6 février 2007
Cour de cassation
Pourvoi n° 06-82.601

Chambre criminelle

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2007:CR00800

Titres et sommaires

CUMUL IDEAL D'INFRACTIONS - fait unique - pluralité de qualifications - discrimination syndicale et harcèlement moral - double déclaration de culpabilité - possibilité (non)

Est justifiée la décision des juges du fond qui déclare constitués, en raison des mêmes agissements d'un prévenu, les délits de discrimination syndicale et de harcèlement moral prévus par les articles L. 481-3 du code du travail et 222-33-2 du code pénal qui sanctionnent la violation d'intérêts distincts

Texte de la décision

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le six février deux mille sept, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller GUIRIMAND, les observations de la société civile professionnelle GATINEAU, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général MOUTON ;
REJET du pourvoi formé par X... Max, contre l'arrêt de la cour d'appel de Besançon, chambre correctionnelle, en date du 28 février 2006, qui, pour entraves à la libre désignation des membres du comité d'entreprise et à son fonctionnement régulier, entrave à l'exercice des fonctions d'un délégué du personnel, discrimination syndicale et harcèlement moral, l'a condamné à douze mois d'emprisonnement dont neuf mois avec sursis et mise à l'épreuve ainsi qu'à 5 000 euros d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 485,486,591,592 et 593 du code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt attaqué n'a pas mentionné quelle était la composition de la cour lors du délibéré ;
" alors que l'article 486 du code de procédure pénale dispose que la minute du jugement mentionne les noms des magistrats qui l'ont rendu ; que tout jugement doit établir par lui-même la preuve de la régularité de la composition de la juridiction qui l'a rendu ; qu'en l'espèce, si l'arrêt mentionne expressément le nom de trois magistrats au titre de la composition de la cour « lors des débats et au prononcé de l'arrêt », il omet en revanche de mentionner la composition lors du délibéré ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a privé, en la forme, sa décision des conditions essentielles de son existence légale " ;
Attendu que, si l'arrêt attaqué indique seulement la composition de la cour d'appel lors des débats et du prononcé de l'arrêt, il ressort de ses autres mentions qu'à l'issue des débats à l'audience du 24 janvier 2006, l'affaire a été mise en délibéré au 28 février suivant et qu'à cette dernière date, la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, a effectivement statué ;
Attendu qu'en cet état, le grief allégué n'est pas encouru, dès lors que les énonciations de l'arrêt impliquent que les mêmes juges étaient présents lors des débats, du délibéré et du prononcé de la décision ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 132-19, L. 132-12, L. 483-1 du code du travail,591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Max X... coupable des faits qui lui sont reprochés et de l'avoir condamné à la peine de douze mois d'emprisonnement dont neuf mois avec sursis et mise à l'épreuve pendant deux ans avec obligation d'indemniser la victime et 5 000 euros d'amende ainsi qu'à verser la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts à Jean-Pierre Y... et 1 500 euros à l'Union locale du syndicat CGT ;
" aux motifs propres qu'en novembre 2001, Max X... adressait à la direction du travail une demande d'autorisation de suppression du comité d'entreprise ; avant le 29 novembre 2001 le renouvellement du comité d'entreprise et des délégués du personnel devait être organisé ; que Max X... n'a procédé qu'aux seules élections de délégués du personnel en omettant de faire élire un comité d'entreprise ; que le 21 janvier 2002, malgré un rappel de l'administration, le renouvellement du comité d'entreprise n'était toujours pas effectué ; que Max X... sollicitait une nouvelle fois l'autorisation de le supprimer ayant décrété par avance le 14 décembre 2001 sa suppression ; que, le 29 janvier 2002, l'administration refusait la suppression de l'institution et dès lors aucune élection professionnelle visant à renouveler les mandats du comité d'entreprise n'avait eu lieu ; que, le 27 mars 2002 un accord d'établissement était signé entre les employeurs et le délégué syndical relatif à la création d'une délégation unique du personnel ; mais cette mise en place n'est possible qu'à l'occasion de la constitution du comité d'entreprise ou lors de son renouvellement (article L. 431-1-1 du code du travail) ; qu'il n'existait plus de comité d'entreprise depuis le 29 novembre 2001 Max X... soutient qu'il y a eu prorogation des mandats des membres du comité d'entreprise, mais que celle-ci est possible à condition de respecter la procédure de l'article L. 132-12 du code du travail, à savoir un accord collectif d'entreprise ; que, concernant la périodicité des réunions de la délégation unique du personnel, l'article précité stipule que les réunions doivent se tenir au moins une fois par mois sur convocation de l'employeur ; que deux réunions doivent avoir lieu, l'une à la suite de l'autre selon les règles propres à chaque instance ; qu'en 2003, une réunion s'est déroulée le 18 février 2003, une autre le 11 avril 2003, cela fait une réunion tous les deux mois et non une fois par mois comme prévu par le texte ; qu'au cours des réunions de la délégation unique du personnel étaient mélangées les questions relevant du comité d'entreprise, des délégués du personnel ou des CHSCT ; que la délégation unique du personnel, en l'espèce effectuée irrégulièrement, n'implique pas la disparition du comité d'entreprise ; qu'il doit y avoir deux procès-verbaux distincts pour deux réunions qui se tiennent successivement ;
" et aux motifs adoptés, qu'aux termes du premier chef de prévention, il est reproché à Max X... d'avoir entravé le fonctionnement du comité d'entreprise en ne respectant pas les règles relatives à la libre désignation de ses membres en ne procédant pas au renouvellement de décembre 2001 à mars 2002 ; qu'il ressort du rapport de l'inspectrice du travail, que le renouvellement des délégués du personnel et des membres du comité d'entreprise devait avoir lieu avant le 29 novembre 2001, à défaut d'accord de prorogation de mandat, mais que seuls les délégués du personnel ont été renouvelés et qu'aucun accord de prorogation des mandats du comité d'entreprise n'a pas été signé ; qu'à l'argument de Max X..., selon lequel il y a eu prorogation des mandats des membres du comité d'entreprise, il est rétorqué dans le rapport de la direction départementale du travail que, certes, une telle prorogation est légalement possible, mais que pour être valable, elle doit être accomplie dans les formes, c'est-à-dire en l'occurrence par un accord collectif d'entreprise ou par accord d'entreprise préélectoral conclu au terme d'une procédure conforme à l'article L. 132-12 du code du travail ; qu'en l'occurrence, il est manifeste que, pour la période visée dans la prévention, Max X... n'a pas organisé d'élection à l'effet de renouveler les membres du comité d'entreprise et ne peut se prévaloir d'une prorogation des mandats des membres du comité d'entreprise réalisée dans des conditions légalement admissibles ; qu'il n'est pas sans intérêt de rappeler que, dès le 28 décembre 2001, la direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation rappelait au prévenu l'obligation d'organiser des élections, ce qui démontre de plus fort que la prorogation des mandats alléguée n'était pas reconnue par l'autorité compétente ; que, dès lors, l'infraction est constituée ; qu'aux termes du deuxième chef de prévention, il est reproché à Max X... d'avoir entravé le fonctionnement du comité d'entreprise, de mars 2002 à avril 2003, en ne respectant pas les règles relatives à la périodicité des réunions, en l'espèce, en mettant en place une délégation unique du personnel sans consultation du comité d'entreprise avec une périodicité au mieux tous les deux mois alors que le code du travail prévoit au minimum une périodicité d'un mois ; que Max X... ne saurait sérieusement discuter que la création d'une délégation unique du personnel a été instituée en contravention aux dispositions de l'article L. 431-1-1 du code du travail, dans la mesure où la mise en place d'une telle délégation n'est possible qu'à l'occasion de la constitution du comité d'entreprise ou lors de son renouvellement ; que l'accord invoqué par le prévenu, en date du 27 mars 2002, par lequel, selon lui, a été mise en place la délégation unique du personnel, est intervenu sans que le comité d'entreprise ait été consulté puisque précisément il n'existait plus depuis le 29 novembre 2001, date à laquelle il a été renouvelé ; qu'au sujet de la périodicité des réunions, l'inspectrice du travail a rappelé que, d'après l'article L. 431-1-1 du code du travail, les réunions doivent se tenir au moins une fois par mois ; qu'ainsi, pour la période allant du début de l'année 2003 jusqu'en avril de cette même année, il aurait dû y avoir quatre réunions, alors que le rapport de la direction départementale du travail de l'emploi et de la formation professionnelle fait état de la tenue de seulement deux réunions, soit le 18 février 2003 et le 11 avril 2003 ; que Max X... est par conséquent convaincu de l'infraction qui lui est reprochée à cet égard, étant observé que la démonstration de l'existence de ce deuxième chef de prévention a pour corollaire l'établissement du troisième ; qu'il est fait grief également à Max X... d'avoir, à Etupes, le 18 février 2003 et le 11 avril 2003, porté atteinte à l'exercice régulier des fonctions de délégué du personnel de la SA EBCI en omettant de convoquer Jean-Pierre Y... aux réunions de la délégation unique du personnel ; que, l'article L. 433-1, alinéa 1er, du code du travail précise que les suppléants assistent aux séances avec voix consultative ; qu'il importe de souligner que la mise en place d'une délégation unique du personnel, au demeurant effectuée irrégulièrement dans le cas d'espèce, n'implique pas la disparition du comité d'entreprise ; que la réunion des délégués du personnel et celle du comité se tiennent successivement donnant lieu à des procès-verbaux distincts ; que Max X... n'organisait qu'une seule réunion qualifiée d'hybride et qui faisait l'objet d'un seul procès-verbal dénommé en la circonstance compte-rendu de la réunion du comité d'entreprise et des délégués du personnel ; qu'aussi, en vue de ce genre de réunion, Jean-Pierre Y... devait être convoqué pour qu'il puisse y remplir pleinement la mission qui lui était dévolue de par son mandat représentatif ; qu'il est avéré et reconnu par le prévenu que Jean-Pierre Y... n'a pas été convoqué aux deux réunions énoncées dans la prévention ;
" alors qu'il peut être dérogé aux dispositions d'ordre public sur la durée des mandats des représentants du personnel par un accord unanime conclu entre l'employeur et les organisations syndicales représentatives dans l'entreprise ; qu'en l'espèce, Max X... soutenait avoir conclu le 7 janvier 2002 avec la CGT, seule organisation syndicale représentative dans l'entreprise, un accord d'entreprise de prorogation des membres du comité d'entreprise qu'il produisait (cf. conclusions p. 3, paragraphe 1) ; que, pour affirmer que ladite prorogation n'était pas valide, la cour d'appel s'est contentée d'affirmer qu'elle ne respectait pas la procédure de l'article L. 132-12 du code du travail pourtant relative aux conventions collectives de branche et accords professionnels, et non aux accords d'entreprise ; qu'en statuant ainsi, sans nullement caractériser en quoi ledit accord n'était pas un accord d'entreprise au sens des articles L. 132-19 et suivants du code du travail, conclu de façon unanime avec les organisations syndicales représentatives dans l'entreprise, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
" alors que le prévenu, déclaré coupable de n'avoir pas renouvelé les membres d'un comité d'entreprise, ne saurait de surcroît être déclaré coupable de n'avoir pas consulté ce comité ; qu'il s'agit, en effet, des mêmes facettes d'un délit unique, celui de non-renouvellement du comité d'entreprise ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a pourtant déclaré Max X... non seulement coupable de n'avoir pas renouvelé le comité d'entreprise, mais également de n'avoir pas consulté ce dernier lors de la création d'une délégation unique ; qu'en prononçant plusieurs déclarations de culpabilité, quant elle devait n'en retenir qu'une, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
" alors qu'est irrecevable l'action civile d'un salarié en cas d'entrave apportée au fonctionnement du comité d'entreprise ; qu'en déclarant l'action civile de Jean-Pierre Y... recevable et en condamnant Max X... à verser à Jean-Pierre Y... la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts, la cour d'appel a violé les textes susvisés ; " alors que les juridictions de jugement doivent respecter les termes de la citation directe qui les saisit ; qu'en l'espèce, il résulte des termes de la citation que Max X... était poursuivi pour n'avoir pas respecté la périodicité des réunions de la délégation unique du personnel ; qu'ainsi, limitativement saisie, la cour d'appel ne pouvait reprocher à Max X... d'avoir mélangé au cours des réunions de la délégation unique les questions relevant du comité d'entreprise, des délégués du personnel ou du CHSCT et d'avoir établi un procès-verbal unique " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué, du jugement et du procès-verbal de l'inspection du travail, base de la poursuite, que Max X..., président de la société EBCI, a été poursuivi devant la juridiction répressive pour avoir, notamment, refusé de procéder au renouvellement du comité d'entreprise, ainsi que pour avoir, sans consultation de cet organisme, institué et réuni irrégulièrement une délégation unique du personnel ;
Attendu que, pour dire la prévention établie, l'arrêt, confirmant le jugement entrepris sur la culpabilité, retient que, malgré le refus de l'inspecteur du travail, en date du 29 janvier 2002, d'autoriser la suppression du comité d'entreprise demandée par Max X... et malgré le rappel fait à ce dernier de son devoir d'organiser les élections en vue du renouvellement dudit comité, le prévenu n'a pas satisfait à ses obligations et a mis en place le 27 mars 2002, sans consultation du comité d'entreprise, une délégation unique du personnel qu'il n'a pas réunie mensuellement, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 431-1-1 du code du travail ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, et abstraction faite des autres motifs erronés ou surabondants mais non déterminants, critiqués dans les première et quatrième branches du moyen, la cour d'appel, qui a répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et exactement déclaré constituées les deux infractions d'entrave imputées au prévenu, en l'absence de toute mesure de suppression du comité d'entreprise que seule l'autorité administrative était habilitée à autoriser, a justifié sa décision ;
Que, par ailleurs, contrairement à ce que soutient le demandeur, Jean-Pierre Y..., délégué du personnel suppléant, qui s'est constitué partie civile, a obtenu des dommages-intérêts, non pas sur le fondement des délits d'entrave retenus à la charge de Max X..., mais en réparation des faits de harcèlement moral également imputés au prévenu ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 132-1 à 132-7 du code pénal,551 du code de procédure pénale,6 § 3 de la Convention européenne des droits de l'homme,591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Max X... coupable des faits qui lui sont reprochés et de l'avoir condamné à la peine de douze mois d'emprisonnement dont neuf mois avec sursis et mise à l'épreuve pendant deux ans avec obligation d'indemniser la victime et 5 000 euros d'amende ainsi qu'à verser la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts à Jean-Pierre Y... et 1 500 euros à l'Union locale du syndicat CGT ;
" aux motifs propres que, depuis que le ministère du travail a, le 18 septembre 2002, rejeté le recours formé par Max X... à l'encontre de la décision de refus par l'inspection du travail le 9 avril 2002 d'autoriser le licenciement de Jean-Pierre Y... (refus motivé par l'exercice des mandats électifs) Jean-Pierre Y... a été victime d'une campagne de discrédit de la part de son employeur ; que celui-ci, dont la qualification est celle de chef d'équipe, n'est plus affecté sur des chantiers ; qu'il lui est demandé d'effectuer seul des travaux de nettoyage du dépôt et du matériel (cf. relevés journaliers d'activité) ; que, le 18 avril 2003, il lui est reproché d'avoir nettoyé un véhicule en dépit du bon sens ; que Max X... va décrire par écrit Jean-Pierre Y... comme un salarié fou dangereux pour le personnel, qu'il risque de tuer quelqu'un, ayant un comportement belliqueux et provocateur (cf. projet de lettre au médecin du travail) ; que, le 28 février 2003, le médecin du travail reçoit Jean-Pierre Y... et conclut que celui-ci est apte à son poste de chef d'équipe et que la tenue de son poste ne constitue aucun danger ; que, malgré cet avis, ce salarié est maintenu au dépôt dans des tâches qui n'ont rien à voir avec celles correspondant à un chef d'équipe de niveau IV, position 1, coefficient 250, puisqu'en réalité il accomplit des tâches d'un niveau I position 1 ; qu'il s'agit d'une modification du contrat de travail imposée par l'employeur ; qu'il était constaté que certaines périodes passées à l'entrepôt n'étaient pas rémunérées ; exemple : sur le mois d'avril 2003, il n'y a pratiquement pas de fiches de travail alors que, Jean-Pierre Y... les a remplies ; que, le 19 mars 2003, Max X... rédige un courrier lui demandant de se rendre à Mulhouse avec son véhicule pour une durée exceptionnelle, c'est-à-dire la durée du chantier, à partir du 20 mars ; que, le 11 avril 2003, lors de la réunion du comité d'entreprise, M. Z...demande à Jean-Pierre Y... pourquoi cette demande alors que d'autres chefs d'équipe dans le même temps utilisent les véhicules de l'entreprise ; qu'aucune réponse n'est fournie et la direction refuse de transporter Jean-Pierre Y... avec les véhicules de l'entreprise alors que, dès 1998, Max X... a indiqué que le transport collectif était la règle ; que l'employeur est incapable de fournir d'autres cas d'utilisation de véhicule personnel et l'entreprise a suffisamment de véhicules pour transporter tout le monde ; que Max X... estime également que Jean-Pierre Y... représente l'entreprise auprès du client et architecte, ce qui explique qu'il doit utiliser un transport indépendant des ouvriers ; que, l'inspection du travail a analysé la définition de chef d'équipe de la convention collective et la mission de représentation attachée aux chefs d'équipe de position 2, ce qui n'est pas le cas de Jean-Pierre Y... ; qu'en réalité, tous les chefs d'équipe utilisent les véhicules de l'entreprise pour se rendre sur les chantiers ; qu'il faut savoir que Max X... a auparavant agi de la même manière à l'égard de M. Z..., ainsi que cela ressort d'un échange de courriers au dossier ; que Max X... n'a jamais admis l'impossibilité qui lui était opposée par l'administration de se séparer de son salarié protégé et a tout tenté pour le pousser à partir ; que le tribunal a, par une motivation complète, démontré que Max X... faisait fi des lois imposées par le code du travail ; " et aux motifs adoptés que les bulletins de salaire de Jean-Pierre Y... correspondant à la période considérée précisent que ce dernier occupait la fonction de chef d'équipe, niveau IV, position 1, coefficient 250 ; qu'il est acquis que Jean-Pierre Y..., à divers moments, a été affecté au dépôt d'Etupes où son travail consistait à vérifier le matériel et au besoin de le nettoyer ; qu'en clair, Jean-Pierre Y... exécutait de simples tâches d'entretien ainsi que le confirment les relevés journaliers ; qu'une lettre, en date du 18 avril 2003, provenant de l'entreprise, fait même le reproche à l'intéressé d'avoir nettoyé un (véhicule) boxer " en dépit du bon sens " ; que l'inspectrice du travail souligne très pertinemment que le fait d'affecter un chef d'équipe, censé, d'après la convention collective du bâtiment applicable à la société EBCI, " occuper des emplois de haute technicité et conduire de manière habituelle une équipe dans sa spécialité ", à des tâches de simple exécution réalisées normalement par un ouvrier de niveau I position 1, constitue une modification du contrat de travail qui ne peut être imposée à un salarié et encore moins à un représentant du personnel ; que bien d'autres circonstances peuvent être citées au titre des mesures discriminatoires infligées à Jean-Pierre Y... telles que le refus de laisser ce dernier utiliser les transports collectifs que l'entreprise mettait à la disposition des ouvriers, y compris des autres chefs d'équipe, pour le déplacement vers des chantiers situés à plusieurs dizaines de kilomètres du siège de la société, l'intéressé devant dès lors faire usage de son véhicule personnel, le refus de payer des primes de panier au motif que Jean-Pierre Y... pouvait prendre ses repas à son domicile, des retenues sur salaire au prétexte d'heures non travaillées, observation devant être faite à cet égard que Jean-Pierre Y..., s'étant vu refuser un moyen de transport collectif de l'entreprise pour se rendre sur un chantier tel que celui de Mulhouse, s'était présenté au " dépôt ", autre lieu de travail qui lui était assigné quelquefois par l'employeur où il devait réaliser des tâches décrites ci-dessus, situation qui était dès lors assimilée par l'employeur à des " heures non travaillées " ; qu'il ressort de façon manifeste des éléments du dossier que l'appartenance syndicale de Jean-Pierre Y... et sa qualité de représentant du personnel ont été la cause exclusive des brimades et mesures discriminatoires dont il a été l'objet, bien que Max X... s'en défende en utilisant au demeurant des arguments malaisés, voire à contresens de son propre système de défense ; que c'est ainsi que Max X... a justifié l'exigence formée à l'égard de Jean-Pierre Y..., en ce qui concernait l'utilisation de son véhicule personnel pour se rendre sur les chantiers extérieurs, en exposant que " celui-ci peut être amené à effectuer un horaire différent de celui des ouvriers qu'il dirige, notamment à l'occasion de la préparation des chantiers et réunions de chantiers... " alors pourtant que les salariés et chefs d'équipe interrogés par Mme A...ont précisé à cette dernière que " les chefs d'équipe font exactement les mêmes horaires que les ouvriers de chantier " ; que, ce dernier chef de prévention communément appelé harcèlement moral vise à réprimer notamment le comportement de l'employeur, caractérisé par des agissements répétés, qui ont eu pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail du salarié susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; que, le législateur, en employant la formule floue " d'agissements répétés ", a voulu laisser au juge le soin de rechercher si une personne a adopté vis-à-vis d'une autre un comportement objectivement critiquable au point d'entraîner l'application de la loi pénale à son égard ; qu'aussi et contrairement à ce que soutient le prévenu, la citation pouvait parfaitement se limiter à viser les " agissements répétés " de Max X..., tout en précisant la période de leur commission et les effets qu'ils ont provoqués, sans indiquer précisément en quoi ont consisté ces agissements ; que, les conclusions du rapport de la direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle sont explicites au sujet des agissements imputables à Max X... et des conséquences que ceux-ci ont provoquées chez Jean-Pierre Y... : " la dégradation des conditions de travail est établie par le fait que Jean-Pierre Y... est privé de moyens de travail, est resté au dépôt pour effectuer des tâches de nettoyage, tâches humiliantes et dégradantes, voire ne rien faire les jours où la direction ne lui donnait aucune mission, s'est vu refuser, depuis février 2003, l'utilisation des véhicules de chantier mis à disposition par l'entreprise pour effectuer des trajets de plus de 100 kilomètres par jour " ; qu'aux éléments précités, il convient d'ajouter les retenues sur salaire, le défaut de paiement des primes de panier ; qu'il n'est pas indifférent de rappeler une situation qui, bien qu'elle ne puisse être mise au rang des agissements fautifs, concrétise toutefois l'acharnement de l'employeur à vouloir nuire à son salarié, à savoir que Max X... a eu la volonté de procéder au licenciement de Jean-Pierre Y..., volonté qui n'a pas abouti du fait du refus opposé par les autorités administratives compétentes à autoriser le licenciement de ce salarié protégé ; qu'il est indéniable que les faits évoqués plus haut ont provoqué une dégradation des conditions de travail de Jean-Pierre Y... ; que, ce dernier, alors qu'il aurait dû occuper pleinement des fonctions de chef d'équipe, a été discrédité vis-à-vis de ses collègues de travail en raison des tâches sous-qualifiées qui lui étaient confiées ; qu'il s'est retrouvé dans une situation financière difficile ; qu'enfin, sa santé tant physique que mentale en a été altérée puisqu'il est en arrêt de travail consécutivement à ces faits, son évolution de carrière dans l'entreprise, voire son avenir professionnel tout simplement en étant de toute évidence compromis ; Max X... sera donc également reconnu coupable de ces deux derniers chefs de prévention, considération faite que les actes de discrimination et le harcèlement moral, bien que fondés sur le même comportement de la part du prévenu, ne représentent pas un " cumul idéal de qualifications " dès lors que les intérêts ou valeurs sociales protégés par l'une et l'autre des infractions invoquées sont distincts, la prévention de harcèlement moral s'appliquant à Jean-Pierre Y... en tant que salarié " ordinaire ", alors que celle de discriminations vise au cas particulier l'employé pourvu d'un mandat représentatif ; qu'au moment de la commission des faits qui sont reprochés à Max X..., le casier judiciaire de ce dernier comportait déjà deux condamnations pour des infractions à la législation du travail ; que, par ailleurs, compte tenu d'une condamnation prononcée en janvier 2005 pour des faits commis à l'égard de M. Z..., autre délégué syndical et représentant du personnel dans l'entreprise EBCI, il n'apparaît pas exagéré de prétendre que Max X...a fait montre d'une aversion quasiment pathologique envers les institutions représentatives du personnel ; que, dans ces conditions, seule une sanction empreinte d'une certaine sévérité sera de nature à rappeler à ce prévenu, qui, bien qu'il ne soit plus le dirigeant de la société EBCI, est encore appelé à y exercer des fonctions influentes, d'une part, que certaines méthodes relatives à la gestion d'une entreprise ne sont pas de mise et, d'autre part, que des normes tenant à l'existence et au fonctionnement des institutions représentatives du personnel et visant au respect des personnes qui les composent, doivent être respectées ; que par ailleurs, il y aura lieu d'ordonner l'affichage et la publication d'un extrait du jugement conformément aux dispositions de l'article L. 152-1-1, alinéa 2, du code du travail ;
" alors que la citation doit mettre en mesure le prévenu de connaître avec précision les faits qui lui sont reprochés ; que, ne satisfait pas à cette exigence la citation qui se contente d'indiquer que son destinataire est prévenu d'avoir commis des agissements répétés de harcèlement moral sans préciser en quoi auraient consisté ces agissements ; qu'en l'espèce, Max X... soutenait que la citation dont il avait fait l'objet était nulle en ce qu'elle se contentait de lui reprocher des actes répétés de harcèlement moral sans énoncer aucun fait précis, le privant ainsi du droit d'exercer sa défense ; qu'en affirmant que la citation pouvait se contenter de viser « des agissements répétés » sans préciser en quoi ils avaient consisté, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
" alors que les juges sont tenus de répondre aux moyens des parties et d'examiner les pièces produites à leur soutien ; qu'en l'espèce, Max X... soutenait (conclusions p. 10 et suivantes) que, s'il n'avait pas payé durant onze jours les primes de panier c'était à raison de l'absence de Jean-Pierre Y... et que, de même, les retenues sur salaire faisaient suite à ses absences, ce dont Max X... justifiait ; que, de même, il exposait qu'aucune disposition du contrat de travail ou de la convention collective n'imposait à l'employeur de transporter collectivement le salarié de son domicile au chantier et produisait l'attestation de M. B... établissant qu'il arrivait à l'employeur de demander à ses salariés de venir par leurs propres moyens sur le chantier ; qu'en retenant néanmoins à l'encontre de Max X... le refus de payer les primes de panier, les retenues de salaire et le refus de transport collectif sans répondre à ces moyens ni analyser, ne serait-ce que sommairement, les pièces produites à leur soutien, la cour d'appel a violé les textes susvisés ; " alors qu'un même fait autrement qualifié ne peut entraîner une double déclaration de culpabilité ; que les faits de harcèlement moral d'un salarié à raison de son appartenance syndicale ne sauraient donner lieu à une double déclaration de culpabilité de discrimination syndicale et de harcèlement moral ; qu'en l'espèce, il résulte des termes de l'arrêt que l'appartenance syndicale et sa qualité de représentant du personnel de Jean-Pierre Y... ont été la cause exclusive des faits de harcèlement moral ; que la cour d'appel ne pouvait légalement se fonder sur ces mêmes faits pour déclarer le prévenu coupable, d'une part, de discrimination syndicale, d'autre part, de harcèlement moral " ;
Attendu qu'il résulte du jugement, de l'arrêt et des pièces de procédure que Max X... a également été poursuivi pour avoir, entre le mois d'avril 2002 et le mois de juin 2003, d'une part, pris en considération l'appartenance de Jean-Pierre Y... au syndicat auquel il était affilié, pour arrêter ses décisions relatives à la répartition du travail, la rémunération et l'octroi d'avantages sociaux, en l'affectant à des tâches dévalorisantes, en effectuant des retenues sur salaire illicites et en lui interdisant d'utiliser les moyens collectifs de transport de l'entreprise, et, d'autre part, pour avoir, au cours de la même période, harcelé ledit salarié par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d'entraîner une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé et de compromettre son avenir professionnel ;
Attendu que, pour dire l'infraction de discrimination syndicale établie, l'arrêt, confirmant le jugement entrepris, énonce notamment que Jean-Pierre Y..., affecté à des tâches ne correspondant pas à sa qualification, a subi des retenues sur salaire injustifiées et a été privé, contrairement aux autres membres de la société occupant des fonctions de nature identique aux siennes, des facilités de transport consenties gracieusement par l'entreprise pour effectuer les déplacements professionnels, ainsi que de divers avantages ;
Attendu que, pour déclarer Max X... également coupable de harcèlement moral au préjudice du même salarié, sur le fondement de l'article 222-33-2 du code pénal, les juges du fond relèvent que les diverses brimades auxquelles le prévenu a procédé de façon répétée ont entraîné la dégradation des conditions de travail de Jean-Pierre Y... ; qu'ils ajoutent que ce salarié, empêché d'exercer pleinement ses fonctions de chef d'équipe, a été discrédité vis-à-vis de ses collègues de travail, qu'il s'est retrouvé dans une situation financière difficile, que sa santé tant physique que mentale s'en est trouvée altérée, au point qu'il a été contraint, à la suite des faits, d'interrompre l'exercice de son activité, et que son avenir professionnel a été compromis ;
Que les juges énoncent enfin que, bien que procédant des mêmes agissements du prévenu, les infractions d'entrave à l'exercice du droit syndical et de harcèlement moral doivent être toutes deux retenues, dès lors que ces infractions sanctionnent la violation d'intérêts distincts ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, par des motifs caractérisant en tous leurs éléments constitutifs les délits retenus, la cour d'appel, qui a répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, a, en l'état des mentions de l'acte de poursuite, justifié sa décision sans méconnaître les textes légaux et conventionnel invoqués par le demandeur ; D'où il suit que le moyen ne peut être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Cotte président, Mme Guirimand conseiller rapporteur, M. Joly conseiller de la chambre ; Greffier de chambre : Mme Krawiec ; En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

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