, « De l'Autorité de la concurrence », du livre IV du code de commerce, le rapporteur général « peut déléguer à un ou des rapporteurs généraux adjoints tout ou partie des attributions qu'il détient conformément au présent titre ».

111. L'article L. 462-5 du code de commerce figurant dans ce même titre VI, il résulte de l'article R. 461-3 que le rapporteur général peut déléguer à un rapporteur général adjoint le pouvoir de proposer à l'Autorité de se saisir d'office.

112. D'autre part, ainsi qu'il résulte notamment de la réponse ministérielle n° 14630 du 18 novembre 2004, précitée, l'irrégularité des délégations de compétence simultanées à plusieurs délégataires, sans fixation d'un ordre de priorité, découle du risque que deux délégataires prennent séparément des actes différents pour une même affaire.

113. Ce risque est à la fois la cause et la mesure de l'irrégularité des délégations simultanées.

114. Or un tel risque est inexistant s'agissant de l'exercice du pouvoir de proposer à l'Autorité de se saisir d'office. En effet, la position d'un rapporteur général adjoint délégataire qui estimerait qu'il n'y a pas lieu de proposer à l'Autorité de se saisir d'office, ne se traduit pas par une décision, mais par une simple abstention. Par ailleurs, une fois que l'Autorité s'est sur proposition d'un rapporteur général adjoint délégataire, saisie d'office, la question de l'opportunité de cette proposition ne se pose plus. Par conséquent, aucune contradiction n'est envisageable entre deux décisions prises par des rapporteurs généraux adjoints auxquels le rapporteur a délégué simultanément le pouvoir qu'il tient de l'article L. 462-5 III du code de commerce, ni même entre deux prises de position de ces derniers.

115. Dès lors, la décision du 9 mars 2009 n'est pas nulle en tant qu'elle a délégué ce pouvoir simultanément aux quatre rapporteurs généraux adjoint, dont M. [G].

116. La cour ajoute, à titre subsidiaire, que, comme le fait justement valoir l'Autorité, à supposer que la délégation de fonctions du 9 mars 2009 fût irrégulière, M. [G] n'en disposait pas moins, en l'espèce, du pouvoir de proposer à l'Autorité de se saisir d'office.

117. Il avait en effet vocation, tant par la place qu'il occupait dans la hiérarchie des services d'instruction de l'Autorité que par le rôle qu'il assumait dans ces services, à assurer d'office, faute de dispositions législatives ou réglementaires organisant la suppléance de la rapporteure générale, une telle suppléance, en cas d'absence ou d'empêchement de cette dernière, dans les dossiers ouverts à la suite des demandes de clémence présentées les 10 octobre 2008 et 12 avril 2010 par la société Deutsche Bahn et ses filiales.

118. D'une part, M. [G] était rapporteur général adjoint, c'est-à-dire, ainsi qu'il résulte des termes mêmes désignant cette fonction, l'adjoint du rapporteur général.

119. D'autre part, aux termes des informations fournies par l'Autorité dans sa note en délibéré déposée le 31 mars 2017 et que les sociétés XPO et XPO Logistics Europe n'ont pas contestées, M. [G] était chef du service concurrence 5 de l'Autorité, service auquel la rapporteure générale avait confié le traitement et le suivi des demandes de clémence qui ont été le point de départ des procédures ayant abouti à la décision attaquée.

120. Vainement les sociétés XPO et XPO Logistics Europe soutiennentelles que la suppléance du rapporteur général est organisée par l'article R. 461-3 du code de commerce, ce qui exclurait le recours à une suppléance assurée d'office.

121. Si l'article R. 461-3 dernier alinéa du code de commerce précise qu' « [e]n cas de vacance du poste de rapporteur général, un intérim est assuré par le rapporteur général adjoint le plus ancien dans la fonction », cette disposition ne régit pas l'hypothèse où l'absence ou l'empêchement du rapporteur général en poste nécessite d'assurer sa suppléance.

122. Quant à l'alinéa 5 du même article, aux termes duquel le rapporteur général « peut déléguer à un ou des rapporteurs généraux adjoints tout ou partie des attributions qu'il détient conformément au présent titre », il se borne à autoriser le rapporteur général à déléguer ses attributions, mais n'organise pas sa suppléance. Contrairement à l'analyse des requérantes, le recours à une suppléance d'office n'est pas de nature à priver cette disposition de portée juridique et d'effet utile. En effet, la délégation de ses attributions n'étant qu'une simple faculté pour le rapporteur général, son absence ou son empêchement peuvent nécessiter sa suppléance lorsqu'il n'a délégué qu'une partie de ses attributions, a fortiori lorsqu'il ne les a pas déléguées ou lorsque la délégation qu'il en a faite est irrégulière. Au demeurant, même dans le cas où le rapporteur général a délégué toutes ses attributions par une délégation régulière, il peut s'avérer nécessaire d'organiser sa suppléance d'office, par exemple si la cessation des fonctions du rapporteur général adjoint bénéficiaire de la délégation met fin à celle-ci ;

123. Le moyen des sociétés XPO et XPO Logistics Europe est rejeté.

ALORS D'UNE PART QUE, selon l'article L. 462-5 du code de commerce, seul le rapporteur général peut proposer à l'Autorité de la concurrence de se saisir d'office des pratiques ; qu'en relevant que les deux saisines d'office successives, qui sont à l'origine de la procédure ayant abouti à la décision attaquée, ont été faites sur proposition du rapporteur général adjoint, M. [G], et non à l'initiative de l'Autorité, lequel disposait d'une délégation de fonctions en cas d'absence ou d'empêchement, consentie par la rapporteure générale par la décision du 9 mars 2009, quand seul le rapporteur général est investi légalement d'un tel pouvoir qu'il ne peut déléguer, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

ALORS D'AUTRE PART QUE, en ajoutant qu'à partir du moment où la loi prévoit la désignation d'adjoints au rapporteur général et en fixe les modalités (article L. 461-4 du code de commerce), l'article R. 461-3 alinéa 5 du code de commerce constitue une disposition normative de niveau approprié pour conférer au rapporteur général la possibilité de déléguer à un rapporteur général adjoint tout ou partie de ses attributions, fussent-elles attribuées au rapporteur général par un texte de loi, quand ce texte ne contient aucune disposition spéciale conforme à l'article L. 462-5 du code de commerce, la cour d'appel a violé ce texte ensemble l'article R. 461-3 du code de commerce ;

ALORS ENFIN QU' en retenant qu'à supposer que la délégation de fonctions du 9 mars 2009 fût irrégulière, M. [G] n'en disposait pas moins, en l'espèce, du pouvoir de proposer à l'Autorité de se saisir d'office, qu'il avait en effet vocation, tant par la place qu'il occupait dans la hiérarchie des services d'instruction de l'Autorité que par le rôle qu'il assumait dans ces services, à assurer d'office, faute de dispositions législatives ou réglementaires organisant la suppléance de la rapporteure générale, une telle suppléance, en cas d'absence ou d'empêchement de cette dernière, dans les dossiers ouverts à la suite des demandes de clémence présentées les 10 octobre 2008 et 12 avril 2010 par la société Deutsche Bahn et ses filiales, la cour d'appel qui constate qu'aucun texte ne prévoit la suppléance du rapporteur général n'a pas tiré les conséquences légales s'évinçant de ses propres constatations dont il s'évinçait que le rapporteur adjoint n'avait pas compétence pour suppléer le rapporteur général et elle a violé l'article L. 462-5 du code de commerce ensemble l'article R. 461-3 du code de commerce ;

DEUXIÈME MOYEN DE CASSATION

LE POURVOI REPROCHE A L'ARRÊT ATTAQUÉ D'AVOIR confirmé la décision de l'autorité de la concurrence ayant dit qu'il est établi que les sociétés exposantes ont enfreint les dispositions des articles L. 420-1 du code de commerce et 101, paragraphe 1 du TFUE, en participant, entre le 30 septembre 2004 et le 29 septembre 2010, dans la seule mesure indiquée aux paragraphes 870 et suivants de la présente décision, à une entente sur le marché français de la messagerie et de la messagerie express, qui visait à la mise en place d'une concertation sur les hausses tarifaires annuelles et d'avoir infligé à la société XPO Distribution France SAS anciennement Norbert Dentressangle Distribution, solidairement avec la société Lotra Limited, une sanction de 9 628 000 euros, dont 2 849 000 solidairement avec la société XPO Logistics Europe S.A., anciennement Norbert Dentressangle et d'avoir rejeté les moyens d'annulation et de réformation soulevés par les sociétés exposantes ;

AUX MOTIFS QUE 187. Les sociétés XPO et XPO Logistics Europe font valoir que l'Autorité a balayé sans motivation les éléments détaillés et factuels qu'elles avaient produits aux fins de démontrer l'absence de rapport de concurrence entre la société XPO et les autres participants aux échanges d'informations allégués, n'y consacrant, dans la décision attaquée, que huit paragraphes qui ne répondent pas aux développements consacrés à cette question dans le mémoire en réponse au rapport déposé par la société XPO et dans l'étude économique qu'elle a versée au dossier.

188. Selon les requérantes, le défaut manifeste de motivation de la décision attaquée et de réponse aux éléments présentés par la société XPO concernant l'absence de rapport de concurrence entre elle et les autres entreprises justifient l'annulation pure et simple de cette décision.

189. L'Autorité répond qu'elle s'est penchée sur la question de la spécificité des activités de la société XPO dans la décision attaquée, en traitant, aux paragraphes 590 et suivants de celle-ci, la question des relations de concurrence entre la société XPO et les autres entreprises et en y expliquant les raisons pour lesquelles elle a écarté l'argumentation de la requérante.

190. Elle rappelle que l'obligation de motivation à laquelle elle est soumise ne lui impose pas de répondre à l'intégralité des arguments invoqués par les parties.

191. Ainsi que le rappelle l'Autorité, l'obligation de motivation à laquelle elle est soumise dans le prononcé de ses décisions impose un énoncé des considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement et permettent aux parties mises en cause de comprendre la nature de l'infraction retenue, et à la juridiction de recours d'en contrôler la légalité. Elle ne comporte pas, en revanche, l'obligation de répondre à l'intégralité des arguments invoqués, que les parties pourront, si elles les estiment opérants et nécessaires à leur défense, soumettre à la cour au soutien de leur recours de pleine juridiction.

192. En l'espèce, l'Autorité a motivé à suffisance de droit, aux paragraphes 590 à 598 de la décision attaquée, les raisons pour lesquelles elle a écarté l'argumentation de la société Norbert Dentressangle Distribution, devenue XPO, soutenant que l'activité de transport palettisé était distincte du secteur de la messagerie et de l'express et qu'elle n'était donc pas en relation de concurrence avec les autres entreprises.

193. L'Autorité s'est notamment fondée sur une étude réalisée en 2008 par le ministère de l'Écologie, du Développement et de l'Aménagement durables pour conclure que les caractéristiques du transport palettisé ne différaient pas substantiellement de celles de la messagerie classique.

194. Elle a également souligné que d'autres entreprises participant aux pratiques dénoncées proposaient des offres dédiées aux palettes.

195. Le moyen est rejeté.

ALORS QUE l'exposante faisait valoir qu'elle avait produit l'étude du cabinet Rise conseil au soutien de son moyen faisant valoir l'absence de rapports de concurrence entre elle et les autres participants aux échanges d'informations allégués, laquelle n'a pas été prise en considération ; qu'en se contentant de relever que l'Autorité a motivé à suffisance de droit, aux paragraphes 590 à 598 de la décision attaquée, les raisons pour lesquelles elle a écarté l'argumentation de la société Norbert Dentressangle Distribution, devenue XPO, soutenant que l'activité de transport palettisé était distincte du secteur de la messagerie et de l'express et qu'elle n'était donc pas en relation de concurrence avec les autres entreprises, qu'elle s'est notamment fondée sur une étude réalisée en 2008 par le ministère de l'Écologie, du Développement et de l'Aménagement durables pour conclure que les caractéristiques du transport palettisé ne différaient pas substantiellement de celles de la messagerie classique et elle a également souligné que d'autres entreprises participant aux pratiques dénoncées proposaient des offres dédiées aux palettes, la cour d'appel ne s'est pas expliquée sur l'absence de prise en compte de ce rapport propre à la situation de l'exposante et a violé les articles 455 et 458 du code de procédure civile ;

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

LE POURVOI REPROCHE A L'ARRÊT ATTAQUÉ D'AVOIR confirmé la décision de l'autorité de la concurrence ayant dit qu'il est établi que les sociétés exposantes ont enfreint les dispositions des articles L. 420-1 du code de commerce et 101, paragraphe 1 du TFUE, en participant, entre le 30 septembre 2004 et le 29 septembre 2010, dans la seule mesure indiquée aux paragraphes 870 et suivants de la présente décision, à une entente sur le marché français de la messagerie et de la messagerie express, qui visait à la mise en place d'une concertation sur les hausses tarifaires annuelles et d'avoir infligé à la société XPO Distribution France SAS anciennement Norbert Dentressangle Distribution, solidairement avec la société Lotra Limited, une sanction de 9 628 000 euros, dont 2 849 000 solidairement avec la société XPO Logistics Europe S.A., anciennement Norbert Dentressangle et d'avoir rejeté les moyens d'annulation et de réformation soulevés par les sociétés exposantes ;

AUX MOTIFS QUE 271. Les entreprises mises en cause ont été sanctionnées, au titre du grief n° 2, pour avoir enfreint les dispositions des articles L. 420-1 du code de commerce et 101, paragraphe 1, du TFUE, en participant, entre le septembre 2004 et le 29 septembre 2010, chacune dans la mesure indiquée dans la décision attaquée, à une entente sur le marché français de la messagerie classique et de la messagerie express, qui visait à la mise en place d'une concertation sur les hausses tarifaires annuelles.

272. En effet, sur la base des déclarations des demandeurs de clémence et des autres pièces du dossier, l'Autorité a constaté que, durant cette période, les entreprises mises en cause avaient échangé, dans un cadre multilatéral, et notamment à l'occasion des réunions du Conseil de Métiers, des informations sensibles sur les hausses de leurs tarifs avant le début des négociations tarifaires menées avec leurs clients et qu'elles avaient ensuite, en cours de campagne, fait le point sur le résultat de ces négociations (décision attaquée, § 333). Elle a, plus précisément, relevé que ces pratiques se déroulaient selon le même schéma, ainsi décrit au paragraphe 336 de la décision attaquée :

« (1) pendant l'été et/ou l'automne de chaque année, les entreprises concernées s'échangent des informations par courriels, courriers et lors d'une ou plusieurs réunions ;

(2) les entreprises adoptent un comportement sur le marché en cohérence avec les informations préalablement échangées ;

(3) les entreprises surveillent le résultat des négociations tarifaires et la mise en oeuvre effective auprès des clients de ce qui a été décidé en commun. »

273. L'Autorité a relevé le caractère précis, individualisé, futur et fiable des informations ainsi échangées, durant les sept campagnes de revalorisation tarifaire entre septembre 2004 et septembre 2010, par les entreprises mises en cause (décision attaquée, § 513). Elle a souligné que la transparence du marché en matière tarifaire s'en était trouvée particulièrement accrue, permettant aux participants à ces échanges, qui représentaient la quasi-totalité des acteurs du secteur de la messagerie classique et de la messagerie express, de renforcer leur position dans la négociation commerciale avec leurs clients en tenant compte des annonces faites par leurs concurrents (décision attaquée, § 516).

274. Les sociétés XPO, Normatrans, Geodis, DHL, DHL Holding (France) et Deutsche Post, ainsi que BMVirolle développent devant la cour plusieurs moyens d'annulation ou de réformation relatifs à l'existence même d'une situation de concurrence entre elles et à leur participation aux pratiques en cause.

275. La cour examinera successivement chacun de ces moyens.

1. Sur l'existence d'une situation de concurrence

a) Concernant la société XPO

276. L'Autorité a, dans la décision attaquée, choisi de regrouper sous l'appellation commune de « messagerie classique », distincte de la messagerie express qui concerne des livraisons dans un délai de 24 h de colis d'un poids moyen de 4 kilos environ, trois types de prestations, se rapportant à des envois lourds, groupés ou palettisés, dont les délais de livraison oscillent entre 24 et 72 heures pour la France (décision attaquée, § 29 à 35) :

– la messagerie « traditionnelle », qui se rapporte à des livraisons dans un délai de 48 heures ou plus ;

– la messagerie « rapide », utilisée pour des colis supérieurs à 30 kilos, livrés le lendemain par un enlèvement avant 18 heures et qui se distingue de la messagerie expresse en ce qu'elle ne garantit pas les délais ;

– la messagerie « palette », qui se présente comme une prestation particulière de la messagerie classique et ne concerne que des colis posés sur des palettes dont le poids est plus important, d'au moins 200 kilos, avec un poids moyen d'une tonne.

277. Selon l'Autorité, un grand nombre d'entreprises du secteur proposent généralement une prestation standard de messagerie, qui peut éventuellement être complétée par des garanties supplémentaires ou un meilleur suivi, de sorte que, pour ces entreprises, la distinction entre messagerie « traditionnelle » et « rapide » ne serait pas opérante (décision attaquée, § 33). Il en serait de même de la messagerie « palette » qu'un grand nombre d'opérateurs ont inclus au sein de leurs prestations de messagerie classique, tandis que d'autres opérateurs se sont spécialisés dans ce type de transport (décision attaquée, § 34).

278. C'est dans le cadre de cette analyse que l'Autorité a infligé à la société Norbert Dentressangle Distribution, anciennement Darfeuille Services, devenue la société XPO, spécialisée dans le transport palettisé, une sanction pécuniaire pour avoir participé du 21 juin 2007 au 1er mars 2008, soit pendant une durée de huit mois correspondant à la campagne tarifaire 2007-2008, aux pratiques relevant du grief n° 2 (décision attaquée, § 1299 et 1300).

279. Au soutien de son recours, la société XPO fait valoir, à titre principal, que la qualification de restriction de concurrence par objet, sur laquelle l'Autorité a fondé le grief n° 2, suppose l'existence d'un lien de concurrence qui fait défaut en l'espèce.

280. En effet, contestant l'analyse de l'Autorité, elle soutient qu'elle n'était pas dans un rapport de concurrence avec les entreprises avec lesquelles elle a échangé des informations, car elle avait pour seule activité le transport palettisé, distinct de l'activité de messagerie exercée par les autres entreprises mises en cause. Elle affirme, à ce titre, que les services rendus, d'une part, par les entreprises de messagerie, d'autre part, par les entreprises spécialisées, comme elle, dans le transport palettisé, ne sont pas substituables en ce qu'ils ne répondent pas aux mêmes besoins du client et ne présentent pas les mêmes caractéristiques. Elle appuie cette analyse, notamment, sur un rapport du cabinet Rise Conseil, qu'elle verse au dossier (société XPO, pièce n° 5), selon lequel les prestations offertes au titre de la messagerie classique et celles offertes au titre de la messagerie palettisée ne sont pas substituables. Au soutien de cette affirmation, le cabinet Rise Conseil se réfère, dans son rapport, à plusieurs appels d'offres, dont la société Norbert Dentressangle Distribution a été destinataire, ne portant que sur du transport palettisé, à l'exclusion de tout autre mode de transport.

281. La requérante expose que la nature des objets transportés – d'un côté des « colis », de l'autre des « palettes » – ainsi que leurs caractéristiques en termes de volume et de poids – entre 90 et 100 kilos pour la messagerie, contre plus de 350 kilos pour le transport palettisé – diffèrent, ce qui serait déterminant du point de vue de la demande. Elle indique que l'objet à transporter détermine, en effet, le choix du transporteur et que la préférence en faveur d'une organisation logistique par palettes est liée à une logique d'entreposage et non de transport. Elle précise également que la messagerie concerne essentiellement des expéditions de colis relativement légers en « B to B » (« business to business ») et « B to C » (« business to consumer ») auprès de plus d'une trentaine de clients par camion et comporte une garantie des délais, tandis qu'à l'inverse, le transport palettisé se rapporte à des charges lourdes, expédiées exclusivement en « B to B » auprès, généralement, d'une dizaine de clients par camion, nécessite des efforts spécifiques de manutention et se caractérise par une absence de garantie des délais.

282. Elle ajoute, enfin, que les deux activités se distinguent du point de vue de l'offre, en raison de l'application de structures de prix et de convention collectives différentes, qui ont un impact sur les coûts et les tarifs facturés aux clients.

283. Il en résulte, selon la requérante, qu'elle est active sur un marché distinct de celui des autres entreprises mises en cause, de sorte qu'aucune entente horizontale avec celles-ci ne saurait lui être reprochée.

284. En réponse, l'Autorité fait valoir que les spécificités de l'activité de la société XPO, par rapport à celles de la messagerie classique, ne permettent pas d'opérer une segmentation entre les deux services, mais conduisent plutôt à faire le constat d'une continuité entre ceux-ci. Elle expose, en effet, qu'en dépit de différences quant aux poids, délais ou garanties, le transport palettisé présente l'essentiel des caractéristiques des réseaux de messagerie, à savoir une organisation en réseau et le recours à des opérations de groupage et de dégroupage, au travers de plateformes de tri. Elle souligne que la messagerie classique concerne elle aussi des envois lourds, des livraisons uniquement en « B to B », ainsi qu'une absence de garantie des délais. Elle ajoute qu'au regard de l'offre, les tarifs des prestations de messagerie classique sont également dégressifs et calculés suivant une grille construite en fonction de couples point de départ-point d'arrivée. Cette continuité serait, de surcroît, confirmée par la circonstance que plusieurs entreprises de messagerie, y compris certaines des entreprises mises en cause, proposent des palettes dans le cadre de leur offre standard de messagerie.

285. L'Autorité rappelle qu'au surplus, lorsque les pratiques sont examinées au titre de la prohibition des ententes ou des pratiques concertées, comme en l'espèce, il n'est pas nécessaire de définir le marché avec précision, dès lors que le secteur a été suffisamment identifié, à l'inverse de ce qui est requis en matière d'abus de position dominante.

286. Elle en conclut que le transport palettisé appartient au secteur de la messagerie et que la requérante se trouvait donc dans un rapport de concurrence avec les autres participants à l'entente.

287. La cour rappelle, d'une part, qu'il résulte de la pratique décisionnelle des autorités de concurrence et de la jurisprudence tant nationales que de l'Union que, lorsque les pratiques en cause sont examinées au titre de la prohibition des ententes ou des pratiques concertées, il n'est pas nécessaire de définir le marché avec précision, comme en matière d'abus de position dominante, dès lors que le secteur a été suffisamment identifié pour permettre de qualifier les pratiques observées et de les imputer aux opérateurs qui les ont mises en place (voir en ce sens, notamment, Conseil de la concurrence, décision n° 09-D-17 du 22 avril 2009 relative à des pratiques mises en oeuvre par le conseil régional de l'ordre des pharmaciens de Basse-Normandie, § 40 ; CA Paris, arrêt du 11 octobre 2012, RG n° 2011/03298, statuant sur le recours contre la décision de l'Autorité n° 11-D-02 du 26 janvier 2011 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur de la restauration des monuments historiques ; TUE, arrêts du 6 juillet 2000, Volkswagen/Commission, T-62/98, point 230, et du 27 septembre 2012, Guardian Industries et Guardian Europe/Commission, T-82/08, point 90).

288. En l'espèce, l'Autorité a choisi de regrouper, sous l'appellation commune de « messagerie classique », trois types de prestations se rapportant à des envois lourds, groupés ou palettisés, dont les délais de livraison oscillent entre 24 et 72 heures pour la France (décision attaquée, § 29 à 35). La cour relève que la décision attaquée s'inscrit dans la continuité de la pratique antérieure de l'Autorité, selon laquelle l'activité de « messagerie de colis » désigne « l'acheminement de colis (ou de palettes) de marchandises de moins de trois tonnes » (décisions de l'Autorité n° 09-DCC-40 du 4 septembre 2009 relative à l'acquisition par Geodis d'agences commerciales de Cool Jet, § 5 ; n° 10-DCC-26 du 26 mars 2010 relative à l'acquisition par Geodis de Ciblex, § 5, et n° 12-DCC-90 du 25 juin 2012 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Tatex SAS par la société Fedex Corporation, § 7). Cette définition est également celle à laquelle a recouru, dans la présente affaire, le demandeur de clémence dans ses déclarations et celle qu'utilise le SÉTRA, dont les travaux sont cités par l'Autorité dans ses observations devant la cour. Il apparaît ainsi que le critère déterminant de la délimitation du secteur de la messagerie de colis ne consiste pas dans le mode de conditionnement des colis (présence/absence de palettes), mais bien dans le poids total des colis transportés (inférieur à trois tonnes).

289. La cour constate, d'autre part, que plusieurs éléments démontrent le caractère substituable, au regard de la demande, des prestations de messagerie classique et de transport palettisé.

290. C'est ainsi que, contrairement à ce que soutient la société XPO, cette substituabilité est corroborée par un rapport du SÉTRA de mars 2008, intitulé « Transport de marchandises palettisées. Analyse de deux types d'offre en plein développement », aux termes duquel le « transport par ‘messagerie palette' (…) se positionne en partie sur le marché de la messagerie classique et propose des services comparables avec la particularité que les envois se font sous forme de palettes ». Ce rapport précise, en effet, que « l'offre de transport ‘messagerie palette' se situe dans le continuum de taille et de poids d'envois, entre la messagerie classique et le lot partiel (…) Elle s'apparente à la messagerie classique avec un poids moyen de chargement de palettes de quelques centaines de kg, variable selon les entreprises prestataires et selon les clients à desservir (…) Le nombre maximal de palettes imposé pour ce service dépasse rarement 6, et le poids maximal reste inférieur à 3 tonnes » (p. 19). Ce rapport ajoute, en outre, qu' « à l'instar de la messagerie classique, la ‘messagerie palette' propose des délais courts d'acheminement (24 ou 48 à 72 heures) en s'appuyant sur un réseau de plates-formes de groupage-dégroupage. Le taux de remplissage du camion chez le chargeur n'est pas un critère intervenant dans le délai d'acheminement, contrairement au transport de lots, pour lequel le camion ne peut généralement partir qu'une fois rempli. Enfin, une des composantes communes des différentes offres est d'assurer un suivi de la marchandise et de garantir le délai de livraison » (p. 19 et 20).

291. La continuité entre les deux services se vérifie, par ailleurs, par la circonstance que nombre d'entreprises de messagerie proposent également des palettes dans le cadre de leur offre de messagerie. Il en allait ainsi, selon l'étude du cabinet Xerfi versée au dossier par les rapporteurs (cotes 47662 et s.), des sociétés Ducros, Schenker-Joyau et Mory (cotes 47730, 47732, 47736). De même, il ressort des pièces qu'elle a produites devant l'Autorité que, dès avant 2008, année au cours de laquelle elle a fait évoluer sa stratégie vers une messagerie de palettes industrielles lourdes, la société Dachser exploitait des services de messagerie multi-colis et palettes légères (cotes 77262 et 77463).

292. Il résulte de ces constatations que le transport palettisé de messagerie doit être considéré comme relevant du secteur de la messagerie classique.

En conséquence, la société XPO, quoique n'offrant que des services de transport palettisé, n'en est pas moins dans une situation de concurrence avec les autres entreprises du secteur de la messagerie. Dès lors, le fait que certains appels d'offres excluent les modes de transport autres que le transport palettisé ne conduit pas à écarter le constat que les entreprises offrant ce type de prestations se trouvent en concurrence les unes avec les autres.

293. Le moyen de la société XPO est rejeté

ALORS D'UNE PART QUE l'exposante faisait valoir que les clients choisissent le mode de transport en fonction de l'objet à transporter, que si leur organisation logistique repose sur des palettes, ils ne peuvent pas choisir un messager, que ce soit un messager traditionnel ou express, qu'inversement, si leur organisation logistique ne repose pas sur des palettes, ils ne peuvent pas utiliser le transport palettisé car c'est le chargeur, et non le transporteur, qui gère les palettes, qu'en outre le choix de l'organisation logistique par palettes n'est pas lié au transport, mais à la logistique d'entreposage : pour utiliser des palettes le client doit acheter ou louer des palettes auprès d'un tiers (qui n'est pas le transporteur) et organiser son entrepôt et la manutention dans son entrepôt autour des palettes (avec tout ce que cela suppose en termes de rayonnages, de matériel de manutention, de tri et d'organisation), aussi bien au point de départ qu'au point d'arrivée cependant que celui qui veut transporter des colis ne va pas simplement empiler des colis sur une palette dans un entrepôt et demander à un transporteur palettisée de venir la chercher ; qu'en relevant que le critère déterminant de la délimitation du secteur de la messagerie de colis ne consiste pas dans le mode de conditionnement des colis (présence/absence de palettes), mais bien dans le poids total des colis transportés (inférieur à trois tonnes), pour décider que la société XPO, quoique n'offrant que des services de transport palettisé, n'en est pas moins dans une situation de concurrence avec les autres entreprises du secteur de la messagerie, sans procéder à la recherche qui lui était demandée, de nature à établir l'absence de substituabilité et partant de concurrence, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 420-1 du code de commerce et 101 TFUE ;

ALORS D'AUTRE PART QUE l'exposante faisait valoir que non seulement le poids moyen du transport par palettes est plus élevé mais que la logique financière qui sous-tend les deux types de prestations est différente, l'usage de la palette n'ayant de sens qu'à partir d'un certain poids, alors que la messagerie devient trop chère, les bases de comparaison tarifaires pour les clients étant trop complexes pour que les deux services soient envisagés de façon alternative, l'usage de la palette ne se réduisant pas à la question du transport mais impliquant des coûts supplémentaires liés à la palette et difficiles à appréhender; qu'en relevant que le critère déterminant de la délimitation du secteur de la messagerie de colis ne consiste pas dans le mode de conditionnement des colis (présence/absence de palettes), mais bien dans le poids total des colis transportés (inférieur à trois tonnes), pour décider que la société XPO, quoique n'offrant que des services de transport palettisé, n'en est pas moins dans une situation de concurrence avec les autres entreprises du secteur de la messagerie, sans procéder à la recherche qui lui était demandée, de nature à établir l'absence de substituabilité et partant de concurrence, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 420-1 du code de commerce et 101 TFUE ;

ALORS DE TROISIEME PART QUE l'exposante faisait valoir que l'Autorité de la concurrence s'est fondée sur l'étude datée de 2008 du SETRA, sans avoir procédé à la moindre instruction concrète, qu'en outre il ressort de cette étude que le transport palettisé est un nouveau segment répondant à la demande spécifique des clients, qu'en page 24 il est écrit « le chargeur recherche en somme un service sur mesure [...] l'assurance d'une livraison dans les délais imposés. [...] Avoir recours à un service de transport industrialisé apporte un gage de confiance dans la durée », que ce service est une offre complémentaire qui « s'insère entre l'offre 'messagerie classique' (envois de colis jusqu'à 500 kg) et l'offre 'transport de lot' (envois de palettes de plus de 1 tonne » (page 31), que « le fret palettisé nécessite une organisation spécifique encore différente de la messagerie (adaptation aux nouvelles données de poids et de volume) s'appuyant sur: un réseau de plateformes (un problème pour les lotiers), un nouveau système de suivi, dont l'unité de compte est la palette et non plus le colis (problème pour les messagers), un plan de transport spécifique ; des moyens de manutention et du personnel ; des poids lourds de grande taille pour la traction entre les plateformes et des camions spécifiques (petite taille, hayon ...) pour la distribution » (page 23), que la clientèle palette ne peut recourir au transport en messagerie classique car le coût serait très élevé » ; qu'en ne prenant nullement en compte ces éléments établissant l'absence de situation de concurrence, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 420-1 du code de commerce et 101 TFUE ;

ALORS ENFIN QUE les sociétés exposantes faisaient valoir que la preuve n'a pas été rapportée que les sociétés Schenker Joyau et Mory avaient, au moment des faits, une offre palette, le seul document visé par l'autorité de la concurrence datant de 2011 (cotes 69621 et 69625) ; qu'en délaissant ce moyen pertinent, la cour d'appel a violé les articles 455 et 458 du code de procédure civile ;

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION

LE POURVOI REPROCHE A L'ARRÊT ATTAQUÉ D'AVOIR confirmé la décision de l'autorité de la concurrence ayant dit qu'il est établi que les sociétés exposantes ont enfreint les dispositions des articles L. 420-1 du code de commerce et 101, paragraphe 1 du TFUE, en participant, entre le 30 septembre 2004 et le 29 septembre 2010, dans la seule mesure indiquée aux paragraphes 870 et suivants de la présente décision, à une entente sur le marché français de la messagerie et de la messagerie express, qui visait à la mise en place d'une concertation sur les hausses tarifaires annuelles et d'avoir infligé à la société XPO Distribution France SAS anciennement Norbert Dentressangle Distribution, solidairement avec la société Lotra Limited, une sanction de 9 628 000 euros, dont 2 849 000 solidairement avec la société XPO Logistics Europe S.A., anciennement Norbert Dentressangle et d'avoir rejeté les moyens d'annulation et de réformation soulevés par les sociétés exposantes ;

AUX MOTIFS QUE 602. La société XPO soutient qu'en l'absence de rapports de concurrence entre elle-même et les participants à l'entente, l'Autorité ne pouvait se satisfaire, tout au moins la concernant, des effets possibles des échanges d'information. Cette société oppose que les appels d'offres auxquels elle participe ne donnent pas lieu à des négociations qui l'impliqueraient en même temps que des entreprises de messagerie. Elle ajoute que les clients ne passent pas d'une entreprise de messagerie à un transporteur de palettes pour les mêmes prestations. Elle soutient que le fait qu'elle commercialise des services différents de ceux des participants aux échanges et à des prix substantiellement différents, n'a pas été pris en compte.

603. Cependant, ainsi qu'il a été relevé aux paragraphes 287 à 293 du présent arrêt l'activité de transport par palettes de la société XPO est bien incluse dans le marché de la messagerie classique et express et le moyen ainsi soutenu manque par le fait même qui lui sert de base.

Il ne peut en conséquence être reproché à l'Autorité de ne pas avoir recherché si les pratiques visées par le grief n° 2 étaient susceptibles de produire un effet sur le marché prétendument distinct du transport par palettes.

604. C'est en conséquence à juste titre qu'au regard de leur contenu, de leur portée, ainsi que de leur contexte économique et juridique, l'Autorité a considéré que les pratiques de concertation visées par les deux griefs notifiés constituaient, les unes et les autres, des pratiques anticoncurrentielles par objet, sans qu'il soit nécessaire de demander à la Cour de justice des éclaircissements complémentaires sur l'interprétation de l'arrêt Groupement des Cartes bancaires, précité. Dès lors, il n'y a pas lieu de poser les questions préjudicielles suggérées par les sociétés DHL, DHL Holding (France) et Deutsche Post.

605. Il s'ensuit que l'ensemble des moyens contestant la qualification de pratiques anticoncurrentielles par objet sont rejetés.

606. Il se déduit par ailleurs de l'ensemble de ce qui précède que l'Autorité n'avait pas à rechercher l'étendue des effets concrets des pratiques sur le jeu de la concurrence et qu'il n'y a pas lieu pour la cour d'examiner, au-delà de ce qu'elle a fait dans les développements qui précédent, les moyens des parties relatifs aux effets.

ALORS QUE la cassation à intervenir sur le troisième moyen entrainera par voie de conséquence, en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation de l'arrêt en ce qu'il retient qu'il a été relevé aux paragraphes 287 à 293 du présent arrêt que l'activité de transport par palettes de la société XPO est bien incluse dans le marché de la messagerie classique et express, que le moyen ainsi soutenu manque par le fait même qui lui sert de base, qu'il ne peut en conséquence être reproché à l'Autorité de ne pas avoir recherché si les pratiques visées par le grief n° 2 étaient susceptibles de produire un effet sur le marché prétendument distinct du transport par palettes, par application de l'article 624 du code de procédure civile ;

CINQUIEME MOYEN DE CASSATION

LE POURVOI REPROCHE A L'ARRÊT ATTAQUÉ D'AVOIR confirmé la décision de l'autorité de la concurrence ayant dit qu'il est établi que les sociétés exposantes ont enfreint les dispositions des articles L. 420-1 du code de commerce et 101, paragraphe 1 du TFUE, en participant, entre le 30 septembre 2004 et le 29 septembre 2010, dans la seule mesure indiquée aux paragraphes 870 et suivants de la présente décision, à une entente sur le marché français de la messagerie et de la messagerie express, qui visait à la mise en place d'une concertation sur les hausses tarifaires annuelles et d'avoir infligé à la société XPO Distribution France SAS anciennement Norbert Dentressangle Distribution, solidairement avec la société Lotra Limited, une sanction de 9 628 000 euros, dont 2 849 000 solidairement avec la société XPO Logistics Europe S.A., anciennement Norbert Dentressangle et d'avoir rejeté les moyens d'annulation et de réformation soulevés par les sociétés exposantes ;

AUX MOTIFS QUE 607. La société XPO, anciennement Norbert Dentressangle Distribution, fait valoir, à titre subsidiaire, que la durée de sa participation n'est que de trois mois, du 21 juin au 13 septembre 2007, date de la dernière réunion du Conseil de Métiers à laquelle elle a participé, le dossier ne faisant état d'aucune pratique illicite postérieure à cette date la concernant.

608. Au paragraphe 1299 de la décision attaquée, l'Autorité a relevé que la participation de la société Norbert Dentressangle Distribution, anciennement Darfeuille Service, s'était étendue du 21 juin 2007 au 1er mars 2008. Il résulte des paragraphes 427, 512 et 955 à 968 que la date du 21 juin 2007 est celle de la première réunion du Conseil de Métiers à laquelle a participé la société Darfeuille Services. Il ressort des paragraphes 787 à 794 de la décision attaquée que le 1er mars 2008 correspond à la fin des négociations tarifaires menées entre les entreprises de messagerie et leurs clients au titre de la campagne 2007-2008.

609. La société XPO conteste l'analyse de l'Autorité figurant au paragraphe 1152 de la décision attaquée, selon laquelle « [l]a participation de [la société Norbert Dentressangle Distribution] à l'infraction relative aux hausses tarifaires pour la campagne 2007-2008 n'est donc pas uniquement liée à la participation à des réunions anticoncurrentielles, mais également à l'utilisation qu'elle a pu faire de ces informations jusqu'à la fin de la campagne en cours » et « [c]ette utilisation des informations fait partie intégrante des comportements poursuivis ».

610. Selon la requérante, en effet, d'abord, les discussions tarifaires conduites avec ses clients de septembre 2007 à mars 2008 n'ont pas pu être influencées par les échanges d'informations reprochées, puisque ses clients ne la mettent pas en concurrence avec les entreprises de messagerie qui participaient aux réunions. Les informations échangées lors de ces réunions ne lui auraient donc pas permis de renforcer sa position de négociation et d'améliorer le résultat global de ses hausses tarifaires jusqu'en mars 2008.

611. Ensuite, dans la mesure où les pratiques qui lui sont reprochées ne s'étendaient qu'à une seule campagne, il appartenait à l'Autorité de démontrer que les échanges qui lui sont reprochés auraient eu, ou auraient pu avoir, des effets jusqu'en mars 2008, sans se borner à lui opposer le constat que les campagnes de négociations auraient suivi des cycles annuels de septembre à mars, constat tiré d'une analyse globale des pratiques des entreprises de messagerie de 2004 à 2010. La société XPO soutient à cet égard que, dès l'instant où l'Autorité a fait le choix procédural de retenir une durée d'infraction qui ne soit pas fondée sur les seuls comportements des entreprises (la participation à des échanges), mais sur les effets de ces comportements dans le temps, elle aurait dû vérifier comment les effets des pratiques s'étaient manifestés et jusqu'à quelle date, ce qui aurait supposé d'interroger la requérante sur son mode de négociation des contrats en 2007-2008, ce que l'Autorité n'a pas fait, de sorte qu'il n'est nullement établi, en ce qui la concerne, que ses propres négociations se seraient prolongées tout au long de cette période.

612. Elle ajoute qu'en toute hypothèse l'Autorité se contredit puisqu'en fixant au 1er mars 2008 la cessation de l'infraction, au motif qu'elle aurait bénéficié des échanges d'informations pendant toute la campagne, elle a déterminé la durée de l'infraction en fonction de ses effets, alors qu'elle a choisi de ne la caractériser que par son objet

613. Enfin, n'ayant assuré aucune réunion de suivi des hausses de prix, de l'automne 2007 à mars 2008, elle ne pouvait pas être traitée de la même manière que les entreprises y ayant participé.

619. Le grief n° 2, tel que notifié, s'il « repos[e] sur des échanges d'informations précises et individualisées sur les hausses tarifaires que les entreprises participantes envisageaient de demander à leurs clients dans le cadre des campagnes annuelles de revalorisation tarifaire », consiste en « une pratique concertée visant à réduire de façon drastique l'opacité relative aux stratégies commerciales en matière de hausse de prix de chacune des entreprises participant aux réunions et contacts », dans un objectif de « maîtrise de l'augmentation annuelle des tarifs des prestations de messagerie classique et express, soit la maîtrise d'un élément essentiel de la négociation commerciale (...) substituant au libre jeu de la concurrence une concertation étendue à la majeure partie des entreprises actives » sur les marchés de la messagerie classique et express (décision attaquée, § 517). Par conséquent, l'utilisation des informations recueillies lors des réunions anticoncurrentielles fait partie intégrante des comportements poursuivis.

620. Chacune des entreprises ayant pris part aux échanges d'informations se trouvait en mesure d'exploiter celles-ci dans le cadre de ses négociations avec ses clients, sa position à leur égard s'en trouvant renforcée. La date de fin des pratiques ne correspond donc pas à la date de la dernière réunion à laquelle a participé une entreprise, mais coïncide avec à la fin du cycle annuel de négociations, à l'issue duquel elle a cessé d'exploiter les informations obtenues lors de cette dernière réunion.

621. Quant à la société XPO, anciennement Darfeuille puis Norbert Dentressangle Distribution, en premier lieu, la cour a déjà rejeté, aux paragraphes 287 à 293 du présent arrêt, l'argument de cette requérante selon lequel ses clients ne la mettaient pas en concurrence avec les autres entreprises de messagerie participant aux réunions du Conseil de Métiers.

622. En deuxième lieu, l'Autorité ayant établi à suffisance de droit, en se fondant sur les déclarations concordantes des entreprises en cause et de l'Association nationale des utilisateurs de transport de fret (décision attaquée, § 790 à 793), que la pratique suivie dans le secteur de la messagerie consiste, pour chaque campagne tarifaire annuelle, à négocier les hausses tarifaires avec la clientèle entre septembre et mars de l'année suivante – constat dont, au demeurant, la société XPO ne conteste pas l'exactitude –, il appartenait à cette dernière, qui était seule à même de pouvoir le faire, de rapporter la preuve qu'en ce qui la concerne, et pour la campagne 2007-2008, les négociations avec sa clientèle s'étaient achevées avant le mois de mars. Or, force est de constater que la requérante n'allègue pas, et a fortiori ne démontre pas, que tel aurait été le cas.

623. Par ailleurs, dès lors qu'elle avait recueilli, lors des réunions du Conseil de Métiers des 21 juin, 18 juillet et 13 septembre 2007, des informations sur la politique de hausses tarifaires des autres participants à ces réunions, il était impossible qu'elle n'en tienne pas compte dans le cadre des négociations menées avec ses clients (en ce sens, TUE, arrêts du 24 octobre 1991, Rhône-Poulenc/Commission, T-1/89, points 122 et 123, et Tate & Lye e.a./Commission, précité, point 58).

624. À cet égard, il n'y a aucune contradiction entre la qualification du grief n° 2 de pratique anticoncurrentielle par objet – qui a dispensé l'Autorité de démontrer, dans la partie de son analyse consacrée à l'établissement des pratiques, qu'elles avaient eu, réellement ou potentiellement, des effets anticoncurrentiels –, et le fait de retenir que la participation de la société XPO aux pratiques avait pris fin à l'issue du cycle de négociation tarifaire de la campagne 2007-2008, fondé sur l'évidence du constat rappelé au paragraphe précédent.

625. C'est donc à juste titre que l'Autorité a retenu que la participation de la société XPO à l'entente s'était achevée en mars 2008, la cour relevant que l'Autorité a retenu la date du 1er mars et non celle du 31 mars 2008 faute, sans doute, de pouvoir précisément déterminer à quel moment, dans le courant de ce mois, s'étaient achevées les négociations avec la clientèle.

626. Enfin, en dernier lieu, il est indifférent, aux fins de la détermination de la durée de la participation de la société XPO aux pratiques, que celle-ci n'ait pas participé aux réunions de suivi des négociations, tenues les 29 novembre 2007 et 27 mars 2008, dès lors qu'en tout état de cause, et pour les raisons exposées ci-dessus, sa participation aux pratiques s'est poursuivie au travers de l'exploitation qu'elle a faite, dans le cadre des négociations avec ses clients, des informations recueillies lors des réunions des 21 juin, 18 juillet et 13 septembre 2007.

627. Le moyen de la société XPO pris du caractère erroné de la durée des pratiques prise en compte est donc rejeté.

ALORS D'UNE PART QUE l'exposante faisait valoir qu'il appartient à l'autorité de la concurrence de rapporter la preuve des effets dans le temps de la pratique, le seul constat que plusieurs opérateurs aient indiqué que les négociations tarifaires pouvaient durer jusqu'en mars étant insuffisants, la société exposante invitant la cour d'appel à constater que ne figurait au dossier aucun élément établissant qu'elle menait encore des négociations tarifaires en février, janvier 2008 etc.. ; qu'en décidant que l'Autorité ayant établi à suffisance de droit, en se fondant sur les déclarations concordantes des entreprises en cause et de l'Association nationale des utilisateurs de transport de fret (décision attaquée, § 790 à 793), que la pratique suivie dans le secteur de la messagerie consiste, pour chaque campagne tarifaire annuelle, à négocier les hausses tarifaires avec la clientèle entre septembre et mars de l'année suivante – constat dont, au demeurant, la société XPO ne conteste pas l'exactitude –, il appartenait à cette dernière, qui était seule à même de pouvoir le faire, de rapporter la preuve qu'en ce qui la concerne, et pour la campagne 2007-2008, les négociations avec sa clientèle s'étaient achevées avant le mois de mars, que force est de constater que la requérante n'allègue pas, et a fortiori ne démontre pas, que tel aurait été le cas, la cour d'appel a dénaturé les écritures de l'exposante et méconnu les termes du litige en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;

ALORS D'AUTRE PART QUE l'exposante faisait valoir qu'il appartient à l'autorité de la concurrence de rapporter la preuve des effets dans le temps de la pratique, le seul constat que plusieurs opérateurs aient indiqué que les négociations tarifaires pouvaient durer jusqu'en mars étant insuffisants, la société exposante invitant la cour d'appel à constater que ne figurait au dossier aucun élément établissant qu'elle menait encore des négociations tarifaires en février, janvier 2008 etc.. ; qu'en décidant que l'Autorité ayant établi à suffisance de droit, en se fondant sur les déclarations concordantes des entreprises en cause et de l'Association nationale des utilisateurs de transport de fret (décision attaquée, § 790 à 793), que la pratique suivie dans le secteur de la messagerie consiste, pour chaque campagne tarifaire annuelle, à négocier les hausses tarifaires avec la clientèle entre septembre et mars de l'année suivante – constat dont, au demeurant, la société XPO ne conteste pas l'exactitude – il appartenait à cette dernière, qui était seule à même de pouvoir le faire, de rapporter la preuve qu'en ce qui la concerne, et pour la campagne 2007-2008, les négociations avec sa clientèle s'étaient achevées avant le mois de mars, que force est de constater que la requérante n'allègue pas, et a fortiori ne démontre pas, que tel aurait été le cas, la cour d'appel a renversé la charge de la preuve et violé les articles L. 420-1 et suivants du code de commerce, ensemble l'article 1315 du code civil dans sa rédaction applicable à l'espèce ;

ALORS DE TROISIEME PART QUE l'exposante faisait valoir qu'il appartient à l'autorité de la concurrence de rapporter la preuve des effets dans le temps de la pratique, le seul constat que plusieurs opérateurs aient indiqué que les négociations tarifaires pouvaient durer jusqu'en mars étant insuffisants, la société exposante invitant la cour d'appel à constater que ne figurait au dossier aucun élément établissant qu'elle menait encore des négociations tarifaires en février, janvier 2008 etc.. ; qu'en décidant que l'Autorité ayant établi à suffisance de droit, en se fondant sur les déclarations concordantes des entreprises en cause et de l'Association nationale des utilisateurs de transport de fret (décision attaquée, § 790 à 793), que la pratique suivie dans le secteur de la messagerie consiste, pour chaque campagne tarifaire annuelle, à négocier les hausses tarifaires avec la clientèle entre septembre et mars de l'année suivante – constat dont, au demeurant, la société XPO ne conteste pas l'exactitude – il appartenait à cette dernière, qui était seule à même de pouvoir le faire, de rapporter la preuve qu'en ce qui la concerne, et pour la campagne 2007-2008, les négociations avec sa clientèle s'étaient achevées avant le mois de mars, que force est de constater que la requérante n'allègue pas, et a fortiori ne démontre pas, que tel aurait été le cas, la cour d'appel a renversé la charge de la preuve et violé les articles L. 420-1 et suivants du code de commerce, ensemble l'article 1315 du code civil dans sa rédaction applicable à l'espèce ;

ALORS ENFIN QUE la cassation à intervenir sur le troisième moyen entrainera par voie de conséquence, par application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation de l'arrêt en ce qu'il retient qu'en premier lieu, la cour a déjà rejeté, aux paragraphes 287 à 293 du présent arrêt, l'argument de cette requérante selon lequel ses clients ne la mettaient pas en concurrence avec les autres entreprises de messagerie participant aux réunions du Conseil de Métiers, ;

SIXIEME MOYEN DE CASSATION

LE POURVOI REPROCHE A L'ARRÊT ATTAQUÉ D'AVOIR confirmé la décision de l'autorité de la concurrence ayant dit qu'il est établi que les sociétés exposantes ont enfreint les dispositions des articles L. 420-1 du code de commerce et 101, paragraphe 1 du TFUE, en participant, entre le 30 septembre 2004 et le 29 septembre 2010, dans la seule mesure indiquée aux paragraphes 870 et suivants de la présente décision, à une entente sur le marché français de la messagerie et de la messagerie express, qui visait à la mise en place d'une concertation sur les hausses tarifaires annuelles et d'avoir infligé à la société XPO Distribution France SAS anciennement Norbert Dentressangle Distribution, solidairement avec la société Lotra Limited, une sanction de 9 628 000 euros, dont 2 849 000 solidairement avec la société XPO Logistics Europe S.A., anciennement Norbert Dentressangle et d'avoir rejeté les moyens d'annulation et de réformation soulevés par les sociétés exposantes ;

AUX MOTIFS QUE 657. Depuis le 17 décembre 2007, la société Norbert Dentressangle, devenue XPO Logistics Europe, détient 100 % du capital de la société Darfeuille Services, successivement renommée Norbert Dentressangle Distribution puis XPO (décision attaquée, § 116 à 121 et 1146).

658. Aux paragraphes 1145 à 1159 de la décision attaquée, l'Autorité a retenu la responsabilité solidaire de la société Norbert Dentressangle à compter du 17 décembre 2007. Elle a souligné que cette société ne fournissait aucun élément qui démontrerait l'absence d'influence déterminante de sa part sur la société auteur des pratiques devenue, à cette date, sa filiale. Elle a, en conséquence, décidé que la sanction pécuniaire de 9 718 000 euros prononcée contre la société Norbert Dentressangle Distribution, devenue la société XPO, auteur des faits, serait supportée solidairement par la société Norbert Dentressangle, devenue la société XPO Logistics Europe, à hauteur de 2 876 000 euros, compte tenu de la date à partir de laquelle elle en a détenu l'intégralité du capital.

659. La société XPO Logistics Europe rappelle, en préambule, qu'afin de garantir les droits de la défense et l'accès à la justice de la société mère, la jurisprudence a consacré le caractère réfragable de la présomption selon laquelle la société détenant la totalité du capital de sa filiale exerce une influence déterminante sur le comportement de celle-ci.

660. Elle soutient, à titre principal, qu'aucun comportement répréhensible ne peut, en l'espèce, être reproché à la société XPO après le 13 septembre 2007, date de la dernière des trois réunions du Conseil de Métiers au cours desquelles des informations sensibles relatives à la campagne 2007-2008 auraient été échangées.

661. Elle en conclut que, puisqu'elle n'a pris le contrôle de sa filiale qu'en décembre 2007, elle ne saurait se voir imputer la moindre responsabilité solidaire, quand bien même la présomption d'influence déterminante serait jugée applicable.

662. À titre subsidiaire, la société XPO Logistics Europe fait valoir qu'au cas où la cour considérerait que les pratiques reprochées à la société XPO se sont prolongées jusqu'au mois de mars 2008, il conviendrait alors de constater qu'elles ne résultent que du comportement passé de cette société, lequel a consisté dans sa participation aux trois réunions du Conseil de Métiers des 21 juin, 18 juillet et 13 septembre 2007, puisqu'il est établi qu'elle n'a ensuite pris part, même d'une façon passive, à aucun échange d'informations, en particulier lors des réunions des 27 novembre 2007 et 27 mars 2008 auxquelles elle n'était pas présente.

663. Elle soutient que, dans ces conditions, et quand bien même il serait admis qu'elle exerçait sur la société XPO une influence déterminante depuis le 17 décembre 2007, elle n'avait aucun moyen d'influencer ou de faire cesser le comportement de cette dernière, à laquelle aucun agissement répréhensible n'était plus reproché. Selon la requérante, la solution contraire aboutirait à faire peser sur elle une responsabilité sans faute, en violation des principes de la présomption d'innocence et de la personnalité des peines, énoncés, respectivement, à l'article 6, § 2, de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des Libertés fondamentales et 8 et 9 de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen de 1789.

664. En premier lieu, il est constant que la société Darfeuille Services, devenue Norbert Dentressangle Distribution puis XPO, n'a participé aux échanges d'informations en cause que jusqu'au 13 septembre 2007, date de la dernière des réunions du Conseil de Métiers auxquelles elle ait assisté. En outre, il ne lui est pas reproché de s'être livrée, ultérieurement, à des échanges d'informations en dehors du cadre de ces réunions.

665. Mais, ainsi que la cour l'a jugé aux paragraphes 619 à 627 du présent arrêt, sa participation aux pratiques doit cependant être considérée comme s'étant prolongée jusqu'au mois de mars 2008, date de la fin des négociations tarifaires engagées avec sa clientèle puisqu'elle a pu, dans le cadre de ces négociations, exploiter les informations sensibles qui avaient été portées précédemment à sa connaissance, renforcer sa position à l'égard de ses clients et ainsi améliorer le résultat global de ses hausses tarifaires, qui n'est définitivement appréciable qu'à la fin de chaque campagne.

666. Le moyen développé à titre principal par la société XPO Logistics Europe doit donc être rejeté.

667. En second lieu, il n'est pas reproché à la société XPO Logistics Europe, au titre de l'influence déterminante qu'elle exerçait sur la société XPO, anciennement Darfeuille Services, depuis le 17 décembre 2007, d'avoir personnellement pris part aux pratiques en cause ou d'en avoir été complice. Toutefois, la société XPO exerçant, du 17 décembre 2007 au mois de mars 2008, une influence déterminante sur sa filiale XPO, elle formait avec celle-ci une unité économique unique, cette seule circonstance justifiant de lui imputer, pour cette période, les pratiques anticoncurrentielles en cause.

668. Par ailleurs, contrairement à ce qu'elle soutient, la société XPO Logistics Europe aurait pu agir pour mettre fin, fût-ce partiellement, aux conséquences des échanges d'informations intervenus entre sa filiale et ses concurrents. En effet, il lui incombait, au titre de son influence déterminante, d'exiger de sa filiale qu'elle se distancie des pratiques concertées auxquelles celle-ci avait précédemment pris part, en faisant ainsi savoir aux autres participants à cette concertation qu'ils ne devaient plus escompter qu'elle s'efforcerait d'obtenir de ses clients les taux de hausse qu'elle avait initialement envisagés et qu'elle recouvrait une totale liberté dans les négociations avec sa clientèle. Une telle démarche aurait rétabli, dans toute la mesure du possible et jusqu'à la fin des négociations menées par les concurrents, une opacité, que l'entente avait précisément pour objet de faire disparaître, concernant le comportement de sa filiale.

669. C'est donc à juste titre que l'Autorité a solidairement sanctionné la société Norbert Dentressangle, devenue la société XPO Logistics Europe, au prorata de la durée pendant laquelle elle a été la société mère de la société Norbert Dentressangle Distribution, anciennement Darfeuille Services, devenue la société XPO.

ALORS D'UNE PART QUE la cassation à intervenir sur le troisième moyen entrainera par voie de conséquence, par application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation de l'arrêt en ce qu'il retient qu'ainsi que la cour l'a jugé aux paragraphes 619 à 627 du présent arrêt, qui renvoient aux paragraphes 287 à 293 du présent arrêt, la participation de l'exposante aux pratiques doit cependant être considérée comme s'étant prolongée jusqu'au mois de mars 2008, date de la fin des négociations tarifaires engagées avec sa clientèle puisqu'elle a pu, dans le cadre de ces négociations, exploiter les informations sensibles qui avaient été portées précédemment à sa connaissance, renforcer sa position à l'égard de ses clients et ainsi améliorer le résultat global de ses hausses tarifaires, qui n'est définitivement appréciable qu'à la fin de chaque campagne ;

ALORS D'AUTRE PART QUE la cassation à intervenir sur le quatrième moyen entrainera par voie de conséquence, par application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation de l'arrêt en ce qu'il retient qu'ainsi que la cour l'a jugé aux paragraphes 619 à 627 du présent arrêt, la participation de l'exposante aux pratiques doit cependant être considérée comme s'étant prolongée jusqu'au mois de mars 2008, date de la fin des négociations tarifaires engagées avec sa clientèle puisqu'elle a pu, dans le cadre de ces négociations, exploiter les informations sensibles qui avaient été portées précédemment à sa connaissance, renforcer sa position à l'égard de ses clients et ainsi améliorer le résultat global de ses hausses tarifaires, qui n'est définitivement appréciable qu'à la fin de chaque campagne. Moyens produits au pourvoi n° D 18-21.580 par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour les sociétés Overland holding (nouvelle dénomination de la société Alloin holding), Kuehne+Nagel Road et Kuehne+Nagel International AG.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté tous les moyens d'annulation ou de réformation soulevés par les sociétés Alloin Holding, Kuehne+Nagel Road et Kuehne+Nagel International AG, et d'AVOIR en conséquence rejeté leur recours, contre la décision n° 15-D-19 de l'Autorité de la concurrence du 15 décembre 2015 qui a notamment infligé, au titre du grief n° 2, une sanction de 31.959.000 € à la société Alloin Holding, dont 12.213.000 € solidairement avec la société Kuehne+Nagel Road et 1.353.000 € solidairement avec la société Kuehne+Nagel International AG ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE sur l'assiette de la sanction : 833. Les sociétés DHL, DHL Holding (France) et Deutsche Post, Alloin Holding, Kuehne+Nagel et Kuehne+Nagel International, TNT et TNT Express NV, Gefco et Peugeot, XPO, Dachser et Dachser Group SE & Co., Chronopost et DPD, Geodis, GLS, General Logistics Systems BV et Royal Mail Group, ainsi que BMVirolle contestent la valeur des ventes retenue par l'Autorité comme base de calcul de leurs sanctions ; 834. Les requérantes rappellent qu'aux termes du point 23 du communiqué sanctions, l'Autorité retient, comme montant de base de la sanction, «».une proportion de la valeur des ventes, réalisées par chaque entreprise ou organisme en cause, de produits ou de services en relation avec l'infraction » ; 835. Il existerait de nombreux précédents tant nationaux qu'européens faisant état de l'exclusion du périmètre de la valeur des ventes prise en compte pour le calcul du montant de base de la sanction des ventes pour lesquelles la preuve existe qu'elles n'ont pas été affectées par l'infraction ; 836. En l'espèce, dès lors que les pratiques portaient uniquement sur les évolutions de prix concrétisées par les circulaires de revalorisation tarifaire envoyées annuellement aux clients, et non sur les niveaux de prix, les entreprises mises en cause n'ont pas réalisé, avec les clients non destinataires de ces circulaires, pour lesquels l'évolution des conditions contractuelles était régie par d'autres mécanismes (stipulations contractuelles ou négociations bilatérales), des ventes « en relation avec l'infraction » ; 837. Subsidiairement, selon les sociétés Alloin Holding, Kuehne+Nagel et Kuehne+Nagel International, lorsque le marché en relation avec l'infraction est trop large, l'Autorité doit restreindre le périmètre des ventes prises en considération pour déterminer le montant de base de façon à ce qu'il reflète l'ampleur économique de l'infraction, conformément aux objectifs du communiqué sanctions (en ce sens, décision de l'Autorité n° 15-D-01 du 5 février 2015 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur de la diffusion de la télévision par voie hertzienne terrestre en outre-mer, § 235 à 237) ; 838. Selon ces requérantes, en retenant en l'espèce la valeur des ventes à des clients non destinataires des circulaires, l'Autorité s'écarterait de sa volonté proclamée dans le communiqué sanctions, de rendre les amendes proportionnelles à l'ampleur économique de l'infraction ; 839. Selon les requérantes, la décision attaquée ne saurait trouver aucune justification dans la jurisprudence des juridictions de l'Union. D'une part, les questions de procédure et les sanctions relèvent exclusivement du droit national, en vertu du principe d'autonomie procédurale. D'autre part, et en tout état de cause, il résulte seulement de la jurisprudence de la Cour de justice que la Commission, en sa qualité d'autorité européenne de concurrence, n'est pas obligée de prouver quelles sont les ventes individuelles qui ont été affectées par l'entente (CJUE, arrêt du 23 avril 2015, LG Display et LG Display Taiwan/Commission, C-227/14 P, point 57) ; en revanche, cette jurisprudence ne priverait pas les parties de la possibilité de démontrer que telle ou telle catégorie de ventes de biens ou de services n'est pas en relation avec l'infraction, car elle n'a pas pu être matériellement, financièrement ou économiquement affectée par les pratiques ; 840. Les requérantes soulignent qu'en l'espèce, les services d'instruction eux-mêmes avaient préconisé de procéder à des abattements et retraitement des chiffres d'affaires des entreprises pour déterminer la valeur des ventes effectivement affectées par l'entente et que c'est contre toute attente que le collège s'est borné à déduire du chiffre d'affaires les ventes intragroupe, la sous-traitance et les ventes internationales, aux motifs, pour les deux premiers abattements, qu'il convenait d'éviter une double prise en compte et, pour le troisième, que le grief notifié ne concernait que les ventes réalisées en France ; 841. Les requérantes demandent donc à la cour de déduire de leur chiffre d'affaires, aux fins d'établir l'assiette de la sanction : – les ventes aux petits clients (sociétés Geodis, TNT, ainsi que BMVirolle) ; – les ventes au comptant et les ventes « one shot » (sociétés Chronopost et DPD, TNT, Alloin Holding et Kuehne+Nagel, ainsi que Dachser) ; – les nouveaux contrats (sociétés Chronopost et DPD, Dachser, Gefco, Geodis ainsi que Alloin Holding et Kuehne+Nagel) ; – les contrats dont les prix n'ont fait l'objet d'aucune hausse sur la période des pratiques (sociétés Chronopost et DPD, Gefco, GLS, ainsi que Alloin Holding et Kuehne+Nagel) ; – les contrats « hors cycle », dont les prix ont fait l'objet de hausses en dehors des cycles de hausse habituels (sociétés Chronopost et DPD, Gefco, Geodis, ainsi que Alloin Holding et Kuehne+Nagel) ; – les clients dits « atypiques », qui, n'ayant pas tenus leurs engagements de volumes, subissent de très fortes hausses pour des raisons de rentabilité des contrats (sociétés Chronopost et DPD) ; – les contrats pluriannuels (sociétés Chronopost et DPD, Dachser, BMVirolle, GLS, Geodis ainsi que Alloin Holding et Kuehne+Nagel) ; – les contrats objet de négociations individuelles ou « grands comptes » ou « top 100 » (sociétés Dachser, Gefco, DHL, TNT, ainsi que Alloin Holding et Kuehne+Nagel) ; 842. Plusieurs requérantes demandent encore de déduire de leur chiffre d'affaires, quel que soit le contrat dans le cadre duquel ils ont été payés, les options et frais supplémentaires, soutenant, en substance, qu'ils font l'objet de conditions tarifaires particulières et différenciées pour lesquelles les évolutions tarifaires sont déconnectées des hausses figurant dans les circulaires annuelles (sociétés Chronopost et DPD, XPO, BMVirolle, DHL, GLS, Geodis, ainsi que TNT) ; 843. Enfin deux requérantes demandent de déduire de leur chiffre d'affaires la surcharge gazole perçue pour tous les contrats, en faisant valoir que, outre qu'elle n'est pas affectée par les hausses annuelles, elle vise à compenser une perte liée aux prix du gazole, et non à rémunérer un service (sociétés XPO et TNT) ; 844. S'agissant des options et frais supplémentaires, dont la taxe gazole, les requérantes font valoir qu'elles font l'objet de conditions tarifaires particulières et différenciées pour lesquelles les évolutions tarifaires sont déconnectées des hausses figurant dans les circulaires annuelles ; 845. L'Autorité expose qu'aux termes des points 23 et 33 du communiqué sanctions, l'ensemble des ventes réalisées sur le marché pertinent, en relation avec le champ d'application de l'entente telle que qualifiée par la décision de sanction, entrent dans le périmètre de la sanction, ces ventes reflétant tout à la fois l'ampleur économique de l'infraction et la part respective de chaque entreprise dans celle-ci ; 846. Elle considère que cette analyse rejoint celle de la Commission, dont la pratique est validée par la jurisprudence des juridictions de l'Union (CJUE, arrêt LG Display et LG Display Taiwan/Commission, précité). Elle souligne notamment que ces juridictions ont jugé à plusieurs reprises que ce serait donner une signification trop étroite à la notion de « ventes » que de n'y faire figurer que celles dont il est établi qu'elles se faisaient à des prix influencés par l'entente ; 847. L'Autorité fait valoir que les hausses tarifaires envisagées par les participants à l'entente et qui faisaient l'objet de leurs échanges ne concernaient aucun type de contrat ou de prestation de messagerie en particulier, mais l'ensemble du marché de la messagerie classique et express sur le territoire français, justifiant de retenir, au titre de la valeur des ventes, le chiffre d'affaires réalisé par les entreprises participantes sur ces marchés. Elle précise qu'elle a écarté les ventes liées à des prestations internationales dans la mesure où elles n'ont pas été réalisées sur les marchés concernés, ainsi que les prestations intragroupes et les prestations de sous-traitance pour ne pas les prendre deux fois en compte ; 848. Elle ajoute que le champ d'application de l'entente ne dépendait pas de l'importance des clients, puisque les hausses tarifaires concernaient aussi bien les « grands comptes » (les opérateurs de messagerie pouvant négocier plus sereinement avec eux grâce la connaissance qu'ils avaient des intentions de leurs concurrents) que les petits clients (qui se voyaient appliquer unilatéralement les revalorisations tarifaires prévues par les circulaires de hausse tarifaire), de sorte qu'il n'y avait pas davantage lieu d'en tenir compte dans la détermination de la valeur des ventes. Elle considère de même qu'il n'y avait pas lieu d'opérer une distinction selon que les clients avaient reçu ou non les circulaires, l'augmentation de la transparence du marché produite par les pratiques ne dépendant pas de la réception d'une circulaire ; 849. Elle soutient enfin qu'il n'y a pas lieu d'écarter les contrats pluriannuels, dans la mesure où ils ont pu être conclus ou renouvelés sous l'empire de l'entente ; les frais et options, car ils font partie des prestations de messagerie ; et les ventes au comptant, puisqu'elles entrent dans le périmètre des pratiques sanctionnées ; 850. Le ministre chargé de l'Économie rappelle liminairement que, s'agissant de la détermination des sanctions pécuniaires, l'Autorité n'est pas liée par la pratique décisionnelle de la Commission ni par la jurisprudence des juridictions de l'Union, mais qu'elle peut s'en inspirer, dans le respect de l'article L. 464-2 du code de commerce et de son communiqué sanctions ; 851. À cet égard, il rappelle que, selon la jurisprudence constante des juridictions de l'Union, la notion de « valeur des ventes » dans les lignes directrices 2006 ne vise pas que le chiffre d'affaires réalisé avec les seules ventes pour lesquelles il est établi qu'elles ont réellement été affectées par cette entente, mais renvoie aux ventes réalisées sur le marché concerné par l'infraction ; 852. Le ministre considère que l'Autorité pouvait pareillement retenir la valeur des ventes de tous les biens ou services réalisés sur les marchés affectés, une telle délimitation ne violant pas les principes de
proportionnalité et d'individualisation des peines, dans la mesure où elle n'excède pas le marché des prestations de messagerie en France ; 853. Il convient, à titre liminaire, d'écarter la demande d'annulation de la décision attaquée pour défaut de motivation présentée par plusieurs requérantes ; 854. L'obligation de motivation à laquelle l'Autorité est soumise dans le prononcé de ses décisions impose un énoncé des considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement et permettent aux parties mises en cause de comprendre la nature de l'infraction retenue, et à la juridiction de recours d'en contrôler la légalité. Elle ne comporte pas, en revanche, l'obligation de répondre à l'intégralité des arguments invoqués, que les parties pourront, si elles les estiment opérants et nécessaires à leur défense, soumettre à la cour au soutien de leur recours de pleine juridiction ; 855. En l'espèce, en expliquant, aux paragraphes 1201 à 1203 de la décision attaquée, pourquoi elle considérait devoir prendre en compte le chiffre d'affaires lié aux prestations de messagerie commercialisées en France, sans autres déductions que le chiffre d'affaires réalisé en sous-traitance et celui réalisé lors de prestations intragroupe – déductions uniquement justifiées par le souci de ne pas prendre deux fois en compte le même chiffre d'affaires –, l'Autorité, qui a permis aux requérantes de comprendre les raisons de sa décision et de les contester, a motivé à suffisance de droit son refus des exclusions supplémentaires de chiffre d'affaires qu'elles réclamaient ; 856. En premier lieu, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, il ne découle ni du communiqué sanctions ni de la pratique décisionnelle antérieure de l'Autorité que les ventes de produits ou services devraient être « affectées » par l'infraction pour que leur valeur soit prise en compte pour le calcul du montant de base de la sanction ; 857. D'une part, le point 23 du communiqué sanctions est ainsi libellé : « Pour donner une traduction chiffrée à son appréciation de la gravité des faits et de l'importance du dommage causé à l'économie, l'Autorité retient, comme montant de base de la sanction pécuniaire, une proportion de la valeur des ventes, réalisées par chaque entreprise ou organisme en cause, de produits ou de services en relation avec l'infraction ou, s'il y a lieu, les infractions en cause. La valeur de ces ventes constitue en effet une référence appropriée et objective pour déterminer le montant de base de la sanction pécuniaire, dans la mesure où elle permet d'en proportionner au cas par cas l'assiette à l'ampleur économique de l'infraction ou des infractions en cause, d'une part, et au poids relatif, sur le(s) secteur(s) ou marché(s) concerné(s), de chaque entreprise ou organisme qui y a participé, d'autre part. Elle est donc retenue par l'Autorité, à l'instar d'autres autorités de concurrence européennes, de préférence au chiffre d'affaires total de chaque entreprise ou organisme en cause, qui peut ne pas être en rapport avec l'ampleur de ces infractions et le poids relatif de chaque participant sur le(s) secteur(s) ou marché(s) concerné(s) » (souligné par la cour) ; 858. Le point 33 du communiqué sanctions précise : « 33. La référence prise par l'Autorité pour donner une traduction chiffrée à son appréciation de la gravité des faits et de l'importance du dommage causé à l'économie est la valeur de l'ensemble des catégories de produits ou de services en relation avec l'infraction, ou s'il y a lieu avec les infractions, vendues par l'entreprise ou l'organisme concerné durant son dernier exercice comptable complet de participation à celle(s)-ci, [...]. La qualification de l'infraction ou des infractions effectuée par l'Autorité, au regard de leur objet ou de leurs effets anticoncurrentiels, détermine ces catégories de produits ou de services » (souligné par la cour) ; 859. Il ressort de ces points du communiqué sanctions que, dès l'instant où une catégorie de produits ou de services est « en relation avec l'infraction », la valeur des ventes de cette catégorie de produits ou de services doit être prise en compte. Ainsi que le précise le point 33 du communiqué sanctions, c'est la qualification de l'infraction, effectuée au regard de son objet ou de ses effets, qui permet de déterminer les catégories de produits ou de services en relation avec cette infraction. Il n'est, en revanche, fait aucune référence à une nécessaire affectation des ventes de ces catégories de produits ou services par l'infraction pour pouvoir prendre en compte leur valeur ; 860. D'autre part, dans plusieurs décisions, l'Autorité a, comme le soulignent les requérantes, effectivement écarté de la valeur des ventes prise en compte aux fins du calcul du montant de base de la sanction, les ventes de certaines catégories de produits réalisées sur le marché pertinent – c'est-à-dire le marché défini par l'Autorité préalablement à l'examen des pratiques, afin qu'il lui serve de cadre d'analyse – au motif que ces catégories de produits n'étaient pas en relation avec l'infraction : – dans sa décision n° 12-D-09 du 13 mars 2012 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur des farines alimentaires, après avoir défini le marché pertinent comme « celui de la commercialisation de farine de blé tendre en sachets à destination du grand public en France » (§ 415), elle a uniquement pris en compte la valeur des ventes de farine en sachet « aux seules enseignes du hard discount en France » (§ 890) ; – dans sa décision n° 13-D-03 du 13 février 2013 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur du porc charcutier, après avoir défini le marché pertinent comme « celui de la vente de viande de porc à destination des enseignes de la grande distribution en France » (§ 224), l'Autorité a pris en compte la valeur des seules ventes « réalisées [...] auprès des magasins de l'enseigne Auchan» (§ 431) ; – dans sa décision n° 15-D-04 du 26 mars 2015 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur de la boulangerie artisanale, après avoir défini «le marché concerné par les pratiques [...] comme celui de la commercialisation aux boulangeries artisanales de la farine de blé tendre livrée en vrac ou en conditionnement de plus de 20 kg et des mixes destinés à la production de viennoiserie ou autre pâtisserie vendue en boulangeries à destination d'une consommation effectuée principalement en France » (§ 284), l'Autorité a finalement exclu de la valeur des ventes prise en compte « les mixes destinés à la production de viennoiseries ou de pâtisseries » (§ 367) ; 861. Mais, par ces décisions, l'Autorité a, en identifiant les catégories de produits ou de services en relation avec l'infraction au regard de l'objet ou des effets anticoncurrentiels des pratiques analysées, procédé de fait à une délimitation du marché concerné par l'entente, qui s'est trouvé être, dans ces trois espèces, plus étroit que le marché pertinent initialement défini. Une fois délimité le marché sur lequel l'entente se déployait, l'Autorité a bien retenu la valeur de l'ensemble des ventes des produits et services réalisées sur ce marché, sans vérifier si ces ventes avaient ou non été affectées par l'entente ; 862. Lesdites décisions peuvent d'ailleurs être rapprochées des décisions dans lesquelles l'Autorité ayant été en mesure de définir finement le marché pertinent par référence à une catégorie de produits et/ou de clients, a constaté, à l'issue de son analyse des pratiques, que ce marché était bien celui concerné par l'entente et retenu pour assiette de la sanction l'ensemble des ventes réalisées sur ledit marché (décision n° 12-D-24 du 13 décembre 2012 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur de la téléphonie mobile à destination de la clientèle résidentielle en France métropolitaine, § 373 ; décision n° 13-D-12 du 28 mai 2013 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur de la commercialisation de commodités chimiques, § 586 et 587 ; décision n° 15-D-17 du 30 novembre 2015 relative à des pratiques mises en oeuvre sur le marché de la téléphonie mobile à destination de la clientèle non résidentielle à La Réunion et à Mayotte, § 24 et 84) ; 863. Ainsi, il ne ressort pas de la pratique décisionnelle de l'Autorité que celle-ci aurait renoncé à prendre en compte la valeur des ventes de produits ou services dont elle aurait constaté qu'ils étaient en relation avec l'infraction, au motif que ces ventes n'avaient pas été affectées par l'infraction ; 864. Le choix fait par l'Autorité, tant dans sa pratique décisionnelle que dans son communiqué sanctions, de ne pas
prendre en compte le critère de l'affectation des ventes par l'infraction, apparaît justifié ; 865. En effet, outre que l'exigence de proportionnalité ne l'impose pas, l'obligation de mettre un tel critère en oeuvre contraindrait l'Autorité, non certes pas à démontrer, pour chaque catégorie de produits ou services, que leurs ventes ont été réellement affectées par l'entente – les requérantes admettant le bien-fondé d'une présomption simple d'« affectation » –, mais à vérifier l'affirmation des entreprises incriminées selon laquelle les ventes de certaines catégories de produits ou services n'ont pas pu être affectées. Or une telle exigence, en obligeant les services d'enquête de l'Autorité à consacrer un temps important à de telles vérifications, limiterait très sensiblement l'efficacité de son action. À cet égard, la présente affaire illustre parfaitement les dérives qu'entraînerait l'approche défendue par les requérantes : sous couvert de catégories de prestations, celles-ci en arrivent en effet à réclamer la déduction d'une partie du chiffre d'affaires décomposé contrat individuel par contrat individuel ; 866. Surtout, ladite obligation priverait largement d'effet dissuasif les sanctions que prononce l'Autorité, puisque chaque entreprise pourrait espérer, en cas de poursuites, voir sa sanction calculée sur la base d'un chiffre d'affaires très inférieur à celui qu'elle réalise sur le marché sur lequel se déroule l'entente. À l'inverse, l'approche retenue par l'Autorité est plus conforme à l'exigence de prévisibilité de la sanction, et donc à son caractère dissuasif, toute entreprise se livrant à des pratiques anticoncurrentielles sur un marché donné étant d'emblée en mesure de savoir que la sanction qu'elle encourt sera, en principe, calculée sur la totalité du chiffre d'affaires qu'elle réalise sur ledit marché ; 867. Enfin, si, conformément au principe d'autonomie procédurale, l'Autorité n'est pas liée par les règles de droit de la concurrence de l'Union relatives au calcul des sanctions, la cour juge opportun de souligner que la détermination de la valeur des ventes est arrêtée de la même façon au niveau européen. C'est ainsi que, dans son arrêt LG Display et LG Display Taiwan/Commission, précité, la Cour de justice a approuvé, dans les termes suivants, le Tribunal d'avoir retenu l'ensemble des ventes réalisées sur le marché concerné par l'infraction : « 56. En l'espèce, le Tribunal a donc jugé à bon droit, au point 97 de l'arrêt attaqué, que « la possibilité pour la Commission d'inclure dans la valeur des ventes pertinentes aux fins du calcul du montant de l'amende les ventes de LCD cartellisés faites par les requérantes à LGE et à Philips dépend non pas de la question de savoir si ces ventes se faisaient à des prix influencés par l'entente, mais du simple fait que celles-ci étaient réalisées sur un marché affecté par l'existence d'une entente à laquelle les requérantes participaient » [...]. 58. En conséquence, ayant constaté, au point 69 de l'arrêt attaqué, dans le cadre de son appréciation souveraine des faits, sans que les requérantes invoquent la moindre dénaturation, que les ventes de LCD cartellisés effectuées par ces dernières à LGE et à Philips ont été réalisées sur le marché concerné par l'infraction, c'est sans commettre d'erreur de droit que le Tribunal a estimé, aux points 71 et 72 de cet arrêt, que la Commission était en droit de tenir compte desdites ventes pour calculer le montant de l'amende à leur infliger, sans qu'il importe de savoir si LGE et Philips leur ont effectivement payé des prix majorés en raison de l'entente et si elles ont répercuté cette éventuelle majoration sur le prix des produits finis intégrant les LCD cartellisés qu'elles ont vendus aux consommateurs dans l'EEE. 59. Dans ces conditions, le Tribunal n'était tenu ni de préciser les raisons pour lesquelles les ventes desdits LCD réalisées par LGD auprès de LGE et de Philips, en dépit des clauses contractuelles liant LGD à ces dernières dans le cadre de leur accord d'entreprise commune, auraient pu fausser la concurrence sur le marché pertinent, ni d'examiner les preuves fournies par les requérantes à cette fin […]. Contrairement à ce que font valoir les requérantes, le Tribunal n'a, ce faisant, nullement fait prévaloir une présomption irréfragable selon laquelle toutes les ventes réalisées sur le marché pertinent ont été affectées par l'infraction en cause. En revanche, le Tribunal a considéré, par une motivation qui, ainsi qu'il résulte des points 48 à 59 du présent arrêt, n'est entachée d'aucune erreur de droit, que, même en l'absence de toute preuve que les ventes des LCD cartellisés par les requérantes à leurs sociétés mères ont été affectées par cette infraction, ces ventes peuvent néanmoins être prises en compte aux fins du calcul du montant de l'amende à infliger aux requérantes, dès lors qu'elles ont été réalisées sur le marché concerné par l'infraction [...] » (souligné par la cour) ; 868. Il s'ensuit que, à supposer établi par l'Autorité que l'ensemble des prestations de messagerie classique et express sont en relation avec le grief n° 2, c'est en vain que les requérantes cherchent à démontrer que telle ou telle catégorie de contrats n'a pas pu être affectée par l'entente, puisque, même à supposer cette preuve rapportée, un tel critère est inopérant ; 869. En deuxième lieu, c'est à juste titre que l'Autorité a constaté que l'ensemble des prestations de messagerie classique et express réalisées sur le marché français étaient en relation avec le grief n° 2 ; 870. À cet égard, il y a lieu de constater qu'une différence fondamentale distingue la présente espèce des décisions de l'Autorité, citées au paragraphe 860 du présent arrêt, dans lesquelles le marché affecté a été délimité par référence à une catégorie de clients. Dans les cas évoqués, l'entente avait été cantonnée par les
participants eux-mêmes à la relation entre ces derniers et tel client ou telle catégorie de clients ; 871. Rien de tel en l'espèce, où les informations échangées concernaient un aspect de la politique tarifaire générale qu'entendaient suivre les entreprises participantes – le taux de hausse qu'elles souhaitaient obtenir –, sans distinction selon la nature des services ou selon les caractéristiques des clients. Notamment, ce n'est pas parce qu'elles n'envoyaient pas leurs circulaires de hausse tarifaire à leurs clients les plus importants, qu'elles ne s'efforçaient pas, dans les négociations avec ces derniers, de faire passer les taux de hausses qu'elles avaient annoncés lors des réunions du Conseil de Métiers ; 872. L'Autorité fait à raison valoir, dans ses observations, que, dès lors que les hausses tarifaires envisagées et échangées par les entreprises de messagerie ne concernaient aucun type de contrat particulier et aucune prestation de messagerie particulière, mais l'ensemble du marché domestique de la messagerie classique et express, la totalité des prestations réalisées sur ce marché était en relation avec l'infraction au sens des points 23 et 33 du communiqué sanctions ; 873. C'est donc à juste titre, et dans le strict respect du communiqué sanctions, que l'Autorité a refusé de distinguer selon les clients et/ou les contrats et a retenu le chiffre d'affaires réalisé par chaque entreprise participante sur le marché domestique de la messagerie classique et express ; 874. Eu égard aux considérations qui précèdent, ce n'est que de façon surabondante que la cour examinera ci-après les arguments avancés spécifiquement par les requérantes pour chacune des catégories de contrats et/ou de clients dont elles demandent l'exclusion ; 875. S'agissant des petits clients, d'une part, aux paragraphes 417 à 420 de la décision attaquée, l'Autorité a relevé que, lors de la campagne tarifaire 2006-2007, certaines entreprises – Schenker-Joyau, Alloin et Gefco – avaient, postérieurement à la réunion du Conseil de Métiers du 28 septembre 2006, demandé à leur clientèle un taux de hausse plus élevé que celui qu'elles avaient annoncé lors de cette réunion, ce dont l'Autorité a justement déduit que les échanges anticoncurrentiels du 28 septembre 2006 avaient produit un effet d'alignement sur le taux le plus élevé annoncé au cours de cette réunion, à savoir celui de la société Graveleau. Dans la mesure où les requérantes s'accordent généralement sur le fait que les hausses figurant dans les circulaires s'appliquaient sans négociation aux petits clients, il apparaît qu'en tout état de cause, les ventes à ces derniers ont bien été en relation avec l'infraction ; 876. S'agissant des clients « grands comptes », non destinataires des circulaires de hausse, et des clients « hors cycle », pour lesquels les négociations intervenaient en dehors de la période habituelle de négociation, entre octobre et mars de l'année suivante, ainsi que des clients « atypiques », les négociations que les opérateurs de messagerie engageaient avec eux ne pouvaient pas être totalement déconnectées des prix pratiqués sur le marché à l'égard de tous les autres clients, le constat d'une hausse généralisée des prix favorisant l'acceptation de hausses, y compris par les clients disposant d'un important contre-pouvoir. Il en va de même des relations avec les clients à conquérir (nouveaux clients et ventes au comptant), un environnement marqué par une hausse des prix étant de nature à leur faire accepter, au début de la relation contractuelle ou à l'occasion de chaque vente au comptant, un prix plus élevé que ce qu'il aurait été sans les pratiques ; 877. Dès l'instant où les pratiques, en augmentant la transparence du marché, étaient de nature à entraîner des hausses supérieures à ce qu'elles auraient été sans l'entente, elles ont aussi eu pour effet, réellement ou potentiellement, de favoriser artificiellement les entreprises dans leurs négociations avec leurs plus grands clients, leurs clients atypiques et leurs clients « hors cycle », comme avec leurs nouveaux clients et, par voie de conséquence, de renforcer la possibilité de leur faire accepter des taux de hausse plus élevés ; 878. S'agissant des clients liés à un opérateur de messagerie par des contrats pluriannuels, la cour relève, d'une part, qu'un nombre certainement important de ces contrats n'ont pu manquer d'arriver à échéance au cours des six années qu'ont duré les pratiques, de sorte que leur renégociation est intervenue au cours et sous l'influence des pratiques. D'autre part, à supposer même que, pour certains de ces contrats pluriannuels, aucune échéance ne soit intervenue pendant la durée de la participation aux pratiques, il convient de constater que, si la société Deutsche Bahn et ses filiales n'avaient pas informé l'Autorité de l'existence de cette entente, dans le cadre d'une demande de clémence, celle-ci se serait poursuivie, de sorte que l'exclusion desdits contrats ne permettrait pas de tenir compte de l'ampleur des pratiques, et notamment de leur vocation à se prolonger ; 879. La même observation peut être faite à l'égard des clients n'ayant fait l'objet d'aucune hausse au cours de la durée de participation de l'entreprise à l'entente. Au surplus, il ne peut être exclu que, sans les pratiques, certains de ces clients, dotés d'un fort pouvoir de négociation, auraient pu obtenir des baisses de tarifs, le contexte de hausse les ayant seulement dissuadés d'exiger une baisse ; 880. Enfin, la cour constate, plus généralement, que l'entente – dont la cour rappelle qu'elle s'est prolongée de campagne tarifaire en campagne tarifaire pendant environ six années – a en tout état de cause créé un contexte favorable aux hausses, chaque entreprise étant confiante dans le fait que ses concurrents chercheraient, comme elle, à obtenir les taux de hausses communiqués en réunion du Conseil de Métiers, et a donc été de nature à influer sur leur taux dans la relation des entreprises participantes avec l'ensemble de leurs clients ; 881. En conclusion, la facilitation des hausses de prix par les pratiques objet du grief n° 2 s'est nécessairement faite sentir sur l'ensemble des ventes réalisées sur le marché de la messagerie classique et express. À tout le moins les requérantes sont-elles impuissantes à rapporter la preuve contraire ; 882. En troisième lieu, le reproche fait par les requérantes à l'Autorité de ne pas avoir écarté de la valeur des ventes, d'une part, les options et frais supplémentaires, d'autre part, la surcharge gazole, y compris lorsqu'ils sont payés au titre de contrats ayant été affectés par l'entente, au motif que leur montant serait déterminé indépendamment des circulaires de hausses tarifaires, n'est pas fondé ; 883. Une telle exigence ne trouve, là encore, aucun fondement dans le communiqué sanctions et dans la pratique de l'Autorité ; 884. En outre, elle n'aboutirait pas seulement à contraindre celle-ci à vérifier, pour chaque contrat, s'il a été réellement affecté par l'entente ou, à l'inverse, s'il peut être exclu qu'il l'ait été, mais irait au-delà encore, en l'obligeant, pour chaque vente de produit ou service appartenant à une catégorie de produits ou services en relation avec l'infraction, à distinguer ceux des éléments constitutifs du prix global de vente qui ont été affectés, qui seuls pourraient entrer dans la valeur des ventes, de ceux qui ne l'ont pas été, qu'il conviendrait d'écarter. Or, pour les raisons déjà exposées aux paragraphes 865 et 866 du présent arrêt, la nécessité de garantir l'efficacité de l'action de l'Autorité, et notamment de ses services d'instruction, ainsi que la prévisibilité et le caractère dissuasif des sanctions qu'elle prononce, s'opposent à un tel degré d'exigence ; 885. En dernier lieu, contrairement à ce que soutiennent les sociétés Alloin Holding, Kuehne+Nagel et Kuehne+Nagel International, le périmètre des ventes retenu pour déterminer le montant de base des sanctions reflète exactement l'ampleur économique de l'infraction ; 886. Plus généralement, la prise en compte, comme assiette des sanctions, de la valeur de l'ensemble des ventes de produits et services en relation avec l'infraction, n'est pas contraire au principe de proportionnalité des peines. Il convient en effet de rappeler, d'une part, qu'aux fins de déterminer le montant de base de la sanction, il est appliqué à la valeur des ventes retenue un coefficient fixé en fonction de la gravité des faits et du dommage causé à l'économie ainsi qu'un coefficient traduisant la durée de la participation individuelle de chaque entreprise à
l'entente, d'autre part, que le montant de base ainsi obtenu peut encore faire l'objet d'une individualisation en fonction des circonstances aggravantes et atténuantes propres à chaque entreprise, et d'ajustements finaux pour tenir compte de ses éventuelles difficultés ; 887. Dès lors, c'est à juste titre, et sans encourir aucun des griefs soulevés par les requérantes, que l'Autorité a retenu, au titre de la valeur des ventes, le chiffre d'affaires lié aux prestations de messagerie et de messagerie express sur le territoire français, déduction faite du chiffre d'affaires réalisé lors de prestations internationales – lesquelles ne sont pas en relation avec l'infraction – ainsi que du chiffre d'affaires réalisé lorsque les entreprises ont agi exclusivement comme soustraitant d'un autre transporteur et du chiffre d'affaires réalisé lors de prestations intragroupe – afin de ne pas prendre deux fois en compte le même chiffre d'affaires ; 888. Les moyens précédemment examinés sont en conséquence rejetés ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE sur la valeur des ventes : 1197. La valeur des ventes de l'ensemble des catégories de produits ou services en relation avec les infractions effectuées par les entreprises en cause, durant leur dernier exercice comptable complet de participation à ces infractions, est retenue comme assiette de leur sanction respective. En effet, comme l'a indiqué l'Autorité dans le communiqué du 16 mai 2011 précité, au paragraphe 23, « Pour donner une traduction chiffrée à son appréciation de la gravité des faits et de l'importance du dommage causé à l'économie, l'Autorité retient, comme montant de base de la sanction pécuniaire, une proportion de la valeur des ventes, réalisées par chaque entreprise ou organisme en cause, de produits ou de services en relation avec l'infraction ou, s'il y a lieu, les infractions en cause . La valeur de ces ventes constitue en effet une référence appropriée et objective pour déterminer le montant de base de la sanction pécuniaire, dans la mesure où elle permet d'en proportionner au cas par cas l'assiette à l'ampleur économique de l'infraction ou des infractions en cause, d'une part, et au poids relatif, sur le(s) secteur(s) ou marché(s) concerné(s), de chaque entreprise ou organisme qui y a participé, d'autre part » (soulignement ajouté) ; 1198. Certes, le code de commerce, en ne se référant pas au chiffre d'affaires lié au secteur ou au marché en cause, mais uniquement au chiffre d'affaires mondial consolidé ou combiné, n'impose pas à l'Autorité de procéder de la sorte (arrêt de la Cour de cassation du 13 mai 1997, Société française de transports Gondrand frères, n° 95-16378). Pour autant, ce paramètre constitue généralement une référence appropriée et objective permettant de proportionner au cas par cas l'assiette de la sanction à la réalité économique de l'infraction en cause, et plus précisément à son ampleur ainsi qu'au poids relatif sur le secteur concerné de chacune des entreprises qui y a participé (voir, en ce sens, arrêt de la cour d'appel de Paris du 11 octobre 2012, Entreprise H. Chevalier Nord e.a., n° 2011/03298, page 72 ; voir également arrêt de la cour d'appel de Paris du 29 mars 2012, Lacroix Signalisation e.a., n° 2011/01228, pages 37 et 38), comme cela ressort aussi de la jurisprudence constante des juridictions de l'Union (arrêts de la Cour de justice du 7 juin 1983, Musique diffusion française/Commission, 100/80, points 119 à 121, du 3 septembre 2009, Papierfabrik August Koehler e.a./Commission, C-322/07 P, C-327/07 P et C-338/07 P, point 114) ; 1199. Dans le présent dossier, les pratiques poursuivies concernaient les prestations de messagerie et de messagerie express domestique sur le territoire français. Il y a donc lieu de retenir le chiffre d'affaires lié à ces activités au titre de la valeur des ventes ; 1200. En l'espèce, les parties ont soutenu que les pratiques convenues par les participants à l'entente n'avaient pas été appliquées à tous les contrats qu'ils avaient conclus avec leurs clients. Elles ont estimé en particulier qu'il conviendrait de déduire de la valeur des ventes plusieurs catégories de clients ou de prestations ; 1201. Toutefois, comme l'a affirmé la Commission européenne dans la décision « Services de déménagements internationaux » (décision de la Commission, du 11 mars 2008, C(2008) 926 final (aff. COMP/38543 – services de déménagements internationaux), considérants 532 et 533), l'emploi de l'expression «de biens ou services en relation avec l'infraction » indique que ce point des lignes directrices ne se réfère pas aux ventes des biens ou services pour lesquels il existe une preuve directe de leur affectation par l'infraction. Elle souligne qu'«une telle interprétation dudit point imposerait d'ailleurs à la Commission, afin de déterminer le montant de base de l'amende dans des affaires de cartel, de prouver à chaque fois quelles ventes individuelles ont été affectées par le cartel, alors que la jurisprudence exclut qu'aux fins de l'application de l'article 81 [CE], les effets concrets d'un accord soient pris en considération, dès lors qu'il apparaît que celui-ci a pour objet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun» ; 1202. Cette décision a été confirmée par un arrêt du Tribunal de l'Union (aff. T- 204/08 et T-212/08, points 60 à 68) qui rappelle qu'« il résulte d'une jurisprudence constante que la part du chiffre d'affaires provenant des marchandises faisant l'objet de l'infraction est de nature à donner une juste indication de l'ampleur d'une infraction sur le marché concerné. En particulier, le chiffre d'affaires réalisé sur les produits ayant fait l'objet d'une pratique
restrictive constitue un élément objectif qui donne une juste mesure de la nocivité de cette pratique pour le jeu normal de la concurrence ». Cette position est également rappelée dans un arrêt de la Cour de Justice LG Display, point 54. Dans cette affaire, la Cour a précisé que la partie du chiffre d'affaires global provenant de la vente des produits qui font l'objet de l'infraction est la mieux à même de refléter l'importance économique de cette infraction (arrêts précités LG Display, point 55 et Guardian Industries et Guardian Europe/Commission, point 59). Ainsi, la Cour de justice a pu estimer que « la possibilité pour la Commission d'inclure dans la valeur des ventes pertinentes aux fins du calcul du montant de l'amende les ventes de LCD cartellisés faites par les requérantes à LGE et à Philips dépend non pas de la question de savoir si ces ventes se faisaient à des prix influencés par l'entente, mais du simple fait que celles-ci étaient réalisées sur un marché affecté par l'existence d'une entente à laquelle les requérantes participaient » (soulignement ajouté) (arrêt précité, point 56) ; 1203. En d'autres termes, seule la valeur des ventes de tous les biens ou les services réalisés sur le marché affecté doit être prise en considération afin de déterminer le montant de base de l'amende. En l'espèce, il y a lieu de retenir, pour la valeur des ventes, et comme le prévoit le point 35 du communiqué sanctions, le chiffre d'affaires réalisé par les entreprises en cause dans la commercialisation des services inclus dans le périmètre de la valeur des ventes, en l'espèce le chiffre d'affaires lié aux prestations de
messagerie ; 1204. Il peut toutefois être déduit de cette valeur des ventes le chiffre d'affaires réalisé lorsque les entreprises agissent exclusivement comme sous-traitant d'un autre transporteur ainsi que le chiffre d'affaires réalisé lors de prestations intragroupe. En effet, ne pas déduire ces deux catégories de prestations reviendrait à prendre en compte deux fois le même chiffre d'affaires des entreprises sous-traitées ou faisant partie d'un même groupe ; 1205. Le chiffre d'affaires réalisé lors de prestations internationales peut également être écarté dans la mesure où l'Autorité ne retient que les ventes réalisées en France (point 34 du communiqué sanctions) ; 1206. Toute autre déduction de la valeur des ventes demandée par les mises en cause, comme le chiffre d'affaires lié aux nouveaux clients, les contrats pluriannuels, le chiffre d'affaires correspondant à des options ou frais supplémentaires, le chiffre d'affaires généré par les clients non destinataires des circulaires, le chiffre d'affaires généré par les petits clients destinataires des circulaires, le chiffre d'affaires généré par les clients n'ayant fait l'objet d'aucune hausse tarifaire pendant l'année, le chiffre d'affaires généré par les clients subissant des hausses plus élevées en raison de la faible rentabilité des contrats, le chiffre d'affaires généré pas les ventes réalisées au comptant, les « commissions » perçues par les transporteurs, le chiffre d'affaires propre à l'affrètement, le chiffre d'affaires généré par les « réseaux dédiés » ne peut être acceptée ; 1207. Selon la méthode développée par le communiqué du 16 mai 2011, la référence retenue par l'Autorité est la valeur des ventes durant le dernier exercice comptable complet de participation de chaque entreprise en cause ; 1208. Dans les cas où elle considère que le dernier exercice comptable complet de participation à l'infraction ne constitue manifestement pas une référence représentative, l'Autorité retient un exercice qu'elle estime plus approprié ; 1209. Eu égard à la participation individuelle des sociétés Alloin, BMVirolle, Chronopost, Exapaq, Dachser, DHL, FedEx, Gefco, Geodis, GLS, Heppner, Lambert et Valette, XP France, Normatrans, Schenker-Joyau, Ziegler, Transports Henri Ducros et TNT à l'infraction, telle que visée par le grief et constatée ci-dessus aux paragraphes 150 à 172, le dernier exercice comptable complet retenu pour déterminer cette valeur des ventes sera l'exercice 2009 ; 1210. L'Autorité retiendra, à l'avantage de l'entreprise, l'année 2009 pour Ciblex. S'agissant de NDD, qui a cessé toute participation à l'infraction en mars 2008, la dernière année comptable complète est 2007 ; 1211. Au vu des considérations qui précèdent, le tableau ci-dessous récapitule les valeurs des ventes servant d'assiette à la sanction individuelle de chacune des entreprises (en euros) (…) ;

1) ALORS QUE les sanctions pécuniaires des pratiques anticoncurrentielles doivent être proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie, à la situation de l'organisme ou de l'entreprise sanctionné ou du groupe auquel l'entreprise appartient et à l'éventuelle réitération des pratiques prohibées ; qu'elles sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction ; que le communiqué de l'Autorité de la concurrence en date du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires, qui constitue une directive au sens administratif du terme, prévoit que le montant de base de la sanction pécuniaire est représenté par une proportion de la valeur des ventes réalisées par chaque entreprise en cause des produits ou services en relation avec l'infraction considérée (pt. 23) ; que le point 33 du communiqué précise que « la référence prise par l'Autorité pour donner une traduction chiffrée à son appréciation de la gravité des faits et de l'importance du dommage causé à l'économie est la valeur de l'ensemble des catégories de produits ou de services en relation avec l'infraction, ou s'il y a lieu avec les infractions, vendues par l'entreprise ou l'organisme concerné durant son dernier exercice comptable complet de participation à celle(s)-ci (…) » ; que ne sont pas « en relation » avec l'infraction, au sens du communiqué précité, les ventes de produits ou services qui n'ont pas été affectées par la pratique anticoncurrentielle en cause ; qu'au cas d'espèce, en retenant que par principe, il n'était pas nécessaire, pour être considérées comme « en relation avec l'infraction » et donc être prises en compte dans la valeur des ventes servant d'assiette au calcul du montant de base de la sanction, que les ventes de produits ou services aient été affectées par l'infraction, la cour d'appel a violé l'article L. 464-2, I du code de commerce, ensemble les points 23 et 33 du communiqué de l'Autorité de la concurrence en date du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires ;

2) ALORS QUE les sanctions pécuniaires des pratiques anticoncurrentielles doivent être proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie, à la situation de l'organisme ou de l'entreprise sanctionné ou du groupe auquel l'entreprise appartient et à l'éventuelle réitération des pratiques prohibées ; qu'elles sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction ; que le communiqué de l'Autorité de la concurrence en date du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires, qui constitue une directive au sens administratif du terme, prévoit que le montant de base de la sanction pécuniaire est représenté par une proportion de la valeur des ventes, qui « constitue en effet une référence appropriée et objective pour déterminer le montant de base de la sanction pécuniaire, dans la mesure où elle permet d'en proportionner au cas par cas l'assiette à l'ampleur économique de l'infraction ou des infractions en cause, d'une part, et au poids relatif, sur le(s) secteur(s) ou marché(s) concerné(s), de chaque entreprise ou organisme qui y a participé, d'autre part » (pt. 23) ; qu'au cas d'espèce, les sociétés Alloin Holding, Kuehne+Nagel Road et Kuehne+Nagel International AG soutenaient que pour refléter correctement l'ampleur économique de l'infraction, devaient être retranchées du périmètre de la valeur des ventes celles réalisées avec des clients qui n'avaient pas été destinataires des circulaires adressées par les entreprises ayant participé à l'entente consécutivement aux concertations annuelles sur les hausses tarifaires (conclusions du 19 janvier 2017, p. 20-21) ; qu'en se bornant à énoncer, pour rejeter le moyen, que « le périmètre des ventes retenu pour déterminer le montant de base des sanctions reflète exactement l'ampleur économique de l'infraction » (§ 885), sans donner aucune explication à l'appui de cette affirmation, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 464-2, I du code de commerce, ensemble le point 23 du communiqué de l'Autorité de la concurrence en date du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires.

DEUXIÈME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté tous les moyens d'annulation ou de réformation soulevés par les sociétés Alloin Holding, Kuehne+Nagel Road et Kuehne+Nagel International AG, et d'AVOIR en conséquence rejeté leur recours, contre la décision n° 15-D-19 de l'Autorité de la concurrence du 15 décembre 2015 qui a notamment infligé, au titre du grief n° 2, une sanction de 31.959.000 € à la société Alloin Holding, dont 12.213.000 € solidairement avec la société Kuehne+Nagel Road et 1.353.000 € solidairement avec la société Kuehne+Nagel International AG ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE sur l'individualisation des sanctions : c) Sur le caractère d'entreprise mono-produit : 1198. Au titre des " autres éléments d'individualisation ", le point 48 du communiqué sanctions précise que le montant de base peut être adapté à la baisse pour tenir compte du fait que " l'entreprise mène l'essentiel de son activité sur le secteur ou marché en
relation avec l'infraction (entreprise 'mono-produit') " ; 1199. La prise en compte du caractère d' " entreprise mono-produit " a pour finalité d'éviter que l'application de la méthode normale de détermination des sanctions aboutisse à des montants disproportionnés ; 1200. Conformément au communiqué sanctions (point 23), le montant de base de la sanction pécuniaire représente une proportion de la valeur des ventes, réalisées par chaque entreprise concernée, de produits ou de services en relation avec l'infraction. Or, pour une entreprise dont la valeur de ces ventes est proche de son chiffre d'affaires, parce que ce dernier est réalisé pour l'essentiel au travers des ventes de produits ou de services en relation avec l'infraction (entreprise mono-produit), la méthode normale de détermination de la sanction peut conduire à lui infliger une sanction représentant un pourcentage très élevé de son chiffre d'affaires ; 1201. Pourtant, le caractère dissuasif d'une sanction s'apprécie davantage au regard du pourcentage du chiffre d'affaires de l'entreprise concernée que représente la sanction qu'au regard du montant de cette sanction ; 1202. Ainsi, la prise en compte du caractère d'entreprise mono-produit, prévu au point 48 du communiqué sanctions, s'analyse comme un exemple de mise en œuvre de la volonté, exprimée par l'Autorité au point 24 du même communiqué, de ne pas accorder une importance disproportionnée à la valeur des ventes par rapport à d'autres éléments à prendre en considération, tel le chiffre d'affaires ; 1203. C'est à la lumière de ces considérations qu'il convient d'apprécier les moyens des parties revendiquant la qualité d'entreprise mono-produit ; ?. Concernant la société Kuehne+Nagel : 1204. Les sociétés Alloin Holding, Kuehne+Nagel et Kuehne+Nagel International font valoir que le caractère d'entreprise mono-produit s'apprécie à l'époque des pratiques ; que l'entreprise Alloin n'a été acquise par le groupe Kuehne+Nagel qu'en janvier 2009, soit trois mois avant la fin des pratiques, lesquelles ont duré quatre ans et cinq mois ; que, dans ces conditions il convenait d'apprécier le caractère d'entreprise mono-produit de la société Alloin Transports, devenue Kuehne+Nagel, au regard de son seul chiffre d'affaires, et non au regard du chiffre d'affaires du groupe Kuehne+Nagel ; qu'il apparaît que le chiffre d'affaires de cette société réalisé dans le secteur d'activité de la messagerie classique et de la messagerie express représentait, en 2009, plus de 85 % de son chiffre d'affaires total ; qu'elle avait donc bien la qualité d'entreprise mono-produit ; 1205. Les requérantes considèrent donc que le refus de l'Autorité de leur accorder à ce titre un abattement d'au moins 70 % de la sanction est discriminatoire et emporte le caractère disproportionné de la sanction prononcée à leur encontre ; 1206. L'Autorité répond que la société Kuehne+Nagel International ayant été sanctionnée en qualité de société mère à laquelle les pratiques de la société Alloin Transports, depuis dénommée Kuehne+Nagel, ont été imputées, les conditions d'une minoration du montant de base de la sanction au titre du caractère mono-produit ne sont pas réunies à son égard dès lors que l'activité du groupe Kuehne+Nagel est diversifiée et que la sanction infligée, d'un montant de 32 millions d'euros, représente moins de 0,2 du chiffre d'affaires de ce groupe ; 1207. Invoquant la jurisprudence nationale (CA Paris, 16 avril 2016, n° RG 2015/01855), le ministre chargé de l'Économie objecte que l'examen du caractère mono-produit d'une entreprise, a fortiori lorsque les pratiques de la filiale sont imputées à la société mère, porte nécessairement sur la proportion entre la part de l'activité concernée par la pratique sanctionnée et l'activité globale du groupe ; qu'en l'espèce, le groupe Kuehne+Nagel n'exerce qu'une part réduite de son activité sur les marchés de la messagerie classique et de la messagerie express en France ; qu'il n'est donc pas une entreprise mono-produit ; 1208. Il ressort de la décision attaquée que, d'une part, pour la période du 30 septembre 2004 au 30 juin 2007, a été retenue la responsabilité de la société Alloin Holding, à la fois en tant que successeur juridique et société mère de la société Transports Alloin, auteur de la pratique pendant cette même période, d'autre part, pour la période du 1er juillet 2007 au 29 septembre 2010, a été retenue la responsabilité de la société Kuehne+Nagel, anciennement dénommée Alloin Transports, en tant qu'auteur de la pratique, ainsi que celle des sociétés Alloin Holding et Kuehne+Nagel International, sociétés mère et grand-mère de la société Kuehne+Nagel, pour la durée pendant laquelle elles ont détenu cette filiale, soit du 1er juillet 2007 au 29 septembre 2010, pour la société Alloin Holding, et du 6 janvier 2009 au 29 septembre 2010, pour la société Kuehne+Nagel International (décision attaquée, § 1047 à 1049 et § 1388). Ni devant l'Autorité ni dans le cadre du présent recours, les requérantes n'ont contesté cette analyse ; 1209. Il s'ensuit que l'" entreprise ", au sens tant de l'article L. 464-2 du code de commerce que du communiqué sanctions, notamment son point 48, a été successivement constituée, du 30 septembre 2004 au 30 juin 2007, de l'entité formée par la société Alloin Transport et sa société mère Alloin Holding, du 1er juillet 2007 au 5 janvier 2009, par l'entité formée de la société Transport Alloin, devenue Kuehne+Nagel, et de sa société mère Alloin Holding et, du 6 janvier 2009 au 29 septembre 2010, de la société Kuehne+Nagel et de ses sociétés mère Alloin Holding et grand-mère Kuehne+Nagel International ; 1210. Il appartenait donc aux requérantes d'établir que ces entités, ou l'une d'entre elles, avait le caractère d'entreprise mono-produit ; 1211. Force est de constater qu'elles ne soutiennent pas, et a fortiori ne démontrent pas, que tel aurait été le cas. À cet égard, la circonstance, à la supposer établie, que la société Kuehne+Nagel, considérée isolément, a le caractère d'entreprise mono-produit ne suffit pas à rapporter cette preuve ; 1212. La demande de réduction formée à ce titre doit donc être rejetée ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE 1047. Jusqu'en juin 2007, Transports Alloin SAS était en charge au sein du groupe Alloin des activités de messagerie. Elle a ensuite été absorbée par la société Alloin Holding SAS. Le 6 janvier 2009, la société Alloin Holding SAS a été elle-même rachetée par le groupe Kuehne+Nagel. Depuis le 1er janvier 2013, la société du groupe en charge de la messagerie est désormais la société Kuehne+Nagel Road SAS ; 1048. Au vu de ces éléments, pour la pratique relative à la " surcharge gazole " antérieure à 2007, il convient de retenir la responsabilité de la société Alloin Holding SAS, en tant que successeur juridique de Transports Alloin SAS, auteur de la pratique, et également en tant que société mère détentrice à 100 % du capital Transports Alloin SAS à l'époque des faits, ce qui n'est pas contesté par les intéressées ; 1049. Pour la pratique relative aux hausses tarifaires, il convient de retenir la responsabilité de la société Alloin Holding SAS, en tant que successeur juridique de Transports Alloin SAS, auteur de la pratique, jusqu'au 30 juin 2007, et celle de la SAS Kuehne+Nagel Road, anciennement dénommée Alloin Transports SAS, en tant qu'auteur de la pratique à compter du 1er juillet 2007, ce qui n'est pas contesté par les intéressées ; (…) 1388. Les sociétés mères Kuehne+Nagel Road, Kuehne+Nagel International AG, l'EPIC SNCF, La Poste, Royal Mail, et Norbert Dentressangle seront tenues solidairement responsables du paiement uniquement pour la durée pendant laquelle elles ont détenu leurs filiales respectives pendant les pratiques ;

1) ALORS QUE le juge doit respecter l'objet du litige tel qu'il est exprimé par les prétentions des parties exposées dans leurs conclusions des parties ; qu'au cas d'espèce, les sociétés Alloin Holding, Kuehne+Nagel Road et Kuehne+Nagel International AD faisaient valoir, données chiffrées à l'appui, qu'à l'époque des faits, elles étaient des entreprises " mono-produit " dès lors qu'entre 2004 et 2009, le chiffre d'affaires réalisé dans le secteur de la messagerie nationale représentait une part de 76 % à 85 % du chiffre d'affaires consolidé du groupe et que ce n'est que pendant une période de 65 jours, par rapport à une durée totale de participation à l'infraction de 1624 jours (soit 4 % de la période), que le caractère " mono-produit " de l'activité n'était plus vérifié (conclusions du 19 janvier 2017, p. 26-28) ; qu'en affirmant qu' " il appartenait donc aux requérantes d'établir que ces entités, ou l'une d'entre elles, avait le caractère d'entreprise mono-produit " et que " force est de constater qu'elles ne soutiennent pas, et a fortiori ne démontrent pas, que tel aurait été le cas " (§ 1210 et 1211), la cour d'appel, qui a méconnu l'objet du litige, a violé l'article 4 du code de procédure civile ;

2) ALORS, subsidiairement, QUE les sanctions pécuniaires des pratiques anticoncurrentielles doivent être proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie, à la situation de l'organisme ou de l'entreprise sanctionné ou du groupe auquel l'entreprise appartient et à l'éventuelle réitération des pratiques prohibées ; qu'elles sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction ; que le communiqué de l'Autorité de la concurrence en date du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires, qui constitue une directive au sens administratif du terme, prévoit que le montant de base de la sanction pécuniaire est représenté par une proportion de la valeur des ventes qui " constitue en effet une référence appropriée et objective pour déterminer le montant de base de la sanction pécuniaire, dans la mesure où elle permet d'en proportionner au cas par cas l'assiette à l'ampleur économique de l'infraction ou des infractions en cause, d'une part, et au poids relatif, sur le(s) secteur(s) ou marché(s) concerné(s), de chaque entreprise ou organisme qui y a participé, d'autre part " (pt. 23) ; que les points 47 et 48 du communiqué précisent toutefois que " l'Autorité peut ensuite adapter, à la baisse ou à la hausse, le montant de base en considération d'autres éléments objectifs propres à la situation de l'entreprise ou de l'organisme concerné " et qu' " en particulier, elle peut l'adapter à la baisse pour tenir compte du fait que : - l'entreprise concernée mène l'essentiel de son activité sur le secteur ou marché en relation avec l'infraction (entreprise " mono-produit ") " ; qu'en cas de succession d'entités auxquelles est imputée la pratique anticoncurrentielle, à supposer que la notion d'" entreprise concernée " doive s'entendre de l'ensemble de ces entités, le caractère " mono-produit " de l'entreprise doit être apprécié à la date des faits sanctionnés ; qu'au cas d'espèce, en s'abstenant de rechercher, comme elle y était invitée (conclusions du 19 janvier 2017, p. 25-28), si la circonstance que l'" entreprise " constituée par les sociétés Alloin/Kuehne+Nagel ait réalisé entre 76 % et 85 % de son chiffre d'affaires dans le secteur de la messagerie nationale entre 2004 et 2009, et ce pendant une période de 1559 jours sur les 1624 jours qu'avait duré l'infraction, ne révélait pas qu'elle pouvait revendiquer la qualité d'entreprise " mono-produit ", et donc bénéficier de la faculté que soit adapté à la baisse le montant de base de la sanction, la cour d'appel n'a en toute hypothèse pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 464-2, I du code de commerce, ensemble les points 23, 47 et 48 du communiqué de l'Autorité de la concurrence en date du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires, ensemble les principes de proportionnalité et d'individualisation de la sanction.

TROISIÈME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté tous les moyens d'annulation ou de réformation soulevés par les sociétés Alloin Holding, Kuehne+Nagel Road et Kuehne+Nagel International AG, et d'AVOIR en conséquence rejeté leur recours, contre la décision n° 15-D-19 de l'Autorité de la concurrence du 15 décembre 2015 qui a notamment infligé, au titre du grief n° 2, une sanction de 31.959.000 € à la société Alloin Holding, dont 12.213.000 € solidairement avec la société Kuehne+Nagel Road et 1.353.000 € solidairement avec la société Kuehne+Nagel International AG ;



AUX MOTIFS PROPRES QUE sur les ajustements finaux : a) Sur la vérification du respect du maximum légal : 1232. Les sociétés Alloin Holding, Kuehne+Nagel et Kuehne+Nagel International reprochent à l'Autorité d'avoir apprécié le respect du plafond légal par rapport au chiffre d'affaires mondial du groupe Kuehne+Nagel, alors même que le groupe Alloin n'a été acquis par ce dernier que trois mois avant la fin des pratiques ; 1233. Selon elles, à l'instar de ce qu'elle a fait au stade de l'imputation des pratiques, l'Autorité aurait dû prendre en compte le chiffre d'affaires de la société Alloin Holding, société mère de la société Alloin Transport, auteur des pratiques, pour apprécier le respect du plafond légal par la sanction infligée au titre de la période antérieure au 6 janvier 2009, date du rachat du groupe Alloin par le groupe Kuehne+Nagel ; 1234. Les requérantes font valoir, d'une part, que, dans son arrêt du 4 septembre 2014, YKK e.a./Commission (C-408/12 P, points 55 à 68), la Cour de justice a jugé qu'en cas d'acquisition d'une entreprise au cours de sa participation à une entente, la Commission doit appliquer deux maximums légaux : un premier pour la période antérieure à l'acquisition, correspondant à 10 % de chiffre d'affaires mondial du groupe auquel appartenait alors l'entreprise acquise, un second pour la période postérieure à l'acquisition, correspondant au chiffre d'affaires mondial du groupe acquéreur ; 1235. Elles invitent la cour à interpréter dans le même sens les dispositions de droit national, nonobstant le principe d'autonomie procédurale en matière de fixation des sanctions. Selon elles, en effet, adopter une solution différente porterait préjudice à l'efficacité de l'application du droit de l'Union et mettrait en péril la cohérence des politiques de concurrence au sein de l'Union européenne ; 1236. D'autre part, les requérantes soutiennent que la décision n° 2015-489 QPC du 14 octobre 2015 du Conseil constitutionnel, qui a jugé l'article L. 464-2 du code de commerce conforme à la Constitution, vient au soutien de l'interprétation qu'elles défendent ; 1237. Elles ajoutent que l'approche retenue par l'Autorité, qui dissocie les règles applicables à l'imputabilité et au maximum légal, aboutit à la violation du principe de proportionnalité, principe de valeur constitutionnelle et conventionnelle, obligeant à écarter toute norme contraire, ainsi que des principes de la responsabilité personnelle et d'individualisation des sanctions ; 1238. En conséquence, les requérantes invitent la cour à réduire le montant intermédiaire de la sanction à 17 804 192 euros, compte tenu du plafond légal de 14 727 663 euros (correspondant à 5 % du chiffre d'affaires consolidé de la société Alloin Holding en 2008) applicable à la partie de la sanction correspondant à la période de commission des pratiques antérieures au 6 janvier 2009 ; 1239. L'Autorité rappelle, d'abord, que chaque État membre de l'Union jouit d'une autonomie procédurale en matière de droit de la concurrence, englobant la détermination des sanctions ; 1240. Elle relève, ensuite, que les dispositions de L. 464-2 du code de commerce, qui précisent le mode de calcul de la sanction, et celles de l'article 23, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil du 16 décembre 2002 relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité, sont rédigées différemment, ce qui suffit à expliquer que la détermination du plafond légal de la sanction ne soit pas la même en droit national et en droit de l'Union ; 1241. Enfin, elle fait valoir que, dans sa décision n° 2015-489 QPC, précitée, le Conseil constitutionnel a validé l'interprétation de l'article L. 464-2 du code de commerce qu'elle a retenue dans la décision attaquée ; 1242. Le ministre chargé de l'Économie considère que la solution retenue par la Cour de justice dans son arrêt YKK e.a./Commission, précité, est en parfaite convergence avec la jurisprudence récente de la présente cour qui, dans un arrêt récent (CA Paris, 28 mai 2015, n° RG 2014/09272), a retenu comme plafond de la sanction le chiffre d'affaires réalisé par les seules sociétés sanctionnées, et non celui du groupe auquel elles appartenaient et dont la responsabilité avait été écartée ; 1243. Il s'en remet à la sagesse de la cour ; 1244. À titre liminaire, l'Autorité relève que, si les sociétés Alloin Holding, Kuehne+Nagel et Kuehne+Nagel International reprochent à l'Autorité de ne pas avoir suffisamment motivé son analyse du respect du plafond légal par la sanction qui leur a été infligée, elles n'en tirent aucune conséquence de droit ; 1245. L'article L. 464-2 I quatrième alinéa du code de commerce, dans sa version issue de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques (ci-après la " loi NRE "), dispose : " Si le contrevenant n'est pas une entreprise, le montant maximum de la sanction est de 3 millions d'euros. Le montant maximum de la sanction est, pour une entreprise, de 10 % du montant du chiffre d'affaires mondial hors taxes le plus élevé réalisé au cours d'un des exercices clos depuis l'exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre. Si les comptes de l'entreprise concernée ont été consolidés ou combinés en vertu des textes applicables à sa forme sociale, le chiffre d'affaires pris en compte est celui figurant dans les comptes consolidés ou combinés de l'entreprise consolidante ou combinante" ; 1246. Par ailleurs, le III de l'article L. 464-2 du code de commerce dispose qu'en cas de non-contestation de grief " le montant maximum de la sanction encourue est réduit de moitié " ; 1247. La cour rappelle, en premier lieu, que, dans son ordonnance du 28 juin 2008, Italsempione - Spedizioni Internazionali, (C-450/15, points 17 et 18), la Cour de justice a jugé qu'en ce qui concerne les amendes infligées aux entreprises ou aux associations d'entreprises pour infraction aux règles de concurrence de l'Union, l'article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 prévoit des règles uniquement pour des situations dans lesquelles de telles amendes sont imposées par la Commission, et rappelé qu'aux termes de l'article 5 du même règlement, les autorités de la concurrence des États membres infligent des amendes selon leur droit national ; 1248. Ainsi, le calcul de la sanction doit être effectué en application des seules règles de droit national, plus précisément l'article L. 464-2 du code de commerce ; 1249. La référence à l'arrêt YKK e.a./Commission, précité, dans lequel la Cour de justice se borne à interpréter l'article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003, est donc dépourvue de pertinence ; 1250. En deuxième lieu, il résulte tant des travaux parlementaires que du libellé de l'article L. 464-2 I quatrième alinéa, du code de commerce que, si la loi NRE a cherché à éviter la fraude consistant à vider l'entreprise auteure des pratiques afin de réduire le chiffre d'affaires servant de base au plafond de la sanction et s'assurer ainsi que la sanction sera faible, voire dérisoire, elle a une autre finalité, plus générale, qui est d'inciter l'Autorité à, et lui donner les moyens de, rehausser le niveau des sanctions prononcées ; 1251. Ce second objectif, qui doit être poursuivi en dehors de toute hypothèse de fraude, est notamment atteint par le doublement du plafond (10 % du chiffre d'affaires et non plus 5 %), par la prise en compte du chiffre d'affaires mondial (et non plus national) et, en cas de consolidation des comptes, par la prise en compte du chiffre d'affaires de l'entreprise consolidante ; 1252. Dès lors, tant le rehaussement du plafond de 5 à 10 % que la prise en compte du chiffre d'affaires mondial de l'entreprise consolidante dans le calcul du plafond légal doivent s'appliquer aussitôt que les comptes de l'entreprise auteure des pratiques anticoncurrentielles sont consolidés ; 1253. En troisième lieu, il résulte de la dernière phrase de l'article L. 464-2 I quatrième alinéa du code de commerce que, lorsque les comptes de l'entreprise concernée ont été consolidés ou combinés en vertu des textes applicables à sa forme sociale, le chiffre d'affaires pris en compte pour le calcul du plafond légal est celui figurant dans les comptes consolidés ou combinés de l'entreprise consolidante ou combinante ; 1254. À cet égard, premièrement, la prise en compte du chiffre d'affaires figurant dans les comptes consolidés ou combinés de l'entreprise consolidante ou combinante n'est pas subordonnée au constat que cette dernière a exercé une influence déterminante sur le comportement de l'entreprise sanctionnée. Le plafond légal sera donc calculé par rapport à ce chiffre d'affaires, même lorsque l'entreprise sanctionnée a agi de façon autonome et que la pratique n'a donc pas été imputée à sa société mère ni, a fortiori, à la société faîtière du groupe auquel elle appartient ; 1255. Deuxièmement, la prise en compte du chiffre d'affaires figurant dans les comptes consolidés ou combinés de l'entreprise consolidante ou combinante n'est pas davantage subordonnée, par l'article L. 464-2 I quatrième alinéa du code de commerce, au constat préalable que l'appartenance de l'entreprise sanctionnée à un groupe a joué un rôle dans la mise en œuvre des pratiques anticoncurrentielles ou est de nature à influer sur l'appréciation de leur gravité, de sorte que ledit chiffre d'affaires doit servir de base au calcul du plafond légal, que la sanction ait ou non été majorée en raison de l'appartenance de l'entreprise sanctionnée à un groupe ; 1256. Troisièmement, ladite disposition n'exige pas que l'entreprise sanctionnée ait été, au moment des pratiques anticoncurrentielles, filiale de l'entreprise consolidante ou combinante, seul important le fait que ses comptes ont été consolidés ou combinés au titre de l'exercice au cours duquel a été réalisé le chiffre d'affaires retenu pour le calcul du plafond légal ; 1257. En dernier lieu, dans sa décision n° 2015-489 QPC du 14 octobre 2015 (considérants 9 à 22), le Conseil constitutionnel a dit que les deuxième et troisième phrases du quatrième alinéa de l'article L. 464-2 I du code de commerce ne méconnaissent ni les principes de nécessité et de proportionnalité des peines, ni le principe selon lequel nul n'est punissable que de son propre fait, ni le principe d'individualisation des peines ; 1258. Il convient, notamment, de souligner que le Conseil constitutionnel a statué en ce sens alors même que l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité faisait valoir devant lui que, " dans la mesure où [l]es dispositions [de l'article L. 464-2 I du code de commerce] permettent de prendre en considération le chiffre d'affaires consolidé d'un groupe alors même qu'il est étranger à l'infraction commise par l'entreprise, soit qu'aucune autre entreprise de ce groupe n'a contribué à l'infraction, soit que l'entreprise ayant commis l'infraction a intégré le groupe postérieurement à la commission de celle-ci, elles méconnaîtraient également les principes d'individualisation et de personnalité des peines " (décision n° 2015-489 QPC, considérant 11) ; 1259. Ainsi, aucun principe ne s'oppose à ce que le maximum légal soit calculé par référence au chiffre d'affaires mondial consolidé hors taxe du groupe Kuehne+Nagel, y compris pour la partie de la sanction correspondant à la participation à la pratique antérieurement au 6 janvier 2009, date d'acquisition par ce groupe du groupe Alloin ; 1260. L'ensemble des arguments des sociétés Alloin Holding, Kuehne+Nagel et Kuehne+Nagel International seront rejetés ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE 1047. Jusqu'en juin 2007, Transports Alloin SAS était en charge au sein du groupe Alloin des activités de messagerie. Elle a ensuite été absorbée par la société Alloin Holding SAS. Le 6 janvier 2009, la société Alloin Holding SAS a été elle-même rachetée par le groupe Kuehne+Nagel. Depuis le 1er janvier 2013, la société du groupe en charge de la messagerie est désormais la société Kuehne+Nagel Road SAS ; 1048. Au vu de ces éléments, pour la pratique relative à la " surcharge gazole " antérieure à 2007, il convient de retenir la responsabilité de la société Alloin Holding SAS, en tant que successeur juridique de Transports Alloin SAS, auteur de la pratique, et également en tant que société mère détentrice à 100 % du capital Transports Alloin SAS à l'époque des faits, ce qui n'est pas contesté par les intéressées ; 1049. Pour la pratique relative aux hausses tarifaires, il convient de retenir la responsabilité de la société Alloin Holding SAS, en tant que successeur juridique de Transports Alloin SAS, auteur de la pratique, jusqu'au 30 juin 2007, et celle de la SAS Kuehne+Nagel Road, anciennement dénommée Alloin Transports SAS, en tant qu'auteur de la pratique à compter du 1er juillet 2007, ce qui n'est pas contesté par les intéressées ; (…) 1388. Les sociétés mères Kuehne+Nagel Road, Kuehne+Nagel International AG, l'EPIC SNCF, La Poste, Royal Mail, et Norbert Dentressangle seront tenues solidairement responsables du paiement uniquement pour la durée pendant laquelle elles ont détenu leurs filiales respectives pendant les pratiques ;

1) ALORS QUE les sanctions pécuniaires des pratiques anticoncurrentielles doivent être proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie, à la situation de l'organisme ou de l'entreprise sanctionné ou du groupe auquel l'entreprise appartient et à l'éventuelle réitération des pratiques prohibées ; qu'elles sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction ; que le montant maximum de la sanction est, pour une entreprise, de 10 % du montant du chiffre d'affaires mondial hors taxes le plus élevé réalisé au cours d'un des exercices clos depuis l'exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre, sachant que si les comptes de l'entreprise concernée ont été consolidés, le chiffre d'affaires pris en compte est celui figurant dans les comptes consolidés ; qu'il appartient au juge d'apprécier si, concrètement, dans l'affaire qui lui est soumise, la mise en œuvre des règles légales respecte le principe de proportionnalité, notamment au regard du droit au respect des biens, et le principe d'individualisation des sanctions, en contemplation du but poursuivi par la loi et en vérifiant si un juste équilibre est ménagé entre les intérêts publics et privés concurrents en jeu ; qu'au cas d'espèce, en se bornant à considérer, de manière abstraite, que la prise en considération, pour fixer l'assiette de la sanction, du chiffre d'affaires global du groupe auquel appartient l'entreprise à laquelle est imputée la pratique anticoncurrentielle, sans qu'importe le point de savoir si cette entreprise appartenait ou non au groupe au moment des faits, non plus que la durée de cette appartenance, était justifiée dès lors que l'article L. 464-2, I du code de commerce poursuivait un but légitime (effet dissuasif de la sanction et prévention de toute tentative de s'y soustraire frauduleusement par manipulation comptable au sein du groupe) et qu'il avait été jugé conforme aux principes constitutionnels d'individualisation et de proportionnalité des peines par le Conseil constitutionnel, quand il lui appartenait de procéder à un contrôle concret de l'individualisation et de la proportionnalité de la sanction au regard de la situation particulière des sociétés du groupe Kuehne+Nagel, spécialement en tant que l'entreprise auteur de l'infraction n'en avait fait partie que durant une infime période (du 1er janvier au 6 mars 2009 puis du 16 au 29 septembre 2010) relativement à la durée totale de l'infraction (du 30 septembre 2004 au 29 septembre 2010), la cour d'appel, qui a commis une erreur méthodologique de principe quant à son office, a violé l'article L. 464-2, I du code de commerce, ensemble les principes d'individualisation et de proportionnalité des sanctions, ensemble les articles 1er du Protocole additionnel n° 1 à la Convention européennes de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 49.3 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

2) ALORS, en tout cas, QU'en s'abstenant de rechercher si, dans les circonstances particulières précitées, l'infliction aux sociétés du groupe Kuehne+Nagel d'une sanction calculée à partir du chiffre d'affaires global du groupe ne méconnaissait pas les principes d'individualisation et de proportionnalité de la sanction mis en œuvre de manière concrète, notamment au regard du droit au respect des biens, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 464-2, I du code de commerce, ensemble les principes d'individualisation et de proportionnalité des sanctions, ensemble les articles 1er du Protocole additionnel n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 49.3 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Moyens produits au pourvoi n° R 18-21.591 par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour les sociétés Gefco et Peugeot.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

- sur la détermination de l'assiette de calcul de la sanction pécuniaire infligée au titre du grief n°2 -

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté les moyens d'annulation et de réformation de la décision N° 15-D-19 présentés par les sociétés Gefco et Peugeot.

AUX MOTIFS PROPRES QUE : « Il convient, à titre liminaire, d'écarter la demande d'annulation de la décision attaquée pour défaut de motivation présentée par plusieurs requérantes.

854.L'obligation de motivation à laquelle l'Autorité est soumise dans le prononcé de ses décisions impose un énoncé des considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement et permettent aux parties mises en cause de comprendre la nature de l'infraction retenue, et à la juridiction de recours d'en contrôler la légalité. Elle ne comporte pas, en revanche, l'obligation de répondre à l'intégralité des arguments invoqués, que les parties pourront, si elles les estiment opérants et nécessaires à leur défense, soumettre à la cour au soutien de leur recours de pleine juridiction.

855.En l'espèce, en expliquant, aux paragraphes 1201 à 1203 de la décision attaquée, pourquoi elle considérait devoir prendre en compte le chiffre d'affaires lié aux prestations de messagerie commercialisées en France, sans autres déductions que le chiffre d'affaires réalisé en sous-traitance et celui réalisé lors de prestations intragroupe — déductions uniquement justifiées par le souci de ne pas prendre deux fois en compte le même chiffre d'affaires —, l'Autorité, qui a permis aux requérantes de comprendre les raisons de sa décision et de les contester, a motivé à suffisance de droit son refus des exclusions supplémentaires de chiffre d'affaires qu'elles réclamaient.

856.En premier lieu, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, il ne découle ni du communiqué sanctions ni de la pratique décisionnelle antérieure de l'Autorité que les ventes de produits ou services devraient être « affectées » par l'infraction pour que leur valeur soit prise en compte pour le calcul du montant de base de la sanction.

857.D'une part, le point 23 du communiqué sanctions est ainsi libellé : « Pour donner une traduction chiffrée à son appréciation de la gravité des laits et de l'importance du dommage causé à l'économie, l'Autorité retient, comme montant de base de la sanction pécuniaire, une proportion de la valeur des ventes, réalisées par chaque entreprise ou organisme en cause, de produits ou de services en relation avec l'infraction ou, s 'il y a lieu, les infractions en cause (2). La valeur de ces ventes constitue en effet une référence appropriée et objective pour déterminer le montant de base de la sanction pécuniaire, dans la mesure où elle permet d'en proportionner au cas par cas l'assiette à l'ampleur économique de l'infraction ou des infractions en cause, d'une part, et au poids relatif, sur les secteurs ou marché(s) concerné(s), de chaque entreprise ou organisme qui y a participé, d'autre part. Elle est donc retenue par l'Autorité, à l'instar d'autres autorités de concurrence européennes, de préférence au chiffre d'affaires total de chaque entreprise ou organisme en cause, qui peut ne pas être en rapport avec l'ampleur de ces infractions et le poids relatif de chaque participant sur le(s) secteur(s) ou marché(s) concerné(s). »
(souligné par la cour).

Le point 33 du communiqué sanctions précise : « 33. La référence prise par l'Autorité pour donner une traduction chiffrée à son appréciation de la gravité des faits et de l'importance du dommage causé à l'économie est la valeur de l'ensemble des catégories de produits ou de services en relation avec l'infraction, ou s'il y a lieu avec les infractions, vendues par l'entreprise ou l'organisme concerné durant son dernier exercice comptable complet de participation à celle(s)-ci La qualification de l'infraction ou des infractions effectuée par l'Autorité, au regard de leur objet ou de leurs effets anticoncurrentiels, détermine ces catégories de produits ou de services. » (souligné par la cour).

859. Il ressort de ces points du communiqué sanctions que, dès l'instant où une catégorie de produits ou de services est « en relation avec l'infraction », la valeur des ventes de cette catégorie de produits ou de services doit être prise en compte. Ainsi que le précise le point 33 du communiqué sanctions, c'est la qualification de l'infraction, effectuée au regard de son objet ou de ses effets, qui permet de déterminer les catégories de produits ou de services en relation avec cette infraction. Il n'est, en revanche, fait aucune référence à une nécessaire affectation des ventes de ces catégories de produits ou services par l'infraction pour pouvoir prendre en compte leur valeur.

860.D'autre part, dans plusieurs décisions, l'Autorité a, comme le soulignent les requérantes, effectivement écarté de la valeur des ventes prise en compte aux fins du calcul du montant de base de la sanction, les ventes de certaines catégories de produits réalisées sur le marché pertinent — c'est-à-dire le marché défini par l'Autorité préalablement à l'examen des pratiques, afin qu'il lui serve de cadre d'analyse — au motif que ces catégories de produits n'étaient pas en relation avec l'infraction :

dans sa décision n° 12-D-09 du 13 mars 2012 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur des farines alimentaires, après avoir défini le marché pertinent comme « celui de la commercialisation de farine de blé tendre en sachets à destination du grand public en France »), elle a uniquement pris en compte la valeur des ventes de farine en sachet « aux seules enseignes du hard discount en France » (§ 890) ;

dans sa décision n° 13-D-03 du 13 février 2013 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur du porc charcutier, après avoir défini le marché pertinent comme « celui de la vente de viande de porc à destination des enseignes de la grande distribution en France » (§ 224), l'Autorité a pris en compte la valeur des seules ventes «réalisées [...] auprès des magasins de l'enseigne Auchan » (§ 431) ;

dans sa décision n° 15-D-04 du 26 mars 2015 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur de la boulangerie artisanale, après avoir défini « le marché concerné par les pratiques (...] comme celui de la commercialisation aux boulangeries artisanales de la farine de blé tendre livrée en vrac ou en conditionnement de plus de kg et des mixes destinés à la production de viennoiserie ou autre pâtisserie vendue en boulangeries à destination d'une consommation effectuée principalement en France» (§ 284), l'Autorité a finalement exclu de la valeur des ventes prise en compte « les mixes destinés à la production de viennoiseries ou de pâtisseries » (§ 367).

861.Mais, par ces décisions, l'Autorité a, en identifiant les catégories de produits ou de services en relation avec l'infraction au regard de l'objet ou des effets anticoncurrentiels des pratiques analysées, procédé de fait à une délimitation du marché concerné par l'entente, qui s'est trouvée être, dans ces trois espèces, plus étroit que le marché pertinent initialement défini. Une fois délimité le marché sur lequel l'entente se déployait, l'Autorité a bien retenu la valeur de l'ensemble des ventes des produits et services réalisées sur ce marché, sans vérifier si ces ventes avaient ou non été affectées par l'entente.

862.Lesdites décisions peuvent d'ailleurs être rapprochées des décisions dans lesquelles l'Autorité ayant été en mesure de définir finement le marché pertinent par référence à une catégorie de produits et/ou de clients, a constaté, à l'issue de son analyse des pratiques, que ce marché était bien celui concerné par l'entente et retenu pour assiette de la sanction l'ensemble des ventes réalisées sur ledit marché (décision n° 12-D-24 du 13 décembre 2012 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur de la téléphonie mobile à destination de la clientèle résidentielle en France métropolitaine, § 373 ; décision n° 13-D-12 du 28 mai 2013 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur de la commercialisation de commodités chimiques, § 586 et 587 ; décision n° 15-D-17 du 30 novembre 2015 relative à des pratiques mises en oeuvre sur le marché de la téléphonie mobile à destination de la clientèle non résidentielle à La Réunion et à Mayotte, § 24 et 84).

863.Ainsi, il ne ressort pas de la pratique décisionnelle de l'Autorité que celle-ci aurait renoncé à prendre en compte la valeur des ventes de produits ou services dont elle aurait constaté qu'ils étaient en relation avec l'infraction, au motif que ces ventes n'avaient pas été affectées par l'infraction.

864.Le choix fait par l'Autorité, tant dans sa pratique décisionnelle que dans son communiqué sanctions, de ne pas prendre en compte le critère de l'affectation des ventes par l'infraction, apparaît justifié.

865.En effet, outre que l'exigence de proportionnalité ne l'impose pas, l'obligation de mettre un tel critère en oeuvre contraindrait l'Autorité, non certes pas à démontrer, pour chaque catégorie de produits ou services, que leurs ventes ont été réellement affectées par l'entente — les requérantes admettant le bien-fondé d'une présomption simple d'« affectation »—, mais à vérifier l'affirmation des entreprises incriminées selon laquelle les ventes de certaines catégories de produits ou services n'ont pas pu être affectées. Or une telle exigence, en obligeant les services d'enquête de l'Autorité à consacrer un temps important à de telles vérifications, limiterait très sensiblement l'efficacité de son action. A cet égard, la présente affaire illustre parfaitement les dérives qu'entraînerait l'approche défendue par les requérantes : sous couvert de catégories de prestations, celles-ci en arrivent en effet à réclamer la déduction d'une partie du chiffre d'affaires décomposé contrat individuel par contrat individuel.

866. Surtout, ladite obligation priverait largement d'effet dissuasif les sanctions que prononce l'Autorité, puisque chaque entreprise pourrait espérer, en cas de poursuites, voir sa sanction calculée sur la base d'un chiffre d'affaires très inférieur à celui qu'elle réalise sur le marché sur lequel se déroule l'entente. À l'inverse, l'approche retenue par l'Autorité est plus conforme à l'exigence de prévisibilité de la sanction, et donc à son caractère dissuasif, toute entreprise se livrant à des pratiques anticoncurrentielles sur un marché donné étant d'emblée en mesure de savoir que la sanction qu'elle encourt sera, en principe, calculée sur la totalité du chiffre d'affaires qu'elle réalise sur ledit marché.

867.Enfin, si, conformément au principe d'autonomie procédurale, l'Autorité n'est pas liée par les règles de droit de la concurrence de l'Union relatives au calcul des sanctions, la cour juge opportun de souligner que la détermination de la valeur des ventes est arrêtée de la même façon au niveau européen. C'est ainsi que, dans son arrêt LG Display et LG Display Taiwan/Commission, précité, la Cour de justice a approuvé, dans les termes suivants, le Tribunal d'avoir retenu l'ensemble des ventes réalisées sur le marché concerné par l'infraction :

En l'espèce, le Tribunal a donc jugé à bon droit, au point 97 de l'arrêt attaqué, que la possibilité pour la Commission d'inclure dans la valeur des ventes pertinentes aux fins du calcul du montant de l'amende les ventes de LCD cartellisés faites par les requérantes à LGE et à Philips dépend non pas de la question de savoir si ces ventes se faisaient à des prix influencés par l'entente, mais du simple fait que celles-ci étaient réalisées sur un marché affecté par l'existence d'une entente à laquelle les requérantes participaient

En conséquence, ayant constaté, au point 69 de l'arrêt attaqué, dans le cadre de son appréciation souveraine des faits, sans que les requérantes invoquent la moindre dénaturation, que les ventes de LCD cartellisés effectuées par ces dernières à LGE et à Philips ont été réalisées sur le marché concerné par l'infraction, c'est sans commettre d'erreur de droit que le Tribunal a estimé, aux points 71 et 72 de cet arrêt, que la Commission était en droit de tenir compte desdites ventes pour calculer le montant de l'amende à leur infliger, sans qu'il importe de savoir si LGE et Philips leur ont effectivement payé des prix majorés en raison de l'entente et si elles ont répercuté cette éventuelle majoration sur le prix des produits finis intégrant les LCD cartellisés qu'elles ont vendus aux consommateurs dans l'EEE.

59. Dans ces conditions, le Tribunal n'était tenu ni de préciser les raisons pour lesquelles les ventes desdits LCD réalisées par LGD auprès de LGE et de Philips, en dépit des clauses contractuelles liant LGD à ces dernières dans le cadre de leur accord d'entreprise commune, auraient pu fausser la concurrence sur le marché pertinent, ni d'examiner les preuves fournies par les requérantes à cette fin.

Contrairement à ce que font valoir les requérantes, le Tribunal n'a, ce faisant, nullement fait prévaloir une présomption irréfragable selon laquelle toutes les ventes réalisées sur le marché pertinent ont été affectées par l'infraction en cause. En revanche, le Tribunal a considéré, par une motivation qui, ainsi qu'il résulte des points 48 à 59 du présent arrêt, n'est entachée d'aucune erreur de droit, que, même en l'absence de toute preuve que les ventes des LCD cartellisés par les requérantes à leurs sociétés mères ont été affectées par cette infraction, ces ventes peuvent néanmoins être prises en compte aux fins du calcul du montant de l'amende à infliger aux requérantes, dès lors qu'elles ont été réalisées sur le marché concerné par l'infraction. [...] » (souligné par la cour).

868. Il s'ensuit que, à supposer établi par l'Autorité que l'ensemble des prestations de messagerie classique et express sont en relation avec le grief n° 2, c'est en vain que les requérantes cherchent à démontrer que telle ou telle catégorie de contrats n'a pas pu être affectée par l'entente, puisque, même à supposer cette preuve rapportée, un tel critère est inopérant.

869.En deuxième lieu, c'est à juste titre que l'Autorité a constaté que l'ensemble des prestations de messagerie classique et express réalisées sur le marché français étaient en relation avec le grief n° 2.

870.À cet égard, il y a lieu de constater qu'une différence fondamentale distingue la présente espèce des décisions de l'Autorité, citées au paragraphe 860 du présent arrêt, dans lesquelles le marché affecté a été délimité par référence à une catégorie de clients. Dans les cas évoqués, l'entente avait été cantonnée par les participants eux-mêmes à la relation entre ces derniers et tel client ou telle catégorie de clients.

871.Rien de tel en l'espèce, où les informations échangées concernaient un aspect de la politique tarifaire générale qu'entendaient suivre les entreprises participantes - le taux de hausse qu'elles souhaitaient obtenir -, sans distinction selon la nature des services ou selon les caractéristiques des clients. Notamment, ce n'est pas parce qu'elles n'envoyaient pas leurs circulaires de hausse tarifaire à leurs clients les plus importants, qu'elles ne s'efforçaient pas, dans les négociations avec ces derniers, de faire passer les taux de hausses qu'elles avaient annoncés lors des réunions du Conseil de Métiers.

872.L'Autorité fait à raison valoir, dans ses observations, que, dès lors que les hausses tarifaires envisagées et échangées par les entreprises de messagerie ne concernaient aucun type de contrat particulier et aucune prestation de messagerie particulière, mais l'ensemble du marché domestique de la messagerie classique et express, la totalité des prestations réalisées sur ce marché était en relation avec l'infraction au sens des points 23 et 33 du communiqué sanctions.

873.C'est donc à juste titre, et dans le strict respect du communiqué sanctions, que l'Autorité a refusé de distinguer selon les clients et/ou les contrats et a retenu le chiffre d'affaires réalisé par chaque entreprise participante sur le marché domestique de la messagerie classique et express.

874.Eu égard aux considérations qui précèdent, ce n'est que de façon surabondante que la cour examinera ci-après les arguments avancés spécifiquement par les requérantes pour chacune des catégories de contrats et/ou de clients dont elles demandent l'exclusion.

875.S' agissant des petits clients, d'une part, aux paragraphes 417 à 420 de la décision attaquée, l'Autorité a relevé que, lors de la campagne tarifaire 2006-2007, certaines entreprises - Schenker-Joyau, Alloin et Gefco - avaient, postérieurement à la réunion du Conseil de Métiers du 28 septembre 2006, demandé à leur clientèle un taux de hausse plus élevé que celui qu'elles avaient annoncé lors de cette réunion, ce dont l'Autorité a justement déduit que les échanges anticoncurrentiels du 28 septembre 2006 avaient produit un effet d'alignement sur le taux le plus élevé annoncé au cours de cette réunion, à savoir celui de la société Graveleau. Dans la mesure où les requérantes s'accordent généralement sur le fait que les hausses figurant dans les circulaires s'appliquaient sans négociation aux petits clients, il apparaît qu'en tout état de cause, les ventes à ces derniers ont bien été en relation avec l'infraction.

876.S 'agissant des clients « grands comptes », non destinataires des circulaires de hausse, et, des clients «hors cycle », pour lesquels les négociations intervenaient en dehors de la période habituelle de négociation, entre octobre et mars de l'année suivante, ainsi que des clients « atypiques », les négociations que les opérateurs de messagerie engageaient avec eux ne pouvaient pas être totalement déconnectées des prix pratiqués sur le marché à l'égard de tous les autres clients, le constat d'une hausse généralisée des prix favorisant l'acceptation de hausses, y compris par les clients disposant d'un important contre-pouvoir. Il en va de même des relations avec les clients à conquérir (nouveaux clients et ventes au comptant), un environnement marqué par une hausse des prix étant de nature à leur faire accepter, au début de la relation contractuelle ou à l'occasion de chaque vente au comptant, un prix plus élevé que ce qu'il aurait été sans les pratiques.

877.Dès l'instant où les pratiques, en augmentant la transparence du marché, étaient de nature à entraîner des hausses supérieures à ce qu'elles auraient été sans l'entente, elles ont aussi eu pour effet, réellement ou potentiellement, de favoriser artificiellement les entreprises dans leurs négociations avec leurs plus grands clients, leurs clients atypiques et leurs clients «hors cycle », comme avec leurs nouveaux clients et, par voie de conséquence, de renforcer la possibilité de leur faire accepter des taux de hausse plus élevés.

878. S'agissant des clients liés à un opérateur de messagerie par des contrats pluriannuels, la cour relève, d'une part, qu'un nombre certainement important de ces contrats n'ont pu manquer d'arriver à échéance au cours des six années qu'ont duré les pratiques, de sorte que leur renégociation est intervenue au cours et sous l'influence des pratiques. D'autre part, à supposer même que, pour certains de ces contrats pluriannuels, aucune échéance ne soit intervenue pendant la durée de la participation aux pratiques, il convient de constater que, si la société Deutsche Bahn et ses filiales n'avaient pas informé l'Autorité de l'existence de cette entente, dans le cadre d'une demande de clémence, celleci se serait poursuivie, de sorte que l'exclusion desdits contrats ne permettrait pas de tenir compte de l'ampleur des pratiques, et notamment de leur vocation à se prolonger.

879.La même observation peut être faite à l'égard des clients n'ayant fait l'objet d'aucune hausse au cours de la durée de participation de l'entreprise à l'entente. Au surplus, il ne peut être exclu que, sans les pratiques, certains de ces clients, dotés d'un fort pouvoir de négociation, auraient pu obtenir des baisses de tarifs, le contexte de hausse les ayant seulement dissuadés d'exiger une baisse.

880.Enfin, la cour constate, plus généralement, que l'entente- dont la cour rappelle qu'elle s'est prolongée de campagne tarifaire en campagne tarifaire pendant environ six années a en tout état de cause créé un contexte favorable aux hausses, chaque entreprise étant confiante dans le fait que ses concurrents chercheraient, comme elle, à obtenir les taux de hausses communiqués en réunion du Conseil de Métiers, et a donc été de nature à influer sur leur taux dans la relation des entreprises participantes avec l'ensemble de leurs clients.

881.En conclusion, la facilitation des hausses de prix par les pratiques objet du grief n° 2 s'est nécessairement faite sentir sur l'ensemble des ventes réalisées sur le marché de la messagerie classique et express. À tout le moins les requérantes sont-elles impuissantes à rapporter la preuve contraire.

882.En troisième lieu, le reproche fait par les requérantes à l'Autorité de ne pas avoir écarté de la valeur des ventes, d'une part, les options et frais supplémentaires, d'autre part, la surcharge gazole, y compris lorsqu'ils sont payés au titre de contrats ayant été affectés par l'entente, au motif que leur montant serait déterminé indépendamment des circulaires de hausses tarifaires, n'est pas fondé.

883.Une telle exigence ne trouve, là encore, aucun fondement dans le communiqué sanctions et dans la pratique de l'Autorité.

884.En outre, elle n'aboutirait pas seulement à contraindre celle-ci à vérifier, pour chaque contrat, s'il a été réellement affecté par l'entente ou, à l'inverse, s'il peut être exclu qu'il l'ait été, mais irait au-delà encore, en l'obligeant, pour chaque vente de produit ou service appartenant à une catégorie de produits ou services en relation avec l'infraction, à distinguer ceux des éléments constitutifs du prix global de vente qui ont été affectés, qui seuls pourraient entrer dans la valeur des ventes, de ceux qui ne l'ont pas été, qu'il conviendrait d'écarter. Or, pour les raisons déjà exposées aux paragraphes 865 et 866 du présent arrêt, la nécessité de garantir l'efficacité de l'action de l'Autorité, et notamment de ses services d'instruction, ainsi que la prévisibilité et le caractère dissuasif des sanctions qu'elle prononce, s'opposent à un tel degré d'exigence.

885.En dernier lieu, contrairement à ce que soutiennent les sociétés Alloin Holding, Kuehne+Nagel et Kuehne+Nagel International, le périmètre des ventes retenu pour déterminer le montant de base des sanctions reflète exactement l'ampleur économique de l'infraction.

886.Plus généralement, la prise en compte, comme assiette des sanctions, de la valeur de l'ensemble des ventes de produits et services en relation avec l'infraction, n'est pas contraire au principe de proportionnalité des peines. Il convient en effet de rappeler, d'une part, qu'aux fins de déterminer le montant de base de la sanction, il est appliqué à la valeur des ventes retenue un coefficient fixé en fonction de la gravité des faits et du dommage causé à l'économie ainsi qu'un coefficient traduisant la durée de la participation individuelle de chaque entreprise à l'entente, d'autre part, que le montant de base ainsi obtenu peut encore faire l'objet d'une individualisation en fonction des circonstances aggravantes et atténuantes propres à chaque entreprise, et d'ajustements finaux pour tenir compte de ses éventuelles difficultés.

887.Dès lors, c'est à juste titre, et sans encourir aucun des griefs soulevés par les requérantes, que l'Autorité a retenu, au titre de la valeur des ventes, le chiffre d'affaires lié aux prestations de messagerie et de messagerie express sur le territoire français, déduction faite du chiffre d'affaires réalisé lors de prestations internationales - lesquelles ne sont pas en relation avec l'infraction - ainsi que du chiffre d'affaires réalisé lorsque les entreprises ont agi exclusivement comme sous-traitant d'un autre transporteur et du chiffre d'affaires réalisé lors de prestations intragroupe - afin de ne pas prendre deux fois en compte le même chiffre d'affaires.

888.Les moyens précédemment examinés sont en conséquence rejetés ».

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE : « 1197.La valeur des ventes de l'ensemble des catégories de produits ou services en relation avec les infractions effectuées par les entreprises en cause, durant leur dernier exercice comptable complet de participation à ces infractions, est retenue comme assiette de leur sanction respective. En effet, comme l'a indiqué l'Autorité dans le communiqué du 16 mai 2011 précité, au paragraphe 23, « Pour donner une traduction chiffrée à son appréciation de la gravité des faits et de l'importance du dommage causé à l'économie, l'Autorité retient, comme montant de base de la sanction pécuniaire, une proportion de la valeur des ventes, réalisées par chaque entreprise ou organisme en cause, de produits ou de services en relation avec l'infraction ou, s'il y a lieu, les infractions en cause. La valeur de ces ventes constitue en effet une référence appropriée et objective pour déterminer le montant de base de la sanction pécuniaire, dans la mesure où elle permet d'en proportionner au cas par cas l'assiette à l'ampleur économique de l'infraction ou des infractions en cause, d'une part, et au poids relatif, sur le(s) secteur(s) ou marché(s) concerné(s), de chaque entreprise ou organisme qui y a participé, d'autre part » (soulignement ajouté).

1198.Certes, le code de commerce, en ne se référant pas au chiffre d'affaires lié au secteur ou au marché en cause, mais uniquement au chiffre d'affaires mondial consolidé ou combiné, n'impose pas à l'Autorité de procéder de la sorte (arrêt de la Cour de cassation du 13 mai 1997, Société française de transports Gondrand frères, n° 95-16378).

Pour autant, ce paramètre constitue généralement une référence appropriée et objective permettant de proportionner au cas par cas l'assiette de la sanction à la réalité économique de l'infraction en cause, et plus précisément à son ampleur ainsi qu'au poids relatif sur le secteur concerné de chacune des entreprises qui y a participé (voir, en ce sens, arrêt de la cour d'appel de Paris du 11 octobre 2012, Entreprise H. Chevalier Nord e.a., n° 2011/03298, page 72 ; voir également arrêt de la cour d'appel de Paris du 29 mars 2012, Lacroix Signalisation e.a., n° 2011/01228, pages 37 et 38), comme cela ressort aussi de la jurisprudence constante des juridictions de l'Union (arrêts de la Cour de justice du 7 juin 1983, Musique diffusion française/Commission, 100/80, points 119 à 121, du 3 septembre 2009, Papierfabrik August Koehler e.a./Commission, C-322/07 P, C-327/07 P et C-338/07 P, point 114).

1199.Dans le présent dossier, les pratiques poursuivies concernaient les prestations de messagerie et de messagerie express domestique sur le territoire français. Il y a donc lieu de retenir le chiffre d'affaires lié à ces activités au titre de la valeur des ventes. 1200.En l'espèce, les parties ont soutenu que les pratiques convenues par les participants à l'entente n'avaient pas été appliquées à tous les contrats qu'ils avaient conclus avec leurs clients. Elles ont estimé en particulier qu'il conviendrait de déduire de la valeur des ventes plusieurs catégories de clients ou de prestations.

1201.Toutefois, comme l'a affirmé la Commission européenne dans la décision « Services de déménagements internationaux » (décision de la Commission, du 11 mars 2008, C(2008) 926 final (aff. COMP/38543 – services de déménagements internationaux), considérants 532 et 533), l'emploi de l'expression « de biens ou services en relation avec l'infraction » indique que ce point des lignes directrices ne se réfère pas aux ventes des biens ou services pour lesquels il existe une preuve directe de leur affectation par l'infraction. Elle souligne qu'« une telle interprétation dudit point imposerait d'ailleurs à la Commission, afin de déterminer le montant de base de l'amende dans des affaires de cartel, de prouver à chaque fois quelles ventes individuelles ont été affectées par le cartel, alors que la jurisprudence exclut qu'aux fins de l'application de l'article 81 [CE], les effets concrets d'un accord soient pris en considération, dès lors qu'il apparaît que celui-ci a pour objet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun ».

1202.Cette décision a été confirmée par un arrêt du Tribunal de l'Union (aff. T-204/08 et T-212/08, points 60 à 68) qui rappelle qu'« il résulte d'une jurisprudence constante que la part du chiffre d'affaires provenant des marchandises faisant l'objet de l'infraction est de nature à donner une juste indication de l'ampleur d'une infraction sur le marché concerné. En particulier, le chiffre d'affaires réalisé sur les produits ayant fait l'objet d'une pratique restrictive constitue un élément objectif qui donne une juste mesure de la nocivité de cette pratique pour le jeu normal de la concurrence ». Cette position est également rappelée dans un arrêt de la Cour de Justice LG Display, point 54. Dans cette affaire, la Cour a précisé que la partie du chiffre d'affaires global provenant de la vente des produits qui font l'objet de l'infraction est la mieux à même de refléter l'importance économique de cette infraction (arrêts précités LG Display, point 55 et Guardian Industries et Guardian Europe/Commission, point 59). Ainsi, la Cour de justice a pu estimer que « la possibilité pour la Commission d'inclure dans la valeur des ventes pertinentes aux fins du calcul du montant de l'amende les ventes de LCD cartellisés faites par les requérantes à LGE et à Philips dépend non pas de la question de savoir si ces ventes se faisaient à des prix influencés par l'entente, mais du simple fait que celles-ci étaient réalisées sur un marché affecté par l'existence d'une entente à laquelle les requérantes participaient » (soulignement ajouté) (arrêt précité, point 56).

1203.En d'autres termes, seule la valeur des ventes de tous les biens ou les services réalisés sur le marché affecté doit être prise en considération afin de déterminer le montant de base de l'amende. En l'espèce, il y a lieu de retenir, pour la valeur des ventes, et comme le prévoit le point 35 du communiqué sanctions, le chiffre d'affaires réalisé par les entreprises en cause dans la commercialisation des services inclus dans le périmètre de la valeur des ventes, en l'espèce le chiffre d'affaires lié aux prestations de messagerie.

1204.Il peut toutefois être déduit de cette valeur des ventes le chiffre d'affaires réalisé lorsque les entreprises agissent exclusivement comme sous-traitant d'un autre transporteur ainsi que le chiffre d'affaires réalisé lors de prestations intragroupe. En effet, ne pas déduire ces deux catégories de prestations reviendrait à prendre en compte deux fois le même chiffre d'affaires des entreprises sous-traitées ou faisant partie d'un même groupe.

1205.Le chiffre d'affaires réalisé lors de prestations internationales peut également être écarté dans la mesure où l'Autorité ne retient que les ventes réalisées en France (point 34 du communiqué sanctions).

1206.Toute autre déduction de la valeur des ventes demandée par les mises en cause, comme le chiffre d'affaires lié aux nouveaux clients, les contrats pluriannuels, le chiffre d'affaires correspondant à des options ou frais supplémentaires, le chiffre d'affaires généré par les clients non destinataires des circulaires, le chiffre d'affaires généré par les petits clients destinataires des circulaires, le chiffre d'affaires généré par les clients n'ayant fait l'objet d'aucune hausse tarifaire pendant l'année, le chiffre d'affaires généré par les clients subissant des hausses plus élevées en raison de la faible rentabilité des contrats, le chiffre d'affaires généré pas les ventes réalisées au comptant, les « commissions » perçues par les transporteurs, le chiffre d'affaires propre à l'affrètement, le chiffre d'affaires généré par les « réseaux dédiés » ne peut être acceptée.

1207.Selon la méthode développée par le communiqué du 16 mai 2011, la référence retenue par l'Autorité est la valeur des ventes durant le dernier exercice comptable complet de participation de chaque entreprise en cause.

1208.Dans les cas où elle considère que le dernier exercice comptable complet de participation à l'infraction ne constitue manifestement pas une référence représentative, l'Autorité retient un exercice qu'elle estime plus approprié.

1209.Eu égard à la participation individuelle des sociétés Alloin, BMVirolle, Chronopost, Exapaq, Dachser, DHL, FedEx, Gefco, Geodis, GLS, Heppner, Lambert et Valette, XP France, Normatrans, Schenker-Joyau, Ziegler, Transports Henri Ducros et TNT à l'infraction, telle que visée par le grief et constatée ci-dessus aux paragraphes à 172, le dernier exercice comptable complet retenu pour déterminer cette valeur des ventes sera l'exercice 2009.

1210.L'Autorité retiendra, à l'avantage de l'entreprise, l'année 2009 pour Ciblex. S'agissant de NDD, qui a cessé toute participation à l'infraction en mars 2008, la dernière année comptable complète est 2007.

1211.Au vu des considérations qui précèdent, le tableau ci-dessous récapitule les valeurs des ventes servant d'assiette à la sanction individuelle de chacune des entreprises (en euros) :

Tableau 23 - Valeur des ventes concernant le grief n° 2

Entreprise
Année de référence
Valeur des ventes
(en euros)


Alloin
2009
223 673 000


BMVirolle
2009
38 920 000


Chronopost
2009
496 952 000


Exapaq
2009
249 633 000


Ciblex
2009
132 023 000


Dachser France
2009
132 523 000


DHL Express France
2009
281 124 000


FedEx Express France
2009
95 426 000


Gefco
2009
121 360 000


Geodis
2009
738 465 000


GLS France
2009
239 553 000


Heppner
2009
109 542 000


Lambert et Valette
2009
21 534 000


XP France
2009
37 770 000


Norbert Dentressangle Distribution
2007/2008*
181 796 000


Normatrans
2009
8 620 000


Schenker-Joyau
2009
282 102 000


TNT Express France
2009
459 502 000


Transports Henri Ducros
2009
18 216 000


Ziegler France
2009
37 606 000


*Clôture des comptes au 31 mars 2088 »

1°) ALORS QUE le communiqué de l'Autorité de la concurrence du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires énonce que l'assiette de de calcul de la sanction pécuniaire infligée à l'auteur d'une pratique anticoncurrentielle est constituée de « la valeur des ventes, réalisées par chaque entreprise ou organisme en cause, de produits ou de services en relation avec l'infraction », et précise (pt.33, 23 et 24) que ce critère a été jugé plus pertinent que celui du chiffre d'affaires réalisé par l'entreprise poursuivie pour « donner une traduction chiffrée à [l'] appréciation de la gravité des faits et de l'importance du dommage causé à l'économie » ; qu'il suit de là que seules les catégories de ventes affectées par les pratiques dénoncées doivent concourir à la détermination de l'assiette de la sanction pécuniaire et qu'il appartient en toute hypothèse à l'Autorité d'exclure de cette assiette les catégories de vente dont il est démontré qu'elles n'ont pas été affectées ou qu'elles n'étaient pas concernées par les pratiques ; qu'en l'espèce, les sociétés Gefco et Peugeot reprochaient à l'Autorité d'avoir intégré en bloc dans l'assiette de calcul de la sanction pécuniaire qui leur avait été infligée la quasi-totalité du chiffre d'affaires réalisé par la société Gefco sur le marché français de la messagerie et d'y avoir artificiellement intégré le chiffre d'affaires correspondant aux catégories de clients qui n'avaient pas été affectées par l'infraction ou qui n'étaient, par hypothèse, pas concernées par les pratiques dénoncées (ventes réalisées auprès des clients « Grands Comptes » par exemple, qui bénéficiaient de contrats pluriannuels ou de contrats assortis d'une clause ferme de révision des prix, d'une clause d'indexation ou d'une clause de prix décroissant), sachant que ces ventes représentaient près de 50 % de la valeur des ventes réalisées par la société Gefco sur le marché français de la messagerie ; qu'en rejetant ce moyen au motif que le communiqué sanction ne faisait aucune référence à une « nécessaire affectation des ventes [des] catégories de produits ou services par l'infraction pour pouvoir en prendre en compte la valeur » (pt. 859), la Cour d'appel a violé, par fausse interprétation, le communiqué de l'Autorité de la concurrence du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires ;

2°) ALORS QUE selon l'article L. 464-2 du code de commerce, la sanction pécuniaire infligée par l'Autorité à l'auteur d'une pratique anticoncurrentielle doit être proportionnée à la gravité des faits et au dommage causé à l'économie ; que la circonstance que certaines catégories de vente réalisées par l'entreprise poursuivie sur le marché pertinent n'avaient pas été affectées par les pratiques dénoncées ou n'étaient pas concernées par celles-ci constitue nécessairement un élément d'individualisation de la sanction dont l'Autorité ne peut refuser de tenir compte par principe ; qu'en retenant que la démonstration par laquelle les sociétés Gefco et Peugeot entendaient établir que certaines catégories de clients n'avaient pas été affectées par les pratiques dénoncées ou n'étaient pas concernées par celles-ci était « inopérante », que le principe de proportionnalité des peines n'imposait pas la prise en considération d'une telle démonstration et que c'était en vain que « les entreprises requérantes cherchaient à démontrer que telle ou telle catégorie de contrat n'avaient pas pu être affectées par l'entente », la Cour d'appel a violé l'article L. 464-2 du code de commerce ;

3°) ALORS en outre QUE si l'Autorité de la concurrence ne peut se voir imposer la charge d'établir que chaque vente individuelle retenue pour le calcul de la sanction infligée à l'auteur d'une pratique anticoncurrentielle a été effectivement affectée par la pratique dénoncée, l'Autorité doit tenir compte, dans la fixation du quantum de cette sanction, de la circonstance que certaines catégories de ventes n'ont pas été affectées ou n'étaient pas concernées par l'infraction lorsque les parties poursuivies en font la démonstration ; qu'en jugeant que l'Autorité de la concurrence n'avait pas à répondre à une telle argumentation compte tenu de la charge probatoire prétendument excessive que cette obligation représenterait pour celle-ci, la Cour d'appel a violé l'article 464-2 du code de commerce ;

4°) ALORS QUE toute personne accusée d'une infraction est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie ; que pour justifier en toute hypothèse le choix de l'Autorité d'inclure dans l'assiette de calcul de la sanction pécuniaire infligée aux sociétés Gefco et Peugeot la valeur des ventes réalisées en exécution de contrats pluriannuels ainsi que la valeur des ventes réalisées en exécution de contrats dont il était démontré qu'ils n'avaient subi aucune hausse pendant la période concernée par les pratiques, la Cour d'appel a relevé qu'en toute hypothèse, il « convenait de constater que, si la société Deutsche Bahn et ses filiales n'avaient pas informé l'Autorité de l'existence de cette entente, dans le cadre d'une demande de clémence, celle-ci se serait poursuivie, de sorte que l'exclusion desdits contrats ne permettrait pas de tenir compte de l'ampleur des pratiques, et notamment de leur vocation à se prolonger » ; qu'en statuant ainsi la Cour d'appel a méconnu le principe de la présomption d'innocence et violé l'article 6§2 de la Convention européenne des droits de l'Homme.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

- sur la méconnaissance du principe d'égalité de traitement dans le prononcé de la sanction infligée au titre du grief n°2 -

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté les moyens d'annulation et de réformation de la décision N° 15-D-19 présentés par les sociétés Gefco et Peugeot.

AUX MOTIFS QUE : « En premier lieu, l'abattement de 10 % accordé par l'Autorité au paragraphe 1305 de la décision attaquée vise exclusivement à tenir compte du fait que certaines des entreprises participantes se sont bornées à participer aux échanges organisés dans te cadre du Conseil de Métiers, sans y ajouter des échanges bilatéraux ou multilatéraux en dehors de ce cadre.

1091.Ainsi que l'admettent les requérantes, la société Gefco a reçu à plusieurs reprises des circulaires de hausse tarifaire de la part de ses concurrents (voir décision attaquée, § 364, 367, 368 et 370, § 390 et 392, enfin, § 405 et 407), circonstance suffisante pour constater qu'elle a été engagée dans des contacts à tout le moins bilatéraux, en dehors des réunions du Conseil de Métiers

1092.En effet, il importe peu que ne soient rapportées ni la preuve que ces transmissions avaient été sollicitées par la société Gefco ni la preuve que cette dernière a elle-même adressé à des concurrents ses propres circulaires, car, en n'adoptant pas une position claire de nature à persuader ses concurrents qu'elle refusait de l'aire partie de l'entente et à les dissuader de lui adresser leurs circulaires et, de ce fait, en acceptant, fût-ce implicitement, de recevoir ces circulaires, lesquelles lui fournissaient des informations utiles dans ses relations avec sa propre clientèle, la société Gefco a bien entretenu des échanges bilatéraux à visée anticoncurrentielle. À cet égard, la cour souligne que les réceptions par la société Gefco de circulaires de hausse tarifaire de la part de ses concurrents sont intervenues à des dates auxquelles cette société avait déjà participé à des réunions anticoncurrentielles du Conseil de Métiers, de sorte que les entreprises lui ayant adressé leurs circulaires, la savaient membre de l'entente.

1093.C'est à juste titre que l'Autorité fait valoir que la société Norbert Dentressangle Distribution n'a pas bénéficié d'un traitement plus favorable : la réception par cette société d'une circulaire de hausse adressée par un concurrent est intervenue avant le début de sa participation au grief n° 2 et ne devait donc pas être prise en considération.

1094.De même, la réunion du 14 mars 2008, à laquelle a participé la société Tatex, devenue FedEx, était bien une réunion du Conseil de Métiers, même réduit à un groupe restreint d'entreprises — les sociétés Heppner, Gravel eau et Schenker-Joyau (décision attaquée, § 457 à 459 et tableau 20 figurant après le § 579). C'est donc à juste titre que l'Autorité n'a pas considéré que la participation à cette réunion était intervenue en marge du Conseil de Métiers. Par ailleurs, si cette réunion a effectivement été suivie d'échanges de courriers électroniques entre les mêmes entreprises portant sur des informations commerciales sensibles (décision attaquée, § 459), il s'avère que ces échanges étaient indissociables de ladite réunion, les informations communiquées étant l'objet même du groupe restreint. C'est donc à juste titre que l'Autorité a considéré que la société Tatex, devenue FedEx, n'avait pas participé à des échanges bilatéraux ou multilatéraux en marge des réunions du Conseil de Métiers.

1095.En tout état de cause, à supposer même que la société Tatex ait participé à de tels échanges et que ce soit par erreur que l'Autorité lui a accordé l'abattement de 10 % normalement réservé aux entreprises n'ayant participé à aucun des contacts bilatéraux ou multilatéraux en dehors des réunions du Conseil de Métiers (décision attaquée, § 1303), une telle erreur n'ouvrirait pas droit à la société Gefco au bénéfice de cet abattement, puisque celle-ci ne remplit pas les conditions pour en bénéficier, ayant elle-même été impliquée dans des échanges bilatéraux. Ce serait en vain que les requérantes invoqueraient la violation à leur égard du principe de non-discrimination : la discrimination résiderait dans l'octroi à la société Gefco d'un abattement auquel elle n'a pas droit alors que, hormis la société FedEx, par suite de l'erreur susmentionnée, toutes les autres entreprises ayant participé à des échanges bilatéraux ou multilatéraux en dehors des réunions du Conseil de Métiers, se le sont vu refuser.

1096.Dans ces conditions, c'est à juste titre que l'Autorité a exclu la société Gefco, et, par voie de conséquence, sa société mère Peugeot, du bénéfice de l'abattement de % accordé au paragraphe 1305 de la décision attaquée.

1097.En second lieu, il ressort du tableau n° 20 figurant au paragraphe 512 de la décision attaquée, qu'entre 2004 et 2010 — durée de sa participation aux pratiques — la société Gefco a participé à treize des dix-sept réunions du Conseil de Métiers au cours desquelles les entreprises participantes ont échangé des informations commerciales sur les prix, de sorte qu'elle est mal fondée à soutenir que sa participation aurait été limitée.

1098.La demande des sociétés Gefco et Peugeot de bénéficier d'un abattement sur le montant de base de la sanction est donc rejetée ».

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE : « 1301. L'entente poursuivie dans le cadre du deuxième grief était constituée et structurée autour des réunions du Conseil de Métiers, au cours desquelles les entreprises mises en cause s'échangeaient des informations dans le cadre de tours de tables réguliers. Toutefois, ces tours de table ont parfois été complétés par des contacts bilatéraux ou multilatéraux permettant à un nombre plus limité d'entreprises de s'échanger directement des données sensibles et stratégiques sur leurs hausses tarifaires futures.

1302.Comme indiqué au paragraphe 776 de la présente décision, selon la jurisprudence de la Cour de justice « Dansk Rørindustri », la responsabilité d'une entreprise déterminée est valablement retenue lorsqu'elle a participé à des réunions en ayant connaissance de leur objet anticoncurrentiel. Son assiduité plus ou moins grande à ces réunions, la durée de sa participation à l'entente ainsi que la mise en oeuvre plus ou moins complète des mesures convenues peuvent avoir des conséquences non pas sur l'existence de sa responsabilité mais sur l'étendue de celle-ci et donc sur le niveau de la sanction (arrêt de la Cour de justice Dansk Rørindustri e.a./Commission, précité, point 145).

1303.Dans les circonstances très particulières de l'espèce, il apparaît que certaines mises en cause n'ont participé à aucun des contacts bilatéraux ou multilatéraux en dehors des réunions du Conseil des métiers de TLF. Les sociétés Norbert Dentressangle, Transports Henri Ducros, Ziegler, Chronopost, Exapaq, Ciblex, Normatrans, FedEx, TNT et GLS, si elles ont adhéré à l'entente en participant notamment aux réunions anticoncurrentielles au sein de TLF qui ont constitué le coeur de celle-ci, n'ont participé à aucun des contacts bilatéraux ou multilatéraux qui ont complété et renforcé les pratiques concertées.

1304.Il sera tenu compte de la situation particulière de ces entreprises en opérant un abattement de 10 % sur le montant de base de leur amende respective ».

1°) ALORS QUE le principe d'égalité de traitement commande non seulement que des situations identiques ne soient pas traitées de façon différente mais également que des situations différentes ne soient pas traitées de façon identique ; que comme le rappelaient les sociétés Peugeot et Gefco (v. spéc. les conclusions de Gefco, p.42s.), l'Autorité, après avoir fixé à 9 % la proportion de la valeur des ventes retenue à l'encontre des entreprises poursuivies, avait accordé à certaines entreprises un abattement de 10 % pour tenir compte de leur plus faible participation aux pratiques d'entente dénoncées, ces entreprises n'ayant pas participé, en sus des réunions du Conseil de Métiers, à des échanges directs d'informations avec d'autres membres de l'entente ; que les sociétés Peugeot et Gefco faisaient valoir qu'à supposer que la société Gefco n'ait pas été éligible à cet abattement, il n'en demeurait pas moins qu'elle ne pouvait être placée au même rang que les entreprises ayant activement participé aux échanges bilatéraux ou multilatéraux puisque, d'une part, elle n'avait jamais communiqué d'information à ses concurrents et que, d'autre part, elle n'avait fait que recevoir passivement des circulaires de hausse de certaines entreprises, uniquement sur deux campagnes et ce alors même qu'elle avait déjà envoyé des circulaires de hausse à ses propres clients ; qu'en se bornant à relever que la société Gefco n'était pas éligible à l'abattement de 10 % accordé par l'Autorité de la concurrence à certaines entreprises et que l'Autorité n'avait pas méconnu le principe d'égalité de traitement en refusant de lui accorder cet abattement, sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'Autorité n'avait pas néanmoins méconnu ce principe en appliquant à la société Gefco un régime de sanction identique (à savoir l'application d'un taux de 9 % non assorti du moindre abattement) à celui appliqué aux entreprises ayant activement participé à des échanges bilatéraux ou multilatéraux sur la période couverte par la prévention, alors que la situation de ces sociétés n'était pas identique, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 464-2 du code de commerce, ensemble l'article 1er du protocole n° 12 à la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales ;

2°) ALORS en tout état de cause QU' en refusant le moindre abattement à la société Gefco en raison de sa plus faible participation à l'entente, fût-il inférieur à celui de 10 % accordé aux sociétés n'ayant pas activement participé à des échanges directs avec certaines membres de l'entente, sans rechercher, comme elle y était invitée (v. conclusions de Gefco, p.43s.), si, indépendamment de sa participation aux réunions du Conseil des Métiers, la participation de la société Gefco aux pratiques dénoncées ne devait pas être réduite à de plus exactes proportions compte tenu du fait que celle-ci n'avait jamais communiqué d'informations à ses concurrents en dehors des réunions ayant eu lieu au sein du Conseil des Métiers, qu'elle n'avait fait que recevoir, sur deux exercices seulement, les circulaires émises par certaines entreprises membres alors même qu'elle avait déjà envoyé des circulaires de hausse à ses propres clients (pt.225) qu'elle n'avait eu qu'une attitude passive tout au long des pratiques, et qu'elle s'était abstenue à plusieurs reprises de communiquer des informations chiffrées à ses concurrents, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 464-2 du code de commerce, ensemble le paragraphe 49 du communiqué de l'Autorité de la concurrence du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

- sur la méconnaissance du principe d'égalité dans le prononcé de la sanction infligée au titre du grief n°1 -

il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté les moyens d'annulation et de réformation de la décision n° 15-D-19 présentés par les sociétés Gefco et Peugeot.

AUX MOTIFS PROPRES QUE : « En premier lieu, contrairement à ce que soutiennent les sociétés Dachser et Dachser Group SE & Co., l'Autorité a tenu compte du contexte particulier dans lequel se sont inscrites les pratiques objet du grief n° 1, en décidant, au paragraphe 1173 de la décision attaquée, de s'écarter de la méthode décrite dans le communiqué sanction pour lui préférer un mode de fixation forfaitaire, dont les requérantes ne contestent pas le caractère avantageux pour les entreprises sanctionnées. L'Autorité n'était, par ailleurs, pas tenue de suivre l'invitation du ministre chargé de l'Économie de n'infliger que des sanctions symboliques.

714.En deuxième lieu, ainsi que le font justement valoir les sociétés Alloin Holding, Kuehne+Nagel et Kuehne+Nagel International, l'explication fournie par l'Autorité dans ses observations devant la cour concernant la répartition des entreprises ayant participé au grief n° 1 en trois catégories, opérée au paragraphe.1192 de la décision attaquée, ne figure pas dans cette décision. La cour constate toutefois que les requérantes ne demandent pas l'annulation de la décision attaquée pour défaut de motivation.

715.En troisième lieu, aux paragraphes 1182 à 1184 de la décision attaquée, l'Autorité s'est certes appuyée sur les parts de marché détenues en 2008 par les entreprises ayant participé au grief n° 1 pour apprécier l'ampleur de ce grief, mais ces paragraphes n'avaient pas vocation à déterminer le mode de calcul de la sanction encourue et rien, dans la motivation du paragraphe 1192 de la décision attaquée, n'est de nature à laisser penser que l'Autorité y a pris en compte le poids économique respectif desdites entreprises en 2008.

716. Les pratiques objet du grief n° 1 se sont déroulées entre le 26 mai 2004 et le 5 janvier 2006. L'Autorité ayant indiqué, au paragraphe 1192 de la décision attaquée, qu'aux fins du calcul des sanctions infligées au titre de ce grief, elle regrouperait les entreprises participantes « en plusieurs catégories pour refléter le poids respectif de chacune d'entre elles », il lui appartenait de se référer au poids respectif de chacune des entreprises à l'époque des pratiques. Dès lors, le choix de retenir comme année de référence l'année 2005 apparaît parfaitement logique, dans la mesure où il s'agit de l'unique année complète de participation au grief n° 1.

717.À l'inverse, si l'Autorité avait fondé le calcul des sanctions sur le poids respectif des entreprises à une période postérieure de plusieurs années aux pratiques, sans aucune explication, les entreprises sanctionnées auraient été en droit de demander la réformation de ce calcul comme étant contraire au principe de proportionnalité des sanctions, rien ne justifiant qu'en cas d'évolution des parts de marché respectives des entreprises au cours des années, une entreprise voie, sans raison dûment motivée, sa sanction calculée sur la base d'une part du marché supérieure à ce qu'elle était à l'époque des pratiques.

718. Il se déduit des considérations qui précèdent que les explications fournies par l'Autorité dans ses observations ne relèvent pas d'une construction a posteriori destinée à justifier un classement incohérent, mais explicitent le raisonnement effectivement suivi par l'Autorité au paragraphe 1192 de la décision attaquée. Au demeurant, ni les sociétés Dachser et Dachser Group SE & Co. ni les sociétés Gefco et Peugeot ne le contestent.

719.C'est en vain que les sociétés Dachser et Dachser Group SE & Co. soutiennent que l'Autorité n'explique toujours pas à partir de quel montant de la valeur des ventes une entreprise bascule dans telle ou telle catégorie, alors qu'il ressort du tableau reproduit au point 207 des observations de l'Autorité, dont l'exactitude des données n'est pas contestée par les requérantes, que la valeur des ventes des entreprises classées dans la première catégorie était inférieure à 20 millions d'euros, la valeur des ventes des entreprises classées dans la deuxième catégorie, dont la société Dachser, était comprise entre 70 et 170 millions d'euros et la valeur des entreprises classées dans la troisième catégorie était comprise entre 200 et 450 millions d'euros.

720.En quatrième lieu, la cour constate qu'ayant fait le choix, non contesté par les requérantes, d'appliquer une sanction forfaitaire, l'Autorité a respecté le principe d'égalité en appliquant la même méthode de calcul pour l'ensemble des entreprises, fondée sur la valeur des ventes sur le marché de la messagerie en 2005, qui est l'unique année complète de participation à l'infraction.

721.À cet égard, ainsi que la cour l'a rappelé au paragraphe 688 du présent arrêt, il est constant que la part du chiffre d'affaires de l'entreprise qui provient des produits faisant l'objet de l'infraction est de nature à donner une indication de l'ampleur de celle-ci, ce qui en fait un critère légitime d'individualisation des sanctions. Le choix, fait par l'Autorité, de se référer à la valeur des ventes sur le marché de la messagerie en 2005 pour la détermination du montant forfaitaire des sanctions infligées au titre du grief n° 1, n'est donc pas critiquable.

722.En cinquième lieu, l'écart relevé entre les valeurs des ventes des entreprises appartenant à la catégorie inférieure et celles des entreprises appartenant à la catégorie intermédiaire suffit à justifier le choix de l'Autorité d'appliquer à la deuxième catégorie une sanction forfaitaire égale au double de celle infligée aux entreprises de la première catégorie. La cour souligne en particulier que la prétention de la société Alloin Holding à bénéficier de la même sanction que la société Ziegler, dont la valeur des ventes était, à l'époque des pratiques, trente-neuf fois moins élevée que celle de la société Transports Alloin, est manifestement dénuée de sérieux. De même, la société Gefco n'est pas fondée à comparer sa situation à celle de la société Ziegler, dont la valeur des ventes était, à l'époque des pratiques, trente-cinq fois moins élevée que la sienne.

723.En sixième lieu, il est exact que les entreprises appartenant à une même catégorie se voient appliquer la même sanction, alors même que les unes ont participé à l'entente pendant les deux campagnes tarifaires concernées par le grief, tandis que les autres, telle la société Gefco, n'ont participé qu'à une seule campagne.

724.La cour souligne toutefois que le choix d'appliquer une sanction forfaitaire, favorable aux entreprises en cause et d'ailleurs non contesté par elles, implique, par définition, une approche plus globale que la méthode définie dans le communiqué sanctions.

725.Dans ce contexte, et au regard des spécificités de la présente espèce, notamment caractérisée par la relative brièveté des pratiques objet du grief n° 1, le choix de retenir le chiffre d'affaires comme unique critère d'individualisation, à l'exclusion de la durée de participation à l'entente, ne constitue pas une violation du principe d'individualisation.

726.La cour ajoute, surabondamment, qu'une réduction de moitié de la sanction de la société Gefco, au motif que cette société n'a participé qu'à une unique campagne tandis que les sociétés Dachser et Transports Alloin ont participé aux deux campagnes, égalerait sa sanction à celles des sociétés Ziegler France, Normatrans, Transports Henri Ducros et Lambert et Valette, alors que son chiffre d'affaires représente, respectivement, 3 600 %, 1 730 %, 910 % et 845 % de celui de ces sociétés, de sorte que la participation de la société Gefco à l'entente pendant une unique campagne a causé un dommage plus important à l'économie que la participation des quatre autres pendant deux campagnes.

727.En dernier lieu, les sanctions de 50 000, 100 000 et 200 000 euros infligées - avant éventuelle réduction au titre de la clémence et/ou de la non-contestation des griefs - aux entreprises mises en cause ne sont pas seulement proportionnées aux situations individuelles de chacune d'elles, mais également à la gravité des faits et au dommage causé à l'économie, tels qu'appréciés par l'Autorité — appréciation dont la cour a déjà souligné qu'elle ne fait pas l'objet de contestations.

728.En conséquence, il y a lieu de rejeter la demande de réduction de la sanction présentée, respectivement, par les sociétés Alloin Holding, Kuehne+Nagel et Kuehne+Nagel International, les sociétés Dachser et Dachser Group SE & Co., et la société Gefco ».

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE : « 1166.Au point 7 de son communiqué sanctions, l'Autorité indique que la méthode qu'elle expose dans ce texte lui est opposable « sauf à ce qu'elle explique, dans la motivation de sa décision, les circonstances particulières ou les raisons d'intérêt général la conduisant à s'en écarter dans un cas donné ».

1167.À titre liminaire, il convient de rappeler que les éventuelles difficultés du secteur économique concerné par les griefs ou l'action des pouvoirs publics ne figurent pas parmi les critères à prendre en considération pour la détermination des sanctions figurant au I de l'article L. 464-2 du code de commerce et ne sauraient constituer des circonstances particulières ou des raisons d'intérêt général de nature à remettre en cause l'application du communiqué sanctions par l'Autorité. Conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation énoncée dans l'arrêt du 29 mars 2011, Manpower France Holding et Manpower France, seules les difficultés rencontrées individuellement par les entreprises peuvent être prises en compte dans le calcul de la sanction.

1168.Il est cependant constaté que les pratiques d'entente sur la surcharge gazole ont pris place dans un contexte économique très particulier.

1169.En premier lieu, le prix du gazole a connu une forte hausse au cours de la période 2004-2005. Ainsi, entre janvier 2004 et octobre 2005, l'indice CNR gazole professionnel est passé de 98,56 à 139,56 soit une augmentation de 41,6 %.

1170.En second lieu, si les pouvoirs publics n'ont jamais connu, autorisé ou encouragé les pratiques d'entente sur la surcharge gazole, il n'en demeure pas moins que ces pratiques se sont inscrites dans un contexte particulier.

1171.En effet, la concomitance de fortes hausses du prix du gazole avec les débats parlementaires et les interventions des pouvoirs publics en faveur d'une répercussion des variations du coût des carburants dans les contrats de transport a pu créer une certaine confusion dans l'esprit des professionnels.

1172.Ceci ne remet pas en cause l'existence d'une infraction aux règles de la concurrence, dès lors que les parties ont mis en oeuvre un comportement anticoncurrentiel autonome en élaborant une méthode commune qui a permis aux messagers de faciliter l'acceptation de la surcharge gazole, alors que le cadre réglementaire national de l'époque n'imposait nullement cette exigence.

1173.Toutefois, au vu des circonstances très particulières de l'espèce, l'Autorité s'écartera de la méthode décrite dans le communiqué du 16 mai 2011 relative à la détermination des sanctions pécuniaires pour y préférer un mode de fixation forfaitaire.

1. S'AGISSANT DE LA GRAVITÉ

1174.Lorsqu'elle apprécie la gravité d'une infraction, l'Autorité tient compte notamment de la nature des pratiques qu'elle poursuit, des personnes susceptibles d'être affectées et des caractéristiques objectives de l'infraction (caractère secret ou non, degré de sophistication, existence de mécanismes de police ou de mesures de représailles, détournement d'une législation, etc.) (voir point 26 du communiqué sanctions). La détermination du degré de gravité d'une pratique implique donc d'en examiner les caractéristiques, à la lumière de ces différents critères.

1175.En premier lieu, le grief concerne une entente horizontale entre concurrents, portant sur des éléments tarifaires futurs : les entreprises concernées se sont accordées sur le principe d'une surcharge gazole et sur une méthodologie commune pour sa mise en oeuvre. Ces actions anticoncurrentielles participaient au même objectif commun : la maîtrise de la répercussion des variations du prix du gazole dans le prix final de la prestation de service de messagerie, soit la maîtrise d'un élément du prix. Or il est constant que les pratiques ayant pour objet de faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu de la concurrence sont par nature des pratiques très graves.

1176.En second lieu, les pratiques constitutives du grief revêtaient un caractère secret à l'égard des clients. Il peut être relevé que la première conférence téléphonique sur ce sujet, en date du 26 mai 2004, a été organisée en dehors des réunions habituelles du Conseil de Métiers, renforçant par là même son caractère confidentiel. De même, les différents contacts bilatéraux ou multilatéraux entre certains participants étaient toujours confidentiels et n'étaient pas communiqués au marché.

1177.Néanmoins, au cas d'espèce, la gravité des pratiques doit être relativisée.

1178.En premier lieu, la concertation entre concurrents a porté principalement sur la définition d'une méthodologie commune de répercussion d'un élément de coût, et non sur les taux de répercussion des variations du prix du gazole en tant que tels.

1179.En second lieu, la sophistication des pratiques apparaît relativement limitée. En effet, il n'existait aucun système formalisé de récapitulation des surcharges effectivement imposées par les membres de l'entente. De plus, aucune coordination n'était mise en oeuvre s'agissant des négociations avec les clients. Par ailleurs, l'analyse des autres contacts poursuivis, et notamment des envois aux concurrents de circulaires relatives à la surcharge gazole par courrier électronique, montre qu'il s'agissait bien souvent d'initiatives ponctuelles prises par une ou plusieurs entreprises et qui n'étaient pas nécessairement suivies par la totalité des participants.

2. S'AGISSANT DU DOMMAGE À L'ÉCONOMIE

1180.Le critère légal de l'importance du dommage causé à l'économie ne se confond pas avec le préjudice qu'ont pu subir les victimes des pratiques en cause, mais s'apprécie en fonction de la perturbation générale qu'elles sont de nature à engendrer pour l'économie (voir, par exemple, arrêt de la cour d'appel de Paris du 8 octobre 2008, SNEF, n° 2007/18040, page 4).

1181.L'Autorité, qui n'est pas tenue de chiffrer précisément le dommage causé à l'économie, doit procéder à une appréciation de son existence et de son importance, en se fondant sur une analyse aussi complète que possible des éléments du dossier et en recherchant les différents aspects de la perturbation générale du fonctionnement normal de l'économie engendrée par les pratiques en cause (arrêts de la cour d'appel de Paris du 30 juin 2011, Orange France, RG n° 2010/12049, page 5, confirmé sur pourvoi par arrêt de la Cour de cassation du 30 mai 2012, précité ; et du 26 janvier 2012, Beauté Prestige International e.a., RG n° 2012/23945, page 89). L'existence du dommage à l'économie ne saurait donc être présumée (arrêt de la Cour de cassation du 7 avril 2010, Orange France e.a. n°s 09-12984, 09-13163 et 09-65940).

1182.En se fondant sur une jurisprudence établie, l'Autorité tient notamment compte, pour apprécier l'incidence économique de la pratique en cause, de l'ampleur de l'infraction, telle que caractérisée, entre autres, par sa couverture géographique ou par la part de marché cumulée des participants sur le secteur ou le marché concerné, de ses conséquences conjoncturelles ou structurelles, ainsi que des caractéristiques économiques pertinentes du secteur ou du marché concerné (voir, par exemple, arrêts de la cour d'appel de Paris du 30 juin 2011, précité, page 5 et du 26 janvier 2012, précité, page 89 ; voir également, en ce sens, arrêt de la Cour de cassation du 30 mai 2012, précité). Les effets tant avérés que potentiels de la pratique peuvent être pris en considération à ce titre (voir, en ce sens, arrêt de la Cour de cassation du 28 juin 2005, Novartis Pharma, n° 04-13910). S'agissant de l'ampleur de la pratique visée par le grief n° 1, celle-ci s'est déroulée sur deux campagnes tarifaires, à savoir 2004-2005 et 2005-2006. Les dix entreprises ayant participé aux pratiques lors de ces deux campagnes représentaient, en 2008, environ 48,5 % de parts de marché en valeur (voir tableau 21 infra).

1183.Les deux plus importantes entreprises du secteur, Geodis et GeoPost France (groupe La Poste) qui représentaient, en 2008, 32,4 % de parts de marché en valeur, n'ont donc pas participé aux pratiques visant la première campagne tarifaire. Ces deux entreprises pouvaient donc constituer une véritable menace pour les membres de l'entente si les prix s'écartaient de leur niveau de concurrence, et ce d'autant que le secteur présentait, à cette période, des surcapacités (voir infra et cotes nos 55889 et 48350). Lors de la seconde campagne tarifaire, Gefco, GéoPost France, Ciblex et Normatrans ont rejoint l'entente, qui couvrait alors 65,9 % du marché de la messagerie, tous segments confondus.

1184.La présence de concurrents importants en dehors de l'entente au cours des deux périodes, dont le leader du secteur Geodis, représentant à lui seul environ 20 % du marché, est de nature à relativiser l'ampleur de la pratique, et ce bien que Geodis ait mis en place postérieurement à l'initiative des autres membres de l'entente une surcharge gazole avec une méthodologie similaire à celle déterminée lors des réunions.

Tableau 21 : Parts de marché des entreprises ayant participé au premier grief, selon le nombre de campagnes concernée


Entreprises ayant participé aux deux campagnes "surchage gazole"
Part de marché
(en %)


Transport Henri Ducros
0,4


Alloin
2,9


Ziegler
2,9


Schenker Joyau
3,4


GLS
3,8


Heppner
4,1


Dachser (ex-Graveleau)
5,6


Mory
7,2


TNT Express France
8,8


DHL Express
9,4


Part de marché totale pour les deux compagnes
48,5



Entreprises n'ayant participé qu'à la deuxième campagne
Part de marché
(en %)


Normatrans
0,4


Ciblex
1,7


Gefco
3,7


Geopost
11,5


Part de marché totale
65,9


1185.S'agissant des caractéristiques objectives du secteur, ces dernières sont identiques à celles développées au titre de l'appréciation du dommage à l'économie relative au grief n° 2. Il est donc renvoyé aux paragraphes 1231 et suivants de la présente décision.

1186.S'agissant des effets conjoncturels liés à la pratique visée par le grief, il convient en premier lieu de relever que l'argument selon lequel les opérateurs auraient, en l'absence de concertation, en tout état de cause opté pour une méthode de répercussion du coût du gazole identique entre en contradiction avec le fait que les opérateurs se sont concertés sur cette méthode. Le degré de certitude avec lequel cette méthode de répercussion se serait imposée aux opérateurs n'était donc pas suffisant pour que les entreprises s'abstiennent de se coordonner.

1187.En second lieu, les échanges d'informations et l'élaboration d'une méthode commune ont permis aux messagers de faciliter l'acceptation de la surcharge gazole par les clients alors même que, au moment des faits, il n'existait aucune législation imposant la facturation d'une telle surcharge.

1188.Pour autant, les effets conjoncturels associés à cette pratique peuvent être considérés comme limités pour deux raisons.

1189.Tout d'abord, l'analyse économique montre qu'en cas de hausse des coûts, la répercussion de cette hausse dans les prix de vente est d'autant plus élevée que la concurrence entre les vendeurs est forte, le faible niveau des marges ne permettant pas alors aux concurrents d'absorber une part importante de la hausse des coûts. Or la concurrence dans le secteur de la messagerie, du fait du grand nombre d'opérateurs qui le composent, de la relative homogénéité de leurs services, du pouvoir de négociation de certains clients et des surcapacités qui pouvaient être constatées à la période de la hausse des prix du gazole, aurait été substantielle en l'absence de pratiques anticoncurrentielles. Ainsi, indépendamment de toute pratique anticoncurrentielle, la hausse des coûts entraînée par la hausse du prix du gazole aurait vraisemblablement été répercutée de manière significative aux clients des messagers.

1190.Ensuite, en considérant comme méthode de répercussion alternative à celle prévue lors de la concertation celle présentée par Dachser dans son étude économique (cotes n°s 77485 et suivantes) et même en supposant que le taux de répercussion en l'absence des pratiques n'aurait été que de 70 %, l'écart de surcharge gazole entre les deux méthodes de répercussion ainsi étudiées apparaît minime, compris entre 0,26 % et 0,78 % selon le type de camion pris en compte. Rapporté au poids de ce poste de coût dans le prix de revient des services de messageries (soit entre 15 % et 22 % du prix de revient d'un véhicule selon le type de véhicule), le surprix alors subi par les clients serait compris entre 0,06 % et 0,12 %, ce qui atteste de l'effet limité de la pratique.

1191.Il résulte de l'ensemble de ce qui précède qu'une sanction forfaitaire apparaît plus adaptée qu'une sanction pécuniaire calculée selon la méthode rappelée dans le communiqué sanctions.

Une telle appréciation est favorable aux entreprises mises en cause.

3. SUR LE MONTANT DE LA SANCTION

1192.Au vu des considérations qui précèdent, il y a lieu, en regroupant les entreprises en plusieurs catégories pour refléter le poids économique respectif de chacune d'entre elles d'imposer les sanctions suivantes au titre du grief n° 1.

Tableau 22 - Montant forfaitaire des sanctions prononcées au titre du grief n° 1

Entreprise
Montant forfaitaire (en euros)


Alloin
100 000


Chronopost
200 000


Exapaq
200 000


Dachser France
100 000


DHL Express (France)
200 000


Gefco
100 000


GLS France
200 000


Heppner
100 000


Lambert et Valette
50 000


XP France
100 000


Normatrans
50 000


Schenker-Joyau
200 000


TNT Express France
200 000


1°) ALORS QUE le principe d'égalité de traitement commande non seulement que des situations identiques ne soient pas traitées de façon différentes mais également que des situations différentes ne soient pas traitées de façon identique, sauf à constater qu'un motif supérieur d'intérêt général justifierait, au cas particulier, un traitement discriminatoire ; qu'en l'espèce, la société Gefco rappelait que l'Autorité de la concurrence avait, s'agissant du grief n°1, défini trois catégories d'entreprises « pour refléter le poids respectif de chacune d'entre elles » et qu'elle avait attribué à chacune de ces catégories une sanction forfaitaire allant de 50.000 à 200.000 euros, ce qui avait conduit l'Autorité à lui infliger une sanction deux fois plus élevée que d'autres entreprises ayant participé beaucoup plus longtemps et de façon beaucoup plus intense aux pratiques dénoncées ; qu'elle faisait valoir que le seul poids économique respectif des parties ne constituait pas un critère pertinent et suffisant de répartition des sanctions forfaitairement définies par l'Autorité de la concurrence et que l'Autorité avait, en statuant comme elle l'avait fait, méconnu le principe d'égalité de traitement ; qu'en jugeant que l'Autorité de la concurrence n'avait pas méconnu ce principe dans la mesure où elle avait « appliqué la même méthode de calcul pour l'ensemble des entreprises », la Cour d'appel, qui a statué par un motif impropre à écarter toute méconnaissance du principe d'égalité de traitement, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 464-2 du code de commerce, ensemble l'article 1er du protocole additionnel n°12 à la Convention européenne des droits de l'Homme ;

2°) ALORS QUE la seule référence au poids économique des sociétés poursuivies ne constitue pas à elle seule un facteur d'individualisation pertinent lorsque l'Autorité décide, avec l'accord des parties, de s'écarter de son communiqué sanction pour définir des catégories d'entreprises auxquelles elle attribue des sanctions forfaitairement déterminées ; qu'en l'espèce, la société Gefco rappelait que l'Autorité de la concurrence avait, s'agissant du grief n°1, défini trois catégories d'entreprises « pour refléter le poids respectif de chacune d'entre elle » - catégorie à chacune desquelles elle avait attribué une sanction forfaitaire allant de 50.000 à 200.000 euros -, ce qui avait conduit l'Autorité à lui infliger une sanction deux fois plus élevée que celle prononcée à l'encontre d'autres entreprises ayant participé beaucoup plus longtemps et de façon beaucoup plus intense aux pratiques dénoncées ; qu'en jugeant que le choix de retenir le « chiffre d'affaires » comme unique critère d'individualisation, à l'exclusion de tout autre critère, ne caractérisait pas une violation du principe d'individualisation des sanctions, la Cour d'appel a violé l'article L. 464-2 du code de commerce, ensemble l'article 1er du protocole additionnel n°12 à la Convention européenne des droits de l'Homme. Moyens produits au pourvoi n° E 18-21.719 par la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat aux Conseils, pour la société Geodis et la société SNCF, venant aux droits de l'EPIC SNCF mobilités.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande de GEODIS tendant à voir constater que l'intervention de l'Autorité de la concurrence devant la cour constituait, eu égard à ses conditions, une violation du droit à un procès équitable, AUX MOTIFS QUE « 47. En premier lieu, une partie des arguments de la société Geodis repose sur l'idée erronée que le ministre chargé de l'Économie et l'avocat général auraient le devoir de soutenir la position de l'Autorité.

48. Tant le ministre chargé de l'Économie que le ministère public formulent leurs observations et avis, destinés à éclairer la cour, en toute indépendance et sont susceptibles, le cas échéant, de faire leurs tout ou partie des moyens d'annulation ou de réformation soulevés par les requérantes. Leur présence à l'instance ne prive donc pas de fondement celle de l'Autorité, de sorte qu'aucune rupture de l'égalité des armes ne saurait être constatée du fait que l'instance se déroule en présence des uns et de l'autre et qu'ils disposent chacun d'un temps de parole à l'audience.

49. La cour ajoute, surabondamment, s'agissant de l'audience, d'une part, que, dans la présente affaire, le temps de parole cumulé des conseils des vingt-six requérantes représentées, entièrement consacré à soutenir des moyens d'annulation ou de réformation de la décision attaquée, a été beaucoup plus important que le temps de parole cumulé du représentant de l'Autorité, de celui du ministre chargé de l'Économie et de l'avocat général, d'autre part, que les requérantes ont eu la parole en dernier.

50. En second lieu, il est vrai que l'article R. 464-12 du code de commerce impose au demandeur au recours, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office, de déposer l'exposé de ses moyens au greffe de la cour dans les deux mois qui suivent la notification de la décision attaquée.

Toutefois, un tel recours fait suite à une procédure devant l'Autorité, généralement longue, au cours de laquelle le demandeur a eu tout le temps nécessaire pour appréhender le dossier, de sorte que le délai de deux mois est suffisant pour lui permettre de préparer son recours.

51. Au demeurant, la société Geodis ne soutient pas que ce délai aurait été trop court pour qu'elle puisse préparer son argumentation.

52. Quant au fait que l'Autorité a bénéficié d'un délai plus long pour déposer ses observations, la cour rappelle qu'aux termes de l'article R. 464-18 du code de commerce, c'est le premier président ou son délégué qui fixe « les délais dans lesquels les parties à l'instance doivent se communiquer leurs observations écrites et en déposer copie au greffe de la cour », « les délais dans lesquels l'Autorité de la concurrence et le ministre chargé de l'économie, lorsqu'il n'est pas partie à l'instance, peuvent produire des observations écrites » et « la date des débats ».

53. En l'espèce, c'est par ordonnance du délégué du premier président du 29 mars 2016 qu'ont été fixés les délais impartis à l'Autorité pour faire connaître ses observations, ainsi qu'à la société Geodis pour déposer son mémoire en réplique.

54. Il s'agit d'une mesure d'administration judiciaire, prise en présence des parties, qui, conformément à l'article 537 du code de procédure civile, n'est sujette à aucun recours.

55. La cour ajoute, surabondamment, que le fait que, dans la présente procédure, l'Autorité a disposé d'un délai de sept mois pour déposer ses observations en réponse se justifie par la nécessité où elle s'est trouvée de répondre aux dix-sept exposés des moyens – dont celui de la société Geodis, qui compte 182 pages –, déposés par les vingt-sept requérantes. Par ailleurs, elle rappelle que, outre le délai réglementaire de deux mois dont les requérantes ont disposé pour déposer leur exposé des moyens, le délégué du premier président leur a accordé deux mois et demi pour déposer leurs mémoires en réplique aux observations de l'Autorité et du ministre chargé de l'Économie.

56. En troisième lieu, il résulte de l'article R. 464-13 du code de commerce, dans sa version résultant de l'ordonnance n° 2008-1161 du 13 novembre 2008 portant modernisation de la régulation de la concurrence, applicable ratione temporis, que « [l]a déclaration de recours mentionne la liste des pièces et documents justificatifs produits » et que « [l]es pièces et documents mentionnés dans la déclaration sont remis au greffe de la cour d'appel en même temps que la déclaration ».

57. La société Geodis n'alléguant pas que cette disposition l'aurait, dans la présente affaire, empêchée de joindre à son mémoire en réplique des pièces nouvelles destinées à répondre à d'éventuels éléments nouveaux apportés par l'Autorité dans ses observations, son droit à un procès équitable n'a pas pu être violé.

58. Enfin, en dernier lieu, alors que la société Geodis n'établit pas que l'Autorité, le ministre chargé de l'Économie et le ministère public auraient été privilégiés de quelque façon que ce soit au cours de la procédure, ainsi que la cour vient de le constater, l'impartialité objective de la cour pour statuer sur les recours formés contre les décisions de l'Autorité n'est pas mise en cause par la présence de cette dernière à l'instance, comme la Cour européenne des droits de l'homme l'a jugé (CEDH, arrêt du 13 mars 2012, Bouygues Telecom c. France, req. n° 2324/08, point 67).

59. L'ensemble des moyens de la société Geodis sont rejetés » ;

1) - ALORS QUE l'égalité des armes implique l'obligation d'offrir à chaque partie une possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire et ce, au niveau de chaque instance prise isolément si bien qu'en se fondant sur la situation de cette Autorité par rapport aux requérantes, prises dans leur globalité, et non individuellement, pour considérer que les conditions d'intervention de l'Autorité de la concurrence ne méconnaissaient pas, en l'espèce, ce principe, la cour a violé, par fausse interprétation les stipulations de l'article 6-1 de la Convention européenne des droits de l'homme, ensemble l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

2) - ALORS QUE l'égalité des armes implique l'obligation d'offrir à chaque partie, et à tous les stades de la procédure, une possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire de sorte qu'en se fondant, pour écarter le moyen tiré de la méconnaissance de l'égalité des armes en raison des délais asymétriques dont disposent les requérants et l'Autorité de la concurrence pour produire leur argumentation devant la cour sur la circonstance inopérante que ce recours faisait suite à une longue procédure devant l'Autorité pendant laquelle le requérant avait pu « appréhender le dossier », quand, au demeurant, c'est aussi le cas de l'Autorité de la concurrence et que de nombreux moyens peuvent résulter de la décision de l'Autorité et n'avoir jamais été envisagés auparavant, la cour a violé les stipulations de l'article 6-1 de la Convention européenne des droits de l'homme ensemble l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

3) - ALORS QUE l'égalité des armes implique l'obligation d'offrir à chaque partie une possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire si bien qu'en se fondant, pour écarter le moyen tiré de l'inconventionnalité, au regard de ce principe, des dispositions des articles R. 464-12 et R. 464-13 du code de commerce, en tant qu'ils créent une asymétrie entre le requérant et l'Autorité de la concurrence dans la possibilité de formuler des moyens et de produire des pièces, sur le caractère théorique de la critique et l'absence de démonstration d'un grief en l'espèce, la cour, qui s'est bornée à procéder à un contrôle in concreto de l'application des textes, et non à un contrôle de conventionnalité in abstracto de ces textes auquel elle était pourtant invitée, a privé sa décision de base légale au regard des stipulations de l'article 6-1 de la Convention européenne des droits de l'homme ensemble l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

4) - ET ALORS QUE l'égalité des armes implique l'obligation d'offrir à chaque partie une possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire de sorte qu'en rejetant le moyen tiré de l'atteinte à ce principe en l'espèce, tout en jugeant irrecevable un des moyens d'annulation proposé au motif qu'il était tardif, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les stipulations de l'article 6-1 de la Convention européenne des droits de l'homme ensemble l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué de n'avoir que partiellement annulé l'article 2 de la décision n° 15-D-19 en ce qu'il avait dit établi que la société Geodis avait enfreint les dispositions des articles L. 420-1 du code de commerce et 101, paragraphe 1, du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, en participant, entre le 17 octobre 2005 et le 27 septembre 2006, à une entente sur le marché français de la messagerie et de la messagerie express, qui visait à la mise en place d'une concertation sur les hausses tarifaires annuelles et d'avoir rejeté tous autres moyens d'annulation ou de réformation de la décision n° 15-D-19, en ce compris le moyen tiré de l'irrégularité de l'auto-saisine de l'Autorité de la concurrence faute de proposition de son rapporteur général,

AUX MOTIFS QUE

« 91. En premier lieu, le moyen, en tant qu'il est soulevé par la société Geodis, doit être d'office déclaré irrecevable.

92. En effet, aux termes de l'article R. 464-12, dernier alinéa, du code de commerce, dans sa version résultant de l'ordonnance n° 2008-1161 du 13 novembre 2008 portant modernisation de la régulation de la concurrence, applicable ratione temporis, « [l]orsque la déclaration [de recours] ne contient pas l'exposé des moyens invoqués, le demandeur doit, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office, déposer cet exposé au greffe dans les deux mois qui suivent la notification de la décision de l'Autorité de la concurrence ».

93. Il découle de cette disposition, qui n'opère aucune distinction selon que les moyens soulevés sont ou non d'ordre public, que, lorsque le demandeur soulève un moyen qui ne figurait pas dans l'exposé de ses moyens, celui-ci n'est recevable que si le mémoire qui le contient est également déposé dans le délai de deux mois qui suit la notification de la décision attaquée.

94. Or, en l'espèce, le moyen pris de la violation de l'article L. 462-5 III du code de commerce a été invoqué pour la première fois par la société Geodis dans ses observations complémentaires déposées au greffe de la cour le 18 janvier 2017, postérieurement à l'expiration du délai précité.

95. La cour souligne, en tant que de besoin, que la question de la recevabilité du moyen, en tant qu'il est soulevé par Geodis, était dans le débat, l'Autorité ayant, par sa note en délibéré déposée le 16 mars 2017, dont la cour avait expressément autorisé la production, invité la cour à déclarer d'office ce moyen irrecevable, et la société Geodis ayant pu répliquer par sa note en délibéré déposée le 31 mars 2017, dont la cour avait également autorisé la production, de sorte que le principe du contradictoire a été respecté.

96. Il convient, en second lieu, d'examiner le moyen, en tant qu'il est soulevé par les sociétés XPO et XPO Logistics Europe.

97. L'article L. 462-5 III du code de commerce, dans sa version résultant de l'ordonnance du n° 2008-1161, applicable ratione temporis, dispose : « Le rapporteur général peut proposer à l'Autorité de la concurrence de se saisir d'office des pratiques mentionnées aux I et II et à l'article L. 430-8 ainsi que des manquements aux engagements pris en application des décisions autorisant des opérations de concentration intervenues avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2008-1161 du 13 novembre 2008 portant modernisation de la régulation de la concurrence. »

98. Saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité portant sur la conformité à la Constitution du III de l'article L. 462-5 du code de commerce, le Conseil constitutionnel a, au vingtième considérant de sa décision n° 2012-280 QPC, précitée, souligné « que si les dispositions du paragraphe III de l'article L. 462-5 du code de commerce autorisent l'Autorité de la concurrence à se saisir ‘d'office' de certaines pratiques ainsi que des manquements aux engagements pris en application des décisions autorisant des opérations de concentration, c'est à la condition que cette saisine ait été proposée par le rapporteur général ».

99. Il se déduit du libellé même de l'article L. 462-5 III du code de commerce ainsi que de l'interprétation qu'en a donné le Conseil constitutionnel dans la décision précitée, que l'Autorité ne peut se saisir d'office de pratiques anticoncurrentielles que si la proposition lui en est préalablement faite par le rapporteur général.

100. En revanche, aucune disposition légale ou réglementaire n'exige que la proposition adressée à l'Autorité de se saisir d'office prenne la forme d'un avis écrit, une recommandation orale, à condition qu'elle émane du rapporteur général, apparaissant suffisante, étant relevé que les parties peuvent, à la lecture des décisions de saisine d'office prises par l'Autorité, dont elles ont connaissance dans le cours de la procédure, et au plus tard lors de la notification de griefs, vérifier si les dispositions de l'article L. 462-5 III du code de commerce ont ou non été respectées.

101. De même, aucune disposition légale ou réglementaire n'exige qu'une telle proposition soit communiquée aux parties. Au demeurant, il convient de souligner que la proposition de se saisir d'office adressée par le rapporteur général à l'Autorité, si elle est suivie par l'Autorité, ouvre une phase de la procédure qui n'est pas contradictoire et que, au travers de la notification des griefs, qui ouvre la phase contradictoire, et du rapport des rapporteurs, les parties sont pleinement informées de la position du rapporteur général ; aussi la non-communication de ladite proposition est-elle en tout état de cause insusceptible de porter atteinte à leurs droits.

102. En l'espèce, la décision n° 09-SO-03 du 4 novembre 2009 précise qu'il est « [d]délibéré sur […] l'intervention de M. [W] [G], rapporteur général adjoint ». De même, la décision n° 10-SO-04 du 27 juillet 2010 précise qu'il est « [d]élibéré sur proposition de M. [W] [G], rapporteur général adjoint ».

103. Ces mentions établissent que les deux saisines d'office successives, qui sont à l'origine de la procédure ayant abouti à la décision attaquée, ont été faites sur proposition du rapporteur général adjoint, M. [G], et non à l'initiative de l'Autorité.

104. Par ailleurs, M. [G] disposait d'une délégation de fonctions en cas d'absence ou d'empêchement, consentie par la rapporteure générale par la décision du 9 mars 2009, précitée, dont l'article 1 prévoit que « Mme [Q] [C], M. [T] [P], et M. [J] [V] et M. [W] [G], rapporteurs généraux adjoints de l'Autorité de la concurrence, reçoivent délégation pour exercer, en cas d'absence ou d'empêchement de la rapporteure générale, les attributions que cette dernière détient directement du livre IV du code de commerce, à l'exception de celles mentionnées à l'article L. 461-4 ».

105. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme [X], rapporteure générale, n'aurait pas été absente ou empêchée les 4 novembre 2009 et 27 juillet 2010, dates auxquelles M. [G] a proposé à l'Autorité de se saisir d'office. Il est sans portée que, dans le délai qui s'est écoulé entre la première demande de clémence, le 10 octobre 2008, et la première proposition de saisine d'office, le 4 novembre 2009, et dans celui qui s'est écoulé entre la deuxième demande de clémence, le 12 avril 2010, et la seconde proposition de saisine d'office, le 27 juillet 2010, la rapporteure générale eût pu formuler une proposition de saisine d'office, dès lors que seule importe son absence ou son indisponibilité au jour où la proposition a été faite.

106. Le moyen des requérantes contestant la régularité de la délégation de fonctions du 9 mars 2009, qui ne soulève aucune difficulté sérieuse, sera écarté.

107. D'une part, il est certes constant qu'une autorité publique investie d'une compétence ne peut s'en déposséder, fût-ce temporairement et partiellement, que si la possibilité lui en a été expressément conférée par une disposition normative d'un niveau approprié.

108. Cependant, aucun texte ni aucun principe n'exigent que la possibilité de déléguer des compétences attribuées par un texte de valeur législative soit prévue par un texte de même valeur. À cet égard, la cour relève que, dans son arrêt du 6 novembre 2009, précité, le Conseil d'État a jugé, s'agissant des comptables publics des collectivités territoriales, que, bien qu'ils tiennent leur compétence en matière de recouvrement des recettes publiques de la loi, ils sont autorisés, en vertu du troisième alinéa de l'article 14 du décret du 29 décembre 1962 portant règlement général de la comptabilité publique – texte de valeur réglementaire –, à déléguer leurs pouvoirs à un ou plusieurs mandataires ayant la qualité pour agir en leur nom et sous leur responsabilité.

109. À partir du moment où la loi elle-même prévoit la désignation d'adjoints au rapporteur général et en fixe les modalités (article L. 461-4 du code de commerce), l'article R. 461-3 alinéa 5 du code de commerce constitue une disposition normative de niveau approprié pour conférer au rapporteur général la possibilité de déléguer à un rapporteur général adjoint tout ou partie de ses attributions, fussent-elles attribuées au rapporteur général par un texte de loi.

110. Aux termes de cette disposition, qui figure au titre VI, « De l'Autorité de la concurrence », du livre IV du code de commerce, le rapporteur général « peut déléguer à un ou des rapporteurs généraux adjoints tout ou partie des attributions qu'il détient conformément au présent titre ».

111. L'article L. 462-5 du code de commerce figurant dans ce même titre VI, il résulte de l'article R. 461-3 que le rapporteur général peut déléguer à un rapporteur général adjoint le pouvoir de proposer à l'Autorité de se saisir d'office.

112. D'autre part, ainsi qu'il résulte notamment de la réponse ministérielle n° 14630 du 18 novembre 2004, précitée, l'irrégularité des délégations de compétence simultanées à plusieurs délégataires, sans fixation d'un ordre de priorité, découle du risque que deux délégataires prennent séparément des actes différents pour une même affaire.

113. Ce risque est à la fois la cause et la mesure de l'irrégularité des délégations simultanées.

114. Or un tel risque est inexistant s'agissant de l'exercice du pouvoir de proposer à l'Autorité de se saisir d'office. En effet, la position d'un rapporteur général adjoint délégataire qui estimerait qu'il n'y a pas lieu de proposer à l'Autorité de se saisir d'office, ne se traduit pas par une décision, mais par une simple abstention. Par ailleurs, une fois que l'Autorité s'est, sur proposition d'un rapporteur général adjoint délégataire, saisie d'office, la question de l'opportunité de cette proposition ne se pose plus. Par conséquent, aucune contradiction n'est envisageable entre deux décisions prises par des rapporteurs généraux adjoints auxquels le rapporteur a délégué simultanément le pouvoir qu'il tient de l'article L. 462-5 III du code de commerce, ni même entre deux prises de position de ces derniers.

115. Dès lors, la décision du 9 mars 2009 n'est pas nulle en tant qu'elle a délégué ce pouvoir simultanément aux quatre rapporteurs généraux adjoint, dont M. [G].

116. La cour ajoute, à titre subsidiaire, que, comme le fait justement valoir l'Autorité, à supposer que la délégation de fonctions du 9 mars 2009 fût irrégulière, M. [G] n'en disposait pas moins, en l'espèce, du pouvoir de proposer à l'Autorité de se saisir d'office.

117. Il avait en effet vocation, tant par la place qu'il occupait dans la hiérarchie des services d'instruction de l'Autorité que par le rôle qu'il assumait dans ces services, à assurer d'office, faute de dispositions législatives ou réglementaires organisant la suppléance de la rapporteure générale, une telle suppléance, en cas d'absence ou d'empêchement de cette dernière, dans les dossiers ouverts à la suite des demandes de clémence présentées les 10 octobre 2008 et 12 avril 2010 par la société Deutsche Bahn et ses filiales.

118. D'une part, M. [G] était rapporteur général adjoint, c'est-à-dire, ainsi qu'il résulte des termes mêmes désignant cette fonction, l'adjoint du rapporteur général.

119. D'autre part, aux termes des informations fournies par l'Autorité dans sa note en délibéré déposée le 31 mars 2017 et que les sociétés XPO et XPO Logistics Europe n'ont pas contestées, M. [G] était chef du service concurrence 5 de l'Autorité, service auquel la rapporteure générale avait confié le traitement et le suivi des demandes de clémence qui ont été le point de départ des procédures ayant abouti à la décision attaquée.

120. Vainement les sociétés XPO et XPO Logistics Europe soutiennent-elles que la suppléance du rapporteur général est organisée par l'article R. 461-3 du code de commerce, ce qui exclurait le recours à une suppléance assurée d'office.

121. Si l'article R. 461-3 dernier alinéa du code de commerce précise qu' « [e]n cas de vacance du poste de rapporteur général, un intérim est assuré par le rapporteur général adjoint le plus ancien dans la fonction », cette disposition ne régit pas l'hypothèse où l'absence ou l'empêchement du rapporteur général en poste nécessite d'assurer sa suppléance.

122. Quant à l'alinéa 5 du même article, aux termes duquel le rapporteur général « peut déléguer à un ou des rapporteurs généraux adjoints tout ou partie des attributions qu'il détient conformément au présent titre », il se borne à autoriser le rapporteur général à déléguer ses attributions, mais n'organise pas sa suppléance. Contrairement à l'analyse des requérantes, le recours à une suppléance d'office n'est pas de nature à priver cette disposition de portée juridique et d'effet utile. En effet, la délégation de ses attributions n'étant qu'une simple faculté pour le rapporteur général, son absence ou son empêchement peuvent nécessiter sa suppléance lorsqu'il n'a délégué qu'une partie de ses attributions, a fortiori lorsqu'il ne les a pas déléguées ou lorsque la délégation qu'il en a faite est irrégulière. Au demeurant, même dans le cas où le rapporteur général a délégué toutes ses attributions par une délégation régulière, il peut s'avérer nécessaire d'organiser sa suppléance d'office, par exemple si la cessation des fonctions du rapporteur général adjoint bénéficiaire de la délégation met fin à celle-ci.

123. Le moyen des sociétés XPO et XPO Logistics Europe est rejeté » ;

1) - ALORS QUE le principe du contradictoire comme l'égalité des armes imposent qu'un moyen qui ne pouvait être soulevé, conformément aux dispositions de l'article R. 464-12 du code de commerce, dans le délai de deux mois à compter de la déclaration d'appel, soit examiné quand bien même il aurait été produit postérieurement si bien qu'en refusant d'examiner le moyen tiré de la violation de l'article L. 462-5 III du code de commerce au motif qu'il avait été invoqué par la société GEODIS postérieurement à ce délai de deux mois, sans rechercher, comme elle y était invitée, si le moyen tiré de l'absence d'auto-saisine régulière de l'Autorité en raison de l'illégalité de la délégation dont bénéficiait le rapporteur général adjoint, n'était pas recevable dès lors qu'il ne pouvait être invoqué avant que ne soit communiquée, le 1er mars 2017, près d'un an après l'expiration du délai précité, la décision portant attribution de fonctions de l'intéressé, la Cour a privé sa décision de base légale au regard des stipulations de l'article 6-1 de la Convention européenne des droits de l'homme ensemble l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

2) - ALORS QUE l'Autorité de la concurrence ne peut s'autosaisir des pratiques mentionnées aux I et II de l'article L. 430-8 du code de commerce que sur proposition de son rapporteur général ; que la preuve de cette proposition, qui répond à une exigence constitutionnelle, ne saurait résulter exclusivement de la mention d'une telle proposition, laquelle ne peut être contradictoirement débattue pour apprécier la régularité de la procédure de sorte qu'en se fondant, pour considérer qu'une telle proposition avait bien été réalisée en l'espèce, sur les seules mentions des décisions du 4 novembre 2009 et du 27 juillet 2010, la cour a violé les dispositions de l'article L. 462-5 III du code de commerce ;

3) - ALORS QUE le juge civil ne peut, sauf en l'absence de difficultés sérieuses, apprécier la légalité d'un acte administratif si bien qu'en rejetant les moyens contestant la légalité de la délégation de fonctions accordée au rapporteur général par décision du 9 mars 2009 qui posaient des difficultés sérieuses quant à la possibilité même d'une telle délégation et à la régularité formelle de la délégation, la cour a empiété sur la séparation des autorités administratives et judiciaire et violé, par refus d'application, la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III,

4) - ALORS QU'une délégation de fonctions s'assimile à un transfert de compétences qui ne peut être autorisé que par l'autorité qui dispose du pouvoir d'attribuer la compétence en cause de sorte que la compétence conférée par l'article L. 462-5 III du code de commerce au rapporteur général pour proposer à l'Autorité de la concurrence de s'autosaisir de pratiques restrictives de concurrence n'a pu être déléguée au rapporteur général adjoint par un texte réglementaire ; qu'en jugeant au contraire que l'article R. 461-3 alinéa 5 du code de commerce qui autorise le rapporteur général à déléguer ses attributions avait pu constituer le fondement d'une délégation autorisant le rapporteur général adjoint à émettre, en lieu et place du rapporteur général, la proposition d'autosaisine de l'Autorité, la cour a violé l'article L. 462-5 III du code de commerce ;

5) - ALORS, SUBSIDIAIREMENT, que l'article R. 461-3 alinéa 5 du code de commerce, qui figure dans la partie réglementaire du code de commerce qui suit sa partie législative distincte, n'a, en prévoyant la possibilité pour le rapporteur général de déléguer les attributions prévues au « présent titre », pu viser que les attributions figurant dans le titre VI de la partie réglementaire du code de commerce de sorte qu'en se fondant sur cette disposition pour admettre que le rapporteur général avait pu déléguer à un rapporteur général adjoint le pouvoir qu'il tient de l'article L. 462-5 III du code de commerce, d'émettre une proposition permettant à l'Autorité de la concurrence de pratiques anticoncurrentielles, la cour a violé, par fausse application, l'article R. 461-3 alinéa 5 du code de commerce ;

6) - ALORS QUE l'Autorité de la concurrence ne peut s'autosaisir des pratiques mentionnées aux I et II de l'article L. 430-8 du code de commerce que sur proposition de son rapporteur général ; qu'une délégation de pouvoir n'est légale qu'à condition d'être suffisamment précise si bien qu'en rejetant le moyen tiré de l'irrégularité de cette délégation sans se prononcer sur la précision suffisante de cet acte, qui était contestée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article L. 462-5 III du code de commerce ;

7) - ALORS QUE par exception au principe selon lequel la suppléance doit être prévue par un texte, celui qui a vocation, par la place qu'il occupe dans la hiérarchie, à assurer la vacance de la personne compétente peut le faire d'office et sans texte lorsqu'il est établi par les pièces du dossier que la continuité du service public était effectivement mise en cause par l'absence établie de l'autorité compétente de sorte qu'en admettant la suppléance du rapporteur général sans caractériser son absence effective ou son empêchement, la cour a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article L. 462-5 III du code de commerce ;

8) - ET ALORS QUE par exception au principe selon lequel la suppléance doit être prévue par un texte, celui qui a vocation, par la place qu'il occupe dans la hiérarchie, à assurer la vacance de la personne compétente peut le faire d'office et sans texte lorsqu'il est établi par les pièces du dossier que la continuité du service public était effectivement mise en cause par l'absence établie de l'autorité compétente de sorte qu'en retenant la suppléance du rapporteur général par M. [G], sans rechercher, ainsi qu'elle était invitée à le faire, si le rapporteur général adjoint le plus ancien dans la fonction n'avait pas plus vocation à assurer cette suppléance, la cour a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article L. 462-5 III du code de commerce.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué de n'avoir que partiellement annulé l'article 2 de la décision n° 15-D-19 en ce qu'il avait dit établi que la société Geodis avait enfreint les dispositions des articles L. 420-1 du code de commerce et 101, paragraphe 1, du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, en participant, entre le 17 octobre 2005 et le 27 septembre 2006, à une entente sur le marché français de la messagerie et de la messagerie express, qui visait à la mise en place d'une concertation sur les hausses tarifaires annuelles et d'avoir rejeté tous autres moyens d'annulation ou de réformation de la décision n° 15-D-19, en ce compris le moyen tiré de l'irrégularité de la décision en raison de la violation du principe du contradictoire en l'absence de prise en considération de la note en délibéré produite par GEODIS devant l'Autorité,

AUX MOTIFS QUE

« 175. La société Geodis soutient qu'en rejetant la note en délibéré qu'elle avait adressée au collège le 15 octobre 2015, l'Autorité a entaché la décision attaquée d'irrégularité.

176. Elle fait valoir que, lors de la séance du collège, le 30 septembre 2015, elle a été interrogée pour la première fois sur une pièce (cotes 2683-2686) qui n'avait jamais été discutée dans le cadre de la procédure écrite, et dont les rapporteurs n'avaient pas fait état lors de leur présentation orale en séance.

(…)

181. Il est constant que la pièce en cause n'a pas été ajoutée à la procédure lors de la séance du collège, mais faisait déjà partie du dossier d'instruction. Partant, il était loisible à la société Geodis de procéder, avant la séance, aux vérifications nécessaires afin de fournir spontanément toutes explications sur cette pièce – dont elle indique elle-même qu'elle a trait à la question « essentielle » de sa représentation par M. [O] – sans attendre d'être interrogée à son sujet.

182. Par ailleurs, le fait d'avoir posé des questions sur une pièce faisant partie intégrante de la procédure ne saurait être considéré comme une manoeuvre déloyale ni comme une violation du principe du contradictoire de la part des membres du collège.

183. Dès lors, même à supposer que le régime de la note en délibéré devant le juge administratif soit applicable devant le collège de l'Autorité, ce dernier n'était pas tenu de rouvrir l'instruction alors que la société Geodis était en mesure de réunir les éléments de fait contenus dans sa note avant la clôture des débats.

184. Enfin, la Cour européenne des droits de l'homme a certes dit, dans son arrêt Kress c. France, précité (§ 76), que, devant le Conseil d'État, la faculté donnée aux parties de répliquer, par une note en délibéré, aux conclusions du commissaire du Gouvernement dont elles ont pris connaissance lors de la séance, contribue au respect du contradictoire.

Toutefois, même à supposer son enseignement transposable à la séance devant le collège de l'Autorité, son invocation est dépourvue de pertinence en l'espèce ; en effet, la société Geodis ne soutient pas que sa note en délibéré visait à répondre à des éléments ou arguments nouveaux développés par les rapporteurs ou par le commissaire du Gouvernement lors de la séance du 15 octobre 2015 et dont elle n'aurait pas eu auparavant connaissance.

185. La cour rappelle, d'une part, que le collège de l'Autorité est tenu de faire respecter devant lui le principe du contradictoire et le principe d'égalité des armes, d'autre part, qu'à l'issue de la séance, les débats sont clos. Ceci implique qu'après la séance, les parties ne peuvent, sans rompre l'égalité entre elles, ajouter des éléments ou arguments qui n'auraient pas été débattus, à moins que cette possibilité ait été envisagée en séance par le collège, qu'il ait donné une autorisation en ce sens et que le contradictoire soit respecté. En l'espèce, le collège ne pouvait donc accepter, sans violer ces principes, une note en délibéré dont il n'avait pas autorisé préalablement la production » ;

ALORS QUE le droit à un procès équitable, et en particulier le principe du contradictoire et le respect des droits de la défense s'opposent à ce que l'Autorité puisse, au cours de la séance, interroger l'entreprise poursuivie, sur le fondement d'un document certes déjà versé au dossier, mais sur un point de fait la mettant en cause n'ayant jamais été mis en avant auparavant, sans lui permettre de préciser, par la réouverture de l'instruction ou la production d'une note en délibéré, ses éléments de réponse si bien qu'en considérant qu'au contraire, l'Autorité devait refuser la note en délibéré établie par GEODIS après que cette dernière eut été interrogée au cours de la séance du collège du 30 septembre 2015 sur un échange d'emails supposés présents au dossier, sans rechercher, comme elle y était invité, si cet élément censé établir la représentation de GEODIS par M. [O] après son départ à la retraite, avait pu faire l'objet d'un débat contradictoire avant l'audience, la cour a privé sa décision de base légale au regard des stipulations de l'article 6-1 de la Convention européenne des droits de l'Homme, ensemble l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué de n'avoir que partiellement annulé l'article 2 de la décision n° 15-D-19 en ce qu'il avait établi que la société Geodis avait enfreint les dispositions des articles L. 420-1 du code de commerce et 101, paragraphe 1, du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, en participant, entre le 17 octobre 2005 et le 27 septembre 2006, à une entente sur le marché français de la messagerie et de la messagerie express, qui visait à la mise en place d'une concertation sur les hausses tarifaires annuelles et d'avoir rejeté tous autres moyens d'annulation ou de réformation de la décision n° 15-D-19 en ce y compris le moyen tiré de l'absence de participation de GEODIS à la pratique concertée reprochée pour les campagnes 2009-2010 et 2010-2011,

AUX MOTIFS QUE

« ß. Sur les campagnes tarifaires 2009-2010 et 2010-2011
338. S'agissant de la campagne 2009-2010, l'Autorité a relevé que la société Geodis, représentée par M. [O], avait participé à la réunion du Conseil de Métiers du 17 septembre 2009, au cours de laquelle des informations tarifaires avaient été échangées, ainsi qu'aux réunions de suivi des négociations tarifaires qui s'étaient tenues les 28 janvier et 20 mai 2010 (décision attaquée, § 487 à 490, 495 à 498 et 944 à 950). Elle a constaté, au vu de notes saisies dans les locaux de la société Heppner, que ces deux dernières réunions avaient donné lieu à un tour de table, au cours duquel les participants avaient fait le bilan de leurs hausses tarifaires respectives, et à des échanges d'informations. S'agissant de la société Geodis, ces notes, pour la réunion du 28 janvier 2010, portent les mentions « l'express continue de souffrir » et « l'activité reste bénéficiaire mais dégradation du résultat » et, pour la réunion du 20 mai 2010, font état de données relatives à l'évolution du chiffre d'affaires et à l' « effet prix »
(décision attaquée, § 951 à 953).

339. S'agissant de la campagne 2010-2011, l'Autorité a fait un constat identique. Elle s'est fondée, d'abord, sur un courrier électronique interne de la société Dachser, daté du 1 septembre 2010, dans lequel son auteur indiquait être allé « à la pêche aux informations chez nos confrères sur leur volonté d'augmentation tarifaire en fin d'année », et qui comportait des données tarifaires de plusieurs entreprises, parmi lesquelles la mention « Geodis : 2,9 % au 1 octobre » (décision attaquée, § 499 à 501 et 954). Elle a relevé, ensuite, un compte rendu manuscrit de la réunion du Conseil de Métiers du 16 septembre 2010, saisi dans les locaux de la société Heppner, comportant, pour chacun des participants, dont la société Geodis, des données tarifaires relatives à la campagne 2010-2011 (décision attaquée, § 502 à 504 et 955). Enfin, elle a observé que toutes ces informations étaient cohérentes avec les circulaires effectivement adressées par les entreprises mises en cause, et notamment la société Geodis, à leurs clients (décision attaquée, § 505).

340. La société Geodis conteste cette analyse au motif que M. [O] avait pris sa retraite au mois de mars 2009 et que, ne faisant plus partie de ses effectifs depuis cette date, il ne participait aux réunions du Conseil de Métiers qu'en sa qualité de président de celui-ci, mais qu'il ne la représentait pas ni n'agissait pour son compte. Elle soutient, par ailleurs, qu'il n'est pas établi que les informations la concernant auraient été communiquées, au cours des réunions litigieuses, par M. [O] et qu'en toute hypothèse, le dossier ne contient aucun élément de preuve d'où il ressortirait qu'elle les aurait elle-même transmises à M. [O]. Enfin, elle fait valoir que ces informations ne présentaient aucun intérêt stratégique.

341. L'Autorité rappelle, au paragraphe 942 de la décision attaquée, que, selon la pratique décisionnelle et la jurisprudence nationales, ni la signature d'un contrat de travail ni l'existence d'un mandat ou d'une autorité particulière confiée à la personne qui représente l'entreprise ne sont nécessaires pour retenir l'implication de celle-ci dans des pratiques anticoncurrentielles. Elle souligne qu'en l'espèce, les comptes rendus des réunions du Conseil de Métiers désignaient M. [O] comme représentant de la société Geodis après mars 2009 et pendant l'année 2010, et que la société n'a pris aucune mesure pour rompre le lien de représentation l'unissant à lui, pas plus qu'elle n'a nommé un nouveau représentant pour lui succéder au Conseil de Métiers.

342.En premier lieu, concernant la participation de la société Geodis aux réunions du Conseil de Métiers des 17 septembre 2009, 28 janvier, 20 mai et 16 septembre 2010, dont l'Autorité a considéré qu'elles avaient été le cadre d'échanges d'informations sensibles relatives aux campagnes tarifaires 2009-2010 et 2010-2011, il n'est pas contesté que M. [O] a participé à ces réunions, lesquelles se sont tenues sous sa présidence.

343. Par ailleurs, la cour tient pour acquis que M. [O] ayant pris sa retraite au mois de mars 2009, il n'était, à partir de cette date, plus salarié de la société Geodis.

344. Ce constat laisse cependant entière la question de savoir si M. [O] a participé à ces réunions, non seulement en sa qualité de président du Conseil de Métiers, mais aussi, comme il le faisait jusqu'à son départ en retraite, en tant que représentant de la société Geodis, de sorte que ses agissements au sein de ce conseil, s'ils étaient avérés, devraient être imputés à celle-ci.

345. En effet, ainsi que l'Autorité le rappelle à juste titre, l'existence d'un tel lien de représentation s'apprécie d'une façon purement factuelle et ne fait l'objet d'aucune exigence formelle ; en particulier, n'est pas requise la démonstration de l'existence d'un contrat de travail, d'un mandat spécifique ou d'une responsabilité particulière conférée aux fins de cette représentation.

346.Dès lors, au cas d'espèce, le fait que M. [O] ait pris sa retraite au mois de mars 2009 et l'absence au dossier d'élément d'où il ressortirait que la société Geodis lui aurait formellement demandé de continuer à siéger en son nom au sein du Conseil de Métiers ne permettent pas d'exclure que M. [O] la représentait encore.

347.En revanche, il ressort des circonstances de l'espèce que M. [O] doit être considéré comme ayant effectivement continué à représenter la société Geodis au sein des réunions du Conseil de Métiers, puisque c'est en cette qualité, outre celle de président du Conseil de Métiers, qu'il était mentionné sur les comptes rendus des réunions litigieuses.

348. La société Geodis conteste qu'on puisse en tirer une telle conclusion et fait valoir que « c'était sans doute par erreur ou par habitude que le nom de M. [O] figurait au côté de celui de Geodis sur certaines feuilles de présence ou d'émargement ». Mais cette explication ne peut qu'être écartée. En effet, la société Geodis, en sa qualité de membre de la fédération TLF, était nécessairement destinataire de ces comptes rendus, ainsi que de tous les documents relatant les travaux du Conseil de Métiers, sur lesquels M. [O] était désigné comme la représentant. Il eût, dès lors, été inconcevable qu'elle n'ait pas réagi à l'époque des faits en faisant savoir à la fédération TLF et à ses membres que M. [O] ne la représentait pas, si tel avait été le cas.

349. Au demeurant, la teneur des informations qui, ainsi qu'il sera relevé ci-après, ont été communiquées par M. [O] lors des réunions du Conseil de Métiers, démontre qu'elles ne pouvaient provenir que de la société Geodis elle-même.

350. La société Geodis verse certes aux débats une attestation de M. [O], par laquelle celui-ci affirme qu'à partir de mars 2009, il ne siégeait plus au sein de la fédération TLF qu'en tant que président du Conseil de Métiers, et non plus en qualité de représentant de Geodis (cote 59939) ; mais les liens étroits unissant M. [O] et la société Geodis conduisent à accueillir avec circonspection ce témoignage qui ne suffit pas à combattre les preuves contraires figurant au dossier. De même, la circonstance que, comme l'expose la société Geodis, M. [O] avait créé son propre cabinet de conseil et que, dans ce cadre, il assistait certains de ses concurrents ou fournisseurs, n'empêchait nullement qu'il continue à la représenter, dès lors qu'il considérait que cette situation ne portait pas atteinte à ses obligations contractuelles et à ses devoirs à l'égard de chacun de ses clients

351. C'est donc à juste titre que l'Autorité a considéré que c'est en qualité de représentant de la société Geodis que M. [O] a participé aux réunions du Conseil de Métiers des 17 septembre 2009, 28 janvier, 20 mai et 16 septembre 2010, dont il assurait par ailleurs la présidence.

352.Dans la mesure où il ressort de plusieurs éléments du dossier, ainsi que des développements qui suivent, concernant la participation des sociétés DHL et Virole à l'entente au cours de la campagne 2009-2010, que des informations sensibles ont été échangées, à tout le moins par d'autres participants à ces réunions, le constat qui précède suffit à caractériser, à défaut de distanciation de sa part, la participation de la société Geodis à l'entente au cours des campagnes 2009-2010 et 2010-2011.

353.En deuxième lieu, concernant la source des informations relatives à la société Geodis échangées au cours des réunions du Conseil de Métiers des 28 janvier, 20 mai et 16 septembre 2010, il ne peut être sérieusement soutenu, pour les raisons exposées ci-après dans le cadre de l'examen des notes manuscrites saisies dans les locaux de la société Heppner, que les informations dont il est fait état dans ces notes n'auraient pas été communiquées par M. [O], mais l'auraient été par une société concurrente, membre du Conseil de Métiers. D'ailleurs, si, dans ses écritures devant la cour, la société Geodis envisage quelquefois cette hypothèse – désignant, à propos des comptes rendus des réunions du Conseil de Métiers des 28 janvier et 20 mai 2010, « la personne dont les propos auraient été rapportés » et « les propos prêtés à M. [K] [O] » (Geodis, observations complémentaires, § 141 et 144) –, elle évoque aussi de façon explicite des « informations fournies par M. [K] [O] pendant les réunions du Conseil de Métiers », pour en contester le caractère stratégique (Geodis, observations complémentaires, § 153).

354. En dernier lieu, il convient d'analyser la teneur des informations communiquées par la société Geodis au cours des réunions du Conseil de Métiers des 28 janvier, 20 mai et 16 septembre 2010, ainsi que les éventuels échanges bilatéraux ou multilatéraux impliquant cette société.

355.S'agissant de la réunion du Conseil de Métiers du 28 janvier 2010, l'Autorité a considéré qu'elle avait donné lieu à un tour de table au cours duquel les participants avaient fait le bilan de leurs hausses tarifaires respectives et échangé des informations commercialement sensibles (décision attaquée, § 495 et 496). Elle a fondé ce constat sur des notes, saisies dans les locaux de la société Heppner, se rapportant à cette réunion et dans lesquelles figuraient des mentions relatives aux hausses tarifaires et aux prix des sociétés DHL (« hausse tarifaire dure (visée à 1 % avec crainte sur AO) »), Sernam (« hausse passe bien (1,6) sauf cas difficiles »), Normatrans (« hausse 1,9 % »), Gefco (« pas perception sur hausse »), Ducros (« baisse tarif » et « AO difficiles en cours ») et Exapaq (« effet prix 0,9 % »). En ce qui concerne la société Geodis, ces notes comportaient les mentions suivantes :

« Geodis : activité = 2009. L'express continue de souffrir. L'activité reste bénéficiaire mais dégradation du résultat. Cool Jet confirmation de prix bas et fret en baisse. Effet massification réel [mot illisible] les salaires avec crise). NAO discussion dans 15 filiales à compter de mars » (cote 1018).

356. La société Geodis dénie toute force probante à ce document et soutient que les propos rapportés ont été tenus par une personne « de toute évidence peu informée » et « guère au fait des décisions et de la stratégie de Geodis s'agissant de son activité de messagerie », mais ne pouvaient en aucun cas provenir d'elle-même. En effet, elle expose qu'elle avait acquis le 30 septembre 2009 le fonds de commerce de la société Cool Jet, citée dans ces propos, de sorte que les activités de messagerie de cette société et les siennes propres ne pouvaient plus être distinguées.

357. Cet argument est cependant démenti par les termes mêmes des mentions ci-dessus reproduites. À l'inverse de ce que prétend la requérante, ces mentions rapportent des informations individualisées et spécifiques, qui, au vu leur teneur, ne pouvaient provenir d'une veille concurrentielle puisqu'elles portaient sur le niveau d'activité de la société Geodis et sur ses résultats et émanaient donc d'une source interne à cette société. À cet égard, le fait que les informations en cause aient individualisé la situation de la société Cool Jet – par la simple mention « Cool Jet confirmation de prix bas et fret en baisse. Effet massification réel [mot illisible] les salaires avec crise) » – est indifférent, puisque l'acquisition de son fonds de commerce ayant été réalisée le 30 septembre 2009, elle ne rendait pas impossible de distinguer son activité et ses résultats de ceux de la société Geodis, au moins pour la plus grande partie de l'année 2009

358.S'agissant de la réunion du Conseil de Métiers qui a suivi, tenue le 20 mai 2010, l'Autorité a relevé que les entreprises présentes avaient échangé de nombreuses informations tarifaires et commerciales, relatives en particulier à l'évolution de leur chiffre d'affaires, comme en attestaient des notes, également saisies dans les locaux de la société Heppner (cote 997), contenant des informations relatives aux sociétés SVP Transport (« + 2 % en avril CA. Pression AO »), Normatrans (« +7 % en arrivage, + 1,3 client »), DHL (« en ligne [par rapport à] 2009. Baisse en mai. Vente finalisée avant l'été »), Exapaq (« maintien du prix de vente »), Ducros (« +5 % CA. Amélioration [illisible]. Tarifs en baisse »), Schenker-Joyau (« +5 % Très bon mois de mars. Prix de vente Nat mai [baisse] »), Chronopost (« +5 % Chronopost prix de vente entre -8/-10 %. Mai en demi-teinte. Inquiétude 2ème semestre ») et au Syndicat National des Transports Légers (« [environ] 0 % difficulté sur GO »).

359. En ce qui concerne la société Geodis, ces notes comportaient les mentions suivantes :

« messagerie + 4,5 % CA. + 2,5 % Express. 12 % trafic européen. Effet prix + 1 % ».

360. La société Geodis soutient que les informations la concernant ne présentaient pas d'intérêt et, de surcroît, étaient erronées, de sorte qu'elles ne pouvaient provenir d'elle-même. Elle souligne, en effet, que ces notes font état d'un chiffre d'affaires en hausse de 4,5 % pour la messagerie, de 2,5 % pour l'express et d'un effet prix de 1 %, alors que, comme en atteste sa note de gestion interne du 14 mai 2010, son volume d'affaires n'était en hausse que de 1,9 % et l'effet prix était de - 2 %, se décomposant en - 0,8 % pour la messagerie et - 3,3 % pour l'express.
361. Mais, il convient ici, non d'apprécier la fiabilité des données qui ont été divulguées, mais de déterminer si la société Geodis a, au cours de cette réunion, participé à des échanges d'informations sensibles. Or la nature des informations effectivement échangées démontre que tel a bien été le cas puisque ces informations, d'une part, portaient sur les hausses tarifaires des entreprises en cause et l'évolution de leur chiffre d'affaires et présentaient donc le caractère d'informations sensibles et, d'autre part, ayant trait à l'activité de la société Geodis, ne pouvaient émaner que de celle-ci. La circonstance que ces informations se seraient finalement avérées inexactes ne peut infirmer le constat, tiré de leur nature même, qu'elles ont été communiquées par la société Geodis.

362.S'agissant de la campagne 2010-2011, l'Autorité s'est fondée, comme la cour l'a déjà rappelé, d'une part, sur un courrier électronique interne de la société Dachser en date du 1er septembre 2010, d'autre part, sur un compte rendu manuscrit de la réunion du Conseil de Métiers du 16 septembre 2010, saisi dans les locaux de la société Heppner.

363. Le courrier électronique de la société Dachser contenait les mentions suivantes : « P.S. : Je viens juste d'aller à la pêche aux informations chez nos confrères sur leur volonté d'augmentation tarifaire en fin d'année : – Géodis : 2,9 % au 1er octobre – Mory : 2,5 % – Schenker : pas d'info pour le moment Si vous avez de votre côté d'autres informations, merci de me les transmettre. Bien entendu, si nous lançons de notre côté 5 % en moyenne et si la qualité n'est pas au rendez-vous en septembre et octobre et que nos confrères font moins de 3 %... »

364. L'Autorité a noté que ces mentions consistaient en des taux d'augmentation et des dates d'entrée en application et elle a considéré que l'expression « pêche aux informations chez nos confrères » attestait que des échanges bilatéraux avaient eu lieu entre les entreprises concernées.

365. La société Geodis considère que ce courrier électronique ne peut en aucune façon constituer la preuve d'une quelconque concertation ou d'un échange bilatéral d'informations qui l'impliquerait, lesquels ne sont pas démontrés par d'autres pièces du dossier. Elle ajoute que sa circulaire de hausse tarifaire avait déjà été diffusée, depuis le 31 août 2010 au moins, et que, la société Dachser comptant parmi ses clients, elle l'avait donc nécessairement reçue.

366.Mais cette explication n'est pas corroborée par les termes du courrier électronique de la société Dachser, dont le membre de phrase annonçant les données chiffrées recueillies – « Je viens juste d'aller à la pêche aux informations chez nos confrères sur leur volonté d'augmentation tarifaire en fin d'année » – démontre clairement que cette société ne se positionnait pas en tant que client, mais en tant que concurrent des autres entreprises, auprès desquelles elle avait obtenu des informations sur leurs hausses tarifaires.

367. C'est donc à juste titre que l'Autorité a considéré que la société Geodis avait été impliquée dans un échange bilatéral avec la société Dachser, à laquelle elle a communiqué la hausse tarifaire projetée pour la campagne 2010-2011.

368. En toute hypothèse, la preuve de la participation de la société Geodis aux échanges d'informations en cause n'est pas rapportée par ce seul courrier électronique, mais également par les notes manuscrites se rapportant à la réunion du Conseil de Métiers du 16 septembre 2010, saisies dans les locaux de la société Heppner.

369. Ces notes relatent des échanges d'informations d'ordre tarifaire entre les entreprises présentes, l'Autorité ayant relevé que dix d'entre elles avaient communiqué « des informations précises et individualisées sur leurs hausses tarifaires (...) ». C'est le cas de la société Geodis, puisque ces notes comportaient les indications suivantes :

« Geodis : 1 semestre + supérieure aux prévisions.
Difficulté de qualité à chaque pointe de trafic. Ciblex : activité en hausse et conforme aux prévisions. Tarif = 2,9 % sur toutes activités ».

370. La société Geodis fait valoir que l'augmentation de 2,9 % mentionnée avait été annoncée à ses clients par la circulaire qu'elle avait diffusée le 31 août 2010, et que cette information n'avait plus de caractère sensible ou confidentiel. Elle en conclut que cette information avait pu être communiquée, au cours de la réunion du 16 septembre 2010, non par M. [O], mais par des entreprises qui étaient ses clients.

371.Mais il ressort des notes manuscrites saisies dans les locaux de la société Heppner que les informations relatives à la société Geodis, qui ont été communiquées lors de la réunion du Conseil de Métiers du 16 septembre 2010, ne consistaient pas seulement dans le taux de hausse tarifaire – 2,9 % – annoncé dans la circulaire précédemment diffusée par cette société, mais portaient également sur son activité, puisque lesdites notes font état, la concernant, d'un premier semestre « supérieur[e] aux prévisions » et de « difficulté de qualité à chaque pointe de trafic ». De telles informations ne pouvant, par définition, être en possession que de la société Geodis elle-même, et non d'un de ses clients destinataire de sa circulaire, elles n'ont pu être communiquées que par elle aux participants à la réunion.

372. De l'ensemble de ces constatations, il résulte que la société Geodis a participé aux échanges d'informations en cause dans le cadre des campagnes 2006-2007, 2007-2008, 2008-2009, 2009-2010 et 2010-2011, soit du 28 septembre 2006 au 29 septembre 2010 »,

1) - ALORS QU'en matière d'entente, une personne morale ne peut être tenue responsable des agissements d'une personne physique qui n'est pas son salarié que si la personne physique et la personne morale forment entre elles une unité économique ou que la personne morale entend contribuer, par l'intermédiaire de cette personne physique, à une pratique concertée dont elle a connaissance, en divulguant ou en laissant divulguer des informations commerciales sensibles si bien qu'en considérant que les agissements de M. [O], dont elle constatait qu'il n'était plus le salarié de GEODIS, pouvaient être imputés à cette dernière, sans avoir caractérisé ni l'unité économique qui les relierait, ni l'intention de la société GEODIS de participer à une pratique anticoncurrentielle par le biais de M. [O] et d'en assumer les risques, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 420-1 du code de commerce, 101 du Traité sur le fonctionnement de l'Union, ensemble les principes de présomption d'innocence et de responsabilité personnelle ;

2) - ALORS QUE, conformément à la présomption d'innocence, il appartient à l'autorité de poursuite d'établir la réalité de la concertation entre entreprises si bien qu'en se fondant, pour imputer la présence de M. [O] à la société GEODIS, sur la circonstance que les comptes rendus mentionnant l'intéressé comme représentant de GEODIS après son départ à la retraite sans réaction de GEODIS, lui avaient été nécessairement communiqués, sans établir la réception de ces comptes rendus par GEODIS qui la contestait, la cour a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 420-1 du code de commerce, 101 du Traité sur le fonctionnement de l'Union et de la présomption d'innocence ;

3) - ALORS QUE, conformément à la présomption d'innocence, il appartient à l'autorité de poursuite d'établir la réalité de la concertation entre entreprises ; que lorsque ne peut être rapportée la preuve directe de la délivrance illicite d'informations, la preuve indirecte ne peut en être rapportée que si des informations dont la seule source peut être l'entreprise incriminée ont été communiquées de façon illicite de sorte qu'en se fondant, pour considérer que les informations relatives à GEODIS provenaient de GEODIS, sur leur seule nature et en considérant comme inopérante la question de leur fiabilité qui seule permet pourtant de l'imputer de façon certaine à l'entreprise en cause, la cour a violé les articles L. 420-1 du code de commerce, 101 du Traité sur le fonctionnement de l'Union, ensemble la présomption d'innocence ;

4) - ALORS QUE, conformément à la présomption d'innocence, il appartient à l'autorité de poursuite d'établir la réalité de la concertation entre entreprises ; que lorsque ne peut être rapportée la preuve directe de la délivrance illicite d'informations, la preuve indirecte ne peut en être rapportée que si des informations dont la seule source peut être l'entreprise incriminée ont été communiquées de façon illicite de sorte qu'en se fondant, pour caractériser la délivrance d'informations par GEODIS à ses concurrents, sur la formulation d'un courriel de la société Dachser mentionnant une « pêche aux informations chez nos confrères » et visant des informations relatives à GEODIS, sans même rechercher si, comme le soutenait GEODIS, les informations y figurant avaient été communiquées auprès de ses clientes, dont faisait partie la société Dachser, ce dont il résultait que les informations en cause pouvaient avoir été communiquées de façon licite et ne résultaient donc pas nécessairement d'une communication illicite, la cour a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 420-1 du code de commerce, 101 du Traité sur le fonctionnement de l'Union, et de la présomption d'innocence ;

5) - ALORS QUE, conformément à la présomption d'innocence, il appartient à l'autorité de poursuite d'établir la réalité de la concertation entre entreprises ; que lorsque ne peut être rapportée la preuve directe de la délivrance illicite d'informations, la preuve indirecte ne peut en être rapportée que si des informations dont la seule source peut être l'entreprise incriminée ont été communiquées de façon illicite ; qu'en se fondant, pour caractériser la délivrance d'informations par GEODIS à ses concurrents, sur la circonstance que dans les notes relatives à la réunion du Conseil de Métiers du 16 septembre 2010, la hausse tarifaire concernant GEODIS était accompagnée d'informations portant sur l'activité de cette société, lesquelles n'avaient pu être communiquées que par elle, quand seule était en cause l'information relative à la hausse tarifaire dont l'exposante avait établie qu'elle était déjà connue d'un certain nombre de personnes présentes lors de la réunion, la cour, qui n'a pas caractérisé que la communication de la hausse tarifaire était imputable à la société GEODIS au cours de la réunion, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 420-1 du code de commerce, 101 du Traité sur le fonctionnement de l'Union, et de la présomption d'innocence.

CINQUIEME MOYEN DE CASSATION

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué de n'avoir que partiellement annulé l'article 2 de la décision n° 15-D-19 en ce qu'il avait dit établi que la société Geodis avait enfreint les dispositions des articles L. 420-1 du code de commerce et 101, paragraphe 1, du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, en participant, entre le 17 octobre 2005 et le 27 septembre 2006, à une entente sur le marché français de la messagerie et de la messagerie express, qui visait à la mise en place d'une concertation sur les hausses tarifaires annuelles et d'avoir rejeté tous autres moyens d'annulation ou de réformation de la décision n° 15-D-19 en ce compris le moyen tiré de ce que l'échange d'informations en cause ne pouvait être qualifié de pratique anticoncurrentielle par objet,

AUX MOTIFS QUE

« 3. Sur la caractérisation de pratiques anticoncurrentielles par objet concernant le grief n°2

578. Les pratiques relevant du grief n° 2 ont, ainsi qu'il a été décrit précédemment, consisté pour les entreprises en cause, durant la période écoulée entre le 30 septembre 2004 et le 29 septembre 2010, d'une part, en des échanges annuels d'informations commerciales sur les hausses de tarifs qu'elles projetaient d'appliquer à leurs clients, avant le début des négociations tarifaires menées avec eux, d'autre part, en cours de campagne tarifaire, en des échanges sur le résultat de ces négociations qui ont permis un suivi des informations échangées précédemment et, enfin, en un rappel à l'ordre d'une entreprise déviante, afin qu'elle respecte le taux d'augmentation qu'elle avait annoncé, lors de la réunion précédente.

579. Ces pratiques ont été mises en oeuvre par la quasi-totalité des acteurs du secteur de la messagerie classique et de la messagerie express et permis ainsi une transparence renforcée des tarifs du secteur.

580. Elles étaient destinées à permettre aux participants de négocier à leur avantage l'augmentation des prix des prestations de messagerie, de situer leurs hausses dans une fourchette de taux préalablement arrêtée entre concurrents et de communiquer des dates de hausses dans une période restreinte, connue à l'avance, ceci, sans avoir à craindre d'agressions concurrentielles ou de rupture de contrat de la part de leurs clients.

581. De plus, les pratiques ont été secrètes, les organisateurs de l'entente prévoyant expressément de rédiger des ordres du jour et des comptes rendus dans lesquels les concertations n'apparaissent pas, dans l'objectif exprimé d'éviter des poursuites de l'Autorité (décision attaquée, § 516).

582. Le contexte économique et juridique de mise en oeuvre de ces pratiques est le même que celui dans lequel se sont développées les pratiques objets du grief n° 1.

583. Il résulte de ce qui précède que les pratiques d'entente ont concerné les hausses globales de tarifs que les entreprises de messageries souhaitaient appliquer lors de la prochaine négociation avec leurs clients et ont été suivies d'autres échanges sur la façon dont s'étaient déroulées ces négociations et sur les hausses finalement appliquées.

584. De telles pratiques, généralisées à la quasi-totalité des entreprises du secteur et qui avaient pour objet de réduire de façon considérable l'opacité relative aux stratégies commerciales en matière de hausse de prix de chacune d'elles, ne pouvaient qu'avoir des conséquences sur les prix et favoriser leur hausse de façon artificielle. La cour observe à ce sujet que, même si ces concertations n'ont pas directement concerné le prix des prestations, elles entrent néanmoins dans la catégorie des accords ayant pour objet la fixation des prix, car, ainsi qu'il a été précisé aux paragraphes 564 à 566 du présent arrêt, elles faussent le jeu de la concurrence et ont les mêmes effets nocifs d'augmentation des prix ou d'entrave à leur baisse. Ainsi que l'a pertinemment précisé l'Autorité, aux paragraphes 739 et 740 de la décision attaquée, le taux de hausse tarifaire, « […] fondement des négociations commerciales avec l'ensemble de la clientèle, […] permettait de cristalliser la situation acquise, de mobiliser toutes les forces commerciales d'une entreprise autour de cet objectif commun et enfin de simplifier l'analyse des résultats d'un cycle de négociation annuel [….]. En outre, compte tenu du nombre de clients gérés par un même prestataire, de la diversité des prestations offertes donnant lieu à autant de tarifs spécifiques et de la complexité inhérente au fonctionnement d'un réseau de transport, le taux de hausse tarifaire était le seul élément sur lequel il était possible de mettre en place une coordination entre concurrents ». Il est donc sans portée, contrairement à ce que soutient la société Geodis, que les prix de base des prestations de chaque entreprise de messagerie soient restés ignorés des autres opérateurs et n'aient pu être reconstitués. En effet, par leur concertation, les entreprises étaient assurées, d'une part du taux de hausse de leurs concurrents ou de la fourchette de ce taux, d'autre part, que leurs clients seraient dissuadés de négocier les hausses proposées, voire placés dans l'impossibilité de trouver auprès de nombre de leurs concurrents des taux de hausse moindre.

585. Ainsi, les pratiques en cause n'ont pas concerné un simple comportement futur, comme le prétend la société Geodis, mais des taux de hausses à appliquer aux tarifs des parties à la concertation. Si, comme cette société le fait valoir, il ne peut, en théorie économique, être affirmé qu'un échange d'informations portant sur un comportement futur est systématiquement anticoncurrentiel, il n'en demeure pas moins que, si ce comportement futur est l'application d'une hausse de prix à un taux sur le montant duquel les parties échangent au préalable et peuvent s'aligner entre elles, la pratique comporte un degré de nocivité particulier pour le jeu de la concurrence. Tel était bien le cas en l'espèce.

586. Cette analyse est confirmée par l'arrêt du Tribunal de l'Union du 16 juin 2015, FSL e.a./Commission (T-655/11), qui, notamment, énonce aux points 456 à 458 que :

« 456 […] même à supposer que les prix réels facturés par la suite n'aient pas correspondu aux intentions de prix échangées par les parties, le fait qu'une pratique concertée n'a pas d'incidence directe sur le niveau des prix n'empêche pas de constater qu'elle a limité la concurrence entre les entreprises concernées (voir, en ce sens, arrêts [du Tribunal du 20 mars 2002] Dansk Rørindustri/Commission, [T-21/99,] point 140, et [du 14 mars 2013,] Dole Food et Dole Germany/Commission, [T-588/08,] point 546). 457 Il convient, à cet égard, de relever que les prix effectivement pratiqués sur un marché sont susceptibles d'être influencés par des facteurs externes, hors du contrôle des membres d'une entente, tels que l'évolution de l'économie en général, l'évolution de la demande dans ce secteur particulier ou le pouvoir de négociation des clients (arrêt Dole Food et Dole Germany/Commission, [précité,] point 547). 458 Ainsi, la fixation d'un prix, même simplement indicatif, affecte le jeu de la concurrence par le fait qu'elle permet à tous les participants à l'entente de prévoir avec un degré raisonnable de certitude quelle sera la politique de prix poursuivie par leurs concurrents. Plus généralement, de telles ententes comportent une intervention directe dans les paramètres essentiels de la concurrence sur le marché concerné. En effet, en exprimant une volonté commune d'appliquer un certain niveau de prix à leurs produits, les producteurs concernés ne déterminent plus de manière autonome leur politique sur le marché, portant ainsi atteinte à la conception inhérente aux dispositions du traité relatives à la concurrence (voir arrêt [du Tribunal du 8 juillet 2008,] BPB/Commission, [T-53/03,] point 310, et la jurisprudence citée). [...] »

587. La société Geodis reproche encore à l'Autorité de ne pas avoir tenu compte, dans son appréciation du contexte économique des pratiques et de leur nocivité, d'une part, de ce que, au moment où les réunions du Conseil de Métiers avaient lieu, une partie des informations divulguées était déjà passée et publique, d'autre part, du fait qu'aucune négociation n'intervenait entre les entreprises de messagerie et nombre de leurs clients et, enfin, de ce que, compte tenu des rapports de sous-traitance qui existent entre les entreprises de messagerie, le secteur se caractérise par une « particulière transparence ».

588. Ces critiques, qui font abstraction de la réalité des objectifs et de la portée des pratiques, sont inopérantes. En effet, en échangeant sur les taux de hausse qu'elles projetaient de réclamer à leurs clients ou qu'elles avaient déjà communiqués à ceux-ci, les entreprises mises en cause s'assuraient ainsi, pour celles n'ayant pas envoyé leurs circulaires tarifaires à leurs clients, des taux appliqués par les autres entreprises et, pour celles qui les avaient déjà adressées, de leur positionnement par rapport aux autres. Les unes et les autres se sont ainsi prémunies contre le risque que leurs clients rompent leurs contrats pour contracter avec un concurrent auprès duquel ils auraient trouvé des taux inférieurs d'augmentation. À tout le moins, elles ont été en mesure d'apprécier l'importance de ce risque, et ce à un moment crucial, celui de la négociation des taux de hausse avec leurs clients.

589. Si, à la suite des réunions annuelles initiales, les participantes à la concertation ont échangé des informations passées et en partie publiques sur les hausses finalement retenues et acceptées par certains clients, ces informations provenant des entreprises elles-mêmes leur permettaient de s'assurer de la fiabilité de celles précédemment échangées et leur évitaient d'avoir à réaliser un travail de veille concurrentielle complexe, fastidieux et incertain. Les échanges constatés ont ainsi accru la transparence du marché et diminué significativement l'incertitude qui résulte du jeu normal de la concurrence.

590. S'agissant de l'absence de négociations alléguée concernant certains clients, la cour observe qu'en ce qui concerne les petits clients, qui se voient appliquer automatiquement les hausses, les pratiques de concertation sur le taux de hausse ne pouvaient qu'avoir une influence sur le montant des prestations qui n'était pas discuté ; quant aux clients grands comptes, lesquels, au contraire, négociaient le principe et l'ampleur des hausses, ces négociations étaient nécessairement faussées par la connaissance qu'avaient les entreprises de messagerie de la volonté de leurs concurrents d'obtenir de ce type de clients des hausses dont ils connaissaient de surcroît le montant.

591. La société Geodis fait aussi valoir que les pratiques d'échanges en cause ne pouvaient avoir aucun effet sur le marché, car, en ce qui la concerne, ses taux d'augmentation étaient fixés avant les réunions et elle ne les modifiait pas ensuite et, lorsque ses concurrents modifiaient leurs propres taux, ils le faisaient à la baisse. Elle ajoute que les informations étaient dépourvues d'effet stratégique du fait de la transparence du marché et que le contre-pouvoir de négociation des clients a neutralisé les effets éventuels des pratiques reprochées.

592. Cependant, comme il vient d'être rappelé au paragraphe 588 du présent arrêt, les échanges permettaient aux parties participantes à la concertation de s'assurer des taux d'augmentation de leurs concurrents et de se prémunir contre les réactions des clients qui auraient souhaité faire jouer la concurrence entre les entreprises. Il s'ensuit que le fait que la société Geodis ait pu transmettre à ses clients les augmentations qu'elle envisageait avant les réunions de concertation est sans effet sur le constat de la nocivité des pratiques en cause, de même qu'est sans portée le fait que certains participants aient finalement réduit le montant de la hausse envisagée ou communiquée lors des réunions. Contrairement à ce que soutient cette société, le montant du taux de hausse envisagé était bien une information stratégique, la veille concurrentielle invoquée par elle étant fastidieuse et coûteuse à accomplir et, en tout état de cause, moins fiable que des informations émanant directement des concurrents. Il en est de même de l'information à laquelle les entreprises en cause auraient pu accéder, dans le cadre des activités de sous-traitance développées entre elles. Ces activités, en effet, ne leur permettaient pas de connaître à l'avance les taux de hausse de tarifs que leurs concurrents envisageaient de proposer ou d'appliquer à leurs clients, ni de renforcer leur position de négociation vis-à-vis de ceux-ci. Enfin, le contre-pouvoir de certains clients, invoqué par la société Geodis, n'était pas de nature à faire obstacle à la nocivité des pratiques en cause dans la mesure où, grâce à leurs échanges, les entreprises de messagerie se trouvaient en position de contrebalancer le pouvoir de négociation de leurs clients et d'y résister »,

1) - ALORS QUE si l'échange d'informations peut constituer une pratique anticoncurrentielle par objet, c'est à la condition qu'il présente, au regard de son contenu, et compte tenu du contexte économique et juridique dans lequel il s'insère, une nocivité sur la concurrence en la faussant ou en la restreignant de façon sensible si bien qu'en retenant que l'échange d'informations sur les hausses tarifaires des opérateurs en cause constituait une pratique anticoncurrentielle par objet, sans rechercher, comme elle était invitée à le faire, si l'absence de constat d'un effet anticoncurrentiel de la pratique, en l'absence de convergence des hausses tarifaires et de hausse des prix, n'établissait pas que la pratique, dépourvue d'effet anticoncurrentiel, ne pouvait a fortiori constituer une pratique anticoncurrentielle par objet, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 420-1 du code de commerce et 101 du Traité sur le fonctionnement de l'Union,

2) - ALORS QUE si l'échange d'informations peut constituer une pratique anticoncurrentielle par objet, c'est à la condition qu'il présente, au regard de son contenu, et compte tenu du contexte économique et juridique dans lequel cet échange s'insère, une nocivité sur la concurrence en la faussant ou en la restreignant de façon sensible de sorte qu'en retenant que l'échange d'informations sur les hausses tarifaires des opérateurs en cause constituait une pratique anticoncurrentielle par objet, sans rechercher, comme elle était invitée à le faire, si la circonstance que les concurrents pouvaient accéder aux annonces de hausse tarifaire, au moment même de l'échange d'informations dénoncé, en leurs qualités de clients recevant à ce titre des circulaires les informant à l'avance sur les hausses projetées si bien que la structure du marché s'opposait à ce que la communication de telles informations pût être regardée comme une pratique anticoncurrentielle par objet, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 420-1 du code de commerce et 101 du Traité sur le fonctionnement de l'Union,

3) - ET ALORS QUE si l'échange d'informations peut constituer une pratique anticoncurrentielle par objet, c'est à la condition qu'il présente, au regard de son contenu, et compte tenu du contexte économique et juridique dans lequel il s'insère, une nocivité sur la concurrence en la faussant ou en la restreignant de façon sensible de sorte qu'en jugeant que l'échange d'informations sur les hausses tarifaires comportait un degré de nocivité particulière indépendamment des effets en résultant, la cour, qui a fait application du régime des pratiques concertées sur la fixation des prix non transposable à l'échange d'informations sur des hausses tarifaires, a violé les dispositions des articles L. 420-1 du code de commerce et 101 du Traité sur le fonctionnement de l'Union.

SIXIEME MOYEN DE CASSATION

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué de n'avoir que partiellement annulé l'article 2 de la décision n° 15-D-19 en ce qu'il avait dit établi que la société Geodis avait enfreint les dispositions des articles L. 420-1 du code de commerce et 101, paragraphe 1, du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, en participant, entre le 17 octobre 2005 et le 27 septembre 2006, à une entente sur le marché français de la messagerie et de la messagerie express, qui visait à la mise en place d'une concertation sur les hausses tarifaires annuelles et d'avoir rejeté tous autres moyens d'annulation ou de réformation de la décision n° 15-D-19 en ce compris le moyen tiré de l'absence d'imputabilité du grief n° 2 à l'EPIC SNCF MOBILITES faute d'influence déterminante sur sa filiale Géodis pendant la période concernée par les pratiques,

AUX MOTIFS QUE

« 644. L'Autorité a, aux paragraphes 1040 et suivants de la décision attaquée, exposé les principes qui gouvernent l'imputabilité à une société mère des pratiques anticoncurrentielles dont sa filiale est l'auteur. Elle a rappelé qu'en droit interne comme en droit de l'Union, le comportement d'une filiale peut être imputé à sa société mère, notamment, lorsque, bien qu'ayant une personnalité juridique distincte, la filiale ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché, mais applique pour l'essentiel les instructions qui lui sont données par la société mère, eu égard en particulier aux liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent ces deux entités juridiques. Elle a également rappelé que dans le cas particulier où une société mère détient, directement ou indirectement, la totalité ou la quasi-totalité du capital de sa filiale auteur du comportement infractionnel, une présomption réfragable s'applique selon laquelle cette société mère exerce effectivement une influence déterminante sur le comportement de sa filiale. La société mère est alors tenue solidairement au paiement de la sanction pécuniaire infligée à sa filiale, sauf si elle parvient à renverser la présomption, en démontrant que celle-ci s'est comportée de façon autonome sur le marché.

645. Au cas d'espèce, l'Autorité a considéré que l'application de ces principes conduisait à retenir que plusieurs sociétés et entité mères avaient exercé une influence déterminante sur leur filiale auteur des pratiques et, en conséquence, les a condamnées solidairement avec cette dernière.

646. Deux d'entre elles, l'EPIC SNCF Mobilité, entité mère de la société Geodis, et la société XPO Logistics Europe, société mère de la société XPO, contestent que les pratiques reprochées à leur filiale puissent leur être imputées, faute d'avoir exercé une influence déterminante sur leur comportement.

1. Sur l'imputation à l'EPIC SNCF Mobilité des pratiques reprochées à la société Geodis

647. Depuis son offre publique d'achat (ci-après l' « OPA ») sur la société Geodis en juillet 2008, l'EPIC SNCF Mobilités détient la totalité du capital de cette société.

648. Ayant établi la participation de la société Geodis aux pratiques objet du grief n° 2, l'Autorité a, aux paragraphes 1079 et suivants de la décision attaquée, examiné si la responsabilité solidaire de SNCF Mobilités devait être retenue. Elle a considéré qu'aucun élément du dossier ne permettait d'écarter la présomption selon laquelle l'EPIC SNCF Mobilités exerçait une influence déterminante sur sa filiale Geodis, dont l'autonomie commerciale alléguée n'était pas démontrée et qui était unie à lui par des liens organisationnels, juridiques et économiques. Elle a, en conséquence, décidé que la sanction pécuniaire de 96 062 000 euros prononcée contre la société Geodis, auteur des faits, serait supportée solidairement par l'EPIC SNCF Mobilités à hauteur de 88 899 000 euros, compte tenu de la date à partir de laquelle il en a détenu l'intégralité du capital.

649. L'EPIC SNCF Mobilités conteste cette décision et prétend démontrer qu'en dépit des liens organisationnels, économiques et juridiques l'unissant à sa filiale Geodis, il n'exerçait pas sur celle-ci une influence déterminante qui justifierait qu'il soit solidairement condamné avec elle.

(…)

654. Aucun des éléments avancés par l'EPIC SNCF Mobilités, et parmi eux les attestations qu'il produit, ne suffit à renverser la présomption selon laquelle il exerçait une influence déterminante sur sa filiale Geodis, pour la période postérieure à l'OPA de 2008.

655. En effet, et ainsi que l'Autorité l'a relevé dans la décision attaquée, l'OPA de 2008 a entraîné la mise en place de procédures visant au contrôle par l'EPIC SNCF Mobilités des engagements de la société Geodis présentant des enjeux financiers importants et au suivi de ses performances financières. Par ailleurs, l'EPIC SNCF Mobilités entretenait avec sa filiale des liens de gouvernance, dont témoigne, notamment, la composition du conseil d'administration de celle-ci. Enfin, comme l'Autorité l'a rappelé à juste titre dans la décision attaquée, il ressort des pièces versées au dossier par l'EPIC que celui-ci entendait, au moyen de l'OPA lancée en 2008, « regrouper à terme tous les moyens et toutes les compétences existant dans le groupe SNCF » et attendait de cette opération « un renforcement de son contrôle c'est-à-dire la possibilité de constituer avec Geodis, voire autour de Geodis, la Branche Transport et Logistique », de sorte qu'il « bénéficierait de la forte complémentarité de son portefeuille clients avec celui de Geodis, du réseau commercial de Geodis en Europe et du savoir-faire de cette dernière en matière de gestion de contrats de logistique et de système d'information » (décision attaquée, § 1106).

656. L'ensemble de ces liens organisationnels, économiques et juridiques établit ainsi, faute pour le requérant de renverser la présomption résultant de la détention par lui de la totalité du capital de la société Geodis, qu'il exerçait sur celle-ci une influence déterminante, qui justifie qu'il supporte solidairement le paiement de la sanction pécuniaire prononcée, dans la mesure correspondant à la durée de cette détention »,

1) - ALORS QUE la présomption d'influence déterminante de la société mère sur la filiale qu'elle détient à 100 % est une présomption simple, qui peut être renversée en apportant des éléments de preuve de nature à démontrer que la filiale se comporte de façon autonome sur le marché si bien qu'en jugeant qu'aucun des éléments avancés par l'EPIC SNCF Mobilités ne suffisait à renverser la présomption selon laquelle il exerçait une influence déterminante sur sa filiale GEODIS, pour la période postérieure à l'OPA de 2008, sans mieux s'en expliquer, quand l'EPIC SNCF MOBILITES avait invoqué de nombreux éléments tendant à démontrer l'autonomie de GEODIS, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 420-1 du code de commerce et 101 du Traité sur le fonctionnement de l'Union,

2) - ALORS QUE la présomption d'influence déterminante de la société mère sur la filiale qu'elle détient à 100 % est une présomption simple, qui peut être renversée en apportant des éléments de preuve de nature à démontrer que la filiale se comporte de façon autonome sur le marché si bien qu'en jugeant que l'Autorité avait caractérisé une influence déterminante en relevant la mise en place de procédures de contrôle, sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'EPIC n'était pas insuffisamment informé pour pouvoir exercer une quelconque capacité d'influence ou un quelconque contrôle sur GEODIS, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 420-1 du code de commerce et 101 du Traité sur le fonctionnement de l'Union,

3) - ALORS QUE la présomption d'influence déterminante de la société mère sur la filiale qu'elle détient à 100 % est une présomption simple, qui peut être renversée en apportant des éléments de preuve de nature à démontrer que la filiale se comporte de façon autonome sur le marché de sorte qu'en jugeant que l'Autorité avait caractérisé une influence déterminante en relevant la composition du conseil d'administration sans rechercher, comme elle y était invitée, si cette circonstance n'était pas inopérante dès lors que la composition du conseil d'administration n'avait pas été modifiée postérieurement à l'OPA et que les décisions de nature commerciale étaient prises non par ce conseil, mais par le comité exécutif et le comité des opérations, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 420-1 du code de commerce et 101 du Traité sur le fonctionnement de l'Union,

4) - ET ALORS QUE la présomption d'influence déterminante de la société mère sur la filiale qu'elle détient à 100 % est une présomption simple, qui peut être renversée en apportant des éléments de preuve de nature à démontrer que la filiale se comporte de façon autonome sur le marché de sorte qu'en jugeant que l'Autorité avait caractérisé une influence déterminante en relevant les intentions synergétiques de l'EPIC au moment de l'OPA, sans rechercher, comme elle était invitée à le faire, si les synergies ainsi projetées ne visaient pas une échéance à long terme, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 420-1 du code de commerce et 101 du Traité sur le fonctionnement de l'Union.

SEPTIEME MOYEN DE CASSATION

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir infligé au titre des pratiques visées à l'article 2 de la décision n° 15-D-19 une sanction de 166.154.000 euros à l'égard de GEODIS, dont 88.899.000 euros solidairement avec l'établissement public industriel et commercial SNCF Mobilités,

AUX MOTIFS QUE

« B. Sur la sanction du grief n° 2

741. Après avoir examiné les moyens visant à contester le principe même de l'application du communiqué sanctions (1.), la cour appréciera les moyens remettant en cause le montant de base des sanctions retenu par l'Autorité (2.), avant de vérifier si l'Autorité a bien procédé à l'individualisation des sanctions (3.) et aux ajustements finaux (4.).

1. Sur la mise en oeuvre de la méthode exposée dans le communiqué sanctions

742. L'article L. 464-2 I troisième alinéa du code de commerce dispose : « Les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie, à la situation de l'organisme ou de l'entreprise sanctionné ou du groupe auquel l'entreprise appartient et à l'éventuelle réitération de pratiques prohibées par le présent titre. Elles sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction. »

743. La cour relève que, afin de mettre en oeuvre les critères légaux énoncés ci-dessus dans le cadre de la détermination des sanctions infligées aux entreprises mises en cause, l'Autorité a appliqué les modalités exposées dans son communiqué sanctions, par lequel elle explique la démarche qu'elle entend suivre en pratique lorsqu'elle détermine les sanctions pécuniaires qu'elle impose au cas par cas en vertu du I de l'article L. 464-2 du code de commerce, et synthétise les principaux aspects de sa pratique décisionnelle en matière de sanctions pécuniaires.

744. Ce communiqué, qui vise à accroître la transparence, en faisant connaître par avance la façon concrète dont l'Autorité exerce son pouvoir de sanction, a notamment pour finalité de faciliter la prévisibilité des sanctions encourues par les entreprises, lorsqu'elles envisagent de se livrer à des pratiques anticoncurrentielles, et, ainsi, de renforcer leur caractère dissuasif.

745. Plusieurs requérantes contestent le principe même de l'application du communiqué sanctions.

(…)

763. Si, aux termes du point 7 du communiqué sanctions, il est toujours loisible à l'Autorité de s'en écarter, « sauf à ce qu'elle explique, dans la motivation de sa décision, les circonstances particulières ou les raisons d'intérêt général la conduisant à s'en écarter dans un cas donné », en l'espèce, rien ne justifiait que l'Autorité ne mette pas en oeuvre la méthode exposée dans le communiqué sanctions pour calculer les sanctions appliquées au titre du grief n° 2.

764. En premier lieu, l'argument de la société Geodis tiré de ce qu'une sanction forfaitaire a été infligée au titre du grief n° 1, est dépourvu de pertinence.

765. De façon générale, lorsque l'Autorité sanctionne, par une même décision, des infractions différentes, elle n'a nullement l'obligation d'appliquer la même méthode de calcul pour établir les sanctions infligées au titre des unes et des autres, eussent-elles été commises par les mêmes entreprises et sur le même marché.

766. Ainsi, aucun principe ne lui interdit, en fonctions des spécificités de l'affaire, de sanctionner une infraction, en appliquant la méthode énoncée dans son communiqué sanctions, et de sanctionner l'autre, en déterminant la sanction forfaitairement. Tel sera le cas si elle constate que, pour la première infraction, aucune circonstance particulière ou raison d'intérêt général ne justifie qu'elle s'écarte du communiqué sanctions, tandis que, pour la seconde infraction, une telle circonstance particulière ou raison d'intérêt général existe.

767. Dans la présente espèce, les circonstances, exposées aux paragraphes 1168 à 1173 de la décision attaquée, qui ont persuadé l'Autorité de ne pas faire application du communiqué sanctions pour le calcul des sanctions infligées au titre du grief n° 1 – choix qui n'est pas contesté par la société Geodis –, ne sont pas transposables au grief n° 2.

768. En effet, ce ne sont pas les difficultés générales que connaît le secteur de la messagerie qui ont conduit l'Autorité à appliquer une sanction forfaitaire pour le grief n° 1, mais, de façon plus spécifique, la conjonction d'une très forte hausse du prix du gazole au cours de la période 2004-2005 et de prises de positions des pouvoirs publics favorables à une répercussion des variations du coût des carburants dans les contrats de transport. De fait, ces circonstances n'ont pu qu'avoir une incidence sur les pratiques objets du grief n° 1, dont la cour rappelle qu'elles ont consisté en une entente sur le marché français de la messagerie et de la messagerie express visant à la mise en place d'une surcharge gazole selon une méthodologie commune.

769. En revanche, si la hausse du prix du gazole a sans conteste aggravé les difficultés des entreprises de transport actives sur ce marché, d'une part, ces difficultés s'expliquent par de nombreux autres facteurs, d'autre part, ladite hausse et les prises de position des pouvoirs publics quant à sa répercussion dans les contrats de transports n'ont pas eu la même incidence sur les pratiques visées par le grief n° 2, dont l'objet, plus large que celui du grief n° 1, était la mise en place d'une concertation sur les hausses tarifaires annuelles sur le marché français de la messagerie et de la messagerie express.

770. Le fait que les sanctions infligées au titre du grief n° 2 soient plus élevées que celles prononcées au titre du grief n° 1 n'est en rien discriminatoire : d'abord, la nature des infractions et leur durée ne sont pas les mêmes ; ensuite, la situation des entreprises n'ayant participé qu'au grief n° 2 et celle des entreprises ayant participé aux deux griefs ne sont pas les mêmes ; enfin, toutes les entreprises ayant participé au grief n° 2 ont vu leur sanction au titre de ce grief calculée selon la même méthode.

771. Dans ces conditions, l'Autorité a, à juste titre, considéré que rien ne justifiait d'écarter la méthode énoncée dans le communiqué sanctions pour déterminer les sanctions infligées au titre du grief n° 2.

772. En second lieu, la cour rappelle que les difficultés rencontrées par les entreprises mises en cause, fussent-elles la conséquence du fonctionnement du marché sur lequel elles sont actives, ne sauraient ni obliger l'Autorité à renoncer à appliquer la méthode de détermination des sanctions exposée dans le communiqué sanctions, en vue d'aboutir à de moindres sanctions, ni interdire à la cour de mettre cette même méthode en oeuvre, lorsqu'elle statue après annulation de la décision attaquée.

773. En effet, une telle analyse reviendrait à admettre que des opérateurs économiques peuvent trouver dans les dysfonctionnements du marché des motifs légitimes de contrevenir aux principes et règles du droit de la concurrence. Ce résultat priverait le droit de la concurrence de l'essentiel de son effet de prévention des infractions, en laissant espérer aux entreprises actives sur un secteur rencontrant des difficultés générales qu'elles pourraient échapper à des sanctions dissuasives.

774. De plus, un tel résultat serait contraire à l'article L. 464-2 du code de commerce, qui, s'il précise que les sanctions pécuniaires sont notamment proportionnées à la gravité des faits et à la situation de l'organisme ou de l'entreprise sanctionné, ne met pas au nombre des critères de proportionnalité de la sanction les éventuelles difficultés générales du secteur concerné par l'infraction.

(…)

780. Les moyens de la société Geodis et des sociétés GLS, General Logistics Systems BV et Royal Mail Group tendant à voir écarter la méthode énoncée dans le communiqué sanctions sont rejetés.

2. Sur la détermination du montant de base des sanctions

a) Sur la référence à la valeur des ventes de prestations de messagerie et de messagerie express domestique

781. Le point 23 du communiqué sanctions prévoit que, « [p]our donner une traduction chiffrée à son appréciation de la gravité des faits et de l'importance du dommage causé à l'économie, l'Autorité retient, comme montant de base de la sanction pécuniaire, une proportion de la valeur des ventes, réalisées par chaque entreprise ou organisme en cause, de produits ou de services en relation avec l'infraction ou, s'il y a lieu, les infractions en cause ».

782. Le point 24 du même communiqué précise que, « [s]i la valeur de ces ventes est donc prise comme référence pour déterminer, dans un premier temps, le montant de base de la sanction pécuniaire en fonction de la gravité des faits et de l'importance du dommage causé à l'économie, elle ne doit pas revêtir une importance disproportionnée par rapport à d'autres éléments à prendre en considération pour en fixer le montant définitif ».

783. Enfin, aux termes du point 39 dudit communiqué, « [l]a méthode décrite ci-dessus peut être adaptée dans les cas particuliers où l'Autorité estime que la référence à la valeur des ventes ou ses modalités de prise en compte aboutirait à un résultat ne reflétant manifestement pas de façon appropriée l'ampleur économique de l'infraction ou le poids relatif de chaque entreprise ou organisme qui y a pris part ». Il est précisé, au même point, qu' « [i]l peut par exemple en être ainsi lorsque […] l'infraction consiste à s'entendre sur des commissions par lesquelles des entreprises se rémunèrent à l'occasion de la vente de certains produits ou services, auquel cas l'Autorité peut retenir ces commissions comme référence ».

784. Au paragraphe 1195 de la décision attaquée, l'Autorité a indiqué qu'elle ferait application du communiqué sanctions pour arrêter les sanctions infligées au titre du grief n° 2. 7

785. Elle a considéré que, les pratiques poursuivies concernant les prestations de messagerie et de messagerie express domestique sur le territoire français, il y avait lieu de retenir le chiffre d'affaires lié à ces activités au titre de la valeur des ventes (décision attaquée, § 1199).

786. Elle en a toutefois déduit le chiffre d'affaires réalisé lorsque les entreprises ont agi exclusivement comme sous-traitant d'un autre transporteur, le chiffre d'affaires réalisé lors de prestations intragroupe et le chiffre d'affaires réalisé lors de prestations internationales (décision attaquée, § 1204 et 1205).

(….)

ß. Sur le moyen de la société Geodis

805. La société Geodis fait valoir qu'en retenant la valeur des ventes comme assiette du montant de base de la sanction, sans la pondérer avec d'autres éléments d'individualisation de la sanction, l'Autorité a violé l'article L. 464-2 du code de commerce.

(…)

810. La cour constate que, sous couvert d'une critique du choix de la valeur des ventes comme montant de base de la sanction et de l'importance disproportionnée qui aurait été accordée à ce paramètre, la société Geodis conteste en réalité, d'une part, le pourcentage de 9 % appliqué aux fins de tenir compte de la gravité du grief n° 2 et du dommage qu'il a causé à l'économie, d'autre part, l'insuffisante prise en compte des éléments d'individualisation de la sanction la concernant, éléments qu'elle ne précise d'ailleurs pas.

811. Mais ces questions seront examinées ci-après, conformément à la méthode décrite dans le communiqué sanctions, qui consiste en premier lieu à déterminer la valeur des ventes de produits ou services en relation avec la pratique incriminée, à retenir un pourcentage de cette valeur au titre de la gravité et du dommage à l'économie et à appliquer à ce pourcentage un coefficient de durée, pour aboutir au montant de base de la sanction, puis, en second lieu, à procéder à l'individualisation des sanctions.

812. La société Geodis n'invoquant aucun autre argument de nature à démontrer qu'en l'espèce, la référence à la valeur des ventes ou ses modalités de prise en compte aboutirait à un résultat ne reflétant manifestement pas de façon appropriée l'ampleur économique de l'infraction ou le poids relatif de chaque entreprise ou organisme qui y a pris part, son moyen doit être rejeté.

b) Sur le montant de la valeur des ventes prises en compte

(…)

ß. Sur l'assiette de la sanction

833. Les sociétés DHL, DHL Holding (France) et Deutsche Post, Alloin Holding, Kuehne+Nagel et Kuehne+Nagel International, TNT et TNT Express NV, Gefco et Peugeot, XPO, Dachser et Dachser Group SE & Co., Chronopost et DPD, Geodis, GLS, General Logistics Systems BV et Royal Mail Group, ainsi que Virole contestent la valeur des ventes retenue par l'Autorité comme base de calcul de leurs sanctions.

834. Les requérantes rappellent qu'aux termes du point 23 du communiqué sanctions, l'Autorité retient, comme montant de base de la sanction, « une proportion de la valeur des ventes, réalisées par chaque entreprise ou organisme en cause, de produits ou de services en relation avec l'infraction ».

835. Il existerait de nombreux précédents tant nationaux qu'européens faisant état de l'exclusion du périmètre de la valeur des ventes prise en compte pour le calcul du montant de base de la sanction des ventes pour lesquelles la preuve existe qu'elles n'ont pas été affectées par l'infraction.

(…)

853. Il convient, à titre liminaire, d'écarter la demande d'annulation de la décision attaquée pour défaut de motivation présentée par plusieurs requérantes.

854. L'obligation de motivation à laquelle l'Autorité est soumise dans le prononcé de ses décisions impose un énoncé des considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement et permettent aux parties mises en cause de comprendre la nature de l'infraction retenue, et à la juridiction de recours d'en contrôler la légalité. Elle ne comporte pas, en revanche, l'obligation de répondre à l'intégralité des arguments invoqués, que les parties pourront, si elles les estiment opérants et nécessaires à leur défense, soumettre à la cour au soutien de leur recours de pleine juridiction.

855. En l'espèce, en expliquant, aux paragraphes 1201 à 1203 de la décision attaquée, pourquoi elle considérait devoir prendre en compte le chiffre d'affaires lié aux prestations de messagerie commercialisées en France, sans autres déductions que le chiffre d'affaires réalisé en sous-traitance et celui réalisé lors de prestations intragroupe – déductions uniquement justifiées par le souci de ne pas prendre deux fois en compte le même chiffre d'affaires –, l'Autorité, qui a permis aux requérantes de comprendre les raisons de sa décision et de les contester, a motivé à suffisance de droit son refus des exclusions supplémentaires de chiffre d'affaires qu'elles réclamaient.

856. En premier lieu, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, il ne découle ni du communiqué sanctions ni de la pratique décisionnelle antérieure de l'Autorité que les ventes de produits ou services devraient être « affectées » par l'infraction pour que leur valeur soit prise en compte pour le calcul du montant de base de la sanction.

857. D'une part, le point 23 du communiqué sanctions est ainsi libellé : « Pour donner une traduction chiffrée à son appréciation de la gravité des faits et de l'importance du dommage causé à l'économie, l'Autorité retient, comme montant de base de la sanction pécuniaire, une proportion de la valeur des ventes, réalisées par chaque entreprise ou organisme en cause, de produits ou de services en relation avec l'infraction ou, s'il y a lieu, les infractions en cause (2). La valeur de ces ventes constitue en effet une référence appropriée et objective pour déterminer le montant de base de la sanction pécuniaire, dans la mesure où elle permet d'en proportionner au cas par cas l'assiette à l'ampleur économique de l'infraction ou des infractions en cause, d'une part, et au poids relatif, sur le(s) secteur(s) ou marché(s) concerné(s), de chaque entreprise ou organisme qui y a participé, d'autre part. Elle est donc retenue par l'Autorité, à l'instar d'autres autorités de concurrence européennes, de préférence au chiffre d'affaires total de chaque entreprise ou organisme en cause, qui peut ne pas être en rapport avec l'ampleur de ces infractions et le poids relatif de chaque participant sur le(s) secteur(s) ou marché(s) concerné(s). » (souligné par la cour).

858. Le point 33 du communiqué sanctions précise : « 33. La référence prise par l'Autorité pour donner une traduction chiffrée à son appréciation de la gravité des faits et de l'importance du dommage causé à l'économie est la valeur de l'ensemble des catégories de produits ou de services en relation avec l'infraction, ou s'il y a lieu avec les infractions, vendues par l'entreprise ou l'organisme concerné durant son dernier exercice comptable complet de participation à celle(s)-ci, [...]. La qualification de l'infraction ou des infractions effectuée par l'Autorité, au regard de leur objet ou de leurs effets anticoncurrentiels, détermine ces catégories de produits ou de services. » (souligné par la cour).

859. Il ressort de ces points du communiqué sanctions que, dès l'instant où une catégorie de produits ou de services est « en relation avec l'infraction », la valeur des ventes de cette catégorie de produits ou de services doit être prise en compte. Ainsi que le précise le point 33 du communiqué sanctions, c'est la qualification de l'infraction, effectuée au regard de son objet ou de ses effets, qui permet de déterminer les catégories de produits ou de services en relation avec cette infraction. Il n'est, en revanche, fait aucune référence à une nécessaire affectation des ventes de ces catégories de produits ou services par l'infraction pour pouvoir prendre en compte leur valeur.

860. D'autre part, dans plusieurs décisions, l'Autorité a, comme le soulignent les requérantes, effectivement écarté de la valeur des ventes prise en compte aux fins du calcul du montant de base de la sanction, les ventes de certaines catégories de produits réalisées sur le marché pertinent – c'est-à-dire le marché défini par l'Autorité préalablement à l'examen des pratiques, afin qu'il lui serve de cadre d'analyse – au motif que ces catégories de produits n'étaient pas en relation avec l'infraction : – dans sa décision n° 12-D-09 du 13 mars 2012 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur des farines alimentaires, après avoir défini le marché pertinent comme « celui de la commercialisation de farine de blé tendre en sachets à destination du grand public en France » (§ 415), elle a uniquement pris en compte la valeur des ventes de farine en sachet « aux seules enseignes du hard discount en France » (§ 890) ; – dans sa décision n° 13-D-03 du 13 février 2013 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur du porc charcutier, après avoir défini le marché pertinent comme « celui de la vente de viande de porc à destination des enseignes de la grande distribution en France » (§ 224), l'Autorité a pris en compte la valeur des seules ventes « réalisées [...] auprès des magasins de l'enseigne Auchan » (§ 431) ; – dans sa décision n° 15-D-04 du 26 mars 2015 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur de la boulangerie artisanale, après avoir défini « le marché concerné par les pratiques [...] comme celui de la commercialisation aux boulangeries artisanales de la farine de blé tendre livrée en vrac ou en conditionnement de plus de 20 kg et des mixes destinés à la production de viennoiserie ou autre pâtisserie vendue en boulangeries à destination d'une consommation effectuée principalement en France » (§ 284), l'Autorité a finalement exclu de la valeur des ventes prise en compte « les mixes destinés à la production de viennoiseries ou de pâtisseries » (§ 367).

861. Mais, par ces décisions, l'Autorité a, en identifiant les catégories de produits ou de services en relation avec l'infraction au regard de l'objet ou des effets anticoncurrentiels des pratiques analysées, procédé de fait à une délimitation du marché concerné par l'entente, qui s'est trouvée être, dans ces trois espèces, plus étroit que le marché pertinent initialement défini. Une fois délimité le marché sur lequel l'entente se déployait, l'Autorité a bien retenu la valeur de l'ensemble des ventes des produits et services réalisées sur ce marché, sans vérifier si ces ventes avaient ou non été affectées par l'entente.

862. Lesdites décisions peuvent d'ailleurs être rapprochées des décisions dans lesquelles l'Autorité ayant été en mesure de définir finement le marché pertinent par référence à une catégorie de produits et/ou de clients, a constaté, à l'issue de son analyse des pratiques, que ce marché était bien celui concerné par l'entente et retenu pour assiette de la sanction l'ensemble des ventes réalisées sur ledit marché (décision n° 12-D-24 du 13 décembre 2012 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur de la téléphonie mobile à destination de la clientèle résidentielle en France métropolitaine, § 373 ; décision n° 13-D-12 du 28 mai 2013 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur de la commercialisation de commodités chimiques, § 586 et 587 ; décision n° 15-D-17 du 30 novembre 2015 relative à des pratiques mises en oeuvre sur le marché de la téléphonie mobile à destination de la clientèle non résidentielle à La Réunion et à Mayotte, § 24 et 84).

863. Ainsi, il ne ressort pas de la pratique décisionnelle de l'Autorité que celle-ci aurait renoncé à prendre en compte la valeur des ventes de produits ou services dont elle aurait constaté qu'ils étaient en relation avec l'infraction, au motif que ces ventes n'avaient pas été affectées par l'infraction.

864. Le choix fait par l'Autorité, tant dans sa pratique décisionnelle que dans son communiqué sanctions, de ne pas prendre en compte le critère de l'affectation des ventes par l'infraction, apparaît justifié.

865. En effet, outre que l'exigence de proportionnalité ne l'impose pas, l'obligation de mettre un tel critère en oeuvre contraindrait l'Autorité, non certes pas à démontrer, pour chaque catégorie de produits ou services, que leurs ventes ont été réellement affectées par l'entente – les requérantes admettant le bien-fondé d'une présomption simple d'« affectation » –, mais à vérifier l'affirmation des entreprises incriminées selon laquelle les ventes de certaines catégories de produits ou services n'ont pas pu être affectées. Or une telle exigence, en obligeant les services d'enquête de l'Autorité à consacrer un temps important à de telles vérifications, limiterait très sensiblement l'efficacité de son action. À cet égard, la présente affaire illustre parfaitement les dérives qu'entraînerait l'approche défendue par les requérantes : sous couvert de catégories de prestations, celles-ci en arrivent en effet à réclamer la déduction d'une partie du chiffre d'affaires décomposé contrat individuel par contrat individuel.

866. Surtout, ladite obligation priverait largement d'effet dissuasif les sanctions que prononce l'Autorité, puisque chaque entreprise pourrait espérer, en cas de poursuites, voir sa sanction calculée sur la base d'un chiffre d'affaires très inférieur à celui qu'elle réalise sur le marché sur lequel se déroule l'entente. À l'inverse, l'approche retenue par l'Autorité est plus conforme à l'exigence de prévisibilité de la sanction, et donc à son caractère dissuasif, toute entreprise se livrant à des pratiques anticoncurrentielles sur un marché donné étant d'emblée en mesure de savoir que la sanction qu'elle encourt sera, en principe, calculée sur la totalité du chiffre d'affaires qu'elle réalise sur ledit marché.

867. Enfin, si, conformément au principe d'autonomie procédurale, l'Autorité n'est pas liée par les règles de droit de la concurrence de l'Union relatives au calcul des sanctions, la cour juge opportun de souligner que la détermination de la valeur des ventes est arrêtée de la même façon au niveau européen. C'est ainsi que, dans son arrêt LG Display et LG Display Taiwan/Commission, précité, la Cour de justice a approuvé, dans les termes suivants, le Tribunal d'avoir retenu l'ensemble des ventes réalisées sur le marché concerné par l'infraction : « 56. En l'espèce, le Tribunal a donc jugé à bon droit, au point 97 de l'arrêt attaqué, que ‘la possibilité pour la Commission d'inclure dans la valeur des ventes pertinentes aux fins du calcul du montant de l'amende les ventes de LCD cartellisés faites par les requérantes à LGE et à Philips dépend non pas de la question de savoir si ces ventes se faisaient à des prix influencés par l'entente, mais du simple fait que celles-ci étaient réalisées sur un marché affecté par l'existence d'une entente à laquelle les requérantes participaient'. [...] 58. En conséquence, ayant constaté, au point 69 de l'arrêt attaqué, dans le cadre de son appréciation souveraine des faits, sans que les requérantes invoquent la moindre dénaturation, que les ventes de LCD cartellisés effectuées par ces dernières à LGE et à Philips ont été réalisées sur le marché concerné par l'infraction, c'est sans commettre d'erreur de droit que le Tribunal a estimé, aux points 71 et 72 de cet arrêt, que la Commission était en droit de tenir compte desdites ventes pour calculer le montant de l'amende à leur infliger, sans qu'il importe de savoir si LGE et Philips leur ont effectivement payé des prix majorés en raison de l'entente et si elles ont répercuté cette éventuelle majoration sur le prix des produits finis intégrant les LCD cartellisés qu'elles ont vendus aux consommateurs dans l'EEE. 59. Dans ces conditions, le Tribunal n'était tenu ni de préciser les raisons pour lesquelles les ventes desdits LCD réalisées par LGD auprès de LGE et de Philips, en dépit des clauses contractuelles liant LGD à ces dernières dans le cadre de leur accord d'entreprise commune, auraient pu fausser la concurrence sur le marché pertinent, ni d'examiner les preuves fournies par les requérantes à cette fin. […] Contrairement à ce que font valoir les requérantes, le Tribunal n'a, ce faisant, nullement fait prévaloir une présomption irréfragable selon laquelle toutes les ventes réalisées sur le marché pertinent ont été affectées par l'infraction en cause. En revanche, le Tribunal a considéré, par une motivation qui, ainsi qu'il résulte des points 48 à 59 du présent arrêt, n'est entachée d'aucune erreur de droit, que, même en l'absence de toute preuve que les ventes des LCD cartellisés par les requérantes à leurs sociétés mères ont été affectées par cette infraction, ces ventes peuvent néanmoins être prises en compte aux fins du calcul du montant de l'amende à infliger aux requérantes, dès lors qu'elles ont été réalisées sur le marché concerné par l'infraction. [...] » (souligné par la cour).

868. Il s'ensuit que, à supposer établi par l'Autorité que l'ensemble des prestations de messagerie classique et express sont en relation avec le grief n° 2, c'est en vain que les requérantes cherchent à démontrer que telle ou telle catégorie de contrats n'a pas pu être affectée par l'entente, puisque, même à supposer cette preuve rapportée, un tel critère est inopérant.

869. En deuxième lieu, c'est à juste titre que l'Autorité a constaté que l'ensemble des prestations de messagerie classique et express réalisées sur le marché français étaient en relation avec le grief n° 2.

870. À cet égard, il y a lieu de constater qu'une différence fondamentale distingue la présente espèce des décisions de l'Autorité, citées au paragraphe 860 du présent arrêt, dans lesquelles le marché affecté a été délimité par référence à une catégorie de clients. Dans les cas évoqués, l'entente avait été cantonnée par les participants eux-mêmes à la relation entre ces derniers et tel client ou telle catégorie de clients.

871. Rien de tel en l'espèce, où les informations échangées concernaient un aspect de la politique tarifaire générale qu'entendaient suivre les entreprises participantes – le taux de hausse qu'elles souhaitaient obtenir –, sans distinction selon la nature des services ou selon les caractéristiques des clients. Notamment, ce n'est pas parce qu'elles n'envoyaient pas leurs circulaires de hausse tarifaire à leurs clients les plus importants, qu'elles ne s'efforçaient pas, dans les négociations avec ces derniers, de faire passer les taux de hausses qu'elles avaient annoncés lors des réunions du Conseil de Métiers.

872. L'Autorité fait à raison valoir, dans ses observations, que, dès lors que les hausses tarifaires envisagées et échangées par les entreprises de messagerie ne concernaient aucun type de contrat particulier et aucune prestation de messagerie particulière, mais l'ensemble du marché domestique de la messagerie classique et express, la totalité des prestations réalisées sur ce marché était en relation avec l'infraction au sens des points 23 et 33 du communiqué sanctions.

873. C'est donc à juste titre, et dans le strict respect du communiqué sanctions, que l'Autorité a refusé de distinguer selon les clients et/ou les contrats et a retenu le chiffre d'affaires réalisé par chaque entreprise participante sur le marché domestique de la messagerie classique et express.

874. Eu égard aux considérations qui précèdent, ce n'est que de façon surabondante que la cour examinera ci-après les arguments avancés spécifiquement par les requérantes pour chacune des catégories de contrats et/ou de clients dont elles demandent l'exclusion.

875. S'agissant des petits clients, d'une part, aux paragraphes 417 à 420 de la décision attaquée, l'Autorité a relevé que, lors de la campagne tarifaire 2006-2007, certaines entreprises – Schenker-Joyau, Alloin et Gefco – avaient, postérieurement à la réunion du Conseil de Métiers du 28 septembre 2006, demandé à leur clientèle un taux de hausse plus élevé que celui qu'elles avaient annoncé lors de cette réunion, ce dont l'Autorité a justement déduit que les échanges anticoncurrentiels du 28 septembre 2006 avaient produit un effet d'alignement sur le taux le plus élevé annoncé au cours de cette réunion, à savoir celui de la société Graveleau. Dans la mesure où les requérantes s'accordent généralement sur le fait que les hausses figurant dans les circulaires s'appliquaient sans négociation aux petits clients, il apparaît qu'en tout état de cause, les ventes à ces derniers ont bien été en relation avec l'infraction.

876. S'agissant des clients « grands comptes », non destinataires des circulaires de hausse, et des clients « hors cycle », pour lesquels les négociations intervenaient en dehors de la période habituelle de négociation, entre octobre et mars de l'année suivante, ainsi que des clients « atypiques », les négociations que les opérateurs de messagerie engageaient avec eux ne pouvaient pas être totalement déconnectées des prix pratiqués sur le marché à l'égard de tous les autres clients, le constat d'une hausse généralisée des prix favorisant l'acceptation de hausses, y compris par les clients disposant d'un important contre-pouvoir. Il en va de même des relations avec les clients à conquérir (nouveaux clients et ventes au comptant), un environnement marqué par une hausse des prix étant de nature à leur faire accepter, au début de la relation contractuelle ou à l'occasion de chaque vente au comptant, un prix plus élevé que ce qu'il aurait été sans les pratiques.

877. Dès l'instant où les pratiques, en augmentant la transparence du marché, étaient de nature à entraîner des hausses supérieures à ce qu'elles auraient été sans l'entente, elles ont aussi eu pour effet, réellement ou potentiellement, de favoriser artificiellement les entreprises dans leurs négociations avec leurs plus grands clients, leurs clients atypiques et leurs clients « hors cycle », comme avec leurs nouveaux clients et, par voie de conséquence, de renforcer la possibilité de leur faire accepter des taux de hausse plus élevés.

878. S'agissant des clients liés à un opérateur de messagerie par des contrats pluriannuels, la cour relève, d'une part, qu'un nombre certainement important de ces contrats n'ont pu manquer d'arriver à échéance au cours des six années qu'ont duré les pratiques, de sorte que leur renégociation est intervenue au cours et sous l'influence des pratiques. D'autre part, à supposer même que, pour certains de ces contrats pluriannuels, aucune échéance ne soit intervenue pendant la durée de la participation aux pratiques, il convient de constater que, si la société Deutsche Bahn et ses filiales n'avaient pas informé l'Autorité de l'existence de cette entente, dans le cadre d'une demande de clémence, celle-ci se serait poursuivie, de sorte que l'exclusion desdits contrats ne permettrait pas de tenir compte de l'ampleur des pratiques, et notamment de leur vocation à se prolonger.

879. La même observation peut être faite à l'égard des clients n'ayant fait l'objet d'aucune hausse au cours de la durée de participation de l'entreprise à l'entente. Au surplus, il ne peut être exclu que, sans les pratiques, certains de ces clients, dotés d'un fort pouvoir de négociation, auraient pu obtenir des baisses de tarifs, le contexte de hausse les ayant seulement dissuadés d'exiger une baisse.

880. Enfin, la cour constate, plus généralement, que l'entente – dont la cour rappelle qu'elle s'est prolongée de campagne tarifaire en campagne tarifaire pendant environ six années – a en tout état de cause créé un contexte favorable aux hausses, chaque entreprise étant confiante dans le fait que ses concurrents chercheraient, comme elle, à obtenir les taux de hausses communiqués en réunion du Conseil de Métiers, et a donc été de nature à influer sur leur taux dans la relation des entreprises participantes avec l'ensemble de leurs clients.

881. En conclusion, la facilitation des hausses de prix par les pratiques objets du grief n° 2 s'est nécessairement faite sentir sur l'ensemble des ventes réalisées sur le marché de la messagerie classique et express. À tout le moins les requérantes sont-elles impuissantes à rapporter la preuve contraire.

(…)

886. Plus généralement, la prise en compte, comme assiette des sanctions, de la valeur de l'ensemble des ventes de produits et services en relation avec l'infraction, n'est pas contraire au principe de proportionnalité des peines. Il convient en effet de rappeler, d'une part, qu'aux fins de déterminer le montant de base de la sanction, il est appliqué à la valeur des ventes retenue un coefficient fixé en fonction de la gravité des faits et du dommage causé à l'économie ainsi qu'un coefficient traduisant la durée de la participation individuelle de chaque entreprise à l'entente, d'autre part, que le montant de base ainsi obtenu peut encore faire l'objet d'une individualisation en fonction des circonstances aggravantes et atténuantes propres à chaque entreprise, et d'ajustements finaux pour tenir compte de ses éventuelles difficultés.

887. Dès lors, c'est à juste titre, et sans encourir aucun des griefs soulevés par les requérantes, que l'Autorité a retenu, au titre de la valeur des ventes, le chiffre d'affaires lié aux prestations de messagerie et de messagerie express sur le territoire français, déduction faite du chiffre d'affaires réalisé lors de prestations internationales – lesquelles ne sont pas en relation avec l'infraction – ainsi que du chiffre d'affaires réalisé lorsque les entreprises ont agi exclusivement comme sous-traitant d'un autre transporteur et du chiffre d'affaires réalisé lors de prestations intragroupe – afin de ne pas prendre deux fois en compte le même chiffre d'affaires.

c) Sur la proportion de la valeur des ventes retenue au titre de la gravité des faits et de l'importance du dommage causé à l'économie

889. Après analyse de la gravité des faits (décision attaquée, §1212 à 1239) et de l'importance du dommage causé à l'économie (décision attaquée, § 1240 à 1294), l'Autorité a conclu qu'il y avait lieu de retenir, pour déterminer le montant de base de la sanction infligée aux entreprises mises en cause au titre du grief n° 2, une proportion de 9 % de la valeur retenue comme assiette du montant des sanctions pécuniaires (décision attaquée, § 1295).

890. Les sociétés Dachser et Dachser Group SE & Co., Geodis, Chronopost et DPD, GLS, General Logistics Systems BV et Royal Mail Group, DHL, DHL Holding (France) et Deutsche Post, Alloin Holding, Kuehne+Nagel et Kuehne+Nagel International, XPO ainsi que Virole contestent tout ou partie des appréciations de l'Autorité et demandent à la cour de réduire à la baisse ce pourcentage.

891. Il convient de souligner que la gravité des faits comme l'importance du dommage causé à l'économie, critères prévus par la loi, s'apprécient de façon globale, c'est-à-dire au regard de l'action cumulée de tous les participants, sans qu'il soit besoin d'identifier la part imputable à chacun d'entre eux pris séparément.

892. Doivent donc d'emblée être écartés les arguments par lesquels la société XPO fait valoir que les faits qui lui sont reprochés sont d'une moindre gravité que ceux imputables aux autres entreprises mises en cause et n'ont pu causer un dommage à l'économie.

Sur la gravité des faits

893. Aux termes de l'article 25 du communiqué sanctions, « [l]'Autorité apprécie la gravité des faits de façon objective et concrète, au vu de l'ensemble des éléments pertinents du cas d'espèce ».

894. Le point 26 du même communiqué précise : « Pour apprécier la gravité des faits, l'Autorité tient notamment compte des éléments suivants, en fonction de leur pertinence : – la nature de l'infraction ou des infractions en cause et des faits retenus pour la ou les caractériser (entente entre concurrents, qui peut elle-même revêtir un degré de gravité différent selon qu'il s'agit, par exemple, d'un cartel de prix ou d'un simple échange d'informations; entente entre deux acteurs d'une même chaîne verticale, comme une pratique de prix de revente imposés par un fournisseur à des distributeurs; abus de position dominante, qu'il s'agisse d'abus d'éviction ou d'exploitation), ainsi que la nature du ou des paramètres de la concurrence concernés (prix, clientèle, production, etc.) et, le cas échéant, leur combinaison; ces éléments revêtent une importance centrale dans le cas des pratiques anticoncurrentielles expressément visées par les articles L. 420-1 et L. 420-2 du code de commerce et 101 et 102 TFUE, en considération de leur gravité intrinsèque ; – la nature des activités, des secteurs ou des marchés en cause (activité de service public, marché public, secteur ouvert depuis peu à la concurrence, etc.) et, le cas échéant, leur combinaison ; – la nature des personnes susceptibles d'être affectées (petites et moyennes entreprises [PME], consommateurs vulnérables, etc.), et – les caractéristiques objectives de l'infraction ou des infractions (caractère secret ou non, degré de sophistication, existence de mécanismes de police ou de mesures de représailles, détournement d'une législation, etc.) ».

895. La cour fera siens ces critères, qu'elle juge pertinents pour apprécier la gravité de pratiques anticoncurrentielles reprochées aux requérantes.

896. En l'espèce, s'agissant de la nature de l'infraction, l'Autorité a souligné qu'il résulte de la pratique décisionnelle et de la jurisprudence nationale et de l'Union qu'une entente horizontale portant sur des prix futurs constitue une infraction très grave (décision attaquée, § 1214 à 1220).

897. Elle a considéré que les pratiques objet du grief n° 2 constituaient une entente horizontale de concertation sur les prix futurs, au motif que les entreprises avaient échangé sur leurs hausses tarifaires futures avant que celles-ci ne soient envoyées aux clients ou, dans certains cas, au moment de leur transmission ou peu après, mais en tout état de cause avant l'achèvement des négociations tarifaires avec leurs clients ; que les pratiques avaient donc concouru, directement ou indirectement, à la fixation de hausses tarifaires à un niveau supérieur à celui qui aurait résulté d'une situation de concurrence non faussée, en diminuant significativement l'incertitude lors de chaque campagne de négociation annuelle, et qu'in fine, les pratiques avaient permis aux participants d'améliorer leur position de négociation individuelle, en substituant au jeu de la concurrence, une fixation concertée, directe ou indirecte, des revalorisations tarifaires des prestations de messagerie classique et de messagerie express. Elle en a conclu qu'elles devaient donc, en première analyse, être considérées comme très graves (décision attaquée, § 1221 à 1224).

898. Elle a toutefois relevé que les requérantes ne s'étaient pas concertées, au moins de manière systématique, sur le détail des négociations avec leur clientèle, ce qui était de nature à minorer la gravité des pratiques (décision attaquée, § 1225).

899. S'agissant des personnes susceptibles d'être affectées par les pratiques, l'Autorité a souligné que c'est une large majorité des PME du tissu industriel français qui ont le plus souffert des pratiques poursuivies, puisqu'elles se sont vu appliquer directement les hausses tarifaires qui faisaient l'objet de la concertation, élément de nature à renforcer la gravité des pratiques (décision attaquée, § 1226 à 1230).

900. Enfin, s'agissant des caractéristiques objectives des pratiques, l'Autorité a considéré que celles-ci avaient revêtu un caractère secret (décision attaquée, § 1231 à 1234), que, s'agissant des deux étapes du processus d'entente et de négociation tarifaire, à savoir les intentions de revalorisation tarifaire et l'envoi des hausses tarifaires aux clients par le biais de circulaires, la capacité qu'avaient les entreprises de récupérer auprès de leurs clients les circulaires de leurs concurrents leur permettait de mettre en place une veille concurrentielle et donc de vérifier que les hausses annoncées en réunion du Conseil de Métiers avaient bien été mises en oeuvre dans lesdites circulaires (décision attaquée, § 1236 et 1237), et qu'un exemple de menace de représailles a été identifié, la menace ayant d'ailleurs eu les effets escomptés (décision attaquée, § 1238).

901. En revanche, l'Autorité a reconnu que la sophistication des pratiques était limitée (décision attaquée, § 1235) et que, s'agissant de la dernière étape du processus d'entente et de négociation tarifaire, relative au suivi et au bilan des négociations tarifaires annuelles, si les entreprises mises en cause procédaient bien à un suivi et un bilan global des hausses tarifaires obtenues à l'issue de chaque campagne, il n'y avait pas, à proprement parler, de véritable système organisé de surveillance et encore moins de police (décision attaquée, § 1239).

(…)

925. Il convient d'emblée d'écarter l'argument de la société Geodis pris des difficultés économiques du secteur de la messagerie. En effet, les difficultés générales du secteur sur lequel se déploient les pratiques ne font pas partie des critères en considération desquels il y a lieu d'apprécier la gravité des faits. L'interprétation contraire aboutirait à reconnaître la légitimité des violations des principes et règles du droit de la concurrence en cas de difficultés dans le secteur où elles se produisent.

926. Sera de même écarté l'argument de la société Geodis pris de ce que l'Autorité aurait mal évalué l'impact supposé des pratiques, ainsi que celui des sociétés Chronopost et DPD selon lequel l'Autorité aurait implicitement admis que les consommateurs n'ont pas été impactés par les pratiques, ces questions relevant, non pas de l'appréciation de leur gravité, mais de l'importance du dommage qu'elles ont pu causer à l'économie.

927. Enfin, la gravité des pratiques s'appréciant globalement, seront écartés l'argument des sociétés Geodis, Chronopost et DPD pris de l'absence de participation de certaines des entreprises mises en cause aux échanges bilatéraux ou multilatéraux en dehors des réunions du Conseil de Métiers, celui de la société Virole pris du caractère public d'une partie des informations qu'elle a transmises sur ses hausses tarifaires et celui de la société Chronopost, de la société DPD et des sociétés GLS, General Logistics Systems BV et Royal Mail Group, pris de ce qu'elles n'étaient pas encore parties à l'entente au moment des menaces adressées à la société Mory ou n'auraient pas participé aux échanges bilatéraux entre les sociétés Graveleau et Mory à l'occasion desquelles ces menaces avaient été formulées.

928. La cour examinera ci-après les arguments des requérantes concernant, d'abord, la nature de l'infraction, ensuite les personnes affectées par les pratiques, enfin les caractéristiques objectives des pratiques.

929. En premier lieu, s'agissant de la nature de l'infraction, ainsi que la cour l'a souligné au paragraphe 578 du présent arrêt, les pratiques relevant du grief n° 2 ont consisté pour les entreprises mises en cause, durant la période écoulée entre le 30 septembre 2004 et le 29 septembre 2010, d'une part, en des échanges annuels d'informations commerciales sur les hausses de tarifs qu'elles projetaient d'appliquer à leurs clients, avant le début des négociations tarifaires menées avec eux, d'autre part, en cours de campagne tarifaire, en des échanges sur le résultat de ces négociations qui ont permis un suivi des informations échangées précédemment et, enfin, en un rappel à l'ordre, lors de la campagne tarifaire 2004-2005, d'une entreprise déviante, pour ne pas avoir circularisé le taux de hausse qu'elle avait annoncé à ses concurrents.

930. Certes, il ne ressort pas du dossier que les pratiques allaient jusqu'à arrêter en commun un même taux de hausse tarifaire, ce que démontrent les divergences de taux entre entreprises pour une même campagne tarifaire. Toutefois, l'entente a apporté à chacun des participants une certitude quant à leurs intentions réciproques en matière de fixation des prix, grâce à laquelle chacun d'entre eux pouvait être certain, sinon du niveau exact des prix des autres participants, du moins, d'une part, de leur volonté de maintenir une stratégie commune visant à la fixation de prix plus élevés, d'autre part, du taux de hausse – ou de la fourchette dans laquelle ce taux se situerait – réclamé par leurs concurrents à leur clientèle. De ce fait, ils n'avaient plus à craindre d'agressions concurrentielles ou de rupture de contrat de la part de leurs clients.

931. Or une telle certitude était d'autant plus importante que, sur le marché de la messagerie, le taux de hausse tarifaire annuelle – dont le caractère tangible et effectif ne saurait être contesté – est le paramètre essentiel d'évolution des prix : il l'est à l'évidence pour les petits clients, qui ne négocient pas la hausse que leur adresse l'entreprise de messagerie, mais également pour les autres clients, qui sont en mesure de négocier, pour lesquels ce taux représente à la fois le point de départ de la négociation et le plafond de hausse.

932. Les effets sur la hausse des prix de la certitude ainsi acquise quant à la politique tarifaire de la concurrence sont parfaitement illustrés par le phénomène de déviation à la hausse des taux qui s'est produit, au cours de la campagne tarifaire 2006-2007, entre la réunion du Conseil de Métiers au cours de laquelle ont été échangées des informations sur les hausses tarifaires projetées et l'envoi des circulaires de hausse tarifaire. Ainsi que l'a justement analysé l'Autorité, c'est la connaissance des intentions des autres participants à la réunion qui a incité plusieurs entreprises à augmenter le taux initialement arrêté (décision attaquée, § 417 à 420).

933. Compte tenu de la durée de l'entente, qui s'est étendue sur sept campagnes tarifaires, il ne fait aucun doute que la certitude, renouvelée d'année en année, que les concurrents poursuivraient une politique de hausse tarifaire, a exercé, avant même les réunions du Conseils de Métiers, une influence à la hausse sur le taux arrêté par chacune des entreprises participantes. D'une part, chacune d'elles pouvait avoir confiance dans le fait que ses concurrents suivraient une même politique agressive de hausse tarifaire, quand bien même elle ne connaissait pas encore leurs taux de hausse ; d'autre part, au cas où il se serait avéré que le taux de hausse arrêté était excessif comparé à ceux des concurrents, l'entreprise savait qu'elle pourrait en tenir compte en acceptant plus aisément d'y renoncer dans le cadre de ses négociations avec ses clients.

934. Dès lors, l'entente objet du grief n° 2 a bien consisté en une stratégie de collaboration destinée à neutraliser, dans toute la mesure du possible, le contre-pouvoir des clients en vue de la fixation de prix plus élevés que si le libre jeu de la concurrence s'était pleinement exercé, et c'est, dès lors, à juste titre que l'Autorité l'a qualifiée d'entente horizontale portant sur la fixation de prix futurs, type d'ententes dont tant la théorie économique que la pratique enseignent qu'elles doivent être considérées comme particulièrement nuisibles.

935. Contrairement à ce que soutiennent les requérantes, les arrêts des juridictions de l'Union cités par l'Autorité aux paragraphes 1216 à 1220 de la décision attaquée confirment le bien-fondé de cette qualification. Dans l'affaire Tate & Lyle e.a./Commission, précitée, la Commission avait constaté, au point 193 de sa décision 1999/210/CE du 14 octobre 1998 relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CE (Affaire IV/F-3/33.708 – British Sugar plc, affaire IV/F-3/33.709 – Tate & Lyle plc, affaire IV/F-3/33.710 – Napier Brown & Company Ltd, affaire IV/F-3/33.711 – James Budgett Sugars Ltd) que, « bien que la collusion ait consisté en une stratégie de collaboration en vue de la fixation de prix plus élevés, il n'existe pas d'éléments suffisants permettant d'établir que des prix minimaux, ou des prix facturés à des clients particuliers, aient été fixés conjointement » ; or ce constat n'a pas empêché le Tribunal de l'Union de valider la qualification d'entente horizontale portant sur la fixation des prix. Dans l'arrêt Fresh Del Monte Produce/Commission, précité, le Tribunal de l'Union a approuvé cette même qualification, alors que la coordination des prix incriminée ne portait que sur des prix de référence, et non sur les prix facturés aux clients des entreprises participant à l'entente. Dans l'une et l'autre affaires, l'infraction s'était matérialisée par des échanges d'informations sur les prix futurs. Par ailleurs, à supposer même que les infractions sanctionnées dans ces deux affaires aient été plus graves que l'entente objet du grief n° 2, cela n'exclut nullement la qualification de cette dernière d'entente horizontale portant sur la fixation des prix : il existe, en effet, des degrés de gravité différents au sein de cette catégorie d'infractions aux règles de la concurrence.

936. C'est en vain que les requérantes soutiennent que le grief n° 2 ne consisterait qu'en une simple pratique d'échange d'informations, généralement publiques et passées. D'abord, pour les entreprises qui n'avaient pas encore adressé leurs circulaires de hausse tarifaire à leur clientèle, les informations qu'elles ont communiquées lors des réunions du Conseil de Métiers n'étaient pas publiques ; quant à celles qui avaient déjà envoyé leurs circulaires à leurs clients, les informations qu'elles ont communiquées au cours desdites réunions, n'en ont pas moins, pour les raisons exposées aux paragraphes 509 et 510 du présent arrêt, accru artificiellement la transparence du marché. Ensuite, les réunions du Conseil de Métiers ayant eu lieu le plus souvent avant le début des négociations tarifaires de chacune des entreprises participantes avec leurs clients, et en tout état de cause avant la fin de ces négociations, les informations échangées au cours de ces réunions constituaient bien des informations futures. Enfin, ainsi que la cour vient de le rappeler, les entreprises ne se bornaient pas à échanger des données techniques, mais, au travers de ces échanges, se concertaient sur une politique tarifaire agressive de hausse qu'elles s'engageaient à suivre.

937. Il est de même indifférent que l'entente n'ait porté que sur une partie seulement de la politique tarifaire des entreprises mises en cause. Il est en effet constant qu'est qualifiée d'entente horizontale portant sur la fixation des prix, une concertation ne portant que sur un élément de la composition du prix final (en ce sens, CJUE, arrêt T-Mobile Netherlands e.a., précité, point 37 ; TUE, arrêt du 29 septembre 2016, UTi Worldwide e.a./Commission, T-264/12, points 186 et 225).

938. Le constat, exact, que les taux de hausses annoncés dans les circulaires n'étaient pas ceux effectivement appliqués aux clients, du moins ceux jouissant d'un contre-pouvoir de négociation, ne remet pas davantage en cause ladite qualification, puisque la fixation des prix peut être directe ou indirecte (en ce sens, CJUE, arrêt T-Mobile Netherlands e.a., précité, point 36 et 37 ; TUE, arrêt FSL e.a./Commission, précité, points 456 et 458).

939. La cour relève, enfin, que l'Autorité a tenu compte du fait que les requérantes ne s'étaient pas concertées, au moins de manière systématique, sur le détail des négociations avec leur clientèle, et que cette circonstance était de nature à minorer la gravité des pratiques (décision attaquée, § 1225). Ce constat n'ayant pu être fait que dans la mesure où, ainsi que le fait valoir la société Virole, il existe une dichotomie entre les taux de hausses annoncés dans les circulaires et ceux effectivement appliqués aux clients, l'Autorité a implicitement retenu cette circonstance comme élément de minoration de la gravité des pratiques.

(…)

943. En dernier lieu, s'agissant des caractéristiques objectives des pratiques, il y a lieu, premièrement, de souligner que le fait qu'une entente entre concurrents se produise dans le cadre de réunions organisées sous l'égide d'un syndicat professionnel n'est pas de nature à exclure, en toutes circonstances, son caractère secret. En l'espèce, ainsi que l'Autorité l'a exactement souligné, il résulte de l'échange de courriers électroniques, le 10 septembre 2009, entre le directeur général de Sernam et la responsable du Conseil de Métiers que c'est de façon délibérée que les organes de la fédération TLF ont veillé, tout au long de l'entente, à ne pas faire apparaître les échanges anticoncurrentiels dans l'ordre du jour des réunions de ce Conseil (décision attaquée, § 1232). L'Autorité a également constaté, à juste titre, que les comptes rendus desdites réunions étaient pareillement muets sur les échanges incriminés et que les différents contacts bilatéraux ou multilatéraux entre certains participants à l'entente étaient qualifiés, en interne, d'« [i]information confidentielle » (décision attaquée, § 1232 et 1233). Dès lors, le caractère secret des pratiques est démontré à suffisance de droit, même s'il est vrai que les modalités de maintien du secret n'ont présenté aucun caractère sophistiqué.

944. Deuxièmement, ainsi que le font valoir plusieurs requérantes, la veille concurrentielle, mise en place par les entreprises actives dans le secteur de la messagerie classique et de la messagerie express, est une pratique légitime. Ce n'en est pas moins à juste titre que l'Autorité a souligné que, dans le contexte d'une entente portant sur les hausses tarifaires appliquées annuellement par ces entreprises, cette veille concurrentielle a fourni à chaque participant à l'entente le moyen de vérifier si les hausses de prix annoncées lors des réunions du Conseil de Métiers donnaient bien lieu à l'envoi d'une circulaire de hausse tarifaire, garantissant ainsi un suivi efficace de la mise en oeuvre des engagements pris par chacune d'elle (décision attaquée, § 1237). La veille concurrentielle a donc objectivement renforcé l'efficacité de l'entente, puisque toutes les entreprises savaient que les autres membres de l'entente seraient en mesure de déceler le décalage entre les hausses annoncées à la concurrence et les hausses demandées aux clients, ce qui en fait un élément d'aggravation des pratiques.

945. Au demeurant, l'Autorité a souligné qu'aucun mécanisme de surveillance ne s'étendait à l'étape des négociations avec ceux des clients qui disposaient d'un contre-pouvoir de négociation, dont dépendait la hausse qui leur serait effectivement appliquée (décision attaquée, § 1239).

946. Troisièmement, il est certes exact que l'Autorité n'a découvert qu'un seul cas de menace de représailles, à l'encontre de la société Mory, à la suite du non-respect de ce qu'elle avait annoncé en réunion (décision attaquée, § 356 à 362 et 1238). Mais, d'une part, ce cas permet d'établir le caractère contraignant, aux yeux mêmes des participants à l'entente, des annonces de hausse tarifaire faites lors des réunions du Conseil de Métiers, ainsi que l'efficacité de la surveillance du comportement de chaque participant à l'entente par les autres, au travers de la veille concurrentielle. D'autre part, la circonstance, justement relevée par l'Autorité, que, tout au long des pratiques, les hausses demandées dans les circulaires ont été très largement cohérentes avec les hausses annoncées aux concurrents (décision attaquée, § 346 et 347 ; 379 et 380 ; 415 ; 443 ; 479 à 482 ; 505 à 508), suffit à expliquer qu'aucun autre exemple de représailles ou de menace de représailles n'ait été découvert.

947. Enfin, la cour considère que les pratiques objets du grief n° 2 ne présentaient aucun caractère de sophistication, divergeant donc sur ce point de l'Autorité qui a considéré qu'elles étaient d'une sophistication « relativement limitée » (décision attaquée, § 1235). Elle précise toutefois d'emblée que cette différence d'appréciation, minime, ne saurait avoir de conséquence sur l'analyse, considérée dans sa globalité, qu'a faite l'Autorité de la gravité des pratiques.

948. Il résulte de l'ensemble des considérations qui précèdent que, dans son appréciation de la gravité des pratiques objets du grief n° 2, l'Autorité n'a pas commis d'erreur susceptible de remettre cette appréciation en cause.

ß. Sur le dommage causé à l'économie

949. Après avoir rappelé que l'importance du dommage causé à l'économie s'apprécie au regard de l'action cumulée de tous les participants à la pratique, que ce dommage ne se confond pas avec le préjudice qu'ont pu subir les victimes de la pratique en cause, mais s'apprécie en fonction de la perturbation générale apportée par la pratique à l'économie, et qu'elle n'est pas tenue de le chiffrer précisément, mais ne saurait présumer son existence, l'Autorité indique que, conformément à une jurisprudence établie et synthétisée dans le communiqué sanctions, elle analysera l'ampleur de l'infraction, les caractéristiques économiques objectives du secteur et les conséquences conjoncturelles de l'infraction afin de déterminer l'incidence économique des pratiques objet du grief n° 2 (décision attaquée, § 1240 à 1244).

(…)

1004. À titre liminaire, la cour constate que l'Autorité, qui a apprécié l'importance du dommage causé à l'économie aux paragraphes 1240 à 1294 de la décision attaquée, a motivé son analyse à suffisance de droit.

– Sur l'ampleur des pratiques

1005. La cour souligne que l'exploitation de données chiffrées provenant de revues professionnelles est une pratique habituelle qui n'est pas, en tant que telle contestable. Le recours fait par l'Autorité aux données figurant dans la revue Logistiques Magazine, relatives aux chiffres d'affaires et aux parts de marché des principales entreprises du secteur de la messagerie, doit donc être approuvée. Par ailleurs, le fait que ces données portent sur l'année 2008, alors que l'année de référence était 2009, est sans conséquence, dès lors qu'aucune des requérantes n'a soutenu ou, en tout état de cause, n'a démontré qu'entre 2008 et 2009, ses parts de marché auraient significativement évolué, à la hausse ou à la baisse, ou que le marché total se serait significativement élargi ou rétréci.

1006. Quant à la cohérence des chiffres figurant dans la revue Logistiques Magazine, exploités par l'Autorité pour apprécier l'ampleur des pratiques, il y a lieu de constater, d'une part, que celle-ci a arrondi les pourcentages de parts de marché au dixième ou centième, et les chiffres d'affaires au million ou à la centaine de milliers d'euros, de sorte que le recalcul du marché total à partir de ces données conduit nécessairement, selon l'entreprise dont les chiffres sont pris en compte, à une taille de marché totale différente, sans que les divergences en découlant soient significatives.

1007. D'autre part, il est exact que, au-delà des effets d'arrondis, des approximations doivent être constatées dans les chiffres fournis par la revue Logistiques Magazine. Toutefois, elles ne remettent pas en cause l'ordre de grandeur du marché total et de la part de marché cumulée détenue par les participants à l'entente. Suivant le tableau présenté par la société Geodis (observations complémentaires, § 320), le recalcul du marché total à partir des données individuelles propres à chaque entreprise aboutit toujours, à trois exceptions près, au même ordre de grandeur, autour de 8,5 milliards d'euros. Les seules exceptions à la constatation qui précède concernent les données relatives aux sociétés Gefco, Dachser et Tatex, à partir desquelles le recalcul du marché global aboutit respectivement à 8,895 milliards, 7,566 milliards et 7,059 milliards. Mais ces déviations à la hausse et à la baisse, qui ne concernent que trois entreprises, et se compensent partiellement, ne remettent pas en cause l'exactitude de l'appréciation globale.

1008. Par ailleurs, pour démontrer l'inexactitude des chiffres d'affaires des entreprises fournis par la revue Logistiques Magazine, la société Geodis a comparé ces chiffres d'affaires avec la valeur des ventes prise en compte pour la détermination de la sanction. Or une telle façon de procéder est à l'évidence erronée, dans la mesure où l'Autorité a déduit du chiffre d'affaires de chacune des entreprises sanctionnées, celui réalisé lorsque les entreprises agissent comme sous-traitant d'un autre transporteur et celui réalisé lors des prestations intragroupe. La comparaison ainsi opérée ne pouvait donc qu'aboutir au constat que la valeur des ventes retenue par l'Autorité était inférieure au chiffre d'affaires indiqué dans la revue Logistiques Magazine.

1009. L'argumentation des sociétés DHL, DHL Holding (France) et Deutsche Post, qui souffre des mêmes biais, doit être pareillement écartée.

1010. Par ailleurs, même à supposer établie l'inexactitude, alléguée par les mêmes sociétés, des données concernant la société DHL qui figurent dans les tableaux 4 et 6, sous les paragraphes 38 et 43 de la décision attaquée, la cour constate que ces tableaux, établis à partir d'une étude du cabinet Xerfi de février 2011 relative au secteur de la messagerie et du fret express (cotes 47662 à 47765) (ci-après l'« étude Xerfi de février 2011 »), n'avaient pas pour finalité d'établir la part de marché cumulée détenue par les participants à l'entente, et n'ont d'ailleurs pas été exploités à cette fin.

1011. Dès lors, les requérantes échouent à remettre en cause le constat que le marché total était de 8,5 milliards et les parts de marché cumulées des participants à l'entente (hors international) de 87 % de ce marché en 2008 (décision attaquée, § 20).

1012. Quant à la société Virole, elle ne précise pas comment elle parvient à une part de marché cumulée des participants à l'entente « dépass[ant] rarement 60 % ».

1013. La cour considère donc comme exacte l'évaluation que l'Autorité a faite, au paragraphe 1246 de la décision attaquée, de la part de marché cumulée qu'ont représentée, pour chacune des campagnes tarifaires, les participants à l'entente.

1014. Cette part de marché cumulée a été supérieure à 75 % pendant quatre des sept campagnes (2005-2006 à 2008-2009), culminant à 87 % au cours des campagnes 2006-2007 et 2007-2008, ce qui permet de qualifier les pratiques de grande ampleur.

1015. Il est certes vrai que, pour les campagnes 2004-2005, 2009-2010 et 2010-2011, la part de marché cumulée qu'a représentée l'entente était plus faible, ce qui a nécessairement eu un effet sur l'aptitude des participants à passer des hausses de prix élevées. Par ailleurs, la variation du nombre de participants a affecté la capacité de l'entente à se maintenir (« sustainability »), la cour relevant toutefois que cette variation a été beaucoup plus faible pendant les campagnes 2005-2006 à 2008-2009. Ces constatations ne remettent toutefois pas en cause la validité de l'analyse de l'Autorité, prise dans sa globalité, quant à l'ampleur des pratiques.

– Sur les caractéristiques économiques du secteur concerné

1016. Afin d'apprécier l'importance du dommage causé à l'économie, il y a lieu de prendre en compte les caractéristiques économiques objectives du secteur en cause, dans la mesure où ces dernières sont de nature à avoir une influence sur les conséquences conjoncturelles ou structurelles des pratiques. En l'espèce, il convient d'apprécier successivement l'existence de barrières à l'entrée, l'élasticité-prix de la demande et le contre-pouvoir des distributeurs.

1017. Au préalable, il convient d'écarter les arguments pris de ce que le secteur de la messagerie classique et express – que l'Autorité a justement retenu, à l'issue d'une analyse suffisante, comme le marché pertinent – serait un marché si atomisé, ou du moins si fragmenté, qu'en découlerait l'absence de risque d'effets négatifs sensibles sur la concurrence.

1018. D'une part, il ressort de l'étude Xerfi de février 2011, qu'en 2009, les dix principales entreprises du secteur de la messagerie classique (« top 10 ») détenaient 70 % de ce marché, et que les dix principales entreprises du secteur de la messagerie express détenaient 80 % de ce marché (cote 47715). Le postulat de départ d'un marché atomisé, ou très fragmenté, est donc faux. Au surplus, ainsi que l'Autorité l'a souligné au paragraphe 1249 de la décision attaquée, les quatre principales entreprises, membres de l'entente, représentaient, en 2008, 50,6 % du marché et les huit principaux membres de l'entente – Geodis, Geopost, DHL, TNT, Mory, Dachser, Heppner et GLS – plus de 71 % du marché, les entreprises extérieures à l'entente, y compris celles d'envergure nationale, représentant donc au mieux 29 % de la totalité du marché en 2008.

1019. D'autre part, le fait que l'indice Herfindahl-Hirschmann (« IHH ») des dix premières entreprises du secteur était inférieur à 1000 en 2008 (décision attaquée, § 1248) ne permet nullement de contester la possibilité d'un effet des pratiques sur les prix. En effet, l'indice Herfindahl-Hirschmann est utilisé dans les opérations de concentration pour apprécier le degré de concentration du marché ; il ne s'agit donc pas d'un outil permettant de conclure qu'une collusion serait plus ou moins susceptible d'engendrer des effets sur les prix. En outre, si, selon les lignes directrices de l'Autorité relatives au contrôle des concentrations, « il est peu probable qu'une opération soulève des problèmes de concurrence horizontaux sur un marché dont l'IHH à l'issue de la concentration sera inférieur à 1 000 », un tel constat postule un fonctionnement du marché respectueux des règles de concurrence. Or, en l'espèce, les entreprises mises en cause se sont exonérées de ces règles en mettant en oeuvre l'entente incriminée.

1020. L'existence de barrières à l'entrée n'est pas sérieusement contestée par les requérantes, qui, au demeurant, reconnaissent qu'hormis la société Colizen, acteur de dimension locale, aucun nouvel opérateur n'est apparu pendant le temps des pratiques. À cet égard, il est indifférent qu'un nouvel opérateur puisse entrer sur le marché par le biais d'acquisition d'entreprises déjà établies, une telle opération n'augmentant pas l'offre sur le marché. Il est certes plus facile de construire ex nihilo un réseau local plutôt que national, mais un nouvel opérateur local est bien moins en mesure de concurrencer les participants à une entente – a fortiori quand la plupart d'entre eux sont à la tête d'un réseau national, comme en l'espèce – qu'un opérateur de dimension nationale. Par ailleurs, l'Autorité ayant relevé la rentabilité très faible, voire négative, qui caractérise le secteur de la messagerie (décision attaquée, § 24), situation rendant plus difficile l'entrée sur le marché d'un nouvel opérateur, les requérantes ne sauraient lui reprocher de ne pas avoir apprécié l'existence de barrières à l'entrée par rapport à la profitabilité attendue du secteur. Enfin, l'existence de surcapacités n'est pas de nature à remettre en cause le constat de barrières à l'entrée, de telles surcapacités étant en revanche de nature à dissuader un nouvel opérateur d'entrer.

1021. En revanche, l'Autorité n'a pas tenu pleinement compte de ce que les barrières à l'expansion, à savoir la capacité d'un opérateur déjà présent sur le marché à conquérir des parts de marché supplémentaires, n'étaient pas significatives. Un tel constat découle naturellement de l'existence de surcapacités structurelles, du caractère relativement homogène des prestations fournies par les entreprises de messagerie, du fait que les contrats sont facilement résiliables et les coûts de changement de fournisseurs limités (décision attaquée, § 1250, 1251, 1259 et 1260). Il convient toutefois de relativiser la possibilité pour les opérateurs extérieurs à l'entente de détourner à leur profit une partie de la clientèle des participants à l'entente compte tenu, d'une part, de l'ampleur de l'entente, notamment lors des campagnes 2005-2006 à 2008-2009, d'autre part, du fait qu'un grand nombre des entreprises extérieures à l'entente étaient de toutes petites entreprises (décision attaquée, § 21) et à ce titre aptes à ne satisfaire qu'une infime partie des besoins des grands clients.

1022. Le constat d'une faible élasticité-prix de la demande n'est pas utilement combattu par les requérantes.

1023. La cour rappelle que l'Autorité s'est fondée sur une étude du cabinet Xerfi d'octobre 2013 relative au secteur de la messagerie et du fret express (ci-après l' « étude Xerfi d'octobre 2013 »), d'où il ressort notamment que l'industrie manufacturière est le premier débouché de la profession et que les industries de biens d'équipement, de biens intermédiaires et de biens de consommation ont régulièrement recours aux services des sociétés de messagerie dans le cadre de leur stratégie d'externalisation, de sous-traitance et de gestion des stocks en flux tendus (cote 57409). Elle a pu déduire de ces caractéristiques du marché de la messagerie l'impossibilité pour les clients, et notamment les plus grands – dont la cour a déjà indiqué qu'ils étaient également concernés par les pratiques, même lorsqu'ils n'étaient pas destinataires des circulaires de hausse tarifaire –, de se passer des services des entreprises de messagerie et, en conséquence, la faible élasticité-prix de cette demande. Par ailleurs, ainsi que le souligne l'étude Xerfi d'octobre 2013 (cote 57409), le développement de l'e-commerce a ouvert, depuis déjà plusieurs années, d'immenses perspectives aux entreprises de messagerie, le recours à leurs services apparaissant incontournable.

1024. En revanche, l'Autorité n'a pas suffisamment pris en compte l'élasticité-prix croisée, en cantonnant son analyse aux services proposés par les membres de l'entente (décision attaquée, § 1256 et 1257 de la décision attaquée), alors que la question se posait également de savoir dans quelle mesure les clients des participants à l'entente étaient susceptibles de se tourner vers les services proposés par des entreprises de messagerie extérieures à l'entente. Certes, l'Autorité fait valoir à juste titre que, eu égard à son ampleur, l'entente a pu réduire la possibilité pour les clients-chargeurs de recourir à des prestataires hors entente et proposant une offre similaire (décision attaquée, § 1265), mais la cour considère qu'eu égard aux caractéristiques du secteur, cette éventualité restait importante ; en effet, l'Autorité a elle-même souligné que, outre l'existence de surcapacités structurelles, les prestations fournies par les entreprises de messagerie sont relativement homogènes, le nombre d'opérateurs élevé, les contrats facilement résiliables et les coûts de changement de fournisseurs limités, et que le secteur se caractérise d'ailleurs par une certaine volatilité de la clientèle (décision attaquée, § 1259 et 1260). Mais, pour les raisons déjà exposées, il convient de relativiser la possibilité pour les opérateurs extérieurs à l'entente de détourner à leur profit une partie de la clientèle des participants à l'entente. La cour relève notamment que, s'agissant la société UPS, seul opérateur d'envergure ayant été absent de l'ensemble des pratiques (cote 47739), il ressort de l'étude Xerfi de février 2011, que cette société reconnaissait disposer d'un réseau insuffisant en France pour assurer partout des livraisons express en J+1 avant 8h ou 9h (cote 47723). Aussi est-ce à juste titre que l'Autorité a constaté, au paragraphe 1246 de la décision attaquée, que la société UPS ne représentait pas à l'époque des pratiques une alternative crédible pour les clients chargeurs.

1025. S'agissant du contre-pouvoir des clients, l'Autorité a, par une motivation suffisante que la cour adopte, constaté que le secteur de la messagerie était relativement peu concentré – même si elle a à juste titre rappelé que cette caractéristique était partiellement compensée par l'ampleur de l'entente, à laquelle appartenaient nombre des entreprises de dimension nationale –, retenu l'existence de surcapacités structurelles sur ce marché à l'époque des pratiques et admis l'existence d'un contre-pouvoir de négociation réel des clients des entreprises de messagerie – qualifié de « significatif » dans le chef des grands clients, qui représentent 80 % du chiffre d'affaires des entreprises de messagerie, mais de « très limité, voire nul » dans le chef des petits clients qui n'en représentent que 20 % -, compte tenu notamment de leur capacité à changer rapidement de prestataire.

1026. Le reproche fait par plusieurs requérantes à l'Autorité d'avoir ignoré ou insuffisamment pris en compte ces caractéristiques, apparaît injustifié, l'Autorité ayant expressément conclu qu'elles avaient pu inciter, au moment des négociations avec leur clientèle, les membres de l'entente à dévier des revalorisations tarifaires annoncées et ainsi limiter l'ampleur des hausses de prix finalement mises en oeuvre.

1027. Certes, l'argument invoqué par l'Autorité, selon lequel le pouvoir de négociation des grands clients serait limité au motif que chacun d'eux ne représente individuellement qu'une part relativement faible du chiffre d'affaires d'une entreprise de messagerie, est légitimement critiqué par les requérantes, dans la mesure où la politique tarifaire d'une entreprise est susceptible d'avoir les mêmes effets sur l'ensemble des clients présentant les mêmes caractéristiques. Cela ne remet toutefois pas en cause l'analyse de l'Autorité, considérée dans sa globalité.

1028. Enfin, s'agissant des paramètres, que les sociétés Dachser et Dachser Group SE & Co. reprochent à l'Autorité de ne pas avoir pris en considération, ils ne sont pas pertinents. La forte hétérogénéité de la demande est établie, mais les hausses tarifaires envisagées et échangées par les entreprises de messagerie ne concernaient aucun type de contrat particulier et aucune prestation de messagerie particulière, mais l'ensemble du marché domestique de la messagerie classique et express. La saisonnalité de la demande n'est pas non plus contestée (décision attaquée, § 1720), mais, d'une part, elle n'a pu influencer qu'à la marge les négociations, dans la mesure où, ainsi qu'il résulte des constatations de l'Autorité (décision attaquée, § 58), le calendrier et le processus de revalorisation étaient très similaires d'une entreprise à l'autre, le cycle de négociation intervenant de septembre – parfois octobre ou novembre – à mars de l'année suivante et les prix étant fixés pour l'année entière, voire, pour les contrats pluriannuels, pour plusieurs années ; d'autre part, dans un contexte de très faible rentabilité des entreprises, l'intérêt à long terme que représentait l'entente a pu contrebalancer la tentation d'une déviation lors des pics de demande, ce que la durée de l'entente est de nature à confirmer. Quant au déclin allégué du marché, il ne ressort nullement de l'évolution des chiffres d'affaires des entreprises du secteur : si la crise mondiale débutant en 2007 a effectivement entraîné un fort recul en 2008 et surtout 2009 – respectivement quatre et cinq ans après le début des pratiques –, les chiffres d'affaires sont ensuite repartis à la hausse ; de plus, la vente à distance n'a jamais cessé de progresser (décision attaquée, § 16 à 18). Enfin, l'hétérogénéité des tarifs n'a pas empêché les entreprises de se communiquer les hausses déjà adressées à leur clientèle ou qu'elles envisageaient de lui adresser.

– Sur les conséquences conjoncturelles des pratiques

1029. La cour a déjà constaté que, nonobstant l'absence de fixation en commun d'un même taux de hausse tarifaire, les échanges anticoncurrentiels sur les taux de hausse adressés à la clientèle, en renforçant la transparence du marché, et notamment en donnant aux participants l'assurance que leurs concurrents mèneraient la même politique agressive de hausse des prix qu'eux, avaient été, d'une part, de nature à les inciter à demander des taux de hausse plus élevés et avaient renforcé, d'autre part, leur position dans la négociation des hausses avec les clients. L'ensemble des arguments des requérantes visant à mettre de nouveau en doute ces constatations seront donc écartés.

1030. Ni le caractère agrégé des informations échangées, ni le fait qu'elles portaient uniquement sur des taux de hausse, ni l'absence d'échanges et de contrôle sur la teneur des négociations individuelles de chaque entreprise avec ses clients ne sont de nature à démontrer que l'entente n'aurait pu avoir qu'un effet potentiellement limité.

1031. D'abord, ainsi que la cour l'a relevé au paragraphe 584 du présent arrêt, les taux de hausse arrêtés au début du cycle de revalorisation tarifaire et adressés à la clientèle par circulaire étaient le seul élément sur lequel il était possible de mettre en place une coordination entre concurrents. Ensuite, les contrats aussi étaient agrégés, notamment dans les circulaires de hausse tarifaire adressées annuellement aux clients, ce qui n'empêchait pas ces circulaires d'être une étape essentielle de l'évolution des prix pour toutes les entreprises de messagerie. Enfin, ainsi qu'il a déjà été relevé à plusieurs reprises, le taux de hausse annoncé dans la circulaire annuelle était, pour les petits clients (20 % du chiffre d'affaires en moyenne) le taux appliqué. Pour les clients disposant d'un pouvoir de négociation (80 % du chiffre d'affaires en moyenne), ce taux était à la fois le point de départ de la négociation et le plafond de hausse que pouvait espérer l'entreprise ; dès lors, dans le contexte d'une entente ayant incité les entreprises à demander un taux de hausse plus élevé et leur ayant donné un avantage dans la négociation grâce à la connaissance de la politique tarifaire des concurrents, l'absence de système organisé de surveillance, et encore moins de police sur l'étape des négociations individuelles (décision attaquée, § 1239), n'était pas de nature à empêcher que les échanges incriminés produisent un effet à la hausse sur les prix négociés avec ces clients. La cour relève qu'au demeurant, les entreprises veillaient conjointement au résultat desdites négociations, au travers des réunions de suivi qui avaient lieu chaque année à la fin du cycle de négociations, la prolongation de l'entente dans le temps étant de nature à confirmer que les participants constataient un effet sur les prix effectivement appliqués après négociations.

1032. Pour autant, ainsi que l'Autorité l'a expressément reconnu, l'absence de surveillance des prix effectivement négociés combinée au contre-pouvoir des clients, n'a pu que limiter les taux de hausse que les entreprises mises en cause ont finalement pu faire passer, étant de nouveau rappelé qu'un tel effet n'a pas pu se produire à l'égard des petits clients, pour lesquels le taux annoncé dans la circulaire annuelle de hausse tarifaire était le taux appliqué.

1033. Il se déduit de l'ensemble des éléments d'appréciations analysés dans les développements qui précèdent, que les échanges anticoncurrentiels ont eu nécessairement un effet à la hausse sur les prix. Le fait que, pour les clients dotés d'un pouvoir de négociation, les hausses appliquées étaient systématiquement inférieures aux hausses demandées n'est pas de nature à infirmer ce constat, puisque l'effet de l'entente ne se mesure pas à la différence entre la hausse demandée et la hausse obtenue, mais entre la hausse obtenue dans le cadre de l'entente et celle qui aurait été obtenue en l'absence d'entente.

1034. C'est en vain qu'il est reproché à l'Autorité de ne pas avoir procédé à une étude économétrique sur les conséquences conjoncturelles, celle-ci pouvant mesurer ces conséquences à partir d'une analyse de la nature et l'ampleur de l'infraction ainsi que du contexte dans lequel elle se déploie et des caractéristiques économiques objectives du secteur concerné.

1035. C'est également à tort que les requérantes reprochent à l'Autorité de ne pas avoir pris en considération les cinq études économétriques produites par les sociétés Gefco, GLS, TNT, Chronopost et Exapaq, ainsi que Dachser visant à estimer le surprix causé par les pratiques.

1036. Pour évaluer le dommage causé à l'économie par une entente, des données de prix agrégées doivent naturellement être privilégiées. Or, toutes les études économétriques versées par ces six requérantes se fondent sur les données propres à l'entreprise qui a commandé l'étude. En l'espèce, l'extrapolation à l'ensemble du marché des résultats obtenus à partir des données individuelles de six entreprises seulement, ne peut avoir qu'une valeur très limitée.

1037. Cette extrapolation paraît d'autant moins légitime que, ainsi que l'Autorité l'a exactement souligné, au paragraphe 1294 de la décision attaquée, l'ensemble de ces études ne couvre, en moyenne, que 39 % de l'activité cumulée de tous les participants à l'entente, part encore diminuée à 31 % si sont prises en compte les limites des données utilisées par les études produites par les sociétés TNT et Gefco.

1038. Au surplus, si les cinq études ont toutes fait le choix de la méthode « avant-après » – l'étude produite par la société TNT proposant en outre une évaluation du surprix à partir de la méthode de la « double différence » –, l'interprétation globale de leurs résultats est biaisée par l'inclusion, dans certaines d'entre elles, d'une période affectée par l'entente dans la période contrefactuelle. En effet, dans leur étude, les entreprises Chronopost et Exapaq, devenue DPD, ont notamment retenu pour contrefactuel la période de septembre 2004 à septembre 2005 où, certes, elles n'étaient pas encore parties à l'entente, mais où l'entente était déjà active.

1039. L'Autorité n'a donc pas commis d'erreur en considérant qu'il y avait lieu d'écarter les estimations économétriques de surprix proposées par les sociétés Gefco, GLS, TNT, Chronopost et Exapaq, ainsi que Dachser.

1040. La cour relève qu'en tout état de cause, hormis l'étude produite par la société GLS, qui estime aboutir à des coefficients non statistiquement significatifs et refuse de se prononcer, toutes les autres aboutissent à des résultats très similaires, concluant de façon convergente à l'existence d'un surprix causé par les pratiques compris entre 0 % et 1,9 %. Aussi, et comme l'Autorité l'a constaté au paragraphe 1294 de la décision attaquée, l'effet des pratiques sur les prix, quoique limité, s'en trouve confirmé.

1041. La société Geodis a également produit une étude économétrique, visant à estimer, au travers de deux mesures, le taux de transformation (« pass-through ») et le taux de remise, l'effet des pratiques sur son pouvoir de négociation vis-à-vis des clients qui négocient la révision de leurs tarifs. Mais une telle analyse a nécessairement pour point de départ le taux de hausse figurant dans les circulaires de hausse tarifaire. Dès lors, si ce taux a atteint un niveau supérieur à ce qu'il aurait été en l'absence des pratiques, les taux effectivement appliqués après négociations sont susceptibles d'être supra-concurrentiels, quand bien même les clients obtiendraient, pendant l'entente, des remises plus importantes qu'après la fin des pratiques. Or la cour a déjà constaté que les taux de hausse fixés dans les circulaires avaient été influencés à la hausse par les pratiques. Aussi ladite étude apparaît-elle dépourvue de pertinence.

y - Conclusion sur la proportion de la valeur des ventes a prendre en compte

1042. En conclusion, la cour juge que c'est à juste titre que l'Autorité a considéré, au paragraphe 1295 de la décision attaquée, que le dommage causé à l'économie par les pratiques était certain, mais qu'il avait été limité, notamment par le contre-pouvoir de négociation des grands clients, qui représentent en moyenne 80 % du chiffre d'affaires des entreprises de messagerie. À cet égard, le fait que, faute d'une analyse suffisante des barrières à l'expansion et de l'élasticité-prix croisée, l'Autorité n'a pas pleinement pris en compte la possibilité pour les opérateurs extérieurs à l'entente de détourner à leur profit une partie de la clientèle des participants à l'entente, ne conduit pas la cour à porter une appréciation globale différente de la sienne, l'Autorité ayant déjà admis que le dommage à l'économie avait été limité.

1043. Quant à la gravité des pratiques, la cour rappelle que leur appartenance à la catégorie des ententes horizontales portant sur les prix, qui constituent les infractions les plus graves aux règles de concurrence, justifiait, en principe, aux termes du point 41 du communiqué sanctions, de retenir, pour le calcul du montant de base de la sanction, un pourcentage de la valeur des ventes d'au moins 15 %. Toutefois, et eu égard aux circonstances particulières de l'espèce, tenant notamment à l'absence de fixation en commun d'un même taux de hausse et à l'absence de mécanisme de surveillance de l'étape des négociations avec la clientèle, l'Autorité a, à juste titre, renoncé à appliquer un tel pourcentage. Pour autant, la nécessité de dissuader les entreprises de manipuler directement ou indirectement les prix reste entière.

1044. Dans ces conditions, la cour considère que l'Autorité a fait une exacte appréciation de la gravité des faits et du dommage à l'économie en retenant un pourcentage de 9 % de la valeur retenue comme assiette de la sanction.

d) Sur la prise en compte de la durée des pratiques

1045. Aux termes du point 42 du communiqué sanctions, dans le cas des infractions qui se sont prolongées plus d'une année, leur durée est prise en considération selon les méthodes suivantes. La proportion de la valeur des ventes retenue est appliquée, au titre de la première année complète de participation de chaque entreprise ou organisme en cause à l'infraction, à la valeur des ventes réalisées pendant l'exercice comptable de référence, et, au titre de chacune des années suivantes, à la moitié de cette valeur. Au-delà de la dernière année complète de participation à l'infraction, la période restante est prise en compte au mois près, dans la mesure où les éléments du dossier le permettent.

1046. Cette méthode se traduit par un coefficient multiplicateur, défini proportionnellement à la durée individuelle de participation de chacune des entreprises aux pratiques, et appliqué à la proportion de la valeur des ventes effectuées par chacune d'entre elles pendant l'exercice comptable retenu comme référence.

1047. Afin de garantir l'individualisation et la proportionnalité des sanctions en l'espèce, il y a lieu de déterminer la durée de participation aux infractions de chacune des entreprises concernées.

1048. Les sociétés DHL, DHL Holding (France) et Deutsche Post ainsi que Geodis invitent la cour à tirer les conséquences de ses constatations sur l'absence de participation ou la moindre participation au grief n° 2.

1049. La société XPO, anciennement Norbert Dentressangle Distribution, et la société Virole contestent la durée de participation retenue à leur encontre par l'Autorité.

1050. Au paragraphe 484 du présent arrêt, la cour a jugé que la participation de la société DHL s'était étendue du 30 septembre 2004 au 1 mars 2010. Il n'y a donc pas lieu de réformer le coefficient de durée de 3,20 retenu par l'Autorité, qui a été calculé sur cette même durée (décision attaquée, § 1299 et 1300).

1051. Au paragraphe 372 du présent arrêt, la cour a jugé que la participation de la société Geodis s'était étendue du 28 septembre 2006 au 29 septembre 2010, ce qui représente une durée de quatre ans. Aussi le coefficient de durée à appliquer pour le calcul du montant de base de la sanction s'établit-il à 2,50.

1052. Aux paragraphes 619 à 630 du présent arrêt, la cour a écarté les arguments des sociétés XPO et Virole tendant à contester la durée de leur participation aux pratiques. C'est donc à juste titre que l'Autorité a appliqué à la société XPO, sous le nom de Norbert Dentressangle Distribution, un coefficient de durée de 0,66, et à la société Virole, un coefficient de durée de 1,41 (décision attaquée, § 1300).

1053. La cour constate, en tant que de besoin, que les autres requérantes ne contestent pas le coefficient de durée qui leur a été appliqué par l'Autorité.

e) Sur l'abattement au titre de la participation inégale au grief n° 2

1054. Aux paragraphes 1301 à 1305 de la décision attaquée, réunis sous le titre « La prise en compte de la participation inégale selon les entreprises », l'Autorité a accordé aux sociétés Norbert Dentressangle Distribution – devenue XPO –, Transports Henri Ducros, Ziegler, Chronopost, Exapaq – devenue DPD –, Ciblex, Normatrans, FedEx, TNT et GLS, un abattement de 10 % sur le montant de base de leur amende respective au motif que ces sociétés, si elles avaient participé aux réunions anticoncurrentielles du Conseil de Métiers, n'avaient en revanche participé à aucun des contacts bilatéraux ou multilatéraux qui ont complété et renforcé les pratiques concertées.

1055. Même si cet abattement a été accordé sur la base de ce critère exclusif, il ne fait aucun doute, à la lecture de la décision attaquée, que l'Autorité a considéré qu'en l'accordant, elle épuisait la question de l'individualisation de la sanction au titre de l'inégale participation des entreprises au grief n° 2.

1056. Plusieurs entreprises reprochent à l'Autorité d'avoir manqué à son obligation d'individualisation des sanctions en ne prenant pas en considération, comme elle l'aurait dû, d'autres critères de mesure de l'intensité de leur participation aux pratiques.

(…)

ß. Concernant la société Geodis

1067. La société Geodis fait valoir, en premier lieu, qu'il n'existe aucune preuve au dossier qu'elle aurait participé, d'une manière ou d'une autre, à des contacts bilatéraux ou multilatéraux hors du Conseil de Métiers.

1068. Selon elle, d'une part, le fait que des concurrents lui aient spontanément adressé des circulaires qu'elle n'avait pas sollicitées ne suffirait pas à établir l'existence de contacts bilatéraux, faute de démontrer une quelconque réciprocité de comportement à son initiative. D'autre part, aucun élément du dossier ne démontrerait qu'elle a communiqué une circulaire ou quelque information que ce soit à un concurrent, en dehors de la diffusion régulière de ses hausses à son fichier clients ainsi qu'à ses sous-traitants. À cet égard, elle soutient que les informations sur les hausses qu'elle pratiquait figurant dans des veilles de marché opérées par certains de ses concurrents, ont été recueillies sur le marché et ne proviennent pas d'elle.

1069. Elle considère donc que le refus de la faire bénéficier de l'abattement de 10 % sur le montant de base de la sanction est discriminatoire et demande l'annulation, subsidiairement la réformation de la décision attaquée.

1070. En deuxième lieu, la société Geodis fait valoir que sa non-participation au grief n° 1 aurait dû être prise en compte lors de la détermination de la sanction du grief n° 2, eu égard au caractère connexe des deux griefs, ainsi que le contexte très particulier d'encouragement par les autorités publiques dans lequel lesdits griefs se sont inscrits.

1071. En troisième lieu, la société Geodis considère que l'Autorité n'aurait pas dû se borner à faire bénéficier d'un abattement les entreprises ne s'étant pas engagées dans des contacts bilatéraux ou multilatéraux hors du Conseil de Métiers, mais aurait dû, plus généralement, prendre en considération la participation inégale des entreprises au grief n° 2.

1072. À cet égard, la société Geodis allègue que la décision attaquée n'a relevé aucune circonstance de nature à démontrer sa participation à l'entente au titre des campagnes 2005-2006, 2009-2010 et 2010-2011. Subsidiairement, elle soutient que sa participation a été très limitée lors de la campagne 2005-2006 – la société Geodis n'ayant participé à aucune réunion du Conseil de Métiers – et des campagnes 2009-2010 et 2010-2011 – M. [O], ancien salarié de la société Geodis, ayant seul pris part aux réunions du Conseil de Métiers et n'y ayant transmis aucune information stratégique.

1073. En dernier lieu, la société Geodis reproche à l'Autorité de ne pas avoir retenu, à titre de circonstance atténuante, le fait qu'elle n'a eu qu'un comportement « suiveur ».

1074. En premier lieu, aux paragraphes 331à 336 du présent arrêt, la cour a jugé que la réception par la société Geodis d'informations sensibles de ses concurrents au cours de la campagne 2005-2006 ne suffisait pas à caractériser sa participation au grief n° 2 pour cette campagne.

1075. En revanche, la cour a constaté, au paragraphe 367 du présent arrêt, que la société Geodis avait été impliquée dans un échange bilatéral avec la société Dachser, à laquelle elle a communiqué la hausse tarifaire projetée pour la campagne 2010-2011.

1076. Cette circonstance est suffisante pour constater que la participation de la société Geodis ne s'est pas limitée à sa participation aux réunions du Conseil de Métiers.

1077. Dans ces conditions, c'est à juste titre que l'Autorité a exclu la requérante du bénéfice de l'abattement de 10 % accordé au paragraphe 1305 de la décision attaquée.

1078. En deuxième lieu, les deux griefs notifiés ayant fait l'objet de sanctions distinctes, la non-participation de la société Geodis au grief n° 1, au titre duquel aucune sanction ne lui a évidemment été appliquée, n'avait pas à entrer en ligne de compte aux fins de l'individualisation de la sanction infligée au titre du grief n° 2. Par ailleurs, les interventions des pouvoirs publics ayant été strictement cantonnées à la question de la répercussion des hausses du prix du gazole, n'ont en aucun cas été de nature à inciter les entreprises du secteur à se livrer aux pratiques objets du grief n° 2, qui sont étrangères à cette question.

1079. En dernier lieu, il résulte des développements figurant aux paragraphes 321 à 372 que la société Geodis a participé aux pratiques objets du grief n° 2 au cours des campagnes 2006-2007 à 2010-2011. Il en ressort également que sa participation, appréciée sur toute sa durée, ne peut pas être qualifiée de « limitée ».

1080. Par ailleurs, il ressort du tableau n° 20, figurant au paragraphe 512 de la décision attaquée, que la société Geodis a participé à douze des quatorze réunions du Conseil de Métiers s'étant déroulées entre le 28 septembre 2006 et le 29 septembre 2010, période au cours de laquelle elle a participé aux pratiques (décision attaquée, § 1299, tableau 25), ce qui démontre qu'elle y a été assidue.

1081. Enfin, cette assiduité aux réunions du Conseil de Métiers, aux cours desquelles étaient échangées des informations commerciales sur les prix, exclut de qualifier la société Geodis de « suiveur».

1082. En conséquence, sa demande d'abattement est rejetée.

f) Conclusion sur le montant de base des sanctions

1186. Au vu de l'ensemble des considérations qui précèdent, le montant de base de la sanction s'établit comme suit pour chaque requérante :


Entreprises
Montant de base (en euros)


Alloin Holding
54352539


BMVirolle
4938948


Chronopost
115 346 025 (voir § 831)


DPD (anc. Exapaq)
54594737


Dachser
37 033 551 (voir § 1066)


DHL
69 874 848 (voir § 831)


Gefco
37682280


Geodis
166 154 625 (voir § 1051)


GLS
66943085


XPO (anc. Norbert Dentressangle Distribution
9 628 786 (voir § 831)


Normatrans
1745550


Schenker
68550786


TNT
66 241 380 (voir § 831 et 1152)


3. Sur l'individualisation des sanctions

1187. La cour rappelle que, l'Autorité ayant fait le choix, non contesté par les requérantes, de prendre en compte la participation inégale au grief n° 2 selon les entreprises au stade de la détermination du montant de base de la sanction, l'ensemble des moyens relatifs à cette circonstance atténuante ont déjà été examinés ci-dessus.

b) Sur l'encouragement par les autorités publiques

1192. La société Geodis fait valoir que la connexité temporelle et matérielle entre les pratiques reprochées au titre des griefs n° 1 et n° 2 est telle que les secondes n'auraient probablement pas eu lieu si les premières ne s'étaient pas déroulées.

1193. Dès lors que l'Autorité a reconnu et pris en compte, aux fins du calcul de la sanction des pratiques objet du grief n° 1, le contexte très particulier dans lequel ces pratiques ont été initiées, tenant à la confusion que les interventions des pouvoirs publics en faveur d'une répercussion des variations du coût des carburants dans les contrats de transports a pu créer dans l'esprit des transporteurs, elle aurait dû, selon la société Geodis, en tenir également compte dans le cadre du grief n° 2.

1194. Mais, d'abord, les pratiques objet du grief n° 1 et celles objet du grief n° 2, nonobstant le fait qu'elles se sont déroulées dans le même contexte et, pour partie, à la même époque, sont très différentes, de sorte qu'aucun lien de connexité ne saurait être relevé.

1195. Ensuite, à supposer même établi un tel lien de connexité, ainsi que la cour l'a déjà relevé au paragraphe 1078 du présent arrêt, le grief n° 2 ne s'est nullement inscrit dans un contexte d'encouragement par les autorités publiques.

1196. Enfin, en tout état de cause, la non-participation de la société Geodis au grief n° 1 suffit à démontrer qu'en ce qui la concerne, aucune confusion dans son esprit n'a été provoquée par les pouvoirs publics.

1197. Le moyen est rejeté.

(…)

5. Conclusion sur le calcul des sanctions

1403. Au vu de l'ensemble des considérations qui précèdent, il convient, selon l'entreprise considérée, soit de confirmer la sanction prononcée par l'Autorité dans la décision attaquée, soit de la réformer, de telle sorte que les sanctions infligées soient les suivantes :


Entreprises
Montant de la sanction (en euros)
Solidairement et au prorata de la durée de participation


Alloin Holding
31 959 000
Solidairement avec Kuehne+Nagel à heuteur de 12 213 000 euros et avec Kuehne+Nagel International à hauteur de 1 353 000 euros


BMVirolle
4 938 000



Chronopost
92 276 000
(voir § 1186 et 1332)
Solidairement avec La Poste


DPD
43 675 000
(voir § 1332)
Solidairement avec La Poste à hauteur de 39 331 000 euros


Dachser
29 997 000
(voir § 1186)
Solidairement avec Dachser Group SE & Co.


DHL
69 874 000
(voir § 1186)
Solidairement avec DHL HOLDING (France) et Deutsche Post


Gefco
30 522 000
Solidairement avec Peugeot


Geodis
166 154 000
(voir § 1186)
Solidairement avec SNCF Mobilités à hauteur de 88 899 000 euros


GLS
54 893 000
Solidairement avec General Logistics Systems BV ;
solidairement avec Royal Mail Group à hauteur de 20 594 000 euros


XPO (ex Norbert Dentressangle Distribution)
9 628 000
(voir § 1186)
Solidairement avec Lotra ;
solidairement avec XPO Logistics europe (ex Norbert Dentressangle) à hauteur de 2 849 000 euros


Normatrans
1 745 000



Schenker
3 000 000
Solidairement avec Deutsche Bahn


TNT
54 317 000
(voir § 1186)
Solidairement avec TNT Express NV


(…)

1405. La réduction de sanction dont bénéficie la société Geodis tenant à ce que sa participation à l'entente n'a pas été retenue antérieurement au 28 septembre 2006, l'EPIC SNCF Mobilités, qui a pris le contrôle de cette société en juillet 2008, n'en tire aucun avantage.

1406. L'ensemble de ces sanctions est proportionné à la fois à la gravité des faits, à l'importance du dommage à l'économie, ainsi qu'à la situation individuelle de chacune des entreprises sanctionnées »,

1) - ALORS QUE le principe de légalité des peines exige que puisse être anticipée la méthodologie de calcul de la sanction d'une pratique anticoncurrentielle par l'Autorité de la concurrence de sorte qu'en admettant en l'espèce que l'Autorité ait pu écarter l'application de son communiqué pour sanctionner le grief n° 1 tout en retenant son application pour sanctionner le grief n° 2 qui n'en était pas dissociable, la cour d'appel a violé le principe de légalité des peines résultant de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen,

2) - ALORS QUE le principe d'égalité s'oppose à un traitement différencié de personnes placées dans une situation comparable de sorte qu'en admettant en l'espèce que l'Autorité ait pu écarter l'application de son communiqué pour sanctionner le grief n° 1 aux motifs que l'entente avait pu être initiée par la conjonction d'une très forte hausse du prix du gazole au cours de la période 2004-2005 et de prises de positions des pouvoirs publics favorables à une répercussion des variations du coût des carburants dans les contrats de transport, tout en retenant son application pour sanctionner le grief n° 2 qui n'en était pas dissociable à cet égard, la cour a violé le principe d'égalité résultant de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen,

3) - ALORS QUE les sanctions pécuniaires encourues par les auteurs de pratiques anticoncurrentielles doivent notamment être fixées à proportion du dommage qu'elles ont causé à l'économie et qu'à cette fin, l'assiette de la sanction est en principe constituée de la valeur des produits ou services en cause réalisés en France en lien avec l'infraction de sorte qu'en jugeant que l'Autorité avait pu prendre en considération, pour déterminer l'assiette de la sanction, l'ensemble des prestations de messagerie classique et express réalisées sur le marché français, et non les seuls échanges susceptibles d'être impactés par la pratique, au motif, impropre à le justifier, que circonscrire plus précisément l'assiette conduirait à diminuer l'effet dissuasif de la sanction, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 464-2 I du code de commerce,

4) - ALORS QUE les sanctions pécuniaires encourues par les auteurs de pratiques anticoncurrentielles doivent notamment être fixées à proportion du dommage qu'elles ont causé à l'économie et qu'à cette fin, l'assiette de la sanction est en principe constituée de la valeur des produits ou services en cause réalisés en France en lien avec l'infraction si bien qu'en refusant d'examiner, comme elle était invitée à le faire, si les options et frais supplémentaires, auxquels les hausses tarifaires en cause ne s'appliquaient pas, ne devaient pas être exclus de l'assiette (exposé des moyens, p. 161-162) au motif impropre à justifier sa décision de la difficulté à procéder à cette extraction non prévue par le communiqué sanctions, la cour d'appel a violé l'article L. 464-2 I du code de commerce,

5) - ALORS QUE les sanctions pécuniaires encourues par les auteurs de pratiques anticoncurrentielles doivent notamment être proportionnées à la gravité des faits ; qu'en refusant de faire bénéficier GEODIS de l'abattement de 10 % accordé aux opérateurs n'ayant pas directement pris part à des échanges bilatéraux, en se fondant, pour caractériser la délivrance d'informations par GEODIS à ses concurrents, sur la formulation d'un courriel de la société Dachser mentionnant une « pêche aux informations chez nos confrères » et visant des informations relatives à GEODIS, sans même rechercher si, comme le soutenait GEODIS, les informations y figurant avaient été communiquées auprès de ses clientes, dont faisait partie la société Dachser, ce dont il résultait que les informations en cause pouvaient avoir été communiquées de façon licite et ne résultaient donc pas nécessairement d'une communication illicite, la cour a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article L. 464-2 I du code de commerce,

6) - ALORS QUE les sanctions pécuniaires encourues par les auteurs de pratiques anticoncurrentielles doivent notamment être fixées à proportion du dommage qu'elles ont causé à l'économie et qu'à ce titre doit être pris en considération tout élément de nature à limiter l'effet de la pratique incriminée de sorte qu'en constatant que l'Autorité de la concurrence avait insuffisamment analysé le caractère non significatif des barrières à l'expansion et l'élasticité-prix croisée sans toutefois en déduire que le dommage à l'économie, que l'Autorité avait évalué comme limité, était plus faible encore, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les dispositions de l'article L. 464-2 I du code de commerce,

7) - ALORS QUE les sanctions pécuniaires encourues par les auteurs de pratiques anticoncurrentielles doivent notamment être proportionnées à la gravité des faits ; que constituent des infractions particulièrement graves et sévèrement réprimées les ententes horizontales tendant à la fixation des prix futurs ; qu'en assimilant les échanges d'information sur des hausses tarifaires envisagées à de telles infractions, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 464-2 I du code de commerce,

8) - ALORS QUE les sanctions pécuniaires encourues par les auteurs de pratiques anticoncurrentielles doivent notamment être proportionnées à la gravité des faits, laquelle peut être éclairée par le caractère limité ou non de la pratique si bien qu'en refusant de prendre en considération la circonstance que l'entente n'a porté que sur une partie seulement de la politique tarifaire des entreprises mises en cause pour en apprécier la gravité, au motif impropre que cette circonstance ne remettait pas en cause la qualification d'entente, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 464-2 I du code de commerce,

9) - ALORS QUE les sanctions pécuniaires encourues par les auteurs de pratiques anticoncurrentielles doivent notamment être proportionnées à la gravité des faits, laquelle peut être éclairée par le degré de sophistication de la pratique de sorte qu'en admettant que l'Autorité de la concurrence avait, à tort, retenu le caractère « relativement sophistiqué » de la pratique, sans en déduire que la gravité de l'infraction en avait été surévaluée, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 464-2 I du code de commerce,

10) - ALORS QUE les sanctions pécuniaires encourues par les auteurs de pratiques anticoncurrentielles doivent notamment être proportionnées à la gravité des faits, laquelle peut être éclairée par la circonstance qu'au regard des conditions économiques, n'était pas en cause une maximalisation du profit mais une limitation des pertes si bien qu'en refusant de prendre en considération la situation économique du secteur au motif impropre que cela légitimerait les pratiques anticoncurrentielles en cas de difficultés économiques, quand la reconnaissance de circonstances atténuantes ne conduit nullement à justifier ou légitimer une pratique, mais seulement à en relativiser la gravité, la cour a violé les dispositions de l'article L. 464-2, I du code de commerce ;

11) - ET ALORS QUE le juge ne peut dénaturer les conclusions dont il est saisi de sorte qu'en indiquant que la prise en considération de l'individualisation de la sanction au seul stade de l'appréciation d'un abattement sur l'assiette de base n'était pas contestée, quand GEODIS soutenait, distinctement de la revendication du bénéfice de l'abattement sur l'assiette, que le montant de l'amende devait également être diminué (exposé des moyens, p. 141 à 145), la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et non ambigus des conclusions de GEODIS, en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile. Moyens produits au pourvoi n° C 18-21.763 par la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat aux Conseils, pour la société BMVirolle.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir infligé à la société BMVirolle au titre des pratiques visées à l'article 2 de la décision n° 15-D-19 de l'Autorité de la concurrence, une sanction de 4.938.000 euros.

AUX MOTIFS QU' « b) sur le montant de la valeur des ventes prises en compte.
[…]

ß. Sur l'assiette de la sanction

833. Les sociétés DHL, DHL Holding (France) et Deutsche Post, Alloin Holding, Kuehne+Nagel et Kuehne+Nagel International, TNT et TNT Express NV, Gefco et Peugeot, XPO, Dachser et Dachser Group SE & Co., Chronopost et DPD, Geodis, GLS, General Logistics Systems BV et Royal Mail Group, ainsi que BMVirolle contestent la valeur des ventes retenue par l'Autorité comme base de calcul de leurs sanctions.

834. Les requérantes rappellent qu'aux termes du point 23 du communiqué sanctions, l'Autorité retient, comme montant de base de la sanction, "une proportion de la valeur des ventes, réalisées par chaque entreprise ou organisme en cause, de produits ou de services en relation avec l'infraction".

835. Il existerait de nombreux précédents tant nationaux qu'européens faisant état de l'exclusion du périmètre de la valeur des ventes prise en compte pour le calcul du montant de base de la sanction des ventes pour lesquelles la preuve existe qu'elles n'ont pas été affectées par l'infraction.

836. En l'espèce, dès lors que les pratiques portaient uniquement sur les évolutions de prix concrétisées par les circulaires de revalorisation tarifaire envoyées annuellement aux clients, et non sur les niveaux de prix, les entreprises mises en cause n'ont pas réalisé, avec les clients non destinataires de ces circulaires, pour lesquels l'évolution des conditions contractuelles était régie par d'autres mécanismes (stipulations contractuelles ou négociations bilatérales), des ventes « en relation avec l'infraction ».

837. Subsidiairement, selon les sociétés Alloin Holding, Kuehne+Nagel et Kuehne+Nagel International, lorsque le marché en relation avec l'infraction est trop large, l'Autorité doit restreindre le périmètre des ventes prises en considération pour déterminer le montant de base de façon à ce qu'il reflète l'ampleur économique de l'infraction, conformément aux objectifs du communiqué sanctions (en ce sens, décision de l'Autorité n° 15-D-01 du 5 février 2015 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur de la diffusion de la télévision par voie hertzienne terrestre en outre-mer, § 235 à 237).

838. Selon ces requérantes, en retenant en l'espèce la valeur des ventes à des clients non destinataires des circulaires, l'Autorité s'écarterait de sa volonté proclamée dans le communiqué sanctions, de rendre les amendes proportionnelles à l'ampleur économique de l'infraction.

839. Selon les requérantes, la décision attaquée ne saurait trouver aucune justification dans la jurisprudence des juridictions de l'Union. D'une part, les questions de procédure et les sanctions relèvent exclusivement du droit national, en vertu du principe d'autonomie procédurale. D'autre part, et en tout état de cause, il résulte seulement de la jurisprudence de la Cour de justice que la Commission, en sa qualité d'autorité européenne de concurrence, n'est pas obligée de prouver quelles sont les ventes individuelles qui ont été affectées par l'entente (CJUE, arrêt du 23 avril 2015, LG Display et LG Display Taiwan/Commission, C-227/14 P, point 57) ; en revanche, cette jurisprudence ne priverait pas les parties de la possibilité de démontrer que telle ou telle catégorie de ventes de biens ou de services n'est pas en relation avec l'infraction, car elle n'a pas pu être matériellement, financièrement ou économiquement affectée par les pratiques.

840. Les requérantes soulignent qu'en l'espèce, les services d'instruction eux-mêmes avaient préconisé de procéder à des abattements et retraitement des chiffres d'affaires des entreprises pour déterminer la valeur des ventes effectivement affectées par l'entente et que c'est contre toute attente que le collège s'est borné à déduire du chiffre d'affaires les ventes intragroupe, la sous-traitance et les ventes internationales, aux motifs, pour les deux premiers abattements, qu'il convenait d'éviter une double prise en compte et, pour le troisième, que le grief notifié ne concernait que les ventes réalisées en France.

841. Les requérantes demandent donc à la cour de déduire de leur chiffre d'affaires, aux fins d'établir l'assiette de la sanction :

– les ventes aux petits clients (sociétés Geodis, TNT, ainsi que BMVirolle) ;

– les ventes au comptant et les ventes « one shot » (sociétés Chronopost et DPD, TNT, Alloin Holding et Kuehne+Nagel, ainsi que Dachser) ;

– les nouveaux contrats (sociétés Chronopost et DPD, Dachser, Gefco, Geodis ainsi que Alloin Holding et Kuehne+Nagel)

– les contrats dont les prix n'ont fait l'objet d'aucune hausse sur la période des pratiques (sociétés Chronopost et DPD, Gefco, GLS, ainsi que Alloin Holding et Kuehne+Nagel) ;

– les contrats « hors cycle », dont les prix ont fait l'objet de hausses en dehors des cycles de hausse habituels (sociétés Chronopost et DPD, Gefco, Geodis, ainsi que Alloin Holding et Kuehne+Nagel) ;

– les clients dits « atypiques », qui, n'ayant pas tenus leurs engagements de volumes, subissent de très fortes hausses pour des raisons de rentabilité des contrats (sociétés Chronopost et DPD) ;

– les contrats pluriannuels (sociétés Chronopost et DPD, Dachser, BMVirolle, GLS, Geodis ainsi que Alloin Holding et Kuehne+Nagel) ;

– les contrats objet de négociations individuelles ou « grands comptes » ou « top 100 » (sociétés Dachser, Gefco, DHL, TNT, ainsi que Alloin Holding et Kuehne+Nagel).

842. Plusieurs requérantes demandent encore de déduire de leur chiffre d'affaires, quel que soit le contrat dans le cadre duquel ils ont été payés, les options et frais supplémentaires, soutenant, en substance, qu'ils font l'objet de conditions tarifaires particulières et différenciées pour lesquelles les évolutions tarifaires sont déconnectées des hausses figurant dans les circulaires annuelles (sociétés Chronopost et DPD, XPO, BMVirolle, DHL, GLS, Geodis, ainsi que TNT).

843. Enfin deux requérantes demandent de déduire de leur chiffre d'affaires la surcharge gazole perçue pour tous les contrats, en faisant valoir que, outre qu'elle n'est pas affectée par les hausses annuelles, elle vise à compenser une perte liée aux prix du gazole, et non à rémunérer un service (sociétés XPO et TNT).

844. S'agissant des options et frais supplémentaires, dont la taxe gazole, les requérantes font valoir qu'elles font l'objet de conditions tarifaires particulières et différenciées pour lesquelles les évolutions tarifaires sont déconnectées des hausses figurant dans les circulaires annuelles.

845. L'Autorité expose qu'aux termes des points 23 et 33 du communiqué sanctions, l'ensemble des ventes réalisées sur le marché pertinent, en relation avec le champ d'application de l'entente telle que qualifiée par la décision de sanction, entrent dans le périmètre de la sanction, ces ventes reflétant tout à la fois l'ampleur économique de l'infraction et la part respective de chaque entreprise dans celle-ci.

846. Elle considère que cette analyse rejoint celle de la Commission, dont la pratique est validée par la jurisprudence des juridictions de l'Union (CJUE, arrêt LG Display et LG Display Taiwan/Commission, précité). Elle souligne notamment que ces juridictions ont jugé à plusieurs reprises que ce serait donner une signification trop étroite à la notion de « ventes » que de n'y faire figurer que celles dont il est établi qu'elles se faisaient à des prix influencés par l'entente.

847. L'Autorité fait valoir que les hausses tarifaires envisagées par les participants à l'entente et qui faisaient l'objet de leurs échanges ne concernaient aucun type de contrat ou de prestation de messagerie en particulier, mais l'ensemble du marché de la messagerie classique et express sur le territoire français, justifiant de retenir, au titre de la valeur des ventes, le chiffre d'affaires réalisé par les entreprises participantes sur ces marchés. Elle précise qu'elle a écarté les ventes liées à des prestations internationales dans la mesure où elles n'ont pas été réalisées sur les marchés concernés, ainsi que les prestations intragroupes et les prestations de sous-traitance pour ne pas les prendre deux fois en compte.

848. Elle ajoute que le champ d'application de l'entente ne dépendait pas de l'importance des clients, puisque les hausses tarifaires concernaient aussi bien les « grands comptes » (les opérateurs de messagerie pouvant négocier plus sereinement avec eux grâce la connaissance qu'ils avaient des intentions de leurs concurrents) que les petits clients (qui se voyaient appliquer unilatéralement les revalorisations tarifaires prévues par les circulaires de hausse tarifaire), de sorte qu'il n'y avait pas davantage lieu d'en tenir compte dans la détermination de la valeur des ventes. Elle considère de même qu'il n'y avait pas lieu d'opérer une distinction selon que les clients avaient reçu ou non les circulaires, l'augmentation de la transparence du marché produite par les pratiques ne dépendant pas de la réception d'une circulaire.

849. Elle soutient enfin qu'il n'y a pas lieu d'écarter les contrats pluriannuels, dans la mesure où ils ont pu être conclus ou renouvelés sous l'empire de l'entente ; les frais et options, car ils font partie des prestations de messagerie ; et les ventes au comptant, puisqu'elles entrent dans le périmètre des pratiques sanctionnées.

850. Le ministre chargé de l'Économie rappelle liminairement que, s'agissant de la détermination des sanctions pécuniaires, l'Autorité n'est pas liée par la pratique décisionnelle de la Commission ni par la jurisprudence des juridictions de l'Union, mais qu'elle peut s'en inspirer, dans le respect de l'article L. 464-2 du code de commerce et de son communiqué sanctions.

851. A cet égard, il rappelle que, selon la jurisprudence constante des juridictions de l'Union, la notion de « valeur des ventes » dans les lignes directrices 2006 ne vise pas que le chiffre d'affaires réalisé avec les seules ventes pour lesquelles il est établi qu'elles ont réellement été affectées par cette entente, mais renvoie aux ventes réalisées sur le marché concerné par l'infraction.

852. Le ministre considère que l'Autorité pouvait pareillement retenir la valeur des ventes de tous les biens ou services réalisés sur les marchés affectés, une telle délimitation ne violant pas les principes de proportionnalité et d'individualisation des peines, dans la mesure où elle n'excède pas le marché des prestations de messagerie en France.

**

853. Il convient, à titre liminaire, d'écarter la demande d'annulation de la décision attaquée pour défaut de motivation présentée par plusieurs requérantes.

854. L'obligation de motivation à laquelle l'Autorité est soumise dans le prononcé de ses décisions impose un énoncé des considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement et permettent aux parties mises en cause de comprendre la nature de l'infraction retenue, et à la juridiction de recours d'en contrôler la légalité. Elle ne comporte pas, en revanche, l'obligation de répondre à l'intégralité des arguments invoqués, que les parties pourront, si elles les estiment opérants et nécessaires à leur défense, soumettre à la cour au soutien de leur recours de pleine juridiction.

855. En l'espèce, en expliquant, aux paragraphes 1201 à 1203 de la décision attaquée, pourquoi elle considérait devoir prendre en compte le chiffre d'affaires lié aux prestations de messagerie commercialisées en France, sans autres déductions que le chiffre d'affaires réalisé en sous-traitance et celui réalisé lors de prestations intragroupe – déductions uniquement justifiées par le souci de ne pas prendre deux fois en compte le même chiffre d'affaires –, l'Autorité, qui a permis aux requérantes de comprendre les raisons de sa décision et de les contester, a motivé à suffisance de droit son refus des exclusions supplémentaires de chiffre d'affaires qu'elles réclamaient.

856. En premier lieu, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, il ne découle ni du communiqué sanctions ni de la pratique décisionnelle antérieure de l'Autorité que les ventes de produits ou services devraient être « affectées » par l'infraction pour que leur valeur soit prise en compte pour le calcul du montant de base de la sanction.

857. D'une part, le point 23 du communiqué sanctions est ainsi libellé :

"Pour donner une traduction chiffrée à son appréciation de la gravité des faits et de l'importance du dommage causé à l'économie, l'Autorité retient, comme montant de base de la sanction pécuniaire, une proportion de la valeur des ventes, réalisées par chaque entreprise ou organisme en cause, de produits ou de services en relation avec l'infraction ou, s'il y a lieu, les infractions en cause (2). La valeur de ces ventes constitue en effet une référence appropriée et objective pour déterminer le montant de base de la sanction pécuniaire, dans la mesure où elle permet d'en proportionner au cas par cas l'assiette à l'ampleur économique de l'infraction ou des infractions en cause, d'une part, et au poids relatif, sur le(s) secteur(s) ou marché(s) concerné(s), de chaque entreprise ou organisme qui y a participé, d'autre part. Elle est donc retenue par l'Autorité, à l'instar d'autres autorités de concurrence européennes, de préférence au chiffre d'affaires total de chaque entreprise ou organisme en cause, qui peut ne pas être en rapport avec l'ampleur de ces infractions et le poids relatif de chaque participant sur le(s) secteur(s) ou marché(s) concerné(s)" (souligné par la cour).

858. Le point 33 du communiqué sanctions précise :

"33. La référence prise par l'Autorité pour donner une traduction chiffrée à son appréciation de la gravité des faits et de l'importance du dommage causé à l'économie est la valeur de l'ensemble des catégories de produits ou de services en relation avec l'infraction, ou s'il y a lieu avec les infractions, vendues par l'entreprise ou l'organisme concerné durant son dernier exercice comptable complet de participation à celle(s)-ci,
[...].
La qualification de l'infraction ou des infractions effectuée par l'Autorité, au regard de leur objet ou de leurs effets anticoncurrentiels, détermine ces catégories de produits ou de services" (souligné par la cour).

859. Il ressort de ces points du communiqué sanctions que, dès l'instant où une catégorie de produits ou de services est « en relation avec l'infraction », la valeur des ventes de cette catégorie de produits ou de services doit être prise en compte. Ainsi que le précise le point 33 du communiqué sanctions, c'est la qualification de l'infraction, effectuée au regard de son objet ou de ses effets, qui permet de déterminer les catégories de produits ou de services en relation avec cette infraction. Il n'est, en revanche, fait aucune référence à une nécessaire affectation des ventes de ces catégories de produits ou services par l'infraction pour pouvoir prendre en compte leur valeur.

860. D'autre part, dans plusieurs décisions, l'Autorité a, comme le soulignent les requérantes, effectivement écarté de la valeur des ventes prise en compte aux fins du calcul du montant de base de la sanction, les ventes de certaines catégories de produits réalisées sur le marché pertinent – c'est-à-dire le marché défini par l'Autorité préalablement à l'examen des pratiques, afin qu'il lui serve de cadre d'analyse – au motif que ces catégories de produits n'étaient pas en relation avec l'infraction :

– dans sa décision n° 12-D-09 du 13 mars 2012 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur des farines alimentaires, après avoir défini le marché pertinent comme "celui de la commercialisation de farine de blé tendre en sachets à destination du grand public en France" (§ 415), elle a uniquement pris en compte la valeur des ventes de farine en sachet "aux seules enseignes du hard discount en France" (§ 890) ;

– dans sa décision n° 13-D-03 du 13 février 2013 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur du porc charcutier, après avoir défini le marché pertinent comme "celui de la vente de viande de porc à destination des enseignes de la grande distribution en France" (§ 224), l'Autorité a pris en compte la valeur des seules ventes "réalisées [...] auprès des magasins de l'enseigne Auchan" (§ 431) ;

– dans sa décision n° 15-D-04 du 26 mars 2015 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur de la boulangerie artisanale, après avoir défini "le marché concerné par les pratiques [...] comme celui de la commercialisation aux boulangeries artisanales de la farine de blé tendre livrée en vrac ou en conditionnement de plus de 20 kg et des mixes destinés à la production de viennoiserie ou autre pâtisserie vendue en boulangeries à destination d'une consommation effectuée principalement en France" (§ 284), l'Autorité a finalement exclu de la valeur des ventes prise en compte "les mixes destinés à la production de viennoiseries ou de pâtisseries" (§ 367).

861. Mais, par ces décisions, l'Autorité a, en identifiant les catégories de produits ou de services en relation avec l'infraction au regard de l'objet ou des effets anticoncurrentiels des pratiques analysées, procédé de fait à une délimitation du marché concerné par l'entente, qui s'est trouvée être, dans ces trois espèces, plus étroit que le marché pertinent initialement défini. Une fois délimité le marché sur lequel l'entente se déployait, l'Autorité a bien retenu la valeur de l'ensemble des ventes des produits et services réalisées sur ce marché, sans vérifier si ces ventes avaient ou non été affectées par l'entente.

862. Lesdites décisions peuvent d'ailleurs être rapprochées des décisions dans lesquelles l'Autorité ayant été en mesure de définir finement le marché pertinent par référence à une catégorie de produits et/ou de clients, a constaté, à l'issue de son analyse des pratiques, que ce marché était bien celui concerné par l'entente et retenu pour assiette de la sanction l'ensemble des ventes réalisées sur ledit marché (décision n° 12-D-24 du 13 décembre 2012 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur de la téléphonie mobile à destination de la clientèle résidentielle en France métropolitaine, § 373 ; décision n° 13-D-12 du 28 mai 2013 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur de la commercialisation de commodités chimiques, § 586 et 587 ; décision n° 15-D-17 du 30 novembre 2015 relative à des pratiques mises en oeuvre sur le marché de la téléphonie mobile à destination de la clientèle non résidentielle à La Réunion et à Mayotte, § 24 et 84).

863. Ainsi, il ne ressort pas de la pratique décisionnelle de l'Autorité que celle-ci aurait renoncé à prendre en compte la valeur des ventes de produits ou services dont elle aurait constaté qu'ils étaient en relation avec l'infraction, au motif que ces ventes n'avaient pas été affectées par l'infraction.

864. Le choix fait par l'Autorité, tant dans sa pratique décisionnelle que dans son communiqué sanctions, de ne pas prendre en compte le critère de l'affectation des ventes par l'infraction, apparaît justifié.

865.En effet, outre que l'exigence de proportionnalité ne l'impose pas, l'obligation de mettre un tel critère en oeuvre contraindrait l'Autorité, non certes pas à démontrer, pour chaque catégorie de produits ou services, que leurs ventes ont été réellement affectées par l'entente – les requérantes admettant le bien-fondé d'une présomption simple d'« affectation » –, mais à vérifier l'affirmation des entreprises incriminées selon laquelle les ventes de certaines catégories de produits ou services n'ont pas pu être affectées. Or une telle exigence, en obligeant les services d'enquête de l'Autorité à consacrer un temps important à de telles vérifications, limiterait très sensiblement l'efficacité de son action. À cet égard, la présente affaire illustre parfaitement les dérives qu'entraînerait l'approche défendue par les requérantes : sous couvert de catégories de prestations, celles-ci en arrivent en effet à réclamer la déduction d'une partie du chiffre d'affaires décomposé contrat individuel par contrat individuel.

866. Surtout, ladite obligation priverait largement d'effet dissuasif les sanctions que prononce l'Autorité, puisque chaque entreprise pourrait espérer, en cas de poursuites, voir sa sanction calculée sur la base d'un chiffre d'affaires très inférieur à celui qu'elle réalise sur le marché sur lequel se déroule l'entente. À l'inverse, l'approche retenue par l'Autorité est plus conforme à l'exigence de prévisibilité de la sanction, et donc à son caractère dissuasif, toute entreprise se livrant à des pratiques anticoncurrentielles sur un marché donné étant d'emblée en mesure de savoir que la sanction qu'elle encourt sera, en principe, calculée sur la totalité du chiffre d'affaires qu'elle réalise sur ledit marché.

867. Enfin, si, conformément au principe d'autonomie procédurale, l'Autorité n'est pas liée par les règles de droit de la concurrence de l'Union relatives au calcul des sanctions, la cour juge opportun de souligner que la détermination de la valeur des ventes est arrêtée de la même façon au niveau européen. C'est ainsi que, dans son arrêt LG Display et LG Display Taiwan/Commission, précité, la Cour de justice a approuvé, dans les termes suivants, le Tribunal d'avoir retenu l'ensemble des ventes réalisées sur le marché concerné par l'infraction :

"56. En l'espèce, le Tribunal a donc jugé à bon droit, au point 97 de l'arrêt attaqué, que ‘la possibilité pour la Commission d'inclure dans la valeur des ventes pertinentes aux fins du calcul du montant de l'amende les ventes de LCD cartellisés faites par les requérantes à LGE et à Philips dépend non pas de la question de savoir si ces ventes se faisaient à des prix influencés par l'entente, mais du simple fait que celles-ci étaient réalisées sur un marché affecté par l'existence d'une entente à laquelle les requérantes participaient'.

[...]

58. En conséquence, ayant constaté, au point 69 de l'arrêt attaqué, dans le cadre de son appréciation souveraine des faits, sans que les requérantes invoquent la moindre dénaturation, que les ventes de LCD cartellisés effectuées par ces dernières à LGE et à Philips ont été réalisées sur le marché concerné par l'infraction, c'est sans commettre d'erreur de droit que le Tribunal a estimé, aux points 71 et 72 de cet arrêt, que la Commission était en droit de tenir compte desdites ventes pour calculer le montant de l'amende à leur infliger, sans qu'il importe de savoir si LGE et Philips leur ont effectivement payé des prix majorés en raison de l'entente et si elles ont répercuté cette éventuelle majoration sur le prix des produits finis intégrant les LCD cartellisés qu'elles ont vendus aux consommateurs dans l'EEE.

59. Dans ces conditions, le Tribunal n'était tenu ni de préciser les raisons pour lesquelles les ventes desdits LCD réalisées par LGD auprès de LGE et de Philips, en dépit des clauses contractuelles liant LGD à ces dernières dans le cadre de leur accord d'entreprise commune, auraient pu fausser la concurrence sur le marché pertinent, ni d'examiner les preuves fournies par les requérantes à cette fin.

[…]

Contrairement à ce que font valoir les requérantes, le Tribunal n'a, ce faisant, nullement fait prévaloir une présomption irréfragable selon laquelle toutes les ventes réalisées sur le marché pertinent ont été affectées par l'infraction en cause. En revanche, le Tribunal a considéré, par une motivation qui, ainsi qu'il résulte des points 48 à 59 du présent arrêt, n'est entachée d'aucune erreur de droit, que, même en l'absence de toute preuve que les ventes des LCD cartellisés par les requérantes à leurs sociétés mères ont été affectées par cette infraction, ces ventes peuvent néanmoins être prises en compte aux fins du calcul du montant de l'amende à infliger aux requérantes, dès lors qu'elles ont été réalisées sur le marché concerné par l'infraction.
[...]" (souligné par la cour).

868. Il s'ensuit que, à supposer établi par l'Autorité que l'ensemble des prestations de messagerie classique et express sont en relation avec le grief n° 2, c'est en vain que les requérantes cherchent à démontrer que telle ou telle catégorie de contrats n'a pas pu être affectée par l'entente, puisque, même à supposer cette preuve rapportée, un tel critère est inopérant.

869. En deuxième lieu, c'est à juste titre que l'Autorité a constaté que l'ensemble des prestations de messagerie classique et express réalisées sur le marché français étaient en relation avec le grief n° 2.

870. À cet égard, il y a lieu de constater qu'une différence fondamentale distingue la présente espèce des décisions de l'Autorité, citées au paragraphe 860 du présent arrêt, dans lesquelles le marché affecté a été délimité par référence à une catégorie de clients. Dans les cas évoqués, l'entente avait été cantonnée par les participants eux-mêmes à la relation entre ces derniers et tel client ou telle catégorie de clients.

871. Rien de tel en l'espèce, où les informations échangées concernaient un aspect de la politique tarifaire générale qu'entendaient suivre les entreprises participantes – le taux de hausse qu'elles souhaitaient obtenir –, sans distinction selon la nature des services ou selon les caractéristiques des clients. Notamment, ce n'est pas parce qu'elles n'envoyaient pas leurs circulaires de hausse tarifaire à leurs clients les plus importants, qu'elles ne s'efforçaient pas, dans les négociations avec ces derniers, de faire passer les taux de hausses qu'elles avaient annoncés lors des réunions du Conseil de Métiers.

872. L'Autorité fait à raison valoir, dans ses observations, que, dès lors que les hausses tarifaires envisagées et échangées par les entreprises de messagerie ne concernaient aucun type de contrat particulier et aucune prestation de messagerie particulière, mais l'ensemble du marché domestique de la messagerie classique et express, la totalité des prestations réalisées sur ce marché était en relation avec l'infraction au sens des points 23 et 33 du communiqué sanctions.

873. C'est donc à juste titre, et dans le strict respect du communiqué sanctions, que l'Autorité a refusé de distinguer selon les clients et/ou les contrats et a retenu le chiffre d'affaires réalisé par chaque entreprise participante sur le marché domestique de la messagerie classique et express.

874. Eu égard aux considérations qui précèdent, ce n'est que de façon surabondante que la cour examinera ci-après les arguments avancés spécifiquement par les requérantes pour chacune des catégories de contrats et/ou de clients dont elles demandent l'exclusion.

875. S'agissant des petits clients, d'une part, aux paragraphes 417 à 420 de la décision attaquée, l'Autorité a relevé que, lors de la campagne tarifaire 2006-2007, certaines entreprises – Schenker-Joyau, Alloin et Gefco – avaient, postérieurement à la réunion du Conseil de Métiers du 28 septembre 2006, demandé à leur clientèle un taux de hausse plus élevé que celui qu'elles avaient annoncé lors de cette réunion, ce dont l'Autorité a justement déduit que les échanges anticoncurrentiels du 28 septembre 2006 avaient produit un effet d'alignement sur le taux le plus élevé annoncé au cours de cette réunion, à savoir celui de la société Graveleau. Dans la mesure où les requérantes s'accordent généralement sur le fait que les hausses figurant dans les circulaires s'appliquaient sans négociation aux petits clients, il apparaît qu'en tout état de cause, les ventes à ces derniers ont bien été en relation avec l'infraction.

876. S'agissant des clients "grands comptes", non destinataires des circulaires de hausse, et des clients "hors cycle", pour lesquels les négociations intervenaient en dehors de la période habituelle de négociation, entre octobre et mars de l'année suivante, ainsi que des clients "atypiques", les négociations que les opérateurs de messagerie engageaient avec eux ne pouvaient pas être totalement déconnectées des prix pratiqués sur le marché à l'égard de tous les autres clients, le constat d'une hausse généralisée des prix favorisant l'acceptation de hausses, y compris par les clients disposant d'un important contre-pouvoir. Il en va de même des relations avec les clients à conquérir (nouveaux clients et ventes au comptant), un environnement marqué par une hausse des prix étant de nature à leur faire accepter, au début de la relation contractuelle ou à l'occasion de chaque vente au comptant, un prix plus élevé que ce qu'il aurait été sans les pratiques.

877. Dès l'instant où les pratiques, en augmentant la transparence du marché, étaient de nature à entraîner des hausses supérieures à ce qu'elles auraient été sans l'entente, elles ont aussi eu pour effet, réellement ou potentiellement, de favoriser artificiellement les entreprises dans leurs négociations avec leurs plus grands clients, leurs clients atypiques et leurs clients « hors cycle », comme avec leurs nouveaux clients et, par voie de conséquence, de renforcer la possibilité de leur faire accepter des taux de hausse plus élevés.

878. S'agissant des clients liés à un opérateur de messagerie par des contrats pluriannuels, la cour relève, d'une part, qu'un nombre certainement important de ces contrats n'ont pu manquer d'arriver à échéance au cours des six années qu'ont duré les pratiques, de sorte que leur renégociation est intervenue au cours et sous l'influence des pratiques. D'autre part, à supposer même que, pour certains de ces contrats pluriannuels, aucune échéance ne soit intervenue pendant la durée de la participation aux pratiques, il convient de constater que, si la société Deutsche Bahn et ses filiales n'avaient pas informé l'Autorité de l'existence de cette entente, dans le cadre d'une demande de clémence, celle-ci se serait poursuivie, de sorte que l'exclusion desdits contrats ne permettrait pas de tenir compte de l'ampleur des pratiques, et notamment de leur vocation à se prolonger.

879. La même observation peut être faite à l'égard des clients n'ayant fait l'objet d'aucune hausse au cours de la durée de participation de l'entreprise à l'entente. Au surplus, il ne peut être exclu que, sans les pratiques, certains de ces clients, dotés d'un fort pouvoir de négociation, auraient pu obtenir des baisses de tarifs, le contexte de hausse les ayant seulement dissuadés d'exiger une baisse.

880. Enfin, la cour constate, plus généralement, que l'entente – dont la cour rappelle qu'elle s'est prolongée de campagne tarifaire en campagne tarifaire pendant environ six années – a en tout état de cause créé un contexte favorable aux hausses, chaque entreprise étant confiante dans le fait que ses concurrents chercheraient, comme elle, à obtenir les taux de hausses communiqués en réunion du Conseil de Métiers, et a donc été de nature à influer sur leur taux dans la relation des entreprises participantes avec l'ensemble de leurs clients.

881. En conclusion, la facilitation des hausses de prix par les pratiques objet du grief n° 2 s'est nécessairement faite sentir sur l'ensemble des ventes réalisées sur le marché de la messagerie classique et express. À tout le moins les requérantes sont-elles impuissantes à rapporter la preuve contraire.

882. En troisième lieu, le reproche fait par les requérantes à l'Autorité de ne pas avoir écarté de la valeur des ventes, d'une part, les options et frais supplémentaires, d'autre part, la surcharge gazole, y compris lorsqu'ils sont payés au titre de contrats ayant été affectés par l'entente, au motif que leur montant serait déterminé indépendamment des circulaires de hausses tarifaires, n'est pas fondé.

883. Une telle exigence ne trouve, là encore, aucun fondement dans le communiqué sanctions et dans la pratique de l'Autorité.

884. En outre, elle n'aboutirait pas seulement à contraindre celle-ci à vérifier, pour chaque contrat, s'il a été réellement affecté par l'entente ou, à l'inverse, s'il peut être exclu qu'il l'ait été, mais irait au-delà encore, en l'obligeant, pour chaque vente de produit ou service appartenant à une catégorie de produits ou services en relation avec l'infraction, à distinguer ceux des éléments constitutifs du prix global de vente qui ont été affectés, qui seuls pourraient entrer dans la valeur des ventes, de ceux qui ne l'ont pas été, qu'il conviendrait d'écarter. Or, pour les raisons déjà exposées aux paragraphes 865 et 866 du présent arrêt, la nécessité de garantir l'efficacité de l'action de l'Autorité, et notamment de ses services d'instruction, ainsi que la prévisibilité et le caractère dissuasif des sanctions qu'elle prononce, s'opposent à un tel degré d'exigence.

885. En dernier lieu, contrairement à ce que soutiennent les sociétés Alloin Holding, Kuehne+Nagel et Kuehne+Nagel International, le périmètre des ventes retenu pour déterminer le montant de base des sanctions reflète exactement l'ampleur économique de l'infraction.

886. Plus généralement, la prise en compte, comme assiette des sanctions, de la valeur de l'ensemble des ventes de produits et services en relation avec l'infraction, n'est pas contraire au principe de proportionnalité des peines. Il convient en effet de rappeler, d'une part, qu'aux fins de déterminer le montant de base de la sanction, il est appliqué à la valeur des ventes retenue un coefficient fixé en fonction de la gravité des faits et du dommage causé à l'économie ainsi qu'un coefficient traduisant la durée de la participation individuelle de chaque entreprise à l'entente, d'autre part, que le montant de base ainsi obtenu peut encore faire l'objet d'une individualisation en fonction des circonstances aggravantes et atténuantes propres à chaque entreprise, et d'ajustements finaux pour tenir compte de ses éventuelles difficultés.

887. Dès lors, c'est à juste titre, et sans encourir aucun des griefs soulevés par les requérantes, que l'Autorité a retenu, au titre de la valeur des ventes, le chiffre d'affaires lié aux prestations de messagerie et de messagerie express sur le territoire français, déduction faite du chiffre d'affaires réalisé lors de prestations internationales – lesquelles ne sont pas en relation avec l'infraction – ainsi que du chiffre d'affaires réalisé lorsque les entreprises ont agi exclusivement comme sous-traitant d'un autre transporteur et du chiffre d'affaires réalisé lors de prestations intragroupe – afin de ne pas prendre deux fois en compte le même chiffre d'affaires.

888. Les moyens précédemment examinés sont en conséquence rejetés. » (cf. arrêt p. 119 à 127)

ET AUX MOTIFS ADOPTES DE LA DECISION « 1. SUR LA VALEUR DES VENTES

1197. La valeur des ventes de l'ensemble des catégories de produits ou services en relation avec les infractions effectuées par les entreprises en cause, durant leur dernier exercice comptable complet de participation à ces infractions, est retenue comme assiette de leur sanction respective. En effet, comme l'a indiqué l'Autorité dans le communiqué du 16 mai 2011 précité, au paragraphe 23, "Pour donner une traduction chiffrée à son appréciation de la gravité des faits et de l'importance du dommage causé à l'économie, l'Autorité retient, comme montant de base de la sanction pécuniaire, une proportion de la valeur des ventes, réalisées par chaque entreprise ou organisme en cause, de produits ou de services en relation avec l'infraction ou, s'il y a lieu, les infractions en cause . La valeur de ces ventes constitue en effet une référence appropriée et objective pour déterminer le montant de base de la sanction pécuniaire, dans la mesure où elle permet d'en proportionner au cas par cas l'assiette à l'ampleur économique de l'infraction ou des infractions en cause, d'une part, et au poids relatif, sur le(s) secteur(s) ou marché(s) concerné(s), de chaque entreprise ou organisme qui y a participé, d'autre part" (soulignement ajouté).

1198. Certes, le code de commerce, en ne se référant pas au chiffre d'affaires lié au secteur ou au marché en cause, mais uniquement au chiffre d'affaires mondial consolidé ou combiné, n'impose pas à l'Autorité de procéder de la sorte (arrêt de la Cour de cassation du 13 mai 1997, Société française de transports Gondrand frères, n° 95-16378). Pour autant, ce paramètre constitue généralement une référence appropriée et objective permettant de proportionner au cas par cas l'assiette de la sanction à la réalité économique de l'infraction en cause, et plus précisément à son ampleur ainsi qu'au poids relatif sur le secteur concerné de chacune des entreprises qui y a participé (voir, en ce sens, arrêt de la cour d'appel de Paris du 11 octobre 2012, Entreprise H. Chevalier Nord e.a., n° 2011/03298, page 72 ; voir également arrêt de la cour d'appel de Paris du 29 mars 2012, Lacroix Signalisation e.a., n° 2011/01228, pages 37 et 38), comme cela ressort aussi de la jurisprudence constante des juridictions de l'Union (arrêts de la Cour de justice du 7 juin 1983, Musique diffusion française/Commission, 100/80, points 119 à 121, du 3 septembre 2009, Papierfabrik August Koehler e.a./Commission, C-322/07 P, C-327/07 P et C-338/07 P, point 114).

1199. Dans le présent dossier, les pratiques poursuivies concernaient les prestations de messagerie et de messagerie express domestique sur le territoire français. Il y a donc lieu de retenir le chiffre d'affaires lié à ces activités au titre de la valeur des ventes.

1200. En l'espèce, les parties ont soutenu que les pratiques convenues par les participants à l'entente n'avaient pas été appliquées à tous les contrats qu'ils avaient conclus avec leurs clients. Elles ont estimé en particulier qu'il conviendrait de déduire de la valeur des ventes plusieurs catégories de clients ou de prestations.

1201. Toutefois, comme l'a affirmé la Commission européenne dans la décision "Services de déménagements internationaux" (décision de la Commission, du 11 mars 2008, C(2008) 926 final (aff. COMP/38543 – services de déménagements internationaux), considérants 532 et 533), l'emploi de l'expression "de biens ou services en relation avec l'infraction" indique que ce point des lignes directrices ne se réfère pas aux ventes des biens ou services pour lesquels il existe une preuve directe de leur affectation par l'infraction. Elle souligne qu' "une telle interprétation dudit point imposerait d'ailleurs à la Commission, afin de déterminer le montant de base de l'amende dans des affaires de cartel, de prouver à chaque fois quelles ventes individuelles ont été affectées par le cartel, alors que la jurisprudence exclut qu'aux fins de l'application de l'article 81 [CE], les effets concrets d'un accord soient pris en considération, dès lors qu'il apparaît que celui-ci a pour objet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun".

1202. Cette décision a été confirmée par un arrêt du Tribunal de l'Union (aff. T-204/08 et T-212/08, points 60 à 68) qui rappelle qu' "il résulte d'une jurisprudence constante que la part du chiffre d'affaires provenant des marchandises faisant l'objet de l'infraction est de nature à donner une juste indication de l'ampleur d'une infraction sur le marché concerné. En particulier, le chiffre d'affaires réalisé sur les produits ayant fait l'objet d'une pratique restrictive constitue un élément objectif qui donne une juste mesure de la nocivité de cette pratique pour le jeu normal de la concurrence". Cette position est également rappelée dans un arrêt de la Cour de Justice LG Display, point 54. Dans cette affaire, la Cour a précisé que la partie du chiffre d'affaires global provenant de la vente des produits qui font l'objet de l'infraction est la mieux à même de refléter l'importance économique de cette infraction (arrêts précités LG Display, point 55 et Guardian Industries et Guardian Europe/Commission, point 59). Ainsi, la Cour de justice a pu estimer que "la possibilité pour la Commission d'inclure dans la valeur des ventes pertinentes aux fins du calcul du montant de l'amende les ventes de LCD cartellisés faites par les requérantes à LGE et à Philips dépend non pas de la question de savoir si ces ventes se faisaient à des prix influencés par l'entente, mais du simple fait que celles-ci étaient réalisées sur un marché affecté par l'existence d'une entente à laquelle les requérantes participaient" (soulignement ajouté) (arrêt précité, point 56).

1203. En d'autres termes, seule la valeur des ventes de tous les biens ou les services réalisés sur le marché affecté doit être prise en considération afin de déterminer le montant de base de l'amende. En l'espèce, il y a lieu de retenir, pour la valeur des ventes, et comme le prévoit le point 35 du communiqué sanctions, le chiffre d'affaires réalisé par les entreprises en cause dans la commercialisation des services inclus dans le périmètre de la valeur des ventes, en l'espèce le chiffre d'affaires lié aux prestations de messagerie.

1204. Il peut toutefois être déduit de cette valeur des ventes le chiffre d'affaires réalisé lorsque les entreprises agissent exclusivement comme sous-traitant d'un autre transporteur ainsi que le chiffre d'affaires réalisé lors de prestations intragroupe. En effet, ne pas déduire ces deux catégories de prestations reviendrait à prendre en compte deux fois le même chiffre d'affaires des entreprises sous-traitées ou faisant partie d'un même groupe.

1205. Le chiffre d'affaires réalisé lors de prestations internationales peut également être écarté dans la mesure où l'Autorité ne retient que les ventes réalisées en France (point 34 du communiqué sanctions).

1206. Toute autre déduction de la valeur des ventes demandée par les mises en cause, comme le chiffre d'affaires lié aux nouveaux clients, les contrats pluriannuels, le chiffre d'affaires correspondant à des options ou frais supplémentaires, le chiffre d'affaires généré par les clients non destinataires des circulaires, le chiffre d'affaires généré par les petits clients destinataires des circulaires, le chiffre d'affaires généré par les clients n'ayant fait l'objet d'aucune hausse tarifaire pendant l'année, le chiffre d'affaires généré par les clients subissant des hausses plus élevées en raison de la faible rentabilité des contrats, le chiffre d'affaires généré pas les ventes réalisées au comptant, les "commissions" perçues par les transporteurs, le chiffre d'affaires propre à l'affrètement, le chiffre d'affaires généré par les "réseaux dédiés "ne peut être acceptée. […]

1°/ ALORS QUE, selon son communiqué sanctions du 16 mai 2011, pour donner une traduction chiffrée à l'appréciation de la gravité des faits et de l'importance du dommage causé à l'économie, l'Autorité de la concurrence retient comme montant de base de la sanction une proportion de la valeur des ventes, réalisées par chaque entreprise, de produits ou de services en relation avec l'infraction, cette catégorie de produits ou de services étant déterminée par la qualification de l'infraction au regard de son objet ou de son effet anticoncurrentiel ; que les ventes de produits et services qui n'ont pas été affectées par l'infraction n'étant pas en relation avec celle-ci ne doivent donc pas être prises en compte dans le calcul de la valeur des ventes servant d'assiette à la sanction ; qu'en retenant au contraire qu'il importait peu que telle ou telle catégorie de contrats ou de prestations ait ou non été affectée par l'entente, un tel critère étant inopérant, la cour d'appel a violé l'article L. 464-2 du Code de commerce et le communiqué de l'Autorité du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires ;

2°/ ALORS QUE pour la détermination de la valeur des ventes, qui est destinée à donner une traduction chiffrée à l'appréciation de la gravité des faits et de l'importance du dommage à l'économie, ne doivent être prises en compte que les ventes en relation avec l'infraction ; qu'en retenant que la détermination de la valeur des ventes de produits ou services, en relation avec l'infraction, servant d'assiette à la sanction, n'avait pas à prendre en compte le critère de l'affectation des ventes par l'infraction, dès lors qu'un tel critère limiterait l'efficacité de la sanction, en obligeant les services d'enquête de l'Autorité à consacrer un temps important à de telles vérifications, ou encore son effet dissuasif et sa prévisibilité, considérations étrangères à l'appréciation de la relation des ventes avec l'infraction, de la gravité des faits ou de l'importance du dommage à l'économie, la cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à justifier sa décision, a violé l'article L. 464-2 du Code de commerce et le communiqué de l'Autorité du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires.

3°/ ALORS EN OUTRE QU'il est reproché aux entreprises d'avoir participé à une entente sur le marché français de la messagerie et de la messagerie express, qui visait à la mise en place d'une concertation sur les hausses tarifaires annuelles ; qu'en retenant que l'ensemble des prestations réalisées sur ce marché était en relation avec ce grief et que le chiffre d'affaires réalisé par chaque entreprise participante sur ce marché devait être retenu pour servir de base au montant de la sanction sans distinction selon les clients et/ou les contrats aux motifs que les hausses tarifaires envisagées et échangées par les entreprises de messagerie concernaient un aspect de la politique tarifaire générale qu'entendaient suivre les entreprises sans distinction selon la nature des services ou selon les caractéristiques des clients et ne concernaient ainsi aucun type de contrat particulier ni aucune prestation de messagerie particulière mais l'ensemble du marché domestique de la messagerie classique et express quand le marché concerné par l'entente devait être délimité par référence à la catégorie de clients et/ou aux prestations concernées par les hausses tarifaires annuelles, objet de la concertation incriminée, la cour d'appel a encore violé l'article L. 464-2 du code de commerce et le communiqué de l'Autorité du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires ;

4°/ ALORS QU'en retenant que la facilitation des hausses de prix par les pratiques objet du grief n° 2 s'est nécessairement fait sentir sur l'ensemble des ventes réalisées sur le marché de la messagerie classique et express et qu'à tout le moins, les requérantes sont impuissantes à rapporter la preuve contraire aux motifs hypothétiques, s'agissant des clients liés à un opérateur de messagerie par des contrats pluriannuels, d'une part qu'un nombre certainement important de ces contrats n'a pas pu manquer d'arriver à échéance au cours des six années qu'ont duré les pratiques, de sorte que leur renégociation est intervenue au cours et sous l'influence des pratiques et d'autre part, qu'à supposer même que, pour certains de ces contrats pluriannuels, aucune échéance ne soit intervenue pendant la durée de la participation aux pratiques, celles-ci se seraient poursuivies et avaient vocation à se prolonger si la société Deutsche Bahn et ses filiales ne les avaient pas dénoncées à l'Autorité, sans répondre aux conclusions de la société BMVirolle - dont la participation aux pratiques n'a été constatée qu'au cours seulement de deux périodes courant du 28 septembre 2006 au 1er mars 2007 et du 18 septembre 2008 au 1er mars 2010 (cf. décision p. 207 et 208) et a ainsi cessé avant que les pratiques prennent fin le 29 septembre 2010 à la suite de leur dénonciation à l'Autorité – qui, justifiant avoir produit différents contrats pluriannuels, conclus avec ses clients Grands Comptes représentant la part la plus importante de sa clientèle, faisait valoir que ceux-ci encadraient les révisions tarifaires en prévoyant l'indexation des hausses sur l'indice CNR, ce qui excluait que ces contrats soient concernés par les hausses tarifaires annuelles (cf. mémoire récapitulatif en réplique § 112 à 118), la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

5°/ ALORS QU'en retenant que la circonstance que leur montant soit déterminé indépendamment des circulaires de hausses tarifaires ne justifierait pas d'écarter de la valeur des ventes, les options et frais supplémentaires aux motifs qu'une telle exigence ne trouverait pas de fondement dans le communiqué sanctions et dans la pratique de l'Autorité et qu'elle obligerait l'Autorité « pour chaque vente de produit ou service appartenant à une catégorie de produits ou services en relation avec l'infraction, à distinguer ceux des éléments constitutifs du prix global de vente qui ont été affectés (…) de ceux qui ne l'ont pas été », si bien que la nécessité de garantir l'efficacité de l'action de l'Autorité, et notamment de ses services d'instruction, ainsi que la prévisibilité et le caractère dissuasif des sanctions s'opposerait à une telle exigence, quand les options et frais supplémentaires n'étant pas concernés par les hausses tarifaires annuelles objet de la pratique concertée incriminée, constituaient des ventes de produits ou services sans relation avec l'infraction, qui ne pouvaient donc pas être prises en compte dans la valeur des ventes dont la détermination a pour objet une traduction chiffrée de l'appréciation de la gravité des faits et du dommage à l'économie, la cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à justifier sa décision, a violé l'article L. 464-2 du code de commerce et le communiqué de l'Autorité du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir infligé à la société BMVirolle au titre des pratiques visées à l'article 2 de la décision n° 15-D-19 de l'Autorité de la concurrence, une sanction de 4.938.000 euros.

AUX MOTIFS QUE « Concernant la société BMVirolle

1154. La société BMVirolle fait valoir, d'abord, que l'Autorité n'a retenu à son encontre aucune participation à des échanges bilatéraux ou multilatéraux en dehors des réunions du Conseil de Métiers, à l'exception d'un unique envoi à la société Graveleau, le 8 novembre 2006, d'une circulaire de hausse tarifaire émanant de la société Mory, envoi qui est la seule justification du refus de lui accorder l'abattement de 10 % sur le montant de base de la sanction.

1155. À cet égard, la requérante soutient que l'envoi de la circulaire de la société Mory, non seulement est intervenu à une date à laquelle celle-ci était déjà diffusée depuis plus d'un mois et était donc accessible à la société Graveleau en tant qu'information publique, mais s'inscrivait, en outre, dans le cadre d'un partenariat de sous-traitance entre transporteurs.

1156. L'activité de sous-traitance ayant été extraite par l'Autorité de la valeur des ventes visées par la présente procédure, la société BMVirolle dénonce la contradiction qu'il y a, selon elle, à fonder le refus de lui octroyer une réduction d'amende à raison d'un comportement s'inscrivant dans le cadre de cette même activité.

1157. Ensuite, la requérante reproche à l'Autorité de ne pas avoir tenu compte, dans le calcul des sanctions, de la durée de participation à l'entente, de l'assiduité plus ou moins grande aux réunions du Conseil de Métiers ainsi que la mise en oeuvre plus ou moins complète des mesures convenues. Elle soutient qu'elle-même n'a participé que de manière épisodique aux réunions du Conseil de Métiers, et de façon passive.

1158. Enfin, elle soutient que constitue également une circonstance atténuante le fait que, à l'exception de la campagne 2009-2010, elle a toujours diffusé ses circulaires de hausse tarifaire avant les réunions du Conseil de Métiers. Selon elle, en effet, il en est résulté l'absence de conséquence de sa participation à l'entente sur son comportement sur le marché.

1159. Dès lors, elle invite la cour à corriger l'absence d'égalité de traitement dont elle a été victime, à tout le moins pour les campagnes 2008-2009 et 2009-2010, en lui appliquant également l'abattement de 10 % sur le montant d'amende qui lui serait, le cas échéant, infligé.

1160. Le ministre chargé de l'Économie considère que la circonstance que la société BMVirolle a envoyé à la société Mory une circulaire de hausse tarifaire reçue de la société Graveleau, justifie que l'Autorité ne lui ait pas accordé l'abattement de 10 %. Il ajoute qu'en ayant examiné la participation de la société BMVirolle aux échanges bilatéraux ou multilatéraux en dehors des réunions du Conseil de Métiers, l'Autorité a suffisamment tenu compte de sa situation individuelle au regard de l'intensité de sa participation au grief n° 2.

1161. En premier lieu, la société BMVirolle ne conteste pas avoir transmis à la société Graveleau, le 8 novembre 2006, une circulaire de hausse tarifaire qu'elle avait reçue de la société Mory (décision attaquée, § 411 et 893 à 897).

1162. Or, d'une part, la cour a jugé, aux paragraphes 512 à 519 du présent arrêt, qu'il ne s'agissait pas d'un document à ce point public que cette transmission était dépourvue de tout caractère anticoncurrentiel et qu'un tel envoi ne trouvait pas sa justification dans l'existence éventuelle d'une relation de sous-traitance entre les sociétés BMVirolle et Graveleau, mais s'expliquait par le souhait de la première de renforcer la transparence générale du marché en partageant les informations tarifaires dont elle disposait.

1163. D'autre part, ainsi que l'a cour l'a déjà souligné au paragraphe 516 du présent arrêt, si l'Autorité a exclu de la valeur des ventes le chiffre d'affaires réalisé lorsque les entreprises agissent exclusivement comme sous-traitant d'un autre transporteur, ce n'est qu'afin d'éviter que soit pris deux fois en compte le même chiffre d'affaires, au niveau de l'entreprise mandante et au niveau de l'entreprise sous-traitante (décision attaquée, § 1204), de sorte qu'elle a pu, sans contradiction, retenir l'envoi de la circulaire Mory comme un élément de la participation de la société BMVirolle aux pratiques.

1164. La transmission de la circulaire Mory constitue donc bien un échange bilatéral en marge des réunions du Conseil de Métiers.

1165. En outre, contrairement à ce que soutient la société BMVirolle, sa participation à de tels échanges s'est également concrétisée par la réception par la société BMVirolle de la circulaire de hausse tarifaire que lui a adressée la société Transports Alloin le 2 novembre 2006 (décision attaquée, § 408 et 892). En n'adoptant pas une position claire de nature à persuader ses concurrents qu'elle refusait de faire partie de l'entente et à les dissuader de lui adresser leurs circulaires et, de ce fait, en acceptant, fût-ce implicitement, de recevoir la circulaire de la société Transports Alloin, laquelle lui fournissait des informations utiles dans ses relations avec sa propre clientèle, la société BMVirolle a bien eu un second échange bilatéral à visée anticoncurrentielle.

1166. Dès lors que la société BMVirolle a participé, à deux reprises, à des échanges bilatéraux anticoncurrentiels en dehors des réunions du Conseil de Métiers, c'est à juste titre que l'Autorité lui a refusé le bénéfice de l'abattement de 10 %.

1167. En second lieu, il ressort du tableau n° 20 figurant au paragraphe 512 de la décision attaquée, que la société BMVirolle a participé à cinq des six réunions du Conseil de Métiers s'étant déroulées entre le 29 septembre 2006 et le 1er mars 2007 puis entre le 18 septembre 2008 et le 1er mars 2010, périodes aux cours desquelles elle a participé aux pratiques (décision attaquée, § 1299, tableau 25).

1168. Une telle assiduité exclut de qualifier d' « épisodique » sa participation pendant ces deux périodes, alors que les réunions du Conseil de Métiers, au cours desquelles les entreprises participantes s'échangeaient des informations commerciales sur les hausses de prix, ont constitué le coeur des pratiques. Par ailleurs, à le supposer démontré, le fait qu'elle n'ait pas été active lors des discussions ayant lieu pendant ces réunions ne justifie pas une réduction de sa sanction, alors qu'elle a contribué, par sa seule présence, à un renforcement de l'entente.

1169. La cour ajoute que, s'agissant de la durée de la participation de la société BMVirolle aux pratiques – de 1 an et 10 mois –, objectivement plus courte que celle de nombreuses autres entreprises, celle-ci est déjà prise en compte au travers du coefficient de durée – de 1,41 – qui lui a été appliqué (décision attaquée, § 1300, tableau 26).

1170. En dernier lieu, pour les raisons exposées au paragraphe 1125 du présent arrêt, le fait d'avoir arrêté avant les réunions du Conseil de Métiers le taux de hausse annoncé lors de ces réunions, ne peut être retenu à titre de circonstance atténuante.

1171. La cour ajoute, surabondamment, que, ainsi que la société BMVirolle le reconnaît elle-même, elle a, lors de la campagne 2009-2010, diffusé sa circulaire de hausse tarifaire après la réunion du Conseil de Métiers à laquelle elle a participé.

1172. Au surplus, s'agissant des campagnes 2006-2007 et 2008-2009, la requérante ne saurait soutenir que les informations qu'elle a reçues de ses concurrents lors des réunions du Conseil de Métiers des 28 septembre 2006 et 18 septembre 2008, n'ont pas eu de conséquences sur son comportement sur le marché. En effet, la société BMVirolle, qui, lors de ces deux campagnes, avait diffusé sa circulaire de hausse les 17 septembre 2006 et 12 septembre 2008 (cotes 60930 et 60939), soit respectivement onze et six jours avant les réunions du Conseil de Métiers des 28 septembre 2006 et 18 septembre 2008, et qui ne conteste pas que la période de négociation avec ses clients s'achevait en mars de l'année suivante, a bénéficié, alors qu'elle entamait à peine les négociations avec sa clientèle, d'informations sur les projets de hausses tarifaires de ses concurrents, lesquelles ont renforcé sa position face à ses clients, puisqu'elle était en mesure d'apprécier le risque qu'ils l'abandonnent pour la concurrence.

1173. Il résulte de l'analyse qui précède, que le calendrier des hausses tarifaires suivi par la société BMVirolle ne présente pas une spécificité telle qu'il ait pu avoir un effet sur les pratiques.

1174. La demande de la requérante de bénéficier d'un abattement supplémentaire est rejetée.

AUX MOTIFS ENCORE QUE « – Sur le caractère public des hausses

508. La société BMVirolle rappelle d'abord qu'elle entretient des relations de sous-traitance avec certains de ses concurrents, lesquels, en conséquence, se trouvent inclus dans son fichier clients. Elle fait valoir ensuite qu'elle avait communiqué ses hausses tarifaires à ses clients avant les réunions litigieuses du Conseil de Métiers et en conclut que les informations échangées au cours de ces réunions étaient déjà publiques, de sorte que leur connaissance par une autre entreprise relevait d'une simple « veille concurrentielle » et qu'en conséquence les échanges ultérieurs n'avaient aucun caractère anticoncurrentiel. Elle invoque, à l'appui de cette argumentation, les Lignes directrices de la Commission européenne sur l'applicabilité de l'article 101 TFUE aux accords de coopération horizontale, la jurisprudence européenne (TUE, arrêts Tate & Lyle e.a./Commission, précité, et du 30 septembre 2003, Atlantic Container Line e.a./Commission, T-191/98, T-212/98 à T-214/98) et la pratique décisionnelle du Conseil de la concurrence (décision n° 07-D-16 du 9 mai 2007 relative à des pratiques sur les marchés de la collecte et de la commercialisation des céréales), qui auraient consacré le principe selon lequel les échanges d'informations appartenant au domaine public n'ont aucun objet anticoncurrentiel.

509. La communication par une entreprise d'informations tarifaires déjà publiques à ses concurrents ne constitue pas, par définition, une infraction aux règles de concurrence ; mais, ainsi que la jurisprudence l'a régulièrement rappelé, et en particulier le Tribunal de l'Union dans son arrêt Tate & Lyle e.a./Commission, précité, le caractère public des informations en cause doit s'apprécier eu égard à la difficulté et au coût de leur acquisition, de sorte que le caractère anticoncurrentiel de l'échange de telles informations procède de « l'augmentation artificielle de la transparence du marché » qui est susceptible d'en résulter.

510. Au cas d'espèce, la connaissance par les entreprises mises en cause des circulaires de hausse de leurs concurrents, obtenues au moyen d'une veille concurrentielle, dépendait par définition de la bonne volonté des clients qui en étaient les destinataires directs et de l'idée qu'ils se faisaient de leurs intérêts dans la négociation, puisqu'ils pouvaient être tentés de ne faire connaître à leurs partenaires que les circulaires comportant des taux de hausse qui leur étaient favorables. Cette connaissance avait donc nécessairement un caractère aléatoire que, précisément, les échanges d'information ont fait disparaître, de sorte que la transparence du marché s'en est trouvée artificiellement augmentée. De surcroît, en portant elle-même à la connaissance de ses concurrents le contenu des circulaires adressées aux clients, l'entreprise leur fournissait une information précieuse sur sa détermination à obtenir les hausses tarifaires projetées. Il est sans effet sur ce point que certains concurrents aient été ses clients dans le cadre de la sous-traitance, dès lors que tous ces concurrents n'étaient pas ses clients.

511. Le moyen est en conséquence rejeté.

– Sur la transmission à la société Graveleau de la circulaire tarifaire de la société Mory

512. Parmi les éléments factuels démontrant, selon elle, que les entreprises mises en cause avaient échangé des informations tarifaires relatives à la campagne 2006-2007, l'Autorité a relevé que le dirigeant de la société BMVirolle avait, le 8 novembre 2006, adressé au président de la société Graveleau une copie de la circulaire de hausse de la société Mory qu'il venait de recevoir (décision attaquée, § 411 et 893 à 897).

513. La société BMVirolle conteste le caractère probant de cette transmission en faisant valoir, en premier lieu, que la circulaire de la société Mory avait été précédemment diffusée le 5 octobre 2006 et que, par conséquent, elle avait depuis cette date un caractère public.

514. Mais la simple antériorité de la diffusion de sa circulaire tarifaire par la société Mory à ses clients ne suffit pas, à elle seule, à établir que cette circulaire était à ce point publique que sa transmission ultérieure par la société BMVirolle à la société Graveleau était dépourvue de tout caractère anticoncurrentiel. Il ressort, en effet, du dossier que cette transmission a artificiellement augmenté la transparence du marché, dans la mesure où tous les concurrents n'étaient pas, à cette date, déjà informés de cette circulaire. C'est ainsi que la société Graveleau, l'ayant reçue de la société BMVirolle, l'a faite suivre par courrier électronique à plusieurs de ses cadres dans les termes suivants : « Je vous invite à prendre connaissance de la circulaire adressée par Monsieur G..., PDG de MORY TEAM. Elle conforte la position que nous avons prise concernant nos revalorisations et l'accent que nous avons mis sur les frets Nord / Sud. S'agissant des lots et charges complètes, la position de Monsieur G... me paraît très pragmatique. Je considère que nous devrons nous en inspirer concernant la majoration pendant la période juin à septembre (...) » (décision attaquée, § 895). Les termes mêmes de ce courrier électronique démontrent que pas plus son auteur que ses destinataires n'avaient déjà connaissance de la circulaire de la société Mory, dont, par ailleurs, il n'est nullement établi qu'ils auraient pu se la procurer autrement.

515. En deuxième lieu, la société BMVirolle souligne que cette circulaire lui avait été communiquée par la société Mory dans le cadre du partenariat qu'elle entretenait avec celle-ci, dont elle était sous-traitante. Elle ajoute qu'elle était également sous-traitante de la société Graveleau, et qu'en conséquence, la transmission de cette circulaire ne peut être retenue contre elle à titre d'élément à charge, comme l'a fait l'Autorité, alors que celle-ci a elle-même exclu les relations de sous-traitance des pratiques reprochées.

516. Mais la cour observe, d'une part, que l'Autorité a retenu, à titre d'éléments de preuve établissant la réalité des échanges d'informations reprochés à la société BMVirolle, non pas que celle-ci avait reçu la circulaire de hausse tarifaire de la société Mory, mais qu'elle l'avait ensuite communiquée à la société Graveleau. D'autre part, si les relations de sous-traitance entre les sociétés BMVirolle et Graveleau ne sont pas discutées, la requérante se méprend sur les conséquences que l'Autorité en a tirées : celle-ci, ainsi qu'elle l'indique dans ses observations (§ 186), n'a exclu les prestations réalisées dans le cadre d'une sous-traitance que pour le calcul de la valeur des ventes, afin d'éviter d'intégrer dans cette valeur deux fois le même chiffre d'affaires. L'exclusion des relations de sous-traitance n'a donc été opérée que pour la détermination du montant de la sanction, mais pas au stade de la caractérisation des pratiques.

517. En troisième lieu, la société BMVirolle soutient qu'en tout état de cause, cette communication avait pour cadre une relation verticale, étrangère, par conséquent, à l'entente horizontale qui est l'objet du grief n° 2.

518. Mais cette assertion est démentie par l'usage même que la société Graveleau a fait de la circulaire que lui avait transmise la société BMVirolle. Cette circulaire a en effet été ensuite communiquée à plusieurs de ses cadres, par un courrier électronique dont les termes ont été rappelés plus haut et qui démontrent qu'elle a tiré profit de la connaissance qu'elle avait de la politique tarifaire de ses concurrents.

519. Au demeurant, la communication par la société BMVirolle de la circulaire de la société Mory s'inscrit dans une série de nombreux échanges des circulaires de revalorisation tarifaire auxquels plusieurs entreprises mises en cause ont procédé en octobre et novembre 2006 (décision attaquée, § 405 à 412). Ces échanges ont permis aux entreprises destinataires de prendre connaissance des hausses tarifaires proposées par leurs concurrents alors que les négociations avec leurs propres clients étaient en cours.

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE

« 408. Le 2 novembre 2006, la société Alloin a transmis sa circulaire d'augmentation tarifaire aux sociétés Heppner, BMVirolle, Darfeuille, Geodis, Schenker-Joyau, Mory, Peronnet et Graveleau (cotes nos 60 et 74 de la saisine n° 10/0091AC). Cette circulaire d'augmentation prévoyait une hausse de 6,3 % au 1er novembre 2006 (cote n° 75 de la saisine n° 10/0091AC). Dans ce courrier électronique, Alloin demandait à ce que les entreprises destinataires lui transmettent également en réponse leur propre circulaire de hausse tarifaire.
[…]
411. Le 8 novembre 2006, le dirigeant de la société BMV a transmis au président de Graveleau une copie de la circulaire de hausse de Mory, qu'il venait lui-même de recevoir par fax (cotes nos 55115 à 55119). Les différentes entreprises du secteur pouvaient donc partager les résultats de leur propre veille concurrentielle.
[…]

Sur la participation de BMVirolle

891. Il est fait grief à la société BMV d'avoir participé à la pratique concertée visée par le grief n° 2 pour les campagnes 2006-2007, 2008-2009 et 2009-2010.

892. S'agissant de la campagne 2006-2007, la société BMV soutient n'avoir jamais communiqué la moindre information relative à ses propres hausses tarifaires. BMV note qu'aucune information la concernant n'est visible dans les notes manuscrites saisies au sein de la société TNT (cote n° 1431). S'agissant des échanges de circulaires par courriers électroniques (paragraphe 408), elle poursuit en indiquant qu'elle n'a fait que recevoir une circulaire d'augmentation tarifaire de la part d'Alloin le 2 novembre 2006.

893. S'agissant de l'envoi, le 8 novembre 2006, par M. [A] 3..., dirigeant de la société BMVirolle, d'une copie de la circulaire de hausse de Mory, qu'il venait lui-même de recevoir par fax, à M. [R] X..., président de Graveleau (paragraphe 411), BMV indique que cette circulaire avait été obtenue au travers d'un partenariat existant à l'époque pour le département des Pyrénées-Atlantiques (64) entre elle et Mory. Elle fait ensuite remarquer qu'au moment de cet envoi la circulaire Mory avait déjà été diffusée depuis plus d'un mois.

894. Mais l'envoi par BMV d'informations concernant Mory au président de la société Graveleau traduit, non pas une distanciation, mais une adhésion au principe de concertations entre entreprises du secteur de la messagerie et de l'express. En effet, BMV ne fournit dans ses écritures aucun élément permettant de comprendre les raisons de la transmission de la circulaire de Mory à Graveleau. Même si, à cette époque, BMV et Graveleau entretenaient des relations de sous-traitance, une telle transmission ne pouvait avoir aucun intérêt opérationnel ou organisationnel, dès lors qu'il s'agissait d'une information concernant une entreprise tierce. Cet envoi confirme en revanche le souhait des entreprises impliquées de renforcer la transparence générale du marché en partageant les informations tarifaires dont elles disposaient.

895. Il convient en outre de noter que la transmission de la circulaire de la société Mory par BMV à Graveleau a eu un impact direct, puisqu'elle a été l'occasion pour M. [U] T..., alors directeur des transports terrestres de Graveleau, d'indiquer à plusieurs cadres de l'entreprise :
« Je vous invite à prendre connaissance de la circulaire adressée par Monsieur G..., PDG de MORY TEAM. Elle conforte la position que nous avons prise concernant nos revalorisations et l'accent que nous avons mis sur les frets Nord / Sud.
S'agissant des lots et charges complètes, la position de Monsieur G... me paraît très pragmatique.
Je considère que nous devrons nous en inspirer concernant la majoration pendant la période juin à septembre, période au cours de laquelle nous avons enregistré une baisse sensible de notre taux de CA net, les revalorisations auprès de nos clients n'ayant pu être effectuées dans les mêmes proportions que l'augmentation de la sous-traitance » (cote n° 846).

896. Ainsi, au moment même où les négociations avec la clientèle se déroulaient, ce message conforte la position de l'entreprise sur les revalorisations tarifaires et invite les destinataires à s'inspirer du mécanisme mis en place par Mory pour certains types de clients.

897. Quant au fait que la circulaire avait déjà été diffusée, il est renvoyé sur ce point aux paragraphes 730 et suivants de la présente décision.

898. Pour l'ensemble de ces raisons, la participation de BMV à la campagne 2006-2007 doit être regardée comme établie.

899. Concernant la campagne 2008-2009, BMV prétend n'avoir fourni aucune donnée chiffrée lors de la réunion du 15 janvier 2009 du Conseil de Métiers. Elle considère que les propos rapportés dans les notes saisies au sein d'Heppner (cotes nos 998 à 1002) étaient très généraux et ne concernaient que l'état général du marché.

900. Toutefois, les propos reproduits dans les observations de BMV concernaient sa propre situation individuelle. Il s'agissait en effet d'observations sur les résultats de décembre, les plans d'économie de l'entreprise, ou encore l'évolution de l'autonomie des agences. Ainsi, lorsque BMV indiquait « campagne de hausse très difficile », il s'agissait bien de sa propre campagne de négociation.

901. Par ailleurs, les notes manuscrites précitées comportent plusieurs mentions relatives au résultat des négociations tarifaires des entreprises présentes. BMV a donc bien participé à une réunion durant laquelle plusieurs concurrents ont fourni des informations individuelles sur leurs campagnes de hausse et ne s'est pas distanciée des propos échangés à cette occasion. L'argument de BMV sera donc rejeté.

902. Par conséquent, les arguments invoquant l'absence de participation de BMV à la campagne 2008-2009 doivent être écartés.

903. S'agissant de la campagne 2009-2010, BMV soutient qu'elle n'aurait pas pu divulguer la moindre information relative à ses hausses tarifaires futures lors de la réunion du 17 septembre 2009, puisque ce n'est que le 1er décembre 2009 qu'elle a informé ses équipes des taux à appliquer au 1er janvier 2010.

904. Cependant, dès lors que BMV n'avait pas encore déterminé son propre taux de hausse le 17 septembre 2009, elle a pu tenir compte des informations obtenues de ses concurrents pour établir ce taux de manière à rester dans une fourchette cohérente avec le reste du marché. Elle a également pu utiliser ces informations pour conforter sa position lors des négociations et résister aux pressions de la clientèle.

905. La participation de BMV à la campagne 2009-2010 doit donc être regardée comme établie.

906. BMV a participé à la pratique concertée du grief n° 2 entre le 28 septembre 2006 et le mois de mars 2007. Elle a ensuite repris, de manière identique, sa participation à la même pratique du 18 septembre 2008 au mois de mars 2010.

1°/ ALORS QU'en retenant, pour refuser de faire bénéficier la société BMVirolle de l'abattement de 10 % sur le montant de base de la sanction accordé aux entreprises par l'Autorité lorsqu'elles « n'ont participé à aucun des contacts bilatéraux ou multilatéraux en dehors des réunions du Conseil de métiers de TLF », que la transmission par la société BMVirolle de la circulaire Mory à la société Graveleau constitue un échange bilatéral en marge des réunions du Conseil de Métiers, quand, ainsi que le faisait valoir la société BMVirolle, cette circulaire était diffusée depuis plus d'un mois et accessible en conséquence à la société Graveleau en tant qu'information publique et s'inscrivait en outre dans le cadre d'un partenariat de sous-traitance existant aussi bien avec la société Mory qu'avec la société Graveleau et donc dans le cadre d'une relation verticale étrangère aux pratiques d'entente horizontale incriminées, la cour d'appel a violé l'article L. 464-2, I du code de commerce, ensemble les principes d'individualisation et de proportionnalité des sanctions ainsi que d'égalité de traitement ;

2°/ ALORS QU'en retenant que la participation de la société BMVirolle à des échanges bilatéraux, se serait également concrétisée par la réception par elle de la circulaire de hausse tarifaire que lui a adressée la société Transports Alloin le 2 novembre 2006, quand ce simple envoi, dont la société BMVirolle n'était pas responsable, n'était pas de nature à caractériser une participation de sa part à l'entente incriminée par des échanges bilatéraux et que ni l'Autorité ni elle-même, n'ont, lorsqu'ils ont examiné la participation de la société BMVirolle aux pratiques incriminées, retenu que cet élément caractériserait sa participation auxdites pratiques, la cour d'appel, qui a statué par un motif inopérant, a violé l'article L. 464-2, I du code de commerce, ensemble les principes d'individualisation et de proportionnalité des sanctions ainsi que d'égalité de traitement. Moyens produits au pourvoi n° Y 18-21.805 par SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour les sociétés Deutsche Bahn AG et Schenker France.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté les moyens d'annulation et de réformation de la décision soumis par les sociétés Deutsche Bahn et Schenker France et d'avoir, en conséquence, confirmé la décision en ce qu'elle a infligé solidairement à ces deux sociétés, au titre du grief n° 2, une amende d'un montant de trois millions d'euros,

AUX MOTIFS QUE par deux avis de clémence des 3 février 2009 et 13 juillet 2010, l'Autorité a accordé à la société Deutsche Bahn et à ses filiales le bénéfice de la clémence ; qu'en participant à la réunion du Conseil de Métiers du 16 septembre 2010, au cours de laquelle des informations sensibles avaient été échangées entre concurrents, la société Schenker, anciennement Schenker-Joyau, n'avait pas pleinement respecté son obligation de coopération telle qu'imposée par les avis de clémence, l'Autorité a refusé à cette société et à sa société mère Deutsche Bahn le bénéfice de l'exonération totale de sanction au titre du grief n° 2 et a mis à leur charge une sanction de 3 millions d'euros, (décision attaquée, § 1322 à 1339) ; (…) ;
qu'en premier lieu, l'article L. 464–2 IV du code de commerce dispose :
« Une exonération totale ou partielle des sanctions pécuniaires peut être accordée à une entreprise ou un organisme qui a, avec d'autres, mis en oeuvre une pratique prohibée par les dispositions de l'article L. 420–1 s'il a contribué à établir la réalité de la pratique prohibée et à identifier ses auteurs, en apportant des éléments d'information dont l'Autorité ou l'administration ne disposait pas antérieurement. À la suite de la démarche de l'entreprise ou de l'organisme, l'Autorité de la concurrence, à la demande du rapporteur général ou du ministre chargé de l'économie, adopte à cette fin un avis de clémence, qui précise les conditions auxquelles est subordonnée l'exonération envisagée, après que le commissaire du Gouvernement et l'entreprise ou l'organisme concerné ont présenté leurs observations ; cet avis est transmis à l'entreprise ou organisme et au ministre et n'est pas publié. Lors de la décision prise en application du I du présent article, l'Autorité peut, après avoir entendu le commissaire du Gouvernement et l'entreprise ou l'organisme concerné sans établissement préalable d'un rapport, et si les conditions précisées dans l'avis de clémence ont été respectées, accorder une exonération de sanction pécuniaire proportionnée à la contribution apportée à l'établissement de l'infraction. » ;
qu'aux termes de cette disposition, l'exonération totale de sanction est subordonnée au respect, par le demandeur de clémence de premier rang, des conditions énoncées dans l'avis de clémence ; qu'il est constant que le bénéfice conditionnel de la clémence, accordé le 13 juillet 2010 à la société Deutsche Bahn et ses filiales, dont la société Schenker-Joyau, était subordonné à quatre conditions, dont la première consistait dans l'engagement de ces sociétés à apporter à l'Autorité une coopération totale, permanente et rapide tout au long de la procédure d'enquête et d'instruction et lui fournir tout élément de preuve qui viendrait en leur possession ou dont elles disposent sur les infractions suspectées ; qu'il est établi que la société Schenker-Joyau a assisté à la réunion du Conseil des Métiers du 16 septembre 2010, y étant représentée par M. [Y], son président, et que des échanges anticoncurrentiels ont eu lieu au cours de cette réunion ; que, s'il ne saurait leur être reproché d'avoir continué de participer aux réunions du Conseil des Métiers, puisque l'avis de clémence ne le leur interdisait pas, en revanche c'est à juste titre que l'Autorité a considéré que les requérantes avaient manqué à la première condition rappelée ci-dessus, en ne l'informant pas de la participation de la société Schenker-Joyau à la réunion du 16 septembre 2010 et de la teneur des échanges potentiellement prohibés qui s'y sont déroulés ; que, c'est en vain que les requérantes soutiennent, d'une part, que la preuve de la présence de Monsieur [Y] au moment des échanges anticoncurrentiels n'est pas rapportée, d'autre part que son absence peut être déduite de ce que la note manuscrite prise lors de cette réunion par la société Heppner ne comporte aucune indication quant aux hausses tarifaires projetées par la société Schenker-Joyau ; qu'en effet, dès lors que les services d'instruction ont établi la participation de la société Schenker-Joyau à cette réunion, c'est aux requérantes de démontrer que M. [Y] aurait été absent de la salle de réunion dès avant et pendant toute la durée des échanges litigieux, ce qu'elles ne font pas ; que, par ailleurs, s'il est possible de déduire de l'absence, dans la note manuscrite prise au cours de la réunion par la société Heppner, de toute information sur les hausses tarifaires projetées par la société Schenker-Joyau la preuve que de telles informations n'ont pas été communiquées par cette dernière, elle ne démontre en rien que M. [Y] n'était pas présent à ce moment précis de la réunion ; que la cour relève, à cet égard, que ladite note manuscrite ne comporte pas non plus d'information sur les hausses tarifaires projetées par la société Transport Henri Ducros, bien que cette dernière n'ait contesté ni sa participation à la réunion du 16 septembre 2010 ni sa présence au moment des échanges litigieux ; que l'Autorité n'a donc pas violé le principe de la présomption d'innocence ; que, quant au fait que M. [Y] aurait pu ne pas comprendre le caractère anticoncurrentiel des échanges d'informations sur les hausses tarifaires, cette hypothèse est manifestement erronée, eu égard à la teneur des informations échangées, sans même qu'il soit besoin de rappeler que la société Deutsche Bahn et ses filiales avaient dénoncé l'existence d'échanges identiques dans le cadre de leurs demandes de clémence ; qu'enfin, ainsi que le fait justement valoir l'autorité, il est indifférent que le manquement des requérantes aux engagements qu'elles avaient pris aux fins de l'octroi du bénéfice conditionnel de la clémence procède, ainsi qu'il est vraisemblable, davantage d'une négligence que d'une volonté de se soustraire auxdits engagements ; qu'à cet égard, la cour rappelle que le bénéfice de la clémence, en particulier pour le demandeur de clémence de premier rang, confère à son bénéficiaire l'avantage exorbitant d'échapper aux lourdes sanctions qu'il encourt et fait donc peser sur lui une obligation de vigilance particulièrement forte ; que, dans ce contexte, toute négligence de l'intéressé apparaît fautive ; qu'il est, de même, indifférent que le manquement des requérantes aux engagements pris dans le cadre de la demande de clémence n'ait pas affecté significativement l'enquête ; qu'ainsi que le fait valoir l'Autorité, toute interprétation contraire ferait dépendre la sanction d'un tel manquement de la diligence des services d'instruction, le demandeur de clémence conservant ou perdant le bénéfice de l'exonération de sanction selon que l'enquête permet ou non de pallier la rétention d'information dont il s'est rendu coupable ; que, dès l'instant où elle a constaté le manquement des requérantes à la première des conditions auxquelles était subordonné le bénéfice de la clémence, à savoir une obligation de coopération totale, permanente et rapide, l'Autorité ne pouvait, conformément à l'article L. 464-2 IV du code de commerce, leur accorder une exonération totale de sanction ; qu'en second lieu, tout manquement à l'obligation de coopération n'implique pas nécessairement la perte intégrale de l'exonération conditionnelle de sanction, envisagée au stade de l'avis de clémence rendue par l'Autorité ; que, si la violation d'une obligation essentielle pesant sur le demandeur de clémence à ce titre, ou un manquement irrémédiable de sa part, (tel le fait de prévenir les autres participants à l'entente de l'imminence de vérifications ou de visites et de saisie) justifierait le non-octroi pur et simple de l'exonération de sanction envisagée dans l'avis de clémence, un manquement plus limité à l'obligation de coopération véritable, totale, permanente et rapide appelle une réponse proportionnée aux faits caractérisant celui-ci, consistant, pour un demandeur de premier rang, à ne lui accorder qu'une exonération partielle ; que, lorsque l'Autorité examine la question d'un éventuel manquement au devoir de coopération pesant sur un demandeur de clémence, au vu de la position exprimée, le cas échéant, par les services d'instruction et les observations subséquentes de l'entreprise en cause, elle doit se déterminer de façon objective et concrète ; que telle a été l'approche de l'Autorité en l'espèce ; que l'Autorité, qui a motivé sa décision à suffisance de droit, a souligné, au paragraphe 1337 de la décision attaquée, que le manquement constaté à l'obligation de fourniture de tout élément de preuve en relation avec l'infraction suspectée n'avait pas empêché, retardé ou rendu plus difficiles l'établissement et la caractérisation des faits et des responsabilités par les services d'instruction, puis, tenant compte de ce constat, a accordé au requérant une réduction de 95, 63 % – qu'il était facile aux requérantes de calculer au regard de l'ensemble des données figurant dans la décision – de la sanction encourue ; que l'importance de ce pourcentage suffit à démontrer le caractère proportionné de la sanction finalement infligée, laquelle ne représente donc que 4,37 % de la sanction qui aurait pu être appliquée aux requérantes au titre de leurs agissements anticoncurrentiels ; qu'une moindre réduction du pourcentage d'exonération ne permettrait pas – ou très difficilement – de dissuader les demandeurs de clémence de manquer à leurs engagements ; qu'à l'inverse, dans la présente espèce, le pourcentage de réduction retenu à la fois prend en compte l'importance – nullement contestée par l'Autorité – de la contribution des requérantes et conserve à la procédure de clémence son caractère attractif ; que la demande des sociétés Schenker, anciennement Schenker-Joyau et Deutsche Bahn est rejetée ;

ET AUX MOTIFS, adoptés de la décision entreprise, QUE l'Autorité a accordé aux entreprises Deutsche Bahn AG et ses filiales :
« le bénéfice conditionnel de la clémence pour ses filiales, les sociétés Schenker AG, Schenker SA, Joyau SA, Schenker-Joyau SAS et Atlantique Express SAS, avec une exonération totale des sanctions pécuniaires encourues pour les infractions présumées sur le marché français de la messagerie express, y compris le service monocolis, et subordonne l'exonération aux conditions suivantes :
• La société Deutsche Bahn AG et ses filiales, les sociétés Schenker AG, Schenker SA, Joyau SA, Schenker-Joyau SAS et Atalantique Express SAS, devront apporter à l'Autorité une coopération totale, permanente et rapide tout au long de la procédure d'enquête et d'instruction et lui fournir tout élément de preuve qui viendrait en leur possession ou dont elles disposent sur les infractions suspectées ;
• La société Deutsche Bahn AG et ses filiales, les sociétés Schenker AG, Schenker SA, Joyau SA, Schenker-Joyau SAS et Atlantique Express SAS, ne devront pas avoir informé de leur démarche de demande de clémence les entreprises susceptibles d'être mises en cause dans le cadre des pratiques dénoncées ;
• La société Deutsche Bahn AG et ses filiales, les sociétés Schenker AG, Schenker SA, Joyau SA, Schenker-Joyau SAS et Atlantique Express SAS ne devront pas avoir pris de mesures pour contraindre d'autres entreprises à participer aux infractions ;
• La société Deutsche Bahn AG et ses filiales, les sociétés Schenker AG, Schenker SA, Joyau SA, Schenker-Joyau SAS et Atlantique Express SAS devront, dans la mesure où elles déclarent avoir cessé leur participation à l'infraction, confirmer la date (ou la période) et les modalités de cette cessation partout moyen » ;
qu'en ce qui concerne la deuxième condition, aucun élément recueilli ne permet d'affirmer que les sociétés Deutsche Bahn AG et ses filiales auraient informé les autres entreprises mises en cause de leur démarche, ni divulgué leur intention de présenter une demande, sauf à d'autres autorités de concurrence ; qu'en ce qui concerne la troisième condition, aucun élément recueilli ne permet d'établir que les sociétés Deutsche Bahn AG et ses filiales auraient pris des mesures pour contraindre d'autres entreprises à participer aux infractions ; qu'en ce qui concerne la quatrième condition, il résulte de la notification des griefs et des éléments produits par les sociétés Deutsche Bahn AG et ses filiales pendant l'instruction que ces sociétés ont interrompu leur participation aux activités illégales présumées en 2008 ; qu'elles ont de nouveau pris part à l'infraction suspectée en participant, le 16 septembre 2010, à une réunion du Conseil de Métier, sans en informer les services d'instruction ; qu'en ce qui concerne la première condition, qui combine une exigence de coopération totale, permanente et rapide de la part du demandeur et une obligation de fourniture de tout élément de preuve en relation avec l'infraction suspectée, il convient d'en examiner le respect au regard des éléments factuels figurant au dossier ; que, comme établi, Schenker-Joyau a repris, le 16 septembre 2010, sa participation à l'infraction suspectée dans le cadre du second grief qu'elle avait dénoncée dans sa demande de clémence ; que Schenker-Joyau n'a cependant informé l'Autorité ni de l'existence de cette réunion, ni de la teneur des échanges potentiellement prohibés, ni de la participation de l'entreprise à cette réunion dans le cadre du second grief ; que Schenker-Joyau ne conteste pas avoir participé à cette réunion ; que, cependant, l'entreprise soutient que Monsieur [A] [Y], son représentant, serait, pendant la réunion susmentionnée, sortie de la salle pour téléphoner au moment même où des échanges anticoncurrentiels avaient lieu, ce qui l'aurait privé de la connaissance de tels échanges ; que Schenker-Joyau ajoute qu'en tout état de cause, l'absence de réaction de Monsieur [A] [Y] relève de la négligence et ne peut en aucun cas constituer un manquement de l'entreprise à ses obligations ; que Schenker-Joyau n'apporte toutefois aucun commencement de preuve à l'appui de son allégation selon laquelle Monsieur [A] [Y] aurait quitté la réunion au moment litigieux ; qu'ensuite, la première condition imposée à Schenker-Joyau l'obligeait à fournir tout élément de preuve en relation avec l'infraction suspectée, dont elle viendrait à disposer au cours de la procédure ; que, dès lors, il importe peu de savoir si un éventuel manquement à cette obligation serait intentionnel ou dû à une négligence de la part de l'entreprise : un demandeur de clémence doit, pour conserver le bénéfice de l'exonération totale qui lui est accordée à titre conditionnel, en toutes circonstances, s'assurer du respect strict des conditions de l'avis de clémence ; qu'il s'ensuit que Schenker-Joyau n'a pas intégralement respecté la première condition qui s'imposait à elle ; que la pratique de l'Autorité comme celle du Conseil avant elle, consiste à subordonner l'octroi effectif de l'exonération de sanction pécuniaire envisagée dans les avis de clémence à la condition que le demandeur coopère activement à l'ensemble de la procédure d'enquête et d'instruction, y compris en fournissant à l'Autorité tout élément de preuve en relation avec l'infraction suspectée qui viendrait en sa possession au cours de l'instruction ; que le IV de l'article L. 464–2 du code de commerce appréhende en effet la procédure de clémence comme une contribution active et volontaire d'entreprises ou d'organismes ayant participé à des ententes, non seulement à leur détection par l'Autorité, par le biais de la production d'éléments de preuve, mais également, en aval, à l'instruction de l'affaire par les services d'instruction et, en définitive, au constat, par le collège, de la réalité de la pratique prohibée ; qu'en pratique, l'obligation de « contribuer à établir la réalité de la pratique prohibée et à identifier ses auteurs, en apportant des éléments d'information dont l'autorité ne disposait pas antérieurement » impose au demandeur de coopérer avec l'Autorité jusqu'à la séance et notamment de lui fournir tout élément de preuve en relation avec l'infraction suspectée, dont elle viendrait disposer, y compris après la délivrance de l'avis de clémence ; que cette obligation de coopération totale, permanente et rapide, qui se retrouve aussi dans le programme modèle du Réseau européen de la concurrence en matière de clémence et dans la jurisprudence de l'Union, est rappelée par les communiqués de procédure du 17 avril 2007 et 2 mars 2009 précités ; que ceux-ci soulignent en particulier que la coopération attendue du demandeur doit être « véritable, totale, permanente et rapide dès le dépôt de la demande et tout au long de la procédure d'enquête et d'instruction » ; qu'ils rappellent aussi que cette obligation doit être respectée « dans tous les cas » et qu'elle « ouvre droit à l'exonération totale ou partielle » de sanction pécuniaire ; qu'en l'espèce, le manquement constaté à l'obligation de fourniture de tout élément de preuve en relation avec l'infraction suspectée n'a pas empêché, retardés ou rendus plus difficiles l'établissement et la caractérisation des faits et des responsabilités par les services d'instruction ; qu'au vu des circonstances de l'espèce, l'Autorité maintiendra l'exonération totale de sanction pour le premier grief ; que, constatant que Schenker-Joyau ne peut bénéficier de l'exonération totale pour le second grief, l'Autorité mettra à la charge de l'entreprise une sanction de 3 millions d'euros à ce titre ;

1 – ALORS QUE la présomption d'innocence, applicable en matière de sanction de la violation des règles de concurrence, prohibe toute condamnation si, en dépit des éléments de preuve soumis et au regard des circonstances précises du litige, un doute peut subsister dans l'esprit du juge ; que dans leur mémoire, les sociétés Deutsche Bahn et Schenker France rappelaient que M. [Y] avait toujours indiqué n' avoir assisté à aucun échange anticoncurrentiel lors de la réunion tenue au sein de TLF le 16 septembre 2010, réunion de laquelle il était sorti pendant une quinzaine de minutes pour téléphoner ; qu'elles observaient encore qu'elles étaient à l'origine de la procédure, ayant dénoncé les ententes existantes tant dans le secteur de la messagerie classique que dans le secteur de la messagerie express, dont l' Autorité de la concurrence n'avait pas connaissance, qu'elles avaient transmis l'ensemble des éléments de preuve dont elles disposaient, coopéré spontanément et sans aucune restriction tout au long de l'enquête, que M. [Y], puis la société Schenker, avait averti les services d'instruction de la participation du dirigeant aux réunions organisée par TLF et que, bénéficiant de deux avis de clémence avec exonération totale de sanction pécuniaire, elles n'avaient aucun intérêt à dissimuler l'existence d'un échange anticoncurrentiel auquel le dirigeant aurait assisté, (mémoire récapitulatif, p.12 à 17) ; que le Rapport relevait que « la demande de clémence des société du groupe Deutsche Bahn a revêtu une importance déterminante dans l'ouverture de la présente procédure », que « le procès-verbal d'audition du 12 avril 2010 montre que M. [A] [Y] a informé la Rapporteure qu'il se rendait à des réunions de l'organisation professionnelle TLF », qu' « en tant que demandeur d'immunité et détenteur de deux avis de clémence, Schenker-Joyau n'avait aucun intérêt à dissimuler l'existence de cette réunion » et que « la coopération des sociétés du groupe Deutsche Bahn tout au long de la présente procédure, peut être considérée, jusqu'à l'envoi de la notification de griefs, comme satisfaisante », (rapport, points 680, 1627, 1629 et 1630) ; qu'en se bornant cependant, pour retenir la connaissance par la société Schenker-Joyau des échanges anticoncurrentiels tenus lors de la réunion du 16 septembre 2010, partant l'existence d'un manquement au devoir de coopération, à affirmer que « dès lors que les services d'instruction ont établi la participation de la société Schenker-Joyau à cette réunion, c'est aux requérantes de démontrer que M. [Y] aurait été absent de la salle de réunion dès avant et pendant toute la durée des échanges litigieux, ce qu'elles ne font pas », sans rechercher si, au regard des circonstances précises de l'espèce, et, notamment, de ce que les sociétés requérantes avaient coopéré de manière satisfaisante tout au long de l'enquête et qu'elles n'avaient aucun intérêt à dissimuler les échanges anticoncurrentiels litigieux, le fait que M. [Y] se soit absenté lors de cette réunion et n'ait pas assisté à ces échanges, était effectivement plausible, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 464-2 IV du code de commerce, ensemble l'article 6 § 2 de la Convention européenne des droits de l'homme et l'article 48 § 1 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

2 – ALORS, en tout état de cause, QUE le manquement au devoir de coopération, auquel est tenu le bénéficiaire de la clémence conditionnelle, suppose que ce dernier se soit, en pleine connaissance de cause, abstenu d'apporter spontanément son concours aux services de l'Autorité de concurrence ; que, dans leur mémoire, les sociétés Deutsche Bahn et Schenker France faisaient valoir qu'à supposer même que M. [Y] ait assisté aux échanges anticoncurrentiels litigieux, il ne pouvait leur être reproché de ne pas en avoir fait état spontanément, alors que le dirigeant, qui n'était en poste que depuis un an et n'avait jamais assisté à un échange d'informations sensibles, avait pu se méprendre sur la portée de cet échange et sur son obligation d'en faire état immédiatement auprès des services de l'Autorité ; qu'elles rappelaient, en ce sens, les énonciations du rapport, relevant qu'il était probable que M. [Y] « n'ait pas perçu la nécessité impérieuse d'informer l'Autorité de la tenue de cette réunion », (mémoire, p.15 à 18 et p. 28) ; qu'en se bornant cependant, pour retenir l'existence d'un manquement au devoir de coopération, à affirmer, par pure pétition, que l'hypothèse d'une méprise du dirigeant est, « eu égard à la teneur des informations échangées », « manifestement erronée » et que la société
Deustche Bahn et ses filiales ont dénoncé l'existence d'échanges identiques dans le cadre de leurs demandes de clémence, sans rechercher, concrètement, au regard des circonstances de l'espèce, si M. [Y], nouveau dirigeant de la société Schenker-Joyau, avait pu se méprendre sur la portée des propos échangés et sur la nécessité de les rapporter sans attendre aux services de l'instruction de l'Autorité, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 464-2 IV du code de commerce ;

3 – ALORS QUE le manquement au devoir de coopération, auquel est tenu le bénéficiaire de la clémence conditionnelle, suppose que ce dernier se soit, en pleine connaissance de cause, abstenu d'apporter spontanément son concours aux services de l'Autorité de concurrence ; qu'en affirmant, par motifs et propres et adoptés de la décision entreprise, qu'il est indifférent que le manquement des requérantes aux engagements qu'elles avaient pris, aux fins de l'octroi du bénéfice conditionnel de la clémence procède, ainsi qu'il est vraisemblable, davantage d'une négligence que d'une volonté de se soustraire auxdits engagements, quand la volonté de se soustraire aux devoirs du bénéficiaire de la clémence est un élément constitutif du manquement, la cour d'appel a encore violé l'article L. 464-2 IV du code de commerce.

SECOND MOYEN DE CASSATION, (subsidiaire)

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté les moyens d'annulation et de réformation de la décision soumis par les sociétés Deutsche Bahn et Schenker France et d'avoir, en conséquence, confirmé la décision en ce qu'elle a infligé solidairement à ces deux sociétés, au titre du grief n° 2, une amende d'un montant de trois millions d'euros,

AUX MOTIFS QUE par deux avis de clémence des 3 février 2009 et 13 juillet 2010, l'Autorité a accordé à la société Deutsche Bahn et à ses filiales le bénéfice de la clémence ; qu'en participant à la réunion du Conseil de Métiers du 16 septembre 2010, au cours de laquelle des informations sensibles avaient été échangées entre concurrents, la société Schenker, anciennement Schenker-Joyau, n'avait pas pleinement respecté son obligation de coopération telle qu'imposée par les avis de clémence, l'Autorité a refusé à cette société et à sa société mère Deutsche Bahn le bénéfice de l'exonération totale de sanction au titre du grief n° 2 et a mis à leur charge une sanction de 3 millions d'euros, (décision attaquée, § 1322 à 1339) ; (…) ;
qu'en premier lieu, l'article L. 464–2 IV du code de commerce dispose :
« Une exonération totale ou partielle des sanctions pécuniaires peut être accordée à une entreprise ou un organisme qui a, avec d'autres, mis en oeuvre une pratique prohibée par les dispositions de l'article L. 420–1 s'il a contribué à établir la réalité de la pratique prohibée et à identifier ses auteurs, en apportant des éléments d'information dont l'Autorité ou l'administration ne disposait pas antérieurement. À la suite de la démarche de l'entreprise ou de l'organisme, l'Autorité de la concurrence, à la demande du rapporteur général ou du ministre chargé de l'économie, adopte à cette fin un avis de clémence, qui précise les conditions auxquelles est subordonnée l'exonération envisagée, après que le commissaire du Gouvernement et l'entreprise ou l'organisme concerné ont présenté leurs observations ; cet avis est transmis à l'entreprise ou organisme et au ministre et n'est pas publié. Lors de la décision prise en application du I du présent article, l'Autorité peut, après avoir entendu le commissaire du Gouvernement et l'entreprise ou l'organisme concerné sans établissement préalable d'un rapport, et si les conditions précisées dans l'avis de clémence ont été respectées, accorder une exonération de sanction pécuniaire proportionnée à la contribution apportée à l'établissement de l'infraction. » ;
qu'aux termes de cette disposition, l'exonération totale de sanction est subordonnée au respect, par le demandeur de clémence de premier rang, des conditions énoncées dans l'avis de clémence ; qu'il est constant que le bénéfice conditionnel de la clémence, accordé le 13 juillet 2010 à la société Deutsche Bahn et ses filiales, dont la société Schenker-Joyau, était subordonné à quatre conditions, dont la première consistait dans l'engagement de ces sociétés à apporter à l'Autorité une coopération totale, permanente et rapide tout au long de la procédure d'enquête et d'instruction et lui fournir tout élément de preuve qui viendrait en leur possession ou dont elles disposent sur les infractions suspectées ; qu'il est établi que la société Schenker-Joyau a assisté à la réunion du Conseil des Métiers du 16 septembre 2010, y étant représentée par M. [Y], son président, et que des échanges anticoncurrentiels ont eu lieu au cours de cette réunion ; que, s'il ne saurait leur être reproché d'avoir continué de participer aux réunions du Conseil des Métiers, puisque l'avis de clémence ne le leur interdisait pas, en revanche c'est à juste titre que l'Autorité a considéré que les requérantes avaient manqué à la première condition rappelée ci-dessus, en ne l'informant pas de la participation de la société Schenker-Joyau à la réunion du 16 septembre 2010 et de la teneur des échanges potentiellement prohibés qui s'y sont déroulés ; que, c'est en vain que les requérantes soutiennent, d'une part, que la preuve de la présence de Monsieur [Y] au moment des échanges anticoncurrentiels n'est pas rapportée, d'autre part que son absence peut être déduite de ce que la note manuscrite prise lors de cette réunion par la société Heppner ne comporte aucune indication quant aux hausses tarifaires projetées par la société Schenker-Joyau ; qu'en effet, dès lors que les services d'instruction ont établi la participation de la société Schenker-Joyau à cette réunion, c'est aux requérantes de démontrer que M. [Y] aurait été absent de la salle de réunion dès avant et pendant toute la durée des échanges litigieux, ce qu'elles ne font pas ; que, par ailleurs, s'il est possible de déduire de l'absence, dans la note manuscrite prise au cours de la réunion par la société Heppner, de toute information sur les hausses tarifaires projetées par la société Schenker-Joyau la preuve que de telles informations n'ont pas été communiquées par cette dernière, elle ne démontre en rien que M. [Y] n'était pas présent à ce moment précis de la réunion ; que la cour relève, à cet égard, que ladite note manuscrite ne comporte pas non plus d'information sur les hausses tarifaires projetées par la société Transport Henri Ducros, bien que cette dernière n'ait contesté ni sa participation à la réunion du 16 septembre 2010 ni sa présence au moment des échanges litigieux ; que l'Autorité n'a donc pas violé le principe de la présomption d'innocence ; que, quant au fait que M. [Y] aurait pu ne pas comprendre le caractère anticoncurrentiel des échanges d'informations sur les hausses tarifaires, cette hypothèse est manifestement erronée, eu égard à la teneur des informations échangées, sans même qu'il soit besoin de rappeler que la société Deutsche Bahn et ses filiales avaient dénoncé l'existence d'échanges identiques dans le cadre de leurs demandes de clémence ; qu'enfin, ainsi que le fait justement valoir l'autorité, il est indifférent que le manquement des requérantes aux engagements qu'elles avaient pris aux fins de l'octroi du bénéfice conditionnel de la clémence procède, ainsi qu'il est vraisemblable, davantage d'une négligence que d'une volonté de se soustraire auxdits engagements ; qu'à cet égard, la cour rappelle que le bénéfice de la clémence, en particulier pour le demandeur de clémence de premier rang, confère à son bénéficiaire l'avantage exorbitant d'échapper aux lourdes sanctions qu'il encourt et fait donc peser sur lui une obligation de vigilance particulièrement forte ; que, dans ce contexte, toute négligence de l'intéressé apparaît fautive ; qu'il est, de même, indifférent que le manquement des requérantes aux engagements pris dans le cadre de la demande de clémence n'ait pas affecté significativement l'enquête ; qu'ainsi que le fait valoir l'Autorité, toute interprétation contraire ferait dépendre la sanction d'un tel manquement de la diligence des services d'instruction, le demandeur de clémence conservant ou perdant le bénéfice de l'exonération de sanction selon que l'enquête permet ou non de pallier la rétention d'information dont il s'est rendu coupable ; que, dès l'instant où elle a constaté le manquement des requérantes à la première des conditions auxquelles était subordonné le bénéfice de la clémence, à savoir une obligation de coopération totale, permanente et rapide, l'Autorité ne pouvait, conformément à l'article L. 464-2 IV du code de commerce, leur accorder une exonération totale de sanction ; qu'en second lieu, tout manquement à l'obligation de coopération n'implique pas nécessairement la perte intégrale de l'exonération conditionnelle de sanction, envisagée au stade de l'avis de clémence rendue par l'Autorité ; que, si la violation d'une obligation essentielle pesant sur le demandeur de clémence à ce titre, ou un manquement irrémédiable de sa part, (tel le fait de prévenir les autres participants à l'entente de l'imminence de vérifications ou de visites et de saisie), justifierait le non-octroi pur et simple de l'exonération de sanction envisagée dans l'avis de clémence, un manquement plus limité à l'obligation de coopération véritable, totale, permanente et rapide appelle une réponse proportionnée aux faits caractérisant celui-ci, consistant, pour un demandeur de premier rang, à ne lui accorder qu'une exonération partielle ; que, lorsque l'Autorité examine la question d'un éventuel manquement au devoir de coopération pesant sur un demandeur de clémence, au vu de la position exprimée, le cas échéant, par les services d'instruction et les observations subséquentes de l'entreprise en cause, elle doit se déterminer de façon objective et concrète ; que telle a été l'approche de l'Autorité en l'espèce ; que l'Autorité, qui a motivé sa décision à suffisance de droit, a souligné, au paragraphe 1337 de la décision attaquée, que le manquement constaté à l'obligation de fourniture de tout élément de preuve en relation avec l'infraction suspectée n'avait pas empêché, retardé ou rendu plus difficiles l'établissement et la caractérisation des faits et des responsabilités par les services d'instruction, puis, tenant compte de ce constat, a accordé au requérant une réduction de 95, 63 % – qu'il était facile
aux requérantes de calculer au regard de l'ensemble des données figurant dans la décision – de la sanction encourue ; que l'importance de ce pourcentage suffit à démontrer le caractère proportionné de la sanction finalement infligée, laquelle ne représente donc que 4,37 % de la sanction qui aurait pu être appliquée aux requérantes au titre de leurs agissements anticoncurrentiels ; qu'une moindre réduction du pourcentage d'exonération ne permettrait pas – ou très difficilement – de dissuader les demandeurs de clémence de manquer à leurs engagements ; qu'à l'inverse, dans la présente espèce, le pourcentage de réduction retenu à la fois prend en compte l'importance – nullement contestée par l'Autorité – de la contribution des requérantes et conserve à la procédure de clémence son caractère attractif ; que la demande des sociétés Schenker, anciennement Schenker-Joyau et Deutsche Bahn est rejetée ;

ET AUX MOTIFS, adoptés de la décision entreprise, QUE l'Autorité a accordé aux entreprises Deutsche Bahn AG et ses filiales :
« le bénéfice conditionnel de la clémence pour ses filiales, les sociétés Schenker AG, Schenker SA, Joyau SA, Schenker-Joyau SAS et Atlantique Express SAS, avec une exonération totale des sanctions pécuniaires encourues pour les infractions présumées sur le marché français de la messagerie express, y compris le service monocolis, et subordonne l'exonération aux conditions suivantes :
• La société Deutsche Bahn AG et ses filiales, les sociétés Schenker AG, Schenker SA, Joyau SA, Schenker-Joyau SAS et Atlantique Express SAS, devront apporter à l'Autorité une coopération totale, permanente et rapide tout au long de la procédure d'enquête et d'instruction et lui fournir tout élément de preuve qui viendrait en leur possession ou dont elles disposent sur les infractions suspectées ;
• La société Deutsche Bahn AG et ses filiales, les sociétés Schenker AG, Schenker SA, Joyau SA, Schenker-Joyau SAS et Atlantique Express SAS, ne devront pas avoir informé de leur démarche de demande de clémence les entreprises susceptibles d'être mises en cause dans le cadre des pratiques dénoncées ;
• La société Deutsche Bahn AG et ses filiales, les sociétés Schenker AG, Schenker SA, Joyau SA, Schenker-Joyau SAS et Atlantique Express SAS ne devront pas avoir pris de mesures pour contraindre d'autres entreprises à participer aux infractions ;

• La société Deutsche Bahn AG et ses filiales, les sociétés Schenker AG, Schenker SA, Joyau SA, Schenker-Joyau SAS et Atlantique Express SAS devront, dans la mesure où elles déclarent avoir cessé leur participation à l'infraction, confirmer la date (ou la période) et les modalités de cette cessation partout moyen » ;
qu'en ce qui concerne la deuxième condition, aucun élément recueilli ne permet d'affirmer que les sociétés Deutsche Bahn AG et ses filiales auraient informé les autres entreprises mises en cause de leur démarche, ni divulgué leur intention de présenter une demande, sauf à d'autres autorités de concurrence ; qu'en ce qui concerne la troisième condition, aucun élément recueilli ne permet d'établir que les sociétés Deutsche Bahn AG et ses filiales auraient pris des mesures pour contraindre d'autres entreprises à participer aux infractions ; qu'en ce qui concerne la quatrième condition, il résulte de la notification des griefs et des éléments produits par les sociétés Deutsche Bahn AG et ses filiales pendant l'instruction que ces sociétés ont interrompu leur participation aux activités illégales présumées en 2008 ; qu'elles ont de nouveau pris part à l'infraction suspectée en participant, le 16 septembre 2010, à une réunion du Conseil de Métier, sans en informer les services d'instruction ; qu'en ce qui concerne la première condition, qui combine une exigence de coopération totale, permanente et rapide de la part du demandeur et une obligation de fourniture de tout élément de preuve en relation avec l'infraction suspectée, il convient d'en examiner le respect au regard des éléments factuels figurant au dossier ; que, comme établi, Schenker-Joyau a repris, le 16 septembre 2010, sa participation à l'infraction suspectée dans le cadre du second grief qu'elle avait dénoncée dans sa demande de clémence ; que Schenker-Joyau n'a cependant informé l'Autorité ni de l'existence de cette réunion, ni de la teneur des échanges potentiellement prohibés, ni de la participation de l'entreprise à cette réunion dans le cadre du second grief ; que Schenker-Joyau ne conteste pas avoir participé à cette réunion ; que, cependant, l'entreprise soutient que Monsieur [A] [Y], son représentant, serait, pendant la réunion susmentionnée, sortie de la salle pour téléphoner au moment même où des échanges anticoncurrentiels avaient lieu, ce qui l'aurait privé de la connaissance de tels échanges ; que Schenker-Joyau ajoute qu'en tout état de cause, l'absence de réaction de Monsieur [A] [Y] relève de la négligence et ne peut en aucun cas constituer un manquement de l'entreprise à ses obligations ; que Schenker-Joyau n'apporte toutefois aucun commencement de preuve à l'appui de son allégation selon laquelle Monsieur [A] [Y] aurait quitté la réunion au moment litigieux ; qu'ensuite, la première condition imposée à Schenker-Joyau l'obligeait à fournir tout élément de preuve en relation avec l'infraction suspectée, dont elle viendrait à disposer au cours de la procédure ; que, dès lors, il importe peu de savoir si un éventuel manquement à cette obligation serait intentionnel ou dû à une négligence de la part de l'entreprise : un demandeur de clémence doit, pour conserver le bénéfice de l'exonération totale qui lui est accordée à titre conditionnel, en toutes circonstances, s'assurer du respect strict des conditions de l'avis de clémence ; qu'il s'ensuit que Schenker-Joyau n'a pas intégralement respecté la première condition qui s'imposait à elle ; que la pratique de l'Autorité comme celle du Conseil avant elle, consiste à subordonner l'octroi effectif de l'exonération de sanction pécuniaire envisagée dans les avis de clémence à la condition que le demandeur coopère activement à l'ensemble de la procédure d'enquête et d'instruction, y compris en fournissant à l'Autorité tout élément de preuve en relation avec l'infraction suspectée qui viendrait en sa possession au cours de l'instruction ; que le IV de l'article L. 464–2 du code de commerce appréhende en effet la procédure de clémence comme une contribution active et volontaire d'entreprises ou d'organismes ayant participé à des ententes, non seulement à leur détection par l'Autorité, par le biais de la production d'éléments de preuve, mais également, en aval, à l'instruction de l'affaire par les services d'instruction et, en définitive, au constat, par le collège, de la réalité de la pratique prohibée ; qu'en pratique, l'obligation de « contribuer à établir la réalité de la pratique prohibée et à identifier ses auteurs, en apportant des éléments d'information dont l'autorité ne disposait pas antérieurement » impose au demandeur de coopérer avec l'Autorité jusqu'à la séance et notamment de lui fournir tout élément de preuve en relation avec l'infraction suspectée, dont elle viendrait disposer, y compris après la délivrance de l'avis de clémence ; que cette obligation de coopération totale, permanente et rapide, qui se retrouve aussi dans le programme modèle du Réseau européen de la concurrence en matière de clémence et dans la jurisprudence de l'Union, est rappelée par les communiqués de procédure du 17 avril 2007 et 2 mars 2009 précités ; que ceux-ci soulignent en particulier que la coopération attendue du demandeur doit être « véritable, totale, permanente et rapide dès le dépôt de la demande et tout au long de la procédure d'enquête et d'instruction » ; qu'ils rappellent aussi que cette obligation doit être respectée « dans tous les cas » et qu'elle « ouvre droit à l'exonération totale ou partielle » de sanction pécuniaire ; qu'en l'espèce, le manquement constaté à l'obligation de fourniture de tout élément de preuve en relation avec l'infraction suspectée n'a pas empêché, retardés ou rendus plus difficiles l'établissement et la caractérisation des faits et des responsabilités par les services d'instruction ; qu'au vu des circonstances de l'espèce, l'Autorité maintiendra l'exonération totale de sanction pour le premier grief ; que, constatant que Schenker-Joyau ne peut bénéficier de l'exonération totale pour le second grief, l'Autorité mettra à la charge de l'entreprise une sanction de 3 millions d'euros à ce titre ;

1 – ALORS QUE les sanctions prononcées par l'Autorité de la concurrence doivent faire l'objet d'une décision motivée ; qu'il en va de même de l'étendue de l'exonération à accorder au demandeur de clémence, qui doit être déterminée sur la base de critères objectifs liés à la nature et à l'importance de la contribution apportée par celui-ci à l'établissement de l'infraction et en considération des données individuelles propres à chaque entreprise ; que, dans leur mémoire, les sociétés Deutsche Bahn et Schenker France faisaient valoir que l'Autorité de la concurrence avait fixé, sans aucun motif justifiant ce montant, à trois millions d'euros la sanction prononcée à leur encontre, (mémoire, p.30 et 31) ; qu'en affirmant cependant, que l'Autorité « a motivé sa décision à suffisance de droit », dès lors qu'elle a souligné que le manquement n'avait pas empêché, retardé ou rendu plus difficiles l'établissement ou la caractérisation des faits et des responsabilités puis, « tenant compte de ce constat », qu'elle « a accordé aux requérantes une réduction de 95,63 % - qu'il était facile aux requérantes de calculer au regard de l'ensemble des données figurant dans la décision – de la sanction encourue », quand il résultait, précisément, de ce pourcentage, (95,63 %), que l'Autorité avait fixé arbitrairement et forfaitairement le montant de l'amende à la somme de trois millions d'euros, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, en violation des articles L. 464-2 I et L. 464-2 IV du code de commerce, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

2 – ALORS QUE la sanction d'un manquement aux conditions prévues à l'avis de clémence doit être proportionnée à la gravité de la faute et à l'importance des conséquences qui en sont résultées, en tenant compte des donnée individuelles de l'entreprise concernée ; que la cour d'appel a constaté que le manquement retenu procédait, « ainsi qu'il est vraisemblable, davantage d'une négligence que d'une volonté de se soustraire auxdits engagements » et qu'il « n'avait pas empêché, retardé ou rendu plus difficiles l'établissement ou la caractérisation des faits et des responsabilités » ; qu'en affirmant cependant, pour rejeter la demande, subsidiaire, de réduction du montant de la sanction, que l'importance du pourcentage de réduction, (95,63 %), « suffit à démontrer le caractère proportionné de la sanction finalement infligée, laquelle ne représente donc que 4,37 % de la sanction qui aurait pu être appliquée aux requérantes au titre de leurs agissements anticoncurrentiels», la cour d'appel, qui a apprécié, de manière erronée, le caractère proportionné de la sanction du manquement au regard du montant de la sanction encourue au titre des agissements anticoncurrentiels, a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 464-2 IV du code de commerce ;

3 – ALORS QUE la sanction d'un manquement aux conditions prévues à l'avis de clémence doit être proportionnée à la gravité de la faute et à l'importance des conséquences qui en sont résultées, en tenant compte des donnée individuelles de l'entreprise concernée ; que la cour d'appel a constaté que le manquement retenu procédait, « ainsi qu'il est vraisemblable, davantage d'une négligence que d'une volonté de se soustraire auxdits engagements » et qu'il « n'avait pas empêché, retardé ou rendu plus difficiles l'établissement ou la caractérisation des faits et des responsabilités » ; qu'en retenant cependant, pour rejeter la demande, subsidiaire, de réduction du montant de la sanction, qu' « une moindre réduction du pourcentage d'exonération ne permettrait pas – ou très difficilement – de dissuader les demandeurs de clémence de manquer à leurs engagements », quand cette affirmation, inopérante et erronée, n'était pas de nature à justifier la sanction, prononcée à l'encontre des sociétés mises en cause, en raison d'une négligence, la cour d'appel a encore privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 464-2 IV du code de commerce.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.