18 septembre 2014
Cour d'appel de Paris
RG n° 13/08287

Pôle 5 - Chambre 6

Texte de la décision

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 6



ARRET DU 18 SEPTEMBRE 2014



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 13/08287



Renvoi après cassation du 26 mars 2013 d'un arrêt rendu le 18 novembre 2011 par la Cour d'appel de paris (Pôle 5 - Chambre 2) N° RG 10/24014 sur un jugement rendu le 24 novembre 2010 par le tribunal de commerce de Paris (6ème chambre) N ° RG 2009017514



APPELANTE



SAS NACC représentée par ses représentants légaux y domiciliés

[Adresse 1]

[Localité 1]



Représentée par Me Charles-Hubert OLIVIER de la SCP LAGOURGUE & OLIVIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0029

Assistée de Me Olivia COLMET DAAGE de la SCP LASSERI SCETBON ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0346



INTIME



Monsieur [N] [X]

[Adresse 2]

[Localité 2]



Représenté par Me Joëlle VALLET-PAMART, avocat au barreau de PARIS, toque : D1476

Assisté de Me D'ORNANO Thierry, avocat au barreau de MARSEILLE





COMPOSITION DE LA COUR :



L'affaire a été débattue le 10 Juin 2014, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Paule MORACCHINI, Présidente

Madame Caroline FÈVRE, Conseillère

Madame Muriel GONAND, Conseillère

qui en ont délibéré



Greffier, lors des débats : Madame Marie GIRAUD



ARRET :



- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Paule MORACCHINI, président et par Madame Josélita COQUIN, greffier présent lors du prononcé.



Par jugement rendu le 24 novembre 2010, le tribunal de commerce de Paris a:

- dit que Monsieur [X] est recevable à exercer le droit de retrait litigieux de la créance résultant de l'arrêt rendu contre lui par la cour d'appel de Fort de France le 31 mars 2006,


- fait injonction à la société NACC de verser aux débats, l'intégralité de l'acte de cession régularisé le 12 octobre 2007 et de l'acte authentique de réitération du 20 novembre 2007, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, passé le délai de 15 jours de la signification du jugement, et pendant une période de 30 jours, à l'issue de laquelle il sera, le cas échéant, à nouveau fait droit,

- condamné la société NACC à verser à Monsieur [X] la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire,

- condamné la société NACC aux dépens.



La société NACC a interjeté appel de ce jugement.



Par arrêt du 18 novembre 2011, la Cour d'appel de Paris :

- a infirmé le jugement en toutes ses dispositions, et y ajoutant,

- a déclaré irrecevables les demandes de Monsieur [X] aux fins de voir dire qu'il est fondé à exercer le retrait litigieux de la créance résultant de l'arrêt rendu contre lui par la cour d'appel de Fort de France le 31 mars 2006, fixer le prix de la créance litigieuse, déclarer satisfactoire son offre de paiement et dire libératoire la consignation constatée par procès-verbal d'huissier du 9 juin 2011,

- débouté les parties de leurs au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel,

- condamné Monsieur [X] aux dépens de première instance et d'appel.



Monsieur [X] a formé un pourvoi en cassation contre l'arrêt de la cour d'appel.



Par arrêt rendu le 26 mars 2013, la Cour de cassation a cassé et annulé, dans toutes ses dispositions l'arrêt rendu par la Cour d'appel.



Par déclaration reçue au greffe le 23 avril 2013, la société NACC a saisi la cour de renvoi.



Par déclaration reçue au greffe le 2 juillet 2013, Monsieur [X] a également saisi la cour de renvoi.



Par ordonnance du 22 octobre 2013, les deux procédures ont fait l'objet d'une jonction.



Dans ses dernières conclusions signifiées le 6 septembre 2013, la société NACC demande à la Cour :

- de la dire recevable et bien fondée en son appel,

- d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- statuant à nouveau,

- de constater que le droit cédé est la créance que la banque BFCOI détenait à l'encontre de la société SOMACO, créance admise à titre définitive par ordonnance du 5 février 2004,

- de constater que les conditions de l'exercice du retrait litigieux sur la créance principale cédée ne sont pas réunies en l'espèce,

- à titre subsidiaire, si la Cour considérait que Monsieur [X] disposait de la faculté d'exercer le retrait litigieux sur son engagement de caution,

- de constater que les conditions de l'exercice du retrait litigieux sur la créance détenue à l'encontre de Monsieur [X] et cédée, à titre accessoire, ne sont pas réunies en l'espèce,

- dans tous les cas,

- de dire que Monsieur [X] n'est pas recevable à exercer le retrait litigieux de la créance garantie et /ou du cautionnement,

- de constater que la méthode de calcul proposée par Monsieur [X] contrevient à la liberté contractuelle, volonté des parties et aux termes de l'article 1699 du Code civil,

- en conséquence,

- de débouter Monsieur [X] de ses demandes,

- de condamner Monsieur [X] à payer la somme de 15.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens d'appel et de première instance.



Dans ses dernières écritures signifiées le 5 mai 2014, Monsieur [X] demande à la Cour :

- de confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- y ajoutant, vu l'évolution du litige,

- de fixer le prix de la créance litigieuse cédée à la somme de 158.129,00 euros en principal,

- de dire qu'en offrant de payer cette somme, augmentée des intérêts à compter de la date de la cession, des frais et loyaux coûts, il a satisfait aux obligations de l'article 1699 du Code civil ,

- vu les articles 1257 et 1258 du Code civil,

- vu le procès-verbal d'offre réelle de Maîtres [W] & [T], huissiers de justice en date du 6 avril 2011 et le PV de consignation du 9 juin 2011 de la somme de 172.654,17 euros,

- de dire bonne et valable l'offre de paiement et libératoire la consignation faite,

- de condamner la société NACC à payer la somme de 10.000 euros en appel en application de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens de l'arrêt cassé et du présent arrêt.




SUR CE



Considérant que le 1er février 1999, la banque française commerciale de l'Océan indien (BFCOI) a consenti à la société Mascarine de commerce (SOMACO) un crédit de trésorerie mobilisable par billets à ordre, d'un montant de 2.000.000 francs, crédit renouvelé le 6 juillet 2001 et qui est parvenu à échéance le 10 octobre 2001; que le 1er mars 1999, la banque BFCOI a accordé à la société SOMACO un prêt de 3.000.000 francs remboursable en 72 mensualités ;



Considérant qu'aux termes de deux actes du 1er février 1999, Monsieur [X], gérant de la société SOMACO, s'est porté caution personnelle et solidaire de la société SOMACO auprès de la banque BFCOI, en garantie du remboursement des deux prêts, à hauteur de 1.000.000 francs pour le premier et de 3.000.000 francs pour le second, à majorer des intérêts contractuels, frais commissions et accessoires ;



Considérant que par jugement du 13 mars 2002, le tribunal mixte de commerce de Saint-Denis de la Réunion a ouvert le redressement judiciaire de la société SOMACO qui a été converti en liquidation judiciaire par jugement du 22 mai 2002 ; que la banque BFCOI a déclaré sa créance au passif de la société SOMACO pour un montant de 513.079,88 euros;



Considérant que par jugement du tribunal mixte de commerce de Fort-de-France du 26 juin 2004, confirmé par arrêt de la cour d'appel de Fort-de-France du 31 mars 2006, Monsieur [X] a été condamné, au titre de ses deux engagements de caution, à payer à la banque BFCOI les sommes de 251.721,67 euros et 129.581,66 euros, augmentées des intérêts au taux légal à compter du 4 novembre 2002 ; que Monsieur [X] a formé un pourvoi contre cet arrêt qui a été déclaré non admis par arrêt du 3 juin 2009 ;







Considérant que par acte sous seing privé du 12 octobre 2007, réitéré en la forme authentique le 20 novembre 2007, la banque BFCOI a cédé à la société NACC un portefeuille de créances sur la société SOMACO, dont les deux créances susvisées ;



Considérant que par acte d'huissier du 6 août 2008, la société NACC a fait signifier à Monsieur [X] un extrait notarié de l'acte du 20 novembre 2007 ;



Considérant que par lettre du 30 octobre 2008, Monsieur [X] a fait connaître à la société NACC qu'il entendait exercer le retrait litigieux prévu par l'article 1699 du Code civil ; que par lettre du 20 novembre 2008, la société NACC a refusé de donner une suite favorable à la demande de Monsieur [X] ;



Considérant que c'est dans ces conditions que par acte d'huissier du 13 mars 2009, Monsieur [X] a assigné la société NACC devant le tribunal de commerce de Paris ;



Considérant que la société NACC soutient que les conditions du retrait litigieux sur la créance ne sont pas remplies ; qu'elle prétend en premier lieu que le retrait litigieux n'est possible que lorsque qu' il y a procès et contestation sur le fond du droit au moment de la cession de créance, qu'en l'espèce la créance à l'encontre de la société SOMACO était devenue définitive en raison de son admission au passif le 5 février 2004, que cette admission a autorité de chose jugée et que la créance n'avait donc pas de caractère litigieux au moment de la cession ; qu'elle ajoute qu'il ressort de l'assignation du 13 mars 2009 que Monsieur [X] ne conteste ni le principe, ni le montant de la créance détenue à l'encontre de la société SOMACO ; qu'elle rappelle que l'engagement de caution ne constitue pas l'élément essentiel de la cession, mais seulement un accessoire attaché à celle-ci et que la contestation relative à l'accessoire, sans remettre en cause l'existence même du droit ou son étendue, ne permet pas à la caution d'exercer le retrait litigieux en l'absence de contestation sur le fond de la créance ; qu'elle allègue en second lieu que le prix de cession de la créance de la société SOMACO n'est pas isolé dans l'acte de cession de créances, qui porte sur plusieurs créances et que la cession a été réalisée pour un prix forfaitaire et global, rendant impossible la détermination du prix de chaque créance cédée ; qu'elle affirme en troisième lieu que les conditions du retrait litigieux de l'engagement de caution de Monsieur [X] ne sont pas remplies; qu'elle estime que contrairement aux dires de Monsieur [X], l'acte de caution n'a pas été cédé pour lui-même, qu'elle ignorait au jour de la cession que la créance cédée serait irrecouvrable et que le cautionnement de Monsieur [X] n'est pas la créance principale de la cession ; qu'elle considère que le cautionnement doit être litigieux et qu'en l'espèce Monsieur [X] ne conteste pas la validité de son cautionnement et son montant, ni le montant de la créance détenue par la banque BFCOI à l'encontre de la société SOMACO ;



Considérant qu'en réponse, Monsieur [X] fait valoir qu'il a bien la qualité de défendeur dans l'instance ayant pour objet les droits que la banque BFCOI voulait faire reconnaître contre lui en vertu de l'acte de cautionnement, droits qui ont été cédés à la société NACC ; qu'il affirme qu'en sa qualité de caution solidaire, il est recevable à exercer le droit de retrait pour la créance que le cessionnaire a contre lui, au titre du contrat de cautionnement, dès lors que cette créance a un caractère litigieux à son égard ; qu'il précise que sa contestation était toujours en cours lors de la cession de créances du 12 octobre 2007 et lorsqu'il a exercé son droit de retrait le 30 octobre 2008, puisqu'il a formé un recours en cassation le 31 mars 2008 contre l'arrêt de la cour d'appel du 31 mars 2006, signifié à partie le 28 mars 2008 ; qu'il fait observer qu'en raison de la liquidation judiciaire de la société SOMACO ouverte le 22 mai 2002, seuls les droits cédés contre la caution avaient une valeur pécuniaire le 12 octobre 2007 ; qu'il mentionne que sa contestation, objet du procès en cours au moment de la cession, portait sur l'étendue de son engagement de caution et qu'elle portait bien sur le fond du droit ; qu'il prétend en outre que la cession d'un bloc de créance pour un prix forfaitaire et unique ne fait pas obstacle à l'exercice du retrait litigieux, dès lors que les créances sont individualisées et que la société NACC a acheté 10 créances individualisées, pour un prix égal à 29,72% de leur valeur nominale ;



Considérant qu'aux termes de l'article 1699 du Code civil, 'celui contre lequel on a cédé un droit litigieux peut s'en faire tenir quitte par le cessionnaire, en lui remboursant le prix réel de la cession avec les frais et loyaux coûts, et avec les intérêts à compter du jour où le cessionnaire a payé le prix de la cession à lui faite' ;



Qu'aux termes de l'article 1700 du Code civil, 'la chose est censée litigieuse dès qu'il y a procès et contestation sur le fond du droit' ;



Considérant que le retrait litigieux, institué par les articles susvisés, a un caractère exceptionnel imposant une interprétation stricte ;



Considérant qu'en l'espèce, la banque BFCOI a cédé à la société NACC, par acte du 12 octobre 2007, réitéré par acte authentique du 20 novembre 2007, les créances qu'elle détenait sur la société SOMACO et qu'il est précisé que 'les droits résultant des créances incluront sans limitation toutes les sûretés détenues par la société cédante relatives aux créances concernées pour quelque raison que ce soit' ; que les deux engagements de cautions de Monsieur [X] à l'égard de la société SOMACO et au profit de la banque BFCOI, ont ainsi été cédés à la société NACC, à titre d'accessoires des créances cédées ;



Considérant que la créance principale de la banque BFCOI à l'encontre de la société SOMACO, a fait l'objet d'une admission définitive au passif de la société SOMACO, suivant ordonnance du juge commissaire en date du 5 février 2004 et que cette ordonnance a autorité de chose jugée ;



Considérant qu'il ressort des pièces versées aux débats que par lettre du 29 octobre 2007, la société NACC a avisé Maître [Y], mandataire judiciaire de la société SOMACO, de la cession de créance intervenue à son profit le 12 octobre 2007 et lui a demandé de l'informer 'de l'état d'avancement des procédures en cours dans cette affaire et notamment si l'action en responsabilité engagée à l'encontre de la CRCAMR et de la SOFIDER a abouti et dans l'affirmative, si nous pouvons espérer une prochaine répartition';



Considérant que la société NACC rappelle que ce n'est que 10 mois plus tard et en l'absence de toute répartition à son profit, qu'elle a fait signifier à Monsieur [X], par acte d'huissier du 6 août 2008, la cession à son bénéfice par la banque BFCOI d'une créance sur la société SOMACO ;



Considérant par ailleurs que l'acte de cession du 12 octobre 2007 ne vise pas expressément l'engagement de caution de Monsieur [X] ;



Considérant dans ces conditions que la créance à l'encontre de Monsieur [X] n'est pas l'élément déterminant du prix de cession et que c'est à tort que le tribunal a estimé que la société NACC avait entendu acquérir l'accessoire de la créance, plus que la créance elle-même ;



Considérant que la créance cédée est donc bien essentiellement la créance principale détenue par la banque à l'encontre de la société SOMACO, l'engagement de caution de Monsieur [X] ne constituant qu'un accessoire de cette créance ;



Considérant en conséquence qu'en l'absence de caractère litigieux de la créance principale, ayant fait l'objet d'une admission définitive au moment de la cession, Monsieur [X], qui n'est pas non plus le débiteur cédé, ne remplit pas les conditions pour exercer le retrait litigieux ; que, d'autre part, le cautionnement ne saurait être considéré comme litigieux, au sens des textes précités, puisqu'il n'a pas été cédé en tant que tel et pour lui même, mais seulement à titre accessoire, à la société NACC ;



Considérant que Monsieur [X] doit dès lors être déclaré irrecevable en sa demande tendant à exercer le droit de retrait litigieux ;



Considérant que Monsieur [X], qui succombe, supportera ses frais irrépétibles et les dépens de première instance et d'appel ;



Considérant que l'équité n'impose pas de faire application de l'article 700 du Code de procédure civile au profit de la société NACC et que sa demande de ce chef doit être rejetée ;





PAR CES MOTIFS



Infirme le jugement déféré en toutes ses autres dispositions.



Statuant à nouveau,



Déclare Monsieur [X] irrecevable en sa demande tendant à exercer le droit de retrait litigieux de la créance cédée à titre accessoire à la société NACC.



Dit n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.



Déboute les parties de toutes autres demandes.



Condamne Monsieur [X] aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.





LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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