14 octobre 2014
Cour d'appel de Rennes
RG n° 11/04593

1ère Chambre

Texte de la décision

1ère Chambre





ARRÊT N°394



R.G : 11/04593













M. [O] [C]

Mme [Y] [C]



C/



Mme [T] [E]

M. [R] [H]





























Copie exécutoire délivrée

le :



à :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 14 OCTOBRE 2014





COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Monsieur Xavier BEUZIT, Président,

Monsieur Marc JANIN, Conseiller,

Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Conseiller,



GREFFIER :



Madame Claudine PERRIER, lors des débats et lors du prononcé



DÉBATS :



A l'audience publique du 01 Septembre 2014

devant Madame Olivia JEORGER-LE GAC, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial



ARRÊT :



Par défaut, prononcé par Monsieur Xavier BEUZIT, Président, à l'audience publique du 14 Octobre 2014, date indiquée à l'issue des débats.







****





APPELANTS :





Monsieur [O] [C]

[Adresse 1]

[Localité 1]

pris en sa qualité d'héritier de M. [C] [Z] décédé le [Date décès 1] 2011



Représenté par Me Christophe LHERMITTE de la SCP GAUTIER/LHERMITTE, avocat au barreau de RENNES





Madame [Y] [C]

[Adresse 1]

[Localité 1]

prise en sa qualité d'héritière de M. [Z] [C] décédé le [Date décès 1] 2011



Représentée par Me Christophe LHERMITTE de la SCP GAUTIER/LHERMITTE, avocat au barreau de RENNES































INTIMÉS :





Madame [T] [E]

née le [Date naissance 1] 1956 à [Localité 2] ([Localité 2])

Le Bourg

[Localité 3]



Représentée par Me Jean-Jacques BAZILLE de la SELARL BAZILLE/TESSIER/PRENEUX, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Assistée de Me Gérard BRIEC de la SELARL BRIEC GERARD, Plaidant, avocat au barreau de QUIMPER



(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2011/5294 du 30/09/2011 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de RENNES)





Monsieur [R] [H]

[Adresse 2]

[Localité 3]



Procès verbal de recherches infructueuses en date du 07/10/2011.









Vu l'arrêt rendu le 29 Janvier 2013, auquel il convient de se référer pour l'exposé du litige.

Madame [M] a déposé au greffe son rapport.




Par conclusions du 02 Août 2013, Monsieur et Madame [O] [C] ont demandé que la Cour:

- dise que le passage indivis entre les deux constructions est situé sur les parcelles cadastrées [Cadastre 1] et [Cadastre 2] et dise que ce passage est propriété indivise entre les parties,

- homologue le rapport d'expertise de Madame [M],

- ordonne le bornage de leurs propriétés ainsi que de la parcelle indivise selon les points A-B-C-D-E-F figurant au rapport d'expertise et au plan qui y est annexé, et désigne Madame [M] pour implanter les bornes,

- ordonne à la requête de la partie la plus diligente la publication de l'arrêt, auquel seront annexés le rapport d'expertise et le document d'arpentage,

- ordonne la démolition des deux portails, des pilastres supportant les portails, de l'auvent et de la cheminée et de toute autre construction empiétant sur le passage indivis, et ce sous astreinte,

- dise que le passage indivis devra être maintenu dégagé de tout obstacle sous peine d'astreinte de 1.000 euros par infraction constatée,

- donne acte aux époux [C] de ce qu'ils reconnaissent au bénéfice de la parcelle [Cadastre 2] le droit de faire passer ses canalisations privées d'eaux usées sous le passage, et à défaut, ordonne la démolition des canalisations se trouvant sous le passage,

- condamne les intimés à leur payer une somme de 2.000 euros par an à compter de 2005 à titre d'indemnité de jouissance privative,

- dise que la parcelle [Cadastre 1] peut faire passer sur l'assiette du passage ses canalisations nécessaires au raccordement à l'assainissement et les autorise à effectuer les travaux de raccordement,

- déboute les intimés de toutes prétentions contraires,

- les condamne in solidum à payer les frais de bornage, d'expertise et d'arpentage,

- les condamne in solidum à leur payer la somme de 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- les condamne aux dépens de première instance et d'appel avec droit de recouvrement pour ceux dont il a été fait l'avance.





Par conclusions du 26 Juin 2014, Madame [E] a sollicité que la Cour:

- déboute les appelants de leurs demandes,

- les condamne au paiement de la somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- les condamne aux dépens de première instance et d'appel avec droit de recouvrement pour ceux dont il a été fait l'avance.

Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, la Cour renvoie aux conclusions susvisées.




MOTIFS DE LA DECISION:

Dans son arrêt du 29 Janvier 2013, la Cour a infirmé le jugement qui lui était déféré, a dit Monsieur et Madame [C] « bien fondés à revendiquer la propriété sur la partie nord de la bande de terrain constituant le passage entre les deux constructions » et a ordonné une expertise « sur l'assiette du passage indivis » en donnant pour mission à l'expert de « proposer la délimitation du passage indivis »

Dès lors, la question de la recevabilité des prétentions des époux [C] à revendiquer la propriété de tout ou partie du passage plutôt qu'un simple droit de passage a été tranchée par cet arrêt et seul reste à examiner le bien-fondé de leurs demandes.



Sur la propriété du passage situé entre les constructions [C] et [E] :

Madame [E] revendique la propriété entière du passage tandis que les époux [C] se fondent sur le procès-verbal de conciliation du 22 Décembre 1977 pour en revendiquer le caractère indivis.

Madame [E] conteste que le document intitulé procès-verbal de conciliation lui soit opposable, au motif qu'il n'a jamais fait l'objet d'une publication à la conservation des hypothèques et qu'il n'est pas mentionné dans son titre de propriété.

Madame [E] a acquis sa propriété de Monsieur [G].

Selon les propres documents qu'elle verse aux débats, le 16 Juin 1977, le Tribunal d'instance de Chateaulin a rendu un jugement ordonnant une expertise dans une instance opposant Monsieur et Madame [G], en demande, et Monsieur [I] (auteur des époux [C]) en défense.

Selon l'exposé des faits par les époux [G] à l'appui de leur demande, ceux-ci exposaient être propriétaires avec Monsieur [I] d'une cour commune desservant leur immeuble et celui de Monsieur [I] ; avec ce dernier, ils avaient effectué des travaux ayant pour objet d'en améliorer la desserte à partir de la voie publique ; néanmoins, Monsieur [I] s'en serait approprié une partie pour son usage exclusif nonobstant son caractère indivis.

L'exposé des faits décrit par ce jugement est fondamental puisque bien que Madame [E] revendique la propriété exclusive de ce passage, tel n'était absolument pas le cas de ses auteurs, qui ont intenté une instance visant à en voir reconnaître le caractère indivis pour contrer l'accaparement de Monsieur [I].

Ensuite, les termes du procès-verbal de conciliation du 22 décembre 1977, qui a manifestement mis fin à l'instance puisqu'aucun autre jugement n'a été retrouvé, ont conduit Monsieur [I] et Monsieur [G], sur la surface de la cour commune :


à laisser indivis un passage de trois mètres de large allant de la rue aux parcelles situées à l'arrière,

à rendre privatives les autres parties de la cour commune, chacun des deux propriétaires devenant propriétaire exclusif des parties de la cour commune situées derrière sa propre maison,

à organiser la démolition par Monsieur [I] d'un ouvrage pour laisser libre le passage moyennant le paiement d'une indemnité par les époux [G].


A l'examen des plans cadastraux et du procès-verbal d'arpentage réalisé à la suite de la signature du procès-verbal de conciliation, Madame [M] a exposé que le sens de la conciliation, qui était un peu obscur à la seule lecture du procès-verbal, apparaissait parfaitement : la cour commune était de forme irrégulière et comprenait non seulement la surface du passage mais des espaces situés derrière (par rapport à la rue) les constructions de chacun des propriétaires ; l'accord a alors permis, en conservant indivise la seule partie de la cour utile aux deux fonds, de rendre privatives les parties de la cour joignant l'une ou l'autre des constructions sans être utile au voisin, la délimitation de chacun des fonds devenant beaucoup plus rationnelle.

Cet accord a été exécuté : Monsieur [I] a démoli le soubassement comme il s'y était engagé, et surtout chacun des propriétaires, depuis 1977, jouit privativement de son arrière de cour.

Ainsi, si le procès-verbal de conciliation n'a pas fait l'objet d'une publication, n'a pas été présenté au tribunal pour qu'il lui donne force exécutoire et n'a pas été mentionné dans l'acte par lequel Monsieur et Madame [G] ont vendu leur propriété à Madame [E], il donne tout de même sa configuration actuelle à la propriété de Madame [E].

Lui dénier toute opposabilité reviendrait en tout état de cause non seulement à reconnaître indivise l'assiette du passage, puisqu'elle a été prise sur une cour indivise et commune avant sa signature, mais aussi les arrières cours de chacune des parties ; or, telle n'est évidemment pas la demande de Madame [E], ni des consorts [C], qui souhaitent continuer à user privativement des parties de cour commune situées autrefois derrière les constructions.

Dès lors, il convient de reconnaître un caractère indivis au passage situé entre les deux propriétés et de dire que son assiette sera fixée conformément aux prescriptions du procès-verbal de conciliation du 22 décembre 1977 ainsi que les autres limites des propriétés.



Sur les limites :

Grâce à l'implantation des bâtiments, Madame [M], expert géomètre, a pu retrouver sans difficulté les limites du passage indivis que les auteurs des époux [C] et de Madame [E] s'étaient accordés à créer ; elle a pu aussi vérifier que nonobstant l'absence de publication à la conservation des hypothèques, les auteurs de l'accord l'avaient exécuté : Monsieur [I] a démoli le soubassement comme le prévoyait l'article 2 du protocole et ensuite, conformément à l'article 3 du protocole chacune des parties a joui privativement du terrain situé à l'arrière de sa propre construction, alors que ceux-ci étaient auparavant indivis.

Les contestations formées par Madame [E] quant aux conclusions de l'expert sont obscures et n'ont pas été présentées sous forme de dires à Madame [M], qui n'a donc pu y répondre ; au demeurant, Madame [E] reproche principalement à Madame [M] d'avoir fixé les limites divisoires conformément au procès-verbal de conciliation, dont elle conteste la validité ; toutefois, telle était précisément la mission fixée à Madame [M] par la Cour.

En conséquence, les bornes seront fixées selon les points A-B-C-D-E-F déterminés par Madame [M].



Sur les demandes de démolition et d'enlèvement :

En vertu des dispositions de l'article 815-9 du code civil, chaque indivisaire peut user et jouir des droits indivis conformément à leur destination, dans la mesure compatible avec les droits des autres indivisaires.

Il doit être immédiatement constaté que le surplomb du passage par une cheminée et une marquise n'interdit pas au passage d'être utilisé conformément à sa destination et est compatible avec le droit de passage des autres indivisaires.

Il est notamment certain que le passage peut être emprunté par des véhicules puisqu'il est utilisé par Madame [E] pour accéder à son garage.

Les époux [C] sont donc déboutés de leur demande de démolition de ces éléments.

Ensuite, deux portails ont été mis en place par Madame [E], le premier en bordure de voie publique, le second à l'autre extrémité du passage.

A l'examen du plan établi par Madame [M], le second portail est situé après les bornes C et D fixant les limites du passage indivis ; il est alors situé sur le jardin privatif de Madame [E], qui ne peut donc se voir imposer de le démolir.

Le premier portail, qui délimite l'accès du passage à la voie publique, est situé à l'intérieur du passage ; pour autant, sa présence n'est incompatible avec les droits des époux [C] et avec la destination du passage que pour autant que les époux [C] n'en possèdent pas la clef et ne peuvent user librement du passage ; il sera donc enjoint à Madame [E], à son choix, de remettre une clef du portail aux époux [C], ou de le déposer, et ce, dans des modalités qui seront précisées au dispositif de l'arrêt.

De la même façon, il sera dit que le passage devra être laissé libre de tout obstacle, sous peine d'astreinte de 100 euros par infraction constatée par huissier.

Ensuite, il sera permis à Monsieur et Madame [C] de faire passer sous le passage les canalisations et réseaux nécessaires à l'usage de leur fond, une telle utilisation étant conforme à la destination du passage ; il convient simplement de leur rappeler qu'il leur appartiendra, d'une part de prendre toute mesure utile pour que les travaux se déroulent rapidement compte tenu des inconvénients qui seront alors supportés par Madame [E], d'autre part de remettre à leurs frais le passage en état une fois les réseaux mis en place.



Sur la demande d'indemnité pour préjudice de jouissance :

Par application des dispositions de l'article 815-9 du code civil, celui qui jouit privativement d'une chose indivise est redevable d'une indemnité

Ainsi que le révèlent les courriers versés aux débats, dès 2006, Madame [E] a été avisée par le notaire de Monsieur [C] de ses droits sur le passage ; en 2008, elle a été mise en demeure par le conseil de Monsieur [C].

Pour autant il résulte d'un courrier de la mairie de [Localité 3] que Monsieur [C] n'était pas obligé d'utiliser le passage pour se raccorder au tout à l'égout.

Le préjudice résultant de la non utilisation du passage est donc limité et sera justement indemnisé à la somme de 800 euros par an à compter de l'année 2008, durant laquelle Madame [E] a été sommée en vain de laisser libre le passage.

Elle est par conséquent condamnée à payer aux époux [C] la somme de 5.600 euros d'indemnité de jouissance privative, solidairement avec Monsieur [H], autre propriétaire indivis.



Sur les frais irrépétibles et les dépens :

Les intimés, qui succombent, supporteront la charge des dépens comprenant les frais d'expertise.

Madame [E] étant bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, la demande formée à leur encontre sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile doit être rejetée.



PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Vu l'arrêt du 29 janvier 2013,

Dit que le passage situé entre les constructions édifiées sur les parcelles [Cadastre 1] et [Cadastre 2] est indivis entre les propriétaires des dites parcelles.

Ordonne le bornage des propriétés de Monsieur et Madame [C] d'une part, et de Madame [E] et de Monsieur [H] d'autre part, ainsi que de leur propriété indivise, conformément au plan établi par l'expert judiciaire Madame [M] et selon les plans A-B-C-D-E-F y figurant.

Désigne Madame [M] pour procéder à la pose des bornes aux frais partagés des parties.

Ordonne à la requête de la partie plus la plus diligente et aux frais partagés entre les parties la publication de l'arrêt auquel seront annexés le rapport d'expertise et le plan d'arpentage.

Déboute les époux [C] de leurs demandes d'enlèvement ou de démolition des ouvrages surplombant le passage et du portail situé en fond de passage.

Ordonne à Madame [E], à son choix, dans un délai d'un mois suivant la signification de l'arrêt et sous astreinte de 20 euros par jour de retard ensuite durant un mois après lequel il sera à nouveau fait droit:

- de remettre aux époux [C] une clef du portail

ou

- de procéder à l'enlèvement du portail et des piliers qui le soutiennent.



Dit que le passage devra être maintenu libre de tous obstacles sous peine d'une astreinte de 100 euros par infraction constatée par huissier.



Dit que les époux [C] pourront faire passer sous le passage leurs canalisations, à charge pour eux de supporter les frais de remise en état du passage.



Condamne solidairement à payer aux époux [C] la somme de 5.600 euros à titre d'indemnité de jouissance privative.



Condamne in solidum Madame [E] et Monsieur [H] aux dépens, comprenant les frais d'expertise.



Déboute les époux [C] des prétentions qu'ils ont émis sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.





LE GREFFIER.-.LE PRESIDENT.-.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.